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27/09/1983 | CANADA | N°[1983]_2_R.C.S._6

Canada | Ontario Nurses' Association c. Haldimand-Norfolk Health Unit, [1983] 2 R.C.S. 6 (27 septembre 1983)


Cour suprême du Canada

Ontario Nurses’ Association c. Haldimand-Norfolk Health Unit, [1983] 2 R.C.S. 6

Date: 1983-09-27

Ontario Nurses’ Association Appelante;

et

Haldimand-Norfolk Regional Health Unit Intimée;

et

Dr D.J. Baum, C.G. Riggs et William Walsh

et entre

Ontario Nurses’ Association Appelante;

et

Perth District Health Unit Intimée;

et

M.G. Picher, John C. Murray et William Walsh.

N° du greffe: 16486.

1982: 31 mai; 1983: 27 septembre.

Présents: Les juges Ritchie, Di

ckson, Estey, Mclntyre, Chouinard, Lamer et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOIS et POURVOIS INCIDENTS contre un arrêt de la Cour ...

Cour suprême du Canada

Ontario Nurses’ Association c. Haldimand-Norfolk Health Unit, [1983] 2 R.C.S. 6

Date: 1983-09-27

Ontario Nurses’ Association Appelante;

et

Haldimand-Norfolk Regional Health Unit Intimée;

et

Dr D.J. Baum, C.G. Riggs et William Walsh

et entre

Ontario Nurses’ Association Appelante;

et

Perth District Health Unit Intimée;

et

M.G. Picher, John C. Murray et William Walsh.

N° du greffe: 16486.

1982: 31 mai; 1983: 27 septembre.

Présents: Les juges Ritchie, Dickson, Estey, Mclntyre, Chouinard, Lamer et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOIS et POURVOIS INCIDENTS contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1981), 120 D.L.R. (3d) 101, 31 O.R. 730, qui a accueilli les appels formés contre deux jugements de la Cour divisionnaire qui avait accueilli une demande de contrôle judiciaire et annulé la sentence d’un conseil d’arbitrage de divergences d’intérêts dans un cas, et qui avait rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une sentence arbitrale dans l’autre cas. Pourvois accueillis et pourvois incidents rejetés.

George D. Finlayson, c.r., et D.F. Hersey, pour l’appelante.

Michael Gordon et Thomas A. Stephanik, pour les intimées.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE ESTEY — Ces deux pourvois et les deux pourvois incidents ne soulèvent que deux questions principales:

[Page 9]

a) le pouvoir d’un conseil d’arbitrage, établi en vertu d’une convention collective qui accorde à l’une ou l’autre des parties le droit d’invoquer l’arbitrage de divergences d’intérêts pour établir une nouvelle convention, d’insérer dans la nouvelle convention une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts; et

b) le droit du conseil d’arbitrage d’entendre cette question dans les circonstances que révèlent les dossiers en l’espèce.

Les deux pourvois en l’espèce découlent de procédures distinctes relatives à des conventions collectives distinctes que j’appellerai, pour plus de commodité, la «convention de Haldimand» et la «convention de Perth». Comme on le verra bientôt, les dispositions des deux conventions collectives comportent des différences qui ont une incidence sur la seconde question. Étant donné que la première question n’a d’importance que si les conseils ont en droit le pouvoir de procéder à l’arbitrage, j’examinerai d’abord la seconde question. Les faits essentiels et les dispositions contractuelles applicables dans ces deux procédures diffèrent légèrement; il y a donc lieu de les examiner séparément.

A. Les faits de l’arbitrage de Haldimand

Les parties ont conclu plusieurs conventions collectives successives en vertu de The Labour Relations Act de l’Ontario, R.S.O. 1970, chap. 232 (maintenant R.S.O. 1980, chap. 228), dont la plus récente est datée du 2 février 1977 et s’applique toutefois du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1976. La convention comporte la clause d’arbitrage habituelle qui suit, d’une façon générale, la disposition d’arbitrage par ailleurs obligatoire prévue à l’art. 37 de The Labour Relations Act, précitée. La question se pose cependant en vertu des dispositions relatives au processus de renouvellement qui se trouvent aux articles suivants de la convention:

[TRADUCTION] Article 18 — Durée de la convention

18.01 La présente convention s’applique pour une période d’un an, du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1976.

18.02 La présente convention reste en vigueur pendant la période mentionnée ci‑dessus et est reconduite

[Page 10]

automatiquement d’année en année par la suite à moins que Tune des parties ne donne un avis écrit de l’intention d’y mettre fin ou de réviser ou de supprimer l’une ou l’autre de ses dispositions ou d’en ajouter une nouvelle. Cet avis doit être donné dans les quatre-vingt-dix (90) jours qui précèdent l’expiration de la présente convention.

Article 16 — Arbitrage de divergences d’intérêts

16.01 Si l’une des parties choisit, en vertu de l’article 18, de mettre fin à la présente convention ou de la modifier et que les parties n’ont pas réussi à négocier une nouvelle convention au plus tard le 15e jour qui précède la date d’expiration de la présente convention, une partie peut donner à l’autre partie un avis écrit de son intention de soumettre à l’arbitrage la négociation d’une nouvelle convention, et cet avis doit indiquer le nom de la personne que l’expéditeur désigne comme membre du conseil d’arbitrage. Le destinataire doit, dans les cinq (5) jours, communiquer à l’expéditeur le nom de la personne qu’il désigne comme membre du conseil d’arbitrage.

16.14 Après la date d’expiration de la présente convention collective, ses dispositions restent en vigueur jusqu’à ce qu’elles soient modifiées par la décision du conseil d’arbitrage. Le conseil d’arbitrage doit prévoir que la convention ou l’une quelconque de ses dispositions a un effet rétroactif à la date qu’il peut fixer, mais cette date ne doit pas être antérieure à la date d’expiration de la convention précédente.

