La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/1980 | CANADA | N°[1980]_2_R.C.S._1011

Canada | Homex Realty c. Wyoming, [1980] 2 R.C.S. 1011 (12 novembre 1980)


Cour suprême du Canada

Homex Realty c. Wyoming, [1980] 2 R.C.S. 1011

Date: 1980-11-12

Homex Realty and Development Company Limited (Intimée) Appelante;

et

The Corporation of the Village of Wyoming (Appelante) Intimée.

1980: 27 février; 1980: 12 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Estey et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Homex Realty c. Wyoming, [1980] 2 R.C.S. 1011

Date: 1980-11-12

Homex Realty and Development Company Limited (Intimée) Appelante;

et

The Corporation of the Village of Wyoming (Appelante) Intimée.

1980: 27 février; 1980: 12 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Estey et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1980] 2 R.C.S. 1011 ?
Date de la décision : 12/11/1980
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit municipal - Règlements - Législation sur l’urbanisme - Contrôle des lotissements - Refus du propriétaire subséquent de la majeure partie des lots d’exécuter la convention de lotissement - Aux termes du règlement, les lots de l’appelante ne sont pas réputés un plan de lotissement - Règlement adopté sans avis - Raccordement de la conduite d’eau principale au réseau municipal interdit par un règlement distinct jusqu’à ce que les conditions soient remplies - Règlements annulables ou non - Nature discrétionnaire de l’examen judiciaire - The Planning Act, R.S.O. 1970, chap. 349, art. 29 - The Interpretation Act, R.S.O. 1970, chap. 225, art. 17 - The Judicial Review Procedure Act, 1971, 1971 (Ont.), chap. 48 - The Registry Act, R.S.O. 1970, chap. 409 - The Municipal Act, R.S.O. 1970, chap. 248, art. 283, 284, 285.

L’appelante conteste un ordre de la Cour d’appel de l’Ontario qui a confirmé la validité de deux règlements de la municipalité intimée. Le litige porte sur l’interprétation de l’art. 29 de The Planning Act et sur la compétence ou le pouvoir des tribunaux en vertu de The Judicial Review Procedure Act, 1971.

Conformément à une condition de l’enregistrement d’un plan de lotissement dans le village de Wyoming, Atkinson, propriétaire et lotisseur du terrain, a conclu une convention avec le Village pour l’installation de services d’utilité publique sur ce lotissement. Cette convention datée du 22 janvier 1968 et enregistrée le 26 septembre 1975, prévoyait en termes généraux que le propriétaire s’acquitterait de «toutes les exigences, financières ou autres, de la Municipalité relativement au revêtement des routes, à l’installation des services d’utilité publique et au drainage». Cette convention interdisait aussi la vente des terrains en question avant que la convention ait été entièrement exécutée, sauf approbation du Village, mais cette disposition ne prévoyait pas que le consentement libérerait Atkinson de son obligation envers le Village. Avant même l’installation d’un de ces services, Homex a acheté la grande majorité des lots

[Page 1012]

du lotissement avec l’accord du Village. Il y a eu des divergences d’opinion à savoir si Homex avait ou non assumé les obligations du lotisseur original. Les négociations prolongées entre le Village et Homex relativement à l’installation des services ont échoué. Sans donner d’avis à Homex, le Village a adopté en avril 1976, en vertu du par. 29(3) de The Planning Act, le règlement 7 en vertu duquel les terrains achetés par Homex ne sont pas réputés être des plans de lotissement enregistrés. En septembre 1976, Homex a présenté une demande d’examen judiciaire pour faire annuler le règlement 7 et alors que cette demande était pendante, elle a morcelé les lots en damier.

En novembre 1975, Homex et le Village avaient négocié l’installation des services sur la seule rue du lotissement à viabiliser. Le règlement 6 adopté en décembre 1975 dispose que, selon sa politique, le Village n’assumerait aucune responsabilité pour l’aqueduc construit par Homex ni n’en autoriserait le raccordement à la conduite d’eau du réseau municipal. Homex a présenté une demande d’examen judiciaire pour faire annuler le règlement 6 en même temps que la demande visant à obtenir l’annulation du règlement 7.

Arrêt (les juges Ritchie et Dickson sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Beetz, Estey et Chouinard: Par l’intermédiaire de son président, Homex a accepté d’assumer l’obligation du premier lotisseur en vertu de la convention de lotissement. De plus, Homex avait l’intention de transférer les lots du lotissement sans les viabiliser, frais que le Village et les autres habitants devraient assumer.

Lorsqu’une loi permet de toucher aux droits de propriété ou autres droits et ne dit pas si l’organisme en question doit donner un avis avant d’agir, les tribunaux «remédieront à l’omission du législateur» et exigeront que l’organisme en question accorde au citoyen la possibilité de se faire entendre avant d’agir. L’application de ce vieux principe par les tribunaux dépend de la nature de l’action entreprise par un organisme, tel un conseil municipal.

Il faut tenir compte du cadre législatif, de la nature de l’action entreprise par le Conseil du village et des circonstances particulières du moment pour déterminer l’interprétation à donner au par. 29(3) de The Planning Act. La Loi n’exige pas expressément qu’un avis soit donné aux propriétaires visés; néanmoins le Conseil savait qu’Homex s’opposerait au règlement 7. Ce règlement présente certaines caractéristiques d’un règlement adopté dans l’intérêt de la collectivité, mais il est égale-

[Page 1013]

ment le point culminant d’un conflit inter partes opposant les intérêts contradictoires d’Homex et du Conseil. L’action du Conseil n’était pas en substance législative, mais plutôt de type quasi judiciaire de manière à faire jouer le principe de l’avis et la doctrine conséquente de la règle audi alteram partem. La Loi n’écarte pas la règle audi alteram partem et l’obligation qui en résulte pour le Conseil de tenir une audition avant de prendre une décision. Le Conseil n’a pas tenu une audition au sens formel et ordinaire et quoique les deux parties aient été tout à fait conscientes de leur position mutuelle, Homex n’a pas eu la possibilité de faire connaître sa position lorsqu’elle a clairement su quelle était la position finale du Conseil.

L’ordonnance d’examen judiciaire demandée relativement au règlement 7 est de la nature d’un certiorari. Le caractère discrétionnaire de ce recours ne fait aucun doute, et un requérant peut par sa conduite perdre son droit au redressement. Le redressement peut être refusé compte tenu des circonstances spéciales d’une affaire: la tentative d’Homex de se soustraire aux obligations de la convention Atkinson; le fait de contourner, par le morcellement en damier, le règlement du Village si les règlements s’avéraient invalides; et le fait que le seul recours du Village était les mesures qu’il a prises, que le litige possible rendait d’autant plus urgentes.

Rien ne justifie l’annulation du règlement 6. Ce règlement ne fait que rapporter une entente intervenue entre le Village et le propriétaire et formule la politique du Village relativement à la conduite d’eau. L’adoption du règlement 6 n’a aucun lien avec l’aliénation des terrains d’Homex compris dans le plan 567 et n’est pas entachée de mauvaise foi.

La forme des procédures prise n’est pas viciée dans son fondement juridique. Il était possible et approprié de recourir à The Judicial Review Procedure Act, 1971 ou aux dispositions d’annulation de The Municipal Act.

Les juges Dickson et Ritchie, dissidents: Lorsque les règlements en question nuisent directement aux biens-fonds ou à la propriété de personnes en particulier, les tribunaux ont reconnu implicitement l’existence du droit d’être entendu en common law. Ce droit n’est pas écarté implicitement par l’exigence d’un préavis après l’adoption du règlement.

Il n’y a aucune raison pour que le principe Wiswell s’applique restrictivement ou qu’il ne s’applique pas en l’espèce. Le droit à un avis et à une audition ne devrait pas dépendre de l’existence d’un conflit entre deux propriétaires privés, que la municipalité doit résoudre. Le droit à une audition ne découle pas du fait qu’il y a des

[Page 1014]

personnes ou des groupes de personnes en conflit dont certaines sont opposées au règlement, mais du fait que le règlement porte atteinte de façon particulière aux droits de propriété appartenant à ce propriétaire.

L’intérêt public est mieux servi si les intérêts privés bénéficient d’une divulgation complète et d’une possibilité raisonnable d’être entendus. Il n’y a aucune raison a priori pour que l’intérêt privé cède servilement à l’intérêt public. Le Village pouvait sans aucun doute adopter un règlement dans l’intérêt public, mais avant d’opter en faveur de l’intérêt public, le Conseil devait entendre les arguments du propriétaire. On ne peut qualifier un acte de «législatif» pour se dispenser d’agir équitablement. Même si un propriétaire rusé qui reçoit un préavis pouvait morceler en damier et faire ainsi échec à l’intention de l’article, il incomberait au législateur de décider qu’un préavis n’était pas nécessaire. De plus, l’exigence d’un préavis et d’un avis subséquent n’introduit rien de répétitif: le préavis permettrait aux personnes qui désirent s’opposer de se faire entendre et l’avis subséquent informerait tous les intéressés des mesures prises.

Le droit à une procédure équitable ne dépend plus de la répartition préalable des fonctions dans les catégories judiciaires ou quasi judiciaires. Il n’est pas particulièrement important de savoir si la fonction de la municipalité doit être qualifiée de «législative» ou «quasi judiciaire», mais il est plutôt nécessaire de considérer la nature de la fonction et les faits de chaque cas. Le règlement en question n’était pas un règlement général devant s’appliquer à tous les citoyens, mais il visait plutôt délibérément à limiter les droits de l’appelante par lesquels elle pouvait bénéficier de la protection qu’offre la procédure, à tout le moins, un avis du règlement envisagé et la possibilité de se faire entendre. Les longues négociations entre le Village et Homex n’ont pas satisfait à l’obligation de ce dernier et n’ont pas entraîné une renonciation à l’avis parce que le Village n’avait pas donné à Homex d’indications de son intention d’adopter les règlements contestés.

[Jurisprudence: Cooper v. Wandsworth Board of Works (1863), 14 C.B. (N.S.) 180; Bishop v. Ontario Securities Commission, [1964] 1 O.R. 17; Re Buhler and Rural Municipality of Stanley (1977), 72 D.L.R. (3d) 447; R. v. Brighton Corporation; Thomas Tilling, Lim., Ex parte (1916), 85 L.J.K.B. 1552; R. v. Liverpool Corporation, Ex parte Liverpool Taxi Fleet Operators’ Association, [1972] 2 Q.B. 299; Welbridge Holdings Ltd. c. Greater Winnipeg, [1971] R.C.S. 957; Re Zadrevec et al. and Town of Brampton, [1973] 3 O.R. 498; Re Hershoran and City of Windsor et al. (1973), 1 O.R. (2d) 291; Alliance des Professeurs catholiques de Montréal c. Commission des Relations ouvrières de la

[Page 1015]

province de Québec et autre, [1953] 2 R.C.S. 140; Calgary Power Ltd. c. Copithorne, [1959] R.C.S. 24; Re Orangeville Highlands Ltd. et al. v. Attorney General of Ontario and Township of Mono et al. (1975), 8 O.R. (2d) 97; Wiswell et al. c. Greater Winnipeg, [1965] R.C.S. 512; Re Braeside Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario et al. (1978), 20 O.R. (2d) 541; Re McMartin and City of Vancouver (1968), 70 D.L.R. (2d) 38; P.P.G. Industries Canada Ltd. c. Procureur général du Canada, [1976] 2 R.C.S. 739; Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Cock v. Labour Relations Board (1960), 26 D.L.R. (2d) 127; Re de Havilland Aircraft of Canada Ltd. and City of Toronto (1980), 27 O.R. (2d) 721.]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a accueilli un appel d’un jugement de la Cour divisionnaire qui avait annulé les règlements municipaux en question sur une demande d’examen judiciaire.

J. Edgar Sexton, c.r., et Brian Morgan, pour l’appelante.

Lyle F. Curran, c.r., pour l’intimée.

Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges Martland, Beetz, Estey et Chouinard rendu par

LE JUGE ESTEY — L’appelante conteste un ordre de la Cour d’appel de l’Ontario qui a confirmé la validité de deux règlements de la municipalité intimée, les règlements nos 6 et 7, adoptés par le Conseil du village en 1975 et 1976. Le litige porte sur l’interprétation de l’art. 29 de The Planning Act, R.S.O. 1970, chap. 349, et sur la compétence ou le pouvoir des tribunaux en vertu de The Judicial Review Procedure Act, 1971, 1971 (Ont.), chap. 48. Dans le récit des faits essentiels de ce litige, l’appelante sera appelée Homex et la municipalité intimée le Village ou le Conseil.

