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27/01/1981 | CANADA | N°[1981]_1_R.C.S._2

Canada | Colet c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 2 (27 janvier 1981)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Colet c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 2

Date : 1981-01-27

Franz Colet Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1980: 2 décembre; 1981: 27 janvier.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D'APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

POURVOI à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique[1], qui a accueilli un appel d'un verdict d'acquittement rendu par un juge et un jury. Pourvoi accueilli.

Jay Clarke, pou

r l'appelant.

W. G. Burke-Robertson, c.r., et M. G. A. Angene, pour l'intimée.

Version française du jugement de ...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Colet c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 2

Date : 1981-01-27

Franz Colet Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1980: 2 décembre; 1981: 27 janvier.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D'APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

POURVOI à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique[1], qui a accueilli un appel d'un verdict d'acquittement rendu par un juge et un jury. Pourvoi accueilli.

Jay Clarke, pour l'appelant.

W. G. Burke-Robertson, c.r., et M. G. A. Angene, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE RITCHIE — Ce pourvoi fondé sur l'al. 618(2)a) du Code criminel attaque un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui a accueilli l'appel formé par le ministère public contre l'acquittement de l'appelant prononcé à l'issue d'un procès devant le juge Toy et un jury.

L'appelant a été inculpé sur cinq chefs d'accusation, dont deux de tentative de meurtre et deux autres d'avoir tenté de causer des lésions corporel-les. Ces accusations découlent de ce qu'il a fait pour défendre sa propriété contre ce qu'il estimait être une intrusion illégale des policiers qui agissaient sous l'autorité apparente d'un mandat de saisie délivré sous le régime du par. 105(1) du Code criminel.

[Page 4]

Les faits de cette affaire sont assez stupéfiants; le juge Toy les a relatés dans son exposé au jury qui est maintenant publié à [1978] 1 W.W.R. aux pp. 673 et suiv., et j'y reviendrai plus en détail. J'estime cependant utile de résumer les faits à l'origine des actes de l'appelant sur lesquels se fondent les accusations portées contre lui.

En janvier 1977, le conseil municipal de Prince Rupert (C.-B.), pour des raisons qui lui sont propres, a ordonné aux employés de son service des travaux publics de «nettoyer» la propriété de l'appelant, et, notamment, de démolir un abri rudimentaire qu'il appelait sa maison et dans lequel il vivait. Il n'est pas étonnant que cette perspective ait mis l'appelant en colère, et il a clairement fait savoir qu'il ne laisserait pas les employés de la ville pénétrer sur sa propriété et qu'il la défendrait par tous les moyens possibles. Finalement, des membres de la G.R.C. en sont venus à craindre que l'appelant n'utilise des armes à feu ou d'autres armes offensives pour empêcher les employés de la ville de démolir son logis, et les événements devaient confirmer leurs craintes. Après une consultation juridique, la G.R.C. a obtenu du juge Hutcheon un mandat délivré en vertu du par. 105(1) du Code criminel du Canada qui se lisait comme suit:

105. (1) Lorsque, sur demande faite à une cour par le procureur général ou en son nom à l'égard d'une personne, la cour est convaincue qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il n'est pas souhaitable pour la sécurité de cette personne ou d'autres personnes, que cette personne soit propriétaire ou ait la possession, la garde ou le contrôle d'une arme à feu ou autre arme offensive, de munitions ou de substances explosives, la cour peut émettre un mandat autorisant la saisie d'une arme à feu ou autre arme offensive, de munitions ou de substances explosives dont cette personne est propriétaire ou dont elle a la possession, la garde ou le contrôle.

La mandat délivré par le juge Hutcheon se lit comme suit:

[TRADUCTION] ATTENDU qu'il appert des dépositions sous serment du sergent Gordon McDougal, de Leslie Jensen, du sergent R. E. Fairhurst, de Leslie Yates et de

[Page 5]

J. C. Ewart qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il n'est pas souhaitable pour la sécurité de Franz Giacomelli Colet ou d'autres personnes que Franz Giacomelli Colet soit propriétaire ou ait la possession, la garde ou le contrôle d'une arme à feu ou autre arme offensive, de munitions ou de substances explosives;

Les présentes vous enjoignent de saisir toute arme à feu ou autre arme offensive, ou toutes munitions ou substances explosives dont Franz Giacomelli Colet est propriétaire ou dont il a la possession, la garde ou le contrôle. (Les italiques sont de moi.)

