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08/02/1977 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._84

Canada | Foundation of Canada Engineering Corp. Ltd. c. Canadian Indemnity Co. et al., [1978] 1 R.C.S. 84 (8 février 1977)


Cour suprême du Canada

Foundation of Canada Engineering Corp. Ltd. c. Canadian Indemnity Co. et al., [1978] 1 R.C.S. 84

Date: 1977-02-08

Foundation of Canada Engineering Corporation Limited (Demanderesse) Appelante;

et

The Canadian Indemnity Company et The Employers Liability Assurance Company Limited (Défenderesses) Intimées.

1976: 21 octobre; 1977: 8 février.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

Cour suprême du Canada

Foundation of Canada Engineering Corp. Ltd. c. Canadian Indemnity Co. et al., [1978] 1 R.C.S. 84

Date: 1977-02-08

Foundation of Canada Engineering Corporation Limited (Demanderesse) Appelante;

et

The Canadian Indemnity Company et The Employers Liability Assurance Company Limited (Défenderesses) Intimées.

1976: 21 octobre; 1977: 8 février.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA


Synthèse
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 84 ?
Date de la décision : 08/02/1977
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Assurance - Réclamations pour un montant payé à la suite de dommages résultant de la négligence professionnelle de l’appelante - Assurance-responsabilité générale excluant les erreurs et les omissions - L’adjonction d’un assuré professionnel peut-elle créer une assurance-responsabilité professionnelle?.

L’appelante était le maître d’oeuvre d’un projet de construction d’une usine dont les plans avaient été dressés pour Inland Cernent Company Limited («Inland»). Aux termes d’une convention conclue entre les deux compagnies, l’appelante s’est engagée à inspecter tous les travaux relatifs au projet et indemniser Inland de toute perte ou dommage résultant de son défaut de le faire. Inland et Preco Limited («Preco») ont conclu un contrat visant à la fabrication et à l’installation d’une toiture en béton pour l’usine, aux termes duquel Preco devait substituer ses propres plans à ceux de l’appelante. L’appelante a accepté cette substitution mais n’a pas examiné en détail les nouveaux plans. Ces derniers étaient défectueux et une poutre s’est écroulée causant des dommages à la propriété d’Inland. Cette dernière a poursuivi en dommages-intérêts l’appelante et Preco et l’action a été réglée à l’amiable, l’appelante consentant à payer 40% du montant réclamé.

L’appelante demande maintenant à être indemnisée en vertu des termes des polices d’assurance qui lui ont été consenties par les intimées. Il s’agissait de deux assurances-responsabilité générales, mais alors que la police émise par la première intimée excluait expressément la responsabilité «imposée à [l’appelante] ou assumée par cette dernière … en raison de plans ou devis descriptifs défectueux …», la police émise par la deuxième intimée n’excluait expressément que les réclamations pour dommages «lorsque la cause du sinistre est une défectuosité» d’un travail effectué (clause F) ou les réclamations pour la responsabilité des tiers assumée par l’assuré (clause H).

[Page 85]

Le juge de première instance a jugé que l’appelante était responsable envers Inland parce que son contrôle du travail fait par Preco n’était pas satisfaisant et qu’elle ne pouvait par réclamer d’indemnité à la première intimée à cause de l’exclusion expresse stipulée dans sa police. Il a jugé que la seconde intimée était tenue d’indemniser l’appelante en raison des termes larges de sa police.