Un nommé Atkinson était propriétaire d’un terrain d’une superficie d’environ 25 acres dans le village de Wyoming, comté de Lambton; en mars 1968 il a enregistré un plan de lotissement de ce terrain sous le numéro 567 de la Division d’enregistrement de Lambton. Conformément à une condition de cet enregistrement, Atkinson a conclu une convention avec le Village pour l’installation

[Page 1016]

des services d’utilité publique sur ce lotissement. Cette convention était datée du 22 janvier 1968 mais n’a pas été enregistrée avant le 26 septembre 1975, peut-être parce que ce n’est qu’au cours de 1973 que The Planning Act, précitée, a été modifiée pour imposer l’enregistrement des conventions de lotissement de cette nature et leur opposabilité aux propriétaires du terrain. Cette convention prévoyait en termes généraux qu’Atkinson, le propriétaire, s’acquitterait de [TRADUCTION] «toutes les exigences, financières ou autres, de la Municipalité relativement au revêtement des routes, à l’installation des services d’utilité et au drainage».

Avant même l’installation d’un de ces services sur ce lotissement, Homex a obtenu d’Atkinson une promesse de vente de 25 lots du lotissement à laquelle Atkinson a donné suite en délivrant à Homex un acte de vente auquel le Village a donné son approbation conformément à la convention de lotissement. Le contrat a été enregistré en mai 1973. Atkinson, le vendeur, demeurait propriétaire de trois lots de ce lotissement. Quelque temps avant la vente intervenue entre Atkinson et Homex, Atkinson avait cédé deux lots au Village conformément à la convention de lotissement. Deux lots de ce lotissement appartiennent à des tiers qui ne sont pas parties à ce litige. Il y a divergence d’opinions sur la question de savoir si Homex est liée par la convention de lotissement conclue par Atkinson et doit s’y conformer. Dans la documentation originale déposée devant la Cour suprême de l’Ontario, il y a un affidavit de Norman Redick, président d’Homex, fait sous serment le 28 juillet 1976, lequel est mentionné dans l’avis de demande d’examen judiciaire. Cet affidavit fait partie du dossier déposé devant cette Cour et voici le texte de son paragraphe 4:

[TRADUCTION] Dans cet acte de vente [entre Atkinson et Homex], il n’est pas mentionné qu’Homex assumerait les obligations d’Atkinson aux termes de la convention de lotissement intervenue entre lui et le Village ni qu’Homex acceptait de les assumer à cette époque.

Cependant, à l’annexe A du mémoire de l’intimée, se trouve la page 2 d’un affidavit du président d’Homex déposé devant la Cour divisionnaire et la Cour d’appel où il déclare notamment:

[Page 1017]

[TRADUCTION] 4. Qu’aux termes de cette convention, Homex a accepté d’assumer l’obligation d’Atkinson en vertu d’une convention de lotissement intervenue entre lui et la municipalité du village de Wyoming concernant la réserve pour un parc. Une copie de cette convention de lotissement a été enregistrée contre les terrains d’Homex par le procureur du Village, William M’Clean Dawson, le 25 septembre 1975, sous le numéro 375351.

L’examen de la documentation originale déposée en vue du pourvoi devant cette Cour révèle que l’affidavit, signé par Redick en sa qualité de président, a été déposé à l’appui de la demande d’examen judiciaire devant la Cour divisionnaire et acheminé à la Cour d’appel pour l’audition de l’appel. Elle reproduit la page 2 de l’affidavit précité tiré du mémoire de l’intimée. Dans ce qui paraît être une explication à cette contradiction, l’avocat de l’intimée déclare dans son mémoire:

[TRADUCTION] Cet affidavit [soit l’extrait déjà cité par lequel Homex accepte d’assumer au moins certaines des obligations de la convention de lotissement] a été déposé par erreur par le procureur de l’appelante à l’époque; toutefois, nous soutenons que c’est là une affirmation exacte quant à la convention entre Homex et Atkinson.

Il est étrange en réalité que le document qui se veut l’affidavit original annexé à l’avis de requête introductif d’instance comprenne une page 2 retapée qui correspond à l’affidavit versé au dossier déposé devant cette Cour. Cette page 2 a manifestement été dactylographiée sur une machine à écrire différente, à interligne double contrairement à l’interligne simple utilisé dans le reste de l’affidavit, et seule l’insertion porte les initiales de la personne (dont la signature est illisible) qui a reçu l’affidavit de M. Redick. Le mystère devient encore plus profond du fait que la formule d’authentification ne révèle aucune date de nouvelle signature de l’affidavit. Je n’ai aucune hésitation à conclure aux fins de ce pourvoi que l’affidavit à l’appui de la demande d’examen judiciaire est celui qui a été déposé dans sa forme originale et, si cela devenait important pour trancher ce pourvoi, je concluerais sans hésiter que, selon la preuve au dossier, le président d’Homex connaissait effectivement l’existence et le contenu de la convention de lotissement intervenue le 26 janvier 1970 entre Atkinson et le Village et que, par l’intermédiaire

[Page 1018]

de son président, Homex a assumé les obligations qu’avait Atkinson aux termes de cette convention. Je parviens à cette conclusion sur le contenu intégral de la convention bien que, dans l’offre d’achat, on se soit limité à incorporer les dispositions de la convention relatives à la «réserve pour un parc». L’extrait manuscrit me semble se lire comme suit:

[TRADUCTION] présente. convention de lotissement avec le Village. concerne. réserve pour un parc devant être acceptée par l’acheteur. clôture en fil métallique[?] devant être installée conjointement par l’acheteur et le vendeur.

Quant à la convention elle-même, elle a été signée au nom d’Homex par Redick qui a ensuite apposé sa propre signature et a finalement servi de témoin à la signature de l’acte par le vendeur. Après la signature, Homex a obtenu le 23 mars 1970 que le Village approuve le transfert des terrains d’Atkinson à Homex. Dans son affidavit dont la date n’est pas déterminée, le président d’Homex déclare qu’ [TRADUCTION] «aucune mention n’est faite dans l’acte de vente» de la convention de lotissement. Cependant, on peut difficilement dire que dans ces circonstances Homex ignorait l’existence d’une telle convention. Si une preuve supplémentaire à l’appui de cette conclusion est nécessaire, on la trouve dans l’affidavit du vendeur, Atkinson, où il dit notamment que Redick était [TRADUCTION] «bien au courant des exigences et des détails» de la convention avant la signature du contrat entre Homex et Atkinson; et qu’il était [TRADUCTION] «clairement entendu entre nous avant la signature du contrat qu’Homex devrait satisfaire aux exigences de la municipalité du village de Wyoming…». Plus loin l’affidavit relate qu’un rabais de $5,000 a été accordé à Homex puisqu’elle assumait les obligations d’Atkinson. Homex n’a pas répondu à cet affidavit et Atkinson n’a pas été contre-interrogé à ce sujet. La Cour d’appel a conclu (et, avec égards je souscris à cette opinion) qu’Homex était au courant de la convention relative à l’installation des services au moment où les terrains lui ont été transférés. La Cour divisionnaire ne s’est pas prononcée sur cette question.

La convention de lotissement intervenue entre Atkinson et le Village avant l’enregistrement du plan de lotissement 567 prévoit en partie:

[Page 1019]

[TRADUCTION] Le propriétaire s’engage par les présentes envers la Municipalité à satisfaire à toutes les exigences, financières ou autres, de la Municipalité relativement au revêtement des routes, à l’installation des services d’utilité publique et au drainage.

Il n’y a pas de mention particulière des spécifications de construction pour les travaux à effectuer relativement à l’installation des routes et des services d’utilité publique, ni aucune mention des exigences relatives à la réserve pour un parc dont il est question dans la promesse de vente à Homex. Le contrat interdit à Atkinson de vendre les terrains en question avant que la convention ait été entièrement exécutée, sauf avec l’approbation du Village, mais cette disposition ne prévoit pas que le consentement libérera Atkinson de son obligation envers le Village.

Avant de poursuivre cette narration, il est important de s’arrêter pour remarquer qu’à ce stade des événements, Homex était propriétaire de tous les lots donnant sur la rue Norman, à l’exception de deux lots qu’Atkinson avait cédés au Village et de deux autres terrains appartenant à des tiers et qui donnaient sur une autre rue déjà viabilisée; ces deux derniers ne sont pas en litige ici. Les terrains conservés par le vendeur Atkinson ne donnent pas sur la rue Norman. La conduite d’eau a été installée par Homex rue Norman et les autres services et installations mentionnés dans la convention de lotissement devaient y être installés, mais ils ne l’ont pas été.

Après la vente par Atkinson à Homex, les négociations se sont poursuivies entre le Village et Homex pour l’installation des services d’utilité publique sur ce lotissement.

Ces négociations n’ont pas abouti bien que le Village ait soumis de nombreux documents. Lorsqu’il a été contre-interrogé sur son affidavit, Redick a peut-être révélé la raison de l’échec de ces négociations lorsqu’il dit:

[TRADUCTION] Q. C’est ce que vous désirez vraiment. Tout devrait être fait à titre d’amélioration de quartier?

R. Je crois que c’est ainsi qu’il aurait fallu le faire en l’espèce.

[Page 1020]

Q. Oui. C’est là votre proposition?

R. Je crois que cela pourrait être fait ainsi.

Si cela est pertinent à l’issue de cette affaire, il faut conclure d’après l’examen de la preuve, et en particulier du contre-interrogatoire du président d’Homex, qu’Homex avait effectivement acheté ces terrains à Atkinson dans l’intention à l’époque, ou après l’achat, de vendre les lots du lotissement sans les viabiliser de sorte que le Village et les autres habitants aient à assumer le coût de l’installation de ces services d’une façon ou d’une autre, sans que ce soit aux frais d’Homex.

Après l’échec des négociations entre les parties relativement à l’installation des services (elles se sont poursuivies pendant une année et demie), le Village, sans donner d’avis à Homex, a adopté le règlement n° 7 le 1er avril 1976 en vertu du par. 29(3) de The Planning Act, précitée, aux termes duquel les parties du plan enregistré n° 567 désignées dans le règlement (soit les terrains achetés par Homex)

[TRADUCTION] sont par les présentes désignées comme des parties qui ne sont pas réputées un plan de lotissement enregistré aux fins du par. 29(2) de The Planning Act.

En septembre 1976 Homex a présenté une demande d’examen judiciaire pour faire annuler le règlement 7. Alors que cette demande était pendante devant la Cour divisionnaire, Homex a morcelé en damier les lots du plan 567 qu’elle avait achetés à Atkinson. Par ce morcellement, on désigne la procédure analysée en détail dans Re Herman et al. and Kalbfleisch et al.[2] et Reference re Certain Titles to Land in Ontario[3] et adoptée à l’occasion par des experts en transfert de propriété en Ontario pour échapper aux rigueurs de The Planning Act, précitée. Par cette technique, Homex a transféré à plusieurs tiers, dont Robert C. Redick, Norman C. Redick, Orville A. Redick, Daniel J. Redick et à d’autres, le nombre de lots nécessaires pour que, mis à part le vendeur Atkinson et le Village, ni Homex ni aucun autre propriétaire enregistré ne soient propriétaires de deux lots

[Page 1021]

contigus de ce lotissement. Ainsi, si le règlement 7 est invalide de sorte que le plan 567 demeure entièrement enregistré aux termes de The Planning Act, précitée, et The Registry Act, R.S.O. 1970, chap. 409, alors Homex a apparemment manipulé de telle façon ses droits de propriété qu’elle ne peut être visée par d’autres règlements que le Village peut adopter sous le régime de The Municipal Act, R.S.O. 1970, chap. 284 relativement aux lots du plan 567 qu’elle détient ou qu’on détient en son nom. Par ailleurs, si le règlement 7 est valide, alors la tentative de morcellement en damier a échoué et Homex sera incapable de transférer ses lots du plan 567 sans y être à nouveau autorisée par le Village. Je m’arrête pour faire remarquer que ce dossier plutôt inhabituel ne fournit aucun renseignement sur les déclarations de fiducie qui peuvent exister entre les propriétaires enregistrés de certains des lots du plan 567 et Homex. L’affidavit de Catherine Clark Dawson ne fait que reproduire l’extrait du registre tel qu’il existait avant la date de son affidavit, soit le 6 septembre 1977. L’intimée déclare dans son mémoire qu’Homex a morcelé les lots en damier avant l’audition de la demande par la Cour divisionnaire. L’appelante n’a pas répondu à cette déclaration et je considère, aux fins de ce pourvoi, que ces lots ont effectivement été morcelés en damier.

