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03/06/1980 | CANADA | N°[1980]_2_R.C.S._582

Canada | Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada c. Dallialian, [1980] 2 R.C.S. 582 (3 juin 1980)


Cour suprême du Canada

Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada c. Dallialian, [1980] 2 R.C.S. 582

Date: 1980-06-03

La Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada Appelante;

et

Isaac Dallialian Intimé.

1980: 30 et 31 janvier; 1980: 3 juin.

Présents: Les juges Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale[1], infirmant la décision du juge‑arbitre[2]. Pourvoi accueilli.

Paul M. Ollivier, c.r., et J

ean-Marc Aubry, pour l’appelante.

Jean Barrière, pour l’intimé.

Les motifs des juges Pigeon et Beetz ont été rendus par

LE JUGE...

Cour suprême du Canada

Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada c. Dallialian, [1980] 2 R.C.S. 582

Date: 1980-06-03

La Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada Appelante;

et

Isaac Dallialian Intimé.

1980: 30 et 31 janvier; 1980: 3 juin.

Présents: Les juges Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale[1], infirmant la décision du juge‑arbitre[2]. Pourvoi accueilli.

Paul M. Ollivier, c.r., et Jean-Marc Aubry, pour l’appelante.

Jean Barrière, pour l’intimé.

Les motifs des juges Pigeon et Beetz ont été rendus par

LE JUGE PIGEON — J’ai eu le privilège de prendre connaissance de l’opinion du juge Estey. Sa conclusion sur l’interprétation des dispositions législatives en question me paraît inattaquable. Je note d’ailleurs qu’elle rejoint celle qu’a donnée le juge Addy siégeant comme arbitre dans l’affaire de Danias Gervais[3] en se fondant sur le jugement

[Page 585]

du juge Cattanach dans Ministre du revenu national c. Gustavson Drilling (1964) Ltd.[4]

Je dois également reconnaître que le juge Marceau, siégeant comme juge-arbitre en la présente affaire[5], a correctement conclu que le prestataire était sans recours pour le préjudice que lui a causé le comportement de la Commission. Ce préjudice il le décrit et l’écarte comme suit:

On lui reproche d’abord de n’avoir informé que très laconiquement les prestataires de sa décision d’arrêter les paiements au moment de la mise en vigueur de l’amendement, omettant, ce faisant, de motiver sa façon de voir et d’informer les intéressés de leur droit de contester. On souligne ensuite qu’elle a, elle-même, incité les prestataires à réclamer leur dû auprès de la Régie des rentes du Québec, se rendant ainsi directement responsable de la création de cette situation invoquée contre eux. On s’étonne enfin qu’elle ait pu, à partir de janvier 1977, se fondant sur un motif dont elle connaissait fort bien l’existence depuis longtemps déjà, prononcer des décisions d’inadmissibilité auxquelles elle donnait effet rétroactif.

Il est clair que le comportement de la Commission et les gestes posés par ses officiers ont des aspects éminemment regrettables qu’on peut facilement évoquer pour éveiller en faveur des prestataires cette sympathie dont j’ai parlé. Mais je ne vois pas comment on en pourrait tirer ici des arguments à portée juridique. La Commission est un organisme dont le rôle est strictement d’administrer la loi et les droits des individus en vertu de cette loi ne sauraient résulter de son seul comportement aussi critiquable et regrettable qu’il soit. Sans doute est-il vrai que la Commission, comme tout organisme public, pourrait être tenue de répondre des dommages causés par ses gestes fautifs et ceux de ses officiers, mais son obligation résulterait alors de l’application des principes de responsabilité administrative: on ne pourrait s’en réclamer pour transgresser les dispositions de la Loi pour l’administration de laquelle elle a été créée. Personne ne conteste que la Commission ici a commis une erreur d’interprétation, mais son erreur était fort excusable et elle l’a commise de bonne foi; ses avis aux prestataires étaient laconiques, mais ils furent par la suite complétés et les conseils donnés par ses officiers à ceux qui s’adressaient à elle furent prodigués avec la

[Page 586]

meilleure intention; elle a invoqué après coup un motif d’inadmissibilité qu’elle connaissait depuis longtemps, mais elle n’avait pas le choix, tenue qu’elle était à ce moment de déterminer, à l’aide de l’éclairage nouveau apporté par la décision du juge Addy, les droits dont pouvaient se prévaloir les prestataires, et ce tant pour le passé que pour l’avenir; elle a opposé à ces derniers une situation qu’elle avait elle-même suscitée, mais cette situation n’en était pas moins réelle et ne pouvait être ignorée. De toute façon, que l’on excuse ou non le comportement de la Commission, que l’on comprenne ou non sa façon de procéder, il est certain que les gestes qu’elle a posés, aussi regrettables qu’ils aient été, ne peuvent être invoqués comme ayant été source de droits en vertu de la Loi sur l’assurance-chômage elle-même.

