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20/10/1981 | CANADA | N°[1981]_2_R.C.S._113

Canada | Oznaga c. Société d'exploitation des loteries, [1981] 2 R.C.S. 113 (20 octobre 1981)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Oznaga c. Société d’exploitation des loteries, [1981] 2 R.C.S. 113

Date : 1981-10-20

Ion Oznaga Appelant; et

La Société d’exploitation des loteries et courses du Québec Intimée.

1981: 12 février; 1981: 20 octobre.

Présents: Les juges Dickson, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure[1], accueillant une requête en irrecevabilité et rejetant l’ac

tion intentée par l’ap­pelant. Pourvoi accueilli, requête en irrecevabilité rejetée sauf quant à la conclusion 3(a).

Ion Ozna...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Oznaga c. Société d’exploitation des loteries, [1981] 2 R.C.S. 113

Date : 1981-10-20

Ion Oznaga Appelant; et

La Société d’exploitation des loteries et courses du Québec Intimée.

1981: 12 février; 1981: 20 octobre.

Présents: Les juges Dickson, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure[1], accueillant une requête en irrecevabilité et rejetant l’action intentée par l’ap­pelant. Pourvoi accueilli, requête en irrecevabilité rejetée sauf quant à la conclusion 3(a).

Ion Oznaga, en personne.

Louis-Paul Cullen, pour l’intimée.

[Page 115]

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE LAMER — Ce pourvoi est contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui maintenait la décision d’un juge de la Cour supérieure[2], agréant une requête en irrecevabilité et rejetant l’action intentée par l’appelant contre la Société d’exploitation des loteries et courses du Québec.

Il n’est pas inutile de rappeler dès ici que, pour les fins de ce pourvoi, les faits tels qu’allégués aux procédures de monsieur Oznaga en première instance doivent être tenus pour avérés.

L’appelant était détenteur d’un des billets du tirage du 24 septembre 1976 de la Loto-Perfecta, autrement connue sous l’appellation «6/36».

Ce tirage était fait par l’intimée, une société d’Etat, sous l’autorité et conformément à un règlement édicté par arrêté en conseil, A.C. 3064-75, 23 juillet 1975: Règlement relatif au 6/36 ou autrement appelé Loto-Perfecta, (1975) 107 Gazette officielle du Québec, 4501, (n° 30, 13/8/1975).

Eu égard à la nature des moyens de non-receva­bilité qu’opposait la Société à l’action de l’appe­lant, il n’est pas nécessaire de faire ici une descrip­tion exhaustive du fonctionnement du 6/36 ni non plus de référer à toutes les allégations de fait qu’on retrouve aux procédures; il suffit de savoir que le règlement relatif au 6/36 prévoyait la détermina­tion des gagnants par l’interaction de trois opéra­tions indépendantes, et ce, on peut le supposer, pour garantir l’honnêteté du tirage et surtout en donner l’assurance.

Le joueur sélectionne des numéros lors de l’achat d’un billet. Ces numéros en feront un gagnant s’ils correspondent, selon certaines moda­lités et à certaines conditions, aux numéros que détermineront conjointement l’opération d’un bou­lier et une course de chevaux. Voici comment le Règlement prévoit le fonctionnement de cette partie du tirage:

[Page 116]

27. Mode de tirage: La Société procède à la détermina­tion des numéros gagnants au moyen d’un boulier et d’une course de chevaux de la façon suivante:

a) le boulier, qui permet de mélanger 36 boules identi­ques numérotées de 1 à 36 inclusivement et qui est constitué de 10 pochettes identifiées de «A» à «J» inclusivement, est actionné et fonctionne jusqu’à ce que chacune des 10 pochettes ait accueilli une des 36 boules du boulier;

b) une course de chevaux, soumise à des règles spéciales et aux règles de course en vigueur au Québec, est tenue simultanément afin de sélectionner 7 pochet­tes parmi les 10 pochettes du boulier.

28. Détermination des numéros gagnants: Sous réserve des dispositions des articles 29 et 30, les numéros contenus dans les 7 pochettes sélectionnées au moyen de la course deviennent les numéros gagnants du tirage cor­respondant de la façon suivante: les numéros contenus dans les pochettes dont les lettres sont identiques aux lettres des 6 premiers chevaux à se présenter au fil d’arrivée sont les numéros gagnants, et le numéro contenu dans la pochette dont la lettre est identique à la lettre du septième cheval à se présenter au fil d’arrivée est le numéro gagnant dit «complémentaire».

29. Annulation de l’épreuve: Si l’épreuve ne peut être tenue à la date fixée pour le tirage, ou est annulée dû au fait que moins de 7 chevaux ont terminé la course, ou est annulée pour quelque cause que ce soit et ne peut être reprise en temps utile, le tirage se fait uniquement par le boulier en retenant les numéros contenus dans les pochettes portant les lettres A, B, C, D, E et F pour la détermination des numéros gagnants, et le numéro contenu dans la pochette «G» pour la détermination du numéro gagnant «complémentaire».

