La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/1977 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._289

Canada | Vergata c. Vergata et autre, [1978] 1 R.C.S. 289 (14 juin 1977)


Cour suprême du Canada

Vergata c. Vergata et autre, [1978] 1 R.C.S. 289

Date: 1977-06-14

Benito Vergata Appelant;

et

Rita Vergata et The Manitoba Public Insurance Corporation Intimées.

1977: 3 mars; 1977: 14 juin.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

Cour suprême du Canada

Vergata c. Vergata et autre, [1978] 1 R.C.S. 289

Date: 1977-06-14

Benito Vergata Appelant;

et

Rita Vergata et The Manitoba Public Insurance Corporation Intimées.

1977: 3 mars; 1977: 14 juin.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA


Synthèse
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 289 ?
Date de la décision : 14/06/1977
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli et le jugement en cause est rétabli

Analyses

Assurance - Véhicules à moteur - Propriétaire tué alors qu’il était un passager dans sa voiture - Action intentée par la succession du propriétaire contre le conducteur - Régime universel et obligatoire d’assurance automobile - Exclusion de la responsabilité pour dommages résultant de la mort d’un assuré - Le conducteur n’est pas exclu de la couverture - Contrats distincts - The Manitoba Public Insurance Corporation Act, C.S.M. c. A180 - Règlement 333/74 du Manitoba, art. 31(3)h).

Une automobile conduite par l’appelant (BV) est entrée en collision avec une autre. L’accident est survenu au Manitoba où toutes les parties ont leur domicile. Le propriétaire immatriculé de l’automobile conduite par l’appelant était son frère (AV), tué dans l’accident. L’intimée (RV), en son nom personnel et en sa qualité d’administratrice de la succession, a poursuivi l’appelant alléguant sa négligence grossière. Ce dernier a alors demandé à la Régie intimée de diriger sa défense et de l’indemniser au besoin, en vertu du régime universel et obligatoire d’assurance automobile constaté par le Règlement 333/74 relatif à la couverture offerte sous le régime de The Manitoba Public Insurance Corporation Act, C.S.M. c. A180. La Régie a refusé la demande de l’appelant; ce dernier a alors demandé un jugement établissant ses droits à la Cour du Banc de la Reine qui lui a donné gain de cause. Toutefois, la Cour d’appel a infirmé ce jugement, d’où le pourvoi devant cette Cour auquel RV n’a pas participé activement.

Il est reconnu que: 1. BV était titulaire d’un certificat valide de conducteur. 2. AV était titulaire d’un certificat valide de propriétaire visant le véhicule à moteur que conduisait BV au moment de l’accident mortel. 3. AV avait autorisé BV à conduire son automobile. Le refus de la Régie d’indemniser l’appelant est fondé sur l’exception prévue à l’al. 31 (3)h) du Règlement: «La Régie ne verse aucune indemnité aux termes de la présente Partie … h) pour les pertes ou dommages résultant de

[Page 290]

blessures corporelles ou de la mort subies par un assuré».

Arrêt (les juges Martland, Judson, Dickson et de Grandpré étant dissidents): Le pourvoi est accueilli et le jugement en cause est rétabli.

Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Spence, Pigeon et Beetz: Bien qu’on ne délivre pas de polices de propriétaire ou de conducteur sous le régime du Manitoba, les certificats de propriétaire ou de conducteur font foi de contrats différents assurant des couvertures distinctes et doivent être interprétés comme si les conditions stipulées dans chacun d’eux avaient été libellées séparément au lieu de se trouver dans la Loi et le Règlement. Si l’on avait fourni à l’appelant un certificat énonçant les conditions de la couverture que lui donne son certificat de conducteur, l’exclusion de la responsabilité pour dommages résultant de la mort d’«un assuré» ne pourrait être interprétée autrement que visant une personne assurée en vertu de ce certificat. L’exclusion de la couverture que donne le certificat de conducteur ne peut être interprétée comme visant une personne assurée par le certificat de propriétaire à moins que le conducteur ne soit considéré comme une personne assurée par le contrat du propriétaire.

La différence entre le régime du Manitoba et la couverture offerte par les polices commerciales d’assurance-responsabilité de propriétaire d’un véhicule à moteur vient de ce que, dans le dernier cas, le contrat assure la personne qui y est nommée et toute autre personne qui, avec l’autorisation de la première, conduit l’automobile. En vertu du régime manitobain, une couverture est fournie à un «assuré» et un «assuré» comprend le titulaire d’un certificat de conducteur. Même sous le régime d’une police commerciale ordinaire, la Chambre des lords a statué dans Digby v. General Accident Fire and Life Assurance Corporation, [1943] A.C. 121, que la stipulation en faveur d’autres conducteurs doit être interprétée «comme créant un nouveau contrat». Il doit donc, a fortiori, en être ainsi lorsqu’il s’agit d’un certificat de conducteur distinct donnant droit à une couverture distincte appelée «Police de conducteur», pour laquelle il y a perception d’une prime distincte et, dans le cas d’un dossier de conduite lourd d’infractions, prélèvement d’une prime supplémentaire.

Distinction faite avec l’arrêt Murray Bay Motor Co. c. La Compagnie d’Assurance Bélair, [1975] 1 R.C.S. 68.