Comme l’a rappelé le juge Marceau, le Parlement, à la suite de la décision du juge Addy, a voté une loi spéciale destinée à remédier à l’injustice causée aux prestataires qui se trouvaient à avoir perdu leurs droits en s’inclinant devant la décision erronée de la Commission de les tenir pour éteints par l’art. 31 de la Loi sur l’assurance-chômage entrée en vigueur le 1er janvier 1976. Là encore je ne puis qu’endosser sur ce point le raisonnement du juge Marceau:

Cette loi du 9 mai 1977 est très succincte; elle contient en somme un seul article de substance dont les propositions importantes se lisent comme suit:

2. Par dérogation à l’article 102 de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, la Commission d’assurance-chômage doit examiner l’admissibilité aux prestations de toute personne qui a ou non interjeté appel d’une décision à ce sujet, et…

a)

b)

c)

et elle doit calculer la somme éventuellement due à cette personne aux termes de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage telle qu’elle était rédigée avant le 1er janvier 1976 et la lui verser.

Pour les prestataires, le Parlement entendait par son intervention exceptionnelle leur redonner un droit qui leur avait été dénié injustement. Pour la Commission, le Parlement confirmait que le droit aux prestations dans les cas visés devait être considéré selon les dispositions de la Loi telles qu’elles existaient avant le 1er janvier 1976. A mon avis, ni les prestataires ni la Commission ne peuvent trouver dans cette loi du 9 mai 1977 l’appui

[Page 587]

décisif qu’ils y recherchent. Si le Parlement avait voulu donner définitivement raison aux prestataires, il ne se serait pas limité à leur redonner un droit d’appel leur permettant de faire réexaminer leur éligibilité. En revanche, si le Parlement avait voulu confirmer d’autorité que cette éligibilité devant être examinée selon l’article 31(1) tel qu’il existait auparavant, on voit mal pourquoi il aurait parlé de l’ancienne loi uniquement à propos du «calcul de la somme éventuellement due». Il s’agit peut-être uniquement d’une question de forme, la référence à l’ancienne loi visant tout à la fois la détermination de l’éligibilité et le calcul des prestations, mais c’est un cas où le doute devrait jouer à l’encontre d’une décision aveugle automatique. On pourrait d’ailleurs très bien comprendre que tout en voulant réouvrir le droit d’appel et mettre fin à toute discussion relativement au taux des prestations, le Parlement n’ait pas voulu se substituer, pour la détermination de l’éligibilité, aux principes généraux applicables en matière de conflit de loi dans le temps.

Tout en reconnaissant que les juges sont rigoureusement tenus d’appliquer la loi comme elle est écrite et ne peuvent s’écarter du sens clair des dispositions décrétées par le Parlement en donnant effet à une intention présumée qui n’y est pas exprimée, je ne puis m’abstenir d’exprimer le regret que l’on se soit ainsi trouvé à laisser sans remède une injustice manifeste. Je me refuse à croire que l’on a voté la loi spéciale à seule fin que les prestataires dans la situation de Dallialian, au lieu d’être empêchés de soumettre leur grief, aient la possibilité de le faire seulement pour entendre l’arbitre leur dire qu’ils sont sans recours parce que c’est de bonne foi que la Commission leur a dit qu’ils n’avaient plus droit aux prestations et les a incités à demander la rente de retraite qu’ils perdaient s’ils ne la réclamaient pas. En effet, il est illogique de relever les prestataires de leur défaut d’avoir soulevé leur grief en temps utile parce que la Commission les a induits en erreur sur l’effet de la loi et ne pas les relever également de la déchéance résultant de la demande de rente qu’elle les a incités à faire pour la même raison. C’est cependant ainsi que ces prestataires ont été privés injustement de la différence entre la rente et la prestation. Leur situation est évidemment bien différente de celle de l’industriel déçu dans son

[Page 588]

attente d’obtenir les avantages fiscaux dont il est question dans l’arrêt M.N.R. c. Inland Industries Limited[6]. Il s’agit ici de simples employés qui étaient en droit de se fier aux renseignements que l’administration publique se considère à bon droit tenue de leur fournir. Le Parlement a jugé qu’il y avait lieu de remédier à leur situation et il lui appartient de décider s’il est trop tard pour le faire effectivement.

Je conclus donc comme le juge Estey qu’il y a lieu d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel fédérale et de rétablir la décision du juge-arbitre. Suivant la condition de l’autorisation, l’appelante devra payer les dépens de l’intimé sur la base avocat-client.

Version française du jugement des juges Dickson, Estey et Chouinard.

