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27/09/1983 | CANADA | N°[1983]_2_R.C.S._47

Canada | Century Insurance Co. of Canada et autres c. Case Existological Laboratories Ltd., [1983] 2 R.C.S. 47 (27 septembre 1983)


Cour suprême du Canada

Century Insurance Co. of Canada et autres c. Case Existological Laboratories Ltd., [1983] 2 R.C.S. 47

Date: 1983-09-27

Century Insurance Company of Canada, Commercial Union Assurance Company Ltd., Hartford Fire Insurance Company, Norwich Union Fire Insurance Company Ltd., Phoenix Assurance Company Ltd., Prudential Assurance Company Ltd., Switzerland General Insurance Company Ltd., Insurance Corporation of British Columbia (Défenderesses) Appelantes;

et

Case Existological Laboratories Ltd. (Demanderesse) Intimée;

et

Fore

most Insurance Company (Défenderesse);

et

R. Douglas Agencies (1971) Ltd. (Défenderesse).
...

Cour suprême du Canada

Century Insurance Co. of Canada et autres c. Case Existological Laboratories Ltd., [1983] 2 R.C.S. 47

Date: 1983-09-27

Century Insurance Company of Canada, Commercial Union Assurance Company Ltd., Hartford Fire Insurance Company, Norwich Union Fire Insurance Company Ltd., Phoenix Assurance Company Ltd., Prudential Assurance Company Ltd., Switzerland General Insurance Company Ltd., Insurance Corporation of British Columbia (Défenderesses) Appelantes;

et

Case Existological Laboratories Ltd. (Demanderesse) Intimée;

et

Foremost Insurance Company (Défenderesse);

et

R. Douglas Agencies (1971) Ltd. (Défenderesse).

N° du greffe: 17103.

1983: 2, 3 mars; 1983: 27 septembre.

Présents: Les juges Ritchie, Dickson, Mclntyre, Chouinard et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (1982), 133 D.L.R. (3d) 727, 35 B.C.L.R. 364, [1982] I.L.R. 1-1567, accueillant l’appel de l’intimée contre un jugement du juge McKenzie (1980), 116 D.L.R. (3d) 199, [1981] I.L.R. 1-1335, qui a rejeté une action fondée sur une police d’assurance maritime. Pourvoi rejeté.

David Brander Smith, pour les appelantes.

David Roberts, c.r., et Peter Lowry, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE RITCHIE — Il s’agit en l’espèce d’un pourvoi formé, avec l’autorisation de cette Cour, contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui a accueilli l’appel d’un jugement rendu en première instance par le juge McKenzie qui a rejeté la demande présentée par Case Existological Laboratories Ltd. (ci-après appelée «l’assurée») en vue d’obtenir une indemnisation conformément à une police d’assurance sur corps couvrant son navire le Bamcell II.

[Page 49]

Les faits à l’origine de cette demande sont quelque peu inhabituels, voire bizarres, mais les avocats de tous les intéressés ont préparé et signé un «exposé conjoint des faits» de sorte qu’on peut tenir pour incontestés un bon nombre des aspects assez complexes de la construction quasi unique du Bamcell II ainsi que les raisons qui l’expliquent.

Il me paraît utile de reproduire ici les parties de l’exposé qui se rapportent le plus directement aux questions soulevées en l’espèce:

[TRADUCTION] 2. La demanderesse est une société qui se spécialise dans l’architecture navale et le génie maritime. En 1974, par un contrat conclu avec un institut océanographique affilié à l’University System of Georgia, elle s’est engagée à construire et à fournir des modules flottants destinés à servir à des recherches sous-marines qui devaient être faites dans la baie Patricia. Ces recherches étaient connues sous le nom de projet CEPEX.