[C’est moi qui souligne.]

Monsieur Oznaga allègue que la sélection des numéros par le boulier n’a jamais eu lieu, y com­pris le soir du 24 septembre 1976, en même temps que le déroulement de la course. En effet, dit-il, la course du 24 septembre 1976, comme toutes les autres, s’était déroulée à 19 h 15, alors que le tirage télévisé de l’opération du boulier avait lieu à 22 heures, soit près de trois heures plus tard. Il est important de savoir que ce n’est pas par inadver­tance que la société d’Etat passait outre à son règlement puisqu’elle prenait la peine de s’en cacher par une mise en scène lors du tirage. Ces tirages avaient lieu les vendredis soirs à 22 heures et étaient télévisés dans le cadre d’une émission

[Page 117]

connue sous le nom de «La Corne d’Abondance». Toujours selon les allégations contenues aux procé­dures d’Oznaga, les propos que tenaient les anima­teurs du programme étaient voulus tels qu’ils donneraient nettement l’impression aux téléspec­tateurs, dont les cocontractants (détenteurs de bil­lets) de l’intimée, qu’il s’agissait d’une transmis­sion «en direct» de l’opération du boulier et, fait plus important, qu’il s’agissait aussi de la transmis­sion en direct du déroulement d’une course à la piste «Blue Bonnets» de Montréal.

Il n’est pas inconcevable, quoique la Société ne l’ait point encore expressément plaidé, que la manoeuvre se soit limitée à donner l’impression que le programme télévisé ait été en direct alors que le tout fut filmé à 19 h 15 et que le fonctionnement du boulier ait de fait eu lieu pendant la course trois heures auparavant et que, ainsi, l’exigence d’une simultanéité des deux opérations ait effectivement été respectée; on l’ignore et seule la preuve lors d’un procès le déterminerait.

Au stade d’une requête en irrecevabilité on doit s’en tenir à ce qu’allègue Oznaga, savoir, que la transmission de l’opération du boulier fut en direct à 22 heures et que l’on a déguisé en transmission directe à la même heure une course qui, de fait, avait eu lieu et avait été filmée à 19 h 15.

Il en résulte, plaide Oznaga, que l’opération du boulier n’ayant point eu lieu simultanément au déroulement de la course, la détermination des gagnants doive se faire par l’opération du boulier seulement, tel que le prévoit le Règlement.

Enfin, M. Oznaga allègue qu’il détient dès lors un des billets gagnants.

A l’action qu’il intenta on lui opposa comme moyen de non-recevabilité l’art. 35 du Règlement:

35. Délai de réclamation: La Société est libérée de toute responsabilité et de toute obligation relativement à toutes les opérations du 6/36 entourant un tirage à l’expiration des 30 jours suivant la date de tirage sauf dans la mesure où elle a reçu un ou des avis écrits de réclamation avant l’expiration de ce délai.

[Page 118]

M. Oznaga, dit-on, a intenté ses poursuites deux ans après la course du 24 septembre 1976, soit le 6 septembre 1978, alors qu’il n’avait pas par ailleurs pris soin de conserver ses recours par l’envoi d’un avis dans les 30 jours qui suivent la course, l’avis qu’il envoyait étant de fait du 25 janvier 1978.

Le juge de la Cour supérieure et les juges de la Cour d’appel ont donné raison à la Société.

Avec égards, je crois qu’ils ont en l’espèce eu tort de faire courir le délai de 30 jours de la date de la course et qu’ils auraient dû computer le délai à partir de la date à laquelle Oznaga allègue avoir eu connaissance des faits qui, selon lui, lui donneraient raison de réclamer son prix.

L’intimée plaidait en première instance que l’ac­tion était irrecevable parce que le demandeur n’avait ni allégué ni prouvé l’envoi d’un avis dans les 30 jours.

Le juge de la Cour supérieure s’exprimait ainsi pour accueillir la requête [à la p. 187]:

Le demandeur intimé n’a pas allégué avoir respecté cette exigence et ce n’est que le 25 janvier, 1978, qu’il a adressé à la défenderesse requérante, une mise en demeure de lui verser le montant du prix réclamé.

Et la Cour d’appel comme suit:

CONSIDÉRANT que l’appelant a reconnu à l’au­dience ne pas avoir donné d’avis à l’intimée dans les trente jours du tirage du 24 septembre 1976, le seul avis écrit allégué par l’appelant étant celui du 25 janvier 1978;

CONSIDÉRANT que l’absence de l’avis exigé par le règlement justifiait le premier Juge d’accueillir la requête en irrecevabilité et de rejeter l’action sans qu’il soit nécessaire de décider si la perte d’une chance de gagner dont le demandeur appelant se plaint au paragraphe 11-c) de sa déclaration lui donne droit de récla­mer le premier prix de $425,162.20.

ll est utile de noter que l’avis prévu à l’art. 35 du Règlement n’est pas, comme cela peut être le cas pour certains avis prévus par d’autres lois, une condition préalable et essentielle à l’existence du droit d’action. Celui-ci existe de plein droit pendant

