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12/11/1980 | CANADA | N°[1980]_2_R.C.S._718

Canada | Beaufort Realties et al c. Chomedey Aluminum, [1980] 2 R.C.S. 718 (12 novembre 1980)


Cour suprême du Canada

Beaufort Realties et al c. Chomedey Aluminum, [1980] 2 R.C.S. 718

Date: 1980-11-12

Beaufort Realties (1964) Inc. (Défenderesse) Appelante;

et

Belcourt Construction (Ottawa) Limited (Défenderesse);

et

Chomedey Aluminum Co. Ltd. (Demanderesse) Intimée.

1980: 11 juin; 1980: 12 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Beetz, Estey et McIntyre.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a

accueilli l’appel d’un arrêt de la Cour divisionnaire et confirmé le jugement du savant juge de première instance. Pourvoi rejeté.
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Cour suprême du Canada

Beaufort Realties et al c. Chomedey Aluminum, [1980] 2 R.C.S. 718

Date: 1980-11-12

Beaufort Realties (1964) Inc. (Défenderesse) Appelante;

et

Belcourt Construction (Ottawa) Limited (Défenderesse);

et

Chomedey Aluminum Co. Ltd. (Demanderesse) Intimée.

1980: 11 juin; 1980: 12 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Beetz, Estey et McIntyre.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a accueilli l’appel d’un arrêt de la Cour divisionnaire et confirmé le jugement du savant juge de première instance. Pourvoi rejeté.

Russell Kronick et Robert Steinberg, pour la défenderesse, appelante.

William J. Simpson, c.r., et Charles T. Hackland, pour la demanderesse, intimée.

[Page 720]

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE RITCHIE — Il s’agit d’un pourvoi interjeté sur autorisation de cette Cour contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a accueilli l’appel d’un jugement de la Cour divisionnaire et a confirmé la décision du savant juge de première instance.

L’exposé conjoint des faits versé au dossier d’appel devant cette Cour décrit de façon commode et précise les circonstances à l’origine du pourvoi et donne un résumé des jugements rendus par les tribunaux ontariens. Il se lit comme suit:

[TRADUCTION] 1. Aux termes d’un contrat écrit en date du 19 avril 1974 («le contrat») conclu entre l’intimée et la défenderesse, Belcourt Construction (Ottawa) Limited (ci‑après appelée «Belcourt»), l’intimée s’est engagée à fournir et à installer des châssis d’aluminium et des vitres et, de manière générale, à exécuter tout le travail de vitrerie afférent à la construction d’un immeuble résidentiel connu sous le nom de The Lord Mountbatten Apartments que construisait alors la défenderesse Belcourt pour le compte de l’appelante.

2. Le contrat comprend la clause suivante:

«ARTICLE 6. Le sous-entrepreneur renonce à tous les privilèges ou droits de privilège existants ou à venir, garantissant le coût des travaux effectués ou des matériaux fournis aux termes du contrat, sur l’immeuble et sur le bien-fonds où il est construit, et sur toute somme d’argent qui peut être due à l’entrepreneur et s’engage à obtenir de toute personne ou société, qui fournit de la main-d’œuvre ou des matériaux sous son autorité, une renonciation valide et satisfaisante de l’exercice par elle du privilège sur lesdits immeuble, bien-fonds et sommes d’argent.

En plus des conditions précitées, le sous-entrepremeur renonce, jusqu’à concurrence du plein montant fixé par le contrat, à tout privilège ou droit de préférence qu’il possède ou possédera sur l’immeuble ou sur le bien-fonds où il est construit ou sur les deux à la fois, par suite des travaux qu’il aura à effectuer ou des matériaux qu’il aura à fournir ou à l’égard de ces travaux ou matériaux. De plus, il s’engage à garantir le propriétaire et l’entrepreneur contre l’enregistrement sur ces biens de tout privilège ou droit de préférence en faveur ou pour le compte de toute personne, entreprise ou société qui, sous son autorité, exécute un travail ou fournit des matériaux. Le sous-

[Page 721]

entrepreneur s’engage à obtenir et à remettre à l’entrepreneur, lorsque ce dernier l’exige, mainlevée des privilèges et droits de préférence que détiendraient ces personnes, entreprises ou sociétés.