L’article 16 se trouve dans la convention collective depuis 1973. Conformément à ces dispositions, l’appelante a, le 23 novembre 1976, donné l’avis de négociation en vertu de l’article 18. La négociation a eu lieu et les dispositions prévues par la loi relatives à la conciliation avaient été épuisées lorsque, le 24 octobre 1977, le Ministre a fait rapport qu’il n’était pas jugé utile de constituer une commission de conciliation. Quelques jours plus tôt, le 18 octobre, l’appelante avait signifié un avis d’arbitrage en vertu de la disposition sur l’arbitrage de divergences d’intérêts prévue à l’article 16.

Les parties se sont affrontées sur la question du droit de procéder par arbitrage de divergences d’intérêts dans les circonstances, et après que le ministre du Travail eut obtenu un avis consultatif de la Commission des relations de travail, les

[Page 11]

parties ont procédé à la constitution du conseil d’arbitrage et ont participé à l’audience sur la question, soulevée par l’appelante dans son avis du 18 octobre 1977, précité, de la compétence du conseil pour procéder à l’arbitrage [TRADUCTION] «aux fins d’établir une nouvelle convention collective entre l’employeur [l’intimée] et l’association [l’appelante]». Dans une sentence provisoire en date du 29 novembre 1978, le conseil d’arbitrage a conclu qu’il avait en droit la compétence requise pour procéder à l’arbitrage auquel il a procédé. Dans cette sentence provisoire, le conseil a conclu à l’unanimité que l’art. 70 de The Labour Relations Act maintient le droit de l’appelante d’invoquer les dispositions de l’article 16 en vue d’établir par arbitrage une nouvelle convention collective entre les parties. Le 29 juin 1979, le conseil a prononcé sa sentence définitive dans laquelle il prescrivait une convention collective d’une durée de trois ans à compter du 1er janvier 1977; cette convention comporte une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts identique à celle prévue dans la convention précédente, précitée, expirée le 31 décembre 1976. Le membre du conseil désigné par l’employeur a exprimé sa dissidence quant à la durée de la convention, soulignant que sa durée devrait être d’un an; il s’opposait également à l’insertion de la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la nouvelle convention.

Toutefois, le conseil à la majorité a conclu:

[TRADUCTION] On comprend facilement que les conseils d’arbitrage hésitent à supprimer, dans une convention collective, une condition qui constitue depuis un certain temps un trait caractéristique des rapports de négociation entre les parties.

L’arbitrage de divergences d’intérêts fait partie de la convention collective entre les parties depuis 1970. On n’y a pas eu recours lors de négociations avant la convention collective de 1976.

B. Les faits de l’arbitrage de Perth

Depuis 1970, les conventions collectives entre l’appelante et l’intimée Perth comportent une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts. Conformément à cette clause, un conseil d’arbitrage de divergences d’intérêts a été formé pour établir les conditions de la convention collective pour l’année

[Page 12]

civile 1976. Ce conseil a réinséré la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts et, de toute évidence, aucune des parties à l’époque n’a cherché à obtenir la suppression de cette clause dans la nouvelle convention collective. Les dispositions de la convention de 1976 pertinentes en l’espèce sont les suivantes:

ARTICLE 16 — DURÉE DE LA CONVENTION

16.1 La présente convention s’applique pour une période de douze mois, du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1976.

16.2 Chaque partie à la convention collective peut, dans les quatre-vingt-dix jours qui précèdent la date de son expiration, donner un avis écrit à l’autre partie de son intention de négocier son renouvellement, avec ou sans modifications, ou de conclure une nouvelle convention.

ARTICLE 15 — ARBITRAGE DE LA CONVENTION

1. Si l’une des parties choisit de modifier la présente convention et donne un avis de négociation conformément à la convention, et si elles ne peuvent s’entendre au cours des négociations ou par suite de l’intervention d’un conciliateur, les parties conviennent qu’une partie peut donner à l’autre partie un avis écrit de son intention de soumettre à l’arbitrage toutes les questions qui restent en litige. L’avis doit indiquer le nom de la personne que l’expéditeur désigne comme membre du conseil d’arbitrage. Dans les quinze (15) jours qui suivent, le destinataire doit communiquer à l’expéditeur le nom de la personne qu’il désigne comme membre du conseil d’arbitrage. L’avis, par une partie, de l’intention de recourir à l’arbitrage, pris conjointement avec le présent article, crée un engagement écrit irrévocable de soumettre à l’arbitrage toutes les questions qui restent en litige entre les parties, nonobstant l’expiration de la présente convention collective.

6. Si une partie invoque les dispositions du présent article, les dispositions de la présente convention collective restent alors en vigueur après la date de son expiration jusqu’à ce que le conseil d’arbitrage fixe la date d’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.

Le 20 décembre 1976, l’appelante a donné l’avis de négociation conformément à l’article 16; par la suite, la négociation et la conciliation ont duré toute l’année 1977 pour se terminer sans succès le 9 mai 1978 par un rapport du Ministre portant que

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la constitution d’une commission de conciliation serait inutile. Le 10 mai 1978, l’appelante a donné, conformément à l’article 15 de la convention collective, l’avis de son intention d’invoquer les dispositions relatives à l’arbitrage de divergences d’intérêts. L’arbitrage a eu lieu et, dans une sentence provisoire prononcée le 22 novembre 1978, le conseil a décidé unanimement qu’il avait compétence pour procéder à l’arbitrage des divergences d’intérêts puisque l’art. 70 de The Labour Relations Act maintient le droit de l’appelante d’invoquer l’arbitrage de divergences d’intérêts. Le 8 mai 1979, le conseil a prononcé une sentence finale établissant une convention collective d’une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1977, dont l’article 15 contient la disposition relative à l’arbitrage de divergences d’intérêts, à laquelle s’est opposé l’arbitre désigné par l’employeur.

