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22/04/1980 | CANADA | N°[1980]_2_R.C.S._29

Canada | Central and Eastern Trust Co. c. Irving Oil Ltd., [1980] 2 R.C.S. 29 (22 avril 1980)


Cour suprême du Canada

Central and Eastern Trust Co. c. Irving Oil Ltd., [1980] 2 R.C.S. 29

Date: 1980-04-22

Central and Eastern Trust Company Appelante;

et

Irving Oil Limited

et

Stonehouse Motel and Restaurant Limited Intimées.

1979: 26 novembre; 1980: 22 avril.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

Cour suprême du Canada

Central and Eastern Trust Co. c. Irving Oil Ltd., [1980] 2 R.C.S. 29

Date: 1980-04-22

Central and Eastern Trust Company Appelante;

et

Irving Oil Limited

et

Stonehouse Motel and Restaurant Limited Intimées.

1979: 26 novembre; 1980: 22 avril.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE


Synthèse
Référence neutre : [1980] 2 R.C.S. 29 ?
Date de la décision : 22/04/1980
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté et le pourvoi incident est accueilli

Analyses

Droit des compagnies - Pouvoir d’emprunt - Opération interdite - Hypothèque par la compagnie à l’égard de l’achat d’actions - Achat d’actions de la compagnie financé par l’hypothèque de son actif - Companies Act, R.S.N.S. 1967, chap. 42, art. 96(5).

Hypothèques - Forclusion - Mise à exécution de l’hypothèque - Opération interdite - Financement de l’achat des actions de la compagnie - Companies Act, R.S.N.S. 1967, chap. 42, art. 96(5).

Irving détient deux jugements contre Stonehouse pour des montants de $9,685.38 et $905.76. Irving et Stonehouse soutiennent à l’encontre de l’appelante Central and Eastern Trust que les circonstances dans lesquelles l’hypothèque a été consentie par Stonehouse à Nova Scotia Trust Company, dont Central and Eastern Trust est le successeur, la rendent inexécutoire puisqu’elle viole les dispositions du par. 96(5) de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse. L’hypothèque garantit une somme de $225,000, un montant qui n’est pas en litige.

Stonehouse a été constituée en 1960 avec 500 actions émises; 495 appartenaient à McCusker Brown. Il a mis ses actions en vente auprès d’un courtier en immeubles au prix de $315,000. Une offre a été faite pour l’achat de «la propriété connue sous le nom de Stonehouse Motel and Restaurant Ltd.» Cette offre a été refusée mais, subséquemment, on a abouti à un accord pour l’achat de «toutes les actions du capital-actions de Stonehouse Motel and Restaurant Ltd.», pour $315,000 à la condition d’obtenir une première hypothèque de $225,-000 auprès d’une institution de prêt reconnue sur l’actif du motel. Le prix d’achat se répartit comme suit — mise de fonds $15,000, montant de l’hypothèque de Nova Scotia Trust Company $225,000, montant d’une deuxième hypothèque $25,000 et prêts obtenus par les trois acheteurs $50,000, (qui sont devenus respective-

[Page 30]

ment président, vice-président, secrétaire et administrateur de la compagnie Stonehouse.)

Le juge de première instance a reconnu le droit de l’appelante Central and Eastern Trust à une ordonnance de forclusion et de vente des biens meubles et immeubles hypothéqués pour garantir la somme de $225,000. Cependant la division d’appel a conclu que l’hypothèque n’était pas exécutoire (sauf pour ce qui est du montant de $78,650) car elle était contraire au par. 96(5) qui prévoit qu’«une compagnie ne peut légalement donner directement ou indirectement, soit par le moyen de prêt, garantie, nantissement, soit autrement, une aide financière aux fins ou à l’égard d’un achat d’actions de la compagnie effectué ou à effectuer par qui que ce soit».

Arrêt: Le pourvoi est rejeté et le pourvoi incident est accueilli.

Le créancier hypothécaire n’a pas réussi à établir que quelque partie du produit de l’hypothèque en cause a été versée au débiteur hypothécaire. Pour toutes les parties en cause, le prêt hypothécaire de $225,000 devait servir aux trois acheteurs aux fins ou, en tout état de cause, l’égard de l’achat des actions de la compagnie appartenant à Brown. Le montant devait être versé au vendeur (Brown) et le juge de première instance a conclu en l’espèce que Nova Scotia Trust savait au moment où elle a prêté les fonds, et même avant, que ceux-ci devaient servir à l’achat d’actions émises de la compagnie. Le stigmate d’illégalité lié à une garantie que donne une compagnie ne disparaît pas du fait que le vendeur a utilisé une partie du prix d’achat pour réduire les dettes de la compagnie. Le fait qu’une partie du prix d’achat ait été utilisée pour payer les dettes de Stonehouse ne peut modifier le fait que l’hypothèque a été consentie pour fournir une aide financière à l’égard de l’achat d’actions.