Le sous-entrepreneur accepte également de renoncer à tous les privilèges et de signer toute renonciation de privilège que pourrait exiger la compagnie de prêt hypothécaire ou le créancier hypothécaire.»

3. Vu le défaut par Belcourt de verser les avances exigibles en vertu du contrat, l’intimée a enregistré un privilège de fournisseur de matériaux contre le titre de propriété appartenant à l’appelante en décembre 1974. L’action qui a suivi a été entendue par le juge Fogarty à Ottawa les 17, 18 et 19 décembre 1975 et les 15, 16 et 17 mars 1976.

4. Le savant juge de première instance a conclu dans ses motifs de jugement datés du 12 octobre 1976, qu’en refusant d’effectuer les paiements proportionnels à leur échéance, Belcourt s’était rendue coupable d’une violation fondamentale du contrat et que l’intimée était donc justifiée de considérer qu’il avait pris fin. Le savant juge a également conclu que la clause 6 est une clause d’exclusion et qu’en raison de la violation fondamentale du contrat, Belcourt ne pouvait y avoir recours. Par conséquent, l’intimée a bénéficié d’un jugement personnel de même que d’un privilège sur les biens jusqu’à concurrence du montant prévu dans le jugement plus les dépens.

5. L’appelante et Belcourt ont interjeté appel devant la Cour divisionnaire de la décision du juge de première instance. Par un jugement en date du 16 mars 1978, la Cour a accueilli l’appel en partie et conclu que l’intimée n’avait pas droit à un privilège sur le bien-fonds et l’immeuble de l’appelante vu la clause 6 du contrat. La Cour divisionnaire a confirmé le jugement personnel rendu en faveur de l’intimée contre Belcourt et la conclusion du savant juge de première instance que la défenderesse avait fondamentalement violé le contrat conclu avec l’appelante (le juge Dupont étant dissident sur cette dernière question).

6. L’intimée a interjeté appel devant la Cour d’appel de l’Ontario du jugement de la Cour divisionnaire sur la question de savoir si une renonciation aux droits de privilège (clause 6) pouvait ultérieurement être invalidée du fait de la violation fondamentale du contrat par Belcourt. Dans un arrêt en date du 14 mars 1979, la Cour d’appel a accueilli l’appel et confirmé la décision du savant juge de première instance sur ce point. Au nom de la Cour, madame le juge Wilson a conclu que la

[Page 722]

clause 6 du contrat est une clause d’exclusion à laquelle s’applique la jurisprudence issue de l’arrêt Suisse Atlantique, qu’il en est ainsi malgré les dispositions du paragraphe 5(1) de The Mechanics’ Lien Act et que, de plus, du point de vue de l’interprétation, la clause de renonciation (clause 6) ne pouvait plus lier l’intimée dès que celle-ci a avisé l’appelante en l’espèce et Belcourt de sa décision de considérer que le contrat avait pris fin.

7. Dans une ordonnance en date du 18 juin 1979, cette Cour autorisait l’appelante en l’espèce à se pourvoir.

Les dispositions du par. 5(1) de The Mechanics’ Lien Act, R.S.O. 1970, chap. 267, que nous examinerons un peu plus loin, se lisent comme suit:

[TRADUCTION] 5. (1) Sous réserve de la signature d’une convention stipulant expressément le contraire et, en ce cas, sous réserve de l’article 4, quiconque exécute des travaux, place ou fournit des matériaux dans le cadre de la fabrication, la construction, l’érection, l’ajustement, la modification, l’amélioration ou la réparation d’un bien-fonds, immeuble, structure ou ouvrage ou de toutes leurs circonstances et dépendances, pour un propriétaire, entrepreneur ou sous‑entrepreneur, possède un privilège qui garantit le coût de la main-d’œuvre ou des matériaux sur le droit de tenure ou autre droit que le propriétaire possède sur le bien-fonds, l’immeuble, la structure ou les ouvrages et leurs circonstances et dépendances, ainsi que sur le bien-fonds où ils sont construits ou dont le propriétaire a la jouissance, ou à l’égard duquel les travaux sont effectués ou les matériaux placés ou fournis afin d’y être utilisés, jusqu’à concurrence toutefois de la somme que la personne ayant droit au privilège peut, à bon droit, exiger et de la somme que doit, à bon droit, le propriétaire, sauf disposition contraire de la présente loi. Le fait de placer les matériaux à être utilisés sur le bien‑fonds ou dans tout autre endroit situé à proximité de ce bien‑fonds que le propriétaire ou son mandataire a désigné, constitue une livraison valable et suffisante aux fins de la présente loi, mais une livraison sur le bien-fonds désigné ne le rend pas susceptible de privilège.

Le renvoi à l’art. 4 n’a pas d’incidence en l’espèce.

On aura remarqué que les parties se sont mises d’accord sur la portée du jugement de la Cour d’appel selon lequel il a été reconnu que la clause 6 du contrat est une clause d’exclusion (quelquefois appelée dans la jurisprudence clause «d’exception» ou «de restriction») [TRADUCTION] «à laquelle s’applique la jurisprudence issue de l’arrêt Suisse

[Page 723]

Atlantique». Il s’agit de l’arrêt Suisse Atlantique v. N.V. Rotterdamsche Kolen Centrale[2]. Les motifs de jugement des membres de la Chambre des lords dans cette affaire ont donné naissance à une divergence d’opinions notable chez les juges anglais et canadiens, et la question de l’effet de la violation fondamentale d’un contrat par une partie sur l’application d’une clause d’exclusion, telle la clause 6 du présent contrat, a continué à être débattue dans certains tribunaux jusqu’à ce que la Chambre des lords se prononce en février 1980 dans l’arrêt Photo Production Ltd. v. Securicor [1980] 1 All E.R. 556. Je tiens à souligner à ce stade-ci que je partage les conclusions concordantes des tribunaux ontariens portant que le refus de Belcourt d’effectuer les paiements proportionnels équivaut à une violation fondamentale du contrat.

En termes clairs, la divergence d’opinions quant à l’intention et au sens véritables de l’arrêt de leurs Seigneuries dans Suisse Atlantique tourne autour de la question de savoir s’il existe une règle de droit selon laquelle une violation fondamentale qui touche à la base d’un contrat annule une fois pour toute la portée de toutes les clauses qui retirent à la partie qui y contrevient des droits qu’elle aurait par ailleurs été autorisée à exercer, ou s’il faut s’en remettre à l’interprétation véritable du contrat afin de déterminer si une clause d’exclusion demeure valide et en vigueur malgé la violation fondamentale. Lord Denning a adopté la première façon de voir, expliquée d’ailleurs dans l’arrêt qu’il a rendu au nom de la Cour d’appel dans Photo Production (précité); lord Wilberforce la décrit dans les motifs de jugement qu’il a exposés dans cette affaire en Chambre des lords à la p. 559:

[TRADUCTION] Il faut d’abord déterminer la bonne façon d’aborder une affaire comme celle-ci où l’on cherche à invoquer une clause d’exception ou de restriction du contrat. En Cour d’appel, lord Denning, maître des rôles, l’a abordée en se demandant en premier lieu si la violation était «fondamentale». Dans l’affirmative, selon lui, le tribunal lui-même prive la partie du bénéfice de la clause d’exemption ou de restriction…

[Page 724]