LE JUGE ESTEY — Le présent pourvoi attaque un arrêt de la Cour d’appel fédérale qui, sous l’autorité de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, a infirmé une décision d’un juge-arbitre qui siégeait en appel d’une décision rendue par la Commission d’assurance-chômage sur une demande de prestations présentée conformément à la Loi sur l’assurance-chômage, ci-après appelée la Loi. Le litige provient d’une modification de la Loi édictée en 1976 qui fait passer l’âge de l’admissibilité aux prestations de 70 à 65 ans. Cette modification est entrée en vigueur le 1er janvier 1976. A cette date, l’intimé avait déjà plus de 65 ans mais n’avait pas encore atteint 70 ans. J’estime utile d’énoncer les dispositions pertinentes du texte de loi en cause, soit l’article antérieur à la modification et l’article de remplacement.

LOI SUR L’ASSURANCE-CHQMAGE

MODIFICATION, S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 10

S.C. 1970-71 -72, chap. 48, art. 31

10. L’article 31 de ladite loi est abrogé et remplacé par ce qui suit:

31. (1) Nonobstant l’article 19, une période initiale de prestations n’est pas établie au profit d’un prestataire si, au moment où il formule une demande initiale de prestations,

«31. (1) Nonobstant l’article 19, une période initiale de prestations n’est pas établie au profit d’un prestataire si, au moment où il formule une demande initiale de prestations, il est âgé de soixante-cinq ans ou plus.

a) il est âgé de soixante-dix ans ou plus, ou

b) il a déjà acquis le droit de percevoir une pension ou rente de retraite en vertu du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec.

(2) Un assuré qui présente une demande de prestations et qui prouve

a) qu’il est âgé d’au moins soixante-cinq ans,

[Page 589]

(2) Lorsqu’un prestataire de la première catégorie qui est âgé de soixante-dix ans ou plus ou qui a déjà acquis le droit de percevoir une pension ou rente de retraite en vertu du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec formule une demande initiale de prestations qui, sans cela, ferait établir à son profit une période initiale de prestations, une somme égale à trois fois le taux des prestations hebdomadaires qui lui est applicable en vertu de l’article 24 doit immédiatement lui être versée et l’article 23 ne s’applique pas au prestataire.

b) qu’il a exercé un emploi assurable pendant au moins vingt semaines

(i) pendant la période de cinquante-deux semaines qui précède la semaine où il présente sa demande, ou

(ii) pendant la période comprise entre le début de sa dernière période initiale de prestations et la semaine où il présente sa demande, si cette dernière est plus courte, et

c) qu’il n’a pas déjà perçu une somme en vertu du présent paragraphe (version actuelle ou antérieure au 1er janvier 1976),

(3) Toute période de prestations établie au profit d’un prestataire aux termes de la présente Partie expire, si elle ne s’est pas terminée plus tôt en vertu de la présente Partie, à la fin de la semaine

doit recevoir, sous réserve des articles 48 et 49, un montant égal à trois fois le taux des prestations hebdomadaires applicable en vertu de l’article 24.

a) au cours de laquelle il atteint soixante-dix ans, ou

b) au cours de laquelle il acquiert le droit de percevoir une pension ou rente de retraite en vertu du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec, si cette semaine est antérieure à la semaine visée à l’alinéa a).

(3) Les paragraphes (2) à (5) de l’article 18 s’appliquent, mutatis mutandis, à la période mentionnée au sous-alinéa (i) de l’alinéa b) du paragraphe (2).

(4) Une période de prestations établie au profit d’un prestataire en vertu de la présente Partie se termine à la fin de la semaine où il atteint l’âge de soixante-cinq ans, ou à une date antérieure si la présente Partie le prévoit.

(5) Si le total des prestations versées à un prestataire de la première catégorie au cours d’une période de prestations prenant fin en vertu du paragraphe (4) est inférieur au produit obtenu en multipliant par trois le taux des prestations hebdomadaires qui lui est applicable pendant cette période de prestations, le prestataire a droit, sous réserve des articles 48 et 49 mais nonobstant toute autre disposition de la Partie II, à des prestations calculées au taux hebdomadaire qui lui est applicable pendant cette période de prestations pendant le nombre de semaines nécessaire pour que le total des prestations qui lui sont versées pendant cette période de prestations soit au moins égal à ce produit.»

La série d’événements à l’origine du présent pourvoi peut se résumer comme suit:

1. L’intimé est né le 18 décembre 1906. Il a donc eu 65 ans le 18 décembre 1971 et 70 ans le 18 décembre 1976.

[Page 590]

2. L’intimé a établi, au moyen de la procédure prévue par la Loi, une période de prestations qui a commencé le 13 juillet 1975.

3. A l’époque où la période de prestations a été établie au profit de l’intimé, la Loi prévoyait le versement de prestations jusqu’à l’âge de 70 ans.

4. L’intimé a reçu des prestations de juillet à décembre 1975.

5. La modification précitée de la Loi sur l’assurance-chômage qui a pris effet le 1er janvier 1976 met fin au droit d’une personne de recevoir des prestations dès qu’elle atteint l’âge de 65 ans.

