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24/06/1977 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._918

Canada | Metropolitan Toronto c. Atkinson et al., [1978] 1 R.C.S. 918 (24 juin 1977)


Cour suprême du Canada

Metropolitan Toronto c. Atkinson, [1978] 1 R.C.S. 918

Date: 1977-06-24

La municipalité du Toronto Métropolitain (Plaignant) Appelante;

et

Stephanie Atkinson, et autres (Défendeurs) Intimés.

1977: 9 mai; 1977: 24 juin.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Metropolitan Toronto c. Atkinson, [1978] 1 R.C.S. 918

Date: 1977-06-24

La municipalité du Toronto Métropolitain (Plaignant) Appelante;

et

Stephanie Atkinson, et autres (Défendeurs) Intimés.

1977: 9 mai; 1977: 24 juin.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 918 ?
Date de la décision : 24/06/1977
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Louage de choses - Location d’immeubles résidentiels - Avis donnant deux dates effectives de congé - Y a-t-il ambiguïté ou incertitude? - Formule autorisée par la loi - The Landlord and Tenant Act, R.S.O. 1970, c. 236, art. 98(1), 99(3), 99(4), 101, 102, 103; formule 4 - The Interpretation Act, R.S.O. 1970, c. 225, art. 27.

Les intimés, locataires d’immeubles résidentiels situés sur deux îles de Toronto ont intenté une action déclaratoire pour contester la validité des avis de congé de leur bail annuel qui leur ont été donnés par la propriétaire appelante. Les avis datés du 10 janvier 1974 avaient été envoyés par lettre recommandée le 30 janvier 1974, ou vers cette date, et avisaient les intimés qu’ils devaient rendre la possession dies lieux «le 31 août 1974 ou le dernier jour de la période de leur location qui suit immédiatement le présent avis». A chaque avis était jointe une lettre recommandant aux locataires de faire des arrangements dès que possible pour être en mesure d’utiliser le service de traversiers pour faire transporter leurs biens et leur indiquant qu’ils pouvaient quitter les lieux avant la date normale d’expiration le 31 août 1974. Les intimés prétendent que les avis sont défectueux vu l’incertitude de la date de congé et que leurs baux subsistent jusqu’à ce qu’il y soit mis fin régulièrement; subsidiairement ils plaident que les avis donnaient aux locataires la faculté de rendre la possession le 31 août 1975 et que les baux subsistent jusqu’à cette date. Le juge de première instance a fait droit à cette prétention subsidiaire et la Cour d’appel a infirmé sa décision et statué que les avis étaient invalides en raison de l’incertitude.

Arrêt (les juges Martland, Ritchie et Spence étant dissidents): Le pourvoi doit être accueilli.

Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Pigeon et Beetz: Les articles 101 à 103 de The Landlord and Tenant Act, lus à la lumière de l’al. 98(1)c), fixent le délai d’avis minimum mais n’en interdisent pas un plus

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long. L’avis doit être certain et sans ambiguïté, mais cela ne signifie pas qu’il faut utiliser des expressions formalistes mais plutôt de faire en sorte que l’avis soit donné à temps de façon que le locataire sache qu’il est tenu de libérer les lieux à une date donnée. La validité d’un avis de congé ne doit pas dépendre de subtilités ou de formalités de ce genre. Aux termes du par. 99(3) de The Landlord and Tenant Act, un avis est valide même si la date donnée et la date prévue par la formule sont toutes les deux correctes et pas seulement lorsque la date de congé indiquée est incorrecte. En l’espèce, les locataires avaient deux dates alternatives de congé mais ceci n’engendrait ni ambiguïté ni incertitude. Ils pouvaient donc faire valoir la date du 31 août 1975 et le propriétaire pouvait faire exécuter son avis en conséquence.

Les juges Pigeon et Beetz: Ce que la Cour d’appel a jugé mauvais est exactement conforme à la formule prévue par la Loi. Quand le législateur a décrété qu’une formule peut être utilisée à des fins indiquées, elle peut valablement l’être à ces fins. L’absence de précision sur l’effet d’un avis donné conformément au par. 99(3) et à la formule 4 de The Landlord and Tenant Act lorsque les deux dates sont correctes n’entraînent pas l’invalidité d’un tel avis. Deux dates différentes ont été indiquées et ceci est expressément autorisé.

Les juges Dickson et de Grandpré: Lu en même temps que la lettre qui y était jointe, l’avis de congé n’est pas ambigu. Rien dans le dossier ne porte à croire que les locataires aient eu l’impression qu’on leur donnait le choix de quitter les lieux le 31 août 1974 ou le 31 août 1975. Même sans la lettre jointe, l’avis est valide. Si la date fixe est correctement indiquée c’est elle qui prévaut et la date de la formule n’a plus de raison d’être. Les avis de congé sont valides et ont donc mis fin aux contrats de bail le 31 août 1974.

Les juges Martland, Ritchie et Spence, dissidents: Nous n’avons pas affaire à une offre d’un nouveau terme. Il s’agit en l’espèce d’interpréter correctement un avis de congé. La forme de cet avis est exactement conforme à la formule 4 édictée dans The Landlord and Tenant Act mais il s’agit néanmoins d’un avis ambigu. Un avis de congé est une demande juridique formelle de rentrer en possession, ce n’est pas une offre d’option. Une difficulté surgit lorsque le délai entre le jour où l’avis est donné et la fin de la période de location excède le délai d’avis requis mais cette erreur accidentelle de rédaction des dispositions législatives ne peut être considérée comme une intention de modifier l’ancien principe selon lequel un avis de congé ne doit pas être ambigu.

