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08/03/1977 | CANADA | N°[1977]_2_R.C.S._729

Canada | Conseil canadien des relations du travail c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729 (8 mars 1977)


Cour suprême du Canada

Conseil canadien des relations du travail c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729

Date: 1977-03-08

Le Conseil canadien des relations du travail, l’Alliance de la Fonction publique du Canada Appelants;

et

La ville de Yellowknife Intimée.

1977: les 16 et 17 février; 1977: le 8 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

Cour suprême du Canada

Conseil canadien des relations du travail c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729

Date: 1977-03-08

Le Conseil canadien des relations du travail, l’Alliance de la Fonction publique du Canada Appelants;

et

La ville de Yellowknife Intimée.

1977: les 16 et 17 février; 1977: le 8 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE


Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli

Analyses

Droit du travail - Syndicat - Accréditation - Employés municipaux des territoires du Nord‑Ouest - Signification de «entreprise fédérale» - Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L‑1, art. 1, 2, 27, 80, 108 et 109, 1972 (Can.), c. 18, Préambule - Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C 1970, c. N-22, art. 13.

La Cour d’appel fédérale a annulé un certificat délivré par le Conseil canadien des relations du travail à l’Alliance de la Fonction publique du Canada, en sa qualité d’agent négociateur pour une unité d’employés de la ville de Yellowknife, au motif que le Conseil avait excédé sa compétence en ce sens que les activités de la ville n’étaient pas une entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale au sens du Code canadien du travail.

Arrêt: L’appel doit être accueilli.

Le juge en chef Laskin et le juge Judson: Considérant l’historique de la Partie V du Code canadien du travail et l’effet conjugué des art. 108 et 109, il serait absurde de déclarer qu’il y a une lacune quand il s’agit du droit des employés d’une municipalité des territoires du Nord‑Ouest aux avantages des négociations collectives. Vu la portée universelle du pouvoir législatif du Parlement du Canada dans les territoires du Nord-Ouest, on n’est aucunement justifié de déterminer le champ d’application de la Partie V du Code à l’égard de ces territoires, de la façon utilisée pour les provinces. En outre, la définition d’«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» dans le Code, et particulièrement à l’art. 2i), montre que tout doute quant à la question de savoir si la loi fédérale s’applique aux employés d’une municipalité, constituée en territoire fédéral, doit être résolu en faveur de l’inclusion plutôt que de l’exclusion.

Les juges Pigeon, Ritchie, Spence, Dickson, Beetz et de Grandpré: Aux termes de l’art. 2i) du Code canadien du travail, «entreprise fédérale» inclut tout ouvrage ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législa-

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tures provinciales et, selon l’art. 27, une «entreprise fédérale» dans les territoires s’étend à des opérations qui, dans les provinces, relèvent du par. (16) de l’art. 92 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Prétendre que les employés des municipalités des territoires ne bénéficient pas d’une législation obligatoire sur les négociations collectives est contraire au but fondamental de la Partie V du Code, exprimé dans le préambule de la loi de 1972. Le Parlement a le pouvoir de légiférer à l’égard des employés des territoires et la définition, à l’al. i) du Code, du mot «entreprise» indique l’intention d’exercer ce pouvoir. Les pouvoirs conférés au commissaire des territoires du Nord-Ouest par l’art. 13 de la Loi sur les territoires du Nord-Ouest, le sont sous réserve de toute autre loi du Parlement du Canada et il n’y a aucune raison de supposer qu’en adoptant la définition d’«entreprise fédérale» du Code, le Parlement entendait restreindre son champ d’application au regard du pouvoir législatif du commissaire de la même façon qu’il est limité au regard du pouvoir législatif des provinces.

Il reste à déterminer si, dans le contexte du Code, «entreprise fédérale» englobe lés activités d’une corporation municipale dans les territoires. La compétence dépend du pouvoir législatif sur l’exploitation et non sur la personne de l’employeur. Ce serait donc une erreur de restreindre le sens d’«entreprise fédérale» au Code canadien du travail, pour exclure les activités des corporations municipales et il serait contraire au concept de classification des employés, à des fins de compétence, en fonction du caractère de l’entreprise, d’établir une distinction entre une compagnie privée et une administration publique.