6. Le 1er février 1976, l’intimé a acquis le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec ce qui, aux termes de la Loi comme elle existait avant le 1er janvier 1976, rendait l’intimé inadmissible à d’autres prestations conformément à la Loi.

7. La période maximum pour laquelle les prestations pouvaient être versées à l’intimé conformément à la Loi a pris fin le 6 juillet 1976, à la fin, donc, d’une période de 51 semaines (art. 38 de la Loi).

8. L’intimé a eu 70 ans le 18 décembre 1976.

Il y a quatre dates possibles auxquelles, en vertu de la Loi, les prestations d’assurance-chômage devaient cesser d’être versées à l’intimé, savoir,

a) le 1er janvier 1976: parce que, à cette date, l’intimé, ayant déjà plus de 65 ans, devenait inadmissible aux prestations conformément aux dispositions de la Loi entrées en vigueur à cette date;

b) le 1er février 1976, soit la date à laquelle l’intimé a acquis le droit de recevoir une pension de retraite en vertu du Régime de rentes du Québec, ce qui le rendait inadmissible à des prestations en vertu de la Loi telle qu’elle existait avant l’adoption de la modification;

c) le 6 juillet 1976, soit à la fin de la période de prestations;

d) le 18 décembre 1976, soit le soixante-dixième anniversaire de naissance de l’intimé, comme

[Page 591]

le prescrivait la Loi comme elle se lisait avant la modification.

La Commission a versé à l’intimé les prestations auxquelles il avait droit en vertu de la Loi depuis le début de la période de prestations, soit juillet 1975, jusqu’au moment où il a commencé à recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec, soit le 1er février 1976. Le conseil arbitral et le juge-arbitre ont confirmé cette décision. La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du juge-arbitre et ordonné que l’affaire soit renvoyée à la Commission pour qu’elle statue conformément au texte législatif comme il se lit depuis le 1er janvier 1976. Elle a conclu en particulier que le droit acquis de recevoir une rente du Régime de rentes du Québec ne rendait plus l’intimé inadmissible aux prestations après la date d’entrée en vigueur de la modification. Il convient de noter que le Juge en chef de la Cour d’appel a indiqué que la décision du juge-arbitre confirmait une décision de la Commission selon laquelle l’intimé n’était pas admissible au bénéfice des prestations après janvier 1976. Cette décision se veut, même si cela paraît quelque peu ambigu, en accord avec la conclusion du juge Pratte qui a rédigé les motifs de la Cour d’appel et qui dit qu’aux termes de la décision de la Commission confirmée en appel par le conseil arbitral et le juge‑arbitre, l’intimé avait le droit de continuer à recevoir des prestations jusqu’à ce qu’il acquière le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec, soit le 31 janvier 1976. Le juge Pratte en concluant que le versement des prestations ne se terminait pas à la fin de janvier 1976, s’exprime en ces termes:

Cependant, il suffit de lire attentivement ce texte, édicté le 1er janvier 1976, pour voir qu’il s’applique exclusivement aux personnes qui atteignent l’âge de 65 ans après cette date et non à celles qui, comme le requérant, ont atteint cet âge longtemps auparavant.

Si le juge-arbitre a décidé comme il l’a fait c’est que, comme d’autres juges-arbitres avant lui, il a considéré que lorsque la Commission établissait une période de prestations au profit d’un assuré, celui-ci acquérait, par le fait même, un droit à la période ainsi établie dont la durée et les modalités devaient, en conséquence, être normalement régies par la loi telle qu’elle existait au moment de l’établissement de la période. Cela, à mon avis, est inexact. L’établissement d’une période de près-

[Page 592]

tations ne donne naissance à aucun droit. Ce n’est qu’une formalité qui doit nécessairement être accomplie pour qu’un assuré puisse subséquemment acquérir le droit de recevoir les prestations.

Le juge en chef Jackett souscrivant à cette conclusion ajoute que l’al. 35c) de la Loi d’interprétation qui traite de l’effet de l’abrogation d’un texte de loi par le Parlement, ne s’applique pas en l’espèce. Le savant Juge en chef renvoie à:

…[la] règle d’interprétation figurant à l’article 3(1) et à l’article 35c) de la Loi d’interprétation, savoir qu’à moins qu’une intention contraire n’apparaisse, l’abrogation d’un texte de loi n’a pas «d’effet sur quelque droit… acquis… [ou] naissant… sous le régime du texte législatif… abrogé». Nonobstant mon respect pour les opinions contraires des juges-arbitres, [poursuit-il], j’estime que cette règle d’interprétation ne peut s’appliquer. A la lecture du texte législatif, il ressort que le seul «droit» positif conféré à un assuré est le droit né à la suite de situations qui l’ont rendu admissible à des prestations, et la disposition voulant qu’une personne au profit de laquelle une période de prestations est établie soit «admissible au bénéfice des prestations en conformité de la présente Partie» ne fait que créer une attente de nature semblable à celle d’un assuré qui détient toujours un emploi.