POURVOI et POURVOI INCIDENT à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse[1], qui a accueilli en partie un appel du jugement du juge Macdonald en première instance sur une procédure de forclusion. Pourvoi rejeté, pourvoi incident accueilli.

Walter B. Williston, c.r., et Robert A. Cluney, c.r., pour l’appelante.

D.A. Caldwell, G.I. Smith, c.r., et S.R. Morse, pour l’intimée Irving Oil Limited.

[Page 31]

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE RITCHIE — Il s’agit d’un pourvoi interjeté sur autorisation de cette Cour par Central and Eastern Trust Company (ci-après appelée «Central») à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse qui a accueilli en partie l’appel du jugement rendu en première instance par le juge Hart. Celui-ci avait reconnu le droit de Central à une ordonnance de forclusion et de vente des biens meubles et immeubles que Stonehouse Motel and Restaurant Limited (ci-après appelée «Stonehouse») avait hypothéqués pour garantir la somme de $225,000 que lui avait avancée Nova Scotia Trust Company. L’hypothèque est datée du 31 décembre 1968 et Central a depuis longtemps succédé au créancier hypothécaire initial, Nova Scotia Trust Company.

En accordant l’ordonnance de forclusion, le juge de première instance a conclu que l’hypothèque était valide et exécutoire alors que le juge Macdonald, parlant au nom de la Division d’appel, a jugé que l’hypothèque n’était pas exécutoire puisqu’elle violait le par. 96(5) de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse, R.S.N.S. 1967, chap. 42, sauf pour ce qui est du montant de $78,650; il a conclu qu’il s’agissait d’une partie du prêt hypothécaire utilisée au bénéfice de Stonehouse, soit une contrepartie de l’hypothèque qui par ailleurs aurait été nulle.

Irving Oil Company Limited détient deux jugements contre Stonehouse pour des montants de $9,685.38 et $905.76, et, comme Stonehouse, elle soutient que les circonstances dans lesquelles l’hypothèque a été consentie la rendent totalement inexécutoire puisqu’elle viole les dispositions dudit par. 96(5).

On a prétendu, au départ, que l’hypothèque en question était invalide parce qu’elle avait été consentie suite à une résolution des administrateurs de Stonehouse sans approbation par résolution spéciale de la compagnie, contrairement au par. 88(2) de la Companies Act de la Nouvelle-Ecosse qui prévoit:

[TRADUCTION] 88. (2) Le pouvoir de consentir des hypothèques sur ses biens meubles et immeubles, et le

[Page 32]

pouvoir d’émettre des obligations garanties par hypothèque ou autrement, ne doivent pas être exercés sans l’approbation préalable donnée par résolution spéciale de la compagnie adoptée à une assemblée générale.

Comme il appert ci-dessous, je conclus, après un examen de tous les faits de l’espèce qui se dégagent des décisions des cours d’instance inférieure, que le créancier hypothécaire n’a pas réussi à établir que quelque partie du produit de l’hypothèque en cause a été versée au débiteur hypothécaire. Puisqu’il découle de cette conclusion que ce seul motif suffit pour empêcher le créancier hypothécaire de faire exécuter l’hypothèque, j’estime inutile d’examiner l’allégation relative au par. 88(2) de la Companies Act.

La prétention que l’hypothèque ne peut être exécutée parce qu’elle a été consentie en violation du par. 96(5) de la Companies Act exige un examen de tous les faits qui ont entouré l’opération. Voici le texte du par. 96(5):

[TRADUCTION] Sous réserve du présent article, une compagnie ne peut légalement donner directement ou indirectement, soit par le moyen de prêt, garantie, nantissement, soit autrement, une aide financière aux fins ou à l’égard d’un achat d’actions de la compagnie effectué ou à effectuer par qui que ce soit. (J’ai mis des mots en italique.)