L’intimée Haldimand et l’intimée Perth ont alors demandé l’examen judiciaire des deux sentences dans les deux instances avec les résultats suivants:

1. Le contrôle judiciaire de la convention de Haldimand

Pour des motifs que j’analyserai plus loin, la Cour divisionnaire à la majorité a annulé les sentences provisoire et finale du conseil d’arbitrage de Haldimand. Le juge Trainor, dissident, a exprimé l’avis que le conseil avait compétence pour entreprendre l’arbitrage de divergences d’intérêts mais qu’il ne pouvait inclure dans la nouvelle convention la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts. La Cour d’appel a infirmé la décision de la Cour divisionnaire et a rétabli la sentence provisoire, en concluant que le conseil avait compétence pour procéder à l’arbitrage de divergences d’intérêts. La Cour d’appel a conclu, cependant, qu’il y avait lieu d’annuler la partie de la sentence finale qui insérait dans la nouvelle convention collective une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts.

2. Le contrôle judiciaire de la convention de Perth

La Cour divisionnaire a maintenu la sentence provisoire du conseil ainsi que la sentence finale, y compris l’insertion, par le conseil, de la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la nouvelle convention. Le juge Trainor était dissident

[Page 14]

sur la question de l’insertion de la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la nouvelle convention. La Cour d’appel a conclu que le conseil d’arbitrage avait compétence pour procéder à l’arbitrage des divergences d’intérêts mais que, comme dans l’appel de Haldimand, le conseil n’avait pas le pouvoir, en vertu de la convention, d’insérer la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la nouvelle convention.

La compétence du conseil pour procéder à l’arbitrage de divergences d’intérêts

Il faut remarquer que la convention de Haldimand a établi le délai suivant en vertu de l’article 16: «Si… les parties n’ont pas réussi à négocier une nouvelle convention au plus tard le 15e jour qui précède la date d’expiration de la présente convention…» Relativement à cette disposition, le juge Maloney a affirmé, au nom de la Cour divisionnaire à la majorité:

[TRADUCTION] L’argumentation se fonde en grande partie sur la prétention que l’avis de l’intention de recourir à l’arbitrage devait être signifié au plus tard le quinzième jour avant l’expiration de la convention. Mais je remarque à la lecture du paragraphe que l’une ou l’autre des parties peut, à un moment qui n’est pas précisé, donner avis de l’intention de recourir à l’arbitrage si les parties n’ont pas réussi à négocier une nouvelle convention au plus tard le quinzième jour qui précède la date d’expiration. Ces deux propositions sont bien différentes, mais pour les raisons que je vais énoncer, l’issue ne dépend pas de cette question.

Cependant, le juge a conclu plus loin:

[TRADUCTION] Mais, de par ses termes mêmes, l’article 16.14 présuppose l’existence de procédures d’arbitrage, au moins dans la mesure où un avis de l’intention de recourir à l’arbitrage a été remis par l’une des parties avant l’expiration de la convention le 31 décembre 1976;

Le juge Trainor, dissident, a interprété cet article différemment:

[TRADUCTION] L’article 16.01 prescrit une période minimale de négociation jusqu’au 16 décembre 1976 après la signification de l’avis conformément à l’article 18.02. Par la suite, une partie qui le souhaitait pouvait recourir à l’arbitrage de divergences d’intérêts. Il n’y avait aucune obligation de le faire et il n’y avait pas non plus de délai pour le faire.

[Page 15]

On peut faire valoir que l’article 16.14 n’a un effet prorogatif que si l’avis d’arbitrage a été signifié avant le 31 décembre 1976. À mon avis, suivant cette interprétation, l’article 16.14 n’était pas requis dans la convention; puisque l’avis d’arbitrage a été signifié avant la fin de décembre, la prorogation n’était pas nécessaire.

L’interprétation de cet article donnée par le juge Goodman au nom de la Cour d’appel produit des résultats semblables à celle que donne le juge Maloney, bien que ce ne soit pas nécessairement parce que les termes utilisés exigent un avis d’arbitrage avant la date d’expiration:

[TRADUCTION] Il est évident que la convention envisage la remise, avant la date de son expiration, de l’avis de l’intention de recourir à l’arbitrage.

Avec égards pour les tenants de l’opinion contraire, j’estime que cet article ne prescrit aucun délai pour la communication de l’avis relatif à l’arbitrage de divergences d’intérêts. L’article 16.01 prévoit qu’une partie peut aviser l’autre partie de son intention de soumettre la négociation d’une nouvelle convention à l’arbitrage de divergences d’intérêts, pourvu que deux conditions soient remplies:

1) si l’une des parties a choisi, en vertu de l’article 18, de mettre fin à la convention en vigueur ou de la modifier; et

2) si les parties n’ont pas réussi à négocier une nouvelle convention au plus tard le 15e jour qui précède la date d’expiration de la convention en vigueur.

Si ces deux conditions sont remplies, les parties ont le droit de soumettre la négociation d’une nouvelle convention à l’arbitrage de divergences d’intérêts et l’exercice de ce droit n’est assujetti à aucun délai.

Si on interprète ainsi l’article 16, on obtient le même résultat que dans le cas de la convention de Perth, où on peut dire qu’aucun délai, exprès ou implicite, n’était prescrit pour la communication de l’avis d’arbitrage en vertu de l’article 15.01. Mais s’il n’y avait rien d’autre dans la loi ou dans les conventions elles-mêmes, ces articles des deux conventions deviendraient sans effet à l’expiration des deux conventions.

[Page 16]

Il y a au moins deux façons possibles de proroger ces conventions collectives au-delà de leurs dates d’expiration respectives:

a) en vertu des dispositions des conventions elles-mêmes (soit l’article 16 de la convention de Haldimand et l’article 15 de la convention de Perth) qui se rapportent au renouvellement ou à la prorogation au cours du processus de négociation; et

b) en vertu des dispositions de The Labour Relations Act qui régissent les conditions d’emploi et les rapports entre l’employeur, l’employé et l’agent négociateur jusqu’à ce que soit renouvelée la convention collective.

Examinons d’abord cette deuxième possibilité.

