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15/12/1983 | CANADA | N°[1983]_2_R.C.S._541

Canada | Paul Revere Life Insurance Co. c. Sucharov, [1983] 2 R.C.S. 541 (15 décembre 1983)


Cour suprême du Canada

Paul Revere Life Insurance Co. c. Sucharov, [1983] 2 R.C.S. 541

Date: 1983-12-15

The Paul Revere Life Insurance Company Appelante;

et

Gershon David Sucharov Intimé.

N° du greffe: 16945.

1983: 13 octobre; 1983: 15 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey et McIntyre.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

Cour suprême du Canada

Paul Revere Life Insurance Co. c. Sucharov, [1983] 2 R.C.S. 541

Date: 1983-12-15

The Paul Revere Life Insurance Company Appelante;

et

Gershon David Sucharov Intimé.

N° du greffe: 16945.

1983: 13 octobre; 1983: 15 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey et McIntyre.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA


Synthèse
Référence neutre : [1983] 2 R.C.S. 541 ?
Date de la décision : 15/12/1983
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Assurance - Police d’assurance invalidité - Incapacité totale et partielle - Incapacité de l’assuré de vaquer à ses occupations habituelles.

L’assuré intimé était propriétaire-directeur d’une entreprise de courtage en assurances générales. En avril 1976, il a demandé des indemnités aux termes de la police d’assurance d’invalidité totale que lui avait délivrée la compagnie d’assurance appelante en décembre 1973.

Par un jugement à la majorité, la Cour d’appel du Manitoba a confirmé un jugement du juge Solomon et conclu que l’intimé avait droit, en vertu de la police d’assurance, à une indemnisation pour incapacité totale et non pas simplement pour incapacité partielle. D’où le présent pourvoi pour déterminer si les cours d’instance inférieure ont appliqué le mauvais critère juridique pour distinguer l’incapacité totale de l’incapacité partielle.

Arrêt (le juge Ritchie est dissident): Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, Estey et McIntyre: Les dispositions relatives à l’incapacité totale diffèrent d’une police d’assurance à l’autre et chacune doit être examinée en elle-même. En l’espèce, la police stipulait très clairement qu’incapacité totale, avant que l’assuré atteigne l’âge de 55 ans, ne signifiait pas qu’il devait être dans l’impossibilité absolue de travailler contre rémunération. Dans ce contexte, un propriétaire-directeur est dans l’impossibilité absolue d’accomplir son travail à ce titre s’il est incapable de remplir effectivement toutes les fonctions de ce poste, ce qu’établit la preuve médicale incontestée. Il ne faut pas reformuler la police en ce sens qu’on y insère la notion de la capacité d’accomplir un travail autre que l’occupation habituelle de l’assuré.

[Jurisprudence: Harding v. Prudential Insurance Co. of America (1940), 7 I.L.R. 227.]

[Page 542]

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba (1981), 13 Man. R. (2d) 32, [1982] I.L.R. 789, confirmant un appel d’un jugement du juge Solomon (1981), 8 Man. R. (2d) 349, [1981] I.L.R. 357. Pourvoi rejeté, le juge Ritchie est dissident.

R. Stephenson et D. Rosin, pour l’appelante.

Michael Green, pour l’intimé.

Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges Dickson, Estey et McIntyre rendu par

LE JUGE EN CHEF — L’assureur appelant se pourvoit contre un arrêt dans lequel la Cour d’appel du Manitoba, à la majorité, a confirmé un jugement du juge Solomon et conclu que l’intimé avait droit, en vertu d’une police d’assurance, à une indemnisation pour incapacité totale et non pas simplement pour incapacité partielle. Le juge Monnin (tel était alors son titre), dissident, aurait accueilli l’appel formé par l’assureur contre le jugement de première instance.

Il y a en l’espèce des conclusions de fait concordantes auxquelles cette Cour ne touche que rarement même si elles n’ont reçu qu’un appui majoritaire en cour d’appel. La question principale ici est de savoir si les cours d’instance inférieure, et particulièrement la Cour d’appel à la majorité, ont appliqué le mauvais critère juridique pour distinguer l’incapacité totale de l’incapacité partielle. S’il n’y a pas d’erreur à cet égard, le pourvoi doit échouer.