3. Le Bamcell II a été lancé au cours du mois d’août 1974. La coque, en acier, était composée de deux compartiments avant étanches et de quatre autres, deux au milieu dont le fond n’était pas complet et deux arrière qui n’avaient pas de fond. Le niveau de l’eau dans ces quatre compartiments était maintenu par pression d’air réglée et maintenue au moyen d’une série de soupapes. Lorsqu’on diminuait la pression dans ces quatre compartiments, la poupe s’enfonçait dans l’eau. Lorsqu’on l’augmentait, la poupe revenait à l’horizontale. Le niveau de l’eau dans les quatre compartiments montait et descendait en conséquence. Cela permettait d’utiliser le Bamcell II pour mettre en place et récupérer les modules que la demanderesse devait fournir aux fins du projet CEPEX.

4. Agissant à titre de courtier pour le compte de la demanderesse, R. Douglas Agencies (1971) Ltd. a voulu faire assurer le Bamcell II et elle s’est adressée à ce sujet aux assureurs défendeurs. Monsieur Meadows de la société d’experts maritimes Richard H. Meadows & Associates Ltd. a inspecté le Bamcell II le 30 août 1974 et a ensuite rédigé et soumis un rapport. Le 20 septembre 1974, le risque a été accepté par Coast au nom des assureurs qu’elle représentait et par l’ICBC.

5. Coast a délivré sa police d’assurance le 30 septembre 1974. Cette police, souscrite par l’ICBC, prenait effet pour un an à compter du 20 septembre 1974.

[Page 50]

6. Le 8 mars 1975, alors que le Bamcell II mouillait dans la baie Patricia, M. Richard Powell, un employé de la demanderesse accompagné de James Halldorsen, un nouvel employé, sont montés à bord du Bamcell II. Afin d’abaisser la poupe, M. Powell a ouvert les soupapes qui réglaient la pression d’air dans les quatre compartiments arrière, permettant ainsi à l’air de s’échapper. Il a, par négligence, laissé au moins une soupape ouverte de sorte que l’eau est venue expulser suffisamment d’air pour que le Bamcell II s’enfonce complètement sous l’eau.

Le mot «Coast» employé dans cet exposé des faits désigne l’assureur qui a accepté le risque pour le compte de toutes les appelantes sauf F Insurance Corporation of British Columbia qui, par sa souscription distincte à la même police, a accepté le même risque.

La police couvrant le Bamcell II était en la forme prévue à l’annexe de l’Insurance (Marine) Act, R.S.B.C. 1979, chap. 203. La formulation de la police est consacrée par un usage bien établi dans le domaine des assurances maritimes. En voici les termes essentiels:

[TRADUCTION] RELATIVEMENT à ce voyage, les assureurs acceptent d’assumer les risques et les périls suivants: les périls de la mer, les bâtiments de guerre, le feu, les ennemis, les pirates, les corsaires, les brigands, le jet, les lettres de marque, les attaques-surprises, la prise en mer, les arrêts, les contraintes et les détentions de tout roi, prince ou peuple, la baraterie du capitaine et de l’équipage, ainsi que tous les autres périls et toutes les autres pertes et infortunes que peuvent subir les biens visés par les présentes… Et nous, les assureurs, convenons que la présente police d’assurance aura les mêmes force et effet que la police la plus sûre jamais établie sur Lombard Street, au Royal Exchange ou ailleurs à Londres.

En l’espèce, la différence d’opinions entre le juge de première instance et la majorité en Cour d’appel tient dans une large mesure au sens et à l’effet à donner à cet alinéa de la police d’assurance et, plus particulièrement, à l’expression «périls de la mer» qui y figure, telle qu’elle s’applique aux circonstances décrites dans l’exposé conjoint des faits.

[Page 51]

Il importe, au premier chef, de noter que les parties s’accordent pour dire que le Bamcell II a coulé parce qu’un employé de l’assurée (Powell) «a, par négligence, laissé au moins une soupape ouverte».

Dans son jugement, le savant juge de première instance laisse fortement entendre que le Bamcell II a sombré d’abord et avant tout par suite de l’acte délibéré ou intentionnel de Powell, soit l’ouverture des soupapes, mais il est évident à la lecture du sixième alinéa de l’exposé conjoint des faits que c’est l’omission négligente de les fermer qui a provoqué cet événement.