Cette question touche principalement l’art. 70 de la Loi qui se lit comme suit:

[TRADUCTION] 70. — (1) Lorsque l’avis prévu aux articles 13 ou 45 a été donné et qu’aucune convention collective n’est en vigueur, nul employeur ne doit, à moins d’obtenir le consentement du syndicat, modifier les taux de salaire ou toute autre condition d’emploi, ou encore un droit, privilège ou devoir de l’employeur, du syndicat ou des employés, et nul syndicat ne doit, à moins d’obtenir le consentement de l’employeur, modifier une condition d’emploi ou un droit, privilège ou devoir de l’employeur, du syndicat ou des employés,

a) jusqu’à ce que le Ministre ait désigné un conciliateur ou un médiateur en vertu de la présente loi et,

(i) que sept jours se soient écoulés après la remise aux parties, par le Ministre, du rapport d’une commission de conciliation ou d’un médiateur,

(ii) que quatorze jours se soient écoulés après que le Ministre a avisé les parties qu’il ne juge pas utile de constituer une commission de conciliation,

selon le cas; ou

b) jusqu’à ce que le droit du syndicat de représenter les employés ait été révoqué,

selon le premier de ces événements.

Cet article, maintenant l’art. 79, R.S.O. 1980, chap. 228, fait partie de la Loi depuis 1966.

Les tribunaux qui ont pris part à ces procédures à ce jour ont tous exprimé leur point de vue relativement à l’effet de l’art. 70. Dans l’avis

[Page 17]

qu’elle a donné au Ministre, conformément à l’art. 96 de la Loi, sur la question de savoir si les parties sont tenues en vertu de la convention ou de la Loi de résoudre leurs différends par l’arbitrage proposé, la Commission des relations de travail de l’Ontario a conclu:

[TRADUCTION] …il est évident que les conditions de la convention collective entre les parties, y compris l’article 16, ont été prorogées par l’application du par. 70(1) de The Labour Relations Act et qu’elles étaient en vigueur au moment où le syndicat a signifié l’avis du recours à l’arbitrage.

Le conseil d’arbitrage de Haldimand a conclu que l’art. 70 s’applique et a simplement adopté en entier l’analyse de l’art. 70 qu’on trouve dans la sentence du conseil d’arbitrage de Perth qui a conclu:

[TRADUCTION] Il ne nous est pas nécessaire de statuer sur le sens ultime de l’article 15.6 de la convention pris conjointement avec le par. 44(2) de The Labour Relations Act. Il en est ainsi parce que, à notre avis, l’art. 70 de la Loi fournit une réponse complète à l’argument de l’employeur.

En Cour divisionnaire, le juge Maloney a exprimé une opinion différente quant à l’art. 70. Voici ce qu’il a dit:

[TRADUCTION] Je remarque que cet article ne vise pas à proroger l’application de la convention collective pendant le processus de négociation et de conciliation, mais la partie citée de cet article interdit simplement de modifier les relations de travail qui existaient entre les parties avant l’expiration de la convention.

Le juge Trainor, dissident, a rejeté cette interprétation restrictive de l’art. 70 et a adopté plutôt l’interprétation qu’en a donnée la Commission des relations de travail de l’Ontario, précitée. Le juge Goodman, au nom de la Cour d’appel, a appuyé en des termes à peu près semblables la sentence du conseil de Haldimand:

[TRADUCTION] Il semble évident, par exemple, que lorsqu’une convention collective est expirée et qu’un employé dépose un grief alors que les parties sont en négociation, le syndicat ou l’employé conservent le droit de donner suite au grief par la procédure de règlement des griefs et les procédures d’arbitrage si nécessaire… À notre avis, il n’y a aucune raison valable de faire la distinction entre la préservation de ce droit par le par. 70(1) et la préservation du droit que la convention collective en l’espèce reconnaît aux parties de recourir à l’arbitrage de divergences d’intérêts.

[Page 18]

Ainsi, tous les conseillers et tous les juges qui ont procédé à l’examen judiciaire (à l’exception de ceux formant la majorité de la Cour divisionnaire) ont conclu que cet article est demeuré en vigueur après l’expiration de la convention, «…toute …condition d’emploi ou encore un droit… du syndicat ou des employés…» jusqu’à ce que se soient écoulés quatorze jours après la communication de la décision du Ministre de ne pas constituer une commission de conciliation. Dans les deux pourvois, l’avis où on demande l’arbitrage a été donné dans ce délai.

Si on accepte cette interprétation de l’art. 70, il n’y a alors que deux objections qui peuvent être soulevées dans les présentes procédures. La première est qu’«un droit» de l’employeur ou du syndicat ne comprend pas le droit, prévu à l’article 16 de la convention de Haldimand ou à l’article 15 de la convention de Perth, d’invoquer l’arbitrage de divergences d’intérêts au moment de la signification des deux avis. La formulation de cet article ne permet pas une interprétation aussi restrictive et il serait illogique et déraisonnable de s’attendre à trouver une exclusion de cette sorte dans une disposition prorogative conçue, comme c’est clairement le cas, pour maintenir le statu quo dans les lieux de travail en attendant l’issue de négociations collectives parfois longues.

La deuxième objection susceptible d’être soulevée est que l’article n’étend pas le droit à l’arbitrage prévu dans la convention lorsque le processus d’arbitrage n’a pas abouti à une sentence finale dans le délai de prorogation prévu à l’al. 70(1)a). Aucun des intimés (appelants dans les pourvois incidents) n’a défendu cette position et, avec égards, j’accepte la conclusion de la sentence de Perth et celle du juge Goodman de la Cour d’appel portant que le droit à l’arbitrage n’est requis qu’au moment de l’avis d’arbitrage, et non au moment du prononcé de la sentence arbitrale.