Munis de ce mandat, les agents de la G.R.C. se sont approchés de la maison de l'appelant en vue d'y faire une perquisition à la recherche d'armes à feu, d'autres armes offensives ou de substances explosives. L'appelant a persisté dans son opinion que les policiers n'avaient pas le pouvoir de perquisitionner chez lui; il est monté sur le toit d'où il a jeté de l'essence sur les policiers, tout en indiquant qu'il était résolu à défendre sa propriété.

Dans son exposé au jury au procès de l'appelant, le juge Toy a rendu la décision dont j'ai parlé et qui est reproduite de façon plus complète aux Western Weekly Reports, aux pp. 673 à 675:

[TRADUCTION] Je ne veux pas vous retenir plus qu'il ne faut; par contre, j'ai promis de vous donner de vive voix les motifs de la décision préalable que j'ai rendue il y a quelques jours. Le 23 novembre 1977, j'ai décidé sans donner aucun motif, que le mandat de saisie délivré par le juge Hutcheon conformément au par. 105(1) du Code criminel du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-34, n'autorisait pas les agents de la paix en possession de ce mandat à pénétrer sur la propriété de l'accusé et à y perquisitionner. L'agent de la paix principal, un sergent de la G.R.C. de Prince Rupert, avait demandé conseil à un avocat choisi par un représentant du procureur général de la province, et je suis convaincu que le mandat en question a été obtenu pour des motifs valables.

Les motifs du savant juge du procès sont exposés de façon plus complète aux pp. 674 et 675 du recueil:

[TRADUCTION] Le mandat de saisie a été accordé, comme le prévoit le par. 105(1), sur une demande ex parte. Bien qu'on ait brandi de loin le mandat pour le montrer à l'accusé, on lui a dit qu'il s'agissait d'un mandat de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Plus tard, le sergent a dit à l'accusé qu'il s'agissait

[Page 6]

d'un mandat de perquisition — et je mets le mot «perquisition» en italique — pour chercher des armes à feu, d'autres armes, des munitions et des substances explosives.

Après mûre réflexion, je suis venu à la conclusion que le mandat accordé en vertu de l'art. 105 n'autorise pas les agents de la paix à pénétrer sur le terrain de l'accusé ni à y perquisitionner sans sa permission. Ma décision s'appuie sur les motifs suivants:

1. Le sens ordinaire de «saisir» ne connote pas à mon avis, par définition ou par interprétation, un pouvoir de pénétrer ou de perquisitionner.

2. Les procédures spéciales prévues à la Partie XIII du Code criminel, en particulier les art. 443 et 447, traitent de la saisie et de la perquisition, ce qui nie porte à croire que l'une ne comprend pas nécessairement l'autre et que ce ne sont pas des synonymes.

3. Le paragraphe 353(1) et l'art. 181 du Code criminel sont d'autres dispositions qui reconnaissent une distinction entre la perquisition et la saisie.

4. Au cours de la session de 1968-69 du Parlement du Canada, la législation sur le contrôle des armes à feu a été modifiée en profondeur. A ce moment-là, l'art. 105 actuel a été présenté comme un concept nouveau; c'est-à-dire une procédure visant à enlever à un citoyen les armes que, par ailleurs, il possède légitimement parce que cette mesure est nécessaire à la sécurité de ce citoyen ou d'autres personnes: voir 1968-69, chap. 38, art. 98G.

En même temps, le législateur et probablement les rédacteurs législatifs ont modifié les articles du Code relatifs au pouvoir de perquisition et de saisie lorsque ce pouvoir est accordé sans mandat si, pour des motifs raisonnables et probables, un agent de la paix croit qu'une infraction se commet ou a été commise. Voir ici l'ancien par. 96(1), 1953-54, chap. 51, et la version modifiée, 1968-69, chap. 38, par. 98E(1).

J'estime que si le législateur avait voulu que les agents de la paix autorisés à procéder à une saisie aient les pouvoirs extraordinaires de perquisitionner dans les maisons d'habitation ou de fouiller les biens ou les personnes il aurait alors clairement énoncé ces pouvoirs comme il l'a fait au par. 96(1), 1968-69, chap. 38.

5. J'estime en principe que, si l'on doit restreindre les droits ou les libertés d'un citoyen, la loi doit indiquer clairement les limites de la restriction et elle doit recevoir une interprétation stricte plutôt que large.