[Page 119]

30 jours et l’avis dans les 30 jours n’est qu’une mesure conservatoire de son existence au delà de cette période. Aussi en regard d’une clause de cette nature, le demandeur, dont l’action allè­gue des faits qui situent celle-ci au delà de l’expi­ration des 30 jours de la course, doit alléguer des faits qui, tenus pour avérés, établissent l’envoi de l’avis dans les 30 jours de la course ou encore qui permettent de conclure à une suspension de ce délai et à l’envoi de l’avis dans les 30 jours du moment à compter duquel le délai a de fait légalement commencé à courir. Par ailleurs, l’absence d’allégation, ou encore l’allégation de faits qui placeraient le demandeur hors délai suffit pour débouter celui-ci de son action.

Aussi est-il clair que si la computation du délai de 30 jours devait en l’espèce se faire à compter de la date de la course, les juges ont eu raison de trouver à même les allégations d’Oznaga l’irrece­vabilité de son recours et de l’en débouter. Mais comme je suis d’avis, pour des raisons que j’énon­cerai ci-après, que la computation des délais devait se faire autrement, il importe à cette fin de noter ici d’autres allégations aux procédures dont la pertinence tient à ma façon de computer ces délais.

Au paragraphe 15 de sa déclaration M. Oznaga allègue:

15. La Défenderesse refuse ou néglige de verser au Demandeur son prix, c’est-à-dire la somme de $425,162.20, bien que dûment requise, et particulièrement la Défenderesse a été mise en demeure, de verser ce paiement au Demandeur, par le Demandeur lui-même, en date du 25 janvier 1978, et la Défenderesse est sommée par les présentes de produire à l’enquête qui aura lieu sur ce litige, l’original de telle demande faite par le Demandeur, à défaut de quoi il en fera preuve secondaire.

La mise en demeure du 25 janvier (qui de fait porte la date du 19 janvier), produite comme pièce et dont on doit tenir compte, (voir Rabinovitch c. Chechik[3], à la p. 407, confirmant sur ce point la décision de la Cour d’appel du Québec[4]; voir aussi Marquette Marketing Corporation Limited c. Continental Insurance Company et autre[5],

[Page 120]

précise entre autres que pendant longtemps le demandeur a été induit en erreur par la Société et ses prépo­sés. Voici un extrait de cette lettre qu’adressait M. Oznaga à la société d’Etat:

L’émission «La Corne d’Abondance» vous a été présenté par la Société d’exploitation des loteries et courses au Québec, annonce chaque vendredi soir à 22,15 heures l’animateur Raymond Lemay. (Réalisateur: Pierre Laberge, Production Télé-Métropol Montréal, Prési­dent: Roland Giguère).

Chaque semaine, plus d’un million des participants à Loto-Perfecta qui ont regardé votre émission ont été induis en erreur et trompés parce que ils ont eu l’impres­sion que la course des cheveaux a été disputée simulta­nément avec le fonctionnement du boulier, sûrtout [sic] écou­tant les commentaires suivants du votre animateur Ray­mond Lemay à l’heure 22,15:

1. Directement de Blue Bonnets, voici la course 6/36! Normalement cette épreuve est disputée à 7.15 heures, soit avant le programme régulier qui com­mence à 7.30 — mais les participants étaient convencus [sic] que la course a commencée à 22.15 heures.

2. La course est maintenant terminée! Moi aussi j’ai eu l’impression une longue période que c’est la vérité! … parce qu’il a laissé l’impression que la course est disputée simultanément avec le fonctionnement du boulier qui est actionné en Studio de Télé-Métropol.

3. Nous attendons le résultat officiel des Messieurs les Juges!! Incroyable!! Pourquoi? Pour tromper encore une fois un million des participants qui regardent votre émission?

4. De Blue Bonnets voici le résultat officiel!! Le résultat officiel est vite arrivé (et déjà inscrit sur une feuille de l’animateur) ... et les participants sont très contents.

5. Nous avons éliminé les 8-ième, les 9-ième et les 10-ième cheveaux [sic] au fil d’arrivée! Quelle rapidité, c’est formidable!

6. Nous passons maintenant au tirage de la Mini-Loto.

Il appert du paragraphe 2 que M. Oznaga allègue n’avoir eu connaissance de la manoeuvre que longtemps après la course.

Ayant présenté une requête en irrecevabilité le 20 octobre 1978, la Société produisait néanmoins une défense le 8 novembre 1978 qui réitérait ses moyens d’irrecevabilité fondés sur l’art. 35 du Règlement, A. laquelle répondait M. Oznaga le 17

[Page 121]

novembre. C’est par sa réponse que celui-ci précise le moment où il aurait eu connaissance des faits constitutifs de son droit d’action.

Au paragraphe 25, alinéas (e) à (h), il allègue:

e) Les manouvres [sic] pratiqués [sic] par la Défenderesse ou à sa connaissance, sont telles que, sans cela l’autre partie contractante n’aurait pas contracté, et le tout sera prouvé à l’occasion de l’enquête d’après le Code Civil.

