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30/09/1977 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._907

Canada | Resolute Shipping Ltd. c. Jasmin Const. Inc., [1978] 1 R.C.S. 907 (30 septembre 1977)


Cour suprême du Canada

Resolute Shipping Ltd. c. Jasmin Const. Inc., [1978] 1 R.C.S. 907

Date: 1977-09-30

Resolute Shipping Limited (Demanderesse) Appelante;

et

Jasmin Construction Inc. (Défenderesse) Intimée.

1977: 11 mars; 1977: 30 septembre.

Présents: Les juges Judson, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

Cour suprême du Canada

Resolute Shipping Ltd. c. Jasmin Const. Inc., [1978] 1 R.C.S. 907

Date: 1977-09-30

Resolute Shipping Limited (Demanderesse) Appelante;

et

Jasmin Construction Inc. (Défenderesse) Intimée.

1977: 11 mars; 1977: 30 septembre.

Présents: Les juges Judson, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE


Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Droit maritime - Contrat de transport de marchandises à un prix déterminé - Poids réel 30 pour cent supérieur au poids stipulé - Rupture de contrat - Code civil, art. 992, 1065.

L’appelante avait convenu de transporter 14 unités mobiles sur le pont de son navire, de Québec à l’île de Baffin moyennant $14,000 par unité. Dans le contrat de transport, l’intimée avait estimé le poids de douze unités à 20,000 livres chacune et deux des unités à 30,000 livres chacune. En définitive, le poids total des unités excédait de plus de 30 pour cent celui qui avait été convenu ce qui rendit nécessaire la location de grues additionnelles et beaucoup de temps fut perdu pour ce motif. L’appelante poursuivit l’intimée pour rupture de contrat devant la Division de première instance de la Cour fédérale qui lui accorda $25,833.49 à titre de dommages-intérêts. La Cour d’appel fédérale infirma ce jugement au motif que: (1) le juge de première instance avait commis une erreur en fondant la réclamation sur l’enrichissement sans cause; (2) que l’erreur concernant le poids des unités ne constituait pas une rupture de contrat de la part de l’intimée.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

La Cour d’appel a commis une erreur en décidant que l’intimée s’est acquittée de son obligation contractuelle en livrant les 14 unités sur le quai, quel que soit leur poids, et même si les poids approximatifs font partie des conditions du contrat. Puisque ces unités devaient être transportées en pontée et que le voyage pouvait comporter la traversée de la banquise, leur poids était une condition importante sinon essentielle du contrat. La déclaration de la Cour d’appel selon laquelle le fait que les deux parties aient pu se tromper sur le poids de ces marchandises ne constitue pas une rupture de contrat par Jasmin, est également inacceptable. L’intimée était en mesure de connaître le poids des unités qui avaient été construites selon ses plans alors que l’appelante devait se fier à l’engagement de Jasmin. On ne peut

[Page 908]

parler ici d’erreur mutuelle. Le fait que l’appelante ait accepté de transporter les unités malgré le surcroît de poids ne fait pas obstacle à la réclamation puisque dès que ce poids supplémentaire a été établi elle a avisé l’intimée qu’elle la tiendrait responsable des conséquences. L’erreur dans l’estimation du poids ne créait pas un cas de nullité de contrat mais plutôt un cas de rupture de contrat valide. En conséquence l’art. 1065 du Code civil s’applique.

Le juge de première instance a eu tort de parler, comme il l’a fait, d’enrichissement sans cause. Il n’a toutefois pas évalué les dommages en se fondant sur l’enrichissement sans cause, mais en fonction de Sa rupture de contrat, pour «les dépenses supplémentaires engagées en raison de l’excédent de poids de la cargaison».

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale[1] accueillant l’appel d’un jugement de la Division de première instance. Pourvoi accueilli.