Le juge de première instance et la Division d’appel ont fait un examen détaillé et minutieux de tous les aspects de l’entente conclue par les diverses parties relativement à l’hypothèque. Pour ma part, je suis prêt à adopter le tableau synoptique contenu dans les motifs de jugement exposés par le juge Macdonald au nom de la Division d’appel, qui sont maintenant publiés à 28 N.S.R. 2d., à la p. 120, dont je dégage ce qui suit:

(1) Stonehouse est une personne morale constituée en 1960. Cinq cents actions ont été émises, dont quatre cent quatre-vingt-quinze appartenaient à McCusker Brown.

(2) En 1968 McCusker Brown a mis ses actions en vente auprès de Pat King Limited, un courtier en immeuble. Le prix à la cote était de $315,000.

(3) George Brunt et Ralph Hayter étaient apparemment propriétaires d’une compagnie appe-

[Page 33]

lée R.G.R. Limited. Ils étaient intéressés à acheter Stonehouse avec Martin Finnemore. Le 22 octobre 1968, R.G.R. Limited a fait une offre Stonehouse pour acheter «la propriété connue sous le nom de Stonehouse Motel and Restaurant Ltd.»

Cette offre a été refusée, mais l’entente finale est décrite comme suit à la p. 126 du recueil:

[TRADUCTION] (7) Le 5 décembre 1968, une troisième et dernière promesse de vente a été signée. Les acheteurs étaient Ralph Hayter, George Brunt et Martin L. Finnemore. Le promettant vendeur était McCusker Brown. L’objet de l’achat était décrit comme «toutes les actions du capital-actions de Stonehouse Motel and Restaurant Limited». Le prix était de $315,000. La promesse de vente contenait une disposition en vertu de laquelle McCusker Brown devait accepter une deuxième hypothèque de $50,000. M. Brown ne voulait pas accepter cette condition et par contre-offre, il en a demandé la suppression. Les acheteurs ont accepté. La promesse de vente du 5 décembre, modifiée par la contre-offre en date du même jour, est devenue l’entente exécutoire en vertu de laquelle la vente des actions a été effectuée. Elle prévoyait un acompte de $15,750 et le solde était payable comme suit:

(1) L’acheteur doit négocier une première hypothèque d’au moins $225,000 auprès d’une institution de prêt reconnue sur l’actif de Stonehouse Motel and Restaurant Limited et en verser le produit au vendeur. Si les acheteurs sont incapables d’obtenir ladite hypothèque, la présente promesse de vente sera nulle et non avenue et l’acompte sera retourné.

(3) Le solde de $74,250, le jour du transfert.

LA PRESENTE PROMESSE DE VENTE est assujettie à la condition que les acheteurs puissent constater que Stonehouse Motel and Restaurant Limited détient un titre incontestable sur son actif composé de: a) un motel de 42 chambres, b) le restaurant et la maison de pierre occupés par le promettant vendeur, c) tout l’équipement et les meubles appartenant ce jour à ladite compagnie, SAUF les effets personnels du promettant vendeur, les meubles et les accessoires de bureau se trouvant dans la maison du promettant vendeur. Ce dernier aura droit à toutes les recettes de caisse jusqu’à la date du transfert et devra faire les versements au ministère du Revenu national aux fins de l’impôt sur le revenu jusqu’à la date du transfert.

[Page 34]

(8) Me Franklin W. Gordon, avocat, a été nommé par la compagnie de fiducie pour agir en son nom. Il représentait également MM. Hayter, Brunt et Finnemore.

(9) Le prix d’achat de trois cent quinze mille dollars ($315,000), pour les actions de Stonehouse se répartit comme suit:

Mise de fonds

$ 15,000

Montant de l’hypothèque de Nova Scotia Trust Company

225,000

Montant d’une deuxième hypothèque obtenue auprès de United Dominion Investments

25,000

Prêts obtenus par MM. Hayter, Brunt et Finnemore

50.000

Me Gordon a réuni les $300,000 que représentent les trois derniers postes susmentionnés. Il était présent à la signature du contrat au bureau de Me Grant de l’étude Patterson, Smith, Matthews et Grant à Truro. A la signature, Me Gordon a donné à Me Grant un chèque de $300,000 payable à Patterson, Smith, Matthews et Grant. Me Grant qui était le procureur de M. Brown et l’avocat de Central and Eastern prétend qu’il représentait également Stonehouse à l’époque. En plus des deux avocats, M. McCusker Brown, MM. Hayter, Brunt et Finnemore et un représentant de Pat King Limited étaient également présents à la signature. Le jour de la signature toutes les actions de Stonehouse ont été transférées à MM. Hayter, Brunt et Finnemore. M. Finnemore a été nommé président, M. Hayter, vice-président et M. Brunt, secrétaire. Tous trois ont également été nommés administrateurs de la compagnie. Les hypothèques immobilières et mobilières consenties à Nova Scotia Trust Company ont été signées par Finnemore à titre de président et Brunt à titre de secrétaire. Aucune résolution spéciale requise par l’art. 88 de la Companies Act n’a été adoptée au moment de l’emprunt et du paiement pour autoriser l’hypothèque de Nova Trust Company.