Arrêts suivis: International Brotherhood of Electrical Workers c. Town of Summer side, [1960] R.C.S. 591; Canadian Pacific Railway v. Corporation of the Parish of Notre-Dame de Bonsecours, [1899] A.C. 367; Le Canadien Pacifique c. Le Procureur général de la Colombie‑Britannique et Le Procureur général du Canada, [1950] A.C. 122; Le Conseil canadien des relations du travail c. La Compagnie des Chemins de fer nationaux du Canada, [1975] 1 R.C.S. 786; Le Procureur général de l’Ontario c. Le Procureur général du Canada, [1896] A.C. 348; Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, [1975] 1 R.C.S. 178.

POURVOI interjeté d’un arrêt de la Cour fédérale[1] annulant un certificat délivré par le Conseil canadien des relations du travail à l’Alliance de la

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Fonction publique du Canada en sa qualité d’agent négociateur pour une unité d’employés de la ville de Yellowknife. Pourvoi accueilli.

Derek Aylen, c.r., et Glenn St-John, pour l’appelant, le Conseil canadien des relations du travail.

L.M. Joyal, c.r., et Georges Robichon, pour l’appelante, l’Alliance de la Fonction publique du Canada.

G.A. Lucas, pour l’intimée.

Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Judson a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — J’ai eu l’avantage de lire les motifs de mon collègue le juge Pigeon et je suis aussi d’avis d’accueillir ce pourvoi. Toutefois, je me fonde pour le faire sur le simple motif suivant: considérant l’historique de l’art. 1 de la Partie V de l’actuel Code canadien du travail, 1972 (Can.), c. 18 et l’effet conjugé des art. 108 et 109 dudit Code, couvrant tant les secteurs privé que public, ce dernier en vertu soit de l’art. 109(1) soit de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, il serait absurde de déclarer qu’il y a une lacune quand il s’agit du droit des employés d’une municipalité dans les territoires du Nord-Ouest aux avantages des négociations collectives. Vu la portée universelle du pouvoir législatif du Parlement du Canada dans les territoires du Nord-Ouest, on n’est, à mon avis, aucunement justifié de déterminer le champ d’application de la Partie V du Code du travail, dans son application à ces territoires, de la façon utilisée pour fixer les limites respectives de la compétence législative fédérale et provinciale en matière de relations du travail. De plus, en ce qui concerne la définition d’«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» à l’art. 2 du Code du travail, S.R.C. 1970, c. L-1 et plus spécialement l’art. 2i) («tout ouvrage, entreprise ou affaire ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales») toute ambiguïté ou tout doute quant à la question de savoir si la loi fédérale s’applique aux employés d’une municipalité, constituée en territoire fédéral, administrée par le fédéral, aussi bien qu’à cette municipalité dans ses relations avec ses employés, doit être résolu en faveur de l’inclusion plutôt que de l’exclusion.

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Je souscris à l’adjudication des dépens proposée par mon collègue, le juge Pigeon.

Le jugement des juges Pigeon, Ritchie, Spence, Dickson, Beetz et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Ce pourvoi attaque le jugement de la Cour d’appel fédérale qui a annulé le certificat délivré par le Conseil canadien des relations du travail («le Conseil») à la seconde appelante, l’Alliance de la Fonction publique du Canada («l’Alliance») en sa qualité d’agent négociateur pour une unité d’employés de l’intimée, la ville de Yellowknife («la ville»). L’unité englobe tous les employés de la ville, à l’exception des cadres. Le certificat a été annulé parce qu’on a jugé que le Conseil avait excédé sa compétence, les activités de la ville n’ayant pas été reconnues comme constituant une «entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» au sens du Code canadien du travail (S.R.C. 1970. c. L-1, et modification). Le certificat a été délivré en vertu de la Division I de la Partie V, dont l’art. 108 définit le champ d’application:

108. La présente Partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu’aux organisations patronales groupant ces patrons et aux syndicats groupant ces employés.