[Page 7]

Le verdict du jury acquittant l'appelant sur tous les chefs d'accusation a été rendu en fonction de ces directives et l'appel à la Cour d'appel a été restreint aux questions de droit suivantes:

[TRADUCTION] 1. QUE le savant juge du procès a commis une erreur de droit en décidant qu'un mandat délivré par un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en vertu de l'art. 105 du Cade criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, et modifications, ne comprends pas le droit de pénétrer et de perquisitionner pour découvrir les objets qu'il ordonne de saisir;

2. QUE le savant juge du procès a commis une erreur de droit dans son exposé au jury en lui disant qu'au moment de l'incident à l'origine des accusations, les policiers étaient des intrus sur la propriété de l'accusé;

3. QUE le savant juge du procès a commis une erreur de droit en n'indiquant pas au jury qu'à toute l'époque en cause, les policiers agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions;

4. LES autres motifs que les procureurs estimeront utiles de faire valoir.

Ultérieurement, le juge Craig a rendu l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans lequel il conclut que:

[TRADUCTION] Afin de donner effet à l'intention du par. 105(1), nous devons conclure que le pouvoir de saisir une arme offensive (ou tout autre objet indiqué au paragraphe) comprend le droit de perquisitionner pour découvrir cet objet et comprend le droit de pénétrer sur la propriété d'une personne pour procéder à cette perquisition. Par conséquent, je suis d'avis d'accorder la permission d'appeler, d'accueillir l'appel et d'ordonner un nouveau procès.

Les motifs de jugement du juge Craig sont maintenant publiés en entier à 46 C.C.C. (2d) 243; c'est de l'arrêt rendu conformément à ces motifs que l'appelant se pourvoit maintenant en soulevant les trois questions de droit suivantes:

[TRADUCTION] 1. QUE la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur de droit en décidant que le savant juge du procès a conclu à tort que le mandat délivré par un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en vertu de l'art. 105 du Code criminel ne comprenait pas le droit de pénétrer dans un lieu et d'y perquisitionner pour découvrir les objets dont il ordonnait la saisie;

2. QUE la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur de droit en décidant que le savant juge du procès a exposé à tort au jury qu'au moment de

[Page 8]

l'incident à l'origine des accusations, les policiers en cause étaient des intrus sur la propriété de l'appelant;

3. Que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur de droit en décidant que le savant juge du procès a eu tort de ne pas indiquer au jury qu'à toute l'époque en cause, les policiers agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions.

En dernière analyse, ce pourvoi soulève la question très importante de savoir si l'on peut porter atteinte aux droits de propriété d'une personne autrement qu'en vertu d'un pouvoir spécifique prévu par la loi. Il est vrai que la résidence de l'appelant n'était rien de plus qu'une cabane ou un abri que la ville de Prince Rupert estimait sans doute insalubre, mais ce qu'on soulève ici, c'est le droit depuis longtemps reconnu d'un citoyen de ce pays d'être maître de sa propre maison et d'en jouir, y compris le droit de décider qui pourra et qui ne pourra pas y entrer. Le principe de common law est fermement implanté dans notre droit depuis l'arrêt Semayne[2] en 1604 où l'on a affirmé [TRADUCTION] ««que la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse, tant pour se défendre contre l'injure et la violence que pour son repos». Mon collègue le juge Dickson a cité cette phrase célèbre dans l'arrêt Eccles c. Bourque[3] dans lequel il a fait une étude approfondie de plusieurs décisions pertinentes. Il se penchait sur le cas de policiers qui étaient entrés dans une propriété privée en vue de procéder à une arrestation. Dans sa décision, il mentionne la limite de la portée de l'application générale de l'arrêt Semayne en disant, à la p. 743:

Mais il est des occasions où l'intérêt d'un particulier dans la sécurité de sa maison doit céder le pas à l'intérêt public, lorsque le grand public a un intérêt dans l'acte judiciaire à exécuter. Le criminel n'est pas à l'abri d'une arrestation dans son propre foyer ou dans celui d'un de ses amis.

Et plus loin, à la même page, il fait remarquer:

On verra donc que le large principe de base excipant du caractère sacré du foyer est sujet à l'exception que lorsque demande régulière est faite les agents du Roi peuvent briser les portes pour faire l'arrestation.

J'ai ajouté les italiques dans les deux dernières citations.