Compte tenu de ces faits, j’aurais pensé qu’il était incontestable que, pour toutes les parties en cause, le prêt hypothécaire de $225,000 devait servir à Hayter, à Brunt et à Finnemore aux fins ou, en tout état de cause, à l’égard de l’achat des actions de la compagnie appartenant à Brown, mais le juge de première instance a exprimé une opinion différente que voici:

[TRADUCTION] Une lecture attentive de l’article permet de constater que c’est l’action de la compagnie qui est illégale. Il est illégal pour une compagnie de prêter de l’argent, de signer une garantie ou de donner un nantissement équivalant à une aide financière à l’égard d’un

[Page 35]

achat d’actions de la compagnie par qui que ce soit. Je ne crois pas que lorsque Stonehouse Motel and Restaurant Limited a signé une hypothèque en faveur de Nova Scotia Trust Company, elle faisait plus que garantir pour un prêt réel de $225,000 consenti par Nova Scotia Trust Company au débiteur hypothécaire. Elle n’accordait pas une garantie pour une somme due sur l’achat d’actions, et Stonehouse Motel and Restaurant Limited n’accordait pas un prêt, une garantie ou une aide financière à qui que ce soit, aux fins d’un achat d’actions de la compagnie. Elle garantissait sur l’actif de la compagnie un prêt à la compagnie qui en déterminait l’utilisation.

J’ai la plus grande difficulté à accepter ce point de vue. Les faits que j’ai extraits des motifs de jugement de la Division d’appel me montrent clairement que McCusker Brown, Stonehouse, la compagnie de fiducie et les trois nouveaux actionnaires ont convenu dès le départ que le prêt hypothécaire devait servir à fournir une aide financière à l’égard de l’achat des actions de Stonehouse appartenant à Brown, une opération qui, me semble-t-il, est en violation directe du par. 96(5). De plus, la remarque du juge de première instance que Stonehouse «garantissait sur l’actif de la compagnie un prêt à la compagnie qui en déterminait l’utilisation», est irréconciliable avec le résumé de l’opération que fait la Division d’appel dans les extraits suivants des motifs du juge Macdonald à la p. 148:

[TRADUCTION] Il n’y a aucun doute que le prêt de $225,000 de Nova Scotia Trust Company représente une partie du prix d’achat des actions. L’avocat de Central and Eastern prétend que la compagnie de prêt hypothécaire n’a pas l’obligation de s’assurer que les fonds qu’elle prête ne serviront pas à une fin illégale ou interdite par la loi. Si l’on accepte cette proposition comme un énoncé exact du droit, le juge de première instance a conclu en l’espèce que Nova Scotia Trust Company savait au moment où elle a prêté les $225,000, et même avant, que cette somme devait servir à l’achat d’actions émises d’une compagnie.

Compte tenu des témoignages, particulièrement celui de M. Cameron, et de la promesse de vente du 5 décembre 1968, je suis d’avis que les $315,000, soit le prix d’achat des actions, ne sont jamais directement parvenus dans les coffres de Stonehouse. En vertu de la

[Page 36]

promesse de vente, M. Brown était le vendeur et c’était lui qui avait droit de recevoir et qui a reçu le prix de vente. A mon avis, il est clair qu’en consentant une hypothèque à Nova Scotia Trust Company, Stonehouse a donné une aide financière aux acheteurs des actions au moyen d’une garantie, au sens du par. 96(5) de la Companies Act. Il est évident que sans cette garantie l’achat et la vente des actions n’auraient pas eu lieu.

Ces extraits indiquent manifestement que le montant du prêt hypothécaire de $225,000 devait être versé au vendeur (Brown) et que la garantie n’a pas été donnée sur l’actif de la compagnie pour un prêt à la compagnie. Une analyse minutieuse des circonstances entourant l’acquisition de ces actions, tant en première instance qu’en appel, ne révèle pas, à mon avis, qu’une somme quelconque a réellement été versée à la compagnie à même le produit de l’hypothèque.

