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06/02/1979 | CANADA | N°[1979]_1_R.C.S._677

Canada | Baud Corporation, N.V. c. Brook, [1979] 1 R.C.S. 677 (6 février 1979)


Cour suprême du Canada

Baud Corporation, N.V. c. Brook, [1979] 1 R.C.S. 677

Date: 1979-02-06

Baud Corporation, N.V. (Demanderesse) Appelante;

et

Thomas L. Brook (Défendeur) Intimé.

1979: 24 janvier; 1979: 6 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Pigeon, Dickson, Estey et Pratte.

REQUÊTE EN MODIFICATION DE JUGEMENT

Cour suprême du Canada

Baud Corporation, N.V. c. Brook, [1979] 1 R.C.S. 677

Date: 1979-02-06

Baud Corporation, N.V. (Demanderesse) Appelante;

et

Thomas L. Brook (Défendeur) Intimé.

1979: 24 janvier; 1979: 6 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Pigeon, Dickson, Estey et Pratte.

REQUÊTE EN MODIFICATION DE JUGEMENT


Synthèse
Référence neutre : [1979] 1 R.C.S. 677 ?
Date de la décision : 06/02/1979

Analyses

Jugements et ordonnances — Arrêt de la Cour suprême du Canada augmentant le montant des dommages-intérêts accordé en première instance — Calcul de l’intérêt — Pouvoir discrétionnaire de modifier un jugement — Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S-19, art. 52; 1974-75-76, chap. 18, art. 7 — Loi sur l’intérêt, S.R.C. 1970, chap. I-18, art. 14 — Règle 61 de la Cour suprême.


Parties
Demandeurs : Baud Corporation, N.V.
Défendeurs : Brook

Références :