Les juges Martland, Judson, Dickson et de Grandpré, dissidents: La prétention de l’appelant selon laquelle, sous le régime manitobain, la couverture accordée au propriétaire est distincte de celle accordée au conduc-

[Page 291]

teur, doit être rejetée. La décision de la Cour d’appel, selon laquelle le terme «assuré» au par. 31(1) et à l’al. 31(3)h) «vise à la fois le propriétaire et le conducteur et n’est pas ambigu» est bien fondée, de sorte que l’alinéa a pour effet de soustraire l’intimé à son obligation d’indemniser l’appelant au regard de la responsabilité de ce dernier à l’égard des tiers. De plus, comme la Cour d’appel l’a décidé, dès que l’on admet que BV bénéficie de la couverture aux termes du certificat de propriétaire, en tant qu’assuré non désigné, sous réserve des exclusions mentionnées au par. 31(3), on ne peut alors recourir à l’extension de la couverture fournie par un certificat de conducteur aux termes du par. 31(2) du Règlement. BV bénéficiait de la couverture prévue au par. 31(1) de la même manière et dans la même mesure que tout autre titulaire d’un certificat de propriétaire ou de conducteur et, à ce titre, il était assujetti aux exclusions ou restrictions mentionnées au par. 31(3) du Règlement. L’extension de la couverture prévue au par. 31(2) relativement au certificat de conducteur ne s’applique pas lorsque, comme en l’espèce, le conducteur en question est, sans l’ombre d’un doute, un assuré en vertu du par. 31(1) en tant que conducteur du véhicule assuré, c.-à-d. celui visé par le certificat de propriétaire.

POURVOI interjeté d’un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1] accueillant l’appel d’un jugement du juge Dewar, juge en chef de la Cour du Banc de la Reine. Pourvoi accueilli, les juges Martland, Judson, Dickson et de Grandpré étant dissidents.

R. Tapper, pour l’appelant.

S.S. Kapoor et W.S. Saranchuk, pour les intimées.

Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Ritchie, Spence, Pigeon et Beetz a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Le pourvoi a pour objet de faire décider si The Manitoba Public Insurance Corporation (Régie d’assurance gouvernementale du Manitoba) doit indemniser Benito Vergata, l’appelant, des dommages-intérêts qu’il pourra être contraint de payer à la suite d’une action intentée contre lui par Rita Vergata en son nom personnel et en sa qualité d’administratrice de la succession de feu Antonio Vergata, frère de l’appelant. Antonio Vergata était passager dans sa voiture conduite

[Page 292]

par Benito Vergata quand il y a trouvé la mort dans une collision avec un autre véhicule. Il est reconnu que:

[TRADUCTION] 1. Benito Vergata était titulaire d’un certificat valide de conducteur;

2. Antonio Vergata était titulaire d’un certificat valide de propriétaire visant le véhicule à moteur que conduisait Benito Vergata au moment de l’accident mortel;

3. Antonio Vergata avait autorisé Benito Vergata à conduire son automobile.

Le refus de la Régie d’indemniser l’appelant est fondé sur l’exception prévue à l’al. 31(3)h) de The Manitoba Automobile Insurance Regulation que voici:

[TRADUCTION] 31(3) La Régie ne verse aucune indemnité aux termes de la présente Partie

h) pour les pertes ou dommages résultant de blessures corporelles ou de la mort subies par un assuré;

Il convient également de se reporter à l’art. 30 et aux par. 31(1) et (2):

[TRADUCTION] DEFINITIONS

30 Dans la présente Partie,

a) «assuré» désigne une personne titulaire d’un certificat valide de propriétaire et comprend une personne qui,

(i) titulaire d’un certificat valide de conducteur; ou

(ii) résidant dans un territoire autre que le Manitoba,

(A) qualifiée et légalement autorisée à conduire un véhicule à moteur sur le territoire de son lieu de résidence; et

(B) âgée d’au moins 16 ans;

conduit un véhicule visé par un certificat de propriétaire avec l’autorisation du titulaire de ce certificat;

b) «véhicule assuré» désigne un véhicule visé par un certificat valide de propriétaire;

c) «famille du propriétaire» désigne le mari, la femme, le fils, la fille ou toute autre personne qui réside habituellement dans la même demeure que l’assuré.

COUVERTURE

31(1) Sous réserve de la Loi et du présent règlement, un assuré est, aux termes de la présente disposition, indem-

[Page 293]

nisé des dommages, selon les montants prévus dans ce règlement, et de toute obligation imposée par la loi en raison de blessures corporelles ou de la mort subies par un tiers, ou en raison du dommage aux biens d’un tiers ou de leur perte résultant de la propriété, de l’usage, ou de la conduite d’un véhicule assuré, par un assuré, dans les limites territoriales du Canada ou des États-Unis, ou sur un navire faisant le service entre les ports de ces pays.

