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21/12/1982 | CANADA | N°[1982]_2_R.C.S._856

Canada | Kwiatkowsky c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 2 R.C.S. 856 (21 décembre 1982)


Cour suprême du Canada

Kwiatkowsky c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 2 R.C.S. 856

Date: 1982-12-21

Jan Piotr Kwiatkowsky Appelant;

et

Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration Intimé;

et

Le procureur général du Canada Mis en cause.

N° du greffe: 16239.

1982: 13 mai; 1982: 21 décembre.

Présents: Les juges Dickson, Estey, McIntyre, Lamer et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (1980), 34 N.R. 237, qui a rejeté

l’appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Commission d’appel de l’immigration. Pourvoi rejeté.

Julius Grey, pour l’appelant.

Norman...

Cour suprême du Canada

Kwiatkowsky c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 2 R.C.S. 856

Date: 1982-12-21

Jan Piotr Kwiatkowsky Appelant;

et

Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration Intimé;

et

Le procureur général du Canada Mis en cause.

N° du greffe: 16239.

1982: 13 mai; 1982: 21 décembre.

Présents: Les juges Dickson, Estey, McIntyre, Lamer et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (1980), 34 N.R. 237, qui a rejeté l’appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Commission d’appel de l’immigration. Pourvoi rejeté.

Julius Grey, pour l’appelant.

Normand Lemyre, pour l’intimé.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE WILSON — L’appelant est né à Oberstinebach, en Allemagne, le 1er juin 1945. Il est citoyen polonais, marié et sa femme et ses deux enfants vivent en Pologne. Ses parents vivent encore, ils sont aussi citoyens polonais et habitent la Pologne. Sa soeur est immigrante reçue et réside au Canada.

A la fin de ses études en Pologne, l’appelant a reçu une formation d’instituteur et a enseigné à plusieurs endroits, en Pologne, avant de venir au Canada, le 30 mai 1977, en visite chez sa soeur. Son visa de visiteur l’autorisait à demeurer au Canada jusqu’au 30 août 1977. Toutefois, les autorités de l’immigration canadienne ont par la suite prolongé son visa de visiteur jusqu’au 11 août 1978. Le 7 septembre 1978, Emploi et Immigration Canada a produit un rapport, en application de l’al. 21(2)e) de la Loi sur l’immigration de 1976, 1976-77 (Can.), chap. 52 selon lequel l’appelant était entré au Canada à titre de visiteur et y était demeuré après l’expiration de sa qualité de visiteur. Il y a eu enquête les 17 et 18 décembre 1978 et pendant cette enquête l’appelant a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention suivant la définition du par. 2(1) de la Loi. L’enquête a immédiatement été reportée en application du par. 45(1) de la Loi et l’interrogatoire sous serment de l’appelant a été tenu le 20 avril 1979.

Le 14 novembre 1979, l’appelant a été avisé que le ministre de l’Emploi et de l’Immigration avait jugé qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention et l’appelant, se prévalant du par. 70(1) de la Loi, a tout de suite présenté à la Commission d’appel de l’immigration une

[Page 858]

demande de réexamen de sa revendication du statut de réfugié. Par ordonnance du 14 décembre 1979, la Commission a refusé que la demande suive son cours et décidé que l’appelant n’était pas un réfugié au sens de la Convention. L’appelant a demandé à la Cour d’appel fédérale, en application de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, la révision de la décision de la Commission, mais sa demande a été rejetée. L’autorisation de se pourvoir devant cette Cour a été accordée le 20 octobre 1980.

L’avocat de l’appelant soutient que la Commission d’appel de l’immigration a appliqué le mauvais critère pour décider que l’appelant n’était pas un réfugié au sens de la Convention et soutient que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en approuvant ce critère. Il souligne que la procédure prévue dans la Loi, lorsque la revendication du statut de réfugié par un requérant a été rejetée par le Ministre, est plutôt inhabituelle. Même si la Loi lui accorde un recours auprès de la Commission d’appel de l’immigration pour obtenir un réexamen de son statut de réfugié, le recours n’est ni un appel au sens ordinaire, ni un examen judiciaire. Pour bien comprendre ses prétentions, il est nécessaire d’étudier les art. 70 et 71 de la Loi.

