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21/03/1978 | CANADA | N°[1978]_2_R.C.S._719

Canada | Canadien Pacifique Ltée c. Ville de Montréal, [1978] 2 R.C.S. 719 (21 mars 1978)


Cour suprême du Canada

Canadien Pacifique Ltée c. Ville de Montréal, [1978] 2 R.C.S. 719

Date: 1978-03-21

Canadien Pacifique Limitée Appelante;

et

La Ville de Montréal Intimée.

1977: 4 novembre; 1978: 21 mars.

Présents: Les juges Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Canadien Pacifique Ltée c. Ville de Montréal, [1978] 2 R.C.S. 719

Date: 1978-03-21

Canadien Pacifique Limitée Appelante;

et

La Ville de Montréal Intimée.

1977: 4 novembre; 1978: 21 mars.

Présents: Les juges Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Synthèse
Référence neutre : [1978] 2 R.C.S. 719 ?
Date de la décision : 21/03/1978
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Droit municipal - Évaluation - Terrains utilisés à des fins ferroviaires - Valeur réelle - Méthodes spéciales d’évaluation - Méthode la plus appropriée aux circonstances - Charte de la Ville de Montréal, S.Q. 1, c. 102.

L’appelante est propriétaire de certains terrains employés uniquement à des fins ferroviaires. Elle a attaqué, avec succès, devant la Cour provinciale l’évaluation de ces terrains qu’avait fixée le Bureau de revision de la Ville de Montréal pour les années 1964-65 à 1968-69. La Cour provinciale considérant «qu’une augmentation d’évaluation de près de deux cent pour cent entre les années 1962 et 1968 inclusivement, pour le terrain de l’appelante, comparée à celle de 40 pour cent pour le terrain de l’incinérateur de l’intimée, pour la même période, est arbitraire et cause une injustice manifeste à l’appelante», a préféré la valeur établie par les témoins de l’appelante à celle fixée par le Bureau de revision. La Cour d’appel a infirmé ce jugement pour le motif que la méthode d’évaluation adoptée par la Cour provinciale, soit «the developer’s approach», n’était pas conforme à la doctrine jurisprudentielle et que, par conséquent, le premier juge n’était pas justifié de substituer cette méthode à celle adoptée par le Bureau de revision. D’où le pourvoi à cette Cour.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

Il n’y a aucun critère mathématique dans le procédé d’évaluation adopté par le Bureau de revision. Chacun des facteurs auxquels il réfère est matière d’opinion. Non seulement le texte de la décision du Bureau de revision ne révèle pas comment il en est arrivé à la valeur fixée, mais celui-ci fait état, pour justifier ses conclusions, d’une évaluation faite par l’intimée de ses propres immeubles. En revanche, la méthode retenue par la Cour provinciale est la seule méthode précise qui a été soumise au tribunal et la seule fondée sur des chiffres établis mathématiquement sur des bases prouvées. La Cour d’appel n’était pas fondée à conclure que «the developer’s approach» est une méthode juridiquement inadmissible dans les circonstances. Si cette Cour

[Page 720]

et le Conseil privé ont déjà approuvé d’autres méthodes d’évaluation, on ferait une erreur en concluant que les méthodes qu’ils ont sanctionnées sont les seules valides. Lorsque par suite de circonstances spéciales il est impossible de fixer la valeur d’échange d’un immeuble par les méthodes usuelles, toute méthode appropriée aux circonstances peut être utilisée afin d’évaluer cet immeuble à sa valeur réelle. En l’espèce, personne n’ayant suggéré la possibilité d’utiliser une méthode autre que celle que la Cour provinciale a retenue, le jugement de cette dernière était justifié.

Arrêts mentionnés: Sun Life Assurance Co. of Canada c. La Ville de Montréal [1950] R.C.S. 220, conf. par [1952] 2 D.L.R. 81 (C.P.); Canadien Pacifique c. Ville de Sudbury, [1961] R.C.S. 39; Montreal Island Power Co. c. La Ville de Laval des Rapides, [1935] R.C.S. 304; Canadair Limited c. La Ville de St-Laurent, [1974] C.A. 613, conf. [1978] 2 R.C.S. 79; Guy Towers Inc. c. La Cité de Montréal, [1968] B.R. 277, conf. [1969] R.C.S. 738; Cité de Ste-Foy c. Société Immobilière Enic Inc., [1967] R.C.S. 121; Ville de Toronto c.Ontario Jockey Club, [1934] R.C.S. 223.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel[1] infirmant un jugement de la Cour provinciale qui avait cassé une décision du Bureau de revision des estimations de la Ville de Montréal. Pourvoi accueilli.

