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05/10/1976 | CANADA | N°[1977]_2_R.C.S._326

Canada | International Airport Industrial Park Ltd. c. Tanenbaum, [1977] 2 R.C.S. 326 (5 octobre 1976)


Cour suprême du Canada

International Airport Industrial Park Ltd. c. Tanenbaum, [1977] 2 R.C.S. 326

Date: 1976-10-05

International Airport Industrial Park Limited (Plaignant) Appelante;

et

Max Tanenbaum et Sheva Fischtein, Alan C. Wilson, exécuteurs de la succession de feu Motek Fischtein (Défendeur) Intimés.

1976: le 23 juin; 1976: le 5 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Ritchie, Spence et Beetz.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

International Airport Industrial Park Ltd. c. Tanenbaum, [1977] 2 R.C.S. 326

Date: 1976-10-05

International Airport Industrial Park Limited (Plaignant) Appelante;

et

Max Tanenbaum et Sheva Fischtein, Alan C. Wilson, exécuteurs de la succession de feu Motek Fischtein (Défendeur) Intimés.

1976: le 23 juin; 1976: le 5 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Ritchie, Spence et Beetz.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1977] 2 R.C.S. 326 ?
Date de la décision : 05/10/1976
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Contrats - Lien contractuel - Conventions écrites pour l’aménagement de terrains - Contrepartie - Requête de non-lieu accueillie en première instance.

L’appelante a poursuivi Tanenbaum et Motek Fischtein pour inexécution de contrat, alléguant que, selon des conventions écrites, ce dernier devait participer à un projet de mise en valeur de terrains appartenant à l’appelante. Le juge de; première instance a accueilli une requête de non-lieu au motif qu’il n’existait pas de lien contractuel entre Tanenbaum et l’appelante relativement à la convention de mise en valeur des terrains. La Cour d’appel a rejeté l’appel, sans motifs écrits. Au pourvoi, l’appelante a argué que le juge de première instance avait erré en concluant qu’il n’y avait pas de lien contractuel et en accueillant la requête de non-lieu.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

La convention n’a pas établi qu’il existait un lien contractuel entre l’appelante et Tanenbaum relativement à l’aménagement du terrain. De plus, même si l’on concluait à l’existence; d’un lien de droit, l’appelante n’aurait pas gain de cause, parce qu’elle n’a pas établi que Tanenbaum ou Fischtein n’ont pas exécuté leurs obligations.

Distinction faite avec l’arrêt: Adam v. Newbigging (1888), 13 App. Cas. 308.

POURVOI interjeté d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario rejetant, sans motifs écrits, un appel interjeté d’un jugement rendu en première instance par le juge O’Driscoll, accueillant une requête de non-lieu et rejetant une action pour inexécution de contrat. Pourvoi rejeté.

Claude R. Thomson, c.r., pour l’appelante.

B. Freesman et G.B. Cooper, pour les intimés.

[Page 327]

L’arrêt de la Cour a été rendu par

LE JUGE JUDSON — L’appelante, International Airport Industrial Park Limited, poursuit Max Tanenbaum et la succession de Motek Fischtein pour inexécution de contrat, demandant des dommages-intérêts et un jugement déclaratoire. Au cours du procès, le défendeur Tanenbaum a présenté une requête de non-lieu, au motif qu’il n’existait pas de lien contractuel entre lui et la demanderesse. Après avoir examiné deux conventions écrites, l’une entre Tanenbaum et Fischtein, l’autre entre Fischtein et International, le juge O’Driscoll a conclu que c’était le cas. Il a donc accueilli la requête de non-lieu et a rejeté l’action intentée contre les deux défendeurs, car la demanderesse avait indiqué qu’elle ne procèderait pas à l’encontre de la succession de Motek Fischtein seulement. La demanderesse en a appelé à la Cour d’appel de l’Ontario qui a rejeté l’appel, sans motifs écrits. Devant cette Cour, la demanderesse a cherché à établir que le juge du procès avait erré en concluant qu’il n’y avait pas de lien contractuel et en accueillant la requête de non-lieu.

Le dossier révèle les faits importants suivants. International Airport Industrial Park Limited, compagnie dont le président Louis Mayzel est actionnaire majoritaire, était propriétaire de 173 acres de terrain à Oakville (Ontario) connues sous le nom de «propriété Jackson». Le terrain était vacant. Il comprenait 38 acres à zonage industriel, le reste étant dans une zone agricole. Il était hypothéqué en faveur de John F. Easterbrook en garantie de $200,000 et était également grevé d’une hypothèque générale de $750,000 détenue par Jacob C. Oelbaum, fiduciaire, qui couvrait plusieurs propriétés appartenant à des compagnies où Louis Mayzel était actionnaire majoritaire. Ce dernier et son fils avaient personnellement garanti ces deux prêts hypothécaires.