[Arrêt approuvé: Sidebotham v. Holland, [1895] 1 Q.B. 378; arrêts mentionnés: Silver v. Kelly, [1953] 1 D.L.R. 649; Mital v. Andrews, [1950] 2 D.L.R. 51;

[Page 920]

Addis v. Burrows, [1948] 1 K.B. 444; Eastaugh v. Macpherson, [1954] 3 All E.R. 214; Dagger v. Shepherd, [1946] 1 K.B. 215.]

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1] infirmant un jugement déclaratoire du juge Osler à l’égard de la validité d’avis de congé concernant des baux annuels. Pourvoi accueilli, les juges Martland, Ritchie et Spence étant dissidents.

W.B. Williston, c.r., et H.W.O. Doyle, pour l’appelante.

Earl A. Cherniak, c.r., et Peter Y. Atkinson, pour les intimés.

Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Judson a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — Ce pourvoi a son origine dans une action déclaratoire intentée par plus de 200 locataires d’immeubles résidentiels situés dans l’île Algonquin et l’île de Ward, deux des «îles de Toronto» dans la zone portuaire de Toronto. Ils contestent notamment la validité des avis de congé de leur bail annuel qui leur ont été donnés par la propriétaire appelante. Les intimés ont soulevé un certain nombre d’autres questions sur lesquelles ils n’ont pas eu gain de cause devant la Cour d’appel de l’Ontario, mais celle-ci a cependant infirmé la décision du juge Osler sur la question de la validité des avis de congé. L’appelante a porté cette question ici, sur autorisation de cette Cour, mais les intimés, comme c’était leur droit, ont également plaidé les points sur lesquels ils avaient perdu devant les premiers juges. Cette Cour n’a pas demandé à l’appelante de répliquer sur ces points, étant d’avis que la Cour d’appel les avait à juste titre tranchés contre les intimés. Il n’y a donc lieu d’étudier que le principal point soulevé en appel.

Les baux annuels des intimés étaient en la forme habituelle et, tels qu’ils avaient été prolongés ou renouvelés, contenaient au moment qui nous intéresse la clause de congé suivante:

[TRADUCTION] 6. Chacune des parties peut mettre fin au présent bail le 31 août 1972 ou à l’expiration de toute année subséquente de location en donnant avis par écrit à l’autre partie au moins 90 jours avant le 31 août

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1972 ou avant l’expiration de toute année subséquente de location.

Les avis de congé, datés du 10 janvier 1974, furent adressés par lettre recommandée à chaque intimé le 30 janvier 1974 ou vers cette date. Tous les avis se lisent ainsi:

[TRADUCTION] VOUS êtes avisé par les présentes d’avoir à rendre la possession des lieux connus sous la désignation municipale Île de Toronto, que vous occupez en tant que locataire de la municipalité du Toronto Métropolitain, le 31 août 1974 ou le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement le présent avis.

Chaque avis était accompagné d’une lettre dont voici les passages pertinents:

[TRADUCTION] Conformément à la décision du Conseil métropolitain du 11 décembre 1973, je joins à la présente un avis officiel de congé du bail immobilier sur les lieux ci-dessus.

Au cas où vous désireriez utiliser le service de traversiers de l’île pour déménager, nous vous conseillons de prendre contact avec Mme Olga Tataren, du service des parcs métropolitains, 10e étage, Tour est, Hôtel de Ville — numéro de téléphone 367-8188 — pour faire les réservations nécessaires. Nous vous recommandons de faire des arrangements dès que possible afin d’être sûr d’avoir une réservation en août 1974.

Si vous désirez mettre fin à votre bail et rendre la possession des lieux avant la date normale d’expiration le 31 août 1974, veuillez en aviser Mme Tataren, adresse et numéro de téléphone susmentionnés, afin qu’on puisse procéder à un ajustement du loyer et des taxes payés d’avance.

Les intimés intentèrent leur action le 4 juillet 1974 et dans leur nouvel exposé de demande signifié le 28 février 1975, ils plaidèrent, au para. 11d) que «les avis [de congé] sont défectueux vu l’incertitude de la date à laquelle la possession doit être rendue ou, subsidiairement, qu’ils donnent aux demandeurs la faculté de rendre la possession le 31 août 1975». De même, on trouve au par. 12 l’allégation suivante:

[TRADUCTION] Les demandeurs plaident que, puis-qu’aucun avis valide de congé ne leur a été donné au 1er juin 1974, leurs baux sont automatiquement renouvelés et subsistent jusqu’à ce qu’il y soit mis fin régulièrement ou, subsidiairement, que leurs baux subsistent jusqu’au 31 août 1975.