POLICE DE CONDUCTEUR

31(2) La couverture mentionnée au paragraphe (1) s’étend au titulaire d’un certificat valide de conducteur lorsqu’il utilise personnellement ou conduit un véhicule à moteur qui n’est pas autrement assuré, à l’égard de toute obligation imposée par la loi en raison de la propriété, de l’usage ou de la conduite dudit véhicule, si

a) elle a des motifs raisonnables de croire que le véhicule est visé par un certificat de propriétaire ou est autrement assuré contre toute obligation imposée par la loi en raison de la propriété, de l’usage ou de la conduite de ce véhicule; et

b) le véhicule n’appartient ni au conducteur, ni à son conjoint, ni à une personne qui réside habituellement dans la même demeure que le conducteur;

mais l’assuré n’est pas couvert aux termes de cet article du fait de la violation d’une condition stipulée dans une autre police d’assurance couvrant ledit véhicule.

Comme l’a souligné le juge Dewar, juge en chef de la Cour du Banc de la Reine, il convient de noter que:

[TRADUCTION] En vertu du régime universel et obligatoire d’assurance administré par l’intimée, aucune police individuelle d’assurance n’est émise. Sur paiement des primes, l’assureur délivre au propriétaire un certificat visant un véhicule à moteur en particulier et au conducteur, un certificat de conducteur. Ces certificats servent également, dans le cas d’un propriétaire, de certificat d’immatriculation et, dans le cas d’un conducteur, de permis de conduire aux termes de The Highway Traffic Act. Ce sont les seuls documents faisant foi de l’existence d’un contrat d’assurance.

Le juge Dewar a finalement conclu à l’inapplication de l’exclusion. Il s’est exprimé en ces termes:

[TRADUCTION] De quelque manière qu’elle soit interprétée, l’exclusion doit l’être en fonction d’un contrat d’assurance spécifique. Sinon, toute personne détenant un certificat de propriétaire ou de conducteur serait considérée comme «un assuré». Ni la Loi, ni le Règlement ne suggèrent pareille conséquence. La conclusion

[Page 294]

selon laquelle l’exclusion retire à Benito Vergata le droit d’être indemnisé aux termes du contrat d’Antonio Vergata ne mène pas au même résultat quant au contrat de Benito Vergata qui est une police de conducteur.

A mon avis, ce raisonnement est bien fondé. Bien qu’on ne délivre pas de polices de propriétaire ou de conducteur, les certificats de propriétaire ou de conducteur font foi de contrats différents assurant des couvertures distinctes et doivent être interprétés comme si les conditions stipulées dans chacun d’eux avaient été libellées séparément au lieu de se trouver dans la Loi et le Règlement. Si l’on avait fourni à l’appelant un certificat énonçant les conditions de la couverture que lui donne son certificat de conducteur, l’exclusion de la responsabilité pour dommages résultant de la mort d’«un assuré» ne pourrait être interprétée autrement que visant une personne assurée en vertu de ce certificat. L’exclusion de la couverture que donne le certificat de conducteur ne peut être interprétée comme visant une personne assurée par le certificat de propriétaire à moins que le conducteur ne soit considéré comme une personne assurée par le contrat du propriétaire.

Je ne puis accepter la proposition que, sous le régime de The Manitoba Public Insurance Corporation Act et du Règlement, ce sont les automobiles qui sont assurées et non les conducteurs: plusieurs dispositions démontrent le contraire. La première définition contenue au par. 1(1) de la Loi se lit comme suit:

[TRADUCTION] a) «prime supplémentaire» désigne la prime exigée d’une personne qui demande un certificat de conducteur, eu égard aux points de démérite inscrits à son dossier par suite d’une condamnation pour une infraction mentionnée au Règlement;

Le mot «prime» est défini en ces termes:

[TRADUCTION] gg) «prime» désigne toute somme d’argent payée ou payable à la Régie par un assuré ou un proposant pour la souscription ou le renouvellement de la couverture fournie aux termes de la présente loi ou du Règlement;

A ce stade-ci, je désire souligner comment le Manitoba a réglé, par son régime d’assurance automobile obligatoire, le problème de la justification de la majoration de la prime à raison des condamnations pour infraction au code de la route.

[Page 295]

Cette majoration est imposée aux conducteurs et non aux propriétaires. Sous un régime d’assurance facultative, les polices de «non-propriétaire» sont rares, seuls les propriétaires d’automobiles sont ordinairement assurés; il n’y a, par conséquent, aucun rapport manifeste entre le dossier des condamnations d’un assuré et le risque d’accidents. Souvent le conducteur qui détient un mauvais dossier n’est pas le propriétaire de l’automobile. La disposition prévoyant une majoration de prime à raison du dossier de chaque conducteur est une preuve concluante que, sous le régime manitobain, le certificat de conducteur procure une couverture distincte de celle que procure le certificat de propriétaire.

Aux termes du Règlement 26/74 du Manitoba, en date du 25 janvier 1974 et publié le 9 février 1974 dans la Gazette du Manitoba, les taux de prime pour les conducteurs ont été établis comme suit:

[TRADUCTION] 3(2) La prime exigée comme prime de base est établie selon le sexe et l’âge du proposant et ce dernier doit verser, à titre de prime de base, le montant propre à sa catégorie, selon le barème suivant:

Age

Hommes

Femmes

16-24

$25.00

$10.00

25 et plus

10.00

5.00

Ce même règlement établit une prime supplémentaire allant de $75 pour 6 points de démérite, jusqu’à $325 pour 20 points de démérite. Ces taux n’ont pas été modifiés par le Règlement 332/74 [TRADUCTION] «concernant les certificats de conducteur et de propriétaire, les taux, et les agents» décrété et publié le même jour que The Manitoba Automobile Insurance Regulation, précité.