W. David Angus et Marc deMan, pour l’appelante.

Denis Rousseau, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE RITCHIE — Ce pourvoi attaque un arrêt de la Cour d’appel fédérale accueillant un appel interjeté contre un jugement de la Division de première instance, rendu par le juge Walsh, accordant à Resolute Shipping Limited (appelante) la somme de $25,833.49, avec intérêts. Ce montant représente la compensation pour les dommages que, selon le juge Walsh, elle aurait subis du fait de la rupture, par Jasmin Construction (intimée), d’un contrat de transport de marchandises par mer, de Québec à l’île de Baffin. Aux termes de ce contrat, l’appelante avait convenu de transporter 14 unités mobiles sur le pont de son navire moyennant $14,000 par unité, avec un minimum de 14 unités, après chargement à Québec, le fret étant acquis quel que soit le sort de la marchandise durant le voyage. Les unités en question, une fois assemblées, devaient constituer des hôpitaux et la preuve révèle qu’il était fort urgent de les installer à l’île Broughton et à la rivière Clyde sur l’île de Baffin.

[Page 909]

Les dommages-intérêts alloués à l’appelante par le savant juge de première instance concernaient des retards dans le chargement et le déchargement, des frais additionnels de chargement à Québec et d’autres incidents dont il sera question ci-après, le tout ayant prétendument été causé par la rupture du contrat de transport qui précisait que «les deux unités pèsent 30,000 lbs et les douze autres environ 20,000 lbs chacune». En définitive, le poids total des unités excédait de plus de 30 pour cent celui qui avait été convenu, ce qui rendit nécessaire la location de grues additionnelles. Beaucoup de temps fut perdu pour ce motif et pour d’autres raisons.

Dans les motifs du jugement de la Cour d’appel, on lit que «les points les plus importants de l’exposé des faits ne sont pas vraiment en litige», mais le désaccord entre cette cour et le juge de première instance est si fondamental, tant pour ce qui est de la façon de considérer ces faits que pour ce qu’il faut en déduire, qu’on ne peut pas dire, à mon avis, qu’il n’existe pas de litige quant aux faits. Le contrat de transport en cause dans ce pourvoi a été négocié au nom de l’appelante par son agent, Federal Commerce and Navigation Company Limited. Il est cité dans les motifs de l’arrêt de la Cour d’appel, publiés dans [1974] 2 C.F. 187 (ci-après appelé «le Recueil»), à la p. 193, et se lit en partie comme suit:

Il est convenu entre messieurs Jasmin Construction Inc., affréteur et Federal Commerce and Navigation Co. Ltd. agent pour messieurs Resolute Shipping Ltd., armateur, que les parties susmentionnées s’engagent définitivement à:

1. L’affréteur de mettre à la disposition et l’armateur de transporter la cargaison suivante:

14 unités mobiles (house trailers) ayant les dimensions décrites ci-dessous:

12 unités de

52 pieds de longueur

12 pieds de largeur

14 pieds de hauteur

2 unités de

52 pieds de longueur

8 pieds de largeur

14 pieds de hauteur

(les hauteurs excluent les roues qui peuvent être séparées sans difficulté au désir de l’armateur)

[Page 910]

deux unités pèsent 30,000 lbs et les douze autres environ 20,000 lbs chacune.

Puisque ces unités devaient être transportées en pontée et que le voyage pouvait comporter la traversée de la banquise, je suis d’avis que l’accord quant au poids était une condition importante sinon essentielle du contrat. L’intimée avait spécifiquement stipulé le poids et il n’est pas contesté que les unités livrées pour chargement sur le quai de Québec excédaient de 30 pour cent le poids indiqué.