[Page 922]

L’action fut entendue dans les derniers jours d’avril 1975 et, exprimant ses motifs oralement le 25 avril 1975, le juge Osler décida que les baux subsistaient jusqu’au 31 août 1975, faisant droit ainsi à la prétention subsidiaire des intimés. Il en vint à cette conclusion pour les considérations suivantes:

[TRADUCTION]… Il est évident que les avis donnés, dont les stencils originaux constituent Ses documents 15 et 16, suivent la formule 4 de The Landlord and Tenant Act et prévoient notamment que le locataire doit rendre possession «le 31 août 1974 ou le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement Se présent avis». On prétend que cet avis est ambigu et que les locataires qui l’ont reçu ne peuvent dire s’ils doivent quitter les lieux le 31 août 1974 ou le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement. La seconde éventualité signifie évidemment que le 31 août 1975 sera la date effective du congé. Il semble que la législature, en prévoyant l’utilisation facultative d’une telle formule, ait entendu protéger les parties, et en particulier peut-être le propriétaire, contre les conséquences fatales que Ton attachait auparavant aux vices de forme d’un avis, en disposant que, s’il existe quelque incertitude sur la date exacte à laquelle il sera mis fin au bail, l’avis prendra effet le dernier jour de la période suivante de location, que le bail soit hebdomadaire, mensuel ou annuel. A mon avis, ce serait faire preuve d’irresponsabilité que d’interpréter ce document de façon à le rendre nul, quelque ambigu qu’il puisse être. Il n’est pas contesté que ces avis ont été signifiés dans un délai qui leur aurait donné effet le 31 août 1974. En raison de l’ambiguïté qu’ils comportent, j’en arrive toutefois à la conclusion qu’ils doivent être interprétés en faveur des locataires et qu’ils prennent effet le 31 août 1975…

L’audition devant la Cour d’appel a eu lieu dans les derniers jours de janvier 1976 et le jugement infirmant la décision du juge Osler a été rendu le 16 mars 1976. Par le truchement du juge Howland, la Cour d’appel a statué que les avis de congé étaient complètement invalides en raison de l’incertitude résultant des deux dates différentes de congé qui y étaient fixées. Prise isolément, chacune d’elles aurait eu un effet, mais comme elles entraient en conflit, aucune n’en avait. Le savant juge a déclaré que, bien que les avis donnés soient conformes à la formule 4, à laquelle renvoie le par. 99(4) de The Landlord and Tenant Act, R.S.O. 1970, c. 236 et bien que le par. 99(3) prévoie des

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avis rédigés dans les termes utilisés en l’espèce, la formule n’est que facultative et nécessite une adaptation dans le cas d’un bail annuel pour répondre aux exigences de l’art. 99 quant à la double date de congé.

Les dispositions de The Landlord and Tenant Act concernant la question à trancher en l’espèce sont les suivantes:

[TRADUCTION] 98. (1) II peut être mis fin à tout bail hebdomadaire, mensuel ou annuel par le propriétaire ou le locataire par avis adressé à l’autre partie et, sauf convention contraire, l’avis

a) doit satisfaire aux exigences de l’article 99;

b) doit être donné en la manière prescrite par l’article 100; et

c) doit être donné suffisamment à l’avance pour respecter le délai exigé par l’article 101, 102 ou 103, selon le cas.

(2) Sauf convention contraire, il peut être mis fin à tout autre bail résiliable par avis en la manière prévue aux articles 99 et 100.

99. (1) Un propriétaire ou un locataire peut donner avis de congé verbalement ou par écrit, mais un avis donné par un propriétaire à un locataire n’a d’effet en vertu de l’article 106 que s’il est écrit.

(2) Un avis écrit

a) doit être signé par la personne qui donne l’avis ou son mandataire;

b) doit identifier les lieux à l’égard desquels l’avis est donné; et

c) doit indiquer la date à laquelle le bail doit prendre fin ou que le bail doit prendre fin le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné.

(3) Un avis peut indiquer à la fois

a) la date à laquelle le bail doit prendre fin; et

b) que le bail doit prendre fin le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné,

et s’il indique ainsi les deux et la date à laquelle le bail doit se terminer est incorrectement indiquée, l’avis a néanmoins pour effet de mettre fin au bail le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné.

(4) L’avis n’est soumis à aucune forme particulière, mais un avis donné par un propriétaire à un locataire peut être rédigé selon la formule 4 et celui donné par un locataire à un propriétaire selon la formule 5.

[Page 924]

101. (1) L’avis de congé d’un bail hebdomadaire doit être donné au plus tard le dernier jour d’une semaine de location et prend alors effet le dernier jour de la semaine de location suivante.

(2) Aux fins du présent article, «semaine de location» désigne la période hebdomadaire sur laquelle porte le bail et pas nécessairement une semaine du calendrier et, sauf convention expresse au contraire, la semaine est censée commencer le jour où le loyer est payable.

102. (1) L’avis de congé d’un bail mensuel doit être donné au plus tard le dernier jour d’un mois de location et prend alors effet le dernier jour du mois de location suivant.

(2) Aux fins du présent article, «mois de location» désigne la période mensuelle sur laquelle porte le bail et pas nécessairement un mois du calendrier et, sauf convention expresse au contraire, le mois est censé commencer le jour où le loyer est payable.

103. (1) L’avis de congé d’un bail annuel doit être donné au plus tard le soixantième jour précédant le dernier jour d’une année de location et prend alors effet le dernier jour de cette année de location.

(2) Aux fins du présent article, «année de location» désigne la période annuelle sur laquelle porte le bail et pas nécessairement une année du calendrier, et sauf convention expresse au contraire, l’année est censée commencer le jour où le locataire a été autorisé à prendre possession, ou le jour anniversaire de celui-ci.