Sur appel interjeté par l’appelante et la seconde intimée, la Cour d’appel a rejeté l’appel de l’appelante et a accueilli celui de la seconde intimée, aux motifs que la clause H était applicable.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Le pourvoi interjeté contre la première intimée a été rejeté et on a jugé inutile d’entendre son avocat. Le pourvoi dirigé contre la seconde intimée a été rejeté aux motifs que les clauses F et H de sa police s’appliquaient et qu’une assurance-responsabilité générale n’était pas une assurance-responsabilité professionnelle. Il convient d’examiner cette police dans son contexte. Elle couvrait un groupe d’entreprises manufacturières dont les activités n’englobaient pas la préparation de plans et lorsque le groupe a été élargi pour y inclure l’appelante, il a été stipulé que la police demeurerait inchangé quant au reste. Le simple fait d’y adjoindre l’appelante ne pouvait transformer une police qui jusqu’alors excluait de son champ d’application la responsabilité en cas d’erreur et d’omission en une assurance-responsabilité professionnelle.

Arrêts mentionnés: Dominion Bridge Company Limited c. Toronto General Insurance Company, [1963] R.C.S. 362; The Canadian Indemnity Company c. Andrews & George Company Limited, [1953] 1 R.C.S. 19.

POURVOI interjeté contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1], rejetant l’appel de l’appelante et accueillant celui de la seconde intimée contre un jugement du juge Wilson. Pourvoi rejeté.

R.J. Scott et M.T. Green, pour la demanderesse, appelante.

G. Jewers, c.r., et K.D. Klein, pour les défenderesses, intimées.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRÉ — Avant 1964, Inland Cement Company Limited («Inland») avait décidé

[Page 86]

de construire une usine de fabrication de ciment dans la paroisse de Saint-Charles, dans le district municipal de Charleswood et Rosser, au Manitoba. Aux termes d’une première entente conclue entre les parties, l’appelante («Fenco») s’est vue confier la préparation des plans de l’usine. Les plans terminés, Fenco est devenue le maître d’oeuvre aux termes d’une deuxième entente qui a été par la suite consignée par écrit le 9 octobre 1964. Il est stipulé dans cette deuxième entente que Fenco doit

[TRADUCTION] inspecter tous les travaux relatifs au projet, étant entendu que Fenco a le devoir et la responsabilité de refuser les travaux qui ne sont pas conformes au devis et dont la qualité laisse à désirer.

De plus, il convient de citer le par. 16 de cette deuxième entente:

[TRADUCTION] Aux termes de la présente, Fenco convient d’indemniser Inland au regard de tout dommage, de toute revendication, demande, action, cause d’action, perte ou autre conséquence de quelque nature que ce soit, découlant ou résultant de la rupture, de l’inexécution ou de l’exécution dommageable par Fenco, d’une des clauses énumérées dans la présente entente.

Il est intéressant de souligner qu’au cours des négociations ayant abouti à cette deuxième entente, Fenco avait soumis à Inland, dans une lettre datée du 13 janvier 1964, une description des tâches du maître d’oeuvre, lesquelles devaient comprendre

[TRADUCTION] la vérification des dessins d’exécution et d’autres soumissions que doit fournir l’entrepreneur.

Dans cette même lettre, elle attribue au maître d’oeuvre un double rôle, savoir [TRADUCTION] «le rôle d’entrepreneur général et celui de représentant du propriétaire».

Par conséquent, selon l’arrangement convenu, Inland devait passer des contrats directs avec divers entrepreneurs pour différentes étapes des travaux. Le contrat conclu avec Preco Limited («Preco») portait sur la fabrication et le montage des poutres et des panneaux de béton préfabriqué et précontraint formant la toiture de l’édifice. Avec l’assentiment de toutes les parties intéressées, Preco modifia les plans préparés par Fenco aux termes de la première entente, pour y substituer les

[Page 87]

siens. Il est reconnu que Fenco n’a pas examiné en détail ces nouveaux plans qui étaient défectueux. En conséquence, le 22 novembre 1966, une poutre s’est écroulée et a causé des dommages considérables aux locaux d’Inland. Cette dernière a alors intenté une action contre Fenco et Preco qui choisirent un règlement à l’amiable en versant à Inland une indemnité de $220,000, dont 40 pour cent ou $88,000 étaient payables par Fenco et 60 pour cent ou $132,000 par Preco. C’est sa part du paiement de l’indemnité, plus d’autres frais, que Fenco cherche à recouvrer des deux intimées, ses assureurs aux termes de deux polices qu’il convient maintenant de décrire.