Pierre Durand, pour l’appelante.

Marcel Gerbeau, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE PIGEON — L’arrêt attaqué par ce pourvoi interjeté de plein droit, a été rendu par la Cour d’appel du Québec le 12 novembre 1974. Il infirme le jugement de la Cour provinciale et rétablit une décision du Bureau de revision des estimations de la Ville de Montréal fixant l’évaluation municipale de certains terrains de l’appelante pour les années 1964-1965 à 1968‑1969.

Il importe de souligner que toute la preuve sur laquelle ce litige a été jugé a été faite devant le Bureau de revision. La Cour provinciale a statué en appel sur le dossier ainsi constitué. Elle s’est arrêtée à la valeur établie par les témoins de l’appelante plutôt qu’à celle fixée par le Bureau de revision, en considérant dit-elle, «qu’une augmen-

[Page 721]

tation d’évaluation de près de deux cent pour cent entre les années 1962 et 1968 inclusivement, pour le terrain de l’appelante, comparée à celle de 40 pour cent pour le terrain de l’incinérateur de l’intimée, pour la même période, est arbitraire et cause une injustice à l’appelante».

Il faut dire que les terrains dont il s’agit sont dans une situation bien spéciale. A leur sujet on lit dans l’opinion du juge Bélanger en Cour d’appel:

Le Bureau de revision, qui a visité les lieux, donne la description suivante du terrain en question (D.C. p. 10):

Durant les années en cause, le terrain sous étude a été employé uniquement pour des fins ferroviaires. Il s’agit d’une cour de réception (Receiving Yard) des wagons de marchandise.

En 1964, une partie seulement du terrain était effectivement occupée par des voies ferrées et des chemins d’accès mais graduellement durant les années subséquentes d’autres voies ferrées ainsi que des bâtisses furent ajoutées progressivement.

Lorsque nous avons fait la visite des lieux, à la suite de l’audition, le 25 juin 1969, en présence des représentants et d’un des procureurs de la plaignante, des voies ferrées et des bâtisses d’utilité ferroviaire occupaient la majeure partie du terrain.

Plus loin, le Bureau de revision ajoute que le terrain est dépourvu de services municipaux, qu’il a un accès limité et que, pour ces raisons. il a une valeur moins élevée que plusieurs des terrains vendus dans le secteur qui, eux bénéficient de ces services et sont situés en bordure de voies publiques.

Dans son mémoire, l’intimée précise que la partie sud des lots n’a aucune voie d’accès: quant à la partie nord, les rues Ferrier et Paré se terminent à eux mais ces terrains n’ont pas d’accès à ces deux rues.

Au sujet de la décision du premier juge, le juge Bélanger commence par dire:

Disons immédiatement que le premier Juge a bien résumé la doctrine jurisprudentielle sur la portée de l’appel lorsqu’il se pose la question comme suit (D.C. p. 239):

Peut-on conclure que cette décision du Bureau de revision de la Ville de Montréal est basée sur des principes faux ou a omis des éléments importants rapportés par la preuve, ou encore a causé une injustice manifeste à l’appelante, en regard du seul principe qui doive guider les Estimateurs, le Bureau de revision et le Tribunal, savoir:

[Page 722]

Tout immeuble doit être évalué pour fins municipales à sa valeur réelle’?

Est aussi conforme aux principes d’évaluation élaborés par la jurisprudence dont il sera question plus loin, le commentaire qu’on trouve un peu plus loin (D.C. p. 240):

Le Bureau de revision n’a pas erré en décidant que les terrains de l’appelante devaient être évalués dans l’état où ils se trouvaient et selon leur utilisation à des fins ferroviaires pour chacune des années d’évaluation de 1964 à 1968 inclusivement, et qu’ils avaient une valeur moins élevée que plusieurs des terrains vendus situés en bordure des voies publiques et desservis par les services municipaux;

