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08/02/1983 | CANADA | N°[1983]_1_R.C.S._171

Canada | Fort Frances c. Boise Cascade Canada Ltd., [1983] 1 R.C.S. 171 (8 février 1983)


Cour suprême du Canada

Fort Frances c. Boise Cascade Canada Ltd., [1983] 1 R.C.S. 171

Date: 1983-02-08

The Corporation of the Town of Fort Frances Appelante;

et

Boise Cascade Canada Ltd. et Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario Intimées;

et entre

Boise Cascade Canada Ltd. Appelante;

et

Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario et The Corporation of the Town of Fort Frances Intimées;

et

Le procureur général du Canada Intervenant;

et entre

Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario Appelante;



et

Boise Cascade Canada Ltd. et The Corporation of the Town of Fort Frances Intimées.

Nos du greffe: 16822, 16823 et 16844.

1982: 13 e...

Cour suprême du Canada

Fort Frances c. Boise Cascade Canada Ltd., [1983] 1 R.C.S. 171

Date: 1983-02-08

The Corporation of the Town of Fort Frances Appelante;

et

Boise Cascade Canada Ltd. et Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario Intimées;

et entre

Boise Cascade Canada Ltd. Appelante;

et

Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario et The Corporation of the Town of Fort Frances Intimées;

et

Le procureur général du Canada Intervenant;

et entre

Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario Appelante;

et

Boise Cascade Canada Ltd. et The Corporation of the Town of Fort Frances Intimées.

Nos du greffe: 16822, 16823 et 16844.

1982: 13 et 14 décembre; 1983: 8 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOIS contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1981), 126 D.L.R. (3d) 649, 34 O.R. (2d) 18, qui a accueilli un appel d’un jugement du juge Saunders. Pourvois de la Corporation of the Town of Fort Frances et de Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario rejetés et pourvoi de Boise Cascade Canada Ltd. accueilli.

Royce Frith, c.r., B.A. Crane, c.r., et Henry S. Brown, pour l’appelante la Corporation of the Town of Fort Frances.

T.H. Wickett, c.r., pour l’appelante Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario.

P.C.B. Pepper, c.r., et D.J.T. Mungovan, pour l’intimée Boise Cascade Canada Ltd.

E.A. Bowie, c.r., et Peter Doody, pour l’intervenant le procureur général du Canada.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE ESTEY — La question en litige en l’espèce est de savoir:

Si, et dans quelle mesure, l’intimée Boise Cascade Canada Ltd. est tenue, en vertu des termes du contrat de 1905, de fournir à l’appelante, la ville de Fort Frances, les quantités d’énergie qu’elle demande au prix de 14 $ par horsepower par année.

À mon avis, la question principale en l’espèce porte sur l’interprétation du contrat conclu entre l’auteur de l’intimée Boise Cascade Canada Ltd. et Sa Majesté le Roi du chef de la province de l’Ontario le 9 janvier 1905 concernant l’établissement d’une usine d’énergie électrique sur la rivière à la Pluie.

[Page 174]

Sauf pour faire la lumière sur certaines conditions précises du contrat, l’historique long et parfois complexe des rapports entre les parties n’est pas d’un grand secours.

La municipalité de la ville de Fort Frances (appelée ci-après la «ville») n’est pas partie au contrat, mais elle est un des principaux bénéficiaires des travaux effectués en vertu du contrat par les auteurs de l’intimée Boise Cascade Canada Ltd. (appelée ci-après la «société»).

Le but ou l’objet du contrat visait à établir sur la rivière à la Pluie, qui marque la frontière internationale entre la province de l’Ontario et l’État du Minnesota, une centrale électrique dont le produit, suivant le préambule du contrat,

[TRADUCTION] peut être utilisé aux fins des municipalités et aux fins des usines et des manufactures situées dans les municipalités, contribuant ainsi à l’essor de ces municipalités et du district environnant.

Le complexe consiste en un barrage érigé d’une rive à l’autre et une centrale de production d’énergie à chaque extrémité du barrage, une en Ontario et l’autre au Minnesota. À l’origine, les installations de captage de l’énergie situées au Minnesota fournissaient une énergie mécanique plutôt qu’électrique. La société s’était lancée dans cette entreprise en vue d’établir une ou plusieurs papeteries à Fort Frances et à International Falls, la localité du Minnesota où se trouve le barrage. En 1905, lorsque le contrat a été rédigé et signé, la ville de Fort Frances sur la rive ontarienne n’était qu’une petite localité, et il n’y avait aucun établissement sur le côté américain de la frontière à cet endroit. Plus tard, l’établissement d’International Falls a été fondé du côté américain.

Les installations hydro-électriques ont été achevées et mises en service en 1911. La papeterie sur le côté canadien n’a été mise en service qu’en 1914.

[Page 175]

Pendant plusieurs années, la consommation d’électricité de la ville était minime. De 1910 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa consommation n’a jamais dépassé 765 horsepower et, au cours des dix premières années, elle n’a pas dépassé 100 horsepower. Je dois dire, en comparaison, que la capacité de la centrale canadienne était de 14 000 horsepower, tout comme la capacité de la centrale située sur la rive américaine. Le dossier n’indique pas quand la centrale a été construite du côté américain, mais ce fait n’est pas pertinent en l’espèce. À toutes fins utiles, la production moyenne réelle de la centrale située sur la rive canadienne est de 9 000 horsepower. Malheureusement, lorsque le contrat a été conclu et que les travaux ont été effectués, les quantités d’énergie s’exprimaient en horsepower. Plus tard, l’industrie a indiqué les quantités d’énergie en kilowatts et en kilowattheures. Pour plus de commodité, je mentionnerai l’énergie exprimée en horsepower. À la fin des années 20, la production totale de l’usine GS1 était consommée. En 1924, la ville consommait 450 horsepower, 3 500 horsepower étaient exportés et l’usine canadienne de la société consommait le reste. En 1971, la consommation moyenne d’énergie de la ville dépassait les 9 000 horsepower produits par les génératrices de l’usine canadienne, appelée GS1. En 1925, en vue d’obtenir suffisamment d’énergie pour permettre l’agrandissement de la papeterie, des centrales électriques ont été construites sur la Seine (une rivière située dans la même localité), et l’électricité produite a été acheminée à l’usine de papeterie de Fort Frances. En 1958, le réseau de distribution d’Ontario Hydro s’est raccordé aux installations de la société, et depuis lors, Ontario Hydro fournit de l’électricité à la société. La même année, la consommation de la ville a atteint 4 000 horsepower. En 1958, la demande d’électricité de l’usine de pâtes et papier dépassait de beaucoup l’excédent d’énergie produite par GS1, une fois comblés les besoins de la ville. Ce n’est qu’en 1980 que les installations de l’usine d’énergie située au Minnesota se sont raccordées à la municipalité d’International Falls, sur le côté américain.

Aux fins du présent pourvoi, l’historique de ce complexe hydro-électrique doit comporter une mention de certaines lois spéciales adoptées par le

[Page 176]

Parlement du Canada et la législature de l’Ontario. Ces lois, intitulées Acte concernant l’Ontario and Minnesota Power Company (à responsabilité limitée) et An Act respecting the Ontario and Minnesota Power Company, Limited sont les suivantes:

a) les Statuts du Canada de 1905, chap. 139;

b) Statutes of Ontario 1906, chap. 132:

c) Statutes of Ontario 1911, chap. 7.

a) La Loi fédérale de 1905 autorise l’aménagement de la chute d’eau de la rivière à la Pluie à Fort Frances et ordonne à la société, à l’art. 2, de fournir l’énergie électrique

pour servir sur le côté canadien… concurremment avec la force ou énergie électrique qu’elle fournira pour servir aux États-Unis, de sorte que… il n’y ait pas moins de force ou énergie électrique disponible sur le côté canadien de la frontière internationale que sur le côté américain…

La Loi prévoit en outre que les génératrices, etc., requises pour produire l’énergie consommée du côté canadien de la frontière soient fabriquées au Canada et qu’aucune partie de l’énergie que la Loi ordonne de fournir au côté canadien ne doit être détournée vers les États-Unis ni ne doit y être consommée sans une ordonnance à cette fin de la Commission des chemins de fer du Canada.

Le passage précité de l’art. 2 de la Loi est suivi d’une disposition singulière:

… et, sauf les dispositions de la présente loi, cette force ou énergie électrique sera délivrée sur le côté canadien en la manière et en tel temps que la demande en sera faite.

La Loi ne comporte aucune autre disposition relative à l’utilisation de l’énergie sur le côté canadien de la frontière. Il se peut que la Loi vise d’une part la production de l’énergie électrique des deux côtés de la frontière et qu’elle ordonne d’autre part que l’énergie produite au Canada soit égale, en quantité, à celle produite aux États-Unis. La Loi ne prévoit pas comment et par qui doit être faite une demande pour l’énergie produite au Canada.

Enfin, la Loi comporte une clause d’arbitrage qui renvoie à la Commission des chemins de fer déjà mentionnée, sur demande d’un consommateur

[Page 177]

de l’énergie, la société ou la ville, tout différend relatif au prix de l’énergie, aux modes de distribution de l’énergie, aux époques auxquelles l’énergie doit être fournie ou aux conditions auxquelles elle doit l’être. Elle ne prévoit aucune disposition concernant le renvoi d’un différend relatif à la quantité d’énergie électrique qui doit être fournie à la ville ou à un autre consommateur.