La police d’assurance souscrite auprès d’Employers a été émise le 1er mars 1964. Il s’agit d’une assurance-responsabilité globale. Elle a été souscrite par Inland et d’autres compagnies du groupe Sogemines. La disposition principale de la police d’assurance stipule qu’Employers convient de payer au nom de Sogemines Limited et (ou) des compagnies de ce groupe, et (ou) au nom

[TRADUCTION] de tout mandataire ayant la surveillance ou le contrôle de la propriété ou de l’exploitation des compagnies susmentionnées, et agissant dans le cadre de ses fonctions de mandataire

toutes les sommes que l’assuré sera tenu de payer après avoir été reconnu responsable en vertu de la loi et (ou) d’un contrat ou d’une entente, des dommages … à la suite de

A. blessures corporelles …

B. dommages à la propriété ou de sa destruction, y compris la perte de l’usage de cette dernière et des pertes indirectes, par suite d’un accident ou d’un sinistre défini dans la présente, qui survient à n’importe quel moment de la période couverte par le contrat d’assurance;

Ce contrat d’assurance comporte un certain nombre de réserves énumérés dans sa Partie III. Voici celles qui nous intéressent:

[TRADUCTION]

Matériaux ou travaux défectueux

F. La présente police d’assurance ne couvre pas les réclamations résultant de l’endommagement ou de la destruction de matériaux manufacturés, vendus, transportés ou distribués par

[Page 88]

l’Assuré, ou d’un travail effectué par l’Assuré ou pour lui, lorsque la cause du sinistre est une défectuosité des matériaux ou du travail.

Construction ou démolition

H. La présente police d’assurance ne couvre pas les réclamations pour la responsabilité des tiers assumée par l’Assuré en vertu d’un contrat de construction ou de démolition.

Deux autres extraits de la police d’assurance sont pertinents au présent pourvoi:

1. aux termes de la clause K, Employers convient de considérer chaque assuré individuellement [TRADUCTION] «comme si chacun d’eux détenait une police d’assurance distincte», de sorte qu’Employers, si elle est autrement responsable en vertu de la police d’assurance, est tenue d’indemniser un assuré à l’égard de la réclamation d’un autre assuré;

2. selon l’avenant n° 6, daté du 1er avril 1964, Fenco est devenue partie au contrat d’assurance à titre d’assurée supplémentaire [TRADUCTION] «mais uniquement en ce qui a trait à la construction, l’érection et l’installation d’une usine de ciment dans le district municipal de Charleswood et Rosser au Manitoba».

L’assurance souscrite auprès de Canadian Indemnity est elle aussi une assurance‑responsabilité globale. Elle a été émise directement à Fenco et aux compagnies de ce groupe financier le 1er avril 1965. Les clauses du contrat d’assurance et les réserves sont similaires à ceux de l’assurance souscrite auprès d’Employers avec toutefois, la réserve supplémentaire suivante:

[TRADUCTION]

Plans et devis descriptifs défectueux

D. Cette police d’assurance ne couvre pas les réclamations découlant de la responsabilité

A) imposée à Foundation of Canada Engineering Corporation Limited ou assumée par cette dernière, ou

B) assumée par d’autres assurés couverts par la présente police d’assurance relativement à la faute professionnelle d’un ingénieur, d’un conseiller technique ou d’un architecte,

[Page 89]

en raison de plans ou devis descriptifs défectueux, mais cette réserve ne couvre pas:

I) les blessures corporelles ou la maladie, y compris la mort qui pourrait s’ensuivre, subies ou contractées par une ou plusieurs personnes qui ne sont pas employées à la construction, l’érection ou l’installation d’un édifice, d’un bâtiment ou d’un autre projet à l’égard duquel une demande d’indemnité a été présentée en raison d’une erreur dans les plans ou les devis descriptifs, à condition que cette personne ne soit pas dans ou sur l’édifice, le bâtiment ou le projet en question lorsque survient le sinistre à l’origine de la demande d’indemnité;

II) l’endommagement ou la destruction d’un bien qui ne fait pas partie de la construction d’un édifice, bâtiment ou projet, ou qui n’est pas dans ou sur un édifice, un bâtiment ou un projet à l’égard duquel une demande d’indemnité a été présentée en raison d’une erreur dans les plans ou les devis descriptifs.