L’article 109 vise les employés du gouvernement du Canada ou d’une corporation établie pour accomplir quelque fonction pour son compte. Il est important de souligner que le critère d’application de la Partie V à tous les autres employés est de savoir s’ils sont employés dans le cadre d’une «entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale». Cette expression est définie à l’art. 2 du Code comme suit:

«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» ou «entreprise fédérale» signifie tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant au pouvoir législatif du Parlement du Canada, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui précède:

a) tout ouvrage, entreprise ou affaire réalisé ou dirigé dans le cadre de la navigation (intérieure ou maritime), y compris la mise en service de navires et le

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transport par navire partout au Canada;

b) tout chemin de fer, canal, télégraphe ou autre ouvrage ou entreprise reliant une province à une ou plusieurs autres, ou s’étendant au-delà des limites d’une province;

c) toute ligne de navires à vapeur ou autres, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou s’étendant au-delà des limites d’une province;

d) tout service de transbordeurs entre provinces ou entre une province et un pays autre que le Canada;

e) tout aéroport, aéronef ou ligne de transport aérien;

f) toute station de radiodiffusion;

g) toute banque;

h) tout ouvrage ou entreprise que le Parlement du Canada déclare (avant ou après son achèvement) être à l’avantage du Canada en général, ou de plus d’une province, bien que situé entièrement dans les limites d’une province; et

i) tout ouvrage, entreprise ou affaire ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;

Le Parlement a clairement indiqué à l’art. 27 du Code traitant de l’application de la Partie III (durée normale du travail, salaire, vacances et jours fériés) que, dans les Territoires, «entreprise fédérale» s’étend à des opérations qui, dans les provinces, relèvent du par. (16) de l’art. 92 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique: «Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province». Le paragraphe (1) de l’art. 27 dit:

27. (1) La présente Partie s’applique aux employés, aux employeurs et à l’emploi dans le cadre d’une entreprise fédérale, à l’exception d’une entreprise d’un caractère local ou privé dans le territoire du Yukon ou les territoires du Nord-Ouest.

Il est évident que cette disposition a été adoptée en vue de laisser un champ d’action à des ordonnances territoriales telles que la Labour Standards Ordinance du 25 novembre 1967 (maintenant R.O.N.W.T. 1974, c. L-8). Il n’existe pas de législation territoriale concernant les matières dont

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traite la Partie V du Code du travail (Négociations collectives, accréditation, etc.), d’où l’interprétation donnée au Code par la Cour d’instance inférieure, que les employés de corporations municipales, dans les Territoires, ne bénéficient pas d’une législation obligatoire sur les négociations collectives. C’est dans un certain sens, la prétention avancée par la ville de Summerside au sujet de la Trade Union Act de l’Île-du-Prince-Édouard, fondée sur la situation spéciale des corporations municipales à l’égard de leurs employés. Cette Cour a rejeté cette prétention à l’unanimité: International Brotherhood of Electrical Workers c. Town of Summerside[2]. A mon avis, cette prétention est contraire au but fondamental de la Partie V, exprimé dans le préambule promulguant la Loi de 1972 (c. 18) dans sa forme actuelle:

Considérant qu’il est depuis longtemps dans la tradition canadienne que la législation et la politique du travail soient conçues de façon à favoriser le bien-être de tous par l’encouragement de la pratique des libres négociations collectives et du règlement positif des différends;

Considérant que les travailleurs, syndicats et employeurs du Canada reconnaissent et soutiennent que la liberté syndicale et la pratique des libres négociations collectives sont les fondements de relations industrielles fructueuses permettant d’établir de bonnes conditions de travail et de saines relations du travail;

Considérant que le gouvernement du Canada a ratifié la Convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et qu’il s’est engagé à cet égard à présenter des rapports à cette Organisation;

Et Considérant que le Parlement du Canada désire continuer et accentuer son appui aux efforts conjugués des travailleurs et du patronat pour établir de bonnes relations et des méthodes de règlement positif des différends, et qu’il estime que l’établissement de bonnes relations industrielles sert l’intérêt véritable du Canada en assurant à tous une juste part des fruits du progrès;

Le pouvoir du Parlement du Canada de légiférer à l’égard des employés des Territoires du Nord-Ouest ne fait aucun doute. La définition à l’al.) de «ouvrage, entreprises ou affaire» indique l’intention d’exercer ce pouvoir. Il est évident que le but général de la définition est d’englober seulement

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des matières relevant du pouvoir législatif fédéral. Une grande partie des expressions utilisées aux al. a), b), c), d) et h) est empruntée aux par. 10 et 13 de l’art. 91 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique:

10. La navigation et les expéditions par eau.

13. Les passages d’eau (ferries) entre une province et tout pays britannique ou étranger, ou entre deux provinces.

et aux exceptions du par. 10 de l’art. 92 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique:

10. Les ouvrages et entreprises d’une nature locale, autres que ceux qui sont énumérés dans les catégories suivantes:

a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres navires, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres ouvrages et entreprises reliant la province à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province;

b) Lignes de bateaux à vapeur entre la province et tout pays britannique ou étranger;

c) Les ouvrages qui, bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés, par le Parlement du Canada, être à l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou plusieurs provinces.