70. (1) La personne qui a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention et à qui le Ministre a fait savoir par écrit, conformément au paragraphe 45(5), qu’elle n’avait pas ce statut, peut, dans le délai prescrit, présenter à la Commission une demande de réexamen de sa revendication.

(2) Toute demande présentée à la Commission en vertu du paragraphe (1) doit être accompagnée d’une copie de l’interrogatoire sous serment visé au paragraphe 45(1) et contenir ou être accompagnée d’une déclaration sous serment du demandeur contenant

a) le fondement de la demande;

b) un exposé suffisamment détaillé des faits sur lesquels repose la demande;

c) un résumé suffisamment détaillé des renseignements et des preuves que le demandeur se propose de fournir à l’audition; et

d) toutes observations que le demandeur estime pertinentes.

71. (1) La Commission, saisie d’une demande visée au paragraphe 70(2), doit l’examiner sans délai. A la suite

[Page 859]

de cet examen, la demande suivra son cours au cas où la Commission estime que le demandeur pourra vraisemblablement en établir le bien-fondé à l’audition; dans le cas contraire, aucune suite n’y est donnée et la Commission doit décider que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention.

L’avocat signale que lorsqu’une personne revendique le statut de réfugié au cours d’une enquête relative à la légalité de sa présence au Canada, les art. 45 et suivants disposent qu’un agent supérieur de l’Immigration doit interroger le demandeur sous serment et le demandeur a le droit d’être représenté par avocat. Toutefois il n’y est pas question d’interrogatoire de témoins ni de possibilité de présenter d’autre forme de preuve. La transcription de l’interrogatoire est transmise au Ministre, à Ottawa, et celui-ci doit la soumettre pour avis au conseil consultatif sur le statut de réfugié. La décision cependant relève uniquement du Ministre. Le demandeur n’a le droit ni de présenter de preuve supplémentaire, ni de comparaître en personne, ni de demander à être entendu, ni de demander les motifs de la décision. L’avocat souligne également que, même si en rendant sa décision le Ministre exerce peut-être une fonction purement administrative, il est quand même tenu d’agir équitablement. L’avocat n’a pas développé sa pensée sur le contenu de cette obligation.

L’avocat ajoute que le réexamen fait par la Commission est une fonction judiciaire ou quasi judiciaire parce que, en vertu de l’art. 65 de la Loi, la Commission est une cour d’archives qui a tous les pouvoirs d’une cour supérieure quant à la présence des témoins et à l’examen de documents. Cependant les seuls documents soumis à la Commission lors d’une demande de réexamen en vertu de l’art. 70 sont la demande, une copie de la transcription de l’interrogatoire sous serment et une déclaration, aussi sous serment, du requérant portant sur les objets mentionnés aux al. a) à d) du par. (2). S’il n’existait pas d’art. 71, d’après l’avocat, celui qui demande un réexamen aurait droit à une audition complète et les règles de justice naturelle s’appliqueraient. L’avocat affirme que la question fondamentale soulevée par le présent pourvoi est donc de savoir dans quelle mesure

[Page 860]

l’art. 71 de la Loi supprime ces droits. Autrement dit, la question à laquelle il faut répondre est la suivante: quand la Commission peut-elle, en fonction de la demande et des documents qui l’accompagnent conformément à l’article, refuser que la demande suive son cours et déclarer que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention et quand doit-elle accepter qu’elle suive son cours? Quel est le critère à appliquer en vertu de l’art. 71?

L’avocat de l’appelant soutient qu’en l’espèce et dans des causes antérieures, la Cour d’appel fédérale a appliqué ce qu’il a appelé un critère «sévère», savoir que la Commission doit rejeter une demande à moins qu’elle ne soit convaincue que la demande «a plus de chances d’être accueillie que rejetée». L’avocat affirme que ce critère se retrouve dans une série d’arrêts de la Cour d’appel fédérale, notamment Lugano c. Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, [1976] 2 C.F. 438; Maslej c. Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, [1977] 1 C.F. 194; Mensah c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration[1] (inédit) et Villarroel c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration[2] (inédit). Le juge Pratte formule le critère comme ceci dans l’arrêt Villarroel:

A mon avis, le paragraphe 71(1) exige que la Commission ne donne pas suite à la demande non seulement quand elle estime que le demandeur ne pourra vraisemblablement établir le bien-fondé de sa revendication, mais aussi quand le pour et le contre s’équilibrent au point que la Commission ne peut en arriver à une conclusion sur ce point. Tel que je comprends le paragraphe 71(1), le demandeur n’a pas Se bénéfice du doute; au contraire, le doute doit s’interpréter contre lui.