En novembre 1965, l’hypothèque de $200,000 en faveur de Easterbrook était en instance de forclusion. Le délai de rachat avait été prorogé à la condition que $50,000 fussent payés au créancier hypothécaire le 4 décembre 1965 au plus tard, mais Mayzel et ses compagnies étaient sérieusement endettés et ne pouvaient pas remplir cette condition. Mayzel entra en contact avec plusieurs

[Page 328]

personnes, y compris Max Tanenbaum, en vue d’obtenir un financement. Mayzel a témoigné que Tanenbaum avait refusé de s’associer avec lui pour le terrain, mais qu’il avait indiqué qu’il pourrait être intéressé à l’acheter. Motek Fischtein finit par monter une opération pour «sauver» le terrain de la forclusion. Il fut convenu que Allan C. Wilson, fiduciaire pour un tiers qui n’était pas nommé, obtiendrait une cession des hypothèques et rachèterait la propriété. Le tiers non nommé, dont l’identité ne fut pas révélée à Mayzel, était Max Tanenbaum.

Le 8 novembre 1965, Mayzel signa au nom d’International un document déclarant que Jacob C. Oelbaum, fiduciaire, avait consenti à céder à International son hypothèque, pour autant qu’elle grevait la propriété Jackson, et son droit de racheter la propriété; qu’International consentait à ce que cette hypothèque fût cédée à Wilson, fiduciaire, contre paiement à Oelbaum de $20,000 plus $500 à titre de frais et qu’International consentait au transfert à Wilson, fiduciaire, de tous ses droits dans le terrain contre $16,000 (montant payé par International pour une prorogation du délai de rachat de l’hypothèque Oelbaum) et autre contrepartie. Cette convention fut signée par International seulement.

Le 30 novembre 1965, Jacob C. Oelbaum, fiduciaire, convint avec Wilson, fiduciaire, de lui céder son hypothèque relativement à la propriété Jackson contre paiement de $20,000. La cession fut enregistrée le 17 décembre 1965. Le 1er décembre 1965, Mayzel, au nom d’International, signa un acte de transfert en faveur de Wilson, fiduciaire, mais ne le remit pas avant le 4 février 1966.

Le 7 décembre 1965, Fischtein, qui avait obtenu le financement de Tanenbaum pour «sauver» International de la forclusion, signa la convention suivante avec Wilson, en qualité de fiduciaire de Tanenbaum:

[TRADUCTION] «ATTENDU que le fiduciaire (Wilson) est le propriétaire enregistré de certains terrains sis à Oakville décrits plus en détail à l’annexe A ci-jointe;

[Page 329]

ET ATTENDU qu’il a été convenu que le promoteur (Fischtein) aurait l’occasion de mettre en valeur et/ou de vendre lesdits terrains à certaines conditions;

EN CONSÉQUENCE, en contrepartie des engagements mutuels contenus dans les présentes et de la somme de un dollar ($1) dont le fiduciaire accuse réception, les parties ont convenu ce qui suit: —

1) Pendant une période de deux années à partir de la date des présentes, le promoteur et le fiduciaire agiront comme société, dont le seul objet est la mise en valeur et/ou la vente des terrains décrits à l’annexe A ci-jointe.

2) Toutes les décisions importantes en ce qui concerne la politique à suivre ou les dépenses seront prises en commun. Le fiduciaire fournira les fonds pour les honoraires des arpenteurs, ingénieurs et architectes, les frais juridiques et les droits locaux ou provinciaux pour le lotissement des terrains. Le promoteur entreprendra toute la planification et les négociations nécessaires aux fins du lotissement des terrains. Les bénéfices nets provenant de la mise en valeur et/ou de la vente des biens pendant les deux années seront répartis à raison de 50% pour chaque partie, que lesdits bénéfices soient reçus ou non pendant la durée de cette convention.

3) Au cas où un lotissement résidentiel et/ou tout autre aménagement commercial ou industriel, selon le cas, n’est pas approuvé par la ville d’Oakville, ou si les terrains ne sont pas vendus à la date d’expiration de la société établie par les présentes, le promoteur cessera d’avoir un droit quelconque dans lesdits terrains et n’aura droit à aucune rémunération pour services rendus à ladite société ou en son nom, autres que les bénéfices mentionnés au paragraphe 2 ci-dessus.