La prétention des intimés, à laquelle a fait droit la Cour d’appel et selon laquelle les avis donnés contenaient deux dates valides mais incompatibles, suppose que l’on interprète dans les avis les mots [TRADUCTION] «le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement le présent avis» comme visant non pas la période de location se terminant le 31 août 1974 mais plutôt celle qui se terminait l’année suivante. Le juge Howland a déclaré sur ce point:

[TRADUCTION]… Pour mettre fin au bail le 31 août 1974, en donnant avis plus de 90 jours avant le 31 août 1974, la clause subsidiaire de l’avis aurait dû se lire «le dernier jour de la période courante de votre location» et non «le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement le présent avis», ce dernier jour étant le 31 août 1975. En conséquence, l’avis, comme il a été donné, ordonnait au locataire de rendre possession le 31 août 1974 ou le 31 août 1975.

[Page 925]

Si les avis avaient visé à mettre fin à un bail hebdomadaire ou mensuel, la logique de l’opinion exprimée par la Cour d’appel aurait abouti à ce que, dans chacun de ces cas, il n’y aurait eu qu’une seule date de congé. Selon la Cour d’appel, il ne pouvait cependant en être ainsi en vertu de l’avis donné en l’espèce à l’égard de baux annuels. Ce n’est que si l’avis était incorrect à l’égard de la première date spécifiée (ainsi en a décidé la Cour d’appel) que la date indiquée subsidiairement dans les avis considérés pouvait avoir effet, et ceci en raison du par. 99(3); en somme, la Cour d’appel a été d’avis qu’il ne peut y avoir qu’une seule date de congé correcte et ayant effet. Le juge Howland s’est exprimé en ces termes sur cet aspect de la question:

[TRADUCTION]… Il est manifeste qu’il s’agit d’une période de location annuelle. Si le Conseil avait été autorisé à le faire, un avis donné au moins 90 jours avant le 31 août 1973, semblable à l’avis qui a été donné, n’aurait conduit à aucune incertitude ou ambiguïté. Il n’y aurait eu qu’une seule date de congé, à savoir le 31 août 1974. Si l’avis avait été donné moins de 90 jours avant le 31 août 1974, il n’y aurait encore eu qu’une seule date de congé, à savoir le 31 août 1975. Dans ce cas, l’indication subsidiaire aurait joué. Si la date de congé avait été incorrectement indiquée comme étant le 30 août 1974, et si l’avis avait été donné au moins 90 jours avant le 31 août 1974, alors le par. 99(3) se serait appliqué et la date de congé aurait été le 31 août 1975, puisqu’il ne pouvait être mis fin au bail qu’à la fin d’une période annuelle de location, c’est-à-dire le 31 août.

Le savant juge a appuyé sa conclusion sur l’al. 98(l)c), qui renvoie aux art. 101, 102 et 103, et en opposant la mention aux art. 101 et 102 de la semaine suivante ou du mois suivant de location à la mention à l’art. 103 de cette année de location.

Je n’interprète pas les art. 101 à 103 comme interdisant de donner un avis de congé qui accorde à un locataire plus d’une période de location pour quitter les lieux. J’interpréterai ces dispositions à la lumière de l’al. 98(1)c) qui décrète qu’un avis de congé [TRADUCTION] «doit être donné suffisamment à l’avance pour respecter le délai exigé par l’art. 101, 102 ou 103, selon le cas». On doit donc considérer que ces articles fixent le délai d’avis

[Page 926]

minimum mais qu’ils n’en interdisent pas un plus long.

Il est banal de dire qu’un avis de congé de bail, spécialement d’un bail périodique, doit être conforme aux dispositions concernant le congé, s’il en est, ou doit satisfaire aux exigences de la loi, notamment que l’avis doit être certain ou sans ambiguïté. Il ne s’agit pas tant d’utiliser des expressions formalistes que de faire en sorte que l’avis soit donné à temps conformément aux conditions du bail ou à la nature de la location, de façon que le locataire sache qu’il est tenu de libérer les lieux au terme du bail (si un avis a été stipulé dans un tel cas) ou à la fin d’une période du bail périodique. Dans la jurisprudence anglaise, nombre des difficultés soulevées par les avis ont résulté de l’incertitude de la date de commencement de baux périodiques, mais jusqu’à l’arrêt Sidebotham v. Holland[2], on se demandait également si un avis de congé, devant prendre effet le jour anniversaire du commencement d’un bail, était aussi efficace qu’un avis du congé pour le dernier jour de la période de location. Approuvant dans cette affaire, où il s’agissait d’un bail annuel, un avis donné pour le jour anniversaire, la majorité de la Cour d’appel (par la voix du lord juge Lindley appuyé par lord Halsbury) fit les observations suivantes (à la p. 383):

[TRADUCTION]… Il n’y a pas à couper les cheveux en quatre pour déterminer la validité d’un avis de congé. D’ailleurs, si on laissait libre cours au byzantinisme, un avis d’avoir à quitter les lieux le premier instant de l’anniversaire devrait être tout aussi valable qu’un avis d’avoir à quitter les lieux le dernier instant du jour précédent. Mais de telles subtilités devraient être et sont écartées comme déplacées…

Dans la même affaire, le lord juge A.L. Smith, quoique doutant de la validité de l’avis donné pour l’anniversaire du commencement du terme, déclara n’être pas en désaccord et il se référa également à la formule subsidiaire d’avis de congé d’un bail annuel devenue habituelle en Angleterre, dans les termes suivants (à la p. 389):