En l’espèce, l’appel a été entendu par les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde et les motifs du jugement rédigés par le juge Pratte. Il relate la plaidoirie de l’avocat dans les termes suivants:

L’avocat fait valoir que, dans les circonstances, la Commission aurait dû permettre que la demande du requérant suive son cours puisque, selon lui, le paragraphe 71(1) exige que la Commission permette à toute demande qui lui semble fortement soutenable de suivre son cours. Le paragraphe 71(1), selon lui, ne doit pas être interprété comme permettant à la Commission de

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rejeter sommairement une demande très soutenable, puisqu’une telle interprétation priverait les demandeurs de leur droit à une audition lorsqu’une telle audition pourrait être utile.

A mon avis, cette prétention doit être rejetée. Non seulement elle n’est fondée sur aucune jurisprudence de la Cour, mais encore elle va, d’après moi, à l’encontre du texte même du paragraphe 71(1). Le rapprochement des versions anglaise et française démontre que la Commission est autorisée à donner suite à une demande seulement lorsqu’elle estime que le demandeur pourra (et non pourrait) établir à l’audition le bien-fondé de sa demande. Pour reprendre les termes utilisés par le juge Urie dans l’affaire Lugano, la Commission doit donner suite à une demande lorsqu’elle estime que le demandeur sera «probablement» en mesure d’établir le bien-fondé de sa demande à l’audition.

Il convient de citer à nouveau le texte du par. 71(1):

71. (1) La Commission, saisie d’une demande visée au paragraphe 70(2), doit l’examiner sans délai. A la suite de cet examen, la demande suivra son cours au cas où la Commission estime que le demandeur pourra vraisemblablement en établir le bien-fondé à l’audition; dans le cas contraire, aucune suite n’y est donnée et la Commission doit décider que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention.

Le renvoi du juge Pratte à la version française de l’article vise spécialement, je crois, les mots «… pourra vraisemblablement en établir … ». Le Harrap’s Standard French and English Dictionary traduit «vraisemblablement» par probably, very likely. «Pourra» est le futur du verbe «pouvoir». La traduction littérale [du français à l’anglais] serait donc «… will probably be able to establish … ».

Après avoir fait allusion, dans ses motifs, aux pouvoirs inhabituels que l’article confère à la Commission de [TRADUCTION] «déterminer à un stade préliminaire non pas s’il existe une cause valable, mais s’il y a une probabilité ou une vraisemblance de succès, sans savoir ce qu’une audition complète pourrait ajouter aux arguments», le juge Le Dain, conclut que la question qui se pose est «de savoir si la Commission peut estimer que, à une audition devant la Commission, la demande va vraisemblablement aboutir». (C’est moi qui souligne.)

[Page 862]

Je me suis demandé si les juges de la Cour d’appel fédérale ont appliqué un critère plus sévère en l’espèce que ne l’a fait la Commission d’appel. La Commission a dit:

Compte tenu du dossier dans son ensemble, la Commission conclut que M. Kwiatkowski, d’après sa déposition, pourrait être fondé à croire qu’il a fait l’objet de discrimination dans son poste d’enseignant du fait de ses convictions religieuses. Cependant, il n’y a aucune preuve de persécution. Il a lui-même déclaré dans son témoignage qu’il avait pu se marier dans une église catholique, faire baptiser ses enfants et, en même temps, garder son emploi d’enseignant.

Par conséquent, après un examen attentif de cette demande, la Commission estime que le demandeur ne pourra vraisemblablement établir le bien-fondé de la revendication à l’audition; elle décide donc que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention.