Mais il n’en va pas de même lorsque le premier Juge adopte la méthode d’évaluation du représentant d’une subsidiaire de l’intimée pour substituer son évaluation à celle du Bureau de revision. La méthode préconisée par cet expert, appelée «the developer’s approach», en considérant l’immeuble comme des terrains en vrac (bulk land or raw land) lui semblait justifiée par le fait qu’il semblait impossible d’en établir la valeur réelle par comparaison avec les ventes constatées dans le secteur. Après avoir discuté des méthodes suivies par l’estimateur et ensuite par le Bureau de revision, voici en quels termes le premier Juge accepte la méthode mise de l’avant par l’intimée et fixe ensuite la valeur des terrains aux montants suggérés par son rapport (D.C. p. 246):

Il ressort donc que les ventes qui ont été fournies ne peuvent apporter une grande lumière à la solution du litige, et que la méthode employée par l’expert de l’appelante est plus réaliste et beaucoup plus conforme à la notion de la valeur réelle, dans les circonstances; comme ses chiffres n’ont pas été contredits, il nous faut les accepter tels quels.

C’est dire que les évaluations mentionnées aux conclusions du jugement «a quo» ont été fixées par une méthode présupposant chez l’acheteur un projet de subdivision, c’est-à-dire en recherchant le prix qu’un acheteur serait raisonnablement justifié de payer pour l’achat du terrain, alors qu’il aurait en vue sa revente en plusieurs lots à être utilisés, pour fins industrielles, par divers acquéreurs. Le calcul de l’expert de l’intimée part d’un projet de subdivision du terrain et des prix qui pourraient être obtenus de la vente, pour fins industrielles, des espaces disponibles après déduction des surfaces requises pour les rues et les parcs; de ce prix sont ensuite soustraits les frais de subdivision, les frais légaux, les commissions des agents, le profit de 10% du promoteur et un taux de dispositions différées des terrains subdivi-

[Page 723]

sés basé sur trois ans. A la fin de ce calcul à rebours l’expert de l’intimée en arrive au montant ou prix unitaire moyen au pied carré qu’il soumet comme évaluation.

Cette méthode d’évaluation que le premier juge a acceptée avait été offerte en preuve par l’expert de l’intimée au Bureau de revision mais n’avait pas été suivie par lui; c’est sans doute ce qui lui valut le reproche du premier Juge d’avoir omis des éléments importants de la preuve….

Le motif pour lequel le juge Bélanger rejette, avec l’agrément de ses collègues, la méthode d’évaluation retenue par la Cour provinciale est exposé comme suit après une revue de la jurisprudence de la Cour d’appel du Québec:

Il faut bien se rendre à l’évidence que la méthode d’évaluation que la Cour provinciale a adoptée pour la substituer à celle du Bureau de revision, n’est pas conforme à la doctrine jurisprudentielle: elle ne tend pas à fixer la valeur d’échange de l’immeuble dans sa condition et suivant son occupation au moment de l’évaluation; elle ne tient aucun compte de ce que le propriétaire serait prêt à payer pour un immeuble satisfaisant des besoins semblables; en somme, pour la raison qu’aucune vente de l’immeuble n’est prévisible et qu’il n’y a pas de vente comparable dans le secteur, ce n’est pas la valeur réelle telle que définie plus haut qui est recherchée. En toute déférence pour l’opinion du premier Juge, même en supposant qu’il avait raison de n’être pas satisfait de la méthode d’évaluation du Bureau de revision, la conclusion s’impose qu’il lui a substitué une méthode mal fondée.

Avec respect, je ne crois pas que l’on soit bien fondé à dire que «the developer’s approach» soit une méthode juridiquement inadmissible dans les circonstances. Ce qui ressort des arrêts de notre Cour et du Conseil privé dans l’affaire Sun Life Assurance Co. of Canada c. La Ville de Montréal[2], c’est que, lorsque par suite de circonstances spéciales il est impossible de fixer la valeur d’échange d’un immeuble par les méthodes usuelles, il faut recourir à des méthodes spéciales: [TRADUCTION] «… doit toujours subsister des cas exceptionnels auxquels les règles ordinaires ne peuvent s’appliquer. » (Lord Porter, à la p. 101).