Vraiement [sic] les manouvres [sic] quasi parfaites camouflées de la défenderesse avec les techniques modernes de la télévision et l’aide tacit [sic] et discret de ses préposés et ses représentants, ont reussi [sic] à cacher la verité [sic] pendant plus de deux ans et à induire en erreur des millions de personnes; les manouvres [sic] illégales et irrégulières de la défenderesse étaient contraires aux principes de droit prévus dans le Code Civil, dans la Loi sur les Loteries et dans son propre Règlement;

f) Seulement le 6 janvier 1978 la Défenderesse a com­mencé à effectuer le premier tirage uniquement au moyen du boulier devant des invités-témoins, renonçant ainsi à la course de chevaux pour la sélection et la détermination des numéros gagnants et le demandeur a eu ainsi la confirmation claire que la Défenderesse a pris toutes ces mesures pour: être liberée [sic] à l’avenir (et en aucun cas jusqu’à la fin de l’année 1977) de toute responsabilité et de toute obligation envers les partici­pants-contractants. Ainsi elle espérait d’être dans la situation d’invoquer toujours à l’avenir, mais en aucun cas pour les tirages antérieurs, le fameux article 35 de son Règlement qui prévoit un délai de réclamation de 30 jours après chaque tirage;

g) Jusqu’à la fin de l’année 1977, pour tous les partici­pants-contractants, tous les opérations du 6/36 entou­rant un tirage (Art. 35 du Règl.) sont celles effectuées par la Défenderesse au cours de l’émission «La Corne d’Abondance» présentée par la Société et avec les com­mentaires précises de l’animateurs: «Directement de Blue Bonnets», «Nos vérificateurs en studio».

Seulement avec le tirage du 6 janvier 1978 la Défen­deresse a commencé à prendre ses responsabilités et à suivre ses obligations relativement à toutes les opéra­tions du 6/36 entourant un tirage (Art. 35) et

h) Le Demandeur a pris conscience que la Défenderesse est décidée de suivre après 6 janvier 1978 les prescrip­tions de son Règlement, et en conséquence le Deman­deur a expédié immédiat sa mise en demeure, plus précisément le 19 janvier 1978, qui a été reçue par la Défenderesse le 25 janvier 1978, dans le délai de réclamation de 30 jours, tenant compte que les prescriptions

[Page 122]

du présent règlement ont été suivi aussi par la Défende­resse depuis le 6 janvier 1978.

Donc la Défenderesse a été avisée dans le délai de réclamation de 30 jours, après qu’elle même a commen­cée à suivre les prescriptions de son propre Règlement, pour «payer tout prix pour un coupon gagnant qui aurait été exclu du calcul des prix, pour quelques motifs que ce soit» (Art 33), le fond de résèrve [sic] constitué par la Société étant suffisant et lui permettant en même temps de respecter ses responsabilités et ses obligations.

[C’est moi qui souligne.]

Par sa réponse, M. Oznaga allègue donc qu’il n’a eu connaissance de la supercherie (ou du moins que ses soupçons à ce sujet ne furent confirmés) qu’à partir du 6 janvier 1978; il plaide que si la computation du délai de 30 jours ne devait com­mencer qu’à cette date, son avis du 25 janvier était en deçà du délai de 30 jours prévu à l’art. 35. Il faut noter que ces allégations sont entrées au dossier dès le 17 novembre 1978, donc bien avant la décision sur la requête en irrecevabilité qui est en date du 8 janvier 1979; aussi devons-nous nous demander si nous devons en tenir compte pour décider ce pourvoi, et tenir pour avérés les énoncés de faits que véhiculent toutes les procédures, y compris la réponse d’Oznaga, et non pas seulement ceux contenus dans sa déclaration.

Je suis d’avis que oui.

L’article 166 du Code de procédure civile, que l’on doit lire, interpréter et surtout appliquer en regard de l’art. 2 du Code de procédure civile, dit que:

166. Lorsqu’il est possible de redresser le grief sur lequel l’exception est fondée, le demandeur peut obtenir qu’un délai lui soit accordé pour ce faire et que le jugement sur l’exception ne soit rendu qu’à l’expiration de ce délai.

Si le grief subsiste, la demande sera rejetée; s’il a été redressé, l’exception sera maintenue pour les dépens seulement.

M. Oznaga eût pu se prévaloir de cet article pour demander au juge un délai pour produire une déclaration amendée par laquelle il eût pu com­pléter ses allégations et ainsi chercher à bonifier sa déclaration par l’ajout des faits qu’il a effectivement allégués par sa réponse. C’est ce qu’il eût été

[Page 123]

contraint de faire n’eût été l’opportunité de procé­der par réponse que lui offrait la Société en pro­duisant une défense qui réitérait ses moyens d’irre­cevabilité. La réponse d’Oznaga, produite au dossier en temps utile, a eu le même effet qu’une déclaration amendée. Aussi, en autant que ces allégations contenues à la réponse auront réussi à «redresser le grief sur lequel l’exception est fondée», Oznaga, le cas échéant, n’aura à encourir que les dépens de l’exception en Cour supérieure.