Pour arriver à cette conclusion, la Commission a étudié en détail le témoignage de l’appelant pour déterminer s’il satisfaisait à la définition de réfugié au sens de la Convention que donne l’art. 2 de la Loi. La définition se lit ainsi:

2. (1) Dans la présente loi

«réfugié au sens de la Convention» désigne toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques

a) se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou

b) qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner;

La Commission a conclu que l’élément essentiel pour qu’une personne obtienne le statut de réfugié est qu’elle «[craigne] avec raison d’être persécutée». Elle peut entretenir une crainte subjective de persécution si elle retourne dans son pays, mais sa crainte doit être appréciée de façon objective pour déterminer si elle est fondée. La Commission a donc examiné la prétention de l’appelant suivant laquelle il craignait avec raison d’être persécuté pour des motifs d’opinions politiques et a conclu qu’aucun élément de preuve n’étayait sa prétention. Elle s’est ensuite demandé s’il craignait avec

[Page 863]

raison d’être persécuté pour des motifs religieux et a, encore là, conclu que la preuve ne justifiait pas une telle crainte. La Commission n’a pas été non plus convaincue par sa prétention fondée sur l’article de The Gazette selon lequel il aurait, à un moment donné, demandé l’asile politique au Canada; ce qui était apparemment faux. La Commission a exprimé l’avis que cela n’en faisait pas un «réfugié» au sens de la définition étant donné l’absence de toute preuve que la crainte de persécution pouvait raisonnablement découler d’une telle publication.

Il n’y a pas de doute que la Commission a constaté que même s’il y avait des éléments de preuve de l’existence d’une discrimination à l’égard de l’appelant à cause de ses croyances religieuses, aucun élément de preuve ne pouvait raisonnablement justifier chez lui une crainte de persécution en raison de ses croyances religieuses ou de ses opinions politiques. Ce sont là des conclusions auxquelles la Commission pouvait arriver étant donné la preuve qui lui a été soumise. En conséquence la Commission a estimé que le demandeur «ne pourra vraisemblablement pas établir le bien-fondé de la revendication». A mon avis, il est impossible de savoir si, dans sa décision, la Commission visait, en citant le mot could de la version anglaise de l’article, une possibilité ou une probabilité. Autrement dit, selon les termes du juge Pratte, il n’est pas clair si la Commission voulait dire «pourrait» ou «pourra». Je crois que la version anglaise de l’article peut donner lieu aux deux interprétations. Je ne puis accepter la prétention de l’intimé selon laquelle l’exigence qu’il y ait des reasonable grounds ajoute une idée de probabilité plutôt que de possibilité dans le mot could de la version anglaise. Il peut y avoir des motifs raisonnables de croire qu’il serait possible d’établir le bien-fondé de la revendication et des motifs raisonnables de croire qu’il serait probable de l’établir. A mon avis, l’emploi de l’expression reasonable grounds n’a aucune incidence sur la bonne interprétation du mot could.

La version française éclaire quelque peu la question en employant le mot «vraisemblablement». Je crois que cela indique clairement que le législateur visait plutôt des probabilités que des possibilités.

[Page 864]

Je crois donc que le critère de probabilité énoncé dans l’arrêt Lugano (précité), est celui qui s’applique en vertu de l’article. En mentionnant un critère différent, dans l’arrêt Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration c. Fuentes, [1974] 2 C.F. 331, le juge Pratte ne visait pas, à mon avis, la question du critère à appliquer, mais il résumait simplement les diverses étapes du processus. Je ne crois pas que l’appelant puisse tirer grand avantage des observations du juge Pratte. L’arrêt Fuentes est cependant une décision importante quant à la nécessité d’une preuve sérieuse des conditions qui prévalent dans le pays d’origine de la personne et qui pourraient l’inciter à craindre «avec raison» la persécution, précisément le type de preuve que la Commission a estimé absente en l’espèce.

Revenons à la question posée par le présent pourvoi, la Cour d’appel fédérale a-t-elle appliqué le mauvais critère dans sa révision de la décision rendue par la Commission en application de l’art. 71 de la Loi? Je me reporte aux motifs du juge Pratte auxquels le juge Hyde a souscrit. Le juge Pratte a manifestement rejeté le critère proposé par l’avocat de l’appelant, c’est-à-dire que la Commission devrait laisser toute demande qui lui paraît «fortement soutenable» suivre son cours. Je crois qu’il a eu raison de rejeter ce critère parce qu’il est incompatible avec le texte de la Loi, notamment avec sa version française. Je comprends difficilement cependant la dernière partie de ses motifs, où il dit:

Le rapprochement des versions anglaise et française démontre que la Commission est autorisée à donner suite à une demande seulement lorsqu’elle estime que le demandeur pourra (et non pourrait) établir à l’audition le bien-fondé de sa demande. Pour reprendre les termes utilisés par le juge Urie dans l’affaire Lugano, la Commission doit donner suite à une demande lorsqu’elle estime que le demandeur sera «probablement» en mesure d’établir le bien-fondé de sa demande à l’audition.