Il faut remarquer que bien que la Loi ait été adoptée environ sept mois après la signature du contrat, elle ne mentionne pas le contrat conclu entre l’Ontario et la société.

b) La Loi ontarienne de 1906, après avoir fait mention de la Loi canadienne, expose:

[TRADUCTION]… et attendu que, nonobstant les dispositions de ladite loi, il est soutenu que la société n’est pas liée par cette loi, mais qu’elle a le droit de disposer de cette énergie hydro-électrique sans tenir compte des restrictions qu’impose ladite loi à cet égard.

On y trouve un autre considérant assez étonnant:

[TRADUCTION]… et attendu qu’il est prétendu que ledit contrat [de 1905] a été conclu sans le consentement de la municipalité de Fort Frances et sans qu’elle en soit informée même si ce contrat porte gravement atteinte aux droits de ladite ville…

Contrairement à la Loi fédérale, la Loi de l’Ontario mentionne de façon précise le contrat de 1905 et énonce, à l’art. 1:

[TRADUCTION] 1. Nonobstant les dispositions contraires (s’il en est) prévues audit contrat… la société doit, à même l’énergie produite actuellement ou à l’avenir sur la rivière à la Pluie… fournir l’énergie… qui doit être consommée sur le côté canadien de la frontière internationale tout comme elle fournit l’énergie… destinée à la consommation aux États-Unis; de sorte qu’en tout temps, s’il n’est prévu autrement dans une ordonnance du lieutenant-gouverneur en conseil, il n’y aura pas moins d’énergie ou d’électricité offerte à la consommation du côté canadien de la frontière internationale que du côté américain et, sous réserve des dispositions de la présente loi, cette énergie ou énergie électrique doit être livrée du côté canadien de la manière et à l’époque demandées.

Mise à part l’obligation d’obtenir la permission du lieutenant-gouverneur en conseil, et non de la Commission des chemins de fer, avant d’exporter l’électricité qui doit être offerte à la consommation

[Page 178]

du côté canadien, les autres dispositions de la Loi ontarienne sont semblables à celles de la Loi fédérale. On trouve cependant une différence importante à l’art. 3, la disposition relative à l’arbitrage, qui prévoit:

[TRADUCTION] 3. Tout différend concernant le prix de l’énergie ou de l’électricité consommée ou destinée à être consommée du côté canadien de la frontière internationale, ou concernant les modes de distribution de l’énergie, ou les délais de fourniture de l’énergie ou les conditions auxquelles elle doit être fournie, doit être tranché par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur requête d’une personne qui demande de l’énergie, de la société ou de la ville de Fort Frances.

Il faut remarquer qu’en vertu de cette loi, la compétence de trancher les différends est attribuée au lieutenant-gouverneur en conseil plutôt qu’à la Commission fédérale, mais les matières précises auxquelles s’applique cette compétence sont les mêmes dans les deux lois, savoir le prix de l’énergie, les modes de distribution et les conditions auxquelles elle doit être fournie. Aucune loi ne prévoit l’arbitrage des différends concernant les quantités d’énergie qui doivent être offertes à un consommateur donné. La Loi ontarienne prévoit des dispositions relatives à la cession de biens-fonds à la société et au droit de la Couronne de conserver certains biens-fonds aux fins d’aménagements industriels ou autres, mais les procédures en l’espèce ne soulèvent aucun litige auquel ces dispositions s’appliquent. Comme dans le cas de la Loi fédérale, il n’y a aucune mention précise de l’établissement, par la société, d’une papeterie du côté canadien de la frontière.

c) La Loi ontarienne de 1911 confirme un contrat conclu entre la société et la province de l’Ontario au mois de juin 1910. L’objet de ce contrat est indiqué au premier considérant qui énonce:

[TRADUCTION]… on ne peut raisonnablement envisager que l’énergie ou l’électricité non consommée soit utilisée dans un avenir raisonnable, même si elle est actuellement disponible pour être consommée sur la rive canadienne de la rivière à la Pluie…

Ainsi, la société a demandé et obtenu le droit d’exporter des quantités d’électricité autorisées à l’occasion par le lieutenant-gouverneur en conseil.

[Page 179]

La preuve révèle que, de fait, des permis ont autorisé le détournement de 3 500 horsepower vers les États-Unis. Ce contrat comporte une anomalie dans un paragraphe non numéroté qui se trouve au milieu du contrat:

[TRADUCTION] Il est en outre convenu que le prix de l’énergie ou de l’électricité fournie ou à fournir par la société du côté canadien aux consommateurs ou aux personnes qui font une demande d’électricité, ou aux personnes qui peuvent devenir consommateurs ou faire une telle demande, l’époque et les conditions auxquelles cette énergie électrique sera fournie et les modes de distribution de cette énergie seront fixés à l’occasion par l’Hydro-Electric Power Commission de l’Ontario sur demande d’un consommateur, d’une personne qui fait une demande d’électricité, d’une personne susceptible de devenir consommateur ou de faire une demande d’électricité, de la ville de Fort Frances, du canton de Mclrving, ou sur demande d’une municipalité, d’une personne, d’une maison de commerce ou d’une société intéressée; et le prix, l’époque, les conditions et les modalités peuvent être déterminés par ladite Commission en tout temps avant ou après qu’une personne, une maison de commerce, une société ou une municipalité a fait à la société une demande d’énergie ou d’électricité.

Là encore, le pouvoir d’établir les conditions relatives à l’énergie produite par GS1 se rapporte au prix de l’énergie mais non aux quantités. Le tableau se complique davantage par la désignation de l’Hydro-Electric Commission de l’Ontario, appelée communément Ontario Hydro, comme l’organisme autorisé à fixer le prix de l’énergie.

Le contrat conclu le 9 janvier 1905 entre la province de l’Ontario et l’auteur de la société est l’acte initial dont paraissent découler tous les autres documents. Le dossier en l’espèce indique clairement que le projet d’aménagement hydroélectrique faisait partie d’un complexe conçu par Edward Wellington Backus, un marchand de bois de Minneapolis. Le plan avait pour but d’exploiter les ressources en bois brut des régions de part et d’autre de la frontière internationale aux environs de Fort Frances, en Ontario. À l’époque du contrat, la région était isolée du reste de l’Amérique du Nord en ce qu’il n’y avait pas de routes, de chemins de fer, d’installations de distribution de courant électrique ni d’autres moyens de transport ou de communication d’un côté ou de l’autre de la frontière sauf, bien sûr, la navigation sur la rivière

[Page 180]

à la Pluie elle-même. Le contrat conclu avec la province de l’Ontario a suivi la conclusion d’accords intervenus entre Backus et les autorités américaines en vue de l’établissement d’installations de production d’énergie sur la rive américaine de la rivière à la Pluie. Après avoir exposé que la ville et ses habitants avaient déjà pressé le gouvernement ontarien d’aménager la chute d’eau sur la rivière à la Pluie, [TRADUCTION] «pour que l’énergie serve aux fins municipales et aux fins des usines et des manufactures dans lesdites municipalités, favorisant ainsi l’essor de ces municipalités et du district environnant», le contrat expose ensuite:

[TRADUCTION] ATTENDU que les acquéreurs [la société] ont demandé la cession en pleine propriété des biens-fonds adjacents à ladite rivière et des biens-fonds qu’inonde ladite rivière, ainsi que des privilèges nécessaires pour permettre aux acquéreurs d’aménager la chute d’eau et d’en faire profiter les municipalités, les usines et les manufactures;

ATTENDU que cette chute d’eau peut être aménagée de façon plus avantageuse et plus profitable par un ouvrage qui englobe la rivière dans toute sa largeur en l’exploitant comme un tout que par des installations indépendantes sur le côté canadien de la frontière internationale, et qu’il est par conséquent d’intérêt public d’adopter ce plan d’aménagement;

ATTENDU que les acquéreurs ont la pleine propriété des biens-fonds et de la chute d’eau du côté américain de la frontière internationale en face de la ville de Fort Frances et qu’ils désirent obtenir du gouvernement de la province de l’Ontario la cession en pleine propriété des biens-fonds et de la chute d’eau situés du côté canadien de la frontière internationale aux fins d’aménager la chute dans tout son cours d’une rive à l’autre à la ligne des hautes eaux et d’utiliser les installations d’emmagasinage qui peuvent être disponibles pour maintenir le niveau de la rivière à cette ligne des hautes eaux, pour obtenir ainsi une grande quantité d’énergie sur la rive canadienne de la rivière aux fins des municipalités et pour l’exploitation d’usines de papeterie, de moulins à farine et à blé et d’autres établissements manufacturiers;

ATTENDU que la construction desdits barrages et le maintien des eaux du lac à la Pluie à un plus haut niveau au cours de la période d’étiage profitera au plus haut point à la navigation;

ATTENDU qu’il est opportun et souhaitable dans l’intérêt de la ville de Fort Frances, du canton de

[Page 181]

Mclrvine et du public en général d’aménager rapidement la chute d’eau dans toute sa largeur et de conclure un contrat à cette fin, selon les modalités et les conditions qui y sont énoncées;

De toute évidence, la production d’énergie sur la rivière à la Pluie exigeait un barrage traversant la rivière d’une rive à l’autre, construit sur des terrains situés dans les deux pays. Les répercussions d’un tel barrage sur la navigation et de l’obligation qui en découle d’aménager un canal de dérivation pour permettre le transport fluvial sont tout aussi évidentes. Il est évident que c’est la raison essentielle de l’intervention du gouvernement canadien.