En vertu du Règlement et plus particulièrement du par. 31(1), seul «un assuré» bénéficie de la couverture pour responsabilité à l’égard des tiers. Selon la définition, le terme «assuré» [TRADUCTION] «désigne une personne qui … titulaire d’un certificat valide de conducteur … conduit un véhicule visé par un certificat de propriétaire avec l’autorisation du titulaire de ce certificat». Le libellé de ce paragraphe indique clairement que le titulaire d’un certificat de conducteur est, à ce

[Page 296]

titre, assuré. Il est vrai qu’en principe, un conducteur est couvert uniquement s’il conduit un véhicule visé par un certificat de propriétaire, mais le par. 31(2) indique que cette couverture ne provient pas du contrat du propriétaire puisque, même en l’absence d’un tel contrat, le conducteur est couvert s’il [TRADUCTION] «a des motifs raisonnables de croire que le véhicule est visé dans un certificat de propriétaire ou est autrement assuré contre …».

Au par. 31(2) du Règlement, la rubrique «POLICE DE CONDUCTEUR» indique également que le certificat de conducteur est un contrat distinct. On ne saurait considérer que cette rubrique limite la portée de la police de conducteur aux situations visées par le par. 31(2). Cela serait contraire au début du paragraphe: [TRADUCTION] «La couverture mentionnée au paragraphe (1) s’étend … ». Cela ne serait pas une extension de la couverture s’il n’y avait pas déjà, au par. 31(1), une couverture en vertu de la définition du terme «assuré» à l’al. 30a).

La différence entre le régime du Manitoba et la couverture offerte par les polices commerciales d’assurance-responsabilité de propriétaire d’un véhicule à moteur vient de ce que, dans le dernier cas, le contrat assure la personne qui y est nommée et toute autre personne qui, avec l’autorisation de la première, conduit l’automobile. En vertu du régime manitobain, une couverture est fournie à un «assuré» et un «assuré» comprend le titulaire d’un certificat de conducteur. Même sous le régime d’une police commerciale ordinaire, la Chambre des lords a statué dans Digby v. General Accident Fire and Life Assurance Corporation[2] que la stipulation en faveur d’autres conducteurs doit être interprétée [TRADUCTION] «comme créant un nouveau contrat» (lord Wright, à la p. 142). Il doit donc, a fortiori, en être ainsi lorsqu’il s’agit d’un certificat de conducteur distinct donnant droit à une couverture distincte appelée «POLICE DE CONDUCTEUR», pour laquelle il y a perception d’une prime distincte et, dans le cas d’un dossier de conduite lourd d’infractions, prélèvement d’une prime supplémentaire.

[Page 297]

Dans Murray Bay Motor Company c. La Compagnie d’Assurance Bélair[3], un arrêt de cette Cour, il n’était question que d’une police d’assurance automobile de propriétaire et l’on y a examiné l’exclusion de responsabilité relative aux membres de la famille «de toute personne assurée par la police». Le texte du Règlement manitobain n’est pas le même et le régime d’assurance gouvernemental du Manitoba est également entièrement différent. A mon avis, cet arrêt n’est pas pertinent en l’espèce. Je note avec intérêt que le libellé du texte manitobain portant exclusion de la responsabilité envers les proches (par. 31(3)(f) n’a pas pour effet de priver un propriétaire de la protection contre les réclamations des proches parents du conducteur. En effet, cette exclusion s’applique uniquement envers [TRADUCTION] «le fils, la fille ou le conjoint d’un assuré, se trouvant à titre de passager dans son véhicule assuré»; (c’est moi qui souligne).

Je dois souligner qu’interpréter à l’exclusion h) le terme «assuré» comme se rapportant uniquement à une personne assurée par le certificat aux termes duquel une indemnité est réclamée, ne rend pas la disposition inutile. Elle sera applicable dans le cas d’un conducteur résidant dans un territoire autre que le Manitoba et considéré comme un «assuré» en vertu du sous-al. (ii) de la définition. Cela est logique puisque cette interprétation place ces conducteurs substantiellement dans la même situation que s’ils étaient couverts par une police commerciale type d’assurance de propriétaire de véhicule automobile. L’illogisme serait de conserver une partie de l’arrêt Murray Bay tout en prenant soin d’en écarter le point principal.

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de rétablir le jugement du juge Dewar, juge en chef de la Cour du Banc de la Reine, avec dépens en cette Cour et en Cour d’appel contre The Manitoba Public Insurance Corporation.

