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23/11/1982 | CANADA | N°[1982]_2_R.C.S._605

Canada | R. c. MacDougall, [1982] 2 R.C.S. 605 (23 novembre 1982)


Cour suprême du Canada

R. c. MacDougall, [1982] 2 R.C.S. 605

Date: 1982-11-23

Sa Majesté La Reine Appelante;

et

Bertram Gerard MacDougall Intimé.

N° du greffe: 16617.

1982: 18 février; 1982: 23 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (1981), 60 C.C.C. (2d) 137, 46 N.S.R. (2d) 47, 89 A.P.R. 47, qui a rejeté un appel contre le jugeme

nt du juge Sullivan de la Cour de comté confirmant le jugement par lequel le juge Campbell de la Cour provinciale avait r...

Cour suprême du Canada

R. c. MacDougall, [1982] 2 R.C.S. 605

Date: 1982-11-23

Sa Majesté La Reine Appelante;

et

Bertram Gerard MacDougall Intimé.

N° du greffe: 16617.

1982: 18 février; 1982: 23 novembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (1981), 60 C.C.C. (2d) 137, 46 N.S.R. (2d) 47, 89 A.P.R. 47, qui a rejeté un appel contre le jugement du juge Sullivan de la Cour de comté confirmant le jugement par lequel le juge Campbell de la Cour provinciale avait rejeté Paccusation portée contre Pintimé. Pourvoi accueilli.

Kenneth Fiske et Dana Giovannetti, pour l’appelante.

Hugh Maclsaac et Harold A. MacIsaac, pour l’intimé.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE RITCHIE — Ce pourvoi, formé sur autorisation de cette Cour, attaque un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse (le juge Jones étant dissident). Cet arrêt a rejeté un appel contre un jugement du juge Alan E. Sullivan qui confirmait le jugement rendu au procès par lequel le juge S.D. Campbell a rejeté l’accusation portée contre l’intimé d’avoir, contrairement au par. 258(2) de la Motor Vehicle Act, R.S.N.S. 1967, chap. 191, conduit son véhicule à moteur alors que son permis de conduire était révoqué. Le paragraphe 258(2) est ainsi rédigé:

[TRADUCTION] 258. …

(2) Nul ne doit conduire un véhicule à moteur lorsque son permis ou son droit d’obtenir un permis a été révoqué ou suspendu en vertu de la présente loi.

[Page 607]

Dans la demande d’autorisation de se pourvoir devant cette Cour, on a soulevé les questions de droit suivantes:

1. La Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a commis une erreur de droit en retenant à la majorité le moyen de défense d’erreur provoquée par un fonctionnaire;

2. La Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a commis une erreur de droit en concluant qu’une infraction au par. 258(2) de la Motor Vehicle Act, R.S.N.S. 1967, chap. 191, et modifications, constitue une infraction de responsabilité stricte plutôt que de responsabilité absolue.

J’estime préférable d’examiner d’abord le second de ces moyens, car, avant de passer à l’étude des questions soulevées en l’espèce, il est indispensable d’établir la nature de l’infraction imputée à l’intimé.

Dans l’arrêt R. c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, mon collège le juge Dickson reconnaît trois catégories d’infractions prévues par la loi, disant ce qui suit aux pp. 1325 et 1326 de ses motifs de jugement:

Je conclus, pour les motifs que j’ai indiqués, qu’il y a des raisons imperatives pour reconnaître trois catégories d’infractions plutôt que les deux catégories traditionnelles:

1. Les infractions dans lesquelles la mens rea, qui consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit, comme l’intention, la connaissance, l’insouciance, doit être prouvée par la poursuite soit qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis, soit par preuve spécifique.

2. Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la mens rea; l’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires. Ceci comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent, ou si l’accusé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question. Ces infractions peuvent être à juste titre

[Page 608]

appelées des infractions de responsabilité stricte. C’est ainsi que le juge Estey les a appelées dans l’affaire Hickey.

3. Les infractions de responsabilité absolue où il n’est pas loisible à l’accusé de se disculper en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.

[C’est moi qui souligne.]

Dans le même arrêt, le juge Dickson ajoute:

Les infractions criminelles dans le vrai sens du mot tombent dans la première catégorie. Les infractions contre le bien-être public appartiennent généralement à la deuxième catégorie. Elles ne sont pas assujetties à la présomption de mens rea proprement dite. Une infraction de ce genre tombera dans la première catégorie dans le seul cas où l’on trouve des termes tels que «volontairement», «avec l’intention de», «sciemment» ou «intentionnellement» dans la disposition créant l’infraction. En revanche, le principe selon lequel une peine ne doit pas être infligée à ceux qui n’ont commis aucune faute est applicable. Les infractions de responsabilité absolue seront celles pour lesquelles le législateur indique clairement que la culpabilité suit la simple preuve de l’accomplissement de l’acte prohibé. L’économie générale de la réglementation adoptée par le législateur, l’objet de la législation, la gravité de la peine et la précision des termes utilisés sont essentiels pour déterminer si l’infraction tombe dans la troisième catégorie.

