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17/12/1981 | CANADA | N°[1981]_2_R.C.S._670

Canada | Zurich du Canada Compagnie d'assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670 (17 décembre 1981)


Cour suprême du Canada

Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670

Date: 1981-12-17

Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie (Plaignant) Appelante;

et

Barbara Wallace Davies (Défendeur) Intimée.

1981: 2 décembre; 1981: 17 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Estey, McIntyre et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a accueilli un appel de la décision du juge R.E. Holland. Pourvoi

rejeté.

[Page 671]

Garfield Robert Green, pour l’appelante.

Russell Kronick et Ronald Prehogan, pour l’intimée.

Versi...

Cour suprême du Canada

Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670

Date: 1981-12-17

Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie (Plaignant) Appelante;

et

Barbara Wallace Davies (Défendeur) Intimée.

1981: 2 décembre; 1981: 17 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Estey, McIntyre et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a accueilli un appel de la décision du juge R.E. Holland. Pourvoi rejeté.

[Page 671]

Garfield Robert Green, pour l’appelante.

Russell Kronick et Ronald Prehogan, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE EN CHEF — La question principale en l’espèce, qui se pose pour la première fois, porte sur l’interprétation et l’application qu’il convient de donner à un document intitulé [TRADUCTION] «Contrat d’assurance conditionnel». L’assureur appelant a délivré ce document, un contrat d’adhésion, à George F. Davies à la demande de ce dernier en date du 11 avril 1978 pour $10,000 d’assurance-vie. Une partie de la prime a été payée comme l’exigeait le contrat et le document en question a alors été délivré. Davies est décédé le 23 avril 1978 et sa veuve a demandé le montant de l’assurance. Aucune police n’avait été délivrée conformément au contrat. Le juge R. E. Holland a rejeté la demande, mais l’appel de la veuve a été accueilli dans un jugement unanime de la Cour d’appel de l’Ontario.

Le Contrat d’assurance conditionnel se lit comme suit:

[TRADUCTION]

CONTRAT D’ASSURANCE CONDITIONNEL

Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie consent à assurer la vie de l’auteur de la proposition à compter de la signature de la partie 1 et de la partie 2 de la proposition, sous réserve des conditions suivantes:

1) La somme d’argent indiquée au reçu a été payée.

2) La vie à assurer est assurable aux taux ordinaires, au moment de la signature des parties 1 et 2 de la proposition en vertu des règles et des usages de souscription de Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie à l’égard de la police demandée.

3) Le présent contrat est régi par les termes de la police qui doit être délivrée, sauf que le montant de l’assurance en vertu du présent contrat et des autres contrats d’assurance conditionnels avec Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie est le moindre des montants suivants, soit $100,000 ou le montant total de l’assurance demandée.

4) La présente assurance conditionnelle expire au moment de l’entrée en vigueur d’une police délivrée par suite de l’acceptation de la proposition.

[Page 672]

5) Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie peut résilier le présent contrat au moyen d’un avis à l’auteur de la proposition. La somme d’argent versée lui sera remboursée.

NUL REPRESENTANT DE ZURICH DU CANADA COMPAGNIE D’ASSURANCE-VIE N’EST AUTORISE A MODIFIER LE PRESENT CONTRAT.

J’ai lu le présent contrat d’assurance conditionnel et je le comprends.

Signature du proposant______________

En recevant votre demande, le Bureau verra à divulguer les renseignements qu’il possède dans le dossier qui vous concerne. (Les renseignements de nature médicale ne seront divulgués qu’à votre médecin). Si vous doutez de la justesse des renseignements au dossier du Bureau, vous pouvez communiquer avec le Bureau et demander de les corriger. L’adresse du service de renseignements du Bureau est la suivante:

Medical Information Bureau, 330, University Avenue, suite 403, Toronto, M5G 1R7. Téléphone (416) 597-0590.

Zurich du Canada Compagnie d’assurance-vie ou ses réassureurs peuvent en outre divulguer les renseignements que renferme notre dossier à d’autres compagnies d’assurances auxquelles vous pouvez demander de l’assurance sur la vie ou de l’assurance-maladie, ou auxquelles peut être faite une demande d’indemnisation.