Le jugement des juges Martland, Judson, Dickson et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRÉ (dissident) — Le 22 avril 1974, une automobile conduite par l’appelant est entrée en collision avec une autre. L’accident

[Page 298]

est survenu au Manitoba où toutes les parties ont leur domicile. Le propriétaire immatriculé de l’automobile conduite par l’appelant était son frère Antonio, tué dans l’accident. L’intimée Rita Vergata, en son nom personnel et en sa qualité d’administratrice de la succession, a poursuivi l’appelant alléguant sa négligence grossière. Ce dernier a alors demandé à la Régie intimée de diriger sa défense et de l’indemniser au besoin, en vertu du régime universel et obligatoire d’assurance automobile constaté par le Règlement 333/74 relatif à la couverture offerte sous le régime de The Manitoba Public Insurance Corporation Act, (C.S.M.) c. A180. La Régie a refusé la demande de l’appelant; ce dernier a alors demandé un jugement établissant ses droits à la Cour du Banc de la Reine qui lui a donné gain de cause[4]. Toutefois, la Cour d’appel a infirmé ce jugement[5], d’où le présent pourvoi auquel Rita Vergata n’a pas participé activement.

Sous le régime manitobain, les seuls documents faisant foi d’une assurance-responsabilité sont délivrés par les fonctionnaires responsables des permis en vertu de The Highway Traffic Act. Voici ces documents:

— un certificat de propriétaire visant le véhicule; et

— un certificat de conducteur.

On a reconnu, en l’espèce, la validité des deux certificats en cause soit celui délivré au non d’Antonio Vergata, à titre de propriétaire, visant le véhicule, et celui délivré au nom de Benito Vergata, à titre de conducteur. Ces documents étant très courts, il faut se reporter au Règlement pour déterminer l’étendue de la couverture.

L’appelant allègue que:

1) le paragraphe 31(1) est la disposition pertinente en ce qui concerne l’assurance aux tiers; il prévoit une couverture au profit de la personne ayant le rapport le plus étroit avec le véhicule impliqué dans le sinistre, en l’espèce le conducteur; il s’ensuit que l’exclusion mentionnée à l’al. 31(3)h) [TRADUCTION] «pour les pertes …

[Page 299]

résultant de blessures corporelles ou de la mort subies par un assuré» ne peut se rapporter qu’à la mort du conducteur assuré;

2) subsidiairement, si le par. 31(3) a pour effet de retirer au conducteur cette couverture lorsque la réclamation est présentée par le propriétaire ou sa succession, alors le par. 31(2) lui fournit cette couverture.

Avant d’étudier chacune de ces allégations, il convient de dire quelques mots de l’économie générale du Règlement. Voici les trois parties pertinentes en l’espèce:

— la Partie II qui prévoit le paiement de prestations d’assurance contre les accidents généralement à toute personne dont les blessures corporelles ou la mort résultent de la conduite d’une automobile, peu importe qu’elle soit conducteur, passager ou piéton;

— la Partie III intitulée [TRADUCTION] «Assurance tous risques» qui donne droit à une indemnité en raison de la perte ou du dommage causé à un véhicule visé par un certificat valide de propriétaire;

— la Partie IV intitulée [TRADUCTION] «Responsabilité à l’égard des tiers et de leurs biens», qui nous intéresse en l’espèce.

Notons que la couverture offerte par ces trois parties correspond à celle que l’on retrouve dans les polices modernes d’assurance automobile.

I — Le paragraphe 31(1) et l’alinéa 31(3)h)

Comme je l’ai déjà mentionné, la couverture prévue par la Partie IV du Règlement se trouve au par. 31(1). Mis à part les mots qui ne sont pas pertinents en l’espèce, le paragraphe se lit comme suit:

[TRADUCTION] … un assuré est, aux termes de la présente disposition, indemnisé des dommages … de toute obligation imposée par la loi en raison [de la] … mort [d’un tiers] … résultant de la propriété, de l’usage ou de la conduite d’un véhicule assuré, par un assuré,…

Aux fins de cette Partie, le terme «assuré» est défini à l’article précédent:

[Page 300]

[TRADUCTION] 30 Dans la présente Partie,

a) «assuré» désigne une persone titulaire d’un certificat valide de propriétaire et comprend une personne qui,

(i) titulaire d’un certificat valide de conducteur;

conduit un véhicule visé par un certificat de propriétaire avec l’autorisation du titulaire de ce certificat;

b) …

Quant à l’expression «véhicule assuré», l’al. 30b) en donne la définition suivante:

[TRADUCTION] «véhicule assuré» désigne un véhicule visé par un certificat valide de propriétaire.

Cette couverture générale fait l’objet d’un certain nombre d’exclusions énumérées au par. 31(3) sous la rubrique [TRADUCTION] «Dommages exclus de la couverture». Ces exclusions sont au nombre de 14 et visent diverses circonstances et catégories de personnes. Aux fins des présents motifs, il suffit de citer les passages suivants:

[TRADUCTION] La Régie n’est tenue de verser aucune indemnité aux termes de la présente Partie

f) pour la perte ou le dommage résultant de blessures corporelles ou de la mort subies par le fils, la fille ou le conjoint d’un assuré se trouvant à titre de passager dans son véhicule assuré; ou

g)…

h) pour les pertes ou dommages résultant des blessures corporelles ou de la mort subies par un assuré; ou

i) …

Il n’y a aucun doute dans mon esprit que si ces dispositions étaient insérées dans un écrit ordinaire couramment appelé police d’assurance automobile, les conclusions suivantes s’imposeraient:

— le contrat d’assurance stipule une couverture dont bénéficient deux personnes, à savoir le propriétaire en tant qu’assuré nommément désigné et le conducteur en tant qu’assuré non désigné;

— le droit d’indemnisation de ces deux assurés est assujetti à certaines restrictions, l’une d’elles portant sur la réclamation de l’épouse de l’un ou l’autre contre le propriétaire et le conducteur, et une autre, sur la réclamation du propriétaire contre le conducteur.