Je conclus à ce propos que lorsque le par. 70(1) est bien interprété, comme l’ont fait les conseils, le juge dissident de la Cour divisionnaire et la Cour d’appel, il fournit dans les deux instances un moyen de préserver le droit à l’arbitrage de la nouvelle convention. Par conséquent, les deux conseils d’arbitrage, dans les deux sentences provi-

[Page 19]

soires, ont eu raison de conclure qu’ils avaient compétence pour procéder dans chaque cas à l’arbitrage de divergences d’intérêts, et par conséquent les pourvois incidents doivent être rejetés.

Cette Cour est arrivée à la même conclusion dans l’arrêt Bradburn c. Wentworth Arms Hotel Limited, [1979] 1 R.C.S. 846 (voir pp. 852 et 860). Dans cette affaire, cette Cour devait interpréter deux paragraphes d’un article d’une convention collective qui semblaient incompatibles. On a considéré non pas que la convention elle-même comportait une disposition prorogative qui permettait de maintenir ses clauses en vigueur en attendant qu’elle soit remplacée par une nouvelle convention négociée, mais plutôt que ce résultat découlait de la Loi elle-même. Les motifs de la Cour à la majorité énoncent ce qui suit (à la p. 860):

À mon sens, la signification de l’avis de négociation en vertu de l’art. 13.01 a pour effet de mettre fin à la convention à l’expiration de la durée prévue, soit le 30. novembre 1970, et de mettre en marche le processus de négociation collective prescrit par The Labour Relations Act. Ce processus a pris fin lorsque le Ministre, sur réception du rapport du conciliateur, a décidé de ne pas nommer de bureau de conciliation. Le sous‑alinéa 70(1)a)(ii) de la Loi prévoit que les parties ont droit de grève ou de lock-out, selon le cas, 14 jours plus tard. Dans l’intervalle, l’art. 70 s’applique et limite les droits des parties en matière de salaires et de conditions de travail; le droit de grève et de lock-out est suspendu pendant cette période. Le litige ne porte aucunement sur cette période légale.

L’opinion concordante du juge en chef Laskin dans cet arrêt ne traite pas expressément de cet article si ce n’est pour souligner en passant qu’il s’agit d’une prorogation légale des conditions de travail pendant la négociation d’une nouvelle convention.

En tant qu’intimée dans les pourvois incidents, l’appelante a proposé une autre façon d’aborder la question de la prorogation des conditions de la convention collective durant le processus de renouvellement, fondée sur les dispositions des conventions elles-mêmes et sur l’art. 44 de The Labour Relations Act de l’Ontario. Il n’est pas nécessaire de s’y attarder en raison de la conclusion tirée plus

[Page 20]

haut, selon laquelle l’art. 70 assure le maintien du droit de donner l’avis d’arbitrage des questions relatives au renouvellement de la convention jusqu’au moment de l’exercice de ce droit en vertu des deux conventions collectives. Cette Cour a touché cette question dans l’arrêt Bradburn, précité, mais là encore, il n’était pas nécessaire de la trancher. La Cour à la majorité a conclu, tout comme le Juge en chef dans une opinion concordante, que l’art. 44 ne s’appliquait pas à la durée de la convention collective dont il était question en l’espèce. La Cour à la majorité (le juge en chef Laskin n’a pas examiné cette question) n’a reconnu dans l’art. 44 aucune limite à l’art. 70 et elle a conclu relativement à l’art. 44 (aux pp. 862 et 863):

Cela [l’art. 44] semble être le pendant consensuel de la convention minimum imposée par la Loi, ou plutôt du maintien du statu quo minimum prévu à l’art. 70 de la Loi. Comme il n’y a entre les deux paragraphes [44(1) et 44(2)] que le lien mentionné et que le par. (2) ne s’applique pas dans les circonstances, je ne puis admettre que le par. 44(1) s’applique à l’art. 13.02, comme s’il s’agissait d’une convention indépendante dont la durée doit être fixée.

L’opinion du Juge en chef, à la p. 851, est dans le même sens. Relativement à l’art. 44, on pourrait souligner en passant qu’il a été modifié compte tenu de l’arrêt Bradburn, mais le résultat n’est pas pertinent en l’espèce.

Le maintien de la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts

Examinons maintenant la question du pourvoi principal: les conseils d’arbitrage peuvent-ils inclure dans la nouvelle convention collective qui doit être établie dans les procédures d’arbitrage les dispositions relatives à l’arbitrage de divergences d’intérêts qui figurent dans les conventions antérieures?

Dans la sentence arbitrale définitive de Perth, le conseil a inclus l’article 15, précité, tiré de la convention antérieure, et ce faisant, il a fait remarquer:

[TRADUCTION] La décision d’inclure cette condition, comme toutes les conditions de la convention collective,

[Page 21]

doit être prise par ce conseil en fonction des arguments de fond soumis par les parties et de l’application des principes élaborés au cours des arbitrages.

L’argument soumis aux conseils portait que l’imposition d’une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts aurait pour effet de perpétuer cette clause dans la convention et de priver ainsi les parties du droit fondamental à la négociation collective conféré par la législation en matière de relations de travail. Le conseil a reconnu qu’[TRADUCTION] «aucune partie n’a, par présomption, le droit au maintien de cette condition simplement en s’opposant à une demande de modification». Le conseil a conclu que la suppression de cet article dans la convention collective serait [TRADUCTION] «prématurée pour le moment» et que, en raison des structures établies dans les relations ouvrières dans ce secteur de la collectivité, il était sage [TRADUCTION] «de bien réfléchir à sa suppression dès la première demande». À ce propos, le conseil s’est référé aux observations du président Adams dans la sentence Re York Regional Board of Health and Ontario Nurses’ Association (1978), 18, L.A.C. (2d) 255, aux pp. 264 et 265:

[TRADUCTION] Nous sommes cependant d’avis que l’assujettissement des parties à ce système depuis 1971 ou 1973 et l’absence d’opposition de la part de l’employeur à ce que cette disposition soit imposée de nouveau l’année dernière constituent une indication et justifient la réimposition de cette disposition dans une autre convention. Si cette disposition avait été présente depuis moins longtemps dans la convention, ou si l’employeur s’était opposé à cette clause la dernière fois ou s’il avait démontré que la sentence précédente avait entraîné des problèmes importants, nous aurions accueilli la demande de l’employeur. Pour les raisons d’ordre général que nous venons d’énoncer, nous croyons qu’en pareils cas des dispositions de ce genre ne doivent pas être reconduites sans le consentement exprès des deux parties. La libre négociation collective est trop importante pour qu’on la supprime par mégarde. Cependant, le système d’arbitrage de divergences d’intérêts dont il est question en l’espèce existe depuis longtemps;… Mais nous soulignons que si les parties ont recours à l’arbitrage pour une troisième fois l’an prochain et que si l’employeur s’oppose encore à la procédure d’arbitrage, nous sommes d’avis qu’un conseil d’arbitrage serait bien mal avisé d’imposer de nouveau cette disposition. Cette opinion s’appuie sur les principes fondamentaux examinés

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ci-dessus. Peu importe depuis quand elles figurent dans une convention, les dispositions de ce genre ne signifient pas que les parties ont accepté pour toujours le système d’arbitrage de divergences d’intérêts.

Après avoir examiné l’historique de la convention collective entre les parties et la question de la reconduction, le conseil a conclu que, puisqu’il s’agit de la principale question en litige entre les parties à l’arbitrage, la clause devait être maintenue dans la nouvelle convention qui, dans le cas de Perth, devait s’appliquer pour une période de deux ans. Le conseil d’arbitrage de Haldimand a adopté expressément le raisonnement du conseil de Perth et a maintenu la disposition relative à l’arbitrage de divergences d’intérêts dans la convention établie pour une période de trois ans.

Comme je l’ai déjà fait remarquer, la Cour d’appel a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’inclure cette disposition dans la convention parce qu’elle aurait pour effet de supprimer le droit des parties de recourir à la libre négociation collective et à la conciliation en vertu de la loi sur les relations ouvrières. La cour a conclu que si elle était résolue en faveur de l’appelante, cette question clé que soulèvent les articles précités (l’article 15 dans le cas de la convention de Perth et l’article 16 dans le cas de la convention de Haldimand) pourrait avoir pour effet d’empêcher les parties de recourir à la négociation collective et, ultimement, à l’exercice du droit de grève ou de lock-out en vertu de The Labour Relations Act de l’Ontario. La cour a appuyé cette conclusion sur l’arrêt Bradburn de cette Cour, précité, en particulier à la p. 859 où la Cour à la majorité affirme:

La loi ontarienne prévoit un cadre où les relations de travail sont fondées sur des négociations collectives conduisant à une convention collective, et ensuite à des conventions de remplacement. La négociation collective est un exercice auquel les parties participent après avoir évalué leur situation et force économique respective, sous réserve uniquement des restrictions et limites imposées par The Labour Relations Act. En conséquence, les conventions collectives, qui sont des créations de la loi et qui y trouvent leur origine et leur justification, sont le reflet de ces réalités. Un tribunal ne doit donc pas être trop prompt à donner à une clause de convention collective un sens qui la mette en conflit avec les principes des relations de travail consacrés par la loi applicable. Il n’en sera ainsi que lorsque l’intention et le texte de la

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convention dictent clairement pareille solution. Je suis d’avis que ce n’est pas le cas en l’espèce.

Toutefois, lorsqu’on examine l’arrêt Bradburn, il est important de remarquer que la Cour y était appelée à interpréter une clause de la convention collective, qui se lisait en partie comme suit:

[TRADUCTION] La présente convention demeure en vigueur jusqu’à la négociation et signature d’une nouvelle convention…

Il y avait un conflit évident entre cette disposition et le paragraphe précédent du même article. C’est en le réglant que la Cour a formulé les observations qui précèdent. Comme nous l’avons vu, la situation des deux conventions collectives en l’espèce est entièrement différente. À l’article 15 de la convention de Perth, les parties sont convenues [TRADUCTION] «de soumettre à l’arbitrage toutes les questions qui restent en litige»; et le conseil d’arbitrage, après avoir entendu et tranché ces questions en litige, [TRADUCTION] «doit rendre une décision qui énonce la nouvelle convention collective…». À l’article 16 de la convention de Haldimand, les parties sont convenues de [TRADUCTION] «soumettre à l’arbitrage la négociation d’une nouvelle convention…»; et le conseil, après avoir entendu les questions alors en litige, [TRADUCTION] «doit établir la nouvelle convention collective…». Rien dans la convention n’exige qu’un autre conseil agissant en vertu de la nouvelle convention collective impose de nouveau ces clauses d’arbitrage de la convention. Les conventions ne comportent aucun élément susceptible d’entraîner inexorablement un accord perpétuel sur l’arbitrage obligatoire d’une convention collective subséquente. Par conséquent, on ne retrouve pas en l’espèce les considérations qui ont influé sur l’arrêt Bradburn.

Quant à la convention de Haldimand, le juge Goodman a fait remarquer au nom de la Cour d’appel:

[TRADUCTION] Nous sommes d’avis que ces termes ne peuvent raisonnablement se prêter à l’interprétation qu’en a donnée le conseil; celui-ci les a interprétés de manière à permettre au conseil d’inclure dans la convention collective que négociaient alors les parties une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts qui avait pour effet d’exiger que les parties, dans le cas d’une

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convention collective à venir, soumettent de nouveau à la décision d’un conseil d’arbitrage la question de savoir si cette convention à venir doit comporter une disposition prévoyant l’établissement des conditions de cette convention par voie d’arbitrage obligatoire, au choix de l’une des parties.