La police d’assurance applicable en l’espèce traite ainsi de l’incapacité totale et de l’incapacité partielle: l’incapacité totale signifie

[TRADUCTION] qu’en raison de ces blessures ou de cette maladie, l’assuré est complètement incapable de vaquer à son occupation habituelle; toutefois, dès qu’une indemnité mensuelle est devenue payable en vertu des présentes pendant une période continue d’incapacité jusqu’au cinquante-cinquième anniversaire de l’assuré ou pendant une période de soixante mois, selon la plus longue de ces périodes, alors pendant le reste, s’il y a lieu, de la période pendant laquelle l’indemnité mensuelle est payable, l’expression «incapacité totale» s’entend de l’impossibilité complète pour l’assuré, en raison de ces blessures

[Page 543]

ou de cette maladie, d’occuper un emploi rémunérateur qu’il est raisonnablement apte à occuper en vertu de ses études, de sa formation ou de son expérience, en tenant compte dûment de sa situation économique au début de son incapacité.

L’incapacité partielle s’entend de ce qui suit:

[TRADUCTION] … l’impossibilité pour l’assuré de remplir les fonctions quotidiennes habituelles de son occupation pendant au moins la moitié du temps qu’il doit normalement y consacrer ou l’impossibilité de remplir une seule ou plusieurs des fonctions habituelles importantes de son occupation.

Le jugement de première instance

En première instance, le juge Solomon a tranché la question de droit de la manière suivante:

[TRADUCTION] J’estime que le droit est très clair en ce qui a trait aux clauses relatives à l’incapacité totale contenues dans les polices d’assurance. Le demandeur doit prouver qu’il est totalement incapable de remplir les fonctions visées par la police. Il est à noter que les clauses portant sur l’incapacité totale varient d’une police à l’autre et, en raison de ces différences, les décisions judiciaires varient elles aussi. Ces décisions doivent être prises en fonction des clauses de la police d’assurance sur laquelle porte le litige.

Étudions maintenant les clauses de la police présentement en cause. Selon moi, pour avoir droit à des prestations en vertu de ladite police d’assurance, le demandeur doit prouver en l’espèce qu’en juillet 1977 il souffrait d’une maladie chronique nécessitant les soins réguliers d’un médecin et que cette maladie a provoqué chez lui une incapacité totale qui l’empêchait complètement de vaquer à son occupation habituelle de propriétaire-directeur de sa propre entreprise de courtage en assurances générales.

La définition de l’incapacité totale que donne la police d’assurance est à ce point précise qu’elle exclut toute conjecture quant aux risques visés par ses clauses. Les clauses relatives à l’incapacité totale ont pour objet d’assurer le demandeur contre l’incapacité de remplir les fonctions de son occupation habituelle de propriétaire-directeur de sa propre entreprise de courtage en assurances générales. Les mots «incapacité totale» employés dans la police à l’égard de toute période antérieure au 55e anniversaire de naissance du demandeur, ne signifient pas que celui-ci devait être dans l’impossibilité absolue de travailler contre rémunération. Le risque assuré par la police se rapporte à la capacité du demandeur de gérer sa propre entreprise et non pas à celle d’occuper un poste de vendeur ou de teneur de livres

[Page 544]

dans le domaine des assurances. Mon interprétation de ce qui est visé par la police avant que le demandeur n’ait atteint l’âge de 55 ans est renforcée par les clauses relatives à la période qui suivra son 55e anniversaire de naissance. La police prévoit très nettement que, pour demander une indemnisation au cours de cette dernière période, le demandeur devra prouver qu’il est dans l’impossibilité d’obtenir un emploi rémunérateur comparable. En d’autres termes, la défenderesse affirme très clairement dans la police qu’après le 55e anniversaire de naissance du demandeur, il ne lui suffira plus de prouver son incapacité de gérer sa propre entreprise. Il devra alors prouver qu’il ne peut occuper un emploi rémunérateur comparable, faute de quoi il ne pourra demander une indemnisation. Si elle avait voulu que la condition relative à un autre emploi rémunérateur s’applique à la première période, la défenderesse aurait pu très facilement inclure une clause en ce sens. En l’absence d’une telle clause, je conclus que, pour avoir droit à une indemnisation en vertu de la police, le demandeur n’a qu’à prouver son incapacité de gérer sa propre entreprise de courtage en assurances.

La preuve médicale en l’espèce a convaincu le juge de première instance qu’il y avait incapacité totale au sens de la police d’assurance. Il a conclu que

[TRADUCTION] … le demandeur souffre d’une maladie chronique nécessitant les soins réguliers de médecins et que cette maladie provoque chez lui une incapacité totale qui l’empêche complètement de vaquer à son occupation habituelle de propriétaire‑directeur de sa propre entreprise de courtage en assurances générales.