[Page 301]

Cela ressort clairement de la décision de cette Cour dans l’affaire Murray Bay Motor Company Limited c. La Compagnie d Assurance Bélair[6]. Dans cette affaire, l’épouse du conducteur avait obtenu un jugement contre le propriétaire qui cherchait à se faire indemniser par son assureur. La police contenait une exclusion quant à la réclamation de l’épouse «de toute personne assurée par la police». La Cour d’appel du Québec et la présente Cour ont jugé que l’exclusion était applicable à la fois au propriétaire et au conducteur et qu’en ce cas, la compagnie Murray Bay ne pouvait se faire indemniser par ses assureurs. Bien que dissident quant à l’issue du pourvoi, le juge Pigeon s’est rallié à l’avis de la majorité sur ce point; sa dissidence se fondait sur l’existence d’un avenant dont l’équivalent n’existe pas en l’espèce.

A mon avis, Murray Bay indique clairement que Digby v. General Accident Fire and Life Assurance Corporation[7] ne peut être invoqué lorsqu’une police ordinaire exclut la réclamation d’un assuré; dans Digby, une telle exclusion n’existait pas. L’arrêt Murray Bay répond également à l’allégation que les termes de l’al. 31 (3)h) sont ambigus; on ne trouve aucune déclaration à cet effet dans les jugements: au contraire, selon le juge Pigeon, le sens de la clause n’est pas équivoque.

L’appelant tente de distinguer Murray Bay sur deux points:

1) en vertu du Règlement, c’est la voiture qui est assurée et non la personne; cela est réfuté par la définition du terme «assuré» au sous-al. 2(1)k)(iii):

[TRADUCTION] une personne à qui, ou au nom de qui, un assureur doit verser une indemnité, si des blessures corporelles ou la mort subies par un tiers ou des dommages matériels causés aux biens d’un tiers, pour lesquels elle est légalement responsable, résultent d’un des risques mentionnés dans la Partie IV, que cette personne soit nommée ou non dans un certificat;

2) dans l’affaire Murray Bay, la police excluait la réclamation de «toute personne assurée par la police» ou de membres de la famille de cette

[Page 302]

personne, alors qu’en l’espèce, c’est la réclamation d’«un assuré» qui est exclue; vu qu’au Manitoba tous les propriétaires et conducteurs sont assurés en vertu du régime, la réclamation du tiers conducteur blessé à la suite d’une collision serait également exclue, puisqu’il est «un assuré» au sens large du terme.

Sur ce dernier point, je tiens à souligner, en premier lieu, que la Régie a effectivement pris charge de la réclamation présentée par l’autre conducteur à la suite de l’accident dont il s’agit; sans que l’action de la Régie à cet égard ne résolve totalement la question, elle constitue toutefois un indice important de la signification du Règlement. Mais ce qui est plus important, c’est qu’une telle interprétation de l’exclusion se fait dans le vide et non dans le contexte de la couverture prévue au par. 31(1). Seule est couverte la responsabilité en raison de la mort d’un tiers résultant de la conduite d’un véhicule visé par un certificat de propriétaire; cette couverture n’existe que par rapport à ce véhicule et à ce certificat. Considérant maintenant l’exclusion, je suis d’avis qu’elle ne peut s’appliquer qu’à cette responsabilité, c.-à-d. la responsabilité liée à la conduite d’un véhicule en particulier visé par un certificat en particulier; dire que cette exclusion s’applique à des personnes qui n’ont rien à voir avec ce véhicule et ce certificat, c’est oublier toutes les règles fondamentales d’interprétation.

La force de l’argument de l’appelant vient de ce qu’il n’est pas question ici d’assurance automobile commerciale mais d’un régime légal fournissant un nouveau type de couverture. Puisque tous les propriétaires et conducteurs du Manitoba sont couverts par ce régime et détiennent l’un ou l’autre des certificats mentionnés à l’art. 30 du Règlement, et puisqu’un certificat [TRADUCTION] «désigne un certificat d’assurance» délivré en vertu de The Manitoba Public Insurance Corporation Act ou du Règlement (al. 1(1)j) de la Loi, l’on prétend que la couverture accordée au propriétaire est distincte de celle accordée au conducteur. Par conséquent, l’on fait valoir que le propriétaire n’est pas un assuré en vertu du certificat du conducteur et que le conducteur n’est pas un assuré en vertu du certificat du propriétaire. Bien entendu, il en

[Page 303]

résulterait en l’espèce qu’Antonio Vergata n’est pas un assuré en vertu du certificat de Benito et que sa réclamation ne tombe pas sous le coup de l’exclusion prévue à l’al. 31(3)h).