Reste à savoir maintenant si ces faits qu’il allè­gue ont eu l’effet de suspendre la computation du délai de l’art. 35 et, le cas échéant, si l’avis qu’il envoyait le 25 janvier 1978 le fut en temps utile.

Depuis la décision de cette Cour dans Ville de Montréal c. Vaillancourt[6], la question de savoir si l’avis de 30 jours prévu à l’art. 35 constitue un délai préfix, de déchéance ou une courte prescrip­tion, a perdu de son importance lorsqu’il s’agit d’en faire la computation, y compris la détermination de son point de départ.

Dans cette cause, il s’agissait d’une réclamation par une veuve contre la Ville pour la mort de son époux suite à une chute sur un trottoir. La poursuivante devait selon l’art. 1088 de la Charte de la Ville donner un avis dans les 15 jours de l’accident, à défaut de quoi elle perdait son droit d’action. L’article 1088 relaxe la rigueur de la Charte dans les cas de force majeure ou autres cas analogues, mais ces dispositions de l’article ne sont aucunement entrées en ligne de compte dans la computa­tion par la Cour du délai. Comme l’avis de la demanderesse n’avait été reçu que le dix-septième jour après l’accident, la Ville opposait à son action le non-respect des exigences de l’art. 1088 comme moyen de non-recevabilité. Outre d’autres argu­ments, qui ne sont d’aucune pertinence ici, la demanderesse avait plaidé dans son action que (aux pp. 855 et 856):

… ce n’est qu’environ dix (10) jours après l’accident qu’on a informé la demanderesse de la cause véritable du décès d’Arthur Thomas Lovett, alors qu’on avait cru

[Page 124]

jusque-là — c’est d’ailleurs ce qui figurait au rapport de police — que ledit Arthur Thomas Lovett était décédé d’une maladie de coeur, et que la demanderesse n’a donc pas pu communiquer avec un avocat avant l’après-midi du 8 février 1973;

En somme Donalda Vaillancourt disait que, pour computer le délai de 15 jours, il fallait en situer le point de départ aux environs du 5 février et qu’ainsi la lettre avait alors été reçue par la Ville bel et bien dans les délais légaux. Le juge de Grandpré, parlant pour cette Cour, en disait ceci (à la p. 856):

Il est indubitable que le législateur a imposé un fardeau très lourd aux réclamants dans les cas couverts par l’art. 1088 de la Charte. Ce fardeau est une déroga­tion à la loi commune en matière de responsabilité délictuelle et comme telle doit recevoir une interpréta­tion qui ne rende pas l’exercice du droit aléatoire.

Il ajoutait plus loin (aux pp. 856 et 857):

... En l’espèce, les faits étant venus à la connaissance de la réclamante une dizaine de jours après l’événement, (telle est l’affirmation de la déclaration que, pour l’ins­tant, il faut tenir pour avérée), celle-ci n’était évidem­ment pas relevée de l’obligation créée par l’art. 1088 de la Charte. Par ailleurs, si cette obligation a pour point de départ non pas la date de la connaissance mais la date de l’accident, nous en venons à la situation où le délai d’agir accordé au réclamant devient tellement court qu’il est pratiquement une négation du droit d’ac­tion. Ce serait là une conclusion exorbitante à laquelle je ne saurais me rallier.

Je vois mal d’ailleurs pourquoi en matière de prescrip­tion la loi reconnaîtrait l’existence de causes qui en suspendent le cours alors qu’en matière d’avis, telle ne serait pas la situation. Même si l’avis d’accident n’est pas une procédure, il m’est impossible de le considérer de façon plus stricte que la prescription. Il suit qu’à mes yeux le délai n’ayant commencé à courir que vers le 5 février, la réception de la lettre par la Ville le 12 a satisfait aux exigences de l’art. 1088 de la Charte.

[C’est moi qui souligne.]

A mon avis la Cour, par sa décision dans la cause précitée, a voulu étendre à d’autres délais que ceux proprement dits de prescription certaines dispositions de l’art. 2232 du Code civil, savoir, les suspensions de prescription fondées sur l’impossibi­lité absolue en fait d’agir. Ceci reflète bien d’ailleurs ce que disait de l’attitude des tribunaux dans

[Page 125]

ce domaine le doyen Jean Carbonnier dans un article paru dans la Revue Trimestrielle de Droit Civil, (1952) vol. 50, à la p. 171 «Notes sur la prescription extinctive» (aux pp. 178 et 179):