Presque accessoirement à cette activité principale, Homex et le Village ont engagé des pourparlers en novembre 1975, concernant l’installation d’une conduite d’eau rue Norman qui, je l’ai déjà dit, est la seule rue du lotissement à viabiliser, et c’est sur cette rue que donnent les lots morcelés en damier par Homex. Le dossier contient une lettre datée du 7 novembre 1975 adressée par le Village à Norman Redick, présumément en sa qualité de président d’Homex, en réponse à une lettre de ce dernier qui n’est pas au dossier, l’informant d’une décision prise par le Conseil du village:

[TRADUCTION] relativement à l’installation de la conduite d’eau de 6 pouces de diamètre et des bornes d’incendie.

Voici leur décision: «Que le conseil réponde à la lettre de N. Redick, lui donnant le privilège d’installer une conduite d’eau principale rue Norman à la condition qu’il garantisse par écrit au conseil que nul autre service

[Page 1022]

d’utilité publique ne sera installé tant qu’une convention ne sera pas signée avec le Village; l’octroi de ce privilège [sic] ne doit en aucune façon constituer une convention complète de lotissement ni ne doit empêcher la reprise des négociations avec M. Redick».

Par la suite le Conseil du village a adopté le règlement n° 6 le 29 décembre 1975 sans donner de préavis à Homex ni discuter avec elle de la question. Après avoir énoncé la demande de permission présentée par Homex, pour installer une conduite d’eau rue Norman, le paragraphe 2 du règlement n° 6 dispose:

[TRADUCTION] 2. C’est la politique du Conseil de la municipalité du village de Wyoming que la conduite d’eau rue Norman, depuis la rue Superior jusqu’aux abords de la limite nord du lot 7, suivant le plan 567, ne soit pas prise en charge par la Municipalité et qu’aucun raccordement à la conduite d’eau ne soit autorisé, que cette conduite d’eau ne puisse servir à l’aqueduc et qu’elle ne fasse pas partie du réseau municipal d’aqueduc du village de Wyoming avant qu’un autre règlement de la municipalité du village de Wyoming ne l’autorise.

Homex a présenté une demande d’examen judiciaire pour faire annuler ce règlement en même temps que la demande déjà mentionnée visant à obtenir l’annulation du règlement n° 7.

Bien que certaines des questions soulevées ici soient communes aux règlements 6 et 7, la question la plus importante concerne ce dernier règlement; par conséquent, j’examinerai d’abord la validité du règlement 7.

Les dispositions pertinentes en l’espèce de The Planning Act, précitée, sont les par. 29(2) et (3) concernant le transfert de terrains:

[TRADUCTION] Nul ne doit céder un bien-fonds par acte ou transfert, ni accorder, assigner ou exercer un mandat de désignation relativement à un bien-fonds, ni hypothéquer ou grever un bien-fonds, ni conclure une promesse de vente d’un bien‑fonds ou une entente dont l’effet est d’accorder un droit d’usage ou autre sur un bien-fonds, que cela soit fait directement ou par clause de renouvellement pour une période de vingt et un ans ou plus, à moins que

a) le bien-fonds ne soit décrit conformément à un plan de lotissement enregistré dont il fait partie; ou

[Page 1023]

b) le cédant par acte ou transfert, la personne qui accorde, assigne ou exerce un mandat de désignation, le débiteur hypothécaire ou la personne qui a grevé le bien‑fonds, le vendeur aux termes d’une promesse de vente ou le cédant d’un droit d’usage ou autre sur un bien-fonds, suivant le cas, ne retienne pas le droit de propriété ou le droit de rachat, ou un pouvoir ou droit d’accorder, d’assigner ou d’exercer un mandat de désignation relativement à un bien-fonds adjacent au bien-fonds qui est ainsi cédé ou qui est autrement visé; ou

c) et d) — non applicables en l’espèce.

e) un consentement ne soit donné pour céder, hypothéquer ou grever le bien-fonds, ou pour accorder, assigner ou exercer un mandat de désignation relativement au bien‑fonds ou pour conclure une entente relative au bien-fonds.

(3) Le conseil d’une municipalité peut, par règlement, désigner un plan de lotissement, ou une partie de celui-ci, qui est enregistré depuis au moins huit ans, de façon qu’il soit réputé ne pas être un plan enregistré de lotissement aux fins du paragraphe (2).

Le paragraphe (3) n’exige pas expressément un avis avant l’adoption d’un règlement qu’il autorise et le texte du paragraphe ne permet pas de conclure à l’exigence implicite d’un avis. Les paragraphes (8), (9), (10) et (11) peuvent être utiles à l’interprétation du par. (3), surtout pour déterminer si un avis est nécessaire avant l’adoption d’un règlement tel le règlement n° 7.

[TRADUCTION] (8) Le secrétaire de la municipalité doit déposer au bureau du Ministre une copie ou un double certifié de chaque règlement adopté en vertu du paragraphe 3.

(9) Un règlement adopté en vertu du paragraphe 3 n’entre pas en vigueur avant que les exigences des paragraphes 10 et 11 aient été remplies.

(10) Le secrétaire de la municipalité doit porter au registre approprié ou déposer au bureau d’enregistrement des titres de biens-fonds une copie ou un double certifié de chaque règlement adopté en vertu du présent article.

(11) Le secrétaire de la municipalité doit envoyer par courrier recommandé avis de l’adoption d’un règlement en vertu du paragraphe 3 à chaque personne que le dernier rôle révisé d’évaluation désigne comme propriétaire du biens-fonds auquel s’applique le règlement, et ce à la dernière adresse connue de chacune de ces personnes.

[Page 1024]

Le paragraphe (11) semble indiquer que le législateur s’est préoccupé de la question de l’avis et une interprétation possible de ce paragraphe serait que, après avoir expressément considéré la question, seul est prescrit un avis postérieur à l’adoption du règlement, lequel avis est, aux termes du par. (9), une condition de son entrée en vigueur.

Il faudrait remarquer que par une modification à The Planning Act, précitée, apportée par 1978 (Ont.), chap. 93, par. 2(4), les par. (9) et (11) ont été abrogés et que les dispositions qui les remplacent prévoient précisément et expressément qu’un avis n’est pas une condition de l’entrée en vigueur d’un règlement adopté en vertu du par. (3); une autre procédure est prévue pour que soient entendues les personnes qui portent plainte dans un délai prescrit après la réception de l’avis visé au par. (11). L’article 17 de The Interpretation Act, R.S.O. 1970, chap. 225 prévoit:

[TRADUCTION] L’abrogation ou la modification d’une loi n’est pas réputée constituer ni impliquer une déclaration quelconque sur l’état antérieur du droit.

Bien sûr les tribunaux ne sont concernés que par l’état des droits des parties en vertu de la loi telle qu’elle existait au moment de l’adoption du règlement et, par conséquent, l’interprétation du par. 29(3) tel qu’il existait alors, n’est pas touchée par une mesure législative subséquente.

Les tribunaux ont formulé il y a longtemps la proposition générale que lorsqu’une loi permet de toucher les droits de propriété ou autres droits et ne dit pas si l’organisme en question doit donner un avis avant d’agir, ils [TRADUCTION] «remédieront à l’omission du législateur» et exigeront que l’organisme en question accorde au citoyen la possibilité de se faire entendre avant d’agir: Cooper v. Wandsworth Board of Works[4]; S.A. de Smith, Judicial Review of Administrative Action, 4e éd., à la p. 161. La question de savoir si les tribunaux invoqueront ce principe d’interprétation aujourd’hui peut dépendre de la nature de l’action entreprise par un organisme tel un conseil municipal. Dans certains cas, les tribunaux ne remédieront pas à l’absence de préavis, par exemple lorsqu’on

[Page 1025]

doit interpréter la loi en question, par sa nature même et dans le cadre législatif adopté par le législateur, de façon à écarter l’exigence d’un préavis. C’est ainsi par exemple que la Cour d’appel de l’Ontario a interprété l’art. 19 de The Securities Act, R.S.O. 1960, chap. 363, dans l’arrêt Bishop v. Ontario Securities Commission[5]. Le juge Roach qui exprimait l’opinion de la Cour, a dit:

[TRADUCTION] On pourrait mettre en échec l’économie générale de la Loi si le président pouvait rendre une ordonnance ou une décision en vertu de cet article seulement après avoir donné un avis à la personne ou à la compagnie touchée et après audition. Plusieurs jours pourraient s’écouler entre la signification de l’avis aux personnes ou à la compagnie visées et la fin de l’audition et, pendant ce temps, les personnes ou la compagnie, si elles sont malhonnêtes et louches, pourraient continuer de s’attaquer au public, de voler et de dépouiller les gens. Pour cette raison, il est essentiel aux fins de la Loi que le président puisse agir promptement et sans devoir donner d’avis à la personne ou à la compagnie visée. Le président a au premier chef une obligation envers le public et, en lui permettant de s’en acquitter, le législateur a, par la même occasion au moyen d’une loi appropriée, protégé la personne ou la compagnie visée par l’ordonnance en lui permettant d’en appeler devant la Commission, (à la p. 23)

A l’époque qui nous intéresse ici, The Planning Act du Manitoba (1975 (Man.), chap. 29) contenait une disposition identique au par. 29(11). Par la suite, la loi manitobaine a été modifiée (1977 (Man.), chap. 35, art. 34) pour imposer un avis aux personnes visées comme condition préalable à la validité du règlement adopté en vertu d’une disposition comparable au par. 29(3) de la loi ontarienne. L’effet de cette modification est tout à fait opposé à celui de la modification adoptée en Ontario en 1978. Avant l’adoption de la modification de 1977 par la législature du Manitoba, la Cour d’appel dans Re Buhler and Rural Municipality of Stanley[6], a jugé qu’un règlement adopté sans avis était invalide et l’a donc annulé, non pas cependant en raison de l’absence d’avis mais plutôt en raison de la conclusion de mauvaise foi du conseil à laquelle les tribunaux sont parvenus.

[Page 1026]

Pour déterminer l’interprétation qu’il faut donner au par. 29(3) de The Planning Act, précitée, il faut tenir compte du cadre législatif, de la nature de l’action entreprise par le Conseil du village et des circonstances particulières qui prévalaient au moment où le Conseil du village a agi.

Bien sûr, le Conseil du village est entièrement une création législative. Tous ses pouvoirs, son statut, ses droits et ses incapacités découlent de diverses lois provinciales dont The Municipal Act, précitée, peut être considérée comme le pivot. Cette loi a confié une grande variété d’activités et de responsabilités à un conseil municipal que les tribunaux ont quatifiées de façon diverse au cours des années. Dans certains cas le conseil agit simplement comme une sous-législature, qui légifère dans le cadre de la loi habilitante pour l’administration générale de la région qui relève de sa compétence. Dans d’autres cas, par exemple lorsqu’il s’agit d’accorder ou de refuser des permis particuliers suite à des demandes, les tribunaux ont qualifié l’activité municipale de «judiciaire»: R. v. Brighton Corporation; Thomas Tilling Lim., Ex parte[7], et dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires.

[TRADUCTION]… ils doivent agir judiciairement. Ils ont l’obligation de tenir des auditions et de rendre une décision conformément à la loi et ils doivent agir impartialement. (Le juge Sankey à la p. 1555)

Plus récemment, dans R. v. Liverpool Corporation, Ex parte Liverpool Taxi Fleet Operators’ Association[8], lord Denning a dit:

[TRADUCTION] Il est peut-être un peu exagéré de dire qu’ils exercent des fonctions judiciaires. On peut dire qu’ils exercent une fonction administrative. Mais même là, selon notre façon moderne de voir, ils doivent agir équitablement: et les tribunaux s’assureront qu’il en est ainsi. (à la p. 308)

Le juge Laskin (maintenant Juge en chef) s’est penché sur cet aspect du droit municipal dans l’arrêt Welbridge Holdings Ltd. c. Greater Winnipeg[9], aux pp. 968 et 969:

[Page 1027]

La défenderesse est une municipalité ayant des fonctions diverses, certaines législatives, certaines qui comportent aussi un élément quasi judiciaire (comme on Ta statué dans l’affaire Wiswell) et certaines administratives ou ministérielles, auxquelles la désignation de pouvoirs relatifs aux affaires convient peut-être mieux.

Au niveau qu’on pourrait appeler celui des opérations, une municipalité n’est pas la même qu’au niveau législatif ou quasi judiciaire où elle exerce un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi.