Le juge Macdonald a cependant examiné la question de savoir si l’on peut considérer que le prêt hypothécaire a été partiellement versé au bénéfice de la compagnie et si, dans cette mesure, l’hypothèque est exécutoire. Le raisonnement qu’il suit à cet égard se trouve également à la p. 148 du recueil:

[TRADUCTION] Comme on l’a mentionné, Stonehouse avait des dettes s’élevant à $109,722.31 au moment où M. Brown a vendu ses actions. A même le prix d’achat reçu, il a payé ces dettes conformément à son engagement dont la compagnie de fiducie connaissait probablement l’existence. Il est impossible d’identifier quelle partie des fonds (le cas échéant) rassemblés pour former les $315,000 a servi spécifiquement au paiement des dettes de la compagnie s’élevant à $109,722.31. Par conséquent, on peut seulement présumer qu’il n’y a pas eu de répartition particulière. L’argent avancé par Nova Scotia Trust Company représente environ 71.5 p. cent du prix d’achat total de $315,000 et je présume donc aussi que 71.5 p. cent des $109,722.31 ont été payés à même les fonds avancés par la compagnie de fiducie. Si l’on arrondit à $110,000 le montant des dettes, ceci représente un montant de $78,650. (J’ai mis des mots en italique.)

A mon avis, l’engagement relatif à l’utilisation de l’argent reçu par M. Brown comme vendeur des actions ne pouvait être exécuté avant que l’opération hypothécaire ait été complétée et que la compagnie de fiducie ait versé l’argent aux acheteurs et ceux-ci à leur tour à M. Brown. La question ici

[Page 37]

est celle de la validité de l’opération hypothécaire et, à mon avis, l’utilisation que M. Brown a faite du prix d’achat versé pour ses actions est une question tout à fait distincte. Le stigmate d’illégalité lié à une garantie que donne une compagnie à l’égard de l’achat de ses actions, ne disparaît pas du fait que le vendeur a utilisé une partie du prix d’achat pour réduire les dettes de la compagnie.

Le juge Macdonald lui-même est d’avis, comme il l’a souligné, que le prêt hypothécaire de $225,-000 représentait une partie des $315,000, soit le prix d’achat des actions, et qu’aucune partie de ce montant n’est jamais parvenue dans les coffres de Stonehouse et que c’était M. Brown qui avait droit de recevoir et qui a reçu tout le prix d’achat. A mon avis, le fait que M. Brown a utilisé une partie du prix d’achat pour payer les dettes de Stonehouse ne peut modifier le fait fondamental que l’hypothèque a été consentie pour fournir une aide financière à l’égard de l’achat d’actions.

Compte tenu de mon opinion sur les faits de l’espèce, il faut inévitablement conclure que l’hypothèque en question est nulle parce que contraire au par. 96(5) de la Companies Act de la Nouvelle-Ecosse et je suis convaincu que toutes les parties intéressées connaissaient bien les détails de l’opération.

Pour tous ces motifs je suis d’avis de rejeter le pourvoi de Central and Eastern Trust Company, d’accueillir l’appel incident d’Irving Oil Limited et d’ordonner que les hypothèques immobilières et mobilières consenties par Stonehouse à la compagnie de fiducie en date du 31 décembre 1968 soient déclarées nulles et inexécutoires et qu’elles soient annulées parce qu’elles sont contraires au par. 96(5) de la Companies Act de la Nouvelle-Ecosse.

Irving Oil Limited, la contre-appelante, a droit à ses dépens dans toutes les cours contre l’appelante Central, y compris les dépens de l’appel incident.

Il n’y a aucune adjudication de dépens en faveur de Stonehouse ni contre elle puisqu’elle n’a pas participé à ce pourvoi.

[Page 38]

Pourvoi rejeté et pourvoi incident accordé avec dépens.

Procureur de l’appelante: R.A. Cluney, Halifax.

Procureur de l’intimée Irving Oil Limited: D.A. Caldwell, Truro, Nouvelle-Écosse.

[1] (1978), 28 N.S.R. (2d) 120.


Parties
Demandeurs : Central and Eastern Trust Co.
Défendeurs : Irving Oil Ltd.
Proposition de citation de la décision: Central and Eastern Trust Co. c. Irving Oil Ltd., [1980] 2 R.C.S. 29 (22 avril 1980)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-04-22;.1980..2.r.c.s..29 ?
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