Ces essais de systématisation théorique ne doivent pas nous masquer l’empirisme qui règne dans la jurispru­dence et qui a amené beaucoup d’auteurs contemporains à un total scepticisme (Tissier, Prescription, n°’ 36 et s.; Hugueney, note S. 1924.1.193; Battifol, note S. 1929.1.225; Voirin, note D. 1934.2.33; Rodière, note S. 1951.2.45.). La qualification de délai préfix peut être un biais commode pour n’avoir pas à appliquer un allongement de temps, par suspension ou interruption, qui laisserait à découvert, pendant une trop longue période, des catégories de défendeurs jugées intéressantes: l’en­fant menacé de désaveu, l’acheteur d’immeuble dans l’action en rescision pour lésion (Comp. Req., 3 mai 1927, D. hebd., 1927.302; Civ., 16 juillet 1941, D. C. 1942.69, note de M. Rouast.), etc.... L’impression se confirme quand on constate que les tribunaux, après avoir posé le principe que le délai préfix répugne à toute prolongation, se réservent tout de même comme une soupape de sûreté — en certains cas du moins, mais non dans tous (v. ainsi, pour l’action en désaveu, Req., 25 novembre 1946, D. 1948.321; Paris, 19 novembre 1948, S. 1949.2.34) — la possibilité d’un recours à la maxime Contra non valentem agere ... , ce qui n’est pas juridi­quement indéfendable (la force majeure ne fait-elle pas échec à toutes les règles et n’autorise-t-elle pas à rouvrir, même les délais de procédure (v. le principe consacré par le Conseil d’Etat, 6 avril 1949, Gaz. Pal., 1949.l.284.)?), mais ce qui met bien en relief, une fois de plus, l’invincible force qui, dans toute cette matière de la prescription extinctive, a poussé la jurisprudence à se ménager un pouvoir d’appréciation là même où, en apparence, les délais devaient revêtir le caractère le plus rigide.

Que cette Cour ait voulu que s’appliquât à des délais autres que de pure prescription, sinon toutes les causes de suspension, du moins celle qu’est l’impossibilité absolue en fait d’agir prévue à l’art. 2232 du Code civil, s’inscrit dans le sens de ses propos et de ses prises de position dans d’autres domaines où elle a voulu interpréter la loi de telle sorte qu’elle soit au service du bon droit, (voir, entre autres, Banque Nationale du Canada c. Soucisse et autres, décision rendue le 28 septem­bre 1981).

[Page 126]

Tout en étant d’accord, je suis par ailleurs d’avis qu’il faut prendre bien garde de ne point relaxer la computation des délais, de déchéance comme de procédure, au point de les rendre presque inopé­rants, car ces clauses servent la justice et ont pour raison d’être la protection de droits que le législa­teur a voulu à certaines conditions privilégier, fût-ce au détriment de ceux des autres en les plaçant à l’abri des plaideurs qui se manifestent tardivement, (voir, entre autres, à ce sujet les propos du Pr. John W. Durnford, «Some Aspects of the Suspension and of the Starting Point of Prescription», (1963) Thémis 245).

Aussi ne faudrait-il donc pas élargir outre mesure la notion de «l’impossibilité absolue en fait d’agir» que prévoit l’art. 2232 du Code civil comme fondement d’une suspension des délais.

Ainsi suis-je d’avis que c’est à bon droit que de façon générale les auteurs refusent de considérer l’ignorance, par le créancier, des faits juridiques générateurs de son droit, comme étant une impos­sibilité absolue en fait d’agir (voir Pierre Marti­neau, La prescription, P.U.M., 1977, aux pp. 353 et ss.). Par ailleurs, on semble tout autant d’ac­cord, et j’y souscris, pour reconnaître que l’igno­rance des faits juridiques générateurs de son droit, lorsque cette ignorance résulte d’une faute du débiteur, est une impossibilité en fait d’agir prévue à l’art. 2232 et que le point de départ de la computation des délais sera suspendu jusqu’à ce que le créancier ait eu connaissance de l’existence de son droit, en autant, ajouterais-je, qu’il se soit comporté avec la vigilance du bon père de famille.

Si les propos que tenait cette Cour dans la cause de Ville de Montréal c. Vaillancourt n’apportent pas de façon expresse cette précision au sujet des causes génératrices de l’ignorance, il faut néan­moins les lire en regard du fait que, en l’espèce, Donalda Vaillancourt avait été induite en erreur par le rapport de police rédigé par les préposés mêmes de la Ville, ce que d’ailleurs M. le juge de Grandpré, à mon avis, semble dire implicitement en reproduisant dans son opinion le paragra­phe de la déclaration de la demanderesse où il en est fait mention.

[Page 127]

Dans la présente cause, les allégations de M. Oznaga, avérées pour les fins de ce pourvoi, impu­tent à la société d’Etat des manoeuvres qui ont eu comme résultat de lui cacher l’existence des faits qu’il prétend générateurs de son droit, et ce jusqu’au 6 janvier 1978. Le délai de 30 jours doit donc se computer à compter de cette date. Ces allégations, à ce stade des événements judiciaires, suffisent donc à mettre pour le moment les procé­dures d’Oznaga à l’abri d’une irrecevabilité qui se voudrait fondée sur l’art. 35. Le juge du fond vérifiera le bien-fondé de ses affirmations et déter­minera quand Oznaga a de fait eu connaissance de la «manoeuvres», s’il en est, et s’il a dès lors agi en deçà des délais.