L’adoption du règlement 7 est un exercice de la fonction législative du Conseil. Il se peut que l’exercice de cette fonction ait exigé une prise de décision mais, à mon avis, ce facteur ne modifie pas la qualification juridique de l’action du Conseil, pas plus qu’il n’y attache d’autres conséquences juridiques. Ce problème a été examiné dans l’affaire Welbridge, précitée, à la p. 969 où le juge Laskin (alors juge puîné) dit:

Toutefois, en l’espèce, on propose en ce qui concerne la responsabilité une base plus restreinte, le simple défaut de se conformer aux règles de procédure pour l’adoption du règlement municipal n° 177. Même si dans l’arrêt Wiswell, il a été décidé que ces règles se rattachaient à l’exercice d’une fonction quasi judiciaire, cela ne voulait pas dire que l’audition à laquelle elles se rapportaient était indépendante du pouvoir législatif que la demanderesse exerçait.

Il est clair que si le règlement est valide, son adoption a privé Homex de la liberté d’exercer le droit de transfert que lui accorde la loi provinciale d’urbanisme. Par ailleurs, il est tout aussi certain que le reste du canton, c’est-à-dire les contribuables de la localité, pourrait être sérieusement touché par l’action d’Homex si cette dernière réussissait à éviter les conséquences de la cessation de l’enregistrement du plan 567. Ainsi, un des effets serait d’imposer aux autres habitants en théorie, ou en fait, ou selon les deux, de viabiliser les lots du lotissement 567 lors de la construction des habitations. L’intimée a prétendu que dans ces circonstances, l’exigence d’un avis s’explique par elle-même. Si Homex décidait de morceler ses terrains avant l’audition de la demande d’annulation, elle mettrait en échec le pouvoir accordé au Village par le par. 29(3). Ainsi il s’agit des considérations opposées à celles énoncées dans Wands-

[Page 1028]

worth et Bishop, précités.

Dans Re Zadrevec et al. and Town of Brampton[10], la Cour d’appel de l’Ontario devait examiner l’action d’un conseil municipal qui, comme en l’espèce, n’avait pas donné aux parties visées avis de projets de règlements modifiant le zonage de leurs biens-fonds. Avant d’entrer en vigueur, ces règlements devaient être approuvés par la Commission municipale de l’Ontario. Avant que cette approbation ne soit donnée, une action a été introduite en vertu de The Municipal Act, précitée, pour faire déclarer nuls les règlements en question. La Cour a conclu qu’en exigeant l’approbation de la Commission comme condition préalable à la validité des règlements, le législateur avait enlevé au conseil municipal et confié à la Commission

[TRADUCTION]… le processus judiciaire qu’en l’absence d’un tel transfert, le conseil aurait dû suivre. (Le juge Kelly de la Cour d’appel à la p. 504)

et a poursuivi à la p. 507:

[TRADUCTION] A mon avis, le législateur a manifesté son intention que les autres dispositions qu’il a adoptées libèrent le conseil de l’obligation d’agir judiciairement lorsqu’il adopte la modification au plan officiel et que, conscient que la procédure qu’il suivait permettrait à toutes les parties d’être entendues par la Commission et permettrait à celle-ci de prendre une décision, le conseil était libéré de l’obligation d’agir judiciairement comme il aurait été requis de le faire si le législateur n’avait pas adopté les autres dispositions. Par conséquent, l’action du conseil ne constitue pas un déni de justice naturelle et le règlement modificatif ne peut être déclaré nul de ce chef.

Dans des circonstances assez semblables, les tribunaux ont exigé qu’une municipalité donne un préavis de l’adoption d’un règlement qui annulait le droit de rachat par le paiement des arrérages de taxes: Re Hershoran and City of Windsor et al.[11] La Loi ne prévoyait pas d’avis, mais la Cour divisionnaire a jugé que le conseil municipal avait perdu sa compétence en n’informant pas le propriétaire de l’adoption imminente du règlement envisagé et, par conséquent, le règlement a été annulé. Il est intéressant de remarquer qu’avant

[Page 1029]

d’entrer en vigueur le règlement devait être approuvé par le ministre des Affaires municipales et que la Cour a également annulé l’approbation présumée du règlement par le Ministre pour le motif que ce dernier n’avait pas tenu compte de la situation particulière du propriétaire. Par l’intermédiaire du juge Hughes, la cour a apparemment conclu que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de désigner les terrains en question comme parc, ce qui entraîne inévitablement l’extinction des droits du propriétaire, le conseil exerçait une fonction quasi judiciaire au sens de l’arrêt de cette Cour Alliance des Professeurs catholiques de Montréal c. Commission des Relations ouvrières de la province de Québec et autre[12], plutôt qu’une fonction administrative suivant la définition juridique qu’en a donnée cette Cour dans Calgary Power Ltd. c. Copithorne[13]. La Cour même qui avait rendu l’arrêt Zadrevec, précité, est parvenue à un résultat différet dans Re Orangeville Highlands Ltd. et al. v. Attorney General of Ontario and Township of Mono et al.[14], mais présumément parce que l’ordonnance ministérielle y attaquée était finale et non assujettie à l’approbation de la Commission municipale de l’Ontario. La Cour a conclu qu’une ordonnance de zonage touchant les droits de propriété de la requérante et rendue sans avis n’avait aucune valeur juridique. Finalement, elle a jugé l’ordonnance ministérielle qui imposait un zonage provincial constituait l’exercice d’un pouvoir comparable à celui du conseil municipal et que l’ordonnance, qui n’était pas susceptible d’un autre contrôle, devait être considérée comme l’exercice d’une fonction judiciaire ou quasi judiciaire et que, par conséquent, elle était invalide vu l’absence d’avis aux propriétaires visés. De prime abord il peut sembler y avoir un conflit entre cette décision et celle de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans Re Braeside Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario et al.[15] où l’on n’a pas exigé que le Ministre donne avis de l’adoption de règlements en vertu de The Niagara Escarpment Planning and Development Act, 1973, 1973 (Ont.), chap. 52. Cependant, dans cette

[Page 1030]

affaire, la Cour a jugé que par l’adoption d’un règlement qui touchait une grande région comprenant de nombreux propriétaires fonciers, le Ministre exerçait une fonction purement législative. Dans Re McMartin and City of Vancouver[16], la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a qualifié de législative l’action du conseil municipal qui adopte un règlement de zonage général applicable à une grande partie de la municipalité. La Loi prévoyait une audition publique préalable à l’adoption d’un tel règlement, et, après la tenue de l’audition publique, le conseil municipal a permis à certains propriétaires de présenter des observations supplémentaires. En qualifiant le règlement de zonage de législatif plutôt que de judiciaire ou quasi judiciaire, la majorité de la cour a conclu que l’obligation du conseil se limitait à la tenue de la première audition générale, ce qu’il avait fait, et que les observations supplémentaires recueillies ultérieurement par le conseil n’avait créé aucun droit en faveur des propriétaires touchés.

Dans l’affaire Wiswell et autres c. Greater Winnipeg[17], cette Cour était appelée à qualifier l’adoption par le conseil municipal de Winnipeg lorsqu’il a adopté un nouveau règlement de zonage visant un bien-fonds déterminé. La Cour a jugé qu’il s’agissait d’une mesure de nature quasi judiciaire et qu’il fallait donc donner un avis aux propriétaires ainsi visés. La Loi prévoyait certains types d’avis lesquels n’avaient pas été donnés. La Cour a cité en les approuvant les remarques du juge Freedman (tel était alors son titre) en Cour d’appel:

[TRADUCTION] Lorsqu’elle a décidé d’adopter le règlement n° 177, la municipalité voulait essentiellement régler un litige entre le Dr Ginsburg, qui désirait voir le zonage modifié en sa faveur, et d’autres habitants du quartier qui ne voulaient pas de changement. En résolvant le litige au moyen d’un règlement modificatif, la municipalité a effectivement donné à ses procédures l’apparence d’un acte législatif. Mais en réalité, elle exerçait des fonctions de nature quasi judiciaire; et, à mon avis, c’est ainsi que je dois les envisager. (à la p. 520)

[Page 1031]

Plus loin dans son jugement, à la p. 522, le juge Hall a fait siennes les remarques du juge Masten de la Cour d’appel dans l’arrêt Re Howard and City of Toronto[18] à la p. 576:

[TRADUCTION] Quand il prépare un projet de règlement qui porte sur un conflit d’intérêts entre des individus, le conseil, bien qu’il exerce un pouvoir discrétionnaire que lui accorde la loi, exerce une fonction quasi judiciaire… et ses premières enquêtes et toutes les procédures subséquentes devraient être menées de façon judiciaire, avec équité pour toutes les parties en cause.

A la fin, le juge Hall a conclu (à la p. 523):

[TRADUCTION] Ce n’était pas simplement l’omission d’apposer les affiches, mais l’ignorance manifeste du fait qu’il savait que l’association s’opposerait au règlement…

Ici, la Loi n’exige pas expressément qu’un avis soit donné aux propriétaires visés. Bien sûr, le Conseil savait qu’Homex s’opposerait à un règlement de la nature du règlement n° 7. Ce règlement présente certaines caractéristiques d’un règlement adopté dans l’intérêt de la collectivité, comme dans l’affaire Hershoran, précitée, mais il est également le point culminant d’un conflit inter partes opposant les intérêts contradictoires d’Homex et du Conseil. Comme dans les affaires Hershoran et Wiswell, précitées, je suis d’avis de conclure que l’action du Conseil n’était pas en substance législative mais plutôt de type quasi judiciaire de manière à faire entrer en jeu le principe de l’avis et la doctrine conséquente de la règle audi alteram partem, comme l’énoncent les tribunaux depuis des décisions aussi anciennes que Wandsworth, précitée. Sur cet aspect de l’affaire, il ne reste qu’à décider si l’économie de la Loi permet de recourir à ce principe judiciaire ou s’il faut en l’espèce adopter les principes appliqués dans l’arrêt Bishop, précité, par le juge Roach en Cour d’appel. La Loi exige qu’une copie d’un règlement tel le règlement n° 7 soit déposée auprès du Ministre et, pour devenir exécutoire, le règlement doit être enregistré au Bureau d’enregistrement et expédié au propriétaire enregistré des biens-fonds visés. Je ne déduis pas de ces dispositions qu’aucun avis ne peut être requis si l’action en question est essentiellement inter partes et de nature quasi judiciaire.

[Page 1032]

Ainsi la Loi n’écarte pas, à mon avis, la très ancienne règle audi alteram partem et l’obligation qui en résulte pour le Conseil de tenir une audition avant de prendre une décision. Le fait qu’en l’espèce le Conseil a agi comme juge de ses propres actions en décidant de l’issue du conflit avec Homex, relativement à l’obligation de viabiliser le lotissement 567, facilite une telle conclusion.

Mais cela n’est qu’une étape. Il faut ensuite décider si le Conseil a effectivement permis à Homex «de se faire entendre». Bien sûr, le Village n’a pas tenu une «audition» au sens formel et ordinaire pour entendre Homex. Toutefois, les deux parties étaient tout à fait conscientes de leur position mutuelle. Il y a eu des négociations poussées et un échange de correspondance au sujet de la convention de lotissement et de l’installation de services d’utilité publique sur les terrains du lotissement. La dernière lettre a été envoyée par le Village à Homex le 23 mars 1976; en voici un extrait:

[TRADUCTION] Si vous désirez donner suite à vos projets, nous vous prions de nous en informer et de bien vouloir demander à vos ingénieurs de soumettre leurs propositions d’aménagement aux ingénieurs du Village afin qu’ils les étudient et fassent rapport au Conseil.

Pareille convention exigerait bien sûr que la présente action contre le village de Wyoming soit rejetée et que le Village soit remboursé de ses frais y afférents.

Le règlement a été adopté le 1er avril 1976. On ne peut raisonnablement douter qu’Homex a eu amplement l’occasion d’expliquer son refus de viabiliser le lotissement. Le Village l’avait informée de ses exigences à cet égard. Cependant Homex était d’avis qu’il appartenait aux contribuables du Village d’assumer les frais d’installation et non pas au propriétaire des terrains du lotissement non encore viabilisés. Toutefois Homex n’a pas eu la possibilité d’établir sa position finale sur cette question face à l’adoption du règlement n° 7 par le Village. En somme, Homex n’a pas eu la possibilité de faire connaître sa position lorsqu’elle a clairement su quelle était la position finale du Village. Compte tenu de la conduite d’Homex et de l’attitude de son dirigeant principal, on parvient à cette conclusion avec regret et en s’appuyant

[Page 1033]

seulement sur les moyens les plus procéduraux et étroits.