La Cour d’appel

Le juge Hall, s’exprimant au nom de la majorité en Cour d’appel, résume ainsi la question en litige:

[TRADUCTION] On peut raisonnablement affirmer que l’occupation habituelle de l’assuré était celle de propriétaire-directeur d’une entreprise de courtage en assurances générales. La question est donc de savoir si, au regard des faits, l’assuré était, en raison d’une maladie, dans l’impossibilité totale de vaquer à cette occupation.

Il a conclu que le juge de première instance n’a commis aucune erreur prouvable dans son interprétation de l’étendue de la protection offerte par la police d’assurance, et qu’aucune erreur n’a été commise au sujet de l’aspect factuel ou de l’aspect légal de la question en litige. Quant à la question de droit, le juge Hall a examiné et rejeté les arguments de l’assureur en ces termes:

[Page 545]

[TRADUCTION] L’avocat de l’assureur fait valoir principalement que la maladie de l’assuré ne l’empêchait pas complètement d’exploiter son entreprise d’assurances. Il pouvait faire souscrire de l’assurance, faire des appels téléphoniques et tenir les livres. Il ne souffrait donc pas d’une incapacité totale. À mon avis, cet argument échoue pour la simple raison que, selon une interprétation raisonnable de la police d’assurance, l’assuré bénéficie d’une protection contre l’incapacité totale dès que, comme c’est le cas en l’espèce, il se trouve dans l’impossibilité absolue de vaquer à son occupation habituelle de propriétaire-directeur d’une entreprise de courtage en assurances. Bien qu’il puisse être en mesure d’accomplir certaines tâches liées à l’exploitation de cette entreprise, il n’en demeure pas moins que, pendant la période en question, il était complètement incapable de remplir toutes les fonctions de son occupation habituelle.

On a constaté la phrase des motifs du juge Hall où il affirme que [TRADUCTION] «le critère n’est pas la capacité de remplir toutes les fonctions, mais la capacité de remplir les fonctions essentielles». L’assureur a produit une liste des activités que, selon la preuve, l’assuré devait exercer. Voici la liste qu’il en a fait:

[TRADUCTION] Faire souscrire de l’assurance,

fournir un service après vente,

recevoir les polices et en vérifier l’exactitude,

régler les plaintes,

recouvrer les créances,

s’occuper du financement,

s’occuper de l’administration générale du bureau,

diriger deux employés,

faire des renouvellements,

s’occuper de la commercialisation des polices,

commander les fournitures de bureau.

D’après l’assureur, le témoignage de l’assuré suffit pour établir que celui-ci ne souffrait pas d’une incapacité totale. On relève à l’encontre de l’assuré les points suivants:

[TRANSLATION] … son état de santé ne l’empêche pas de renouveler les polices; il peut faire souscrire sans aucune difficulté des polices pour propriétaires de maisons et toute difficulté de faire souscrire des polices d’assurance commerciale tient à la concurrence qui existe dans ce domaine; il est capable de tenir les livres et de commander les fournitures de bureau et de remplir d’autres fonctions administratives de ce genre; et, en octobre 1978, lors de son interrogatoire préalable, il était convaincu que son état de santé ne l’empêchait pas de faire souscrire de nouvelles polices.

[Page 546]

L’assureur fait valoir que le critère approprié est de savoir si l’assuré était incapable de remplir les fonctions essentielles de son occupation. L’assureur diviserait les fonctions en leur attribuant une valeur précise. Toutefois, cela ne tient pas compte de la preuve médicale incontestée qui démontre nettement que ses tentatives de poursuivre ses activités de propriétaire-directeur ont provoqué des crises de stress et de nervosité frisant l’hystérie (pour reprendre les termes du juge Hall).

En d’autres termes, un propriétaire-directeur est dans l’impossibilité absolue d’accomplir son travail à ce titre s’il est incapable de remplir effectivement toutes les fonctions de ce poste.