Le Bureau a pour objet de protéger ses membres et leurs assurés des frais occasionnés lorsque des personnes cachent des faits qui ont une incidence sur leur assurabilité. Les renseignements que le Bureau fournit peuvent avertir l’assureur qu’il serait utile de faire une enquête plus poussée, mais en vertu des règles du Bureau, ils ne peuvent servir de base à l’évaluation du risque. Le Bureau n’est pas un répertoire de rapports médicaux des hôpitaux et des médecins, et les renseignements que le Bureau possède ne révèlent pas si les propositions d’assurance sont acceptées, refusées ou acceptées à une prime plus élevée.

Les arguments opposés des procureurs des parties soulèvent la question de savoir si le contrat énonce une condition suspensive à l’acceptation du risque par l’assureur, ou s’il faut y voir une acceptation initiale du risque, assujettie à une condition résolutoire. L’assureur fait valoir, bien sûr, qu’il n’a assumé aucun risque avant que soit établie l’assurabilité du proposant. On oppose à cet argument que le risque était assumé à condition que l’assurabilité soit ensuite établie ou que le contrat soit par la suite résilié conformément à la clause 5

[Page 673]

du contrat. Aucun de ces événements ne s’est produit avant le décès de l’auteur de la proposition. L’intimée a fait valoir en outre que l’assureur avait l’obligation d’établir que l’auteur de la proposition n’était pas assurable au taux courant en vertu de ses règles et de ses usages de souscription qu’il connaissait personnellement. La Cour d’appel de l’Ontario a retenu ce motif et a maintenu la réclamation de la veuve, concluant que l’assureur ne s’était pas acquitté de cette obligation. Contrairement au juge de première instance qui a conclu que le risque n’était pas assumé parce qu’une condition suspensive n’était pas remplie, la Cour d’appel n’a pas examiné l’argument de la condition suspensive ou résolutoire.

Il n’y a aucun doute qu’un contrat a été conclu entre l’assureur et le proposant, comme le prouvent le paiement de la prime et la remise d’un contrat d’assurance conditionnel. Même si le contrat envisage la délivrance d’une police, il ne dit nulle part de façon expresse que la protection dépend d’une preuve préalable d’assurabilité. A la question de savoir si l’auteur de la proposition a bénéficié du contrat du fait du paiement de la prime, l’assureur a répondu que l’assurabilité devait être établie à la date de la proposition et que toute incapacité ultérieure qui rendrait l’auteur de la proposition non assurable au taux normal ne l’empêcherait pas d’obtenir de l’assurance. Tout cela signifie que l’auteur de la proposition serait en quelque sorte privilégié, sous réserve du pouvoir unilatéral et absolu de l’assureur d’annuler le contrat avant le décès si une police n’a pas déjà été délivrée.

C’est une façon draconienne d’envisager un contrat qu’on peut également interpréter de façon à y voir une assurance provisoire, susceptible d’annulation. Les clauses 3 et 5 du document prouvent que cette interprétation est possible. On a soumis à la Cour deux courants de jurisprudence américaine, l’un qui affirme que la protection dépend de ce que la condition suspensive a d’abord été remplie et l’autre qui appuie l’interprétation qu’il s’agit d’une condition résolutoire. Je préfère l’opinion adoptée par la Cour suprême du New Jersey

[Page 674]

dans l’arrêt Allen v. Metropolitan Life Insurance Co.[2] Les deux passages suivants des motifs de cette cour sont pertinents en l’espèce (aux pp. 642 et 643):

[TRADUCTION] De fait, l’acceptation même de la prime à l’avance porte naturellement à reconnaître qu’il s’agit d’une protection immédiate même si elle est temporaire et résoluble; tout avantage accessoire autre que la protection provisoire est chimérique: ce n’est pas ce que le commun des mortels cherche habituellement à obtenir en signant une proposition et en payant d’avance.