4) Le fiduciaire convient que le promoteur pourra traiter directement avec les personnes qui l’ont constitué fiduciaire, étant entendu qu’il n’a pas de droit personnel dans les terrains, qu’il n’a pas d’obligation personnelle relativement à sa fiducie et qu’il aura le droit de transférer les titres des biens en question à un détenteur pour compte ou à un fonctionnaire de la Cour s’il survient des différends graves entre le promoteur et les parties au nom desquelles le fiduciaire détient les biens en fiducie.»

On remarquera que cette convention décrit Wilson, le fiduciaire, comme le propriétaire enregistré de la propriété alors qu’en fait, le 7 décembre 1965 il n’avait pas de droit enregistré dans la propriété. Il avait une cession non enregistrée

[Page 330]

d’une seconde hypothèque et un acte de transfert non enregistré signé en sa faveur par le propriétaire enregistré, mais non encore remis.

Le 8 décembre 1965, Fischtein conclut la convention suivante avec International:

[TRADUCTION] «ATTENDU que Fischtein a conclu une convention avec Allan C. Wilson, fiduciaire, relativement à la mise en valeur de certains terrains et biens sis en la ville d’Oakville, décrits à l’annexe A ci-jointe;

ET ATTENDU qu’International désire participer à cette mise en valeur;

EN CONSÉQUENCE, le présent contrat constate qu’en contrepartie des engagements mutuels contenus dans les présentes, de la somme de deux dollars ($2) présentement payée par International à Fischtein et autre contrepartie, les parties ont convenu ce qui suit: —

1) Dès l’entrée en vigueur de la convention précitée entre Fischtein et Allan C. Wilson, fiduciaire, une société sera créée entre les parties en l’espèce en vertu de laquelle International aura droit à une part de 50% dans les bénéfices revenant à Fischtein en vertu de ladite convention et assumera 50% des obligations imposées à Fischtein par ladite convention.

2) La société envisagée par la présente prendra fin automatiquement dès l’expiration de la convention précitée entre Fischtein et Allan C. Wilson, fiduciaire et, en tous cas, à l’expiration d’une période de deux ans à partir de la date des présentes si Sa ville d’Oakville n’a pas approuvé le lotissement des terrains sis dans ladite ville, que ledit Motek Fischtein se propose de mettre en valeur. Il est toutefois entendu que si la ville d’Oakville n’a pas permis à Fischtein, par écrit et dans un délai de 20 mois à partir de fia date des présentes, de préparer un plan de lotissement, ledit Fischtein ne sera pas tenu d’accorder plus de temps et d’énergie à la mise en valeur envisagée.

3) International reconnaît avoir lu la convention précitée entre Fischtein et Allan C. Wilson, fiduciaire, et avoir signé ce contrat en pleine connaissance et compréhension de ses termes.

4) Il est convenu que si la partie de deuxième part aux présentes (International) enregistre cette convention ou cède ses droits en résultant, celle-ci deviendra automatiquement nulle et non avenue relativement au bénéfice revenant à ladite partie qui aura enregistré le

[Page 331]

contrat et elle sera assujettie à des dommages-intérêts pour inexécution de ce contrat.»

Les deux conventions furent préparées sur les instructions de Fischtein par le cabinet de Wilson, son avocat. Wilson n’avait pas d’instructions directes de Tanenbaum, mais a témoigné que la convention entre Wilson, fiduciaire, et Fischtein était conforme à deux opérations antérieures auxquelles Tanenbaum et Fischtein avaient participé. Wilson a de plus témoigné, qu’en ce qui concerne Tanenbaum, Fischtein était libre de disposer des droits de ce dernier dans l’opération de la façon qu’il voulait.

Dans un document subséquent signé le 8 décembre 1965, les avocats d’International ont conclu une convention d’entiercement avec Wilson, fiduciaire, qui disposait que:

«ATTENDU qu’Allan C. Wilson, fiduciaire, a accepté une cession de l’hypothèque n° 149173 telle que cédée à Jacob C. Oelbaum, fiduciaire, selon une cession d’hypothèque enregistrée sous le n° 160472 et de racheter les biens y hypothéqués.

ET ATTENDU qu’International Airport Industrial Park Limited a dépensé la somme de $16,000 pour proroger le délai de rachat en vue de terminer les procédures desdites cessions et. dudit rachat.

ET ATTENDU qu’il a été convenu que ladite somme de $16,000 serait remboursée à International Airport Industrial Park Limited dès exécution du rachat et enregistrement d’une ordonnance définitive de forclusion.