Dans Couch on Insurance (1983), 2d (Rev. ed.) §53:118, on trouve le passage suivant qui est pertinent en l’espèce:

[TRADUCTION] On satisfait au critère de l’incapacité totale si les circonstances sont telles qu’un homme raisonnable reconnaîtrait qu’il ne doit pas exercer une activité donnée, bien qu’il ne soit pas littéralement dans l’impossibilité physique de le faire. En d’autres termes, l’incapacité totale ne signifie pas l’impossibilité physique absolue d’accomplir une tâche quelconque liée à son occupation; il y a plutôt incapacité totale dès que les maux de l’assuré sont tels que, par simple mesure de précaution et de prudence, il doit laisser de côté ses affaires ou son occupation pour assurer sa guérison; par conséquent, si l’état de l’assuré est tel que, par simple mesure de précaution et de prudence il doit cesser totalement de travailler pour assurer sa guérison ou prolonger sa vie, il souffre alors d’une incapacité totale au sens d’une police d’assurance maladie ou d’assurance contre les accidents.

L’assureur a voulu s’appuyer sur les principes énoncés par feu le juge Chevrier de la Cour suprême de l’Ontario dans la décision Harding v. Prudential Insurance Co. of America (1940), 7 I.L.R. 227. Dans cette affaire, la police spécifiait une incapacité totale et permanente, soit physique soit psychique, quelle qu’en fût la cause, qui mettait l’assuré dans l’impossibilité complète, continue et permanente de se livrer à une occupation ou d’accomplir un travail moyennant rémunération pendant le reste de ses jours. Cette police est différente de celle dont il est question en l’espèce, mais, sur la foi de la preuve, le demandeur dans l’affaire Harding a eu gain de cause. Dans cette

[Page 547]

affaire, la cour a appliqué le principe de l’interprétation raisonnable et même celui du contra proferentem. Dans la mesure où les polices diffèrent, c’est celle qui est présentement en cause qui est plus favorable à l’assuré.

Dans ses motifs de dissidence, le juge Monnin (tel était alors son titre) a adopté un point de vue différent en ce qui concerne une partie de la preuve médicale. Il a tiré la conclusion suivante:

[TRADUCTION] Sauf pendant son séjour à l’hôpital et sa convalescence, le demandeur n’a jamais été complètement incapable de vaquer à son occupation habituelle. Ses propres médecins ont affirmé qu’il pouvait remplir certaines tâches et qu’il serait préférable qu’il change de métier. Le demandeur a affirmé qu’il pouvait accomplir lui-même la plupart des tâches qu’il remplissait auparavant.

Le critère juridique appliqué par le juge Monnin n’est pas tout à fait le même que celui auquel a eu recours le juge Hall. Selon mon interprétation des motifs du juge Monnin, il y a une différence importante, savoir:

[TRADUCTION] Un assuré est complètement incapable de vaquer à son occupation habituelle s’il est dans l’impossibilité d’en remplir les fonctions essentielles. Une personne qui se fait dire par son médecin qu’elle peut accomplir un autre genre de travail et qu’elle devrait changer de métier ne souffre pas d’une incapacité totale. De son propre aveu, le présent demandeur est capable de remplir la plupart de ses fonctions, mais pas toutes ensemble. Ce n’est pas là une incapacité totale.

La différence réside, selon moi, dans l’appréciation de la preuve médicale et dans ce qui me semble être une nouvelle formulation de la police d’assurance en ce sens qu’on y insère la notion de la capacité d’accomplir un travail autre que l’occupation habituelle de l’assuré.

À mon avis, le pourvoi échoue et doit être rejeté avec dépens.

Version française des motifs rendus par

LE JUGE RITCHIE (dissident) — Il s’agit en l’espèce d’un appel formé, avec l’autorisation de cette Cour, contre un arrêt dans lequel la Cour d’appel du Manitoba (le juge Monnin étant dissident) a confirmé le jugement de première instance dans lequel le juge Solomon de la Cour du Banc de la

[Page 548]

Reine de cette province a conclu que le demandeur (intimé) souffrait d’une [TRADUCTION] «incapacité totale» pour cause de maladie au sens qui est donné à cette expression dans la police d’assurance pour cadres délivrée au demandeur par la défenderesse et en vigueur depuis le 1er juillet 1977 jusqu’au 30 avril 1981 inclusivement. C’est sur cette police d’assurance que porte le présent appel formé par le demandeur.

J’ai eu l’avantage de lire les motifs de jugement rédigés par le Juge en chef de cette Cour et je constate que sa confirmation de l’arrêt de la Cour d’appel du Manitoba se fonde dans une large mesure sur la conclusion suivante:

Il y a en l’espèce des conclusions de fait concordantes auxquelles cette Cour ne touche que rarement même si elles n’ont reçu qu’un appui majoritaire en cour d’appel.