La cause de la perte devient un facteur important lorsqu’il s’agit de déterminer si le risque en l’espèce est susceptible de donner lieu à une demande légitime d’indemnisation pour une perte résultant d’un «péril de la mer» au sens de la police.

L’expression «périls de la mer» a reçu différentes interprétations au cours des années, mais l’lnsurance (Marine) Act, précitée, contient en annexe un ensemble de [TRADUCTION] «Règles d’interprétation des polices» qui portent notamment:

[TRADUCTION] L’expression «périls de la mer» ne désigne que les accidents fortuits ou sinistres maritimes. Elle ne s’applique pas à l’action ordinaire du vent et des vagues.

Le savant juge de première instance a estimé que l’omission négligente qui, les parties le reconnaissent, a eu lieu en l’espèce, ne constituait ni un accident fortuit ni un sinistre et que la négligence, comme les parties s’accordent pour l’affirmer, dont on a fait preuve en laissant les soupapes ouvertes ne constituait pas un «péril de la mer» au sens de la police. Comme nous le verrons plus loin, le juge Lambert, au nom de la majorité en Cour d’appel, a exprimé un avis différent et c’est cette différence qui ressort si clairement dans le premier moyen d’appel invoqué en cette Cour, dont voici le texte:

[TRADUCTION] Que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur en attribuant la perte en l’espèce à un péril de la mer et en particulier:

a) la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur en concluant que l’omission négligente d’un membre d’équipage, à l’origine du

[Page 52]

naufrage d’un navire sans que la mer y joue un rôle actif, peut constituer un péril de la mer, et,

b) la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a commis une erreur en concluant qu’il suffît que le risque que le navire coule soit prévisible et qu’il s’agisse là d’un risque proprement maritime.

Le texte de l’al. 57(2)a) de la Marine Insurance Act, R.S.B.C. 1960, chap. 231 (l’al. 56(2)a) de la loi actuelle), reproduit dans les motifs de jugement du juge Lambert de la Cour d’appel, nous aide également dans notre recherche du sens véritable de l’expression «périls de la mer» qui figure dans la police. Cet alinéa est ainsi rédigé:

[TRADUCTION] 57. (1) Sous réserve de la présente loi et sauf disposition contraire dans la police, l’assureur n’est responsable que pour les pertes ayant pour cause immédiate un risque assuré.

(2) En particulier

a) l’assureur n’est pas responsable pour une perte attribuable à l’inconduite volontaire de l’assuré, mais, sauf disposition contraire dans la police, il est responsable pour toute perte ayant pour cause immédiate un risque assuré, même si, sans l’inconduite ou la négligence du capitaine ou de l’équipage, il n’y aurait pas eu de perte.

Il résulte de cette disposition et des «Règles d’interprétation des polices» contenues dans l’annexe que, pour réussir dans sa demande fondée sur la disposition relative aux périls de la mer, l’assurée doit prouver que la perte a eu pour cause immédiate «un accident fortuit ou un sinistre maritime»; il s’en dégage également que l’assurée peut obtenir gain de cause, même s’il n’y aurait pas eu de perte «sans l’inconduite ou la négligence du capitaine ou de l’équipage».

La définition la plus généralement acceptée de l’expression «périls de la mer» qui figure dans les polices d’assurance maritime est celle formulée dans les motifs de jugement de lord Wright dans l’arrêt Canada Rice Mills, Ld. v. Union Marine & General Insurance Co., [1941] A.C. 55, aux pp. 68 et 69, où il affirme:

[TRADUCTION] Lorsque l’eau de mer pénètre accidentellement dans un navire et qu’elle le fait d’une manière

[Page 53]

inhabituelle dans une partie du navire où, normalement, elle ne doit pas entrer et que cela a pour effet d’endommager le bien assuré, il y a, à première vue, perte attribuable aux périls de la mer. L’accident peut consister en un acte négligent tel que l’ouverture inopportune d’une soupape, ou il peut consister en la perforation malencontreuse d’un tuyau; il se peut également que l’eau de mer pénètre par suite des rigueurs du temps ou pour quelque cause analogue qui fait que la mer déferle sur des ouvertures qui, ordinairement, ne sont pas exposées à la mer; cela peut même se produire, sans que les rigueurs du temps en soient la cause, lorsque le navire donne de la bande par suite d’un accident quelconque ou du bris de panneaux d’écoutille ou d’autres panneaux. Il s’agit là de quelques-uns seulement des cas possibles où il peut y avoir pénétration fortuite d’eau de mer dans un navire. C’est cette pénétration fortuite qui constitue alors le péril de la mer. La question de savoir si, dans un cas donné, il y a perte de ce genre, est une question de fait à soumettre au jury.