Elle prétend qu’Allen était entièrement protégé dans l’intervalle s’il était assurable à la date de la proposition et qu’il ne l’était pas s’il n’était pas assurable, et que sa conclusion ultérieure de non-assurabilité lie tout le monde même si elle est arrivée à cette conclusion après avoir appris le décès d’Allen; il suffit qu’elle y soit arrivée de bonne foi. Cela nécessite une interprétation qui ne ressort pas des termes du reçu… Le reçu ne fait nullement mention de l’assurabilité ou de la façon de vérifier l’assurabilité. On peut douter qu’un assuré éventuel puisse, en toute connaissance de cause, accepter comme définitif que l’assurabilité soit établie de façon non objective par la compagnie après qu’elle a appris le décès.

En outre, tout permet d’appliquer une interprétation contra proferentem à un contrat d’adhésion comme celui en l’espèce.

L’exposé conjoint des faits en l’espèce indique que l’assuré est décédé de causes naturelles. Il avait été examiné par son propre médecin dans le mois précédant son décès.

Sur ce, l’assureur a demandé à ce médecin, le 19 avril 1978, un résumé de son dossier médical. L’assureur l’a reçu le 28 avril 1978, après le décès. L’assuré avait ressenti des douleurs, et le médecin a proposé une myélographie et, dans le cas d’un résultat négatif, une aortographie. L’assuré est décédé avant d’avoir subi l’un ou l’autre de ces examens. On admet que si l’assuré souffrait d’anévrisme aortique, il n’aurait pu être assuré au taux normal. Le médecin de l’assuré était d’avis que l’assuré pouvait souffrir d’anévrisme aortique. Le service de souscription de l’assureur a établi que l’assuré ne pouvait être assuré qu’une fois écartée la possibilité d’anévrisme aortique. De fait, au moment ou l’intéressé a demandé une assurance-

[Page 675]

vie, on ne savait pas s’il était assurable au taux normal.

Pour autant que la décision en l’espèce dépend de la question de savoir si l’intéressé était assurable quand il a signé la proposition, je ne vois pas de raison de ne pas partager l’opinion de la Cour d’appel de l’Ontario que l’assureur ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de faire la preuve à cet égard. En outre, comme le prétend le procureur de l’intimée, la simple recommandation d’un médecin ne décide pas de l’assurabilité.

Sur les deux moyens invoqués ci-dessus, le pourvoi échoue et doit être rejeté avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: McKeown, Yoerger, Spearing, Toronto.

Procureurs de l’intimée: Goldberg, Shinder, Gardner & Kronick, Ottawa.

[1] (1980), 39 N.R. 462.

[2] (1965), 208 A.2d 638.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Contrats - Assurance - Interprétation - «Contrat d’assurance conditionnel» - Décès avant la délivrance de la police - Assurabilité du proposant.

L’appelante a délivré un «Contrat d’assurance conditionnel», un contrat d’adhésion, à George F. Davies à la demande de ce dernier et sur paiement partiel de la prime. Avant la détermination de son assurabilité et la délivrance de la police, Davies est décédé. La demande de la veuve en paiement de l’assurance a été rejetée en première instance mais accueillie en appel. La question principale dont la Cour est saisie est de savoir si le contrat énonce une condition suspensive à l’acceptation du risque par l’assureur ou s’il s’agit d’une acceptation initiale du risque, assujettie à une condition résolutoire.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Un contrat a été conclu entre l’assureur et le proposant. Même si le contrat envisage la délivrance d’une police, il ne dit nulle part de façon expresse que la protection dépend d’une preuve préalable d’assurabilité. Le contrat doit être interprété de façon à y voir une assurance provisoire susceptible d’annulation et non de façon à privilégier en quelque sorte le proposant, sous réserve du pouvoir unilatéral et absolu de l’assureur d’annuler le contrat. Il y a lieu d’appliquer une interprétation contra proferentem à un contrat d’adhésion de ce type. Il incombait à l’assureur de déterminer si l’intéressé était assurable quand il a signé la proposition; il ne s’est pas acquitté de cette obligation.


Parties
Demandeurs : Zurich du Canada Compagnie d'assurance-vie
Défendeurs : Davies

Références :

Jurisprudence: Allen v. Metropolitan Life Insurance Co. (1965), 208 A.2d 638.

Proposition de citation de la décision: Zurich du Canada Compagnie d'assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670 (17 décembre 1981)


Origine de la décision
Date de la décision : 17/12/1981
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1981] 2 R.C.S. 670 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1981-12-17;.1981..2.r.c.s..670 ?
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