L’intimée a dans son mémoire soulevé devant nous d’autres moyens d’irrecevabilité dont la Cour d’appel et la Cour supérieure n’ont pas traité vu leurs conclusions en regard de l’art. 35 du Règlement. Ces moyens sont décrits de façon générale au paragraphe 7 de la requête en irrecevabilité:

La demande de l’intimé [Oznaga] n’est pas fondée en droit, supposé même que les faits y allégués soient vrais.

Les conclusions recherchées par M. Oznaga sont les suivantes (je les ai numérotées pour mieux les identifier):

1. CONDAMNER la Défenderesse à payer au Demandeur la somme de QUATRE CENT VINGT-CINQ MILLE CENT SOIXANTE-DEUX DOLLARS ET VINGT SOUS ($425,162.20), étant le montant du premier prix dudit tirage 6/36 (Loto Perfecta), du 24 septembre 1976 (numéro 26), le tout selon les obligations contractuelles assumées par la Défenderesse à l’égard du Demandeur et que la Défenderesse n’a pas honorées;

2. DÉCLARER nuls et non avenus les numéros déterminés gagnants par la Défenderesse au moyen d’une course de chevaux tenue à 19:15 heures le même jour que la mise en action et le fonctionnement du boulier, parce que telle course n’a pas eu lieu simultanément et est donc illégale, irrégulière et nulle, en autant qu’elle servirait ou tendrait à servir à établir les ga­gnants dudit tirage, telle course n’ayant pas été tenue simultanément avec le tirage au boulier, tel que requis par l’Article 27 du Règlement de

[Page 128]

la Défenderesse et devant donc être mise de côté pour la détermination desdits numéros ou com­binaisons gagnants;

3. DÉCLARER que, pour les motifs indiqués dans la déclaration, la détermination des numé­ros gagnants du tirage dont il s’agit, devait être établie uniquement au moyen du boulier, en raison de l’inobservance d’une formalité essen­tielle par la Défenderesse, et ses préposés, employés et représentants, c’est-à-dire le défaut de n’avoir pas tenu la course de chevaux simul­tanément avec ledit tirage du boulier et

3(a) déclarer en conséquence que si la course de chevaux avait eu lieu simultanément à 22:00 heures le 24 septembre 1976, c’est-à-dire simul­tanément avec le boulier, que les six (6) pre­miers chevaux au fil d’arrivée, auraient corres­pondu aux numéros indiqués par le Demandeur dans sa combinaison des six (6) numéros déter­minés gagnants par le boulier, soient: deux (2), trois (3), treize (13), vingt-six (26), trente-qua­tre (34) et trente-cinq (35);

4. DÉCLARER que le résultat de ce tirage devait être établi et déterminé uniquement selon le mode indiqué dans le Règlement, c’est-à-dire par ledit boulier, et en conséquence, dans ce cas, PROCLAMER le Demandeur détenteur de six (6) desdits numéros retenus par le boulier, et la seule et première personne à réclamer le premier prix, le seul gagnant dudit premier prix qu’il a ainsi droit au montant établi pour ce prix, soit à la somme de $425,162.20;

5. RÉSERVER au Demandeur toutes autres conclusions utiles ou nécessaires dans les cir­constances, le tout avec intérêts et les dépens.

[C’est moi qui souligne.]

Si M. Oznaga réussit à prouver l’existence des conditions de fond donnant ouverture à l’applica­tion de l’art. 29 du Règlement, seule la preuve pourrait révéler la position qu’occupent les six (6) numéros de son billet à même les pochettes du boulier et si ceux-ci, selon leur position, lui don­nent droit à un prix, y compris, selon ses préten­tions, le premier prix. Les difficultés de preuve que l’intimée dit inévitables et prétend insurmontables pour que l’action d’Oznaga, telle que plaidée, réus­sisse, ne sauraient, s’il en est ainsi, constituer, quelle qu’en soit leur ampleur, une cause d’irrece­vabilité. Par ailleurs on doit donner raison A. l’inti­mée en ce qui qui a trait à la conclusion 3(a); rien

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de ce qu’allègue M. Oznaga ne permettrait à la Cour de légalement conclure comme il l’y invite.

Je serais donc d’avis d’accueillir ce pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et le jugement de la Cour supérieure, d’accueillir la requête en irrecevabilité quant à la conclusion 3(a) seulement et de la rejeter quant aux autres conclusions, mais de condamner l’appelant aux dépens de l’exception en Cour supérieure; les dépens en Cour d’appel et dans cette Cour devraient suivre le sort de l’action au fond.

Pourvoi accueilli, requête en irrecevabilité reje­tée sauf quant à la conclusion 3(a).

Procureurs de l’intimée: Ogilvy, Montgomery, Renault, Clarke, Kirkpatrick, Hannon & Howard, Montréal.