Les paragraphes essentiels du contrat qui sont pertinents en l’espèce sont:

[TRADUCTION] 1. LE GOUVERNEMENT accepte de vendre, et les acquéreurs [la société] acceptent d’acheter les biens-fonds et les terres inondées suivants, soit TOUTES les parcelles ou étendues de terres et les propriétés sises et situées dans la ville de Fort Frances et y adjacentes, formées des biens-fonds et terres inondées par la rivière à la Pluie indiquées sur le plan et dans la description annexés aux présentes et portant la signature du Commissioner of Crown Lands de l’Ontario, lesquels plan et descriptions font partie intégrante du présent contrat, les biens-fonds en question étant indiqués en rouge sur ledit plan, ainsi que tous les biens-fonds et terres inondées cédés jusqu’ici par la ville de Fort Frances à Sa Majesté le Roi aux fins du présent contrat, ainsi que toutes les chutes d’eau et les privilèges, les droits, les servitudes et les accessoires qui s’y rattachent, moyennant la somme de cinq mille dollars (5 000 $) en argent canadien payable comptant à la signature du présent contrat, et en considération des stipulations et des exigences prévues ci-après et de l’engagement particulier de fournir l’énergie ou l’électricité à la ville de Fort Frances et au canton de Mclrvine, tel que prévu ci-après, dans la mesure que cette ville et ce canton peuvent exiger;

. . .

4. LES ACQUÉREURS conviennent et acceptent d’entreprendre la construction du barrage et des autres ouvrages immédiatement après l’approbation des plans et devis par le lieutenant-gouverneur en conseil et d’achever lesdits barrage et ouvrages conformément auxdits plans et devis le premier janvier 1907, et de produire et de fournir à cette date, pour consommation

[Page 182]

sur la rive canadienne de la rivière, toute la quantité d’énergie qu’il est possible de produire,…

5. LES ACQUÉREURS conviennent et acceptent de fournir, à compter du premier janvier 1907 et par la suite, l’énergie à la ville de Fort Frances et au canton de Mclrvine selon les modes A, B ou C décrits ci-après, au choix de ces municipalités ou de l’une d’elles, aux fins municipales et aux fins d’utilité publique, mais non à des fins commerciales; cette énergie sera fournie sans interruption vingt-quatre heures par jour (sauf lorsqu’il est nécessaire de remplacer des machines ou d’effectuer des réparations);… Les municipalités auront droit de recevoir les quantités d’énergie qu’elles désirent suivant un des modes de livraison indiqués ci-dessus, et, à ces fins, les acquéreurs installeront toutes les turbines, les machines électriques et autres, les moteurs à transmission, les raccords et les appareils ainsi que les autres accessoires nécessaires à la livraison de cette énergie selon que l’exigent les modes mentionnés ci‑dessus ou l’un d’eux, sauf que la municipalité ou les autres utilisateurs publics peuvent être tenus de fournir les moteurs électriques nécessaires au fonctionnement des machines qui se trouvent dans leurs propriétés, et cette énergie sera fournie aux corporations municipales aux fins mentionnées ci-dessus à un tarif particulièrement favorable qui ne doit en aucun cas excéder douze dollars (12 $) par horsepower par année, lorsqu’elle est fournie suivant le mode A, ou quatorze dollars (14 $) par horsepower par année, lorsqu’elle est fournie suivant le mode B… SOUS RÉSERVE que, à aucun moment ou suivant aucun des modes mentionnés ci-dessus, les acquéreurs ne seront tenus de livrer auxdites municipalités une quantité d’électricité inférieure à cinquante horsepower. SOUS RÉSERVE ÉGALEMENT, ce dont il est spécialement convenu, que, si les municipalités estiment, à une époque quelconque, que le prix que les acquéreurs exigent est excessif ou qu’il est plus que suffisant pour constituer pour les acquéreurs un juste profit, et au cas où les municipalités ou l’une d’entre elles ne peuvent s’entendre avec les acquéreurs sur le prix ou sur toute question que soulève l’exécution des présentes, la question peut être soumise au lieutenant‑gouverneur en conseil qui peut en décider, et sa décision sera finale et exécutoire à l’égard des parties de la même manière et dans la même mesure que si elle était incluse dans le contrat pour en faire partie. SOUS RÉSERVE cependant que les prix et les conditions qui peuvent être décidés ou convenus à l’occasion doivent rester en vigueur pendant au moins cinq ans avant d’être modifiés de nouveau. SOUS RÉSERVE également que les municipalités doivent dans tous les cas donner aux acquéreurs un avis écrit de trois mois indiquant les quantités d’éner-

[Page 183]

gie requises et les modes suivant lesquels elles désirent que cette énergie leur soit livrée;

6. LES ACQUÉREURS conviennent et acceptent en outre de vendre ou de louer et de distribuer en tout temps à toute personne, maison de commerce, société ou municipalité qui en fait la demande l’énergie réservée à la consommation sur la rive canadienne de la rivière à la Pluie et qui n’est pas déjà consommée, aux prix et aux conditions qui peuvent être convenus entre les parties ou, en cas de désaccord, aux prix et aux conditions qui peuvent être établis par le lieutenant-gouverneur en conseil,…

7. IL EST CONVENU EN OUTRE entre les parties aux présentes que l’établissement du prix limite prévu aux présentes pour la livraison de l’énergie aux municipalités de Fort Frances et de Mclrvine fait partie de la considération du présent contrat et de la cession desdits biens-fonds, chutes et privilèges,…

8. IL EST CONVENU EN OUTRE que les acquéreurs conserveront et réserveront en tout temps pour consommation du côté canadien de la frontière internationale quatre mille horsepower qu’ils tiendront disponibles en permanence pour être consommés du côté canadien: SOUS RÉSERVE ÉGALEMENT que dès que lesdits quatre mille horsepower seront loués ou utilisés en permanence, les acquéreurs loueront à toute personne, maison de commerce ou société sur le côté canadien de la frontière toute l’énergie électrique supplémentaire qui peut être requise du côté canadien et qui n’est pas déjà louée ou utilisée en permanence:

. . .

13. IL EST CONVENU EN OUTRE que tout différend non prévu de façon précise aux présentes entre les acquéreurs et lesdites municipalités de Fort Frances et de Mclrvine, ou entre les acquéreurs et les personnes qui achètent ou qui louent l’énergie de ces municipalités sera soumis pour décision et directives au lieutenant-gouverneur en conseil.

Dès le début, le contrat envisage la production d’énergie à Fort Frances «Aux fins des municipalités, des usines et des manufactures… »; et puisque les auteurs de la société étaient déjà propriétaires des «biens-fonds et de la chute d’eau» nécessaires au Minnesota, ils ont demandé au gouvernement de l’Ontario des concessions semblables sur la rive canadienne de la rivière pour permettre l’aménagement de «la rivière dans toute sa largeur… en l’exploitant comme un tout». Les considérants mentionnent comme considération de la ces-

[Page 184]

sion, par l’Ontario à la société, des droits sur les biens-fonds et la chute d’eau, la mise en disponibilité pour l’avenir d’«une grande quantité d’énergie sur la rive canadienne de la rivière aux fins des municipalités et pour l’exploitation d’usines de pâtes et papier, de moulins à farine et à blé et d’autres établissements manufacturiers». C’est la seule mention des usines de pâtes et papier dans tout le contrat, même si c’était manifestement la principale exploitation industrielle de la société. Les considérants énoncent en outre l’apport de ces ouvrages «à la navigation».

Dans les clauses principales du contrat lui-même, la cession des biens-fonds et des «chutes d’eau et des privilèges» est faite en considération de «l’engagement particulier de fournir l’énergie ou l’électricité à la [ville]… dans la mesure que cette ville… [peut] exiger». Toutes les installations de production de l’énergie requises pour l’aménagement «de la rive canadienne de la rivière» devaient être construites du côté canadien de la frontière. Le contrat est ambigu quant à la provenance de l’énergie que la société doit fournir du côté canadien, mais toutes les conditions du contrat indiquent que les parties parlaient dans le contrat de la production et de la vente de l’énergie produite par la société sur la rive canadienne de la rivière seulement.

Le contrat prévoit que la ville a le droit de demander la livraison d’électricité «aux fins municipales et aux fins d’utilité publique». Aucun de ces termes n’est défini, mais le contrat ajoute que la ville ne peut demander de l’électricité «à des fins commerciales». La question se complique davantage par les modes de fourniture de l’énergie requise par la ville. La ville peut demander de l’«énergie» sous forme mécanique ou électrique à 12 $ ou 14 $ par horsepower par année respectivement. Puisque les plans prévoyaient l’installation de génératrices électriques du côté canadien et de centrales d’énergie mécanique du côté américain, la mention de l’utilisation de l’énergie sous l’un ou l’autre forme prête à confusion. De fait cependant, toute l’énergie que la ville a achetée à la société était produite sous forme électrique du côté canadien. Ainsi, le contrat a été exécuté conformément à l’intention évidente des parties de n’envisager

[Page 185]

que l’énergie produite du côté canadien. En vertu du paragraphe 5 du contrat précité, la ville a le «droit de recevoir les quantités d’énergie [qu’elle désire] suivant un des modes de livraison… » précisés. Ces termes doivent être lus dans le contexte des dispositions relatives à la livraison de l’énergie dans lesquelles ils se trouvent et ne peuvent être interprétés comme modifiant en aucune façon la condition du contrat qui accorde à la ville le droit d’acheter de l’énergie à la société.

Le contrat décrit plutôt vaguement le plan de distribution de l’énergie dans la municipalité de Fort Frances. L’utilisation que les acquéreurs feront de l’électricité est également traitée de façon nébuleuse. Il faut cependant se rappeler, lorsqu’on essaie de vérifier le sens des expressions employées au contrat, que l’électricité n’a été produite sous forme utilisable qu’environ vingt ans seulement avant la rédaction et la signature du contrat. Les chutes du Niagara fournissaient de l’énergie électrique aux municipalités environnantes neuf ans seulement avant la signature du contrat en l’espèce; Toronto n’a reçu l’électricité que quelques années seulement avant la ville de Fort Frances. Il n’est donc pas surprenant de trouver au contrat une disposition prévoyant la «location de l’énergie ou de l’électricité». La seule chose certaine concernant les dispositions du contrat relatives à la production et à la distribution est que les parties estimaient que le prix demandé pour l’énergie était «particulièrement favorable» à la ville.