Nous en venons maintenant à l’examen du dernier critère de fond. Ayant donc déterminé qu’Homex avait le droit d’être entendue et qu’elle n’a pas eu cette possibilité avant l’adoption du règlement n° 7 par le Village, a-t-elle droit, compte tenu de toutes ces circonstances, au redressement demandé, soit la cassation du règlement par examen judiciaire? Ces procédures ont été introduites en vertu de The Judicial Review Procedure Act, 1971, précitée. La procédure propre à cette demande est celle qui s’appliquait antérieurement en vertu des règles de la cour sur une demande d’ordonnance tenant lieu de certiorari. Le paragraphe 2(5) de la Loi maintient le pouvoir discrétionnaire dont jouissait la cour selon l’ancienne procédure:

[TRADUCTION] Lorsque, dans le cadre d’une des procédures énumérées au paragraphe (1), la cour avait avant l’adoption de la présente loi le pouvoir discrétionnaire de refuser un redressement pour quelque motif, elle le conserve pour les mêmes motifs sur une demande d’examen judiciaire.

Le caractère discrétionnaire du redressement ne fait aucun doute: voir le juge en chef Laskin dans P.P.G. Industries Canada Ltd. c. Procureur général du Canada[19], à la p. 749, où la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser un certiorari à un requérant qui autrement y aurait eu droit. La question a été réexaminée par cette Cour dans l’arrêt Harelkin c. Université de Regina[20], par le juge Beetz aux pp. 575 et 576:

Associer l’expression ex debito justitiae aux recours discrétionnaires du certiorari et du mandamus n’est pas heureux. Cette association est fondée sur une contradiction et crée beaucoup de confusion dans notre droit.

Littéralement, ex debito justitiae signifie [TRADUCTION] «de plein droit», par opposition à [TRADUCTION] «de complaisance» (P.G. Osborne, A Concise Law Dictionary, 5e éd.; Black’s Law Dictionary, 4e éd.); un bref ne peut être à la fois un bref de complaisance et un bref de plein droit. Dire qu’un bref doit être émis ex debito justitiae signifie simplement que les circonstances militent en faveur de l’émission du bref plutôt que du refus. Mais l’expression, bien que latine, n’a aucun pouvoir

[Page 1034]

magique et ne peut faire d’un bref de complaisance un bref de plein droit, ni détruire le pouvoir discrétionnaire, même dans les cas d’absence de compétence.

Le certiorari a été refusé dans cette affaire parce que le requérant ne s’était pas prévalu des autres recours possibles. Les principes régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser d’accorder le redressement extraordinaire que constitue le certiorari, sont réunis à Halsbury, 4e éd., vol. 1, à la p. 157, par. 162: soit, du point de vue de ce pourvoi, [TRADUCTION] «…Si le requérant ne s’est pas conduit de façon à perdre son droit au redressement…». On trouve des exemples de ce genre de conduite (en plus de ceux énumérés précédemment) dans F. Hoffman LaRoche & Co., A.G. and others v. Secretary of State for Trade and Industry[21]; Watson v. Northern School Board et al.[22], où le requérant avait violé un contrat et ensuite cherché à faire annuler une indemnité accordée par une commission établie pour déterminer les droits pécuniers du requérant par suite de cette violation; Re Falconbridge Nickel Mines Ltd. and United Steelworkers of America[23], où le juge de première instance a refusé le certiorari parce que la requérante avait agi de façon déraisonnable au cours des procédures devant le tribunal administratif. Adoptant les mêmes principes juridiques généraux, la Cour d’appel a conclu que, selon les faits, la conduite de la requérante ne l’a pas privée de ce recours[24].

Je reconnais que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire de refuser le redressement a été critiqué, mais cette critique envisage généralement ce pouvoir comme une tentative des tribunaux d’appliquer ou d’imposer leur propre code de moralité. Toutefois, cette remarque nie ou refuse de reconnaître l’histoire même du certiorari, un redressement extraordinaire et discrétionnaire dont les tribunaux contemporains ont hérité des tribunaux anciens. Dire que ce bref est un recours universel lorsqu’un organisme public porte atteinte aux droits d’une personne par une mesure qui dépasse sa compétence ou dans des circonstances où il a commis une erreur de droit dans l’exercice de cette

[Page 1035]

compétence, n’équivaut pas à dire que le tribunal d’appel doit appliquer servilement les règles relatives à la délivrance d’un certiorari et répondre automatiquement à la demande de la personne touchée sans autre examen. Les principes en vertu desquels le certiorari et maintenant l’ordonnance moderne d’examen judiciaire sont accordés, comprennent depuis longtemps celui de la perte du droit au redressement lorsqu’à cause de la conduite du requérant, un tribunal refuse d’accorder le redressement discrétionnaire.

Bien sûr, le certiorari est un bref de prérogative qui à l’origine était un pouvoir discrétionnaire des cours royales servant à contrôler les abus de pouvoir des tribunaux d’instance inférieure. Comme l’a dit le savant auteur S.A. de Smith dans Judicial Review of Administrative Action, 4e éd., 1980, à la p. 587:

[TRADUCTION] Le certiorari était essentiellement une demande royale d’information…

Depuis que l’on se prévaut de ce recours, soit vers le milieu du douzième siècle, les tribunaux ont cherché à:

[TRADUCTION]… maintenir le principe que les brefs intimement liés aux droits de la Couronne ne devraient pas être délivrés d’office au requérant par la chancellerie, (de Smith, précité, à la p. 586)

Lorsque Wade, savant auteur de Administrative Law, 4e éd., 1977, parle du certiorari et des autres brefs de prérogative, il dit qu’ils sont:

[TRADUCTION]… discrétionnaires et la cour peut donc refuser de les accorder si elle le juge à-propos. (à la p. 560);

et il ajoute plus loin dans l’exposé:

[TRADUCTION] Le pouvoir discrétionnaire de refuser un redressement contre une action illégale peut constituer un empiétement sur la règle de droit et il faut donc l’exercer avec la plus grande prudence. Normalement, le redressement accompagne le droit. Mais le fait qu’une personne lésée ait droit au certiorari ex debito justitiae ne change rien au fait que le tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire contre elle comme il peut le faire pour tout redressement discrétionnaire. Cela signifie qu’elle peut devoir se soumettre à un acte administratif illégal qui, par hypothèse, constitue un excès de pouvoir. Car, comme on l’a déjà fait remarquer, un acte nul est en réalité un acte valide si le tribunal refuse d’intervenir.

[Page 1036]

Bien que, par une loi adoptée en 1938, le bref de certiorari ait été remplacé au Royaume-Uni par une ordonnance de la nature d’un certiorari et, dans certaines provinces, par des dispositions des règles de pratique prévoyant une ordonnance tenant lieu de certiorari, et dans d’autres provinces par des procédures établies par la loi parfois appelées examen judiciaire, les tribunaux ont continué d’appliquer les principes de l’ancien bref de prérogative aux nouvelles formes de ce même redressement. Plusieurs exemples s’offrent à nous. Dans l’arrêt Cock v. Labour Relations Board[25], la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a infirmé l’ordonnance de la cour d’instance inférieure qui annulait par certiorari la décision d’une commission des relations de travail et, ce faisant, elle a déclaré par l’intermédiaire du juge Davey, à la p. 129:

[TRADUCTION] Bien que la question n’ait pas été examinée par les cours d’instance inférieure, je suis respectueusement d’avis que ces brefs ne devraient pas être accordés, même lorsqu’ils sont par ailleurs légalement fondés, à des requérants qui, dans les affaires soumises à la Commission, se sont, comme les intimés en l’espèce, rendus coupables de fraude, de supercherie et, semblet-il de parjure.

Il faut remarquer que, dans cette affaire-là, la cour a considéré que le pouvoir discrétionnaire ne découlait pas de la situation conflictuelle des parties, mais de la responsabilité de la cour qui, dans l’administration du pouvoir de contrôle des cours supérieures, doit adapter le recours extraordinaire aux circonstances de chaque espèce. On trouve d’autres décisions sur le même point telles Ex parte Fry[26], à la p. 737; The King v. General Commissioners for the Purposes of the Income Tax Acts[27], à la p. 519; The King v. Williams[28] à la p. 614, quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire en première instance. Ainsi on voit que les principes qui régissent la délivrance du redressement extraordinaire que constitue le certiorari, sous sa forme ancienne ou contemporaine, ou le refus de l’accorder filtrent jusqu’au niveau des cours supérieures. En fait, toutes les cours doivent

[Page 1037]

appliquer ces principes lorsque les circonstances l’exigent, que les parties les invoquent ou non.

Pour appliquer ce principe aux circonstances de ce pourvoi, je n’ai pas l’intention de répéter mais tout simplement de mentionner l’historique des pourparlers entre Homex et son prédécesseur en titre Atkinson, et le Village. Tout au long de ces procédures, Homex a cherché à éviter les obligations qui se rattachent au lotissement des terrains du plan 567. Dès le début de cette demande d’examen judiciaire, Homex a adopté des positions incompatibles et mêmes contradictoires. Les interrogatoires sur les affidavits se sont prolongés en raison du manque de franchise du président. Après avoir présenté à cette Cour une demande visant l’annulation du règlement, Homex a cherché à soustraire ses terrains à l’application des règlements municipaux au moyen du morcellement en damier. Elle a apparemment légalement le droit de recourir à cette technique, mais il ne s’ensuit pas que l’exercice de ce droit ne peut être un facteur dont tiendra compte un tribunal auquel Homex demande d’exercer un pouvoir discrétionnaire en sa faveur relativement au certiorari ou à la demande d’examen judiciaire concernant le règlement 7. A mon avis, le point d’importance capitale est la tentative d’Homex de se soustraire aux obligations de la convention «Atkinson» de viabiliser ces terrains et de les faire assumer par les contribuables du Village en attaquant la mesure prise par la municipalité sous la forme du règlement 7. Rien dans les négociations n’indique que le Conseil poursuivait d’autres buts que celui d’éviter à ses contribuables une dépense que les propriétaires du plan 567 avaient assumée lorsqu’ils voulaient obtenir le droit de lotir leur terrain. Le Village avait facilité les choses d’abord en signant une convention de lotissement avec le propriétaire de l’époque, Atkinson, puis en consentant à un transfert des terrains lotis à la requérante Homex. De plus Homex paraît être protégée contre d’autres formes d’actions pour le recouvrement des frais d’installation des services par le Village. Elle n’est pas partie à la convention entre Atkinson et le Village, la convention n’a pas pu être enregistrée et ne grevait pas le terrain au moment où Homex en a fait l’acquisition. Il se pourrait que dans une action fondée sur la convention, le Village puisse

[Page 1038]

prouver un préavis et ainsi suppléer de quelque façon à l’absence de lien de droit. Mais Homex a opposé un autre obstacle au Village en recourant au morcellement en damier en décembre 1976. Pareille action par le Village serait difficile, sans doute longue comme les présentes procédures, coûteuse et son issue incertaine. Quoi qu’il en soit, Homex et ses «personnes interposées» risqueraient, dans l’intervalle, de disposer des terrains et le Village serait donc enlisé dans des litiges avec les nouveaux propriétaires quant aux frais d’installation des services. Il y a effectivement au moins une action pendante intentée contre Homex par un acquéreur, qui met en cause le Village.

Compte tenu de ces circonstances spéciales, je suis d’avis de refuser de rendre une ordonnance d’examen judiciaire relativement au règlement n° 7. Il est rassurant de remarquer que la Cour divisionnaire de l’Ontario est parvenue à une conclusion semblable dans des circonstances analogues dans Re Bergin et al. and Township of King[29], citant dans ses motifs le jugement du juge Anglin (alors juge puîné) dans l’arrêt Rodd c. County of Essex[30], à la p. 143. Bien que ces décisions portent sur le pouvoir discrétionnaire de refuser le bref de mandamus, l’examen portait sur le même genre de circonstances.

Je reviens maintenant au règlement n° 6, soit le règlement adopté en décembre 1975 concernant l’installation d’une conduite d’eau principale rue Norman. La requérante demande l’annulation du règlement n° 6 [TRADUCTION] «parce que le règlement a été adopté de mauvaise foi et dans le but d’empêcher la requérante de procéder à la mise en valeur et à la vente de ses terrains compris dans le plan enregistré». Voici le règlement intégral:

[TRADUCTION] Règlement concernant une conduite d’eau rue Norman

ATTENDU QUE Norman C. Redick a demandé au Conseil de la municipalité du village de Wyoming la permission d’installer une conduite d’eau rue Norman, suivant le plan enregistré numéro 567 dans le village de Wyoming depuis la rue Superior jusqu’aux abords de la limite nord du lot 7 conformément au plan n° 567.