Dans les motifs de jugement du Juge en chef, cette conclusion est suivie de l’observation suivante:

La question principale ici est de savoir si les cours d’instance inférieure, et particulièrement la Cour d’appel à la majorité, ont appliqué le mauvais critère juridique pour distinguer l’incapacité totale de l’incapacité partielle. S’il n’y a pas d’erreur à cet égard, le pourvoi doit échouer.

À mon avis, l’issue du présent appel dépend du sens véritable qui doit être prêté à l’expression «incapacité totale» définie par la police susmentionnée et, comme le Juge en chef l’a souligné, le critère qui doit être appliqué pour trancher ce point est un critère juridique. La preuve relative à l’état de santé du demandeur n’est pas sérieusement contestée. C’est une personne au tempérament nerveux et il est évident que le stress lié à la gestion de sa compagnie d’assurances, conjugué à des difficultés matrimoniales et à un mode de vie comportant la consommation de très grandes quantités d’alcool, ont provoqué chez lui une hypertension dont l’intensité varie et qui l’empêche périodiquement de remplir certaines de ses fonctions de directeur de sa propre entreprise de courtage en assurances générales. En définitive, il était capable de remplir séparément la plupart de ses fonctions mais incapable de faire face à toutes ces fonctions prises ensemble. Dans ses motifs de dissidence, le juge Monnin résume correctement le

[Page 549]

témoignage du demandeur (intimé) à cet égard, de la façon suivante:

[TRADUCTION] Dans son témoignage, le demandeur a soutenu qu’il était capable de remplir séparément la plupart de ses fonctions de président directeur général mais qu’il était incapable de faire face à toutes ces fonctions prises ensemble de manière à s’acquitter effectivement de ses fonctions de directeur général de l’entreprise.

À mon sens, il ne fait aucun doute que l’incapacité ainsi décrite traduit une incapacité très importante, mais l’incapacité visée par l’assurance en l’espèce est une «incapacité totale» définie dans la police elle-même. La définition de l’expression «incapacité totale», reproduite dans les motifs de jugement du juge en chef Laskin, se lit en partie ainsi:

[TRADUCTION] … l’assuré est complètement incapable de vaquer à son occupation habituelle;

Je n’arrive pas à me convaincre qu’on peut dire d’un assuré qui affirme, dans sa demande en vertu de cette police, être capable de remplir séparément la plupart des fonctions de directeur général, qu’il est complètement incapable de vaquer à cette occupation.

L’emploi du mot «complètement» dans la définition précitée me semble empêcher qu’un assuré aux termes de cette police, capable de remplir séparément la plupart des fonctions de son occupation habituelle, puisse toucher une indemnité pour «incapacité totale». À mon sens, le mot «complètement» signifie qu’on veut parler de chacun des éléments formant le tout décrit.

Toutefois, le juge Hall, s’exprimant au nom de la majorité en Cour d’appel, a adopté un critère non prévu dans la police d’assurance lorsqu’il a affirmé [TRADUCTION] «le critère n’est pas la capacité de remplir toutes les fonctions, mais la capacité de remplir les fonctions essentielles», et c’est en appliquant ce critère que la Cour d’appel a conclu que le requérant avait droit à une indemnité en vertu de sa police d’assurance.

Je suis d’accord avec le juge Hall qu’en appliquant le critère ainsi adopté, on doit nécessairement conclure que l’assuré souffrait d’une [TRADUCTION] «incapacité importante», mais je ne vois

[Page 550]

aucune raison de substituer ce critère à celui prévu explicitement par la police d’assurance. En définitive, je suis d’avis d’accueillir l’appel pour les raisons énoncées par le juge Monnin dans ses motifs de dissidence.

Si ces motifs l’emportaient, l’appelant aurait droit à ses dépens dans toutes les cours.

Pourvoi rejeté avec dépens, le juge RITCHIE est dissident.

Procureurs de l’appelante: Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winnipeg.

Procureurs de l’intimé: Thompson, Dorfman, Winnipeg.


Parties
Demandeurs : Paul Revere Life Insurance Co.
Défendeurs : Sucharov
Proposition de citation de la décision: Paul Revere Life Insurance Co. c. Sucharov, [1983] 2 R.C.S. 541 (15 décembre 1983)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-12-15;.1983..2.r.c.s..541 ?
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