[TRADUCTION] Je voudrais souligner que le demandeur n’a qu’à se blâmer lui-même des difficultés qu’il rencontre en l’espèce. S’il avait ajouté les mots qui sont

[Page 927]

très couramment insérés dans un avis de congé, «ou à l’expiration de Tannée de votre bail, qui prendra fin immédiatement après la fin d’une demi-année à compter de la signification de cet avis», et qui le sont pour éviter toute question comme celle qui est présentement soulevée, il n’aurait pas eu de problème;…

Les tribunaux ontariens ont suivi le principe posé dans Sidebotham en décidant qu’un avis de congé pour le jour anniversaire du commencement d’un bail périodique (lorsque l’avis a été donné dans le délai fixé) est exécutoire: voir Silver v. Kelly[3], où, dans le cas d’un bail mensuel commençant au début du mois, on a jugé valable un avis donné le 27 décembre 1951 d’avoir à quitter les lieux le 1er juillet 1952 (délai d’avis plus long que celui qui est obligatoire dans un bail mensuel). La décision Silver v. Kelly s’est refusée à suivre celle qui avait été rendue en Colombie-Britannique dans l’affaire Mitai v. Andrews[4]. Dans cette cause, la Cour s’en était tenue à l’exigence selon laquelle, pour être valable, l’avis devait viser le dernier jour de la période de location; et quoique cette thèse de la date unique de congé ait été bien reçue (voir Note, (1950) 28 Rev. du Bar. can. 796), j’estime avec le lord juge Lindley qu’il faut se garder des subtilités et du formalisme.

Mon point de vue est le même à l’égard des dispositions de The Landlord and Tenant Act et je ne vois donc aucune raison de ne pas donner effet au par. 99(3) de cette loi. Je le reprends ici pour plus de commodité:

[TRADUCTION] 99.…

(3) Un avis peut indiquer à la fois

a) la date à laquelle le bail doit prendre fin; et

b) que le bail doit prendre fin le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné,

et s’il indique ainsi les deux et la date à laquelle le bail doit se terminer est incorrectement indiquée, l’avis a néanmoins pour effet de mettre fin au bail le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné.

Je n’interprète pas cette disposition comme jouant seulement lorsque la date de congé indiquée est incorrecte. L’intention, dans un tel cas, est mani-

[Page 928]

festement de préserver les effets de l’avis à l’égard de l’indication subsidiaire; elle ne fait pas obstacle à l’efficacité de l’avis si une date correcte est donnée, suivie de la date prévue par la formule, ainsi que l’autorise le par. 99(3).

Il peut en résulter, dans le cas d’un bail annuel, que le locataire peut, à son choix, quitter les lieux à la date spécifiée, ici le 31 août 1974, ou y demeurer jusqu’au 31 août 1975, dernier jour de la période de location suivant l’avis donné. Certes, ceci signifierait qu’on a donné au locataire deux dates alternatives de congé, toutes deux valides et exécutoires, mais ceci n’engendre ni ambiguïté ni incertitude. Le propriétaire a offert le choix entre deux dates et le locataire est libre, aux termes de l’avis, d’opter pour la deuxième. Je ne puis souscrire à l’argument des intimés selon lequel, si deux dates de congé sont indiquées (dont l’une est celle de la formule) et que l’une est valide et l’autre invalide, il n’y a pas d’ambiguïté parce que seule la date valide a un effet, mais que si deux dates de congé, toutes deux valides, sont indiquées dans le même avis, il en résulte une ambiguïté et l’avis est nul, quoique les deux dates entrent en jeu et puissent être mises à effet alternativement.

Je ne suis, quant à moi, nullement persuadé que l’indication subsidiaire ne vise pas le 31 août 1974 cela étant (si je peux exprimer autrement la formule de l’al. 99(3)b)) le dernier jour, qui suit immédiatement l’avis donné, de cette année de location (pour employer les termes du par. 103(1)). Je suis toutefois disposé en l’espèce à dire que les locataires pouvaient faire valoir la date du 31 août 1975 comme ils l’ont prétendu dans l’exposé de leur demande et que le propriétaire pouvait faire exécuter son avis en conséquence.

Il en résulte que je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario et de rétablir le jugement déclaratoire du juge Osler. L’appelante a droit à ses dépens en cette Cour, mais je ne suis pas d’avis d’adjuger les dépens en Cour d’appel et suis d’avis de confirmer l’adjudication de dépens du juge Osler en faveur des demandeurs, en la limitant cependant à un seul mémoire de frais.

[Page 929]

Le jugement des juges Martland, Ritchie et Spence a été rendu par

LE JUGE SPENCE (dissident) — J’ai eu l’occasion de lire et d’étudier les motifs de jugement rédigés par le Juge en chef et le juge Pigeon. Avec égards, j’en suis arrivé à la conclusion que le pourvoi devrait être rejeté.

C’est sûrement un axiome qu’un avis de congé doit être sans ambiguïté. Le principe est exposé de façon succincte dans Williams’ Canadian Law of Landlord and Tenant, 4e éd. 1973, à la p. 549, art. 119:

[TRADUCTION] Bien qu’il ne soit assujetti à aucune forme particulière, l’avis de congé doit intimer de façon certaine et dépourvue d’ambiguïté l’intention de mettre fin au bail à un moment déterminé; mais il semble y avoir divergence d’opinions sur le point de savoir si l’offre d’un nouveau terme vicie l’avis.