D’accord avec tous les juges des cours d’instance inférieure, y compris le juge dissident en Cour d’appel, je conclus qu’il s’agit en l’espèce d’une infraction contre le bien-être public qui peut donc à juste titre être appelée «une infraction de responsabilité stricte» au sens de la catégorie établie par le juge Dickson (précité) et que l’accusé bénéficie en conséquence d’un moyen de défense s’il «croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu» innocent son acte qui consistait à continuer à conduire son véhicule à moteur sans permis de conduire.

Les circonstances à l’origine de ce pourvoi, qu’on ne conteste pas sérieusement, sont en substance les suivantes.

Le 6 mars 1979 l’intimé a été déclaré coupable d’avoir [TRADUCTION] «commis le délit de fuite contrairement au par. 233(2) du Code criminel», en conséquence de quoi le registraire des véhicules

[Page 609]

à moteur de la province de la Nouvelle-Écosse, conformément au par. 250(1) de la Motor Vehicle Act, lui a envoyé le 10 avril 1979 une ordonnance de retrait de son permis de conduire. En temps voulu l’intimé a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité et, le 1er mai 1979, on lui a fait parvenir un avis de rétablissement de ses droits de conducteur avec effet à partir de cette date. Le 21 décembre 1979, il y a eu dépôt auprès du greffier de la Cour de comté d’une décision écrite rejetant l’appel et, ce qui particulièrement important en l’espèce, dans le courant du mois de janvier 1980, l’avocat de l’intimé l’a informé du rejet.

Ce n’est que le 25 janvier 1980 vers 9 h que l’intimé, qui se rendait alors au travail au volant de son véhicule à moteur, s’est fait arrêter par la GRC qui lui a demandé de produire son permis de conduire. Ce même jour, au cours de la soirée, l’intimé a reçu dans son courrier un avis intitulé [TRADUCTION] «Ordonnance de retrait du permis» et revêtu de la signature du registraire des véhicules à moteur qui disait agir [TRADUCTION] «en vertu du pouvoir dont je suis investi par l’art. 250 de la Motor Vehicle Act».

Le 11 mars 1980 on a enfin délivré à l’intimé une sommation lui imputant l’infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité dont il s’agit en l’espèce. Comme le registraire des véhicules à moteur a dit agir dans l’exercice du pouvoir que lui confère l’art. 250 de la Motor Vehicle Act, j’estime souhaitable de reproduire intégralement les dispositions pertinentes de cet article. En voici le texte dont j’ai souligné les parties que je considère particulièrement importantes:

[TRADUCTION] 250 (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), le registraire ou le directeur de la sécurité routière doit, lorsqu’il reçoit avis qu’une personne a été reconnue coupable:

a) d’un homicide involontaire coupable par suite de la conduite d’un véhicule à moteur, contrairement à l’article 219 du Code criminel;

b) d’une infraction aux articles 203, 204, 233, 234, 235, 236, 238 ou 295 du Code criminel;

c) du vol d’un véhicule à moteur, contrairement à l’article 294 du Code criminel;

d) de toute infraction au Code criminel désignée par le gouverneur en conseil;

[Page 610]

e) d’une fausse déclaration ou assertion, que ce soit ou non dans un affidavit auprès du département ou du registraire, contrairement à la présente loi; ou

f) d’une infraction à l’article 258 de la présente loi,

retirer, avec effet à partir de la date de la déclaration de culpabilité, le permis de conduire de cette personne.

(2) Nonobstant le paragraphe (1) mais sous réserve des paragraphes (3) et (4), lorsqu’une personne est déclarée coupable de l’un des crimes ou infractions visés au paragraphe (1), il y a alors retrait du permis de conduire ou du droit d’en obtenir un.

(3) Sur appel interjeté dans les formes prescrites par la loi à l’encontre d’une déclaration de culpabilité d’une infraction visée au paragraphe (1), la personne est, aux fins des paragraphes (1) et (2) et des autres dispositions de la présente loi, réputée ne pas avoir été reconnue coupable tant que l’appel n’aura pas été entendu, tranché et rejeté ou qu’il n’y aura pas eu désistement ou extinction du droit d’en appeler; si une de ces circonstances survient, il doit alors y avoir retrait du permis de conduire ou du droit d’en obtenir un.