La validité de cette observation repose entièrement sur la question de savoir si la sentence arbitrale a nécessairement pour effet de supprimer pour toujours le droit des parties à la libre négociation collective et les droits que leur accorde en conséquence la loi sur les relations de travail. La cour a conclu à ce sujet:

[TRADUCTION] Nous sommes d’avis que la disposition relative à l’arbitrage de divergences d’intérêts qui figure à l’article 16.01 de la convention collective de 1976 se limite uniquement à cette convention et, par conséquent, à l’établissement des conditions de la convention collective suivante; mais le conseil n’avait pas le pouvoir d’inclure une disposition similaire dans la convention qui était alors négociée ou établie conformément aux dispositions de la convention collective de 1976.

La Cour d’appel est arrivée à la même conclusion en ce qui concerne la convention de Perth:

[TRADUCTION] …les termes [des articles précités] ne peuvent raisonnablement se prêter à une telle interprétation qui pourrait avoir pour effet de priver l’une ou l’autre des parties de l’exercice des droits que leur accorde la Loi.

Ce raisonnement de la cour comporte deux conclusions. J’ai déjà examiné la première en parlant des éléments qui distinguent le présent pourvoi de l’arrêt Bradburn, précité. La seconde se rapporte au caractère raisonnable de l’interprétation que le conseil a donnée à la convention collective. Avec égards pour les juges des cours d’instance inférieure qui sont arrivés à des conclusions différentes, je suis d’avis que les décisions des deux conseils d’arbitrage quant au sens de ces conditions dans les conventions collectives sont non seulement raisonnables mais qu’elles sont en outre exactes en droit. C’est une autre question que de savoir si une cour doit aller jusqu’à décider si l’interprétation adoptée par le conseil est exacte, mais s’il fallait répondre à cette question en l’espèce, je devrais conclure que, dans le cas des deux conventions, les interprétations des conditions contractuelles sont exactes en droit.

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Ces conseils d’arbitrage sont établis avec le consentement des parties. Rien dans les deux conventions collectives ou dans les lois applicables ne fait entrer les procédures d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la catégorie des tribunaux établis par la loi en vertu de la règle de l’arrêt Rivando (voir Re International Nickel Company of Canada Limited and Rivando, [1956] O.R. 379) que cette Cour a adoptée de façon expresse dans l’arrêt Port Arthur Shipbuilding Company v. Arthurs, [1969] R.C.S. 85. À mon avis, les questions soulevées en l’espèce n’exigent pas qu’on examine à nouveau les normes d’examen judiciaire applicables à ce genre de procédure d’arbitrage. Ceci pour la simple raison que les décisions des conseils d’arbitrage en l’espèce répondent aux critères les plus exigeants, qu’il s’agisse du critère de l’arrêt McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517, savoir que l’interprétation de la loi applicable par le conseil d’arbitrage doit être exacte en droit, même si la règle de l’arrêt McLeod est interprétée comme s’étendant à la loi constitutive ou à la convention constitutive, ou qu’il s’agisse du critère de l’arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, savoir que l’interprétation que le conseil donne à la loi et à la convention applicables doit être une interprétation à laquelle leurs termes peuvent raisonnablement se prêter. Il ne nous est pas non plus nécessaire de décider, suivant la tradition classique des cas d’examen judiciaire concernant des tribunaux constitués avec le consentement des parties, si la question soumise par les parties à ces conseils d’arbitrage était une question de droit précise ou une question d’interprétation qui soulève accessoirement une question de droit (voir l’arrêt Volvo Canada Limited c. Syndicat international des travailleurs unis de l’automobile, de l’aéronautique et des instruments aratoires d’Amérique, local 720, [1980] 1 R.C.S. 178). Là encore, ce n’est pas important puisque les décisions des conseils, comme je l’ai déjà fait remarquer, sont, à mon avis, exactes en droit.

Une autre question soulevée à l’audience devant cette Cour est de savoir si la présence de l’art. 34c dans The Labour Relations Act, précitée, limite le recours à l’arbitrage de divergences d’intérêts aux

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circonstances mentionnées dans cet article qui se lit comme suit:

[TRADUCTION] 34c. — (1) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, les parties peuvent, dès que l’avis de leur intention de négocier prévu aux articles 13 ou 45 est donné, convenir irrévocablement par écrit de soumettre toutes les questions encore en litige à un arbitre ou à un conseil d’arbitrage dont la décision a force de chose jugée.

(2) Ce compromis remplace toute disposition de la présente loi relative au règlement des conflits, y compris celles qui se raportent à la conciliation, à la médiation, à la grève ou au lock-out. Les dispositions des paragraphes 37(6),(7),(9),(10) et (11) s’appliquent mutatis mutandis aux instances tenues devant l’arbitre ou le conseil d’arbitrage et aux décisions rendues aux termes du présent article.

[S.O. 1975, chap. 76, art. 7; maintenant R.S.O. 1980, chap. 228, par. 38(1) et (2).]

L’avocat de l’appelante s’appuie sur l’arrêt antérieur de la Cour d’appel de l’Ontario, Re Grey‑Owen Sound Health Unit and Ontario Nurses’ Association (1979), 24 O.R. (2d) 510. Dans cette affaire, la cour devait examiner un cas précis où des questions relatives au renouvellement d’une convention avaient été soumises à un conseil d’arbitrage directement en vertu de l’art. 34c. Les divers jugements des membres de la cour portaient principalement sur la portée du renvoi à l’arbitrage, une question qui n’est pas soulevée en l’espèce. Le juge Brooke, dissident en partie, a conclu que les parties qui souhaitent régler des questions de négociation d’une convention collective par voie d’arbitrage exécutoire peuvent invoquer cette disposition de la Loi qui, toutefois, ne représente pas un code qui empêcherait les parties d’avoir recours à l’arbitrage obligatoire de divergences d’intérêts pour le renouvellement d’une convention collective déjà existante. L’arrêt Grey-Owen Sound ne semble trancher aucune des questions que soulève le pourvoi principal en l’espèce.

Je suis par conséquent d’avis d’accueillir les pourvois, de rejeter les pourvois incidents sans dépens et d’infirmer la partie des ordonnances de la Cour d’appel qui annule l’inclusion, dans la sentence arbitrale, de la disposition relative à l’arbitrage de divergences d’intérêts. L’appelante a droit à ses dépens dans les deux pourvois.