A mon avis, le fait que le poids de ces unités était si largement supérieur à celui qui avait été convenu, constitue une violation d’une condition importante du contrat et il est clair que c’est l’opinion du savant juge de première instance qui a déclaré:

Je ne peux souscrire à l’argument de la défenderesse selon lequel le poids de ces unités n’avait pas d’importance, étant donné que le prix n’avait pas été fixé en fonction du poids, mais qu’il s’agissait d’un prix fixe de $14,000 par unité. Je ne peux davantage me ranger aux arguments de la défenderesse lorsqu’elle affirme que la demanderesse a agi avec imprudence en ne prévoyant pas la pesée des unités avant de les charger. La Treco Compagnie, fournisseur de la défenderesse, a fabriqué les unités en cause selon les propres plans et devis de la défenderesse. C’est la défenderesse, s’appuyant prétendument sur les indications de la Treco, qui a fourni à la demanderesse les renseignements quant aux poids approximatifs, et ces poids ont été stipulés dans le contrat. Des mandataires de la demanderesse ont effectivement inspecté les unités alors dans le dépôt de la Treco afin de décider, vu leur aspect général, la manière dont les crochets et le matériel de levage pourraient être fixés et d’en vérifier l’encombrement, mais aucune autre indication concernant leur poids ne leur a été fournie. Les mandataires de la Treco leur ont dit que ces unités ne pouvaient être pesées sur des bascules publiques et leur ont dit de s’adresser à la défenderesse Jasmin s’ils voulaient avoir les chiffres relatifs au poids. Les mandataires de la demanderesse ont à nouveau demandé à Proulx de la compagnie Jasmin si les poids donnés étaient exacts et il leur a répondu qu’ils n’avaient rien à craindre et que les unités avaient sûrement un poids inférieur à celui qui avait été indiqué. On pouvait certainement s’attendre que la défenderesse, qui avait conçu les unités, et que la compagnie Treco, qui les avait fabriquées, donnent avec une exactitude raisonnable le

[Page 911]

poids des unités et la demanderesse était en droit de se fonder sur leurs indications. Je ne peux conclure que la différence entre 215 tonnes et 150 tonnes soit faible ou sans importance, d’autant plus que les parties savaient que cette cargaison allait être transportée en pontée vers l’arctique, juste avant la fermeture de la navigation dans ces eaux.

En revanche, la Cour d’appel en revoyant la preuve qui avait déjà été soigneusement analysée par le juge de première instance, a jugé possible de conclure comme suit à la p. 203 du Recueil:

Dans la mesure où la réclamation est fondée sur la rupture du contrat, nous sommes d’avis qu’elle ne peut être accueillie pour la très simple raison que la perte subie à cause du poids de la cargaison ne résulte pas d’une rupture du contrat par l’appelante. A notre avis, le contrat d’affrètement visait le transport de choses certaines et déterminées qui avaient fait l’objet d’un accord préalable. L’appelante livra les objets qui devaient être transportés au quai où le navire de l’intimée était amarré; ce faisant, elle s’est acquittée de l’une de ses obligations découlant du contrat et le fait que les deux parties aient pu se tromper sur le poids de ces marchandises ne constitue pas une rupture du contrat par l’appelante.

Cet alinéa résume le désaccord essentiel entre le juge de première instance et la Cour d’appel. Cette dernière est d’avis que l’intimée s’est acquittée de son obligation contractuelle en livrant les «14 unités mobiles» sur le quai, quel que soit leur poids et même si les poids approximatifs font partie des conditions du contrat. Avec égards, je ne puis accepter cette thèse et encore moins la déclaration selon laquelle «le fait que les deux parties aient pu se tromper sur le poids de ces marchandises ne constitue pas une rupture du contrat par l’appelante» (Jasmin Construction Inc.). A mon sens, cette dernière affirmation ne tient pas compte tenu du fait que l’intimée était en mesure de connaître le poids des unités qui avaient été construites selon ses plans, alors qu’en signant le contrat l’appelante devait se fier à l’engagement de Jasmin, confirmé par ses représentants qui déclaraient qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter car les unités pesaient probablement moins que les chiffres fournis. L’appelante ne pouvait pas savoir que l’intimée lui remettait un chargement en pontée 30 pour cent plus lourd que le poids stipulé. A mon avis, on ne

[Page 912]

peut parler ici d’erreur mutuelle. Il n’est pas douteux que l’appelante a fait erreur en se fiant aux assurances de l’intimée quant au poids, mais rien ne suggère que cette dernière ait eu quelque motif de se tromper sur le poids des unités qu’elle avait elle-même conçues et fait fabriquer; elle peut avoir été négligente en dressant le contrat, mais la preuve ne me permet pas de conclure à une «erreur» de sa part.