[Page 724]

Il est manifestement impossible de fixer la valeur des terrains dont il s’agit dans leur condition et suivant leur occupation au moment de l’évaluation: ils font partie d’une grande entreprise de chemins de fer. Dans Canadien Pacifique c. Ville de Sudbury[3], une affaire jugée suivant la loi de l’Ontario, le juge Judson exprimant l’opinion unanime de la Cour dit (aux pp. 42-43):

[TRADUCTION]… L’évaluateur n’est pas tenu de fixer la valeur de ces biens en tant que partie intégrante de l’entreprise du Canadien Pacifique et de fonder son évaluation sur les profits de l’entreprise. Le paragraphe ne l’exige pas et l’impossibilité absolue de réaliser cette tâche suffit à condamner cette interprétation.

On ne peut pas davantage rechercher ce que le propriétaire serait prêt à payer pour un immeuble satisfaisant des besoins semblables: les nécessités de l’entreprise le forceraient, s’il devait la déplacer, à payer un prix déterminé par des critères tout autres que ceux qui servent à fixer les évaluations municipales. Dans Montreal Island Power Co. c. La Ville de Laval des Rapides[4], où il s’agissait de terrains acquis pour les inonder par un aménagement hydro-électrique, on a dit (à la p. 318):

[TRADUCTION]… le prix d’achat versé une fois pour toutes afin d’éviter de payer des dommages-intérêts aux propriétaires riverains ne représente pas la valeur réelle de ces biens pour la compagnie après leur inondation. Il est égal à la valeur du terrain pour le vendeur, plus la valeur de la facilité d’aménagement et des possibilités immédiates, avec, en outre, les dommages-intérêts dus pour l’expropriation.

Nous avons récemment (le 16 novembre 1977)[5] confirmé l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Canadair Limited c. La Ville de St-Laurent[6]. On y avait pris considération pour l’évaluation du terrain la méthode dite aland residual technique». Il s’agissait d’une étendue immense utilisée pour une avionnerie et qu’on ne pouvait pas évaluer comme un lot de terre ordinaire. Nous avons admis qu’il y avait lieu de prendre en considération la valeur économique déterminée à partir de celle de l’ensemble par déduction de l’évaluation des bâti-

[Page 725]

ments qui n’était pas contestée. Dans Guy Towers Inc. c. La Cité de Montréal[7], nous avons confirmé un arrêt de la Cour d’appel[8] au sommaire duquel on lit:

Lorsqu’il est impossible de faire une étude comparative de vente récente de propriété semblable ou analogue à celle dont l’évaluation est en cause (dans l’espèce, un immeuble comprenant un édifice à bureaux contenant deux sous-sols et quinze étages occupant la moitié du terrain, l’autre moitié servant à un parc de stationnement pour automobiles), le Bureau de revision doit étudier les deux autres éléments, soit la valeur de remplacement et la valeur économique.

A mon avis on ferait une erreur en tenant que ces arrêts-là sanctionnent uniquement l’approbation des méthodes qui y ont été utilisées. Le principe sur lequel ils sont fondés c’est que toute méthode appropriée aux circonstances peut être utilisée, lorsque les méthodes plus usuelles sont inapplicables. Dans le cas présent personne n’a suggéré la possibilité d’utiliser une méthode autre que celle que la Cour provinciale a retenue.

Il reste donc une dernière question à examiner, la Cour d’appel était-elle justifiée d’approuver le procédé d’évaluation adopté dans la décision du Bureau de revision. Voici ce qu’en cite le juge Bélanger:

Par cette étude et, principalement, en considérant parmi les ventes qui nous ont été soumises, celles qui peuvent nous aider à trouver la valeur du terrain en cause et aussi par une étude du secteur dans lequel se trouve le terrain de la plaignante, nous sommes parvenus aux conclusions suivantes:

1) que le terrain doit être évalué dans l’état où il se trouvait et selon son utilisation à l’époque de chaque évaluation;

2) que le terrain dans son ensemble présente les mêmes conditions;

3) que ledit terrain est dépourvu des services municipaux et qu’il a un accès limité et, pour ces raisons il a une valeur moins élevée que plusieurs des terrains vendus qui, eux, bénéficient de ces services et sont situés en bordure des voies publiques;

4) que la valeur des terrains dans ledit secteur a augmenté progressivement, d’année en année, au cours de la période sous étude.