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Pourvois accueillis avec dépens et pourvois incidents rejetés.

Procureurs de l’appelante: McCarthy & McCarthy, Toronto.

Procureurs des intimées: Beard, Winter, Gordon, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1983] 2 R.C.S. 6 ?
Date de la décision : 27/09/1983
Sens de l'arrêt : Les pourvois sont accueillis et les pourvois incidents sont rejetés

Analyses

Droit du travail - Convention collective - Disposition prorogative - Arbitrage de divergences d’intérêts - Compétence du conseil d’arbitrage d’entendre la question - Droit du conseil d’arbitrage d’insérer une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans une nouvelle convention - The Labour Relations Act, R.S.O. 1970, chap. 232, art. 34c, 70 (R.S.O. 1980, chap. 228, art. 3, 8(1)(2), 79).

Les pourvois et les pourvois incidents en l’espèce découlent de procédures distinctes relatives à des conventions collectives semblables. Chaque convention comportait depuis longtemps une clause prévoyant la résolution des litiges que la négociation en vue d’une nouvelle convention ne permettait pas de résoudre, sous réserve du respect des conditions relatives à l’avis. (Dans la convention de Perth, cette clause avait été insérée par le conseil d’arbitrage qui avait fixé les conditions de la convention.) La convention devait rester en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit modifiée par le conseil d’arbitrage.

Après l’échec des négociations et après avoir établi que la conciliation était impossible, chaque appelante s’est prévalue de la clause d’arbitrage de divergences

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d’intérêts. Dans des sentences provisoires, les deux conseils d’arbitrage ont conclu qu’ils ont compétence pour entendre le litige puisque l’art. 70 de The Labour Relations Act a maintenu le droit d’invoquer cette clause. Chaque sentence définitive prescrit une convention collective qui comporte une clause d’arbitrage de divergences d’intérêts identique à celle prévue dans la convention précédente expirée. Le membre du conseil désigné par chacun des employeurs a exprimé sa dissidence et les intimées ont demandé l’examen judiciaire de leur sentence respective. Dans le cas de la convention de Haldimand, la Cour divisionnaire a annulé les sentences provisoire et finale mais la Cour d’appel a rétabli la sentence provisoire et a conclu que le conseil avait compétence pour procéder à l’arbitrage de divergences d’intérêts. Dans l’arbitrage de Perth, la Cour divisionnaire a maintenu les sentences provisoire et finale, mais la Cour d’appel a de nouveau décidé que le conseil d’arbitrage n’avait pas en vertu de la convention le pouvoir d’insérer la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la nouvelle convention. Le litige porte donc sur le pouvoir du conseil d’arbitrage d’insérer la clause d’arbitrage de divergences d’intérêts dans la nouvelle convention et sur le droit du conseil d’entendre la question.

Arrêt: Les pourvois sont accueillis et les pourvois incidents sont rejetés.

Les conseils d’arbitrage avaient compétence pour procéder à l’arbitrage des divergences d’intérêts. Les articles qui prévoient l’arbitrage de divergences d’intérêts ne prescrivent aucun délai, exprès ou implicite, pour la communication de l’avis d’arbitrage. Bien que ces articles deviennent sans effet à l’expiration des conventions s’il n’y avait rien d’autre dans la loi ou dans les conventions, ils ont été prorogés en l’espèce par les dispositions de The Labour Relations Act. Le paragraphe 70(1), qui fournit un moyen de préserver le droit à l’arbitrage de la nouvelle convention, a été invoqué à bon droit. L’employeur et le syndicat avaient le droit d’invoquer l’arbitrage de divergences d’intérêts lorsque les avis ont été donnés; ce droit n’est requis qu’au moment de l’avis d’arbitrage et non au moment du prononcé de la sentence arbitrale.

La clause d’arbitrage de divergences d’intérêts que contenait la convention antérieure peut être comprise dans la sentence. Rien n’exige qu’un autre conseil agissant en vertu de la nouvelle convention collective impose de nouveau ces clauses ni ne suppose un accord perpétuel sur l’arbitrage obligatoire d’une convention collective subséquente. L’interprétation par les deux conseils du sens des clauses d’arbitrage de divergences d’intérêts est non seulement raisonnable mais elle est en outre exacte en droit. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de

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décider si la question soumise au conseil était une question de droit ou une question d’interprétation qui soulève accessoirement une question de droit. En outre, il n’est pas nécessaire d’examiner les normes d’examen judiciaire applicables aux tribunaux établis par la loi puisque les décisions des conseils d’arbitrages établis du consentement des parties répondent aux critères les plus exigeants.

L’article 34c de The Labour Relations Act ne limite pas le recours à l’arbitrage de divergences d’intérêts.


Parties
Demandeurs : Ontario Nurses' Association
Défendeurs : Haldimand-Norfolk Health Unit

Références :

Jurisprudence: arrêts examinés: Bradburn c. Wentworth Arms Hotel Limited, [1979] 1 R.C.S. 846

Re Grey-Owen Sound Health Unit and Ontario Nurses’ Association (1979), 24 O.R. (2d) 510

arrêts mentionnés: Re York Regional Board of Health and Ontario Nurses’ Association (1978), 18 L.A.C. (2d) 255

Re International Nickel Company of Canada Limited and Rivando, [1956] O.R. 379

Port Arthur Shipbuilding Company v. Arthurs, [1969] R.C.S. 85

McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517

Syndicat canadien de la Fonction publique section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227

Volvo Canada Ltd. c. Syndicat international des travailleurs unis de l’automobile, de l’aéronautique et des instruments aratoires d’Amérique, local 720, [1980] 1 R.C.S. 178.

Proposition de citation de la décision: Ontario Nurses' Association c. Haldimand-Norfolk Health Unit, [1983] 2 R.C.S. 6 (27 septembre 1983)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-09-27;.1983..2.r.c.s..6 ?
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