[Page 9]

.Il est évident que le juge Dickson limitait ses observations aux cas où des policiers, à la recherche d'un fugitif qu'ils estiment avoir des motifs d'arrêter, pénètrent dans la maison d'une personne contre son gré.

Dans ses motifs de jugement en l'espèce, le juge Craig a considéré que l'arrêt Eccles c. Bourque appuie la prétention qu'en toutes circonstances

[TRADUCTION] C'est une disposition adoptée dans l'intérêt public. Cet intérêt prime tout; les droits de la personne sont secondaires. Alors, le droit de saisir les objets indiqués au paragraphe doit sûrement comprendre le droit de perquisitionner pour découvrir tous ces objets.

Avec égards pour la Cour d'appel, j'estime que l'arrêt Eccles ne justifie pas cette proposition. On présume que tous les articles du Code criminel sont adoptés «dans l'intérêt public» et, à mon avis, il serait très dangereux de conclure que les droits privés d'une personne à la jouissance exclusive de sa propriété doivent être assujettis au droit des policiers d'y entrer de force chaque fois qu'ils prétendent agir en vue d'appliquer un article du Code criminel, même s'ils ne sont pas munis d'une autorisation expresse qui justifie leurs actes.

Dans l'analyse très complète de la jurisprudence que fait le juge Dickson dans son jugement, il fait remarquer que, quelles que soient les circonstances, les policiers n'ont le droit d'entrer qu'après avoir d'abord annoncé leur présence et démontré leur autorité en énonçant un motif légitime d'entrer.

En l'espèce, il faut souligner que même si les policiers ont brandi de loin leur mandat pour le montrer à l'appelant, il ne s'agissait pas d'un mandat de «perquisition», et, à mon avis, le pouvoir de saisir énoncé dans ce mandat n'accordait pas le droit d'entrer et de perquisitionner.

A l'appui de sa prétention que le pouvoir de saisir comprend le pouvoir de perquisitionner, l'intimée invoque les dispositions de l'art. 26 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, et soutient que le pouvoir de perquisitionner est un élément

[Page 10]

nécessaire du pouvoir «de saisir». Le paragraphe 26(2) de la Loi d'interprétation se lit comme suit:

(2) Lorsqu'une personne, un employé ou un fonctionnaire reçoit le pouvoir d'accomplir ou de faire accomplir une chose ou un acte, tous les pouvoirs nécessaires pour mettre cette personne, cet employé ou ce fonctionnaire en état d'accomplir ou de faire accomplir cette chose ou cet acte sont aussi censés lui être conférés.

Comme je l'ai mentionné, j'estime qu'une disposition de la loi qui autorise les policiers à pénétrer sur la propriété d'autrui sans invitation ni permission constitue un empiétement sur les droits que la common law reconnaît au propriétaire. En cas d'ambiguïté, cette disposition doit recevoir une interprétation stricte qui favorise les droits que la common law reconnaît au propriétaire. L'extrait suivant de Maxwell on Interpretation of Statutes, 12e éd., à la p. 251, est explicite sur ce point:

[TRADUCTION] Les lois qui empiètent sur les droits du citoyen en ce qui concerne sa personne ou ses biens, doivent, comme les lois pénales, faire l'objet d'une interprétation stricte. C'est une règle reconnue qu'elles doivent être interprétées, si possible, de manière à respecter de tels droits et, en cas d'ambiguïté, il faut retenir l'interprétation qui favorise la liberté de l'individu.

A mon avis, il s'ensuit qu'une disposition autorisant les policiers à pénétrer sur une propriété privée et à y perquisitionner doit être rédigée en termes explicites; on ne doit pas considérer que les dispositions de la Loi d'interprétation confèrent par implication, aux policiers, le pouvoir de perquisitionner alors que le par. 105(1) et le mandat délivré en vertu de ce paragraphe se limitent à la saisie. Les nombreux articles du Code criminel mentionnés par le juge du procès et qui prévoient explicitement le double pouvoir de «perquisitionner» et de «saisir» suffisent en eux-même pour indiquer que la présomption créée au par. 26(2) de la Loi d'interprétation n'est pas applicable en l'espèce.