A mon avis, nous n’avons pas affaire, en l’espèce, à une offre d’un nouveau terme.

Dans Eastaugh v. Macpherson[5], il a été déclaré que l’avis doit être dépourvu d’ambiguïté lorsqu’on l’interprète correctement.

J’estime qu’il s’agit, en l’espèce, d’interpréter correctement l’avis de congé. Il ressort des documents que les autorités de la municipalité du Toronto Métropolitain ont reçu instruction de demander à ces locataires de quitter les lieux le 31 août 1974 et que cette décision a été prise et les avis de congé adressés longtemps avant qu’ils aient à quitter les lieux. Il en ressort également que tous les baux étaient annuels et venaient effectivement à expiration le 31 août et que ce fait était bien connu des autorités du Toronto Métropolitain qui avaient donc l’occasion de signifier un avis de congé pur et simple dans lequel la date à laquelle le locataire devait quitter les lieux aurait pu être simplement spécifiée comme «le 31 août 1974». Au lieu de s’en tenir à cela, les autorités, à mon avis, ont mal interprété les dispositions de The Landlord and Tenant Act et décidé d’ajouter les mots [TRADUCTION] «oU le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement le présent avis».

[Page 930]

Je conviens que la forme de cet avis est exactement conforme à la formule 4 édictée dans The Landlord and Tenant Act, mais je suis d’avis que, dans les circonstances de l’espèce, il s’agit néanmoins d’un avis ambigu.

Les avis ont été adressés le 30 janvier 1974 ou vers cette date. Le dernier jour de la période de location qui suivait immédiatement cette date n’était pas le 31 août 1974 mais le 31 août 1975. Ainsi, ce document qui était censé être un avis de congé était, en fait, un avis selon lequel le locataire devait quitter les lieux le 31 août 1974 ou le 31 août 1975. Un avis de congé est, dans son essence, une demande juridique formelle de rentrer en possession. Ce n’est pas une offre d’option.

A mon avis, l’arrêt Dagger v. Shepherd[6], ne vient pas contredire le principe bien connu énoncé ci-dessus. Dans cette affaire, le congé avait été donné pour une date fixe «ou avant». Lord Evershed déclara, à la p. 222:

[TRADUCTION]…son effet véritable était, d’abord, d’aviser irrévocablement le locataire de la fin du bail pour le 25 mars 1945 et, ensuite, de lui offrir d’accepter de mettre fin au contrat à une date antérieure (à son choix) à laquelle le locataire abandonnerait en fait la possession des lieux.

Je ne crois pas pouvoir appliquer cette description au présent avis, en raison du fait que j’ai déjà mentionné, savoir les instructions claires que les fonctionnaires de la municipalité avait reçues des élus municipaux.

L’explication de la contradiction apparente dans la Loi et de l’erreur commise pourrait bien être celle que le procureur de l’appelante a signalée devant cette Cour, savoir la pratique adoptée en Angleterre selon laquelle on permet de donner un avis de congé valable dans les cas où il est impossible de déterminer avec précision le jour où le bail prend fin. Une difficulté surgit, vu les dispositions de la loi ontarienne, lorsque le délai entre le jour où l’avis est donné et la fin de la période de location excède le délai d’avis requis, à savoir presque inévitablement dans les baux annuels. Je suis d’avis que cette erreur accidentelle de rédac-

[Page 931]

tion des dispositions de The Landlord and Tenant Act (alors en vigueur, car elles ont été remplacées depuis par une loi très différente) ne peut être considérée comme une intention de modifier l’ancien principe selon lequel un avis de congé ne doit pas être ambigu.

Avec égards, je suis d’accord avec l’opinion exprimée en Cour d’appel par le juge Howland. Je rejetterais le pourvoi avec dépens.

Le jugement des juges Pigeon et Beetz a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Je suis d’accord avec le Juge en chef et désire ajouter les observations suivantes.

La formule 4 de The Landlord and Tenant Act se lit ainsi:

[TRADUCTION] Avis au locataire

A.........................................................................................................................................................

(Nom du locataire)

Je vous donne par les présentes avis d’avoir à rendre la possession des lieux

............................................................................................................................................................

(identification des lieux)

que vous occupez en tant que mon locataire, le ................................... prochain, ou le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement le présent avis.

Ce.................................................................................. 19................

.................................................................................................

(propriétaire)

Les avis adressés aux locataires se lisent comme suit:

[TRADUCTION] Vous êtes avisé par les présentes d’avoir à rendre la possession des lieux connus sous la désignation municipale

Île de Toronto, que vous occupez en tant que locataire de la municipalité du Toronto Métropolitain, le 31 août 1974 ou le dernier jour de la période de votre location qui suit immédiatement le présent avis.