Jurisprudence: distinction faite avec les arrêts Prince Albert Pulp Co. Ltd. et autre c. Foundation Co. of Canada, Ltd., [1977] 1 R.C.S. 200 et Workmen’s Compensation Board et autre c. Greer, [1975] 1 R.C.S. 359.
REQUÊTE en modification d’un arrêt de cette Cour[1] rendu le 3 octobre 1978 et augmentant le montant des dommages-intérêts à $812,500. Arrêt modifié afin d’accorder un intérêt au taux annuel de cinq pour cent sur la somme de $250,000, accordée en première instance, à compter du 22 avril 1971 jusqu’au 3 octobre 1978 et, à compter de cette dernière date, un intérêt au même taux sur la somme de $812,500.
P.B.C. Pepper, c.r., pour la demanderesse, appelante.
B.A. Crane, c.r., pour le défendeur, intimé.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE ESTEY — Le 3 octobre 1978, cette Cour a rendu ses motifs de jugement dans ce litige, mais les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur le dispositif du jugement relatif aux intérêts payables à l’appelante Baud qui a eu gain de cause. Les
[Page 678]
dates à retenir en l’espèce sont les suivantes:
Juillet 1960: Institution des premières procédures.
22 avril 1971: Jugement du tribunal de première instance accordant $250,000 de dommages-intérêts à l’appelante.
28 décembre 1973: Rejet de l’appel par la Cour d’appel de l’Alberta.
3 octobre 1978: Jugement de la Cour suprême du Canada augmentant le montant des dommages-intérêts à $812,500.
Invoquant la règle 61b), l’appelante demande à cette Cour
[TRADUCTION] d’entendre de nouveau le pourvoi (c.-à-d. la procédure #87405 seulement) à la seule fin d’examiner et de modifier la minute du jugement de la Cour rendu le 3 octobre 1978, dont le libellé n’a pas encore été établi et qui n’a en conséquence pu être enregistré, car un doute a surgi … quant au montant sur lequel doivent être calculés les intérêts depuis le 22 avril 1971.
L’avocat de l’intimé Thomas L. Brook (le seul intimé visé en l’espèce) a convenu lors de l’audition de cette requête que le montant de $250,000 accordé en première instance porte intérêt depuis le 22 avril 1971. Il reste uniquement à déterminer si l’intérêt court également depuis la même date sur le reste des dommages-intérêts accordés, soit $562,500.
Cette requête soulève une question d’interprétation et d’application de l’art. 52 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S-19, art. 52
du 76 1974, chap. 18, art. 7
et de l’art. 14 de la Loi sur l’intérêt du Canada, S.R.C. 1970, chap. I-18
voici le texte de ces dispositions:
LOI SUR LA COUR SUPRÊME
Intérêt
52. Sauf ordonnance contraire de la Cour, un jugement de la Cour porte intérêt au taux et à compter de la date applicables au jugement rendu dans la même affaire par la cour de première instance, ou au taux et à compter de la date qui lui auraient été applicables s’il avait accordé une somme d’argent.
Avant la modification de l’art. 52 de la Loi sur la Cour suprême en 1976, cet article disposait:
[Page 679]
52. Si, à la suite d’un appel d’un jugement, la Cour confirme ce jugement, elle accorde l’intérêt pour le temps pendant lequel l’exécution a été retardée en raison de l’appel.
LOI SUR L’INTÉRÊT
14. Sauf ordre contraire de la cour, cet intérêt se calcule à partir du jour où le verdict a été rendu ou le jugement prononcé, selon le cas, bien que l’inscription du jugement, à la suite du verdict ou du prononcé du jugement, ait été suspendue par des procédures exercées soit devant la même cour, soit en appel.
L’article 13 de la Loi sur l’intérêt prévoit:
Toute somme due en vertu d’un jugement porte intérêt au taux de cinq pour cent par année, jusqu’à ce qu’elle soit payée.
Le jugement de première instance ne contient aucune disposition particulière relative à l’intérêt.
Sans les mots introductifs de l’art. 52 «sauf ordonnance contraire de la Cour», la loi disposerait que l’intérêt commence à s’accumuler de la date du jugement de première instance. Cependant dans sa forme actuelle, la loi confère à cette Cour le pouvoir de modifier le droit à l’intérêt. Il s’agit donc de déterminer en l’espèce si les circonstances de ce pourvoi justifient l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire de façon à limiter l’intérêt qui autrement s’accumulerait.
Dans les motifs de jugement de cette Cour qui règlent ces pourvois, on a fréquemment fait allusion aux difficultés résultant du manque de diligence de l’appelante Baud dans la poursuite de son appel. On a reconnu en même temps que l’intimé Brook et l’appelante/intimée Asamera Oil Corporation Ltd. avaient eux-mêmes contribué à plusieurs des retards. Je souligne cependant que la présente requête ne porte que sur un seul des trois brefs délivrés aux parties et, dans cette action, Baud et Brook étaient et sont toujours restés respectivement demanderesse/appelante et défendeur/intimé. Quelle que soit la responsabilité d’Asamera et de Brook dans les longs retards survenus au cours des dix-huit années durant lesquelles ces actions sont restées devant les tribunaux, Baud, la requérante en l’espèce, jouait un rôle prépondérant sur le déroulement des procédures devant les tribunaux. En conséquence, la plu-
[Page 680]
part des retards apportés au règlement du litige, tant avant qu’après l’institution de l’action en 1966, doivent être imputés à la demanderesse/appelante/requérante, Baud. Comme on l’a discuté dans les motifs de jugement de cette Cour, ce litige est exceptionnel tant par ses débuts que par son déroulement. Des facteurs à la fois imprévisibles et incontrôlables expliquent l’importance du redressement finalement accordé à Baud. En fait, l’inaction de Baud durant certaines périodes du litige a contribué à l’augmentation du redressement. Pour ces motifs, j’estime que cette requête constitue un cas qui justifie l’exercice par la Cour du pouvoir discrétionnaire prévu à l’art. 52, soit de limiter l’accumulation de l’intérêt entre la date du jugement de première instance et le prononcé des motifs de jugement de cette Cour à la somme de $250,000 accordée par le savant juge de première instance et de permettre l’accumulation de l’intérêt sur le montant total du redressement accordé par cette Cour à compter du 3 octobre 1978 seulement.
A l’occasion de cette requête, il semble utile de faire deux remarques. Etant donné les mots employés par le Parlement dans la version de 1976 de l’art. 52, l’avocat de la partie gagnante n’a pas à invoquer la règle 61 des Règles de la Cour suprême si les circonstances de l’affaire permettent l’application automatique de la Loi. Cependant, lorsque les circonstances d’une affaire peuvent justifier l’intervention de la Cour par l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l’art. 52, une requête comme celle présentée en l’espèce constitue un recours approprié.
Au cours des plaidoiries, on a mentionné la requête présentée dans Prince Albert Pulp Company Ltd. et autre c. Foundation Company of Canada, Ltd.[2], en vue d’obtenir une nouvelle audition et une modification du jugement. Cette requête a été rejetée par le registraire le 1er avril 1977, au motif que la minute du jugement de la Cour avait été établie et enregistrée, ce qui rendait inapplicable la règle 61. Un litige s’ensuivit devant les tribunaux de la Saskatchewan pour déterminer l’intérêt et une requête pour autorisation d’appel
[Page 681]
devant cette Cour fut présentée et rejetée le 6 novembre 1978. Ces procédures diffèrent donc considérablement de la requête présentée à cette Cour en l’espèce.
Il est également pertinent de souligner que le jugement de cette Cour dans Workmen’s Compensation Board et autre c. Greer[3], a été rendu à l’égard d’un jugement antérieur à la modification en 1976 de l’art. 52 dont le texte d’alors est cité ci-dessus.
Pour ces motifs, je suis d’avis de modifier le jugement de cette Cour et d’accorder un intérêt au taux annuel de cinq pour cent sur la somme de $250,000 à compter de la date du prononcé du jugement de première instance, le 22 avril 1971, jusqu’au 3 octobre 1978, et un intérêt au taux annuel de cinq pour cent sur la somme de $812,500 à compter de cette dernière date. Le succès en l’espèce étant partagé, il n’y aura aucune adjudication des dépens de cette requête.
Jugement en conséquence.
Procureur de Baud Corporation, N.V. et Sea Oil & General Corporation: P.B.C Pepper, Toronto.
Procureurs de Asamera Oil Corporation et Thomas L. Brook: MacKimmie, Matthews, Calgary.
[1] [1979] 1 R.C.S. 633.
[2] [1977] 1 R.C.S. 200.
[3] [1975] 1 R.C.S. 359.

Proposition de citation de la décision: Baud Corporation, N.V. c. Brook, [1979] 1 R.C.S. 677 (6 février 1979)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1979-02-06;.1979..1.r.c.s..677 ?
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