Avant d’examiner les dispositions d’arbitrage prévues au contrat, il convient de dire un mot au sujet des dispositions concernant l’écoulement de l’énergie électrique produite par la société au Canada. En vertu du paragraphe 8, la société convient de «[réserver] pour consommation du côté canadien… quatre mille horsepower… disponibles en permanence pour être consommés du côté canadien». Cette clause ne donne à la ville aucun droit de priorité ou de préemption sur les quatre mille horsepower réservés ou sur l’énergie en sus de cette quantité. De fait, cette clause ajoute que lorsque ces quatre mille horsepower «seront loués ou utilisés en permanence», la société «[louera] à toute personne, maison de commerce ou société sur

[Page 186]

le côté canadien… toute l’énergie supplémentaire qui peut être requise du côté canadien et qui n’est pas déjà louée ou utilisée en permanence». Il est assez extraordinaire que ce contrat, signé par la société en vue de mettre sur pied une entreprise de pâtes et papier dans le nord-ouest de l’Ontario, ne mentionne aucunement l’utilisation de l’énergie hydro-électrique dans les usines de la société situées de part et d’autre de la frontière. La société a achevé la construction de la première phase de son usine située au Canada en 1914. Depuis ce temps et jusqu’à ce qu’elle soit dépassée par la ville, la société a consommé dans ses usines la plus grosse partie de la production de ses génératrices des deux côtés de la frontière.

Le paragraphe 6 prévoit une autre disposition relative à l’utilisation de l’électricité produite au Canada. Selon ce paragraphe, la société accepte de vendre «à toute personne, maison de commerce, société ou municipalité qui en fait la demande l’énergie destinée à être consommée sur la rive canadienne [ceci doit se rapporter au paragraphe 8]… qui n’est pas déjà consommée». Il n’est accordé là encore aucune priorité à la ville pour l’achat de l’énergie. Ce droit de la ville doit être prévu aux paragraphes 1, 5 et 7 du contrat, et les paragraphes 4, 6 et 8 doivent être conciliés de quelque façon.

Le paragraphe 7 décrit le prix de l’électricité consommé par la ville, probablement en vertu des paragraphes 1 et 5, comme étant le «prix limite» et ajoute que l’établissement de ce prix «fait partie de la considération du présent contrat et de la cession desdits biens-fonds, chutes et privileges… ».

Nous abordons alors les dispositions du contrat de 1905 relatives à l’arbitrage. Il y a quatre clauses qui prévoient ce qu’on peut appeler l’arbitrage des questions ou des différends qui naissent du contrat. Deux de ces dispositions visent de toute évidence les litiges entre la société et les consommateurs concernant le prix, alors que les deux autres sont d’application plus générale. Il faut dire là encore que le contrat touche directement des personnes qui n’y sont pas partie puisque ses dispositions, y compris les clauses d’arbitrage, ont des effets au‑delà des parties et de leur conduite en

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vertu du contrat. Le contrat comporte un aspect inhabituel en ce que l’arbitre nommé dans ces clauses est le lieutenant-gouverneur en conseil, qui est la Couronne du chef de la province de l’Ontario, une des deux parties au contrat.

Nous trouvons ces dispositions relatives au règlement des différends aux paragraphes 5, 6, 7 et 13. Le paragraphe 5 établit le prix de 14 $ par horsepower par année sans aucun mécanisme de modification. Le contrat ne prévoit pas d’échéance et, comme nous l’avons vu, l’énergie réservée en vertu du paragraphe 8 doit être «disponible en permanence». Le prix, selon le paragraphe 7, est le «prix limite» et, selon le paragraphe 5, le prix «ne doit en aucun cas exceeder… quatorze dollars (14 $)». Par une condition du paragraphe 5, la ville peut, si elle estime que le prix demandé par la société en vertu du paragraphe 5 est excessif «ou qu’il est plus que suffisant pour constituer pour [la société] un juste profit», si elle ne peut s’entendre avec la société sur un nouveau prix, soumettre la question au lieutenant‑gouverneur en conseil. Le taux établi par le lieutenant-gouverneur en conseil lie les parties «dans la même mesure que [s’il était inclus] dans le contrat pour en faire partie». Manifestement, cette disposition se rapporte à une révision à la baisse du prix de 14$ si le lieutenant-gouverneur en conseil décide, à la demande de la ville, que cette révision s’impose. Tout cela est compris dans une seule phrase ajoutée au paragraphe 5 à titre de condition. La même phrase prévoit le droit, pour la ville, de soumettre de la même façon au lieutenant-gouverneur en conseil «toute question que soulève l’exécution des présentes». Compte tenu de l’endroit dans le contrat où ces dispositions se trouvent, ainsi que la présence d’une procédure d’arbitrage plus générale prévue plus loin au contrat, il n’est pas raisonnable d’interpréter largement ces termes additionnels, ni surtout de leur attribuer un sens qui autoriserait le lieutenant-gouverneur en conseil à trancher, à la demande de la ville, des questions prévues de façon expresse au paragraphe 8 du contrat, par exemple, concernant la quantité d’électricité réservée à des usages ou à des consommateurs déterminés. Ces termes généraux, qui figurent à la condition du paragraphe 5, ne doivent pas non plus être étendus pour s’appliquer à la mesure dans laquelle la ville a

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le droit de demander de l’énergie en vertu du paragraphe 1. Brièvement, je suis d’avis que cette condition du paragraphe 5 se rapporte uniquement aux matières énoncées au paragraphe 5, soit le prix à payer pour l’énergie que la ville demande de la manière requise et le mode de livraison de cette énergie, sous réserve toujours du prix limite prévu de façon expresse au paragraphe 5.

Au paragraphe 6, la société accepte de vendre à toute personne qui en fait la demande «l’énergie destinée à être consommée sur la rive canadienne», ce qui se rapporte probablement à l’énergie réservée en vertu du paragraphe 8. Le paragraphe 6 limite en outre à l’énergie «qui n’est pas déjà consommée» la quantité d’énergie disponible à cette fin. Cette énergie doit être livrée aux prix et aux conditions qui peuvent être convenus entre les parties «ou, en cas de désaccord, aux prix et aux conditions qui peuvent être établis par le lieutenant-gouverneur en conseil». Concernant le prix, le paragraphe 6 se rapporte expressément aux seuls différends que soulève le prix que la société demande pour la vente de l’énergie réservée pour être fournie du côté canadien de la frontière. Cette clause ne donne à la ville aucune priorité à l’encontre des autres personnes qui demandent de l’énergie. Bien que les dispositions du paragraphe 6 ne se rapportent pas aux prix établis en vertu du paragraphe 5, absolument rien n’indique que les conditions de cette clause ne lieraient pas les parties si l’arbitrage se rapportait à l’énergie livrée à la ville en vertu d’une combinaison des paragraphes 5 et 8. En conséquence, cette disposition d’arbitrage n’est d’aucun secours pour résoudre le problème soulevé en l’espèce.

De même, la disposition du paragraphe 7 qui permet le renvoi des différends quant au prix se limite aux arbitrages autorisés par ailleurs en vertu du contrat et se rapporte sans doute possible aux arbitrages prévus aux termes du paragraphe 6, déjà examiné. Le paragraphe 7 autorise le lieutenant-gouverneur en conseil à établir les prix auxquels [TRADUCTION] «l’énergie sera vendue aux autres consommateurs», ce qui se rapporte clairement, dans le contexte du paragraphe 7, aux consommateurs d’électricité autres que la ville. En conséquence, cette clause n’est d’aucun secours en l’espèce.

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Cela nous amène au paragraphe 13 qui est une disposition d’arbitrage formulée en termes généraux: «tout différend non prévu de façon précise aux présentes». Certes, ces termes mêmes appellent la question soumise aux tribunaux en l’espèce: le différend qui oppose la ville et la société est-il «prévu de façon précise» dans les paragraphes précités du contrat? Pour répondre à cette question, nous devons examiner plus en détail les lois et le contrat. Ce n’est que dans le cas où la réponse à cette question est négative qu’il faut revenir à l’interprétation et à l’application du paragraphe 13.

Devant le déploiement de dispositions incompatibles sinon opposées que comporte le contrat, et les ambiguïtés déjà soulignées, le savant juge de première instance a conclu:

a) la société n’a pas le droit de modifier le contrat ou d’y mettre fin;

b) le prix limite exigible pour l’énergie livrée à la ville en vertu du contrat est 14 $ par horsepower par année.

c) la société n’est pas tenue en vertu du contrat de fournir à la ville toute la quantité d’énergie qu’elle demande aux fins municipales et aux fins d’utilité publique jusqu’à concurrence de la totalité de l’énergie produite sur la rive canadienne de la rivière;

d) [TRADUCTION] «en vertu du contrat de 1905 ou des lois, la cour n’a pas le pouvoir de renvoyer la question des quotas à l’arbitrage et aucune demande ne lui a été faite en ce sens»;

e) en toute hypothèse:

i) les lois ne supplantent ni ne remplacent les dispositions du contrat de 1905 relatives à l’arbitrage; et

ii) la quantité d’énergie produite du côté canadien à laquelle la ville a droit [TRADUCTION] «ne peut être établie par interprétation du contrat de 1905».