L’alinéa d) de l’art. 27 de The Interpretation Act (R.S.O. c. 225) dispose que:

[TRADUCTION] 27. Dans toute loi, à moins que l’intention contraire ne soit exprimée,

[Page 932]

d) lorsqu’une formule est prescrite, des variantes qui n’en modifient pas la substance ni sont de nature à induire en erreur n’invalident pas la formule utilisée;

Je pense qu’il est clair que les légères variantes que comportent les avis donnés par rapport à la formule prescrite par la Loi n’en modifient pas la substance. En fait, ce que la Cour d’appel a jugé mauvais, savoir l’alternative à la suite de la date précisée, est exactement conforme à la formule prévue par la Loi et, au surplus, expressément autorisé par le par. 99(3). Même en supposant qu’en common law, un avis de congé qui indique deux dates alternatives, par ailleurs valides, serait invalide, il ne peut en être ainsi en vertu de The Landlord and Tenant Act de l’Ontario en vigueur à l’époque pertinente. Quand le législateur a décrété qu’une certaine formule peut être utilisée à des fins indiquées, cela signifie qu’elle peut valablement l’être à ces fins. Toute règle contraire qui a pu exister antérieurement est nécessairement abrogée ou modifiée dans la mesure où elle est incompatible avec la formule autorisée. A fortiori doit-il en être ainsi lorsque, comme en l’espèce, le législateur a non seulement autorisé la formule, mais a expressément permis ce à quoi elle est destinée: donner un avis de congé indiquant une alternative.

La difficulté en l’espèce vient de ce que la Loi a autorisé une formule d’avis avec une indication subsidiaire de la date de congé qui, dans le cas d’un bail annuel, peut comporter l’indication de deux dates différentes. En effet, l’art. 103 exige que l’avis soit donné [TRADUCTION] «au plus tard le soixantième jour précédant le dernier jour d’une année de location». Le paragraphe 99(3) ne précise pas ce qui arrive dans un tel cas. Il prévoit seulement que si [TRACUDTION] «la date à laquelle le bail doit se terminer est incorrectement indiquée, l’avis a néanmoins pour effet de mettre fin au bail le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné». L’absence de précisions sur l’effet d’un avis donné conformément au par. 99(3) et à la formule 4, quand la date spécifiée est correctement établie et diffère de celle que comporte l’indication subsidiaire, ne peut, à mon avis, conduire à interpréter le par. 99(3) comme assujetti à une réserve implicite. Cela serait incompatible avec la formule et la rendrait pire qu’inu-

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tile. Cela signifierait que la formule ne pourrait être valablement utilisée que si l’on est sûr que la date spécifiée est incorrecte. Cela serait incompatible avec l’objet évident de l’indication subsidiaire, qui est de remédier à une invalidité possible et non de conduire à une invalidité insoupçonnée. Je fais mienne la remarque de lord Evershed dans Addis v. Burrows[7], à la p. 456:

[TRADUCTION] Il me semble illogique, et pour tout dire absurde, de supposer que l’on ne pourra faire valablement jouer une clause comme celle-ci qu’en présence de l’indication d’une date qui est clairement et manifestement erronée.

On dit que la formule aurait pu être modifiée de façon que l’indication subsidiaire comporte la date spécifiée. Il n’est pas douteux qu’on aurait pu le faire puisque le par. 99(4) dispose que [TRADUCTION] «L’avis n’est soumis à aucune forme particulière». Cependant, une telle modification constituerait une variante de la formule qui en modifierait la substance et, par conséquent, cela impliquerait qu’on n’utilise pas la formule prescrite par la Loi mais une formule différente. Une telle exigence irait à l’encontre de la Loi qui, en autorisant expressément l’utilisation d’une formule particulière, entend que celle-ci puisse être utilisée dans tous les cas et pas seulement dans certains cas.

Dans l’arrêt de la Cour d’appel d’Angleterre où un avis de congé avec indication subsidiaire a été jugé valable (Sidebotham v. Holland[8]), la formule était ainsi rédigée qu’elle excluait la possibilité de deux dates alternatives valides. La Législature de l’Ontario a toutefois cru bon d’autoriser une formule plus simple qui n’exclut pas cette possibilité. Le procureur des intimés a ouvert sa plaidoirie en affirmant qu’il n’existait pas de précédent, en common law, où l’on ait jugé qu’un avis spécifiant deux dates pouvait mettre fin à un bail. Il se peut qu’il en soit ainsi, mais cela ne prouve rien: pour confirmer l’arrêt attaqué, il faut qu’il soit démontré qu’un tel avis est invalide; aucun des précédents cités n’est en ce sens.

[Page 934]

Si, comme l’a dit le juge Osler, le résultat d’un avis spécifiant deux dates valides de congé, c’est que les locataires ont le choix, de quoi peuvent-ils se plaindre? Ils pouvaient quitter Ses lieux à la première date mais ils ont décidé de ne pas le faire et de prétendre, par leur action, que les avis étaient invalides ou, subsidiairement, que leurs baux subsistaient jusqu’au 31 août 1975. Ayant estimé que les avis étaient valides, le tribunal a fait droit à leur prétention subsidiaire. Pour faire infirmer ce jugement et obtenir le rejet de l’action, l’appelante a prétendu que la vraie date indiquée subsidiairement était le 31 août 1974, et non 1975. Elle a soutenu que l’indication subsidiaire signifie [TRADUCTION] «que le bail doit prendre fin le dernier jour de la période de location qui vient à expiration immédiatement après l’avis donné». Quand on compare cette formulation avec celle des avis, la différence est évidente, c’est une interprétation impossible.

J’estime également impossible de ne pas tenir compte de l’indication subsidiaire. Elle n’est pas ambiguë et, à mon avis, elle ne rend pas douteux le sens de l’avis: deux dates alternatives sont spécifiées, ce qui est expressément autorisé. En conséquence, on ne peut pas dire que la mention de dates alternatives rende par elle-même le sens douteux et l’avis est par ailleurs parfaitement clair. De la lettre envoyée avec les avis on peut conjecturer une inadvertance de la part de l’avocat de l’appelante. Je n’arrive pas à voir comment cela pourrait suffire à modifier le sens de l’avis et à en éliminer une partie essentielle.