Dans ses motifs oraux, le juge de première instance a formulé les conclusions suivantes:

1. Fenco [TRADUCTION] «était responsable au premier chef envers Inland Cement de la construction d’une usine de fabrication de ciment»;

2. Fenco devait [TRADUCTION] «garantir à Inland Cement, la propriétaire, que les travaux seraient effectués dans les règles de l’art»;

3. [TRADUCTION] « … la déclaration selon laquelle Inland se fiait au savoir-faire de Fenco en matière de construction d’usines de ciment, constitue une des raisons d’être du contrat conclu entre Inland et Fenco, de sorte qu’il incombait à cette dernière de vérifier en permanence la qualité des travaux et des matériaux de construction»;

4. [TRADUCTION] «Fenco devait être elle-même convaincue et convaincre la propriétaire de la qualité des travaux effectués par Preco».

5. [TRADUCTION] «La responsabilité du plan initial incombait à Fenco. Dans la mesure où le genre de béton devant être utilisé a été changé, il y a eu une modification du plan, et il incombait à Fenco de vérifier les travaux afférents à cette modification, ainsi que les travaux prévus».

Le juge de première instance a ensuite conclu que les efforts déployés par Fenco étaient [TRADUCTION] «nettement insuffisants». Comme je l’ai

[Page 90]

indiqué précédemment, cette conclusion n’est pas contestée. En se fondant sur ces faits, le juge de première instance a conclu que Canadian Indemnity ne pouvait être tenue responsable en vertu de sa police d’assurance, en raison de la clause D (précitée) relative aux plans défectueux. A l’appui de sa conclusion selon laquelle la perte était couverte par l’assurance souscrite auprès d’Employers, le juge de première instance a déclaré:

[TRADUCTION] Fenco est devenue partie à la police d’assurance à titre d’assurée relativement à la construction, l’érection et l’installation de cette usine. Comme je l’ai déjà dit à ce sujet, les termes sont suffisamment généraux pour englober les travaux effectués non seulement au chantier de l’usine mais également aux bureaux de Fenco où la vérification des plans aurait dû être faite. Les fonctions de Fenco s’étendaient à tous les aspects des travaux, y compris tous les matériaux utilisés.

L’accident a été causé par l’effondrement d’une poutre par suite d’un mauvais montage résultant d’une surveillance inadéquate. Fenco devait assurer cette surveillance et elle a failli à la tâche. En d’autres termes, cette négligence est la cause du sinistre.

Il n’a rien ajouté et n’a notamment pas mentionné les clauses F et H précitées.

Fenco et Employers ont interjeté appel. L’arrêt de la Cour d’appel est maintenant publié à [1974] 3 W.W.R. 23 et à 44 D.L.R. (3d) 298. Il me suffit de souligner:

1. que la Cour d’appel a accepté les conclusions du juge de première instance;

2. que la Cour d’appel a rejeté l’appel de Fenco à l’encontre de Canadian Indemnity, partageant l’avis du juge de première instance selon lequel la clause D de la police d’assurance de cette compagnie excluait toute indemnisation;

3. que l’appel d’Employers a été accueilli et l’action intentée contre elle rejetée.