Revenons aux quatre dates possibles pour la fin du versement des prestations. On peut sans difficulté rejeter la première, à savoir le 1er janvier 1976, car à cette date (soit celle de l’entrée en vigueur de la modification), l’intimé avait déjà atteint l’âge de 65 ans. Le nouveau par. 31(4) prévoit qu’une période de prestations se termine seulement à la fin de la semaine où un prestataire «atteint l’âge de soixante-cinq ans» et le texte législatif tient clairement pour acquis qu’il s’agit d’un événement futur. Or, cet anniversaire ne s’est pas produit durant la semaine du 1er janvier 1976 ou par après, car l’intimé avait déjà atteint l’âge de 65 ans en décembre 1971. Puisqu’il n’avait pas encore 70 ans, le texte législatif antérieur ne le rendait pas inadmissible au bénéfice des prestations pour raison d’âge. A cette date, il n’avait pas encore acquis le droit de recevoir une pension ou rente en vertu du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec. Par conséquent, l’intimé était toujours admissible au bénéfice des prestations le 1er janvier 1976.

[Page 593]

Deux des quatre autres interprétations impliquent des prestations versées jusqu’en juillet ou décembre 1976. Le texte législatif, après la modification de 1976 comme auparavant, restreint la période de prestations à une durée de 51 semaines qui devait en l’espèce prendre fin en juillet 1976. Par conséquent, la question se résume à savoir si le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec met fin au versement de prestations à compter du 1er février 1976, même si cette cause de déchéance a été retranchée de la Loi à partir du 1er janvier 1976.

Il est difficile d’interpréter le texte législatif de façon à rendre l’intimé admissible à des prestations au-delà du 1er février 1976 malgré la naissance de son droit de recevoir une rente, car une telle interprétation aurait pour effet de conférer aux personnes âgées de plus de 65 ans une admissibilité plus étendue en vertu de la Loi modificatrice que celle dont elles disposaient en vertu de la Loi comme elle existait avant la modification. Aux termes de cette dernière, un prestataire devenait inadmissible à recevoir des prestations lorsqu’il atteignait l’âge de 70 ans ou qu’il acquérait le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec. Si l’on exclut le second élément d’inadmissibilité, on constate, pour ce qui est de la période consécutive à la modification, que des personnes dans la même situation que l’intimé recevraient, en raison du texte législatif modificateur, des prestations plus étendues qu’en vertu du texte antérieur et ce, nonobstant le but manifeste et la portée évidente de la modification qui sont de mettre fin au droit des prestataires à un âge moins avancé, soit à 65 ans.

Il est donc d’importance primordiale aux fins du présent pourvoi de déterminer la nature juridique des droits de l’intimé prévus par la Loi comme elle existait au 31 décembre 1975, soit la veille de l’entrée en vigueur du nouvel art. 31. Il en est ainsi parce que, à moins que l’art. 35 de la Loi d’interprétation ne change la situation juridique du requérant à cet égard, la Loi, dans sa forme modifiée, constitue le seul texte législatif auquel on peut se référer pour déterminer les droits de l’intimé en 1976 et l’intimé serait nettement admissible aux prestations sans égard à la naissance de son droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes

[Page 594]

du Québec puisque cette cause de déchéance a été abrogée. L’alinéa 35c) de la Loi d’interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23 prévoit que:

35. Lorsqu’un texte législatif est abrogé en tout ou en partie, l’abrogation

c) n’a pas d’effet sur quelque droit, privilège, obligation ou responsabilité acquis, né, naissant ou encouru sous le régime du texte législatif ainsi abrogé;

Si le droit de l’intimé en vertu de la Loi constituait le 31 décembre 1975 un «droit [ou] privilège… né, naissant ou encouru sous le régime du texte législatif… abrogé», alors l’abrogation ne portait pas atteinte à la situation juridique de l’intimé. Avec égards, je ne peux conclure dans le même sens que le Juge en chef de la Cour fédérale, savoir que la situation de l’intimé aux termes de la Loi comme elle existait avant la modification, est la même que celle d’un employé qui est toujours au service d’un employeur et qui continue à verser ses cotisations conformément à la Loi. En l’espèce, aux fins de l’analogie, l’intimé avait déjà cessé de travailler avant l’entrée en vigueur de la modification. Il avait déjà acquis le droit de recevoir des prestations durant la période de prestations qui a débuté avant la date d’entrée en vigueur de la modification. Il recevait des prestations à la date d’entrée en vigueur de la modification. Par conséquent, il jouissait au 31 décembre 1975 d’un droit ou d’un privilège né sous le régime du texte législatif abrogé et j’ajoute, sans attribuer trop de valeur à ce point, né en raison de ses cotisations qui l’ont autorisé à présenter une demande et à faire établir une période de prestations à son profit.