Finalement, l’appelante a chargé la cargaison, malgré son poids excédentaire, et, en dépit des difficultés que cela occasionnait, elle a exécuté le contrat et a finalement livré les unités à destination. Ce voyage avait été entrepris sous réserve d’un télex, daté du 21 septembre 1971, cité aux pp. 195 et 196 du Recueil. Il a fait l’objet des commentaires suivants du savant juge de première instance, dont je partage l’opinion exprimée au premier alinéa:

Le fait que la demanderesse ait accepté de les transporter malgré le surcroît de poids et les graves dangers qui risquaient d’en résulter au cours de la traversée, ne doit pas, à mon avis, lui interdire de réclamer à la défenderesse le remboursement de ses frais supplémentaires directement attribuables au surcroît de poids dont la défenderesse doit être tenue responsable. Dès que ce poids supplémentaire a été établi, la demanderesse a avisé la défenderesse par télex en date du 21 septembre 1971 qu’elle la tiendrait responsable des conséquences. Un peu plus tard le même jour, elle a envoyé un télex plus détaillé dans lequel étaient indiqués les poids des quatre unités déjà pesées et dans quelle mesure ils dépassaient les poids figurant au contrat. Il précisait que ce surcroît de charge nuirait à la stabilité du navire et avisait officiellement la défenderesse qu’elle serait tenue responsable de toutes les conséquences, dommages ou pertes qui pourraient se produire du fait de l’excès de poids, y compris des dommages subis à la grue et aux superstructures du navire. Il stipulait en outre que la demanderesse dégageait sa responsabilité pour tous dommages survenus à la cargaison du fait de l’excédent de poids et que la défenderesse serait tenue de payer le fret supplémentaire correspondant à la surcharge. Cette dernière prétention a été abandonnée et la demanderesse ne fait rien figurer dans sa réclamation au titre du

[Page 913]

supplément de fret calculé d’après le poids des unités déterminé de la manière que nous avons indiquée. D’ailleurs, je doute fort que, compte tenu de l’existence du contrat à prix forfaitaire et en l’absence d’un nouvel accord avec la défenderesse, elle aurait réussi à faire admettre sa demande. Ce même télex déclare ensuite:

[TRADUCTION] Compte tenu de l’extrême urgence de cette opération, nous essaierons de limiter les dommages dans la mesure du possible en procédant au chargement et au transport de ces unités jusqu’à leur destination.

Il n’a pas été accusé réception de ces dépêches bien qu’un représentant de la défenderesse, son contremaître de chantier, Léandre Turcot, ait effectivement assisté à une partie des opérations de pesage. Un autre télex en date du 25 septembre a notifié le départ du navire à la défenderesse tout en mentionnant de nouveau la possibilité d’une demande d’indemnité du fait de l’excédent de poids de la cargaison. On ne peut donc pas dire que la défenderesse ait souscrit aux conditions posées par la demanderesse pour poursuivre l’exécution du contrat ni qu’elle ait admis de violations du contrat puisqu’elle a toujours soutenu que la question du poids n’avait pas d’importance. Toutefois, elle a profité du fait que la demanderesse a rempli avec succès ses obligations et, comme la demanderesse a dû engager des frais supplémentaires considérables pour mener à bien cette opération vu l’excédent de poids, la défenderesse bénéficierait d’un enrichissement sans cause et la demanderesse subirait un appauvrissement correspondant si elle n’était pas indemnisée de ces frais supplémentaires imputables à la défenderesse, qui avait fourni des indications tout à fait inexactes concernant le poids des unités.