EN CONSÉQUENCE DE QUOI, en considération des présentes et des obligations mutuelles y contenues et autre contrepartie, les parties ont convenu ce qui suit: —

1) Les parties de première part (les avocats d’International) remettront à la partie de deuxième part (Wilson) les documents suivants: —

a) Cession de tous ses droits dans une convention d’achat de la susdite hypothèque à Jacob C. Oelbaum.

b) Acte de transfert — Falgarwood Homes Limited (une compagnie appartenant à Mayzel qui était propriétaire enregistré de la propriété avant International) en faveur de Allan C. Wilson, fiduciaire.

c) Acte de transfert — Falgarwood Land Development Co. Limited en faveur de Allan C. Wilson, fiduciaire.

[Page 332]

d) Acte de transfert — International Airport Industrial Park Limited en faveur de Allan C. Wilson, fiduciaire.

2) La partie de seconde part accepte de remettre à la partie de première part un billet à ordre de $16,000 payable à International Airport Industrial Park Limited (I.A.I.P.L.).

3) Les parties aux présentes conviennent d’entiercer lesdits documents et billet à ordre jusqu’à ce que la partie de seconde part termine l’achat de ladite propriété ou au plus tard jusqu’au 13 mai 1966, à condition que, si la partie de seconde part n’achète pas lesdits terrains au cours du délai convenu aux présentes, les documents et le billet soient restitués.

Le 26 janvier 1966, John F. Easterbrook céda son hypothèque à Allan C. Wilson, fiduciaire, pour $251,356.50, qui était le montant alors dû sur l’hypothèque, en principal et intérêts. Wilson, fiduciaire, avait aussi payé $50,000 à Easterbrook pour la prorogation de la période de rachat et $1,000, à titre d’honoraires, aux avocats de ce dernier.

Le 1er février 1966, Wilson, fiduciaire, céda le terrain à Max Tanenbaum, faisant affaire sous le nom de Birchtree Investments. Le 3 février 1966, une ordonnance définitive de forclusion était rendue en faveur du premier créancier hypothécaire. Cette ordonnance était enregistrée le 4 février 1966. Le même jour, le transfert d’International à Wilson, fiduciaire, (signé le 1er décembre 1965), et la cession de Wilson à Tanenbaum (signée le 1er février 1966) étaient enregistrés.

Tanenbaum devint ainsi propriétaire enregistré des 173 acres pour une contrepartie totale de $338,856.50, ventilée de la façon suivante:

Cession de l’hypothèque Easterbrook

$251,356.50

Paiement pour prorogation du délai derachat pour l’hypothèque Easterbrook

50,000.00

Honoraires pour l’hypothèque Easterbrook

1,000.00

Cession de l’hypothèque Oelbaum

20,000.00

Honoraires pour l’hypothèque Oelbaum

500.00

Paiement à International des frais engagés pour la prorogation de l’hypothèque Oelbaum

16,000.00

$338,856.50

[Page 333]

Selon le témoignage de Mayzel, la propriété valait trois fois ce montant, mais aucune preuve n’a été apportée à l’appui de cette affirmation. Wilson a témoigné que Fischtein considérait que le prix d’achat payé pour la propriété par Tanenbaum, approximativement $2,000 l’acre, était relativement élevé. Wilson a également témoigné que Mayzel n’avait pas fait de mise de fonds dans la propriété et que «l’opération de secours» avait pour but de relever Mayzel et son fils de leur responsabilité personnelle relativement aux hypothèques.

La convention du 7 décembre 1965 exigeait que la propriété soit vendue dans les deux ans ou qu’un «lotissement résidentiel et/ou tel autre aménagement commercial ou industriel, selon le cas» soit approuvé. Wilson a témoigné qu’au moment de la signature de cette convention, ni Fischtein ni Tanenbaum ne savait quelles étaient les perspectives d’aménagement du terrain et que le terme de deux ans avait été inséré selon le précédent d’autres conventions entre Fischtein et Tanenbaum. Au début 1966, Fischtein engagea un ingénieur et, à une réunion à laquelle Mayzel assistait, lui donna instruction de commencer des plans de lotissement de la propriété. Le 1er février 1966, l’ingénieur informa Fischtein qu’à l’unanimité, les responsables municipaux s’opposaient fermement à l’aménagement de la propriété, sauf pour les 38 acres faisant partie d’une zone à usage industriel.