Selon moi, l’interprétation à donner à la dernière phrase de ce passage est que «La question de savoir si, dans un cas donné, il y a perte de ce genre, est une question de fait à soumettre au jury» qui a reçu des directives appropriées quant au droit applicable ou à être tranchée par le juge de première instance bien instruit du droit applicable.

Comme le juge Lambert, je souscris également à ce que dit le juge Bailhache dans l’affaire Cohen, Sons & Co. v. National Benefit Assurance Co. (1924), 18 Ll. L.Rep. 199, à la p. 202, où il devait se pencher sur le cas d’un sous-marin qui avait coulé parce que des ouvriers avaient, par négligence, laissé ouverte une soupape. Le savant juge y affirme ce qui suit:

[TRADUCTION] À mon avis, l’entrée accidentelle d’eau de mer dans un navire, qui le fait sombrer, constitue un péril de la mer. Cette police ne comporte aucune garantie contre la négligence, ni aucune exception pour la négligence; et le fait que l’entrée accidentelle d’eau dans le navire soit attribuable à la négligence est, selon moi, tout à fait dénué d’importance. Il y a péril de la mer chaque fois qu’un navire est en mer et que l’eau de mer y pénètre accidentellement causant des dommages soit à la cargaison, soit au navire.

Dans les motifs de jugement qu’il a rendus au nom de la majorité en Cour d’appel, le juge Lambert fait remarquer:

[Page 54]

[TRADUCTION] L’une et l’autre parties reconnaissent que le fait qu’il y a eu négligence de la part d’un membre de l’équipage ne dégage pas de toute responsabilité en vertu de la police. Cette règle, qui remonte à la décision Dixon v. Sadler (1839), 5 M. & W. 405, 151 E.R. 172, est maintenant codifiée à l’al. 57(2)a) de la Marine Insurance Act, dont j’ai déjà reproduit le texte. Mais l’avocat des assureurs soutient qu’en plus de la négligence il doit y avoir un péril réel de la mer qui s’inscrit dans une catégorie propre aux activités maritimes, tandis que l’avocat de l’assurée prétend que le naufrage dû à un acte négligent constitue un accident maritime fortuit suffisant.

À mon avis, ce n’est qu’au moyen d’une analyse de l’acte négligent que l’on peut trancher cette question précise. Un acte n’est pas négligent en soi; il l’est seulement par rapport à un risque prévisible de dommage. Si ce risque est propre au domaine maritime, alors l’acte, conjugué à sa conséquence prévisible, constitue un accident maritime fortuit et un péril de la mer et, partant, la cause immédiate de la perte.

Cette conclusion suffit pour résoudre la première question soulevée en l’espèce. Il ne fait pas de doute ici que c’est le risque que le Bamcell II coule, entraînant ainsi une perte, qui fait qu’en omettant de fermer les soupapes du pont, alors même qu’il y avait obligation d’agir, on a fait preuve de négligence. Il découle de cette omission négligente, conjuguée à sa conséquence prévisible, que la cause immédiate de la perte en l’espèce est un péril de la mer auquel s’applique la police.

Avec égards, je partage l’avis exprimé dans ces extraits des motifs de jugement du juge Lambert et je suis convaincu qu’en définitive cela suffit pour trancher en faveur de l’intimée les questions soulevées par le premier moyen d’appel.