Le raisonnement du savant juge de première instance au second alinéa est, dans une large mesure, rattaché à sa conclusion que Terreur dans l’estimation du poids était telle qu’elle entraînait l’application des dispositions de l’art. 992 du Code civil qui dispose:

992. L’erreur n’est une cause de nullité que lorsqu’elle tombe sur la nature même du contrat, sur la substance de la chose qui en fait l’objet, ou sur quelque chose qui soit une considération principale qui ait engagé à le faire.

Avec égards, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un cas de nullité de contrat, mais plutôt d’un cas de rupture de contrat valide. Cela étant, l’article applicable du Code civil se lit comme suit:

[Page 914]

1065. Toute obligation rend le débiteur passible de dommages en cas de contravention de sa part; dans les cas qui le permettent, le créancier peut aussi demander l’exécution de l’obligation même, et l’autorisation de la faire exécuter aux dépens du débiteur, ou la résolution du contrat d’où naît l’obligation; sauf les exceptions contenues dans ce Code et sans préjudice à son recours pour les dommages-intérêt s dans tous les cas. (Les italiques sont de moi.)

On trouve à la p. 202 du Recueil les commentaires que la Gour d’appel a faits à propos du même extrait du jugement de première instance:

Il faut d’abord faire remarquer que si la réclamation de l’intimée était fondée sur l’enrichissement sans cause, comme l’a décidé le juge de première instance, l’indemnisation à laquelle l’intimée aurait droit ne devrait pas être calculée selon la méthode choisie par ce dernier. Sur le fondement de l’enrichissement sans cause, la seule obligation de l’appelante serait de verser à l’intimée un montant égal à la valeur des services rendus par cette dernière et non pas de l’indemniser pour les dépenses supplémentaires résultant du poids excessif de la cargaison.

Il faut souligner, en second lieu, un point encore plus important: l’action se fonde sur la rupture d’un contrat et non sur l’enrichissement sans cause. A notre avis, il n’appartenait pas au juge de première instance, s’il était d’avis que l’action en dommages-intérêts devait être rejetée, de l’accueillir en se fondant sur la théorie de l’enrichissement sans cause.

Je conviens avec la Cour d’appel que le savant juge de première instance a eu tort de parler comme il l’a fait, d’enrichissement sans cause, d’une façon telle qu’il indique que son évaluation des dommages-intérêts était fondée sur cette conclusion. Le juge de première instance a en fait évalué les dommages-intérêts en se fondant sur la rupture du contrat et je reproduis ci-après son évaluation d’où il ressort qu’il n’a pas pris en considération l’enrichissement sans cause et qu’il a en fait conclu que la demande de dommages-intérêts pouvait et devait être accueillie. Voici son évaluation:

Assurance du fret imputable à l’omission de la défenderesse de fournir une lettre de crédit dans les termes prévus

$

1,000.00

75% des frais supplémentaires de chargement à Québec imputables à la défenderesse, y compris la perte d’une journée de frais de bord du fait de l’accident

$

4,900.00

Frais de bord pour la journée de chargement supplémentaire à Québec par suite de l’accident

$

2,850.00

Différence de frais entre la grue de 100 tonnes et celle de 175 tonnes

$

1,347.50

Frais supplémentaires résultant des retards du chargement à Québec et de l’excédent de poids à embarquer, déduction faite des frais déjà alloués ci-dessus

$

6,775.38

Frais de bord supplémentaires lors du déchargement à l’île Broughton et à la rivière Clyde du fait de l’excédent de poids des unités à débarquer et des difficultés en découlant, soit 3 jours à $2,850

$

8,550.00

Honoraires de l’expert qui a surveillé le pesage des unités à Québec

$

300.00

Droits de terre-plein

$

110.61

TOTAL

$

25,833.49

Comme l’a relevé la Cour d’appel, si ces dommages-intérêts avaient été fondés sur l’enrichissement sans cause, ils auraient été calculés sur une base du quantum meruit, et l’on aboutirait au même résultat si l’on concluait à la nullité au sens de l’art. 992. Mais on verra que les dommages-intérêts ont été en fait alloués en fonction des «dépenses supplémentaires engagées par l’appelante en raison de l’excédent de poids de la cargaison».