La Cour d’appel à la majorité a adopté une opinion quelque peu différente et a conclu que l’une ou l’autre partie pouvait soumettre à la décision du lieutenant-gouverneur en conseil le diffé-

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rend concernant la part de l’énergie produite sur la rive canadienne de la rivière à laquelle a droit la ville et concernant le prix de cette énergie. En conséquence, la Cour a conclu que le paragraphe 13 du contrat s’applique, non en tant que clause d’arbitrage, mais en tant que [TRADUCTION] «clause de suppléance du contrat» en vertu de laquelle le lieutenant‑gouverneur en conseil peut [TRADUCTION] «écrire le chapitre suivant des rapports entre les parties».

La Cour d’appel a eu quelque difficulté à établir le dispositif de son jugement. Dans ses motifs, la Cour à la majorité a souscrit aux motifs du juge de première instance qu’en vertu des termes du contrat, 14 $ par horsepower était «le prix limite» payable par la ville pour l’énergie fournie. Le juge Thorson, aux motifs duquel a souscrit le juge Brooke, a dit:

[TRADUCTION] L’obligation des acquéreurs de fournir l’énergie à la ville au taux particulièrement favorable constitue le coeur même de la «convention spéciale» énoncée au paragraphe 5, et ce paragraphe a eu pour effet d’établir ce qui était manifestement un prix limite.

Malgré cela cependant, la Cour à la majorité a conclu que [TRADUCTION] «la question de la quantité est indissociable de la question du prix», et a décidé dans le dispositif du jugement que le prix payable par la ville peut être soumis à l’arbitrage par la société ou par la ville. La Cour à la majorité approuve elle aussi dans ses motifs la conclusion du juge de première instance que la société n’est pas tenue de livrer à la ville toute l’énergie produite au Canada. Cependant, le dispositif du jugement ne mentionne pas cette limite possible.

Dans des motifs de dissidence, le juge Wilson, alors juge de la Cour d’appel, a conclu que [TRADUCTION] «l’énergie produite du côté canadien en sus de la quantité d’énergie requise pour approvisionner l’usine… [de la société] du côté canadien doit être fournie à la ville… » sans aucune mention des autres engagements d’approvisionnements qui ont pu être conclus avant que la ville ait fait une demande d’énergie pour une quantité supérieure aux 4 000 horsepower réservés à la consommation du côté canadien en vertu du contrat. Le prix limite de 14 $ par horsepower par année s’applique uniquement à l’énergie fournie à même

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la quantité d’énergie réservée pour consommation du côté canadien en vertu du paragraphe 8 (4 000 horsepower) moins la quantité requise par la société pour son usine du côté canadien. Le prix que la ville doit payer pour l’énergie supplémentaire n’est pas prévu au contrat et l’une ou l’autre des parties peut demander qu’il soit fixé par renvoi en vertu du paragraphe 13. Il faut supposer que, selon les motifs de dissidence, la ville n’aurait droit de recevoir aucune quantité d’énergie, moindre ou supérieure aux 4 000 horsepower réservés en vertu du paragraphe 8, si les besoins de la société excèdent la quantité d’énergie produite du côté canadien, et la preuve indique que c’est le cas.

Une question que les parties au présent pourvoi paraissent accepter comme réglée concerne le droit de l’une ou l’autre des parties au contrat de 1905 d’y mettre fin unilatéralement par avis. Les deux cours d’instance inférieure ont conclu à l’inexistence de ce droit et cette question n’a pas été débattue devant cette Cour; les deux parties ont admis qu’il est difficile d’envisager de mettre fin à un contrat lorsque la partie qui y met fin ne peut remettre l’autre partie dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la signature du contrat. En l’espèce, la société ne peut, si elle met fin au contrat, remettre à la province la cession des droits de chute d’eau en vertu de la Loi de 1906 et du contrat de 1905 à moins de mettre fin en même temps à ses activités reliées aux installations de production de l’énergie situées des deux côtés de la rivière. De même, la province de l’Ontario ne peut mettre fin au contrat et reprendre les droits de chute d’eau cédés parce que cela entraînerait en fait la fin des activités reliées mises sur pied par la société conformément aux termes du contrat de 1905. Le savant juge de première instance a fait remarquer que ce que la société recherche en fait, ce n’est pas de mettre fin à l’ensemble du contrat mais uniquement aux dispositions relatives au prix et aux quantités d’énergie à fournir à la ville. Il a dit:

[TRADUCTION]… la société demande le droit de modifier le contrat de 1905 plutôt que d’y mettre fin en faisant valoir que certaines conditions ne sont plus raisonnables.

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Concernant cette déclaration, le juge Thorson, aux motifs duquel a souscrit le juge Brooke, a dit:

[TRADUCTION] À mon avis, ces remarques constituent un commentaire judicieux de la position que l’appelante adopte sur cette question, laquelle paraît être qu’elle veut être relevée du fardeau du marché tout en conservant les avantages assurés.

Pour être juste envers la société, je dois dire qu’elle a fait valoir le moyen qu’il peut être mis fin au contrat uniquement comme la solution de dernier recours que cette Cour peut envisager pour le cas où serait rejetée sa prétention que la ville n’a pas droit à toute l’énergie produite par l’usine canadienne au prix de 14 $ par horsepower par année. La question de la possibilité de mettre fin au contrat est certes reliée inextricablement à la question de l’étendue de l’obligation de la société de fournir l’énergie à la ville au taux de 14 $, laquelle dépend elle‑même de l’interprétation donnée aux dispositions pertinentes du contrat.

Dans l’arrêt British Movietonews Ld. v. London and District Cinemas Ld., [1952] A.C. 166, à la p. 185, le vicomte Simon, aux motifs duquel ont souscrit les autres membres de la Chambre des lords, a résumé le droit comme suit:

[TRADUCTION] Les parties à un contrat à exécution future sont souvent confrontées, lors de son exécution, à un enchaînement d’événements qu’ils n’ont nullement prévus: une hausse ou une chute des prix absolument anormale, une dépréciation soudaine de la monnaie, un obstacle imprévu à l’exécution ou un autre événement du genre. Cela ne porte pas automatiquement atteinte au marché conclu. Si, d’autre part, un examen des dispositions du contrat à la lumière des circonstances qui existaient lorsqu’il a été conclu révèle qu’elles n’ont jamais consenti à se lier en regard d’une situation absolument différente qui est maintenant survenue d’une façon imprévue, le contrat cesse d’avoir effet à ce point, non parce que la cour dans sa discrétion estime juste et raisonnable d’en modifier les dispositions, mais parce que son interprétation l’empêche de s’appliquer dans cette situation.

Comme on le verra, je suis d’avis que les parties ont précisé dans les dispositions du contrat l’étendue de l’obligation de la société envers la ville. On ne peut dire cependant qu’elles n’ont pas accepté d’être liées dans la situation qui prévaut maintenant. J’estime en conséquence qu’il n’est pas néces-

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saire d’examiner l’arrêt controversé Staffordshire Area Health Authority v. South Staffordshire Waterworks Co., [1978] 3 All E.R. 769, dans lequel la Cour d’appel d’Angleterre a décidé qu’un contrat en vigueur depuis quarante-neuf ans pour l’approvisionnement en eau d’un hôpital à un prix minime pouvait être résilié sur avis raisonnable. Cette décision, qu’invoque la société pour demander qu’il soit mis fin au contrat, ne s’applique pas aux faits de l’espèce. J’en viens par conséquent à la question de l’étendue du droit de la ville de demander de l’énergie et à la question qui s’y rattache concernant le prix à payer pour l’énergie reçue. Pour répondre à ces questions, il faut examiner les rapports entre les lois mentionnées ci-dessus et leur application.

En accordant l’autorisation d’appeler, cette Cour a donné des directives concernant la question constitutionnelle suivante:

Y-a-t-il incompatibilité entre les dispositions concernant le règlement des différends de l’article 4 de l’Acte concernant l’Ontario and Minnesota Power Company (à responsabilité limitée), 4-5 Edouard VII, (Can.), chapitre 139, et celles de l’article 3 de An Act respecting «The Ontario and Minnesota Power Company, Limited», 1906 S.O., chapitre 132, et, dans l’affirmative, lesquelles doivent prévaloir?

Les caractères essentiels de ces deux lois et de la Loi ontarienne de 1911 ont déjà été exposés. Aucune de ces lois ne comporte une disposition qui permet de réviser ou de modifier l’exécution du contrat de 1905. De fait, la Loi fédérale de 1905 ne mentionne pas, même dans ses considérants, le contrat intervenu entre l’Ontario et la société. La nécessité de la Loi fédérale est évidente et elle ressort de la terminologie que le Parlement a employée dans la Loi elle-même. Les travaux que la société se proposait d’entreprendre étaient susceptibles de gêner considérablement la navigation sur la voie fluviale internationale et, par conséquent, il était essentiel que le Parlement du Canada permette ou autorise ces travaux. La seule différence entre les Lois fédérale et provinciale se trouve dans la clause d’arbitrage du seul fait que l’arbitre nommé dans la Loi fédérale n’est pas le même que celui nommé dans la Loi provinciale. Certes, si en droit les parties ne peuvent avoir recours à l’arbitrage, cet aspect des lois n’a pas