[Page 1039]

ET ATTENDU QUE Norman C. Redick a fait valoir devant le Conseil que l’installation immédiate de la conduite d’eau lui permettrait de faire des économies sur la mise en valeur des terrains appartenant à Homex Realty and Development Company Limited dans le plan de lotissement et que, par mesure de courtoisie envers lui mais sans prendre d’autres engagements, le Conseil a consenti par résolution à l’installation de la conduite d’eau mais n’a pas dit à quel moment elle serait prise en charge par la municipalité ni à quel moment elle pourrait servir à l’aqueduc.

A CES CAUSES, le conseil de la Municipalité du village de Wyoming décrète ce qui suit:

1. Les terrains visés par le présent règlement sont les lots 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, et la rue Norman, conformément au plan enregistré n° 567 dans le village de Wyoming.

2. C’est la politique du Conseil de la municipalité du village de Wyoming que la conduite d’eau rue Norman, depuis la rue Superior jusqu’aux abords de la limite nord du lot 7, suivant le plan 567, ne soit pas prise en charge par la Municipalité et qu’aucun raccordement à la conduite d’eau ne soit autorisé, que cette conduite d’eau ne puisse servir à l’aqueduc et qu’elle ne fasse pas partie du réseau municipal d’aqueduc du village de Wyoming avant qu’un autre règlement de la municipalité du village de Wyoming ne l’autorise.

Le règlement 6 est beaucoup moins important pour les parties puisque, qu’il y ait ou non un règlement concernant cette conduite d’eau, les faits montrent qu’il existe un contrat entre Homex et le Village dont les termes qui ont régi l’installation de la conduite d’eau, se retrouvent dans la correspondance échangée par les parties. Il est de droit constant qu’une municipalité ne peut agir que par règlement et sans outrepasser la compétence que lui accorde la loi. Le règlement 6 ne vise pas à énoncer une règle générale applicable à l’ensemble de la municipalité, il ne vise pas non plus à accorder ou à refuser des droits ou des privilèges relativement à la municipalité ou à ses habitants. Il ne fait que rapporter une entente intervenue entre le Village et le propriétaire et formule la politique du Village relativement à la conduite d’eau, savoir qu’en l’absence d’un autre règlement la conduite d’eau ne fera pas partie du réseau municipal d’aqueduc.

[Page 1040]

La requérante invoque la mauvaise foi. Ni l’une ni l’autre des cours d’instance inférieure n’a conclu à la mauvaise foi et rien au dossier n’appuie une telle conclusion. La requérante fait également valoir que le règlement 6 a été adopté [TRADUCTION] «dans le but d’empêcher la requérante de procéder à la mise en valeur et à la vente de ses terrains compris dans le plan enregistré». Bien sûr, rien dans le règlement, y compris son préambule, n’indique un tel but. Ni l’une ni l’autre des cours d’instance inférieure n’a conclu à l’existence d’un tel but et, encore une fois, rien au dossier ne rattache la mesure qu’a prise le Village en adoptant le règlement n° 6 à l’aliénation des terrains d’Homex compris dans le plan 567.

Par l’intermédiaire du juge Anderson, la Cour divisionnaire a dit:

[TRADUCTION]… je ne vois pas clairement quel est, le cas échéant, son effet juridique. En fait, puisqu’il ne comprend pas de dispositif on peut se demander s’il s’agit vraiment d’un règlement.

La Cour a ensuite annulé le règlement 6 [TRADUCTION] «tout simplement parce que ce n’est pas un règlement».

Après avoir fait remarquer que l’art. 15 de The Public Utilities Act, R.S.O. 1970, chap. 390, permettait au conseil, à la demande d’un propriétaire, de stipuler les conditions de construction de conduites d’eau principales et celles du paiement des coûts, la Cour d’appel a jugé que le règlement constituait l’exercice approprié d’une des fonctions du Conseil. Par l’intermédiaire du juge Weatherston, la Cour a dit:

[TRADUCTION] Il se dégage du texte du règlement n° 6 que c’est par résolution seulement que le Conseil a consenti à l’installation par Homex d’une conduite d’eau principale rue Norman. Je ne vois rien de répréhensible à ce que, pour se conformer à la Loi, on confirme cette résolution par règlement ni à ce qu’en procédant à son enregistrement, on informe les propriétaires subséquents des lots de ce lotissement des conditions auxquelles le consentement du Conseil a été donné. Il ne s’agit pas d’un simple exposé de faits, comme dans l’affaire Rogers and Pyke v. The Township of North York et al., [1951] O.R. 79. Son but réel est clair et il ne doit pas être annulé pour simples vices de forme.

[Page 1041]

Avec égards, je souscris à la conclusion de la Cour d’appel, savoir que rien ne justifie l’annulation du règlement 6. Ce résultat correspond à la pratique des tribunaux ontariens qui s’abstiennent d’annuler des règlements qui ne constituent qu’un simple énoncé de politique: voir Re de Havilland Aircraft of Canada Ltd. and City of Toronto[31].

Il reste une dernière question relative à la forme de cette procédure introduite, je l’ai déjà dit, en vertu de The Judicial Review Procedure Act, précitée. On a prétendu que le redressement demandé en l’espèce aurait dû être fondé sur les dispositions d’annulation que l’on trouve aux art. 283 à 285 de The Municipal Act, précitée. Les tribunaux ontariens se sont souvent penchés sur cette question, par exemple dans In Re Maurice Rollins Construction Ltd. and South Fredericksburg[32]; Serre et al. v. Town of Rayside-Balfour[33]; Re Holmes et al. and Regional Municipality of Halton[34]; Rose v. Township of West Wawanosh et al.[35]; Re Clements & Toronto[36] et Sutherland v. Municipal Council of The Township of East Nissouri[37].

Avec égards, je souscris à l’opinion exprimée par le juge Cory dans l’arrêt Holmes, précité, que ces deux voies de recours, soit The Municipal Act et The Judicial Review Procedure Act, précitées, sont possibles et appropriées. Quoi qu’il en soit, rien dans The Judicial Review Procedure Act, précitée, n’indique que le législateur ait voulu que cette loi prévale ou qu’elle soit subordonnée à The Municipal Act, précitée. Donc, la forme des procédures en l’espèce n’est pas viciée dans son fondement juridique.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Version française des motifs des juges Ritchie et Dickson rendus par

LE JUGE DICKSON — La municipalité intimée a adopté deux règlements qui ont nui directement aux terrains appartenant à l’appelante, Homex

[Page 1042]

Realty and Development Company Limited. Les règlements ont été adoptés sans préavis et sans qu’on ait permis à Homex de se faire entendre. Il s’agit en l’espèce de décider si les règlements sont valides.

I

Le litige tire son origine d’un désaccord fondamental entre le village de Wyoming intimé et Homex, un promoteur immobilier, sur le point de savoir qui assumera les frais de l’installation des services d’utilité publique dans un lotissement d’environ vingt-deux acres.

Le 22 janvier 1968, une convention de lotissement a été signée entre le Village et un nommé Atkinson, aux termes de laquelle Atkinson devait satisfaire à toutes les exigences du Village, financières ou autres, relativement au revêtement des routes, à l’installation des services d’utilité publique et au drainage. La convention de lotissement n’a été enregistrée que quelques années plus tard, le 26 septembre 1975. Cependant, un plan de lotissement a été enregistré sous le n° 567 le 26 mars 1968.

En janvier 1970, l’appelante Homex a acheté à Atkinson les terrains faisant partie du plan n° 567. Conformément aux conditions de la convention de lotissement, les parties ont dû obtenir le consentement du Village. Malheureusement pour le Village, le texte du consentement ne comprend pas l’engagement d’Homex d’assumer les obligations d’Atkinson, et Homex n’était pas partie au consentement. Homex prétend que l’installation de tous les services nécessaires pour aménager les terrains du plan de lotissement devait être assurée par Atkinson. Atkinson le nie. Bien que ce soit loin d’être clair, cette question n’est pas en litige ici. Cette Cour n’a pas non plus à décider si Homex connaissait ou non l’existence ou les conditions de la convention de lotissement lorsqu’elle s’est portée acquéreur. Vis-à-vis du Village, Homex a adopté la position qu’étant étrangère à la convention intervenue entre le Village et Atkinson, elle n’est pas liée par celle-ci. Par ailleurs, le Village ne veut vraiment pas faire supporter par ses contribuables les lourds frais d’installation des services d’utilité publique qui devraient, à son avis, être assumés

[Page 1043]

par Homex. Il s’en est suivi de longues négociations entre le Village et Homex afin de parvenir à une entente sur l’installation des services d’utilité publique, sans qu’ils parviennent à un accord. Le président d’Homex, Norman C. Redick, a été quelque peu intransigeant au cours de ces négociations.

Vers le début de 1975, le Village a rejeté un plan de travail préparé pour Homex par un arpenteur-géomètre. Plus tard, un programme des travaux préparé pour Homex par des ingénieurs a été rejeté. Un projet de convention sur l’installation des services d’utilité publique, auquel le Village aurait donné son approbation, a été répudié par Homex, Vers la fin de 1975, avec la permission du Village, Homex a installé une conduite d’eau principale pour desservir certains des lots mais, peu après, le Village a demandé une injonction pour faire cesser les travaux sur les lieux, prétendant qu’Homex avait commencé la construction d’une route sans son autorisation. On n’a pas donné suite à la demande d’injonction. La construction de la route a également été arrêtée.

A l’insu d’Homex et sans que celle-ci en reçoive avis, le Village a adopté le 29 décembre 1975 le règlement municipal n° 6 dont voici le texte:

[TRADUCTION] ATTENDU QUE Norman C. Redick a demandé au Conseil de la municipalité du village de Wyoming la permission d’installer une conduite d’eau rue Norman, suivant le plan enregistré numéro 567 dans le village de Wyoming depuis la rue Superior jusqu’aux abords de la limite nord du lot 7 conformément au plan n° 567.

ET ATTENDU QUE Norman C. Redick a fait valoir devant le Conseil que l’installation immédiate de la conduite d’eau lui permettrait de faire des économies sur la mise en valeur des terrains appartenant à Homex Realty and Development Company Limited dans le plan de lotissement et que, par mesure de courtoisie envers lui mais sans prendre d’autres engagements, le Conseil a consenti par résolution à l’installation de la conduite d’eau mais n’a pas dit à quel moment elle serait prise en charge par la municipalité ni à quel moment elle pourrait servir à l’aqueduc.

A CES CAUSES, le Conseil de la municipalité du village de Wyoming décrète ce qui suit:

1. Les terrains visés par le présent règlement sont les lots 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, et la rue Norman, conformément au plan enregistré n° 567 dans le village de Wyoming.

[Page 1044]

2. C’est la politique du Conseil de la municipalité du village de Wyoming que la conduite d’eau rue Norman, depuis la rue Superior, jusqu’aux abords de la limite nord du lot 7, suivant le plan 567, ne soit pas prise en charge par la Municipalité et qu’aucun raccordement à la conduite d’eau ne soit autorisé, que cette conduite d’eau ne puisse servir à l’adduction d’eau et qu’elle ne fasse pas partie du réseau municipal d’aqueduc du village de Wyoming avant qu’un autre règlement de la municipalité du village de Wyoming ne l’autorise.

Homex est propriétaire de tous les lots visés par le règlement et mentionnés au paragraphe 1, à l’exception des lots 19 et 20.

Le 3 mars 1976, Homex a écrit au Village pour décrire brièvement les services d’utilité publique qu’elle était prête à installer.

Le 23 mars 1976, le Village a écrit à Homex l’informant qu’il avait toujours été et qu’il demeurait disposé à conclure une convention avec Homex concernant l’installation des services d’utilité publique. La lettre exposait les principales exigences du Village et concluait:

[TRADUCTION] Si vous désirez donner suite à vos projets, nous vous prions de nous en informer et de bien vouloir demander à vos ingénieurs de soumettre leurs propositions d’aménagement aux ingénieurs du Village afin qu’ils les étudient et fassent rapport au Conseil.

Le 1er avril 1976, sans attendre une réponse à l’invitation de poursuivre les négociations et sans donner d’avis à Homex, le Village a adopté le règlement n° 7. Le règlement a reçu trois lectures au cours de la même soirée. En voici un extrait:

[TRADUCTION] 1. Les parties du plan enregistré n° 567 pour le comté de Lambton dans lé village de Wyoming décrites à l’article 2 du présent règlement sont par les présentes désignées comme des parties qui ne sont pas réputées un plan de lotissement enregistré aux fins du par. 29(2) de The Planning Act.