A mon avis, c’est exactement la situation qu’envisageait le Parlement lorsqu’il a adopté l’al. 35c). La loi modificatrice ne renferme dans son art. 31 aucune disposition transitoire visant la catégorie de personnes à laquelle appartient l’intimé, savoir les personnes qui, avant la date d’entrée en vigueur de la modification, étaient âgées de 65 ans mais n’avaient pas encore atteint 70 ans. Rien dans la nouvelle version de l’art. 31 n’enlève de façon évidente à l’intimé et aux personnes de cette catégorie leur droit de continuer à recevoir des prestations immédiatement après l’introduction de la modification. De plus, on ne peut certes trouver dans la modification un texte qui accroisse les droits de l’intimé, c’est-à-dire un texte qui autorise

[Page 595]

le versement à l’intimé de prestations après que ce dernier a acquis le droit de recevoir une rente du Régime de rentes du Québec. Il est juste, à mon avis, de considérer que le Parlement a adopté le nouvel art. 31 en tenant compte de l’al. 35c) de la Loi d’interprétation. Lues de concert, la loi modificatrice et la Loi d’interprétation permettent à l’intimé de continuer à recevoir pour le mois de janvier 1976 les prestations auxquelles il avait droit en vertu de la Loi comme elle existait avant 1976 tout en l’assujettissant à la cause de déchéance prévue à l’al. 31(3)b) de la Loi comme elle existait avant la modification. Par conséquent, avec égards envers la Cour d’appel qui a adopté une opinion contraire, j’estime que le droit de l’intimé aux prestations a pris fin le 31 janvier 1976 lorsqu’il a acquis le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec.

L’article 35 a été étudié par les tribunaux aux cours des dernières années: Bell Canada c. Earl Palmer[7]; In re Kleifges[8]; McDoom c. Ministre de la Main-d’œuvre et de l’immigration[9] et Martinoff c. Gossen[10]. Dans les trois premières décisions, la Cour fédérale s’est servi de l’al. 35c) afin de conserver intacts le droit positif et la procédure qui existaient avant l’abrogation d’une disposition par une loi modificatrice. Dans chacune de ces décisions, la Cour fédérale a maintenu, après l’abrogation de la disposition créatrice, l’effet du droit déjà né. Seule la quatrième décision paraît mettre en doute l’objet visé par l’al. 35c) dans ces circonstances. La Division de première instance devait se prononcer dans cette dernière affaire sur le droit d’une certaine catégorie de personnes de recevoir un permis de possession d’armes. L’abrogation en cause avait pour effet d’enlever aux autorités chargées de délivrer des permis le droit d’en délivrer à une personne de la catégorie prescrite. La cour a conclu qu’une personne qui présentait une demande semblable avant l’abrogation de la disposition n’avait pas le droit de recevoir un permis après l’abrogation, nonobstant l’art. 35 de la Loi d’interprétation. Il va sans dire que les circonstances de cette dernière affaire se distin-

[Page 596]

guent de celles des trois autres ou de celles du présent pourvoi. Dans l’affaire Martinoff, précitée, le fonctionnaire chargé de délivrer des permis avait été privé de ce pouvoir par une disposition législative spécifique adoptée par le Parlement après que le requérant eut déposé sa demande de permis. La cour n’avait aucun pouvoir d’ordonner qu’un permis soit délivré car le parlement avait prévu par un texte précis que personne n’était plus habilité à délivrer des permis semblables après cette date. En l’espèce, le Parlement n’a pas décrété par la modification de 1976 que l’intimé ne recevrait pas de prestations après la date d’entrée en vigueur de l’abrogation. Le Parlement n’a pas précisé que l’intimé serait privé des prestations qu’il avait acquis le droit de recevoir lors de l’entrée en vigueur de la modification. Le Parlement n’a pas enlevé aux personnes chargées de l’administration de la Loi le pouvoir ou l’obligation de verser ces prestations à l’intimé jusqu’au 1er février 1976. L’ensemble de ces commentaires s’applique tout aussi bien à la continuation de l’élément de déchéance prévu à l’ancien al. 31(3)b).

Il reste à étudier les répercussions possibles de la Loi sur l’examen de certains cas d’admissibilité aux prestations d’assurance-chômage, S.C. 1976-77, chap. 11, entrée en vigueur le 12 mai 1977. Cette loi ordonne à la Commission d’assurance-chômage d’examiner l’admissibilité aux prestations prévues par la Loi de certaines personnes qui ont ou non interjeté appel d’une décision sur leur admissibilité. L’article 2 de la Loi de 1977 ordonne à la Commission de verser des prestations à un assuré après le 1er janvier 1976 comme si les modifications de la Loi qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 1976 n’avaient pas été édictées, à la condition que:

a) la période initiale de prestations ait été établie avant le 4 janvier 1976;

b) le prestataire ne soit plus admissible à recevoir des prestations par l’application de l’art. 10 qui a introduit le nouvel art. 31 prévoyant la fin du versement des prestations à l’âge de 65 ans; et que

c) le requérant ait demandé, avant le 12 mai 1977 ou dans les douze mois qui suivent cette date, que son admissibilité aux prestations soit «examinée».