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alors rapport à la décision à rendre en l’espèce. Comme je l’ai déjà fait remarquer, la Loi fédérale ne mentionne pas la quantité d’énergie qui doit être consacrée à un usage ou à un consommateur particulier. Seul l’art. 2 parle de la distribution de l’énergie du côté canadien, et il exige seulement de la société qu’elle livre de l’énergie «en la manière et en tel temps que la demande en sera faite» sans aucune mention des accords de distribution de l’énergie établis entre la province et la société en vertu du contrat. Essentiellement, la Loi fédérale exige que les installations et l’équipement nécessaires à la production de l’énergie du côté canadien de la rivière se trouvent au Canada, et elle établit un mécanisme visant à contrôler le détournement vers les États-Unis de l’énergie produite au Canada. Les procédures en l’espèce ne soulèvent aucune de ces questions. La Loi ontarienne de 1906 était nécessaire pour assurer la cession des biens-fonds et des terres inondées aux fins du projet de la société. La province était propriétaire ou exerçait le contrôle des biens-fonds en question et des droits de chute d’eau de la rivière. La Loi vise ces deux questions. Quant à la distribution de l’énergie produite par les installations projetées, la Loi exige simplement que la société fournisse l’énergie destinée à être consommée du côté canadien de la frontière «tout comme elle fournit l’énergie… destinée à la consommation aux États-Unis; de sorte qu’… il n’y aura pas moins d’énergie… offerte à la consommation du côté canadien de la frontière internationale que du côté américain» à moins qu’il n’en soit décidé autrement dans une ordonnance du lieutenant-gouverneur en conseil. Comme je l’ai déjà indiqué, l’article 1 conclut: «et, sous réserve des dispositions de la présente loi, cette énergie ou énergie électrique doit être livrée du côté canadien de la manière et à l’époque demandée». Aucune disposition de cette loi ne modifie d’aucune manière les termes du contrat de 1905; elle paraît donc n’avoir aucune application à la question soulevée en l’espèce. La seule application que la Loi de 1911 paraît avoir en l’espèce concerne l’intérêt historique de certains considérants du contrat annexé à la Loi, y compris la mention qu’à cette époque, l’énergie électrique était disponible du côté canadien [TRADUCTION] «en quantité supérieure à celle qui peut être utili-

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sée actuellement du côté canadien». En conséquence, des mesures ont été adoptées pour permettre l’exportation de l’électricité en vertu de la Loi. Il faut cependant se rappeler que l’usine de pâtes et papier de la société du côté canadien n’est entrée en service qu’en 1914. Comme je l’ai déjà dit, une clause concernant le prix de l’électricité fournie du côté canadien a été insérée au milieu du contrat approuvé par la Loi de 1911. Cette disposition ne vise pas cependant à modifier la loi antérieure ou le contrat de 1905. Sa présence dans le contrat est anormale et ni la ville ni la société ne prétendent que cette disposition accorde ou n’accorde pas à la ville un droit supplémentaire de demander de l’énergie en provenance des installations situées au Canada, ou qu’elle établit un prix à payer incompatible avec les termes du contrat de 1905. En définitive, il appert, une fois vidé le débat sur ces questions, que les lois du Canada et de l’Ontario n’ont aucun rapport direct avec les questions soulevées en l’espèce, et, en conséquence, il n’est pas nécessaire de répondre à la question constitutionnelle. À mon avis, la solution des questions soulevées en l’espèce repose entièrement sur l’interprétation du contrat de 1905 et je passe maintenant à l’examen de ce document.

Comme nous l’avons déjà vu, le contrat prévoit des dispositions détaillées en vue d’ériger les installations nécessaires à l’aménagement de la chute d’eau de la rivière des deux côtés de la frontière internationale. L’énergie provenant des chutes, sous forme mécanique et électrique, constituait, dans l’esprit de Backus, la clé d’accès aux ressources forestières de ces terres vastes et isolées du Minnesota et du nord-ouest de l’Ontario. Certes, le second considérant parle, comme nous l’avons vu, de l’utilisation de cette énergie [TRADUCTION] «aux fins municipales et aux fins des usines et des manufactures dans lesdites municipalités, favorisant ainsi l’essor de ces municipalités et du district environnant». Les considérants mentionnent également l’exploitation des usines de pâtes et papier en particulier, mais le contrat vise surtout l’établissement d’installations de production d’énergie et certains aspects de la distribution de l’énergie produite. La notion d’utilité publique, qui devait être dans son état le plus rudimentaire dans les projets d’établissement à cette époque, n’est mentionnée

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qu’au par. 6 du contrat cité en partie ci-dessus. La partie de ce paragraphe qui traite de la distribution de l’énergie se lit comme suit:

[TRADUCTION]… et les acquéreurs [la société] fourniront et entretiendront les génératrices, transmetteurs, machines et accessoires qui peuvent être requis pour livrer cette énergie selon l’un ou l’autre des modes A, B ou C mentionnés au paragraphe cinq des présentes et permettront aux parties qui achètent ou qui louent l’énergie l’accès raisonnable et nécessaire à leurs bâtiments, terrains et locaux aux fins d’installer et d’entretenir des fils, des câbles ou d’autres moyens d’amener le courant ou l’énergie; ils installeront les poteaux, les fils et les autres accessoires qu’exige la distribution de l’énergie selon le mode C, à condition que les acquéreurs ne soient pas tenus d’installer de nouveaux accessoires ou d’y ajouter quoi que ce soit aux fins de livrer l’énergie selon le mode C à une partie qui refuse de s’engager à payer pour au moins cent horsepower ou qui refuse de fournir, si requis, une garantie suffisante du paiement du prix d’achat ou de location d’une certaine quantité d’énergie pendant une période suffisante pour permettre aux acquéreurs de rentrer dans les frais faits pour fournir ces accessoires; le mode de distribution de cette énergie et les accessoires qui doivent être utilisés seront assujettis à l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, et les rues, places, chemins ou autres endroits publics dans ou à travers lesquels cette énergie doit être acheminée sont assujettis à l’approbation du conseil municipal de la ville… SOUS RÉSERVE que les parties qui demandent de l’énergie aux acquéreurs doivent leur donner un avis écrit de trois mois indiquant la quantité d’énergie requise et le mode suivant lequel elles désirent que cette énergie leur soit livrée.

Bien que ces dispositions soient assez vagues et inarticulées eu égard aux normes de notre époque, il est néanmoins évident que la ville a le droit de recevoir l’énergie électrique nécessaire à ses propres besoins et que le reste de l’énergie doit servir aux fins énoncées au paragraphe 5 et ailleurs dans le contrat. Ce qui est moins évident, c’est de savoir si la ville a le pouvoir de demander de l’électricité au nom de ses résidents aux fins de l’éclairage domestique et des autres usages domestiques qu’il est fait de l’électricité de nos jours. Aucune des parties en l’espèce n’a fait valoir d’arguments sur cette question, et je tiens par conséquent pour acquis que la ville a, en vertu du contrat, le droit de demander de l’énergie électrique pour les besoins municipaux, ce qui inclut la distribution de

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l’électricité dans la municipalité telle que nous la connaissons maintenant, y compris la fourniture de l’électricité aux locaux commerciaux dans la municipalité, mais à l’exception probablement des gros établissements industriels autonomes telle l’usine de pâtes et papier de la société. Le paragraphe 7, nous l’avons vu, traite des «autres consommateurs», et cette grande zone grise du contrat a été passée sous silence devant cette Cour et, apparemment, devant les cours d’instance inférieure.

Le contrat prévoit également, outre le projet d’International Falls, qui est l’objet principal du contrat, la production d’énergie à Kettle Falls. Le projet de Kettle Falls ne nous concerne pas en l’espèce, mais la terminologie employée dans le contrat relativement à ce projet offre un certain intérêt. Là encore, la province semblait se préoccuper à cette époque de retenir du côté canadien l’énergie produite sur la rive canadienne de la rivière de façon à en disposer au besoin. Une condition du paragraphe 12 énonce:

[TRADUCTION] SOUS RÉSERVE ÉGALEMENT que si l’acquéreur [la société] aménage un jour la chute d’eau de Kettle Falls, toute la quantité d’énergie produite du côté canadien doit être conservée pour être utilisée du côté canadien et ne peut en aucun temps être détournée ou utilisée ailleurs, et toutes les conditions prévues aux présentes relativement à la chute d’eau de Fort Frances s’appliquent à ladite chute de Kettle Falls, sauf les conditions relatives à l’approvisionnement de la ville en énergie.

C’est là par conséquent le contrat sur lequel il faut se pencher pour trancher la question de l’étendue de l’obligation de la société de fournir l’énergie à la ville au prix de 14 $ par horsepower par année. Les premiers mots du paragraphe 6 et tout le paragraphe 8 fournissent la clé qui sert à trancher cette question. Le paragraphe 6, dont je répète ici le début et la partie importante pour des fins de commodité, prévoit:

[TRADUCTION] 6. LES ACQUÉREURS [la société] conviennent et acceptent en outre de vendre ou de louer et de distribuer en tout temps à toute personne, maison de commerce, société ou municipalité qui en fait la demande l’énergie réservée à la consommation sur la rive canadienne de la rivière à la Pluie et qui n’est pas déjà consommée, aux prix et aux conditions qui peuvent être convenus entre les parties ou, en cas de désaccord,

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aux prix et aux conditions qui peuvent être établis par le lieutenant-gouverneur en conseil,…

Ce paragraphe concerne toute l’énergie produite du côté canadien dans la mesure où elle est «réservée» et dans la mesure où elle n’est pas déjà «consommée». On peut difficilement prétendre que cela se rapporte à l’énergie produite du côté américain ou à une quantité d’énergie plus grande que celle «réservée» à la consommation au Canada. Seul le paragraphe 8 parle de l’énergie «réservée» pour «consommation du côté canadien». Je répète également cet article ici pour des fins de commodité:

[TRADUCTION] 8. IL EST CONVENU EN OUTRE que les acquéreurs conserveront et réserveront en tout temps pour consommation du côté canadien de la frontière internationale quatre mille horsepower qu’ils tiendront disponibles en permanence pour être consommés du côté canadien: SOUS RÉSERVE ÉGALEMENT que dès que lesdits quatre mille horsepower seront loués ou utilisés en permanence, les acquéreurs loueront à toute personne, maison de commerce ou société sur le côté canadien de la frontière toute l’énergie supplémentaire qui peut être requise du côté canadien et qui n’est pas déjà louée ou utilisée en permanence:

Cet article soulève plusieurs questions dont une très importante concernant la signification de «consommation du côté canadien». Si cela inclut la «consommation» par l’usine de la société au Canada, alors il ne reste plus d’énergie disponible pour la ville en sus des 4 000 horsepower réservés que la ville consommait avant le moment où la consommation combinée de la ville et de l’usine canadienne a dépassé les 4 000 horsepower réservés pour consommation du côté canadien. C’est-à-dire qu’à un certain moment au début des années 20, alors que la demande de la ville était minime, la demande de l’usine en énergie électrique s’est accrue au point de dépasser, avec la faible consommation de la ville, les 4 000 horsepower réservés en vertu du paragraphe 8. La société n’a pas insisté sérieusement sur cet argument extrême, mais elle a fait valoir que la ville a droit à la totalité des 4 000 horsepower au taux spécial et à rien d’autre. Essentiellement, cette opinion attribue un sens restreint aux termes «consommation du côté canadien» de sorte qu’ils comprendraient la consomma-

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tion par des tiers, la ville en l’espèce, mais non la consommation d’énergie du côté canadien par la société elle-même.