(4) Celui à qui on a retiré le permis de conduire en vertu du présent article peut conduire un véhicule à moteur jusqu’à midi le troisième jour qui suit la date de sa déclaration de culpabilité, de manière à pouvoir regagner son domicile ou vendre ou autrement disposer d’un véhicule à moteur immatriculé en son nom.

(5) La cour ou le magistrat qui déclare une personne coupable de l’un des crimes ou infractions visés au paragraphe (1) est tenu d’informer cette personne de l’effet du présent article, mais l’omission de le faire ne compromet nullement la validité du retrait du permis.

(6) Lorsqu’une personne est déclarée coupable, par une cour ou un magistrat, de l’un des crimes ou infractions visés au paragraphe (1) et qu’il y a retrait de son permis de conduire, cette personne est tenue de produire immédiatement ledit permis auprès de la cour ou du magistrat qui y inscrira la mention suivante ou des mots en même sens:

«invalide à partir de midi le jour de 19 ».

et elle est tenue de l’endosser, mais l’omission de le faire ne compromet nullement la validité du retrait du permis.

(7) Sur appel interjeté, dans les formes prescrites par la loi, à l’encontre d’une déclaration de culpabilité d’une infraction visée au paragraphe (1), la cour ou le magistrat dont la décision est portée en appel peut inscrire sur le permis de conduire la mention suivante ou des mots en même sens:

[Page 611]

«Sursis au retrait du permis en attendant l’issue de l’appel»;

cette mention doit être datée et endossée par celui qui la fait.

(8) Lorsqu’un appel a été entendu, tranché et rejeté ou qu’il y a eu désistement ou extinction du droit d’en appeler, la cour saisie de l’appel ou le registraire peut ordonner à l’intéressé de comparaître et de remettre son permis de conduire; le respect de cette ordonnance peut être assuré par un agent de la paix.

L’intimé ne conteste ni la validité de sa déclaration de culpabilité (intervenue le 6 mars 1979) d’une infraction au par. 233(2) du Code criminel, ni celle de l’avis de l’ordonnance de retrait de son permis que le registraire des véhicules à moteur lui a fait parvenir le 10 avril de cette même année. Il se dégage nettement du par. 250(1) de la Motor Vehicle Act que, sur réception d’une preuve de pareille déclaration de culpabilité, le registraire doit obligatoirement retirer le permis du chauffeur coupable; mais la question soulevée en l’espèce concerne la situation d’un chauffeur qui a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité, et pour trancher cette question il faut examiner attentivement le par. 250(3) aux termes duquel, lorsqu’une personne qui a été déclarée coupable d’une infraction à l’art. 233 du Code criminel se pourvoit en appel contre cette déclaration de culpabilité, elle «est, aux fins [du] paragraphe… (1) [de l’art. 250]…, réputée ne pas avoir été reconnue coupable tant que l’appel n’aura pas été entendu …et rejeté»; si cette circonstance survient «il doit alors y avoir retrait du permis de conduire ou du droit d’en obtenir un».

En prononçant l’acquittement de l’intimé, le juge du procès a tiré les conclusions suivantes relativement à l’effet de l’avis intitulé «Ordonnance de retrait du permis», avis que MacDougall n’a reçu que l’après-midi du 25 janvier alors que l’accusation en l’espèce allègue une infraction à l’art. 258 de la Motor Vehicle Act qui aurait eu lieu à 9 h du matin ce jour-là.

A cet égard le savant juge du procès a conclu:

[TRADUCTION] J’ajoute foi au témoignage de M. MacDougall selon lequel il n’a reçu la lettre recommandée que dans cet après-midi-là et seule reste à trancher la question à la fois de droit et de fait de savoir s’il croyait

[Page 612]

avoir le droit de conduire et si cela constitue un moyen de défense. En premier lieu, je crois M. MacDougall quand il dit avoir vraiment eu l’impression qu’il avait le droit de conduire jusqu’à ce que le département des Véhicules à moteur, plus précisément le registraire, l’ait avisé que, par suite de la décision rendue en appel, son permis de conduire était de nouveau suspendu. Je fonde cette conclusion sur son attitude et sur le témoignage qu’il a rendu à la barre, sur son comportement lorsqu’il a été arrêté et sur le fait qu’il conduisait ouvertement.

Le juge du procès a également conclu à l’égard de MacDougall que:

[TRADUCTION] Étant donné qu’il avait par le passé reçu un avis du département et compte tenu de la correspondance émanant de celui-ci, je tiens pour acquis que M. MacDougall aurait été porté à croire sincèrement qu’il était raisonnable de s’attendre qu’à l’issue de l’appel, le département lui fasse parvenir un avis quelconque.