Si cette prétention est exacte, l’exclusion en cause ne veut plus rien dire. Si la couverture créée par la Loi et le Règlement n’est accordée qu’à Benito Vergata, et à lui seul, en vertu de son certificat de conducteur et non en vertu du certificat de propriétaire d’Antonio, alors aucune autre personne ne pourrait être un assuré en vertu du certificat de Benito. Par contre, Benito ne pouvait évidemment pas intenter une action contre lui-même à la suite de sa propre négligence, ce qui dépouille l’exclusion de toute signification. Il est certes déjà arrivé que le législateur, même délégué, rédige des lois inutiles mais, heureusement, cela n’est pas la règle et les tribunaux doivent s’efforcer, dans la mesure du possible, de donner une interprétation positive de la législation et de lui donner effet. En l’espèce, je n’ai aucune difficulté à y arriver.

Malgré son aspect universel et obligatoire, il s’agit fondamentalement d’un régime d’assurance automobile. Cela ressort clairement d’une comparaison entre la Partie IV du Règlement et les art. 239 et suivants de The Insurance Act, c. I 40. Selon cette Loi, le conducteur est l’assuré non désigné en vertu de la police du propriétaire qui constitue la police principale; la police du conducteur n’entre en jeu qu’à titre complémentaire. Sous ce régime, la protection complémentaire garantie par la police du conducteur n’est pas nécessaire puisqu’il existe un plafond uniforme de $50,000 applicable à tous les certificats. Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire de considérer le certificat de conducteur comme une assurance distincte en vertu du régime, sauf dans les cas restreints du par. 31(2).

Le libellé du Règlement étaye la conclusion que le certificat de propriétaire fournit la couverture de base. Il convient de garder à l’esprit la définition générale du terme «assuré» au sous-al. 2(1)k)(iii) précité. Si le conducteur était un assuré en vertu de son propre certificat, les mots [TRADUCTION] «que cette personne soit nommée ou non dans le certificat», en fin de définition, seraient

[Page 304]

inutiles en ce qui concerne le conducteur manitobain puisqu’il est toujours désigné dans son propre certificat. Je ne puis croire que ces mots ont été insérés pour couvrir uniquement le cas du conducteur non résidant décrit au sous-al. 30a)(ii) du Règlement, savoir celui qui a le droit de conduire un véhicule sur le territoire de son lieu de résidence et qui est âgé d’au moins 16 ans. Nul doute que le législateur aurait pu donner une meilleure description de ce conducteur occasionnel si c’était le seul qu’il voulait viser dans la définition d’«assuré» à l’art. 2.

L’article 36 de The Manitoba Public Insurance Corporation Act, que voici, étaye mon interprétation du Règlement:

[TRADUCTION] Une personne assurée en vertu d’un certificat de propriétaire, sans y être nommément désignée, peut se faire indemniser de la même manière et dans la même mesure que si elle y était nommément désignée comme assuré et, à cette fin, elle peut exercer, en son nom et pour son compte, les mêmes droits et est assujettie aux mêmes obligations, que si elle y était nommément désignée comme assuré.

Notons que cet article est identique à tous égards à l’art. 243 de The Insurance Act. Encore une fois, il m’est impossible d’accepter la prétention que cet article n’a pour but que de donner des droits au conducteur non résidant, ce qui serait effectivement le cas si le conducteur manitobain était, en toutes circonstances, couvert en vertu de son propre certificat et n’était pas simplement un assuré non désigné en vertu du certificat du propriétaire.

La définition générale du terme «assuré» à l’art. 2 du Règlement, est précisée par l’art. 30 ce qui, toutefois, n’en change pas la portée fondamentale. Comme je l’ai déjà souligné, aux fins de la Partie IV, le terme «assuré» désigne une personne titulaire d’un certificat de propriétaire et comprend deux catégories de personnes:

— le titulaire d’un certificat de conducteur;

— le résident d’un territoire autre que le Manitoba.

Comment peut-on dire que la couverture prévue au par. 31(1) équivaut, d’une part, à deux couvertures distinctes aux termes des deux certificats lorsque le

[Page 305]

propriétaire et le conducteur résident tous deux au Manitoba et, d’autre; part, à une seule couverture à l’avantage commun du propriétaire et du conducteur lorsque ce dernier n’y réside pas?

Par conséquent, je souscris à la décision de la Cour d’appel selon laquelle le terme «assuré» au par. 31(1) et à l’al. 31(3)h) [TRADUCTION] «vise à la fois le propriétaire et le conducteur et n’est pas ambigu», de sorte que l’alinéa a pour effet de soustraire l’intimée à son obligation d’indemniser l’appelant au regard de la responsabilité de ce dernier à l’égard des tiers. Il faut noter que le savant Juge en chef de la Cour du Banc de la Reine a refusé de statuer sur ce point; il a simplement présumé que tel était le cas et il a donné gain de cause à l’appelante en se fondant sur le par. 31(2) que je vais maintenant examiner.

II — Le paragraphe 31(2)

Sous la rubrique [TRADUCTION] «Police de conducteur», l’article débute comme suit:

[TRADUCTION] La couverture mentionnée au paragraphe (1) s’étend au titulaire d’un certificat valide de conducteur lorsqu’il utilise personnellement ou conduit un véhicule à moteur qui n’est pas autrement assuré, à l’égard de toute obligation imposée par la loi en raison de la propriété, de l’usage ou de la conduite dudit véhicule, si

a) …

Il n’est pas nécessaire de citer la suite de cet article puisqu’il est reconnu que les circonstances en l’espèce appellent une décision en faveur de l’appelant si le véhicule à moteur n’est pas [TRADUCTION] «autrement aussuré».