Cela nous amène à la restriction énoncée à la fin du paragraphe 8 qui ne mentionne pas la ville ou le droit de la ville d’exiger de la société plus que les 4 000 horsepower réservés et indiqués au début du paragraphe 8. Cette restriction parle de l’«utilisa-tion» de l’énergie électrique. On peut faire valoir que cela exclut l’énergie «utilisée» par la société. En tout cas, le droit de «toute personne, maison de commerce ou société du côté canadien» de demander de l’énergie est restreint en quantité à l’énergie qui «n’est pas déjà louée ou utilisée en permanence». Cette terminologie ne se retrouve plus de nos jours, mais sa signification est claire. L’énergie électrique produite sur la rive canadienne de la rivière en sus de 4 000 horsepower et qui n’est pas utilisée sur le marché canadien peut être vendue en vertu de la condition prévue au paragraphe 8 à quiconque, y compris la ville. La preuve non contredite révèle cependant qu’il n’y a pas d’énergie disponible provenant des génératrices canadiennes. Ces génératrices produisent en moyenne l’équivalent de 9 000 horsepower. Exprimée en termes d’aujourd’hui, la production annuelle moyenne de la centrale canadienne est de 58 millions de kilowattheures. Comme je l’ai déjà dit, la capacité maximale est de 14 000 horsepower, mais la production moyenne de la centrale canadienne est de 9 000 horsepower. La preuve révèle en outre que ce qui reste des 9 000 horsepower après soustraction des 4 000 horsepower réservés a été absorbé depuis plusieurs années par l’usine de la société au Canada. De fait, la société achète d’Ontario Hydro de l’énergie pour ses propres besoins du côté canadien de la frontière depuis 1958, depuis que cette source d’énergie est devenue disponible. Ainsi, à toutes les époques en cause, les ouvrages en question n’ont produit aucune énergie électrique qui n’était «pas déjà louée ou utilisée en permanence» au sens du paragraphe 8. Il n’y a par conséquent aucune énergie disponible qui puisse être soumise à l’arbitrage quant aux quantités ou au prix, si on suppose pour l’instant que ces deux questions peuvent être soumises à l’arbitrage. Aucune preuve n’indique qu’une partie quelconque de cette

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absence de disponibilité absolue d’énergie électrique résulte de l’utilisation du permis d’exporter délivré en 1910. La preuve révèle que même ce permis n’a jamais été utilisé complètement. De fait, la preuve indique que la consommation d’énergie de l’usine que la société exploite au Canada est, exprimée selon les termes du contrat de 1905, de 69 000 horsepower, ce qui dépasse de beaucoup la capacité de production des génératrices aménagées en application du contrat de 1905.

Certes, il y a une contradiction inhérente entre les termes généraux employés au paragraphe 1 et les termes précis employés aux paragraphes 6 et 8 du contrat. Je ne puis conclure que la disposition générale du paragraphe 1, qui tend à permettre à la ville d’exiger que la société fournisse l’énergie électrique «dans la mesure que cette ville… [peut] exiger», l’emporte sur les accords de distribution précis établis aux paragraphes 6 et 8. Il n’est pas non plus réaliste d’interpréter le contrat, à la lumière des circonstances dans lesquelles il a été conclu entre les parties, comme envisageant une situation dans laquelle le fondateur de l’usine de pâtes et papier, dont la centrale électrique est l’accessoire et le support, perde tout accès à l’énergie produite dans le cas où les besoins de la ville égalent ou dépassent la capacité de production de la rivière. Les paragraphes 4 et 5 n’appuient pas de façon expresse ou tacite une interprétation large des termes employés au paragraphe 1. Ces paragraphes exigent simplement que la société aménage des installations qui permettent de développer au maximum le potentiel énergétique du côté canadien de la rivière et qu’elle rende l’énergie ainsi produite accessible à la consommation du côté canadien. En outre, les accords relatifs aux prix établis au paragraphe 5 portent uniquement sur la quantité d’électricité que la société livre à la ville en vertu du contrat. Ainsi le paragraphe 5 ne détermine pas lui-même la répartition quantitative de la production de la centrale canadienne. Il est donc nécessaire, à mon avis, de concilier simplement les termes employés au paragraphe 1 avec ceux qu’ont employés les auteurs du contrat aux paragraphes 6 et 8, et je ne vois aucune difficulté à interpréter le contrat de façon à donner effet à l’intention évidente des parties au contrat à l’épo-

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que où ce projet original a été lancé dans le nord-ouest de l’Ontario. Les paragraphes 6 et 8 traitent expressément de la situation qui devait se produire lorsque l’énergie réservée de façon expresse à la consommation du côté canadien serait entièrement utilisée. Les termes employés peuvent être désuets et peuvent soulever des difficultés d’interprétation ou de traduction minimes, mais l’essentiel de ces dispositions est clair. Le côté canadien de la frontière est protégé par une réserve de 4 000 horsepower. À l’époque du contrat, cette quantité dépassait de beaucoup la consommation prévisible de l’énergie à produire par la ville et ses habitants. En conséquence, les termes du paragraphe 8 qui prévoient la réserve d’énergie ne désignent pas expressément la ville comme un consommateur exclusif ou conjoint. Ils réservent simplement 4 000 horsepower à la consommation du côté canadien de la frontière. Le reste de la production obtenue du côté canadien est mis à la disposition des consommateurs du côté canadien de la frontière dans la mesure où ce reste n’est pas déjà consommé.

Enfin, je tiens à examiner deux moyens qu’ont fait valoir l’avocat de la province de l’Ontario et celui de la ville. Le premier moyen porte que la question du prix que la ville doit payer pour l’énergie reçue est chose jugée puisqu’elle a été soulevée par la société dans des procédures judiciaires antérieures. En 1923, la ville a intenté à la société une action pour arrérages de taxes. En demande reconventionnelle, la société a réclamé le paiement, sur une base de quantum meruit, de l’énergie fournie. La demande reconventionnelle a été soumise au master qui a décidé que la ville était tenue de payer l’énergie reçue de la société au taux de 14 $ par horsepower par année. Cette décision a été confirmée en appel dans l’arrêt Town of Fort Frances v. Fort Frances Pulp and Paper Co. (1925), 28 O.W.N. 402. Il faut remarquer que les parties dans cette action ne sont pas les parties au contrat de 1905. Il est difficile de déterminer la véritable question décidée dans ces procédures-là, mais, en tout cas, étant donné que je conclus que le taux que la ville doit payer pour l’énergie est clairement établi au contrat à 14 $ par horsepower par année, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner plus à fond cette question.

[Page 202]

Le second moyen qu’ont fait valoir l’avocat de la province de l’Ontario et celui de la ville est que, en conséquence des déclarations des représentants de la société au cours des premières années d’application du contrat relativement à la fourniture de l’énergie à la ville, la société ne peut plus faire valoir qu’elle n’est pas tenue de fournir à la ville toute l’énergie dont elle a besoin. Au mois d’avril 1927 par exemple, alors qu’il cherchait à obtenir des baux de chutes d’eau sur une autre rivière de l’Ontario, le président de la société a écrit ce qui suit au ministre des Terres et Forêts:

[TRADUCTION]… la ville de Fort Frances a droit de recevoir de l’énergie à des fins municipales et d’utilité publique en quantités illimitées et au taux de 14 $ par hp.

À certains égards, le régime de l’exception de promesse, empêchant une partie d’exiger l’exécution de droit strict d’un contrat, demeure incertain. Il semble cependant évident que le principe qui permet à une partie de soulever comme moyen de défense une promesse ou une déclaration qui lui a été faite, s’appuie sur l’injustice qui serait causée si on permettait à l’autre partie de se rétracter lorsque la personne à qui elle les a faites s’est fondée sur cette promesse ou déclaration pour agir à son détriment: voir l’arrêt Grasett v. Carter (1884), 10 R.C.S. 105. Dans l’arrêt Conwesi Exploration Company Limited v. Letain, [1964] R.C.S. 20, aux pp. 27 et 28, le juge Judson, au nom de la Cour à la majorité, a appliqué le principe puisé dans les jugements de lord Cairns dans l’arrêt Hughes v. Metropolitan Railway Co. (1877), 2 App. Cas. 439 et a dit:

[TRADUCTION] Letain a fait une déclaration d’intention non équivoque à laquelle il voulait qu’on se fie, et Conwest s’y est fiée, avec le résultat que la position de Conwest par rapport à Letain a été atteinte si l’interprétation que donne Letain de ce qui constituait l’exécution du contrat est correcte.