Les motifs de la Cour d’appel à cet égard sont publiés à la p. 26 du 3 W.W.R. et à la p. 301 du 44 D.L.R. (3d). Se fondant sur l’arrêt Dominion Bridge Company Limited c. Toronto General In-

[Page 91]

surance Company[2], confirmé par cette Cour[3], et sur l’arrêt Canadian Indemnity Company c. Andrews & George Company Limited[4], la Cour d’appel a émis l’avis que la clause H s’appliquait à l’égard de la demande d’indemnité présentée par Fenco.

Après avoir entendu la plaidoirie de l’appelante, nous étions tous d’avis de rejeter le pourvoi interjeté contre Canadian Indemnity; par conséquent, nous avons jugé inutile d’entendre l’avocat de cette intimée et nous avons rejeté avec dépens le pourvoi interjeté contre elle. Seul le pourvoi interjeté contre Employers a été pris en délibéré.

Autant dire immédiatement que je souscris aux motifs et conclusions de la Cour d’appel concernant Employers. Toutefois, il me paraît également possible d’invoquer à l’appui de cette conclusion à la fois la clause F et le principe selon lequel une assurance-responsabilité générale n’est pas en soi une assurance-responsabilité professionnelle.

Sans chercher à établir de règle valable pour tous les cas possibles, il convient de souligner qu’historiquement, une assurance-responsabilité civile couvre la responsabilité délictuelle générale de l’assuré vis-à-vis des tiers. Il suffit de rappeler ici que, pendant longtemps, ce type de polices d’assurance ne valait qu’à l’égard d’événements purement accidentels et excluait les demandes d’indemnité découlant d’ententes contractuelles. Certes, ce concept s’est élargi au cours des années, comme le montre le présent contrat d’assurance qui porte à la fois sur la survenance d’un sinistre et sur le sinistre lui-même, ainsi que sur la responsabilité résultant d’un contrat ou de la loi. La question est la suivante: la police d’assurance en cause couvre-t-elle les conséquences d’une faute professionnelle, le sinistre ayant été causé par suite [TRADUCTION] «d’une erreur grossière dans les plans»? Comme je l’ai déjà dit, la réponse à cette question doit être négative.

Ce moyen a été soulevé en défense. Seul M. Harris, le directeur du Service des sinistres d’Em-

[Page 92]

ployers, nous a-t-on dit, a témoigné à cet égard. On lui avait posé la question suivante:

[TRADUCTION] Quelle est la pratique dans l’industrie, dans votre compagnie du moins, en matière d’assurance-responsabilité offerte aux ingénieurs professionnels au regard d’une faute professionnelle résultant d’une erreur ou d’une omission?

et il a répondu:

[TRADUCTION] La pratique générale dans l’industrie consiste à offrir une couverture spéciale qui donne aux ingénieurs la protection dont ils peuvent avoir besoin.

Cette pratique générale est conforme aux principes énoncés dans divers ouvrages spécialisés. Par exemple, Peter Madge dans Professional Indemnity Insurance, Londres, 1968, dit à la p. 74:

[TRADUCTION] Toutefois, une assurance-responsabilité civile, c’est-à-dire une assurance couvrant la responsabilité légale de l’assuré au regard de blessures causées à autrui ou de dommages causés à des biens, exclut ordinairement les demandes d’indemnité pour faute professionnelle parce qu’il s’agit là d’un domaine réservé à l’assurance-responsabilité professionnelle.

Il convient de mentionner également MacGillivray, Insurance Law, 6e éd., Londres, 1975, n° 2278 et Colinvaux, The Law of Insurance, 3e éd., Londres, 1970, n° 600. Aux États-Unis, la distinction est généralement reconnue, par exemple dans Appleman, Insurance Law and Practice n° 7486, à la p. 628:

[TRADUCTION] Les principes régissant l’interprétation des polices d’assurance professionnelles couvrant les erreurs et les omissions sont les mêmes que ceux qui s’appliquent aux polices d’assurance-responsabilité ou indemnité.