Il me suffit d'adopter les motifs du juge Toy et je partage son point de vue qu'il existe une grande distinction de sens entre «saisir» et «perquisitionner». Comme l'a souligné le juge Toy, on peut démontrer que lorsque le législateur a voulu inclure le droit de perquisitionner en accordant le

[Page 11]

pouvoir de saisir, il l'a fait en termes explicites, et, à cet égard, j'adopte la citation des divers articles du Code criminel mentionnés dans l'extrait précité de l'exposé du savant juge du procès au jury. Je suis respectueusement d'avis que si le législateur a voulu inclure le pouvoir de «perquisitionner» dans les dispositions du par. 105(1), son omission est un cas évident d'oubli législatif, mais on ne peut suppléer à ce pouvoir qui n'a pas été accordé expressément en invoquant les dispositions de la Loi d'interprétation.

En définitive, je suis d'avis qu'en tentant de pénétrer sur la propriété de l'appelant et d'y perquisitionner, les policiers agissaient sans autorité et que par conséquent ils étaient des intrus.

Pour tous ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et de rétablir le verdict d'acquittement inscrit au procès.

Pourvoi accueilli.

Procureurs de l'appelant: Clarke, Covell, Banks, Vancouver.

Procureur de l'intimée: Le Procureur général de la Colombie-Britannique, Victoria.

[1] (1979), 46 C.C.C. (2d) 243.

[2] 77 E.R. 194,5 Co. Rep. 91 a.

[3] [1975] 2 R.C.S. 739


Synthèse
Référence neutre : [1981] 1 R.C.S. 2 ?
Date de la décision : 27/01/1981
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit criminel - Mandat de saisie d'armes 2 feu - Propriétaire du terrain refusant de laisser entrer les policiers - Mandat de saisie n'incluant pas le droit de perquisitionner - Code criminel, art. 105(1), 618(2)a) - Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 26(2).

L'appelant a été inculpé sur cinq chefs d'accusation, dont deux de tentative de meurtre et deux autres d'avoir tenté de causer des lésions corporelles. Ces accusations découlent de ce qu'il a fait pour défendre sa propriété, que la ville de Prince Rupert avait ordonné de démolir, contre ce qu'il estimait être une intrusion illégale des policiers qui agissaient sous l'autorité apparente d'un mandat de saisie délivré sous le régime du par. 105(1) du Code criminel.

Le verdict d'acquittement de l'appelant prononcé à l'issue d'un procès devant un juge et un jury vu la décision du juge du procès qu'un mandat de saisie ne donne pas le droit aux policiers de perquisitionner.

La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a accueilli le pourvoi et ordonné un nouveau procès.

D'où, le pourvoi à cette Cour qui soulève les trois questions de droit suivantes: 1. la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur de droit en décidant que le savant juge du procès a conclu à tort que le mandat délivré par un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en vertu de l'art. 105 du Code criminel ne comprenait pas le droit de pénétrer dans un lieu et d'y perquisitionner pour découvrir les objets dont il ordonnait la saisie; 2. la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur de droit en décidant que le savant juge du procès a exposé à tort au jury qu'au moment de l'incident à l'origine des accusations, les policiers étaient des intrus sur la propriété de l'appelant; 3. la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur de droit en décidant que le savant juge du procès a eu tort de ne pas indiquer au jury qu'A toute l'époque en cause, les policiers agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

[Page 3]

Ce qu'on soulève ici, c'est le droit depuis longtemps reconnu d'un citoyen de ce pays d'être maître de sa propre maison, y compris le droit de décider qui pourra et qui ne pourra pas y entrer.

On présume que tous les articles du Code criminel sont adoptés «dans l'intérêt public». Il serait dangereux de conclure que les droits privés d'une personne à la jouissance exclusive de sa propriété doivent être assujettis au droit des policiers non munis d'une autorisation expresse qui justifie leurs actes. Le pouvoir de saisie énoncé dans ce mandat n'accordait pas le droit d'entrer et de perquisitionner.

Le paragraphe 26(2) de la Loi d'interprétation n'est pas applicable puisqu'une disposition autorisant les policiers à pénétrer sur une propriété privée et à y perquisitionner doit être rédigée en termes explicites. On ne peut suppléer à un tel pouvoir qui n'a pas été accordé expressément en invoquant les dispositions de la Loi d'interprétation.


Parties
Demandeurs : Colet
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence: L'arrêt Semayne (1604), 77 E.R. 194, 5 Co. Rep. 91a

Eccles c. Bourque, [1975] 2 R.C.S. 739.

Proposition de citation de la décision: Colet c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 2 (27 janvier 1981)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1981-01-27;.1981..1.r.c.s..2 ?
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