Lord Denning suivait ainsi la décision antérieure de la Cour d’appel et, en particulier, son propre jugement dans l’affaire Harbutt’s Plasticine Ltd v. Wayne Tank and Pump Co. Ltd, [1970] 1 All ER 225, [1970] 1 Q.B. 447. Dans cette affaire, il distinguait deux situations: a) la situation où, par suite de la violation d’un contrat, la partie innocente possède et exerce le droit de mettre fin au contrat; et b) la situation où la violation entraîne automatiquement la fin du contrat sans que la partie innocente ait à choisir entre mettre un terme au contrat ou y donner suite. Dans la première situation, Lord Denning, appliquant apparemment l’arrêt de cette Chambre, Suisse Atlantique Société d’Armement Maritime SA v. N.V. Rotterdamsche Kolen Centrale [1966] 2 All ER 61, [1971] 1 AC 361, mais n’utilisant effectivement que deux extraits de l’avis de deux de leurs Seigneuries, en a tiré une règle de droit selon laquelle la «répudiation» du contrat y met fin de même qu’à la clause d’exclusion. A son avis, l’arrêt Suisse Atlantique

«confirme la longue série d’arrêts rendus par cette cour voulant que, lorsqu’une partie se rend coupable d’une violation fondamentale du contrat… et que l’autre partie l’accepte, ce qui met fin au contrat… alors la partie coupable ne peut invoquer une clause d’exception ou de restriction pour échapper à sa responsabilité à l’égard de la violation.»

Voir (l’arrêt Harbutt’s [1970] 1 All ER 225 at 235, [1970] 1 QB 447 at 467. Il a ensuite appliqué le même principe à la seconde situation.

Vos Seigneuries, quel que soit le mérite intrinsèque de cette doctrine, dont j’aurais l’occasion de reparler un peu plus loin, il ressort clairement à mon avis que, loin de suivre l’arrêt de cette Cour dans Suisse Atlantique, elle lui est directement opposée et que l’objet et la teneur de l’arrêt Suisse Atlantique étaient de la répudier. Les avis longs et, si je peux me permettre, quelquefois indigestes de leurs Seigneuries, ont été correctement résumés dans le sommaire [1967] 1 AC 361 à la p. 362 —

«3) que la question de savoir si une clause d’exception est applicable lorsqu’il y a violation fondamentale d’un contrat relève de l’interprétation véritable du contrat.»

Ni le vicomte Dilhorne ni lord Hodson ni moi-même n’avons clairement dit qu’il existe une règle de droit qui élimine ou prive de tout effet les clauses d’exception indépendamment de leurs conditions. Les passages invoqués à l’appui de l’opinion contraire ne sont formés que de courts extraits tirés de deux des avis, qui traduisent une opinion minoritaire à tout point de vue. Mais les arguments en faveur de la doctrine ne vont même pas aussi loin. Avec égards, j’estime qu’en lisant l’ensemble

[Page 725]

de l’avis de lord Reid, et j’admets n’être probablement pas le meilleur juge de la situation, on ne peut conclure qu’il est un partisan d’une règle de droit.

Le savant juge de première instance et la Cour d’appel ont rendu des motifs concordants selon lesquels la clause 6 du contrat est une clause d’exclusion ou d’exception. Madame le juge Wilson a retenu les mêmes considérations que celles suivies par la Chambre des lords dans l’arrêt Photo en concluant que la question de savoir si une telle clause est applicable lorsqu’il y a violation fondamentale doit être tranchée à partir de l’interprétation véritable du contrat. Je souscris à cette manière d’aborder le problème.