[Page 597]

En l’espèce, l’intimé a perdu, le 31 janvier 1976, son admissibilité à recevoir des prestations car il avait acquis, à cette date, le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec; aux termes de l’ancien art. 31, cela mettait fin à sa période de prestations. Ainsi l’inadmissibilité de l’intimé aux prestations ne découle pas de l’art. 10 de la Loi de 1977 mais de la loi antérieure. Par conséquent, le chap. 11 ne s’applique pas ici.

Le juge en chef Jackett est parvenu au même résultat lorsqu’il a conclu que l’art. 2 du chap. 11 s’applique uniquement aux personnes âgées de moins de 65 ans le 1er janvier 1976 puisque seules ces personnes peuvent atteindre l’âge de 65 ans après le 4 janvier 1976 (soit la date énoncée au chap. 11) et avant que n’expire automatiquement, en mai 1979, le chap. 11. Son raisonnement et le mien aboutissent au même résultat: le chap. 11 n’est d’aucune utilité en l’instance.

Je conclus, en définitive, que l’on doit s’appuyer sur l’al. 35c) de la Loi d’interprétation pour interpréter la Loi dans sa forme modifiée afin de déterminer les droits de l’intimé et que les deux dispositions législatives lues de concert rendent l’intimé admissible à recevoir des prestations jusqu’au 31 janvier 1976 compris, mais non après cette date.

Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel fédérale et de rétablir la décision du juge-arbitre. Suivant la condition de l’autorisation, l’appelante devra payer les dépens de l’intimé sur la base avocat-client.

Pouvoi accueilli.

Procureur de l’appelante: Roger Tassé, Ottawa.

Procureurs de l’intimé: Barrière, Neuer & Lamarche, Lachine, Québec.

[1] [1979] 1 C.F. 686.

[2] CUB 5007, 14 juin 1978.

[3] CUB 4417, (12 nov. 1976).

[4] [1972] C.F. 92, confirmé [1972] C.F. 1193, confirmé [1977] 1 R.S.C. 271.

[5] CUB 5007, (14 juin 1978).

[6] [1974] R.C.S. 514.

[7] [1974] 1 C.F. 186(C.A.).

[8] [1978] 1 C.F. 734 (D.P.I.).

[9] [1978] 1 C.F. 323 (D.P.I.).

[10] 10 [1979] 1 C.F. 327, appel rejeté [1979] 1 C.F. iv.


Synthèse
Référence neutre : [1980] 2 R.C.S. 582 ?
Date de la décision : 03/06/1980
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Interprétation - Droit acquis - Rétroactivité exclue - Assurance-chômage - Limite d’âge d’admissibilité abaissée - Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, 1 (Can.) chap. 48, art. 31 (modifiée par 1974-75-76 (Can.) chap. 80, art. 10), et 38 - Loi sur l’examen de certains cas d’admissibilité aux prestations d’assurance-chômage, 1976-77 (Can.) chap. 11, art. 2 - Loi d’interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 35c).

Le litige provient d’une modification de la Loi sur l’assurance-chômage, entrée en vigueur le 1er janvier 1976, qui a abaissé de 70 à 65 ans la limite d’âge de l’admissibilité aux prestations. A cette date, l’intimé avait déjà plus de 65 ans mais n’avait pas encore 70 ans. Il avait établi une période de prestations qui a commencé le 13 juillet 1975, à un moment, donc, où la Loi prévoyait le versement de prestations jusqu’à l’âge de 70 ans. L’intimé a reçu des prestations de juillet à décembre 1975. La Commission d’assurance-chômage a considéré que la modification de la Loi, le 1er janvier 1976 avait mis fin au droit d’une personne de recevoir des prestations dès qu’elle avait atteint l’âge de 65 ans et invité les prestataires dans cette situation à réclamer une rente en vertu du Régime de rentes. Le 1er février 1976, l’intimé a acquis le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec, ce qui, aux termes de la Loi antérieure au 1er janvier 1976, rendait l’intimé inadmissible à d’autres prestations. Le 6 juillet 1976, la période maximum de 51 semaines pendant laquelle les prestations pouvaient être versées à l’intimé, prenait fin. Le 18 décembre 1976, l’intimé atteignait l’âge de 70 ans. L’appelante a versé à l’intimé des prestations du 13 juillet 1975 au 1er février 1976. Le conseil arbitral et le juge-arbitre ont confirmé cette décision. La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision et ordonné que l’affaire soit renvoyée à la Commission pour qu’elle statue conformément au texte législatif comme il se lit depuis le 1er janvier 1976 selon son interprétation d’après laquelle la limite d’âge et la réception de la rente n’étaient pas des causes de refus des prestations dans le cas d’un prestataire qui avait plus de 65 ans le 1er janvier 1976.