Mayzel parla à Fischtein et à l’ingénieur à diverses reprises en 1966, demandant des rapports sur l’état de la question et les pressant, sans succès, de commencer les plans d’aménagement. Au printemps 1967, la convention pour l’aménagement dans les deux ans venait à expiration, aussi Mayzel commença-t-il lui-même à établir des plans pour demander l’approbation d’un plan de lotissement par la ville d’Oakville. Il obtint une lettre du maire, en date du 25 juillet 1967, disant que l’aménagement résidentiel ne serait probablement pas approuvé avant plusieurs années, mais que l’aménagement industriel d’une partie du terrain serait bienvenu. En octobre 1967, Mayzel s’assura les services d’ingénieurs-conseils, d’arpenteurs et d’avocats pour préparer une demande de lotisse-

[Page 334]

ment pour les quelque 38 acres à usage industriel. Les 135 acres restantes de terres agricoles n’étaient pas touchées. Mayzel présenta la demande sans la coopération ni l’appui de Fischtein, de Wilson ou de Tanenbaum. Le 14 décembre 1967, sept jours après l’expiration de la convention du 7 décembre 1965, la commission d’urbanisme d’Oakville approuva en principe le lotissement des terrains à usage industriel.

Par lettre en date du 18 décembre 1967, Tanenbaum informa la commission d’urbanisme d’Oakville qu’il était le seul propriétaire des biens, qu’il n’avait pas autorisé de plan de lotissement et qu’il avait l’intention de soumettre un plan d’aménagement résidentiel pour toute la propriété dès qu’elle serait viabilisée. La commission d’urbanisme informa Mayzel, par lettre datée du 21 décembre 1967, qu’elle ne donnerait pas suite à la demande de lotissement tant que le propriétaire enregistré n’aurait pas confirmé qu’il autorisait la demande.

International introduisit des poursuites contre Max Tanenbaum et Motek Fischtein, alléguant qu’en vertu des accords de décembre 1965, International avait une part de 25 pour cent dans un projet d’aménagement des terrains. International affirma qu’il était tacitement convenu que Fischtein ferait des efforts raisonnables pour aménager les terrains et que Tanenbaum signerait les documents nécessaires. De plus, International allégua que Fischtein et Tanenbaum avaient refusé de se conformer à ces obligations. La demanderesse chercha à obtenir une déclaration selon laquelle International, Tanenbaum et Fischtein étaient copropriétaires du terrain et coassociés en ce qui concernait son aménagement. Elle réclamait également une reddition de comptes aux associés et des dommages-intérêts de $500,000. Dans son mémoire de défense, Fischtein nia tout manquement, négligence, inexécution d’obligation ou rupture de contrat. Il affirma qu’aucun plan de lotissement n’avait été approuvé conformément aux conventions et que ces dernières étaient expirées. Le défendeur Tanenbaum nia l’existence d’un contrat entre lui-même et la demanderesse ou de quelque obligation à l’égard de cette dernière.

La demanderesse modifia sa déclaration pouralléguer que [TRADUCTION] «Motek Fischtein

[Page 335]

avait conclu la convention qu’il avait signée avec elle en son nom personnel et en tant que mandataire et fiduciaire du défendeur Tanenbaum…». La demande fut rejetée par le Master et un appel en référé échoua. Lorsque la demanderesse a changé d’avocats avant le procès, elle aurait pu demander d’autres modifications alléguant la fraude et la complicité, mais elle ne l’a pas fait.

Au procès, l’avocat de la demanderesse a présenté comme pièces la convention du 7 décembre 1965 entre Wilson, fiduciaire, et Fischtein et celle du 8 décembre 1965, entre Fischtein et International. Il demandait qu’en se fondant sur les circonstances et les conventions elles-mêmes, le juge au procès trouvât dans ces dernières la condition sous‑entendue que Wilson, fiduciaire, et Fischtein, devaient déployer tous leurs efforts pour obtenir l’approbation d’un plan de lotissement par la ville d’Oakville. Le juge du procès statua que puisque les parties avaient signé le document en pleine connaissance de cause et que puisqu’il n’était pas question de fausses déclarations, de fraude ni d’absence de conseils juridiques indépendants, aucune condition de ce genre ne pouvait être sous-entendue dans les contrats écrits.

La demanderesse a appelé comme témoins Louis Mayzel, un des anciens employés de Mayzel et Allan C. Wilson, qui ont témoigné au sujet des négociations entre les parties. L’avocat de la succession Fischtein a cité deux témoins, tous deux responsables municipaux d’Oakville, qui ont témoigné que de 1965 à 1967, il n’y avait aucune chance d’obtenir l’approbation du lotissement de toute la propriété Jackson pour un aménagement résidentiel, commercial et industriel. L’avocat du défendeur Tanenbaum a présenté une demande de non-lieu et a indiqué qu’il n’apporterait pas de preuve.