Selon le deuxième moyen d’appel important, la Cour d’appel a commis une erreur en ne concluant pas que le navire était innavigable à la connaissance de l’assurée et que le fait de l’avoir mis à mer dans un pareil état empêchait toute indemnisation fondée sur un péril de la mer et, par le fait même, toute indemnisation fondée sur la police en cause.

Ici encore, je partage l’avis du juge Lambert qui a conclu que la perte en l’espèce était due non pas à l’innavigabilité du navire, mais à la négligence de son équipage. Sur ce point, j’adopte, avec égards,

[Page 55]

les passages suivants tirés des motifs de la majorité en Cour d’appel:

[TRADUCTION] À mon avis, les allégations des assureurs n’ont rien à voir avec la navigabilité du navire. Il est vrai que celui-ci coulerait si les soupapes du pont étaient laissées ouvertes, mais il en irait de même d’un navire ordinaire si on ouvrait les robinets de prise d’eau à la mer. En ce sens, les deux sont intrinsèquement innavigables parce que plus lourds que l’eau.

Les allégations d’innavigabilité portent en réalité que l’assurée n’a pas fait preuve de diligence raisonnable. À ce titre, si on parvenait à les prouver, ces allégations constitueraient un moyen de défense contre une demande fondée sur la clause Inchmaree. Mais elles n’ont pas pour effet de transformer en quelque chose d’autre l’acte négligent d’un membre de l’équipage, pas plus qu’elles n’empêchent que cet acte négligent et sa conséquence prévisible soient la cause immédiate d’une perte par un péril de la mer.

Selon moi, les allégations relatives à l’innavigabilité comme moyen de défense n’établissent pas ce moyen de défense en l’espèce.

L’intimée a formellement abandonné toute demande fondée sur la clause dite Inchmaree qui n’entre donc pas en jeu en l’espèce.

Dans l’avis d’appel, on allègue ensuite que la Cour d’appel a commis une erreur en concluant qu’une clause dans la police contenant les mots [TRADUCTION] «IL EST GARANTI qu[e]» est une condition suspensive plutôt qu’une véritable garantie. Avant d’examiner ce moyen, il me paraît nécessaire de reproduire le texte de la clause en question:

[TRADUCTION] IL EST GARANTI qu’un gardien est de service à bord du BAMCELL II chaque nuit de 22 h à 6 h, avec l’ordre de fermer tout l’équipement en cas d’urgence.

Il est important de noter que l’absence d’un gardien à bord du Bamcell II pendant les heures spécifiées dans cette clause n’a eu aucune incidence sur la perte du navire qui est survenue au milieu de l’après-midi. La clause ne se serait appliquée que si la perte était survenue entre 22 h et 6 h et s’il était prouvé qu’il n’y avait alors pas de gardien à bord. Dans cette mesure, la condition énoncée dans la clause apporte une restriction au

[Page 56]

risque assuré, mais il ne s’agit nullement d’une garantie.

Les appelantes soutiennent enfin que l’assurée a omis de leur révéler, conformément aux art. 19 et 20 de l’Insurance (Marine) Act, précitée, des détails qui ont une incidence sur le risque. Il faut tenir compte en l’espèce de l’usage qui existe dans le domaine des assurances maritimes et que, selon moi, le juge Lambert décrit avec exactitude dans l’alinéa suivant de ses motifs de jugement:

[TRADUCTION] Conformément à l’usage, la propriétaire du navire a demandé à un agent d’obtenir les assurances et, toujours selon l’usage, celui-ci a retenu les services d’un expert maritime dont le rapport a été remis à l’assureur. En la présente espèce, c’est l’assureur qui a recommandé l’expert maritime en question et il ne fait pas de doute que les propriétaires du Bamcell II lui ont communiqué tous les détails pertinents.

Le rapport de l’expert est reproduit intégralement dans lesdits motifs de jugement et le juge Lambert résume ainsi les révélations qui y figurent:

[TRADUCTION] On a clairement révélé qu’il y avait six compartiments, que les deux compartiments du milieu et les deux compartiments arrière n’étaient pas étanches, qu’en fait, les compartiments arrière n’avaient même pas de fond, et que les deux compartiments avant contenaient beaucoup de béton. Le rapport ne dit pas clairement que, si les quatre compartiments arrière étaient remplis d’eau, le navire coulerait. Mais il est certain qu’à moins que le navire ne fût muni de dispositifs de flottaison, la conclusion qu’il coulerait était inévitable. Le rapport ne dit rien au sujet de tels dispositifs.