Il ressort de ce que j’ai déjà dit que je crois que la formulation du critère énoncé par le juge Urie dans l’arrêt Lugano est la bonne. Pour autant que l’emploi par le juge Pratte du mot «pourra», sans réserve, comporte un critère plus exigeant qu’un simple critère de probabilité, il n’est pas conforme

[Page 865]

au critère énoncé dans l’arrêt Lugano et doit, à mon avis, être rejeté. Je ne crois pas cependant que, même s’il y a une différence entre les deux façons dont le savant juge a énoncé le critère, cela entache ses motifs puisqu’à mon avis la Cour a manifestement bien interprété le texte de l’article en recourant à l’idée de probabilité quant aux chances de succès de l’appelant lors d’une audition complète. Il ne suffit tout simplement pas d’avoir, en vertu de l’article, une cause «fortement soutenable». Le juge Le Dain a exprimé son accord avec ses collègues sur ce point. La Commission est venue à la conclusion, vu la preuve qui lui était soumise, que l’appelant ne pourrait vraisemblablement pas établir le bien-fondé de sa revendication. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette conclusion. Que la Commission ait pensé could possibly ou could probably, cela ne vient pas en aide à l’appelant. En réalité il serait dans une situation bien plus précaire si la Commission avait estimé qu’il ne pourrait vraisemblablement pas établir le bien-fondé de sa revendication. Et ce pourrait bien être le cas, étant donné la conclusion de la Commission qu’aucun élément de preuve ne justifiait qu’il craigne avec raison d’être persécuté pour aucun des motifs invoqués.

Puisque je conclus que la Cour d’appel fédérale n’a pas commis d’erreur donnant lieu à cassation quant au critère qu’elle a appliqué pour contrôler la décision de la Commission d’appel de l’immigration, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant: Gareau, Grey & Pohoryles, Montréal.

Procureur de l’intimé: Normand Lemyre, Montréal.

[1] N° du greffe A-527-79, 2 mai 1980.

[2] N° du greffe A-573-78, 23 mars 1979.


Synthèse
Référence neutre : [1982] 2 R.C.S. 856 ?
Date de la décision : 21/12/1982
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Immigration - Réfugié au sens de la Convention - Critère applicable au réexamen du statut de réfugié - Loi sur l’immigration de 1976, 1 (Can.), chap. 52, art. 71.

Après le rejet par le Ministre de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, l’appelant a présenté à la Commission d’appel de l’immigration une demande de réexamen de sa revendication. La Commission a refusé que la demande suive son cours et la Cour d’appel fédérale a rejeté une demande de révision de cette décision. La question soumise à cette Cour porte sur le critère applicable en vertu de l’art. 71 de la Loi sur l’immigration de 1976: quand la Commission peut-elle, en fonction de la demande et des documents qui l’accompagnent dont il est fait mention dans l’article, refuser que la demande suive son cours et déclarer que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention?

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le critère de probabilité énoncé dans l’arrêt Lugano est celui qui s’applique en vertu de l’article. La Commission doit laisser la demande suivre son cours si elle estime que le demandeur sera «probablement» en mesure d’établir le bien-fondé de sa demande à l’audition. Il ne suffit pas d’avoir une cause «fortement soutenable» pour satisfaire au critère de l’art. 71.


Parties
Demandeurs : Kwiatkowsky
Défendeurs : Ministre de l’Emploi et de l’Immigration

Références :

Jurisprudence: Lugano c. Ministre de la Main d’oeuvre et de l’Immigration, [1976] 2 C.F. 438

Maslej c. Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, [1977] 1 C.F. 194

Mensah c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, C.A.F. n° A-527-79, 2 mai 1980

Villarroel c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration,
[Page 857]
C.A.F. n°. A-573-78, 23 mars 1979
Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration c. Fuentes, [1974] 2 C.F. 331.

Proposition de citation de la décision: Kwiatkowsky c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 2 R.C.S. 856 (21 décembre 1982)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1982-12-21;.1982..2.r.c.s..856 ?
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