Les lots visés par le règlement n° 7 sont les mêmes que ceux visés par le règlement n° 6. Le règlement n° 7 renvoie au par. 29(3) de The Planning Act, R.S.O. 1970, chap. 349, lequel prévoit que le conseil d’une municipalité peut, par règlement, désigner un plan de lotissement ou une partie de celui-ci, qui est enregistré depuis au moins huit

[Page 1045]

ans, de façon qu’il soit réputé ne pas être un plan enregistré de lotissement aux fins du par. 29(2) de The Planning Act, et c’est en vertu de ce paragraphe qu’il a été adopté.

Il faut se rappeler que le plan de lotissement avait été enregistré le 26 mars 1968. Ainsi, une semaine après l’expiration du délai de huit ans le Village a adopté un règlement, sans donner d’avis à Homex, pour que le plan soit réputé ne pas être un plan enregistré. Cela a eu comme effet pratique d’enlever à Homex le droit de vendre ses terrains à moins qu’un nouveau plan soit enregistré ou qu’elle obtienne le consentement du comité d’ajustement de la municipalité pour chaque aliénation. Tel qu’il l’a manifestement voulu, le Village a en fait gelé les terrains d’Homex en adoptant les règlements municipaux contestés. Cela a nui sérieusement à la vente des terrains et à leur valeur. Ces mesures prises par le Village à l’insu d’Homex et visant à lui fournir une arme contre cette dernière dans les négociations sur l’installation des services d’utilité publique, pourraient bien être qualifiées de «mesquines».

Homex a introduit une demande d’examen judiciaire. La Cour divisionnaire a annulé les règlements. Le règlement n° 6 a été jugé invalide pour le motif qu’il ne constituait pas du tout un règlement municipal. Malgré l’absence de mauvaise foi dans l’adoption du règlement n° 7, il a été adopté dans un but indirect ou inapproprié. [TRADUCTION] «Son but était tout à fait étranger à l’urbanisme, soit le domaine législatif sur lequel le Conseil prétend fonder son pouvoir.»

La Cour d’appel a infirmé ce jugement. Relativement au règlement n° 6, la Cour a jugé que le règlement n’était pas un simple énoncé de faits comme dans Rogers and Pyke v. The Township of North York et al.[38] Son but était clair et il ne devait pas être annulé pour vices de forme. Relativement au règlement n° 7, la Cour a jugé qu’il avait été adopté dans un but tout à fait valide d’urbanisme savoir, s’assurer que les frais d’installation des services municipaux seraient supportés par les propriétaires des lots du lotissement et non

[Page 1046]

par les contribuables de la municipalité. La Cour a jugé que le Village n’avait aucune obligation de donner un préavis à Homex avant d’adopter le règlement; le Conseil exerçait une fonction législative lorsqu’il l’a adopté et la considération dominante était l’intérêt public des citoyens de Wyoming. Ceci distingue cette affaire de l’affaire Wiswell c. Greater Winnipeg[39], où le conseil municipal ne faisait que décider sur le fond d’intérêts privés opposés.

Finalement, la Cour d’appel a maintenu la validité des règlements et a annulé l’ordonnance de la Cour divisionnaire.

II

Bien sûr, une longue tradition jurisprudentielle établit qu’avant qu’un organisme public puisse limiter ou révoquer les droits de propriété des citoyens, il doit d’abord donner aux personnes concernées la possibilité de se faire entendre. Ce principe, d’application universelle, a été établi dans l’arrêt Cooper v. Wandsworth Board of Works[40]. Il n’est pas non plus nécessaire que le législateur prévoie expressément une audition pour qu’un tribunal reconnaisse implicitement ce droit. Au contraire, lorsque des organismes créés par la loi cherchent à limiter des droits de propriété, les tribunaux reconnaîtront le droit d’être entendu à moins d’une déclaration expresse en sens contraire: Alliance des Professeurs catholiques de Montréal c. Commission des Relations ouvrières de la province de Québec et al.[41] à la p. 154. Comme le juge Kerwin, alors juge puîné, l’a fait remarquer dans cet arrêt, il faut présumer que le législateur sait qu’en règle générale un avis est requis. Il devient donc nécessaire d’employer des mots explicites pour écarter la nécessité de donner un avis. Voir également Re Watt and Registrar of Motor Vehicles[42].

Les tribunaux ont appliqué à maintes reprises ces principes à une municipalité. Voir In Re Maurice Rollins Construction Ltd. and Township of

[Page 1047]

South Fredericksburgh[43]; Re Zadrevec and Town of Brampton[44]; Re Hershoran and City of Windsor et al.[45]; Re Anzil Construction Ltd. et al. and Township of West Gwillimbury et al.[46]; Re MultiMalls Inc. and Attorney-General for Ontario et al.[47]

Lorsque les règlements en question nuisent directement aux biens-fonds ou à la propriété de personnes en particulier, les tribunaux ont reconnu implicitement l’existence du droit d’être entendu en common law. En l’espèce, le Village a adopté deux règlements qui nuisent directement aux terrains d’Homex et ne visent pratiquement que ses terrains. Il a agi ainsi sans signifier d’avis de son intention. Compte tenu de la jurisprudence, on aurait cru qu’il s’agissait là d’un exemple typique où il faut appliquer les règles de justice naturelle.

Le Village avance plusieurs arguments à l’appui de son défaut de donner un avis et d’accorder une audition dont les suivants: (i) si le droit d’être entendu reconnu par la common law existe, il a été exclu par le par. 29(11) de The Planning Act; (ii) en adoptant des règlements, la municipalité exerçait une fonction législative à laquelle le droit d’être entendu reconnu par la common law ne s’applique pas; et (iii) même si le droit à l’impartialité reconnu par la common law s’applique ici, la municipalité s’est bien acquittée de l’obligation qui lui incombait.

L’exclusion de l’audition prévue par la Loi

La combinaison des par. 29(9) et 29(11) de The Planning Act a pour effet qu’un règlement adopté en vertu du par. 29(3) de la Loi n’est pas en vigueur tant qu’un avis du règlement n’a pas été envoyé à chaque propriétaire de bien-fonds auquel s’applique le règlement. Voici le texte du par. 29(11):

[TRADUCTION] (11) Le secrétaire de la municipalité doit envoyer par courrier recommandé avis de l’adoption d’un règlement en vertu du paragraphe (3) à chaque personne que le dernier rôle… désigne comme propriétaire du bien-fonds auquel s’applique le règlement…

[Page 1048]

Le Village prétend que le législateur a envisagé et implicitement rejeté l’exigence d’un préavis. Il fait valoir que l’exigence d’un avis après l’adoption du règlement écarte implicitement toute autre exigence d’un préavis. La Cour d’appel a accepté cet argument. Avec égards, je ne peux l’accepter compte tenu de la jurisprudence uniforme et importante selon laquelle une déclaration expresse de la loi est nécessaire avant qu’un droit d’audition reconnu par la common law puisse être exclu. Il faudrait un texte beaucoup plus précis que celui du par. 29(11) pour que la Cour puisse nier le droit à une audition. Le paragraphe 29(11) ne prévoit pas une audition, mais seulement un avis ex post facto de la mesure prise.

L’opinion que le par. 29(11) n’exclut pas un préavis et une audition a été adoptée par le juge Thompson dans l’affaire Rollins et il me suffit de répéter ce qu’il y dit:

[TRADUCTION] On prétend… que l’intention de la loi est qu’il n’est pas nécessaire de donner avis puisque le par. 29(11) prévoit que l’avis de l’adoption d’un règlement doit être subséquemment donné à tous les propriétaires de bien-fonds. Je ne peux accepter cette prétention. Il s’agit là d’un avis tout à fait différent qui ne peut en aucune façon modifier la finalité du règlement adopté. L’avis subséquent.. a été donné… Il était alors trop tard pour présenter des observations ou être entendu puisque le règlement était entré en vigueur. (à lap. 431)

L’argument fondé sur le par. 29(11) n’est pas convaincant.

Une fonction «législative»?

En Cour d’appel, on a insisté sur le caractère «législatif» des actes accomplis par le village de Wyoming en l’espèce. C’est sur ce fondement qu’on a distingué les faits de l’espèce de ceux de l’affaire Wiswell, précitée. Dans cette affaire-là, la municipalité voulait principalement régler un litige opposant un nommé Ginsburg, qui désirait faire modifier à son avantage certaines exigences de zonage, et certains autres habitants du district qui désiraient leur maintien. Ainsi, dans l’affaire Wiswell, on a déclaré que la municipalité exerçait des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. La Cour d’appel a jugé qu’en l’espèce le litige est de nature

[Page 1049]

différente; la municipalité doit se pencher sur une question d’intérêt public — savoir, qui supportera les frais d’installation de services d’utilité publique; il s’agit d’une fonction de nature législative et on ne peut reconnaître l’existence d’un droit implicite à une audition.

Je suis incapable d’accepter l’exégèse de la Cour.

Tout d’abord, la distinction que l’on a voulu faire ici est qu’en l’espèce aucun conflit n’oppose des intérêts privés, mais qu’il s’agit d’une question pure et simple d’intérêt public. Ceci étant, le Village a exercé une fonction législative en adoptant les règlements nos 6 et 7. La vente de terrains non viabilisés impose le fardeau de l’installation des services à la municipalité qui est en droit d’éviter cette charge en adoptant un règlement aux termes du par. 29(3).

Comme l’avocat de l’appelante l’a correctement fait remarquer, ce raisonnement amène des résultats étranges. Ainsi, s’il y avait deux règlements identiques, chacun ne visant qu’un terrain particulier, et que l’un de ces règlements soit contesté par une personne ou un groupe de personnes alors que l’autre ne le soit pas, un seul des deux propriétaires aurait droit à une audition.

Le droit à une audition ne découle pas du fait qu’il y a des personnes ou des groupes de personnes opposés dont certains contestent le règlement. Il découle du fait que le règlement porte atteinte de façon particulière aux droits de propriété appartenant à ce propriétaire.

L’avocat d’Homex souligne, correctement à mon avis, l’effet de l’arrêt Wiswell, savoir que les personnes dont les droits de propriété peuvent être atteints par un règlement envisagé visant des biens en particulier ont le droit de recevoir un avis d’audition. Si dans l’affaire Wiswell les contribuables qui s’opposaient au nouveau zonage avaient droit à un avis et à une audition, a fortiori les propriétaires de biens-fonds ne devraient pas voir leurs droits amoindris sans recevoir d’avis, qu’il y ait ou non d’autres intérêts privés qui contestent le règlement.

[Page 1050]

Personnellement, je ne vois pas pourquoi le principe énoncé dans l’arrêt Wiswell devrait être interprété restrictivement, ou pourquoi il ne s’appliquerait pas en l’espèce. Le droit à un avis et à une audition ne devrait pas dépendre de l’existence d’un conflit entre deux propriétaires privés, que la municipalité doit résoudre. Il n’y avait pas d’intérêts opposés dans l’arrêt Ridge v. Baldwin and others[48]. Il s’agissait de savoir si un policier devait être congédié. Voir également l’arrêt Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police et autre[49].

Deuxièmement, la présence d’un intérêt public impérieux n’abroge ni ne diminue en lui-même le droit d’un citoyen à la protection qu’offre la procédure. Les intérêts privés d’Homex sur ses propriétés étaient en jeu. Il me semble que l’intérêt public est mieux servi si les intérêts privés bénéficient d’une divulgation complète et d’une possibilité raisonnable d’être entendus. Il n’y a aucune raison a priori pour que l’intérêt privé cède servilement à l’intérêt public. Le Village pouvait sans aucun doute adopter un règlement tel le règlement n° 7 dans l’intérêt public, mais avant d’opter en faveur de l’intérêt public, le Conseil devait entendre les arguments du propriétaire des biens-fonds. On ne peut qualifier un acte de «législatif» pour se dispenser d’agir équitablement. Un règlement peut, dans l’intérêt public, s’appliquer au détriment de personnes en particulier, mais non sans leur avoir accordé la possibilité de se faire entendre.

On a prétendu que si un préavis était nécessaire, un propriétaire rusé qui reçoit un tel avis pourrait immédiatement «morceler en damier» et faire ainsi échec à l’intention de l’article. Cela peut être vrai mais, si c’est le cas, c’est un argument qu’il faudrait présenter au législateur accompagné d’une demande de modification qui disposerait avec précision qu’un préavis n’est pas nécessaire.