Le juge O’Driscoll a accueilli la demande de non-lieu et a rejeté l’action intentée contre les deux défendeurs pour les motifs suivants:

[TRADUCTION] «… je suis d’avis qu’il n’y a jamais eu de lien contractuel entre M. Wilson, fiduciaire pour M. Tanenbaum, et International Airport Industrial Park Limited. Il s’ensuit par conséquent qu’il n’y a pas de lien contractuel, qu’il n’y a jamais; eu d’accord, qu’il n’y a

[Page 336]

jamais eu de contrat entre la demanderesse dans cette action et le défendeur, Max Tanenbaum.

Il s’ensuit tout simplement que, vu la situation, l’action est sans objet puisqu’il n’y a pas d’accord et pas de contrat. La demande de non-lieu doit être accueillie et l’action de la demanderesse à l’encontre de Tanenbaum rejetée avec dépens.

Me Mark, au nom d’International Airport Industrial Park Limited, le président de cette compagnie, M. Mayzel, étant à ses côtés, a déclaré à l’audience que si je devais conclure de cette façon, sa cliente (la demanderesse) — sur les instructions de son président — ne poursuivrait pas la succession de feu Motek Fischtein. Cela étant, l’action à l’encontre de la succession Fischtein est également rejetée avec dépens.»

Les juges Jessup, Brooke et Arnup ont rejeté l’appel de la demanderesse sans entendre l’intimé et sans rédiger de motifs.

Devant cette Cour, l’appelante a allégué que le juge du procès avait erré en accordant un non-lieu en se fondant sur l’absence de lien contractuel entre l’appelante et Tanenbaum. Elle a plaidé que le juge du procès avait erré (1) en refusant d’entendre la preuve relative aux négociations qui avaient abouti aux conventions des 7 et 8 décembre 1965; (2) en ne concluant pas que Wilson agissait en tant que fiduciaire, non seulement de Tanenbaum, mais d’une société formée de Tanenbaum, Fischtein et l’appelante; et (3) en ne donnant pas effet à l’accord d’entiercement du 8 décembre 1965 qui, lu en corrélation avec les conventions des 7 et 8 décembre 1965 et les conventions précédentes, révèle une relation contractuelle entre l’appelante et Tanenbaum.

Bien que le juge du procès ait jugé que la preuve relative aux négociations ne pouvait pas être invoquée dans le but d’établir l’existence d’une condition tacite dans les documents, le dossier montre qu’il n’a empêché ni Mayzel ni Wilson de témoigner relativement aux tractations qui ont précédé les conventions. Mayzel a prétendu que les conventions des 7 et 8 décembre 1965 avaient pour but de créer une société entre Tanenbaum, Fischtein et International, mais cette affirmation n’est pas étayée par la preuve. Mayzel lui-même a témoigné que Tanenbaum avait refusé de s’associer avec lui, et Wilson a témoigné que Tanenbaum ne se sou-

[Page 337]

ciait pas de la façon dont Fischtein s’occupait des intérêts de ce dernier dans leurs nombreuses sociétés. Il semble clair qu’il n’y avait pas d’intention commune de créer une société entre International et Tanenbaum.

L’appelante a plaidé que la convention du 7 décembre 1965 entre Wilson, fiduciaire, et Fischtein, indique que Wilson a agi comme fiduciaire pour une société, puisqu’elle mentionne, au par. 4, «les personnes qui l’ont constitué fiduciaire». Le paragraphe 4 prévoit des relations directes et des différends possibles entre Fischtein et les «personnes». Quand Wilson a été cité comme témoin de la demanderesse, il a déclaré qu’il agissait comme fiduciaire de Tanenbaum seul et non d’une société formée par Tanenbaum, Fischtein et l’appelante. Il a expliqué qu’il avait utilisé le terme «personnes» en rédigeant la convention du 7 décembre 1965, parce qu’il ne savait pas si le financement viendrait uniquement de Tanenbaum lui‑même ou de plusieurs sources. La déposition de Wilson est compatible avec la propre déclaration d’International selon laquelle elle avait une part de 25 pour cent dans les bénéfices de l’aménagement. Si International avait raison de prétendre que l’expression «les personnes qui l’ont constitué fiduciaire» vise une société composée d’elle-même, de Tanenbaum et de Fischtein, elle serait en droit d’obtenir une part de 50 pour cent dans la société, aussi bien que la part de 25 pour cent qu’elle prétend avoir.