[Page 583]

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

Les juges Dickson, Estey et Chouinard: Il y a quatre dates possibles auxquelles, en vertu de la Loi, les prestations d’assurance-chômage devaient cesser d’être versées à l’intimé, savoir: a) le 1er janvier 1976, parce que, à cette date, l’intimé, ayant déjà plus de 65 ans, devenait inadmissible aux prestations conformément aux dispositions de la Loi entrées en vigueur à cette date; b) le 1er février 1976, soit la date à laquelle l’intimé a acquis le droit de recevoir une pension de retraite en vertu du Régime de rentes du Québec, ce qui le rendait inadmissible à des prestations en vertu de la Loi telle qu’elle existait avant l’adoption de la modification; c) le 6 juillet 1976, soit à la fin de la période de prestations; d) le 18 décembre 1976, soit le soixante-dixième anniversaire de naissance de l’intimé, comme le prescrivait la Loi comme elle se lisait avant la modification. La date (a) ne peut être retenue, parce que la modification ne s’applique qu’aux personnes qui atteindront l’âge de 65 ans dans le futur. La date (d) ne peut être retenue parce que le texte législatif, après la modification de 1976 comme auparavant, restreint la période de prestations à une durée de 51 semaines. Par conséquent, la question se résume à savoir si le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec met fin au versement de prestations à compter du 1er février 1976, même si cette cause de déchéance a été retranchée de la Loi à partir du 1er janvier 1976. Interpréter le texte législatif de façon à rendre l’intimé admissible à des prestations au-delà du 1er février 1976 aurait pour effet de conférer aux personnes âgées de plus de 65 ans une admissibilité plus étendue en vertu de la loi modificatrice que celle dont elles disposaient en vertu de la Loi comme elle existait avant la modification. Il est juste de considérer que le Parlement a adopté le nouvel art. 31 de la Loi en tenant compte de l’al. 35c) de la Loi d’interprétation. Lues de concert, la loi modificatrice et la Loi d’interprétation permettent à l’intimé de continuer à recevoir pour le mois de janvier 1976 les prestations auxquelles il avait droit en vertu de la Loi comme elle existait avant 1976 tout en l’assujettissant à la cause de déchéance prévue à l’al. 31(3)b) de la Loi comme elle existait avant la modification et ce, nonobstant le but manifeste et la portée évidente de la modification qui sont de mettre fin au droit des prestataires à un âge moins avancé soit à 65 ans. Par conséquent, le droit de l’intimé aux prestations a pris fin le 31 janvier 1976 lorsqu’il a acquis le droit de recevoir une rente en vertu du Régime de rentes du Québec. Par contre, la Loi sur l’examen de certains cas d’admissibilité aux prestations d’assurance-chômage de 1977 ne s’applique pas aux présentes procédures, puisque l’inadmissibilité de l’intimé aux prestations ne découle pas de cette nouvelle loi mais de la loi antérieure.

[Page 584]

Les juges Pigeon et Beetz: La conclusion du juge Estey sur l’interprétation des dispositions législatives est inattaquable. Le juge-arbitre en la présente affaire a par ailleurs correctement conclu que le prestataire était sans recours pour le préjudice que lui a causé le comportement de l’appelante. Mais tout en reconnaissant que les juges sont rigoureusement tenus d’appliquer la loi comme elle est écrite, il y a lieu de regretter que l’on se soit ainsi trouvé à laisser sans remède une injustice manifeste. Il est illogique de relever, par une loi spéciale, les prestataires de leur défaut d’avoir soulevé leur grief en temps utile parce que la Commission les a induits en erreur sur l’effet de la loi et ne pas les relever également de la déchéance résultant de la demande de rente qu’elle les a incités à faire pour la même raison. Ces prestataires ont été injustement privés de la différence entre la rente et la prestation, mais seul le Parlement pourrait encore remédier à leur situation.


Parties
Demandeurs : Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada
Défendeurs : Dallialian

Références :

Jurisprudence: Bell Canada c. Earl Palmer, [1974] 1 C.F. 186

In re Kleifges, [1978] 1 C.F. 734

McDoom c. Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration, [1978] 1 C.F. 323

Martinoff c. Gossen, [1979] 1 C.F. 327, [1979] 1 C.F. iv

Danias Gervais, (12 nov. 1976) CUB 4417

Ministre du Revenu national c. Gustavson Drilling (1964) Ltd., [1972] C.F. 92 et 1193, [1977] 1 R.C.S. 271

M.R.N. c. Inland Industries Limited, [1974] R.C.S. 514.

Proposition de citation de la décision: Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada c. Dallialian, [1980] 2 R.C.S. 582 (3 juin 1980)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-06-03;.1980..2.r.c.s..582 ?
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