La Cour d’instance inférieure s’est référée aux pouvoirs législatifs accordés au commissaire en conseil par l’art. 13 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (S.R.C. c. N-22). Toutefois, il faut souligner que, contrairement aux pouvoirs législatifs provinciaux, ils sont conférés «sous réserve de la présente loi et de toute autre loi du Parlement du Canada». Le premier alinéa et ceux cités par la Cour d’instance inférieure disent:

13. Le commissaire en conseil peut, sous réserve de la présente loi et de toute autre loi du Parlement du Canada, rendre des ordonnances pour le gouvernement des territoires relativement aux catégories de sujets suivantes, savoir:

c) les institutions municipales dans les territoires, y compris les districts administratifs locaux, les districts scolaires, les régions non organisées et les districts d’irrigation;

f) la constitution en corporation de compagnies à fins territoriales, y compris les compagnies de tramways et

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de chemins de fer urbains, mais à l’exclusion des compagnies de chemin de fer, des compagnies de bateaux à vapeur, de transport aérien, de canaux, de télégraphe, de téléphone ou d’irrigation;

h) la propriété et les droits civils dans les territoires;

s) la fermeture, la modification, l’ouverture, l’établissement, la construction, l’administration ou le contrôle de tout chemin, rue, ruelle ou sentier sur des terres publiques;

u) l’établissement, l’entretien et l’administration d’hôpitaux dans les territoires et pour ceux-ci;

x) en général, toutes matières d’une nature purement locale ou privée, dans les territoires;

Il faut noter le champ d’application limité des al. f) et s) comparés au par. 10 de l’art. 92. Je ne vois pas de raison valable pour supposer qu’en adoptant la définition d’«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale», pour les besoins du Code canadien du travail, le Parlement entendait en restreindre le champ d’application au regard du pouvoir législatif du commissaire, de la même façon qu’il est nécessairement limité au regard du pouvoir législatif des provinces. L’alinéa i) indique clairement le contraire et ceci est, de plus, corroboré par l’art. 27 aussi bien que par les dispositions similaires de l’art. 80. Il est évident qu’on prenait en considération la situation de dépendance du commissaire.

Cela étant, il reste à trancher la question de savoir si, dans le contexte du Code du travail, la définition de l’expression «entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» englobe les activités d’une corporation municipale.

En examinant cette question, on doit se rappeler qu’il est bien établi que la compétence en matière de travail relève du pouvoir législatif sur l’exploitation et non sur la personne de l’employeur. Dans Canadian Pacific Railway v. Corporation of the Parish of Notre-Dame de Bonsecours[3] (à la p. 372), lord Watson a dit:

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[TRADUCTION] …selon leurs Seigneuries, le Parlement du Canada a le droit exclusif de prescrire des règlements pour la construction, les réparations et les modifications des chemins de fer et pour leur gestion et pour réglementer la constitution et les pouvoirs de la compagnie.

Conformément à ce critère de la répartition de la compétence législative, on a jugé que les employés d’hôtels relevaient de la compétence provinciale, même dans le cas d’hôtels appartenant à une compagnie fédérale de chemins de fer: Le Canadien Pacifique c. Le Procureur général de la Colombie-Britannique et Le Procureur général du Canada[4], Le Conseil canadien des relations du travail c. La Compagnie des Chemins de fer nationaux du Canada[5].

De même, le par. 8 de l’art. 92, «les institutions municipales dans la province», accorde aux provinces un pouvoir législatif limité. Dans Le Procureur général de l’Ontario c. Le Procureur général du Canada (l’affaire des prohibitions locales)[6], lord Watson dit (aux pp. 363 et 364):