[1] [1979] C.S. 186.

[2] [1979] C.S. 186.

[3] [1929] R.C.S. 400.

[4] (1928), 45 B.R. 129.

[5] [1977] C.A. 533.

[6] [1977] 2 R.C.S. 849.


Synthèse
Référence neutre : [1981] 2 R.C.S. 113 ?
Date de la décision : 20/10/1981
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli, la requête en irreceva­bilité est rejetée sauf quant à la conclusion 3(a)

Analyses

Interprétation - Allégation que le tirage de la Loto-Perfecta (6/36) n’a pas eu lieu conformément au Règlement - Action en recouvrement - Délai de réclama­tion de 30 jours ou avis écrit de réclamation - Avis de réclamation plus de 15 mois après le tirage - Requête en irrecevabilité - Avis pas une condition préalable et essentielle à l’existence du droit d’action - Délais ne commençant à courir qu’à la date de la connaissance de l’existence des faits générateurs de son droit - Code civil, art. 2232 - Code de procédure civile, art. 2, 166 - Règlement relatif au 6/36 ou autrement appelé Loto-Perfecta, (1975) 107 Gazette officielle du Québec, 4501, (n° 30, 13/8/1975), art. 27, 28, 29, 35.

L’appelant, détenteur d’un des billets du tirage de la Loto-Perfecta (6/36) du 24 septembre 1976, allègue que la détermination des numéros gagnants n’a pas eu lieu conformément au Règlement du 6/36 — la sélection des numéros par le boulier n’ayant pas eu lieu, selon lui, simultanément au déroulement de la course de chevaux. Il soutient qu’en pareille circonstance la détermination des numéros devait se faire par l’opération du boulier seulement et que dès lors il détient l’un des billets gagnants.

L’appelant envoya son avis de réclamation le 25 janvier 1978 et intenta son action en recouvrement le 6 septembre 1978. La Société d’exploitation des loteries lui opposa comme moyen de non-recevabilité l’art. 35 du Règlement qui libère la Société de toute obligation à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la date du tirage sauf dans la mesure où elle a reçu un avis écrit de réclamation avant l’expiration de ce délai. La Cour supérieure donna raison à la Société et la Cour d’appel confirma ce jugement.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli, la requête en irreceva­bilité est rejetée sauf quant à la conclusion 3(a).

L’avis prévu à l’art. 35 du Règlement n’est pas une condition préalable et essentielle à l’existence du droit d’action. Celui-ci existe de plein droit pendant 30 jours

[Page 114]

et l’avis dans les 30 jours n’est qu’une mesure conserva­toire de son existence au-delà de cette période.

La Cour, par sa décision Ville de Montréal c. Vail­lancourt, a voulu étendre à d’autres délais que ceux proprement dits de prescription certaines dispositions de l’art. 2232 du Code civil, savoir, les suspensions de prescription fondées «sur l’impossibilité absolue en fait d’agir». Il ne faudrait pas élargir outre mesure cette notion mais l’ignorance des faits juridiques générateurs de son droit, lorque [sic] cette ignorance résulte d’une faute du débiteur, est une impossibilité en fait d’agir prévue à l’art. 2232 et le point de départ de la computation des délais sera suspendu jusqu’à ce que le créancier ait eu connaissance de l’existence de son droit, en autant qu’il se soit comporté avec la vigilance du bon père de famille.

En l’espèce, les allégations de l’appelant contenues dans sa déclaration et sa réponse — qui produite au dossier en temps utile a eu le même effet qu’une déclara­tion amendée — imputent à la société d’Etat des manoeuvres qui ont eu comme résultat de lui cacher l’existence des faits qu’il prétend générateurs de son droit, et ce jusqu’au 6 janvier 1978. Le délai de 30 jours doit donc se computer à compter de cette date. Ces allégations, tenues pour avérées pour les fins de ce pourvoi, suffisent pour le moment à mettre les procédures d’Oznaga à l’abri d’une irrecevabilité qui se voudrait fondée sur l’art. 35. Le juge du fond vérifiera le bien-fondé de ses affirmations et déterminera quand Oznaga a de fait eu connaissance de la «manoeuvre», s’il en est, et s’il a dès lors agi en deça [sic] des délais.


Parties
Demandeurs : Oznaga
Défendeurs : Société d'exploitation des loteries

Références :

Jurisprudence: arrêt suivi: Ville de Montréal c. Vail­lancourt, [1977] 2 R.C.S. 849

arrêts mentionnés: Rabi­novitch c. Chechik, [1929] R.C.S. 400, confirmant (1928), 45 B.R. 129

Marquette Marketing Corporation Limited c. Continental Insurance Company et autre, [1977] C.A. 533

Banque Nationale du Canada c. Sou­cisse et autres, décision rendue le 28 septembre 1981.

Proposition de citation de la décision: Oznaga c. Société d'exploitation des loteries, [1981] 2 R.C.S. 113 (20 octobre 1981)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1981-10-20;.1981..2.r.c.s..113 ?
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