International a plaidé qu’à tout le moins, Fischtein lui avait cédé une part de ses droits dans le contrat de société avec Tanenbaum. Ceci n’aide toutefois pas l’appelante. The Partnerships Act, R.S.O. 1970, c. 339, art. 24, règle 7, édicte que, sous réserve d’un accord exprès ou tacite des associés, de nouveaux associés ne peuvent se joindre à une société sans le consentement de chacun des associés existants. Selon le témoignage de Mayzel, il est clair que Tanenbaum n’aurait pas accepté International comme associée, même s’il permettait à Fischtein de traiter ses droits d’associé comme celui-ci l’entendait. L’article 31 de la Loi dispose que, lorsqu’un associé cède ses droits ou une partie de ses droits à nine autre personne qui n’est pas acceptée dans la société, le seul droit du cessionnaire à l’encontre de la société est de rece-

[Page 338]

voir la part des bénéfices revenant à l’associé cédant conformément au partage des bénéfices convenu par les associés. Le cessionnaire n’a pas le droit de s’immiscer dans la direction ou dans la gestion de la société. Si, comme en l’espèce, il n’y a pas de bénéfices, le cessionnaire n’a aucun droit à l’encontre de la société.

On a aussi allégué au nom de l’appelante que, bien que les conventions des 7 et 8 décembre 1965 aient été délibérément rédigées de façon à éviter un lien contractuel formel entre Tanenbaum et International, la preuve établit l’existence d’une entreprise commune liant Tanenbaum, Fischtein et International. L’appelante a invoqué l’arrêt Adam v. Newbigging[1], dans lequel le lord Chancelier Halsbury déclarait à la p. 315:

[TRADUCTION] S’il existe en fait une société, une communauté d’intérêts dans l’entreprise exploitée en fait, aucune dissimulation de nom, aucun équivalent verbal pour Ses expressions ordinaires de pertes ou profits, aucun expédient indirect pour exercer le contrôle sur l’entreprise n’empêchera l’opération d’être considérée au fond et en réalité comme une société; je crois que je dois ajouter, aux fins de l’espèce, que l’éparpillement des stipulations différentes relatives à une même entente dans différents actes ne modifiera pas l’entente réelle, quelle qu’elle soit.

Et aucune «tournure de phrase» par des rédacteurs habiles, pour citer une des lettres, n’aidera à éviter les conséquences juridiques du contrat.

Dans cette affaire, toutefois, la preuve établissait l’existence d’une société de fait et une tentative des associés de dissimuler aux tiers la participation de deux d’entre eux. Comme l’a déclaré lord Halsbury, à la p. 316:

[TRADUCTION] Personne n’a jamais douté que si l’entreprise est exploitée pour le compte de quelqu’un, de sorte que c’est son affaire, il est alors un associé, quel que soit l’artifice subtil auquel il a pu avoir recours pour masquer et enrober la nature réelle de ses droits dans l’entreprise.

Adam v. Newbigging n’étaye pas l’argument de l’appelante en l’espèce car, aux yeux du juge du procès et à ceux de la Cour d’appel, il n’y avait pas de preuve acceptable d’une société liant Tanenbaum et International.

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Même s’il n’y a pas d’intention commune de créer une société entre Tanenbaum et International, il reste toujours à déterminer si les conventions conclues par Wilson, fiduciaire, Fischtein et Mayzel, au nom de l’appelante, ont établi une relation contractuelle entre Tanenbaum et cette dernière. Le juge du procès a examiné seulement la convention du 7 décembre 1965 entre Wilson, fiduciaire, et Fischtein et celle du 8 décembre 1965, entre Fischtein et International, concluant qu’il n’y avait pas de lien de droit entre Tanenbaum et l’appelante. Cette dernière a plaidé que la convention d’entiercement du 8 décembre 1965 entre ses avocats et Wilson, fiduciaire, devrait être lue en corrélation avec les deux autres conventions. La convention d’entiercement confirme que Wilson, fiduciaire, avait accepté de racheter la propriété et de verser à International $16,000 à titre de frais et qu’International avait accepté de signer un acte de transfert relativement à ses droits dans la propriété. Bien que la convention établisse que Wilson et Mayzel ont traité ensemble pour faciliter le rachat et le transfert de la propriété, elle n’établit pas qu’International ait eu une relation contractuelle quelconque avec Tanenbaum relativement à l’aménagement de ladite propriété.