[Page 726]

En tenant compte de la situation du terrain sous étude et des conditions qui en affectent la valeur, nous établissons les estimations suivantes:

Il n’y a là aucun critère mathématique: chacun des facteurs mentionnés est matière d’opinion. A l’audition l’avocat de l’intimée nous a représenté que, pour établir les évaluations, on s’était fondé en premier lieu sur le taux de base du quartier. Comment ce taux a-t-il été établi? La preuve ne le révèle pas. Mais évidemment, il est essentiellement celui de terrains qui ne sont aucunement comparables puisqu’ils sont des immeubles ordinaires desservis par des rues publiques. Vu cette importante différence, les estimateurs, nous a-t-on dit, ont réduit de 50 pour cent, pour une partie et de 75 pour cent, pour une autre partie, le taux de base. Le texte de la décision du Bureau de revision ne révèle pas comment il en est ensuite arrivé à la valeur moindre qu’il a fixée, tout ce qu’il spécifie à la suite du texte cité ci-dessus, c’est pour chaque année, la valeur au pied carré, la superficie et l’évaluation totale. Après cela on ajoute:

Nous constatons au surplus que les taux unitaires que nous jugeons raisonnables sont très rapprochés des taux suivant lesquels l’Estimateur a établi la valeur d’un vaste terrain contigu à celui de la plaignante, lequel appartient à la Ville de Montréal et porte le N° de compte 471074. Sa superficie est de 2,605,963 pi. ca. Les conditions dans lesquelles se trouve ledit terrain sont sensiblement les mêmes que celles que présente le terrain de la plaignante.

C’est à bon droit que l’avocat de l’appelante a attaqué spécialement cette partie de la décision. Comment peut-on raisonnablement faire état en faveur de l’intimée, de l’évaluation de ses propres immeubles?

On voit donc que l’évaluation fixée par le Bureau de revision repose uniquement sur l’appréciation par ses membres des différents facteurs pertinents sans aucune base mathématique de calcul. Il est vrai que la Charte de la Ville n’oblige pas explicitement le Bureau de revision à fournir ce renseignement, mais aux art. 873 et 874 elle accorde un droit d’appel à la Cour provinciale qui doit décider, sans enquête, sur le dossier constitué devant le Bureau de revision. Pour ce qui nous intéresse, ces textes ne diffèrent pas appréciable-

[Page 727]

ment de ceux qui étaient en vigueur lors de l’arrêt Sun Life.

Dans ce cas là, le Bureau avait indiqué les bases de son calcul. Il avait décidé de tenir compte du coût de remplacement dans une proportion de 82.3 pour cent et de la valeur commerciale pour 17.7 pour cent seulement. C’est en cela que le premier juge, dont la décision a été rétablie par cette Cour, a jugé qu’il y avait erreur. Il a statué qu’il fallait donner un poids égal aux deux facteurs.

Ici la décision du Bureau de revision ne fait pas voir comment il en est venu à la valeur fixée en partant des données fournies par la preuve, son évaluation ne saurait donc tenir en face de chiffres établis mathématiquement sur des bases prouvées et d’après la seule méthode précise qui ait été soumise au tribunal. Notons que cette méthode a été retenue pour fins d’expropriation dans Cité de Ste-Foy c. Société Immobilière Enic Inc.[9] Dans une affaire venant de l’Ontario elle a été appliquée pour l’évaluation d’une piste de courses (Ville de Toronto c. Ontario Jockey Club[10]).

A mon avis, le jugement de la Cour provinciale était jusitifié et il doit être rétabli.

Pour ces motifs je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de rétablir le jugement de la Cour provinciale avec dépens dans toutes les cours contre l’intimée.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Gadbois, Joannette & Durand, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Péloquin, Badeaux, Allard & Lacroix, Montréal.

[1] [1975] C.A. 121.

[2] [1950] R.C.S. 220, conf. par [1952] 2 D.L.R. 81 (C.P.).

[3] [1961] R.C.S. 39.

[4] [1935] R.C.S. 304.

[5] [1978] 2 R.C.S. 79.

[6] [1974]C.A. 613.

[7] [1969] R.C.S. 738.

[8] [1968] B.R. 277.

[9] [1967] R.C.S. 121.

[10] [1934] R.C.S. 223.


Parties
Demandeurs : Canadien Pacifique Ltée
Défendeurs : Ville de Montréal
Proposition de citation de la décision: Canadien Pacifique Ltée c. Ville de Montréal, [1978] 2 R.C.S. 719 (21 mars 1978)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1978-03-21;.1978..2.r.c.s..719 ?
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