Cette distinction a fait le sujet de plusieurs articles intéressants, dont «Comprehensive General Liability Insurance — Perspective and Overview» de George H. Tinker, publié dans le FIC Quarterly, printemps 1975, à la p. 217, et «Professional Negligence Insurance» de D.J. MacKay, publié à (1971)6 V.U.W. L. Rev. p. 119.

Naturellement ce qu’il convient d’examiner en l’espèce, c’est le présent contrat d’assurance et non la procédure générale suivie par les assureurs. Mais je dois conclure que le libellé de la police d’assurance reflète la pratique existante qui elle-même fondée sur la distinction entre l’assurance-

[Page 93]

responsabilité générale et l’assurance couvrant la faute professionnelle. La clause H examinée par la Cour d’appel n’est qu’une application de cette conception. La clause F, dont voici de nouveau les dispositions pertinentes, en constitue un autre exemple:

[TRADUCTION] La présente police d’assurance ne couvre pas les réclamations résultant de l’endommagement … d’un travail effectué par l’Assuré ou pour lui, lorsque la cause du sinistre est une défectuosité … du travail.

En tant que maître d’oeuvre, l’assuré Fenco a effectué un travail, ou du moins l’a fait faire, qui a été endommagé par suite d’une erreur dans son exécution. Ce sinistre n’est donc pas couvert.

Il est vrai que la police émise par Employers ne contient pas de disposition équivalente à la clause D, relative aux erreurs dans les plans, qu’on trouve dans le contrat d’assurance passé avec la compagnie Canadian Indemnity, et qui a été invoquée avec succès par cette dernière dans toutes les cours. Mais l’absence d’une disposition n’est pas préjudiciable à Employers. Il convient d’examiner la police d’assurance qu’elle a émise dans son contexte. Comme on l’a dit au début, cette police d’assurance couvrait un groupe d’entreprises manufacturières (et leur compagnie-mère) dont les activités n’englobaient pas la préparation de plans. La clause F suffisait donc à exclure toute demande d’indemnité présentée par suite d’une faute professionnelle de ces compagnies manufacturières. Lorsqu’aux termes de l’avenant n° 6, daté du 1er avril 1964, la compagnie Fenco s’est jointe au groupe d’assurés, il a été stipulé que la police d’assurance demeurait inchangée quant au reste. Bien que la nouvelle assurée s’occupât de la préparation de plans, de sorte que l’addition d’une clause similaire à la clause D du contrat d’assurance passé avec Canadian Indemnity aurait été de toute évidence superfétatoire, je ne vois pas comment l’avenant n° 6 pouvait transformer une police qui jusqu’alors excluait de son champ d’application la responsabilité en cas d’erreur et omission en une assurance-responsabilité professionnelle. L’historique de cette police d’assurance et son libellé me convainquent du contraire.

[Page 94]

Pour ces motifs et pour ceux formulés par la Cour d’appel, je suis d’avis de rejeter avec dépens le pourvoi interjeté contre The Employers Liability Assurance Company Limited.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de la demanderesse, appelante: Thompson, Dorfman, Sweatman, Winnipeg.

Procureurs de la défenderesse, intimée, The Canadian Indemnity Company: Fillmore & Riley, Winnipeg.

Procureurs de la défenderesse, intimée, The Employers Liability Assurance Company Limited: Klein, Ament & Co., Winnipeg.

[1] [1974] 3 W.W.R. 23, 44 D.L.R. (3d) 298.

[2] (1962), 37 W.W.R. 673.

[3] [1963] R.C.S. 362.

[4] [1953] 1 R.C.S. 19.


Parties
Demandeurs : Foundation of Canada Engineering Corp. Ltd.
Défendeurs : Canadian Indemnity Co. et al.
Proposition de citation de la décision: Foundation of Canada Engineering Corp. Ltd. c. Canadian Indemnity Co. et al., [1978] 1 R.C.S. 84 (8 février 1977)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-02-08;.1978..1.r.c.s..84 ?
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