L’assurée est tenue de communiquer tous les détails pertinents. À mon avis, en donnant une description exacte du navire dans le rapport de l’expert maritime, elle s’est acquittée de cette obligation. Dans un rapport sur un navire ordinaire, ce n’est pas une non‑divulgation que de ne pas indiquer dans le rapport que ledit navire coulera si l’on ouvre les robinets de prise d’eau à la mer et qu’une quantité suffisante d’eau y pénètre. J’estime qu’il en va de même en l’espèce. On a révélé tous les détails pertinents. L’assurée n’avait pas à spéculer sur les diverses possibilités de mauvais fonctionnement du navire qui pourrait le faire couler, y compris l’omission de fermer les soupapes du pont qui permettrait l’entrée d’une trop grande quantité d’eau de mer dans la coque.

[Page 57]

On constatera que, d’une manière générale, je suis d’accord avec les motifs de jugement du juge Lambert et, par conséquent, je suis d’avis de rejeter ce pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelantes: Bull, Housser & Tupper, Vancouver.

Procureurs de l’intimée: Campney & Murphy, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1983] 2 R.C.S. 47 ?
Date de la décision : 27/09/1983
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Assurance (maritime) - Périls de la mer - Perte - Réclamation - Navire qui coule par suite de la négligence d’un employé de l’assurée - La perte résulte-t-elle d’un «péril de la mer»?.

Assurance (maritime) - Risque assuré - L’obligation de communiquer tous les détails pertinents ayant une incidence sur le risque a été remplie - Violation d’une clause limitant le risque - L’assureur n’est pas dégagé de sa responsabilité.

L’intimée (l’assurée) réclame auprès des appelantes (les assureurs) une indemnisation pour la perte de son navire, un chaland transformé de conception unique. Le navire, qui avait un fond partiellement ouvert et qui était maintenu à flot grâce à un pont étanche, a sombré lorsqu’un membre de son équipage a, par sa négligence, laissé ouverte une soupape de réglage de la pression d’air. L’air ne soutenant plus la plate-forme, le navire a été complètement submergé. Les appelantes ont contesté la réclamation, alléguant que la perte n’avait pas résulté d’un «péril de la mer» et ne constituait donc pas un risque assuré par la police. En première instance, le juge

[Page 48]

a conclu en faveur des appelantes et a débouté l’intimée de son action. La Cour d’appel à la majorité a infirmé le jugement.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

La police couvre la perte. Le fait qu’il y a eu négligence de la part d’un membre de l’équipage ne dégage pas de toute responsabilité en vertu de la police. Un acte n’est pas négligent en soi; il l’est seulement par rapport à un risque prévisible de dommage. Si ce risque est propre au domaine maritime, alors l’acte, conjugué à sa conséquence prévisible, constitue un accident maritime fortuit, un péril de la mer et, partant, la cause immédiate de la perte.

De plus, l’intimée n’a pas omis de révéler aux appelantes tous les détails ayant une incidence sur le risque. En donnant une description exacte du navire dans le rapport de l’expert maritime, l’intimée s’est acquittée de son obligation.


Parties
Demandeurs : Century Insurance Co. of Canada et autres
Défendeurs : Case Existological Laboratories Ltd.

Références :

Jurisprudence: arrêts suivis: Cohen, Sons and Co. v. National Benefit Assurance Co. (1924), 18 Ll. L. Rep. 199

Canada Rice Mills, Ld. v. Union Marine &. General Insurance Co., [1941] A.C. 55.

Proposition de citation de la décision: Century Insurance Co. of Canada et autres c. Case Existological Laboratories Ltd., [1983] 2 R.C.S. 47 (27 septembre 1983)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-09-27;.1983..2.r.c.s..47 ?
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