[TRADUCTION] L’appelant a affirmé qu’il y avait plusieurs sources en vertu desquelles la législature de l’Ontario avait le pouvoir d’adopter l’article 18. 53 Vict. ch. 56. On a longuement insisté sur la première de ces sources, soit que la compétence de chaque province de créer des institutions municipales en vertu du paragraphe 8 de l’article 92 impliquerait nécessairement le droit d’investir ces institutions de toutes les responsabilités administratives qu’elles possédaient et exerçaient communément avant l’Union. Leurs Seigneuries ne trouvent rien qui puisse appuyer cette prétention en lisant le paragraphe 8 de l’article 92. En effet, sa signification littérale ne fait que donner aux provinces le droit de créer une entité juridique pour l’administration des affaires municipales. Jusqu’à la Confédération, la législature de chacune des provinces alors existantes pouvait (ce qui a été fait en certains cas) confier aux municipalités l’exercice de certains pouvoirs qui appartiennent maintenant exclusivement au Parlement du Canada. Depuis lors, une législature provinciale ne peut déléguer des pouvoirs qu’elle ne possède plus. La nature et l’étendue des fonctions que les provinces peuvent déléguer aux organismes municipaux qu’elles créent dépendent essentiellement des compétences législatives qu’elles exercent en vertu des dispositions de l’article 92, autres que le paragraphe 8.

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Récemment dans Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada[7], cette Cour a jugé, à l’unanimité, que des personnes affectées au transport du courrier comme employés d’une compagnie faisant ce travail en vertu d’un contrat avec les Postes canadiennes, étaient couvertes par l’art. 108 du Code canadien du travail, bien que leur employeur exploitât une entreprise locale. Le caractère de l’exploitation devait être défini au regard du fait qu’elle faisait partie du service postal, une entreprise fédérale.

A mon avis, il ne faut pas chercher à donner un sens restreint à l’un quelconque des termes «ouvrage, entreprise ou affaire» tels qu’ils sont utilisés dans le Code du travail, de façon à exclure de leur domaine toutes les activités des corporations municipales. Certaines d’entre elles, tels les systèmes d’adduction d’eau et d’égouts, relèvent indubitablement du concept d’«ouvrage». D’autres, tels les services de sûreté ou sanitaires, ne peuvent pas être exclus du domaine de l’«entreprise» sans dénaturer l’expression, et le terme «affaire» a été défini comme [TRADUCTION] «presque tout ce qui est une occupation, par opposition à un plaisir — n’importe quel devoir ou occupation qui exige de l’attentions…» (le lord juge Lindley, dans Rolls v. Miller[8], à la p. 88). Il va sans dire que le terme «affaire» est souvent appliqué à des activités poursuivies sans but lucratif. A mon avis, essayer d’établir une distinction dépendant du fait qu’un employeur est une compagnie privée ou une administration publique, serait contraire à tout le concept de classification des employés, à des fins de compétence, en fonction du caractère de l’entreprise. D’autres considérations peuvent prévaloir si l’employeur est le gouvernement ou une compagnie gouvernementale et ceci est manifeste dans l’art. 109 du Code du travail. Cependant, c’est une question dont nous n’avons pas à nous occuper en l’espèce.

Pour ces motifs, je suis d’avis que le Conseil canadien des relations du travail n’a pas excédé sa compétence et, en conséquence, qu’il y a lieu d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel, de rejeter la demande de la ville de Yel-

[Page 739]

lowknife et de rétablir le certificat du Conseil avec dépens en faveur de l’Alliance de la Fonction publique du Canada dans cette Cour et en Cour d’appel fédérale.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureur de l’appelant, le Conseil canadien des relations du travail: D.H. Aylen, Ottawa.

Procureurs de l’appelante, l’Alliance de la Fonction publique du Canada: Honeywell & Wotherspoon, Ottawa.

Procureurs de l’intimée: Stratton & Lucas, Edmonton.

[1] [1976] 1 C.F. 387, 63 D.L.R. (3d) 753, 76 C.L.L.C. 14,001.

[2] [1960] R.C.S. 591.

[3] [1899] A.C. 367.

[4] [1950] A.C. 122.

[5] [1975] 1 R.C.S. 786.

[6] [1896] A.C. 348.

[7] [1975] 1 R.C.S. 178.

[8] (1884), 27 Ch.D. 71.


Parties
Demandeurs : Conseil canadien des relations du travail
Défendeurs : Yellowknife

Références :
Proposition de citation de la décision: Conseil canadien des relations du travail c. Yellowknife, [1977] 2 R.C.S. 729 (8 mars 1977)


Origine de la décision
Date de la décision : 08/03/1977
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1977] 2 R.C.S. 729 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-03-08;.1977..2.r.c.s..729 ?
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