Le juge Sullivan ainsi que la Cour d’appel à la majorité ont confirmé ces conclusions, jugeant qu’elles établissent l’existence d’un moyen de défense contre l’accusation portée en l’espèce, car il s’en dégage que l’accusé a cru à un état de faits inexistant au sens de l’arrêt R. c. Sault Ste-Marie, précité. Pour ma part, je me vois dans l’obligation de conclure que l’erreur commise par l’intimé en est une de droit en ce qui concerne son droit, vu le par. 250(3), de continuer à conduire après le rejet de son appel. Il s’agit là d’une erreur de droit que, compte tenu de l’art. 19 du Code criminel, l’intimé ne peut invoquer comme moyen de défense. L’article 19 est ainsi rédigé:

19. L’ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n’excuse pas la perpétration de cette infraction.

Cette disposition, qui ne fait que codifier la règle de la common law, s’applique sans aucun doute en l’espèce.

A cet égard, le juge Macdonald introduit un nouveau concept dans le droit en matière d’erreur lorsqu’il dit au nom de la Cour d’appel:

[TRADUCTION] VU les faits de l’espèce et compte tenu de ce que je viens de dire, je ne suis pas convaincu que l’erreur de l’intimé quant à la date ou au moment où le retrait de son permis devait prendre effet soit purement une erreur de droit. Il s’agit en fait d’une erreur raisonnable fondée sur certains actes du registraire, qui peut donc n’être qu’une erreur de fait ou une erreur mixte de fait et de droit.

[Page 613]

A supposer toutefois que ce soit une erreur de droit, j’estime que les conclusions de fait du juge du procès appuient une défense de justification parce que l’intimé s’est fondé sur la conduite antérieure du registraire. Ce moyen de défense pourrait être appelé la défense d’erreur provoquée par un fonctionnaire ou peut-être s’agit-il d’une espèce d’apparence de droit.

On envisage sans difficulté une situation où une infraction pourrait être commise par suite d’une erreur de droit «provoquée par un fonctionnaire» et, s’il existait en l’espèce des éléments de preuve à l’appui de l’existence de pareille situation, il y aurait peut-être eu lieu d’appliquer le raisonnement du juge Macdonald. Cependant, rien n’indique que dans la présente affaire l’accusé a été induit en erreur par le registraire. Dans tout le témoignage de l’accusé, seul porte le moindrement à croire à l’existence d’un pareil état de choses le passage suivant tiré de son contre-interrogatoire:

[TRADUCTION] Q. Mais de toute façon, monsieur, vous avez reçu le 10 avril 1979 avis du retrait du permis?

R. Le 10 avril…

Q. Du moins il était daté du 10 avril?

R. Oui.

Q. A ce moment-là vous saviez avec certitude que votre permis avait été retiré?

R. Non, pas exactement, le 10 avril, oui je savais que le permis avait été retiré à ce moment-là en raison de cette accusation précise.

Q. Alors vous saviez à ce moment-là qu’il y avait eu retrait du permis?

R. Oui, par suite de l’avis du département des Véhicules à moteur.

Q. Oui, c’est essentiellement cela que je vous demande; vous avez alors déposé un avis d’appel, n’est-ce pas?

R. Oui, c’est exact.

Q. Vous en avez appelé de la décision rendue contre vous, n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Après avoir déposé l’avis d’appel, vous avez reçu du registraire des véhicules à moteur un avis de rétablissement?

R. C’est exact.

[Page 614]

Q: Le permis a été rétabli en attendant l’issue de l’appel?

R. En attendant, il a été rétabli en attendant l’issue de l’appel.

Plus tôt, M. MacDougall avait rendu le témoignage suivant:

[TRADUCTION] Q. Après avoir reçu avis du rejet de l’appel, M. MacDougall, vous est-il jamais venu à l’esprit que votre permis était peut-être suspendu?

R. Bien, j’avais l’impression que je recevrais à un moment donné avis du retrait du permis, oui.

Q. Vous êtes-vous rendu compte que vous pouviez à ce moment même être sous le coup d’une suspension?

R. Pas à ce moment-là, non.

Q. Vous attendiez donc un avis émanant du registraire des véhicules à moteur?

R. Bien, comme dans le cas de l’accident antérieur j’avais reçu avis du département des Véhicules à moteur, j’ai présumé que jusqu’à réception de pareil avis, je pouvais continuer à conduire une voiture.