De plus, on allègue au nom de l’appelante que les dispositions du par. 5(1) de The Mechanics’ Lien Act ont pour effet d’interdire pour toujours à l’intimée de faire valoir son droit au privilège vu le fait qu’elle a «signé» la renonciation. A cet égard, je fais mien l’extrait suivant de l’arrêt de la Cour d’appel:

[TRADUCTION] Tout en reconnaissant que la clause de renonciation à un privilège est une clause d’exclusion en ce qu’elle a pour effet de retirer à l’appelante le droit à un privilège, droit qu’elle aurait par ailleurs en vertu de la loi, ce n’est pas une clause d’exclusion en ce sens qu’elle limite la responsabilité de l’intimée Belcourt pour violation du contrat. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une de ces clauses d’exclusion à laquelle on doit avoir recours pour déterminer s’il y a vraiment eu violation du contrat ou pour en fixer l’étendue. Elle ne modifie pas l’obligation de la partie en défaut et ne limite pas sa responsabilité: elle prive la partie qui n’est pas en défaut d’un recours supplémentaire. La jurisprudence issue de l’arrêt Suisse Atlantique s’applique-t-elle à une telle clause d’exclusion?

Manifestement cette jurisprudence ne peut s’appliquer si, de l’interprétation du par. 5(1) de The Mechanics’ Lien Act, il ressort que la simple signature de la convention par une personne qui aurait par ailleurs droit au privilège met fin pour toujours à ses droits au privilège en vertu de la loi. Si tel est le cas, une violation fondamentale de la convention n’a pas de conséquence sur la renonciation.

Même si le par. 5(1) emploie le mot «signature», je ne peux penser que le législateur ait voulu que la simple signature de la convention rende définitif le droit d’une partie au privilège. A mon avis, le législateur tient pour acquis que celui qui a signé la convention peut se la voir

[Page 726]

opposée par le cocontractant. Il est plus difficile de prêter cette intention au législateur lorsque la convention qu’une personne a signée lui est à l’origine opposable et que par la suite elle cesse de l’être. Je conclus toutefois que le par. 5(1) ne doit pas être interprété comme une fin de non recevoir opposable au privilège quel que soit le sort du contrat. Selon moi, le législateur n’a pas pu vouloir introduire un tel écart dans la position des parties contractantes, c’est-à-dire qu’une partie soit assurée que, nonobstant l’inexécution par elle de l’une quelconque de ses obligations contractuelles, l’autre partie continue d’être liée par sa renonciation au privilège. Du moins j’estime qu’il faudrait un texte très clair pour en arriver à ce résultat. En concluant ainsi, je n’oublie pas la considération d’ordre public à laquelle a fait référence le juge Linden dans les motifs qu’il a exposés dans Shill-Brand, savoir qu’il y va de l’intérêt public de pouvoir se fier à une renonciation. J’estime toutefois que si le législateur avait eu à l’esprit la question primordiale de l’intérêt public, il n’aurait pas placé la renonciation au privilège dans un contexte contractuel; il aurait plutôt prescrit une formule dans la loi. A mon avis, on doit considérer qu’en plaçant la renonciation dans un contexte contractuel, le législateur entendait lier inextricablement le sort de la renonciation à celui du contrat dont elle fait partie.

Comme madame le juge Wilson et compte tenia en particulier de l’arrêt de la Chambre des lords dans l’affaire Photo Production, précitée, je suis convaincu qu’étant donné la violation fondamentale du contrat par l’entrepreneur (Belcourt Construction (Ottawa) Limited), et vu le contexte de l’ensemble du contrat, la véritable interprétation de la clause 6 veut que la renonciation qu’elle contient cesse de lier l’intimée dès que celle-ci a communiqué à l’appelante son choix de considérer que le contrat a pris fin.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis de rejeter ce pourvoi.

L’intimée a droit à ses dépens dans toutes les cours.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de la défenderesse, appelante: Goldberg, Shinder, Shmelzer, Gardner & Kronick, Ottawa.

Procureurs de la demanderesse, intimée: Binks, Chilcott & Simpson, Ottawa.

[1] (1979), 24 O.R. (2d) 1, (1980), 97 D.L.R. (3d) 170.

[2] [1967] 1 A.C. 361.