La demanderesse n’a pas réussi à établir qu’elle a donné plus qu’une quittance en contrepartie d’un prétendu contrat avec Tanenbaum. Bien que Mayzel ait déposé que la valeur du terrain était le triple du montant des hypothèques existantes, aucune preuve n’a été apportée à l’appui de cette affirmation qui a été contestée au cours du contre-interrogatoire. Wilson a déposé que $2,000 l’acre, le prix effectivement payé par Tanenbaum, était considéré par Fischtein comme étant au moins égal à la valeur marchande. Le témoignage de Wilson qu’International n’avait pas fait de mise de fonds dans le terrain est appuyé par Mayzel qui a admis que ses compagnies et lui-même étaient sérieusement endettés et par le fait que le premier créancier hypothécaire avait convenu, peu avant l’ordonnance définitive de forclusion, de céder son hypothèque pour le montant qui lui était dû en principal et intérêts. Mayzel a affirmé qu’il avait traité avec Fischtein et Wilson en vue de protéger sa mise de fonds, mais ses tractations peuvent aussi

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bien signifier qu’il essayait de se dégager des obligâtions découlant de ses garanties personnelles. Ainsi, bien qu’il soit clair que Mayzel a négocié avec Wilson au sujet du rachat de la propriété et de son transfert à Wilson, aucune des preuves admises n’indique que Tanenbaum, ou Wilson en son nom, a accepté qu’International participe aux bénéfices de l’aménagement du terrain ni qu’International a donné une contrepartie pour un tel droit.

Le juge du procès a eu raison d’accorder le non-lieu demandé par le défendeur Tanenbaum au motif qu’il n’y avait pas de lien contractuel entre Tanenbaum et International relativement à la convention d’aménagement du terrain.

Même si l’on concluait à l’existence d’un lien de droit, la demanderesse n’aurait pas gain de cause, puisqu’elle n’a pas établi que Tanenbaum ou Fischtein n’ont pas exécuté leurs obligations. La convention du 7 décembre 1965 entre Wilson, fiduciaire, et Fischtein a établi une société pour une durée de deux ans, dont le seul objet était l’aménagement ou la vente de la propriété. Wilson, comme fiduciaire de Tanenbaum, s’est engagé à [TRADUCTION] «fournir des fonds pour les honoraires des arpenteurs, des ingénieurs et des architectes, les frais juridiques et les droits locaux ou provinciaux pour le lotissement des terrains». Fischtein s’est engagé à [TRADUCTION] «entreprendre toute la planification et les négociations nécessaires aux fins du lotissement des terrains». La convention exigeait l’approbation, dans les deux ans, d’un [TRADUCTION] «lotissement résidentiel et/ou tel autre aménagement commercial ou industriel, selon le cas». Fischtein a été avisé au début de 1966, et la preuve au procès l’a établi, qu’il n’y avait aucune chance d’obtenir l’approbation d’un plan de lotissement de la totalité de la propriété dans le délai de deux ans. Fischtein était donc justifié de refuser de procéder à un plan d’aménagement. Rien ne démontre que Wilson ou Tanenbaum aient refusé de fournir des fonds pour les frais engagés par Fischtein.

Quand Mayzel a conclu la convention du 8 décembre 1965 avec Fischtein, il avait pleine connaissance des termes de la convention du 7 décembre 1965 et était au courant des possibilités d’amé-

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nagement du terrain. International a assumé 50 pour cent des obligations de Fischtein en vertu de la convention du 7 décembre 1965, mais bien que Mayzel ait pressé Fischtein de poursuivre l’approbation du lotissement, il n’a pris aucune initiative lui-même pour préparer les plans de lotissement ou pour présenter des comptes de dépenses avant octobre 1967. Les plans qu’il a préparés visaient un lotissement à usage industriel d’un cinquième du terrain seulement et, partant, ils ne répondaient pas aux conditions de la convention du 7 décembre 1965. Ni Fischtein ni Tanenbaum n’étaient obligés d’appuyer une demande d’approbation de ce plan de lotissement partiel. Le fait que la demanderesse n’a pas pu établir que Tanenbaum ou Fischtein n’ont pas exécuté leurs obligations découlant des conventions de décembre 1965, fournit un motif additionnel à la décision du juge du procès d’accueillir la requête de non-lieu.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto.

Procureurs des intimés: Robins & Robins, Toronto.

[1] (1888), 13 App. Cas. 308 (H.L.).


Parties
Demandeurs : International Airport Industrial Park Ltd.
Défendeurs : Tanenbaum
Proposition de citation de la décision: International Airport Industrial Park Ltd. c. Tanenbaum, [1977] 2 R.C.S. 326 (5 octobre 1976)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-10-05;.1977..2.r.c.s..326 ?
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