Notons en premier lieu que ce texte vient appuyer la conclusion à laquelle je suis venu dans la première partie des présents motifs. Si le certificat de conducteur était, dans tous les cas, la source de la couverture, il n’y aurait pas lieu d’étendre la couverture prévue au par. 31(1) puisqu’elle s’appliquerait à toutes les situations. De fait, le par. 31(2) serait alors entièrement inutile. Quant à l’expression [TRADUCTION] «véhicule à moteur qui n’est pas autrement assuré, à l’égard de toute obligation imposée par la loi», il s’agit là d’une expression malheureuse puisqu’en vertu de la

[Page 306]

Partie IV du Règlement, l’assurance ne couvre que la responsabilité de la personne assurée résultant de la propriété, de l’usage ou de la conduite de l’automobile, et non l’automobile elle-même, comme on l’a déjà souligné.

Ce choix malheureux de mots ne voile cependant pas la question en litige: s’agit-il d’une situation où le véhicule à moteur n’était pas autrement assuré à l’égard de toute obligation imposée par la loi ou s’agit-il simplement d’une situation où l’assurance était en vigueur mais sous réserve de certaines exclusions énoncées au par. 31(3)? A mon avis, la seconde question est la bonne et je fais mienne l’opinion du juge Hall, parlant au nom de la Cour d’appel (à la p. 377):

[TRADUCTION] Le point suivant est que dès que l’on admet ou présume, à l’instar du Juge en chef en l’espèce, que Vergata bénéficie de la couverture aux termes du certificat de propriétaire, en tant qu’assuré non désigné, sous réserve des exclusions mentionnées au par. 31(3), on ne peut alors recourir, selon moi, à l’extension de la couverture fournie par un certificat de conducteur aux termes du par. 31(2) du Règlement. A ce sujet, le Juge en chef tient les propos suivants (à la p. 549):

Si l’on présume que l’exclusion énoncée à l’al. 31 (3)h) du Règlement s’applique au contrat d’Antonio Vergata dans les circonstances, alors le véhicule à moteur n’est pas autrement assuré à l’égard de l’obligation imposée par la loi.

Avec égards, je ne partage pas cette opinion. Vergata conduisait le véhicule visé par le certificat du propriétaire décédé, avec l’autorisation de ce dernier. Il était, par conséquent, un assuré au sens de l’art. 30 et avait droit à la couverture prévue au par. 31(1), sous réserve des restrictions imposées à celle-ci par le par. 31(3). Bien que l’exclusion h) s’applique puisque la réclamation résulte de la mort d’un assuré, cela ne fait pas entrer en jeu le par. 31(2) comme semble le décider le savant Juge en chef. Il n’y a pas d’extension de la couverture lorsque le conducteur est au volant d’un véhicule à moteur visé par un certificat de propriétaire. Cette opinion est étayée par le par. 31(2) qui se lit en partie comme suit: «conduit … un véhicule à moteur qui n’est pas autrement assuré». Le véhicule à moteur en cause était assuré et n’a pas cessé de l’être, sous réserve de certaines exclusions. De plus, cette opinion est étayée par la nature même des conditions attachées à l’extension de la couverture; elles prévoient clairement le cas du titulaire d’un certificat de conducteur conduisant un véhicule non

[Page 307]

visé par un certificat de propriétaire, alors qu’il a des motifs raisonnables de croire que ce véhicule est visé par un tel certificat; mais le véhicule en cause, lui, était effectivement visé.

A mon avis, Vergata bénéficie de la couverture prévue au par. 31(1), de la même manière et dans la même mesure que tout autre titulaire d’un certificat de conducteur ou de propriétaire et, à ce titre, il est assujetti aux exclusions ou restrictions mentionnées au par. 31(3) du Règlement. L’extension de la couverture prévue au par. 31(2), relativement au certificat de conducteur, ne s’applique pas lorsque, comme en l’espèce, le conducteur en question est, sans l’ombre d’un doute, un assuré en vertu du par. 31(1) en tant que conducteur du véhicule assuré, c.-à-d. celui visé par le certificat de propriétaire.

* * *

Pour ces motifs, je suis d’avis de confirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi accueilli avec dépens, les juges MARTLAND, JUDSON, DICKSON et DE GRANDPRÉ étant dissidents.

Procureur de l’appelant: J.R. Glowacki, Winnipeg.

Procureur de l’intimée, The Manitoba Public Insurance Corporation: S.S. Kapoor, Winnipeg.

Procureurs de l’intimée, Rita Vergata: Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winnipeg.

[1] [1976] 4 W.W.R. 373, 67 D.L.R. (3d) 527.

[2] [1943] A.C. 121.

[3] [1975] 1 R.C.S. 68.

[4] [1976] 3 W.W.R. 544.

[5] [1976] 4 W.W.R. 373.

[6] [1975] 1 R.C.S. 68.

[7] [1943] A.C. 121.


Parties
Demandeurs : Vergata
Défendeurs : Vergata et autre
Proposition de citation de la décision: Vergata c. Vergata et autre, [1978] 1 R.C.S. 289 (14 juin 1977)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-06-14;.1978..1.r.c.s..289 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award