En conséquence, la Cour a conclu que Letain ne pouvait faire valoir une interprétation du contrat qui rendrait Conwest responsable de l’inexécution de ses obligations alors que, en raison de ses agissements, il avait induit Conwest à croire qu’il acceptait les mesures prises par Conwest en tant que mesures d’exécution du contrat.

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Le principe est encore expliqué dans le jugement du juge Ritchie dans l’arrêt John Burrows Ltd. v. Subsurface Surveys Ltd. and Whitcomb, [1968] R.C.S. 607 à la p. 615:

[TRADUCTION] Il me semble évident que ce genre de défense d’equity ne peut être invoquée en l’absence d’une preuve qu’une des parties a mené des négociations qui ont eu pour effet d’amener l’autre à croire que les obligations strictes prévues au contrat ne seraient pas exécutées, et je crois que cela suppose qu’il doit y avoir une preuve qui permet de conclure que la première partie a voulu que les rapports juridiques établis par le contrat soient modifiés en conséquence des négociations.

Voir également les affaires Canadian National Railway Co. v. Beatty (1981), 34 O.R. (2d) 385, 128 D.L.R. (3d) 236 (Cour div. de l’Ont.) et Pentagon Construction (1969) Co. Ltd. v. United States Fidelity and Guaranty Co. (1977), 77 D.L.R. (3d) 189(C.A.C.-B.).

Je suis d’avis que les faits en l’espèce ne permettent pas d’invoquer l’exception de promesse. Il est difficile d’identifier, chez la ville, un acte quelconque qui constituerait l’élément nécessaire de confiance dans les déclarations qu’ont faites les représentants de la société. Tant avant qu’après ces déclarations, la ville a continué à réclamer en vertu du contrat les quantités d’énergie requises. En outre, je suis d’avis que les déclarations invoquées à l’appui de la prétendue exception n’établissent pas, chez la société ou la ville, la présence de l’intention de modifier les termes stricts du contrat. En 1927, l’année au cours de laquelle a été faite la dernière déclaration invoquée à l’appui de l’exception, la consommation d’énergie de la ville n’était que de 650 horsepower. De fait, il n’y avait donc, à l’époque où la déclaration a été faite, aucune limite à la quantité d’énergie que la société devait fournir. Cela ne signifie pas cependant que la société ou la ville voulaient que les termes précis de la restriction énoncée au paragraphe 8 du contrat, qui prendrait effet dans un avenir éloigné lorsque la consommation de la ville atteindrait 4 000 horsepower, cessent d’avoir leur effet en droit.

Par conséquent, je suis d’avis de trancher la question en litige concernant l’étendue de l’obliga-

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tion de la société en déclarant que son engagement en vertu du contrat de 1905, qui reste en vigueur, nullement touché par les questions soulevées en l’espèce au sujet des lois du Canada et de l’Ontario, est de fournir à la ville l’énergie électrique produite à sa centrale de la rivière à la Pluie, à Fort Frances, jusqu’à concurrence de 4 000 horsepower par année, au prix convenu de 14 S par horsepower par année.

Bien que ces procédures aient été commencées par une action de la société intimée contre la ville appelante et par une poursuite par voie de pétition de droit entre la société intimée et Sa Majesté la Reine du chef de la province de l’Ontario, les appels à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel dans les deux poursuites ont été soumis à cette Cour dans un seul pourvoi. La société a également obtenu la permission d’appeler et son pourvoi a été entendu et examiné en même temps que les pourvois de la ville et de Sa Majesté la Reine du chef de la province de l’Ontario. Toutes les parties ont soulevé les mêmes questions, bien que la société ait évidemment demandé une ordonnance différente quant au droit de la ville d’obtenir de l’énergie. En définitive, le pourvoi de la société intimée est accueilli et la déclaration ci-dessus est substituée à l’ordonnance de la Cour d’appel. Les pourvois de l’appelante la Corporation of the Town of Fort Frances et de l’appelante Sa Majesté la Reine du chef de la province de l’Ontario sont rejetés. Toutes les parties et l’intervenant ont convenu qu’il n’y aurait pas d’adjudication de dépens.

Pourvois de la Corporation of the Town of Fort Frances et de Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario rejetés et pourvoi de Boise Cascade Canada Ltd. accueilli.

Procureurs de la Corporation of the Town of Fort Frances: Perry, Farley & Onyschuck, Toronto.

Procureurs de Boise Cascade Canada Ltd.: Fraser and Beatty, Toronto.

Procureur de Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario: Le procureur général de l’Ontario, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1983] 1 R.C.S. 171 ?
Date de la décision : 08/02/1983
Sens de l'arrêt : Les pourvois de la Corporation of the Town of Fort Frances et de Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario sont rejetés et le pourvoi de Boise Cascade Canada Ltd. est accueilli

Analyses

Contrats - Interprétation - Énergie devant être fournie h la ville à un prix déterminé - Détermination du prix et de la quantité d’électricité h fournir - Acte concernant l’Ontario and Minnesota Power Company (h responsabilité limitée), 1905 (Can.), chap. 139, art. 2 - An Act respecting «The Ontario and Minnesota Power Company, Limited», 1906 (Ont.), chap. 132, art. 1,3 - An Act respecting the Ontario and Minnesota Power Company, Limited, 1911 (Ont.), chap. 7.

La province de l’Ontario et l’auteur de Boise Cascade Canada ont conclu un contrat en 1905; Fort Frances n’y était pas partie. En contrepartie de la concession de biens-fonds, de droits de chute d’eau et de privilèges d’exploitation, la société a convenu d’approvisionner en énergie la rive canadienne de la rivière à la Pluie et a

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convenu en particulier d’approvisionner Fort Frances en électricité à un taux ne dépassant pas 14 $ par horsepower par année. Le contrat prévoyait une réserve de 4 000 horsepower qui devaient être consommés sur la rive canadienne et toute l’énergie qui n’était pas consommée en permanence pouvait être «louée» pour servir sur la rive canadienne. Le contrat ne donnait à Fort Frances aucun droit de préemption sur l’énergie réservée ou sur l’énergie non consommée en sus de la quantité réservée. La consommation d’énergie de la ville est venue à dépasser la quantité de 4 000 horsepower réservée et la consommation d’énergie de la société a dépassé de beaucoup l’énergie produite en surplus. Bien que le contrat prévoie des dispositions en vue de l’arbitrage des différends que soulèverait le contrat, la question en litige en l’espèce, savoir dans quelle mesure Boise Cascade Canada est tenue de fournir à Fort Frances l’électricité au prix de 14 $ par horsepower par année, a été soumise aux tribunaux.

Arrêt: Les pourvois de la Corporation of the Town of Fort Frances et de Sa Majesté La Reine du chef de l’Ontario sont rejetés et le pourvoi de Boise Cascade Canada Ltd. est accueilli.

La solution des questions en litige repose entièrement sur le contrat de 1905. Conformément à ce contrat, la société doit fournir à Fort Frances l’énergie électrique provenant de ses installations sur la rivière à la Pluie, à Fort Frances, jusqu’à concurrence de 4 000 horsepower par année, au prix contractuel de 14 $ par horsepower par année. Cette énergie doit servir pour des besoins municipaux, y compris la distribution normale dans la municipalité et la fourniture aux locaux commerciaux, mais à l’exception des gros établissements industriels autonomes. Le reste de la production obtenue du côté canadien doit être mis à la disposition des consommateurs du côté canadien de la frontière dans la mesure où ce reste n’est pas déjà consommé. Aucune des parties n’a le droit unilatéral de mettre fin au contrat par avis et, puisque la société a précisé l’étendue de son obligation envers la ville, le contrat a continué à lier les parties dans la situation qui prévaut maintenant.

Il n’est pas nécessaire de répondre à la question constitutionnelle de savoir s’il y a incompatibilité entre les lois ontarienne et fédérale concernant l’Ontario and Minnesota Power Company Limited puisque aucune de ces lois n’a un rapport direct avec les questions soulevées en l’espèce. II n’est pas nécessaire non plus d’examiner en profondeur la question de là chose jugée en raison de la conclusion que le prix de 14 $ par horsepower par année est le taux clairement établi au contrat. Les faits ne permettent pas d’appliquer la doctrine de l’exception de promesse.

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Parties
Demandeurs : Fort Frances
Défendeurs : Boise Cascade Canada Ltd.

Références :

Jurisprudence: arrêts mentionnés: British Movietonews Ld. v. London and District Cinemas Ld., [1952] A.C. 166

Town of Fort Frances v. Fort Frances Pulp and Paper Co. (1925), 28 O.W.N. 402

Grasett v. Carter (1884), 10 R.C.S. 105

Conwest Exploration Company Limited v. Letain, [1964] R.C.S. 20

Hughes v. Metropolitan Railway Co. (1877), 2 App. Cas. 439

John Burrows Ltd. v. Subsurface Surveys Ltd. and Whitcomb, [1968] R.C.S. 607

Canadian National Railway Co. v. Beatty (1981), 34 O.R. (2d) 385, 128 D.L.R. (3d) 236

Pentagon Construction (1969) Co. Ltd. v. United States Fidelity and Guaranty Co. (1977), 77 D.L.R. (3d) 189

distinction faite avec l’arrêt Staffordshire Area Health Authority v. South Staffordshire Waterworks Co., [1978] 3 All E.R. 769.

Proposition de citation de la décision: Fort Frances c. Boise Cascade Canada Ltd., [1983] 1 R.C.S. 171 (8 février 1983)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-02-08;.1983..1.r.c.s..171 ?
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