La Cour d’appel n’a pas modifié l’allocation de $1,000 au titre de l’assurance résultant du fait que l’intimée n’avait pas fourni à l’appelante la lettre de crédit prévue au contrat. La Cour d’appel a également accepté l’allocation au titre des droits de «terre-plein».

Les 75 pour cent de frais supplémentaires de chargement à Québec ont été alloués en raison de l’incident suivant: l’appelante s’était préparée à charger le poids prévu en louant une grue d’une puissance de levage de 100 tonnes pour soulever les unités; mais lors du chargement de la première

[Page 915]

unité, le poids s’est avéré excessif pour cette grue qui a basculé; ses roues avant se sont soulevées et l’unité mobile est restée suspendue sur la lisse du navire, en partie soutenue par elle, la flèche de la grue reposant sur le cadre d’arrimage. L’unité a donc été partiellement immergée jusqu’à ce qu’on la retire au moyen d’une grue louée, d’une puissance de levage de 175 tonnes. L’appelante a réclamé les dépenses supplémentaires occasionnées par la seconde grue, le matériel et la main-d’œuvre, et l’intimée a réclamé, par demande conventionnelle, $2,707.61 pour le dommage subi par son matériel de plomberie qui se trouvait dans le vide sanitaire et avait été endommagé en tombant à l’eau. Le savant juge de première instance a conclu que l’appelante était responsable à 25 pour cent de cet incident, parce que le conducteur de la grue de 100 tonnes avait négligé de procéder à «un essai de levage» avant d’entreprendre le chargement de l’unité. Les dommages-intérêts accordés à l’appelante, représentant 75 pour cent de ses frais supplémentaires de chargement du fait de cet incident, sont indiqués au deuxième poste de l’adjudication des dommages-intérêts par le juge de première instance, qui comprenait également 25 pour cent de la réclamation de l’intimée, soit $676.90. La principale réclamation de l’appelante à cet égard a été rejetée par la Cour d’appel et la demande reconventionnelle de l’intimée a été accueillie en totalité au motif que les dommages subis par le matériel de plomberie avaient été causés entièrement par la négligence de l’appelante qui ne s’était pas rendue compte que le poids à soulever exigeait une machinerie plus puissante que celle qui avait été fournie. Comme je l’ai indiqué, ces dommages sont, à mon avis, principalement imputables à la rupture du contrat par l’intimée. Je ne modifierai cependant pas la conclusion du savant juge de première instance selon laquelle l’appelante était responsable à 25 pour cent du fait que le conducteur de la grue n’avait pas procédé à un «essai de levage» avant de charger la première unité.

Les autres chefs de dommages évalués par le savant juge de première instance sont clairement liés aux dépenses supplémentaires engagées en raison du poids excessif de la cargaison et je ne les modifierai en aucune façon.

[Page 916]

Pour tous ces motifs, je suis d’avis d’accueillir ce pourvoi et de rétablir l’adjudication des dommages-intérêts du savant juge de première instance. L’appelante aura droit à ses dépens tant devant cette Cour que devant la Cour d’appel.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Stikeman, Elliot, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Rousseau & Charbon-neau, St-Laurent, Québec.

[1] [1974] 2 C.F. 187.


Parties
Demandeurs : Resolute Shipping Ltd.
Défendeurs : Jasmin Const. Inc.

Références :
Proposition de citation de la décision: Resolute Shipping Ltd. c. Jasmin Const. Inc., [1978] 1 R.C.S. 907 (30 septembre 1977)


Origine de la décision
Date de la décision : 30/09/1977
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 907 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-09-30;.1978..1.r.c.s..907 ?
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