J’ai peine à concevoir une disposition à la fois plus claire et plus impérative que le par. 250(3) de la Motor Vehicle Act, aux termes duquel il y a «retrait» automatique du permis de conduire lorsqu’un appel est «rejeté». L’appelant ne peut donc s’appuyer sur son ignorance de l’obligation imposée par cette loi.

Avant de terminer, je voudrais mentionner l’arrêt R. c. Prue, R. c. Baril, [1979] 2 R.C.S. 547, où la Cour à la majorité a conclu qu’aux fins du Code criminel, est une simple question de fait la question de savoir si une suspension a pris effet. Dans cette affaire, il était question de l’application du par. 238(3) du Code criminel, et il ressort de la p. 552 des motifs de la majorité, rédigés par le Juge en chef, qu’il y a une distinction entre l’application d’une disposition du Code criminel créant une infraction relative à la conduite d’un véhicule automobile et l’application d’un texte législatif provincial.

A mon avis, la question de l’ignorance d’un fait ou de l’ignorance de la loi convient bien à l’application de la loi provinciale en vertu de laquelle on suspend le permis

[Page 615]

de conduire, mais non à l’application du par. 238(3) du Code criminel.

J’estime que les motifs que je viens d’exposer ne sont aucunement incompatibles avec l’arrêt de la Cour Prue et Baril.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis d’accueillir ce pourvoi et d’ordonner un nouveau procès.

Pourvoi accueilli.

Procureurs de l’appelante: Kenneth W. Fiske et Dana W. Giovannetti, Ministère du Procureur général, Halifax.

Procureurs de l’intimé: Doucet, Kelly, Evans & MacIsaac, Port Hawkesbury.


Synthèse
Référence neutre : [1982] 2 R.C.S. 605 ?
Date de la décision : 23/11/1982
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Procès - Moyens de défense - Erreur - Accusation d’avoir conduit un véhicule automobile sans permis - Permis révoqué par suite d’une infraction criminelle relative à la conduite d’un véhicule automobile et rétabli en attendant l’issue de l’appel - L’intimé savait que l’appel avait été rejeté, mais n’a pas reçu d’avis officiel de révocation après la décision rendue en appel - Absence de mens rea - S’agit-il d’une accusation de responsabilité stricte de sorte qu’il y a lieu d’invoquer le moyen de défense fondé sur l’erreur de fait? - Y a-t-il lieu de retenir le moyen de défense d’«erreur provoquée par un fonctionnaire»? - Motor Vehicle Act, R.S.N.S. 1967, chap. 191, art. 250, 258(2).

Les droits de conducteur de l’intimé, révoqués après qu’il a été reconnu coupable d’avoir commis une infraction criminelle relative à la conduite d’un véhicule automobile et rétablis au cours des procédures d’appel, ont été révoqués de façon définitive par suite du rejet de l’appel. Bien qu’il fût au courant de la décision rendue en appel, au moment où la police l’a arrêté et lui a demandé de produire son permis de conduire l’intimé n’avait pas encore reçu l’ordonnance de retrait du permis. Ultérieurement, on a délivré à l’intimé une sommation l’accusant d’avoir commis l’infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité qui consiste à conduire un véhicule automobile alors que son permis de conduire est révoqué. Le pourvoi se rapporte à cette accusation qui a été rejetée par le juge du procès, décision que la Cour de comté et la Cour d’appel ont confirmée en appel.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

L’infraction que crée le par. 258(2) de la Motor Vehicle Act est une infraction de responsabilité stricte et l’accusé bénéficie d’un moyen de défense s’il «croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu» innocent son acte qui consistait à continuer à conduire sans permis. Toutefois, l’erreur commise par l’intimé est une erreur de droit en ce qui concerne son droit, vu le par. 250(3) de la Loi, de

[Page 606]

continuer à conduire après le rejet de son appel. Il résulte de l’art. 19 du Code criminel, qui dispose que l’ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n’excuse pas la perpétration de cette infraction, que l’intimé ne peut invoquer l’erreur de droit comme moyen de défense. Puisque l’accusé n’a pas été induit en erreur par le registraire des véhicules à moteur, point n’est besoin de tenir compte de la défense de justification qui pourrait être invoquée dans le cas où il y aurait une erreur de droit «provoquée par un fonctionnaire».


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : MacDougall

Références :

Jurisprudence: arrêt examiné: R. c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299

arrêt mentionné: R. c. Prue, R. c. Baril, [1979] 2 R.C.S. 547.

Proposition de citation de la décision: R. c. MacDougall, [1982] 2 R.C.S. 605 (23 novembre 1982)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1982-11-23;.1982..2.r.c.s..605 ?
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