Le jugement des juges Dickson et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE DICKSON — Lu en même temps que la lettre qui y était jointe, l’avis de congé envoyé par la poste à chacun des intimés par la municipalité du Toronto Métropolitain n’est pas ambigu. La lettre recommandait aux intéressés de faire «dès que possible» des arrangements avec le service de traversies de l’île afin d’être sûr d’avoir une réservation pour leur déménagement en août 1974. Chaque locataire était avisé que s’il désirait mettre fin au bail et rendre la possession des lieux avant la date normale d’expiration le 31 août 1974, il devait en aviser Mme Olga Tataren, du service des

[Page 935]

parcs métropolitains, afin qu’on puisse procéder à un ajustement du loyer et des taxes payés d’avance. Quand on lit l’avis en même temps que la lettre, comme il faut le faire, rien ne supporte l’allégation d’incertitude et d’ambiguïté ou la prétention qu’on donnait au locataire le choix de quitter les lieux le 31 août 1974 ou le 31 août 1975.

Le dossier révèle également que, outre les lettres et avis de congé envoyés par courrier recommandé à chaque intimé le 30 janvier 1974 ou vers cette date, un avis de congé a été signifié personnellement à chaque intimé au milieu du mois de mai de la même année. Si la propriétaire désirait vraiment donner aux locataires un choix entre 1974 et 1975, elle agissait de façon bien curieuse. Rien dans le dossier ne me porte à croire que les locataires aient eu l’impression qu’on leur donnait le choix de quitter les lieux le 31 août 1974 ou le 31 août 1975. Ce qui précède suffit, à mon avis, pour trancher le pourvoi. Cependant je suis également d’avis que sans la lettre jointe, l’avis est valide.

Le paragraphe 98(1) de The Landlord and Tenant Act, R.S.O. 1970, c. 236, dispose que le propriétaire peut, par avis, mettre fin à un bail annuel et que l’avis a) doit satisfaire aux exigences de l’art. 99; b) doit être donné en la manière prescrite par l’art. 100; c) doit être donné suffisamment à l’avance pour respecter le délai exigé par l’art. 101, 102 ou 103, selon le cas. Les alinéas b) ou c) ne soulèvent pas de questions. La seule question ici est de savoir si l’avis litigieux satisfait aux exigences de l’art. 99. Cet article dispose que l’avis doit indiquer la date à laquelle le bail doit prendre fin ou que le bail doit prendre fin le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné. L’article continue en disposant qu’un avis peut indiquer à la fois la date à laquelle le bail doit prendre fin et que le bail doit prendre fin le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné. S’il indique les deux et la date à laquelle le bail doit se terminer est incorrecte, l’avis a néanmoins pour effet de mettre fin au bail le dernier jour de la période de location qui suit immédiatement l’avis donné. La propriétaire a suivi à la lettre cet article

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et la formule correspondante. Elle fait face maintenant à la prétention que l’avis est nul malgré tout. A mon avis, la portée de l’article est la suivante: (i) si la date fixe, en l’espèce le 31 août 1974, est correctement indiquée, c’est elle qui prévaut et la date de la formule n’a plus de raison d’être; (ii) si la date fixe n’est pas correctement indiquée, ou si l’avis est signifié en retard, c’est alors la date de la formule qui prévaut.

Les intimés voudraient nous faire admettre que si une erreur est commise en indiquant la date fixe, l’avis est valide mais que si la date fixe est correctement indiquée, cela a pour effet de désigner deux dates et l’avis est alors nul pour cause d’incertitude. Je ne crois pas que le législateur de l’Ontario ait voulu une telle absurdité. L’interprétation que soutiennent les intimés rend la législation inefficace. A mon avis, la formule prévue par la Loi a pour effet de produire le résultat manifestement recherché: mettre fin à un bail, que celui-ci soit hebdomadaire, mensuel ou annuel. Ce n’est pas un simple piège.

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, avec entiers dépens, et de modifier l’arrêt de la Cour d’appel de sorte qu’il dispose que les avis de congé sont valides et ont donc mis fin aux contrats de bail le 31 août 1974. Toutefois, vu les opinions divergentes exprimées dans cette affaire, le prononcé de cette Cour doit être d’accueillir le pourvoi conformément au dispositif proposé par le Juge en chef.

Pourvoi accueilli, jugement déclaratoire rétabli, avec dépens, les juges MARTLAND, RITCHIE et SPENCE étant dissidents.

Procureurs de l’appelante: Fasken & Calvin, Toronto.

Procureurs des intimés: Lerner & Associates, London.

[1] (1976), 12 O.R. (2d) 401.

[2] [1895] 1 Q.B. 378.

[3] [1953] 1 D.L.R. 649.

[4] [1950] 2 D.L.R. 51.

[5] [1954] 3 All E.R. 214.

[6] [1946] 1 K.B. 215.

[7] [1948] 1 K.B. 444.

[8] [1895] 1 Q.B. 378.


Parties
Demandeurs : Metropolitan Toronto
Défendeurs : Atkinson et al.
Proposition de citation de la décision: Metropolitan Toronto c. Atkinson et al., [1978] 1 R.C.S. 918 (24 juin 1977)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-06-24;.1978..1.r.c.s..918 ?
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