Synthèse
Référence neutre : [1980] 2 R.C.S. 718 ?
Date de la décision : 12/11/1980
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Contrats - Contrat de construction - Privilèges de fournisseur de matériaux - Sous‑entrepreneur renonçant contractuellement aux droits de privilège de fournisseur de matériaux - Vu le défaut par l’entrepreneur de verser les avances exigibles en vertu du contrat, le sous-entrepreneur a considéré que le contrat avait pris fin et a enregistré un privilège contre le titre de propriété - Sous-entrepreneur lié ou non par la renonciation au privilège de fournisseur de matériaux - The Mechanics’ Lien Act, R.S.O. 1970, chap. 267, art. 5(1).

Aux termes d’un contrat écrit, l’intimée s’est engagée à fournir et à installer des châssis d’aluminium et des vitres et, de manière générale, à exécuter tout le travail de vitrerie afférent à la construction d’un immeuble résidentiel que construisait la défenderesse Belcourt pour le compte de rappelante. Le contrat comprend une clause (article 6) par laquelle le sous‑entrepreneur renonce à tous les privilèges ou droits existants ou à venir sur l’immeuble et sur le bien-fonds pour les travaux qu’il effectue ou les matériaux qu’il fournit lui-même ou par l’entremise d’autres personnes sous son autorité. Vu le défaut par Belcourt de verser les avances exigibles en vertu du contrat, l’intimée a enregistré un privilège de fournisseur de matériaux contre le titre de propriété de l’appelante.

Ce pourvoi attaque un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a accueilli l’appel d’un arrêt de la Cour divisionnaire et confirmé le jugement du savant juge de première instance. La Cour d’appel a conclu que l’article 6 du contrat est une clause d’exclusion à laquelle s’applique la jurisprudence issue de l’arrêt Suisse Atlantique, malgré les dispositions du par. 5(1) de The Mechanics’ Lien Act; ainsi, du point de vue de l’interprétation,

[Page 719]

l’article 6 ne peut plus lier l’intimée dès que celle-ci a avisé l’appelante et Belcourt de sa décision de considérer que le contrat a pris fin.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

La Cour partage les conclusions concordantes des tribunaux ontariens portant que le refus de Belcourt d’effectuer les paiements proportionnels équivaut à une violation fondamentale du contrat et que l’article 6 est une clause d’exclusion ou d’exception. La Cour retient la façon d’aborder la question adoptée par la Cour d’appel de l’Ontario, savoir qu’on doit appliquer les considérations suivies par la Chambre des lords dans l’arrêt Photo Production Ltd. v. Securicor et conclure que la question de savoir si une clause d’exclusion est applicable, lorsqu’il y a violation fondamentale, doit être tranchée à partir de l’interprétation véritable du contrat. Les dispositions du par. 5(1) de The Mechanics’ Lien Act n’ont pas pour effet d’interdire pour toujours à l’intimée de faire valoir son droit au privilège vu le fait qu’elle a «signé» la renonciation. La Cour a fait sienne la conclusion de la Cour d’appel de l’Ontario — et les motifs qui l’appuient — que le législateur entendait lier inextricablement le sort de la clause d’exclusion à celui du contrat dont elle fait partie. Etant donné la violation fondamentale du contrat par l’entrepreneur (Belcourt Construction (Ottawa) Limited), et vu le contexte de l’ensemble du contrat, la véritable interprétation de l’article 6 veut que la renonciation qu’elle contient cesse de lier l’intimée dès que celle-ci a communiqué à l’appelante son choix de considérer que le contrat a pris fin.


Parties
Demandeurs : Beaufort Realties et al
Défendeurs : Chomedey Aluminum

Références :

Jurisprudence: Suisse Atlantique Société d’Armement Maritime SA v. N.V. Rotterdamsche Kolen Centrale, [1967] 1 A.C. 361

Photo Production Ltd. v. Securicor Transport Ltd., [1980] 1 All. E.R. 556.

Proposition de citation de la décision: Beaufort Realties et al c. Chomedey Aluminum, [1980] 2 R.C.S. 718 (12 novembre 1980)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-11-12;.1980..2.r.c.s..718 ?
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