Finalement sur cette question, l’exigence d’un préavis et d’un avis subséquent n’introduit rien de répétitif. Le préavis permettrait aux personnes visées qui désirent s’opposer, de se faire entendre; l’avis subséquent informerait celles qui ne se sont pas opposées, de même que celles qui se sont

[Page 1051]

opposées, du fait qu’une mesure a été prise concernant leurs biens-fonds.

Troisièmement, on a cru un certain temps que la question de la classification appropriée d’un pouvoir accordé par la Loi était cruciale pour déterminer s’il y avait un droit implicite à une audition. On a prétendu que le droit à une audition n’existait que dans des circonstances où les fonctions étaient de nature judiciaire ou quasi judiciaire: Nakkuda Ali v. Jayaratne[50]. Mais cette tendance jurisprudentielle a été rejetée en Angleterre dans l’arrêt Ridge v. Baldwin, précité, et, plus récemment, par cette Cour dans les arrêts Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police et autre, précité, et Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui[51]. Les deux derniers arrêts établissent clairement que le droit à une procédure «équitable» ne dépend plus de la répartition préalable des fonctions dans les catégories judiciaires ou quasi judiciaires. Comme l’a déclaré le Juge en chef dans l’arrêt Nicholson:

L’apparition de cette notion résulte de la constatation qu’il est souvent très difficile, sinon impossible, de répartir les fonctions créées par la loi dans les catégories judiciaire, quasi judiciaire ou administrative; de plus il serait injuste de protéger certains au moyen de la procédure tout en la refusant complètement à d’autres lorsque l’application des décisions prises en vertu de la loi entraînent les mêmes conséquences graves pour les personnes visées, quelle que soit la catégorie de la fonction en question. Voir Mullan, Fairness: The New Natural Justice (1975), 25 Univ. of Tor. L.J. 281. (à la p. 325)

Dans l’arrêt Martineau, cette Cour a conclu qu’un examen par certiorari peut être demandé lorsqu’un organisme public a le pouvoir de décider «une question qui touche les droits, intérêts, biens, privilèges ou liberté d’une personne» (à la p. 628). Dès qu’il est évident qu’il y a atteinte aux droits, il devient nécessaire d’établir la norme de procédure appropriée que doit respecter l’organisme créé par la Loi. Il faut avant tout faire preuve de souplesse dans cette analyse. Il y a, comme toujours, tout un éventail. Classiquement, une décision purement ministérielle fondée sur l’intérêt public n’assurera au particulier qu’une faible protection au moyen

[Page 1052]

de la procédure sinon aucune. Voir Re Braeside Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario et al.[52] Par ailleurs, une fonction qui s’approche de l’extrémité judiciaire de l’éventail comportera une protection importante au moyen de la procédure, en particulier lorsque des droits personnels ou des droits de propriété sont visés de façon directe, défavorable et précise.

Il me semble qu’il faut recourir à une analyse analogue en l’espèce. C’est-à-dire qu’il n’est pas particulièrement important de savoir si les fonctions de la municipalité doivent être qualifiées de «législatives» ou «quasi judiciaires». Une telle méthode nous reporterait simplement aux énigmes passées. Il faut considérer la nature de la fonction et les faits de chaque cas. Je suis d’avis d’adopter l’opinion du juge Judson dans Wiswell. Malgré sa dissidence dans cette affaire, puisqu’il était d’opinion qu’un avis suffisant avait été donné, le juge Judson a dit:

[TRADUCTION] Je ne pense pas que l’on fasse un pas vers la solution de ce litige en étiquetant la forme d’activité à laquelle se livrait le conseil municipal lorsqu’il a adopté ce règlement modificatif. L’avocat de la municipalité déclare qu’il s’agit d’une fonction législative et qu’il n’était donc pas nécessaire de donner un avis pour agir. La majorité des juges préfère l’expression quasi judiciaire. Quelle que soit la qualification de la fonction, elle mettait en jeu des droits privés en plus de ceux du requérant et je préfère dire que la municipalité ne pouvait agir sans donner d’avis aux personnes touchées. (C’est moi qui souligne.) (à la p. 526)

La Cour d’appel a fait remarquer que la municipalité agissait dans un but qu’elle estimait d’intérêt public. Je n’ai aucun doute que cela soit vrai. Le Conseil essayait de protéger des membres du public d’un préjudice possible lors de l’achat d’un terrain non viabilisé et de protéger ses contribuables des frais d’installation des services d’utilité publique. Mais cela ne répond pas aux arguments présentés par l’appelante. Il ne s’agit pas d’un règlement général devant s’appliquer à tous les citoyens de la municipalité au même titre. Il s’agit plutôt d’un règlement visant délibérément à limiter les droits d’une seule personne, l’appelante Homex. Dans ces circonstances, je suis d’avis qu’Homex avait le droit de bénéficier de la protection qu’offre

[Page 1053]

la procédure. Cela ne signifie pas que la municipalité avait l’obligation de respecter la procédure d’un tribunal. Mais, à tout le moins, elle avait l’obligation de donner à Homex un avis du règlement envisagé et de lui accorder la possibilité de se faire entendre. La «règle fondamentale» formulée par lord Denning dans l’arrêt Selvarajan v. Race Relations Board[53], et citée par le Juge en chef dans l’arrêt Nicholson, précité, s’applique:

[TRADUCTION]… dès qu’on peut infliger des peines ou sanctions à une personne ou qu’on peut la poursuivre ou la priver de recours, de redressement ou lui faire subir de toute autre manière un préjudice en raison de l’enquête et du rapport, il faut l’informer de la nature de la plainte et lui permettre d’y répondre, (à la p. 19)

L’obligation a-t-elle été respectée?

L’avocat du Village prétend que même si l’on tient pour acquis qu’Homex avait le droit de bénéficier de la protection qu’offre la procédure, le Village ne l’en a pas privée. Il allègue que les deux parties ont mené de longues négociations sur cette question pendant plusieurs années; que le Village était bien conscient de la position d’Homex et que rien ne laissait croire qu’Homex aurait eu d’autres observations à faire si elle avait reçu un avis. Le passage‑clé de l’arrêt de la Cour d’appel se lit comme suit:

[TRADUCTION] Même si le règlement n° 7 était particulièrement défavorable à Homex, le conseil n’a pas été injuste en l’adoptant sans lui donner de préavis ni lui accorder la possibilité de se faire entendre. Suite aux négociations, le Conseil connaissait déjà la position d’Homex et Homex connaissait l’attitude du conseil. On ne devrait pas faire intervenir la Cour pour casser le règlement sur ce moyen. Selon les faits de l’espèce, l’intérêt public exigeait manifestement son adoption.

Avec égards, je ne peux partager cette opinion.

Il y a effectivement eu de longues négociations mais jamais pendant leur déroulement le Village n’a laissé entendre à Homex qu’il avait l’intention d’adopter les règlements contestés. Homex n’a reçu aucun avis des règlements. Je ne vois pas comment l’on peut dire que les négociations ont permis au Village de satisfaire à son obligation. Les négociations antérieures n’ont pas entraîné une renonciation à l’avis.

[Page 1054]

De plus, l’argument selon lequel Homex n’aurait eu aucune autre observation à faire n’est que pure spéculation. La Cour ne devrait pas avoir à se prononcer sur les chances de succès possible qu’une personne aurait pu avoir si elle avait effectivement reçu un avis.

Enfin il incombait au Village de par la common law de donner un avis à Homex avant d’adopter des règlements qui visaient directement les terrains en cause. L’obligation de common law n’a pas été expressément exclue par The Planning Act et je suis d’avis que l’intimée n’a pas satisfait à l’obligation de donner un préavis par les négociations antérieures. Par conséquent je suis d’avis que les règlements sont nuls.

Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par Homex. En particulier, il n’est pas nécessaire de décider si le règlement n° 7 est invalide parce qu’il aurait été adopté dans un but indirect ou irrégulier, comme l’a jugé la Cour divisionnaire, ni de décider si le règlement n° 6 était invalide puisqu’il ne comportait pas de dispositif.

Mentionnons deux points avant de terminer. Tout d’abord, la question de savoir si M. Redick connaissait les dispositions de la convention Atkinson au moment de l’achat n’a pas été plaidée devant cette Cour. Aucun des mémoires ne fait valoir que cette question est pertinente aux points en litige. Devant la Cour divisionnaire on a simplement mentionné la convention. Le juge Anderson, qui a exprimé l’opinion de la Cour, a dit:

[TRADUCTION] Il paraît y avoir conflit quant à savoir si le requérant connaissait l’existence de la convention de lotissement au moment de l’achat et sa teneur. Elle est mentionnée dans l’offre d’achat. A mon avis, quoi qu’il en soit, rien ne dépend de cette question.

Deuxièmement, ni devant cette Cour ni apparemment devant la Cour d’appel, l’intimée n’a fait valoir la question procédurale de savoir si la conduite de l’appelante l’empêchait de demander un redressement par certiorari. L’appelante n’a eu à plaider cette question dans aucune de ces cours. Je ne refuserais pas un redressement sur un moyen qui n’a été ni soulevé ni plaidé.

[Page 1055]

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario et de rétablir le jugement de la Cour divisionnaire avec dépens à l’appelante dans toutes les cours.

Pourvoi rejeté avec dépens, les juges RITCHIE et DICKSON étant dissidents.

Procureurs de l’intimée, appelante: Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto.

Procureur de l’appelante, intimée: Lyle F. Curran, Sarnia.

[1] (1979), 23 O.R. (2d) 398; (1979), 8 M.P.L.R. 119.

[2] [1972] 2 O.R. 720.

[3] [1973]2 O.R. 613 (C.A.)

[4] (1863), 14 C.B. (N.S.) 180.

[5] [1964] 1 O.R. 17.

[6] (1977), 72 D.L.R. (3d) 447, conf. 69 D.L.R. (3d) 602.

[7] (1916), 85 L.J.K.B. 1552.

[8] [1972] 2 Q.B. 299.

[9] [1971] R.C.S. 957.

[10] [1973] 3 O.R. 498.

[11] (1973), 1 O.R. (2d) 291.

[12] [1953] 2 R.C.S. 140.

[13] [1959] R.C.S. 24.

[14] (1975), 8 O.R. (2d) 97.

[15] (1978), 20 O.R. (2d) 541.

[16] (1968), 70 D.L.R. (2d) 38.

[17] [1965] R.C.S. 512.

[18] (1928), 61 O.L.R. 563.

[19] [1976] 2 R.C.S. 739.

[20] [1979] 2 R.C.S. 561.

[21] [1975] A.C. 295.

[22] [1976] 5 W.W.R. 703.

[23] [1972] 2 O.R. 709.

[24] [1973] 1 O.R. 136.

[25] (1960), 26 D.L.R. (2d) 127.

[26] [1954] 1 W.L.R. 730.

[27] [1917] 1 K.B. 486.

[28] [1914] K.B. 608.

[29] [1973] 3 O.R. 174.

[30] (1910), 44 R.C.S. 137.

[31] (1980), 27 O.R. (2d) 721.

[32] (1975), 11 O.R. (2d) 418.

[33] (1975), 11 O.R. (2d) 779.

[34] (1977), 16 O.R. (2d) 263.

[35] (1890), 19 O.R. 294.

[36] [1960] 2 O.R. 18.

[37] (1853), 10 U.C.Q.B. 626.

[38] [1951] OR. 79.

[39] [1965] R.C.S. 512.

[40] (1863), 14 C.B.(N.S.) 180.

[41] [1953] 2 R.C.S. 140.

[42] (1957), 13 D.L.R. (2d) 124 (B.R. Man.)

[43] (1975), 11 O.R. (2d) 418.

[44] [1972] 3 O.R. 514, infirmé par [1973] 3 O.R. 498.

[45] (1973), 1 O.R. (2d) 291 confirmé par (1974), 3 O.R. (2d) 423n.

[46] [1971] 2 O.R. 713.

[47] (1914), 5 O.R. (2d) 248.

[48] [1964] A.C. 40.

[49] [1979] 1 R.C.S. 311.

[50] [1951] A.C. 66 (C.P.)

[51] [1980] 1 R.C.S. 602; (1979), 30 N.R. 119.

[52] (1978), 20 O.R. (2d) 541 (C. Div. Ont.)

[53] [1976] 1 All E.R. 12 (C.A.)


Parties
Demandeurs : Homex Realty
Défendeurs : Wyoming
Proposition de citation de la décision: Homex Realty c. Wyoming, [1980] 2 R.C.S. 1011 (12 novembre 1980)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-11-12;.1980..2.r.c.s..1011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award