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23/05/1985 | CANADA | N°[1985]_1_R.C.S._596

Canada | Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon c. CEGEP de Lévis-Lauzon, [1985] 1 R.C.S. 596 (23 mai 1985)


Cour suprême du Canada

Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon c. CEGEP de Lévis-Lauzon, [1985] 1 R.C.S. 596

Date: 1985-05-23

Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon, Roméo Côté, Dame Lucette Hade, Robert Wilson, Gérard Barrette Appelants;

et

Collège d'enseignement général et professionnel de Lévis-Lauzon Intimé;

et

Me François G. Fortier, M. Pierre Gagnon, Dame Hélène Choquette Mis en cause;

et

Lionel Labbé Mis en cause.

N° du greffe: 17069.

1983: 31 octobre; 1985: 23 mai.<

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Présents: Les juges Ritchie, Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer et Wilson.

Le juge Ritchie n'a pas pris part au jugement.

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Cour suprême du Canada

Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon c. CEGEP de Lévis-Lauzon, [1985] 1 R.C.S. 596

Date: 1985-05-23

Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon, Roméo Côté, Dame Lucette Hade, Robert Wilson, Gérard Barrette Appelants;

et

Collège d'enseignement général et professionnel de Lévis-Lauzon Intimé;

et

Me François G. Fortier, M. Pierre Gagnon, Dame Hélène Choquette Mis en cause;

et

Lionel Labbé Mis en cause.

N° du greffe: 17069.

1983: 31 octobre; 1985: 23 mai.

Présents: Les juges Ritchie, Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer et Wilson.

Le juge Ritchie n'a pas pris part au jugement.

EN APPEL DE LA COUR D'APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec[1], qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure[2], autorisant la délivrance d'un bref d'évocation. Pourvoi accueilli.

Georges Marceau et Giuseppe Sciortino, pour les appelants.

Marc Rivard, pour l'intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE BEETZ — La décision d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief est-elle sujette à révision judiciaire? C'est la question qu'il faut trancher. Elle prête à controverse depuis quelques années au Québec et elle a donné lieu à plusieurs arrêts contradictoires de la Cour d'appel du Québec.

I — Les faits

Les faits ne sont pas en litige. En voici l'exposé que l'on trouve au mémoire des appelants:

Le 2 mai 1980, les parties signaient localement une convention collective faisant suite à l'entente intervenue provincialement le 23 avril 1980.

Les 5 et 29 mai suivants, les professeurs appelants logèrent des griefs individuels conformément aux dispositions de ladite convention collective.

Par leurs griefs, les professeurs, appelants, prétendaient que le Collège n'avait pas respecté l'article 6-3.00 de la convention en cause en ne considérant pas à sa juste valeur toute leur expérience et réclamaient par ces griefs que leur expérience au niveau universitaire soit considérée comme expérience d'enseignement au niveau universitaire, et ce rétroactivement à la date de leur engagement par l'intimé.

Conformément à la convention collective, les mis-en-cause furent nommés arbitres pour entendre lesdits griefs.

[Page 599]

Au début de l'audition tenue le 6 février 1981, le représentant de l'intimé souleva la prescription desdits griefs. Les parties convinrent alors de limiter le débat, dans un premier temps, à cette seule question.

Le tribunal d'arbitrage procéda alors à l'audition de la preuve et retint les faits suivants:

«1. Le Collège a procédé à l'engagement de LUCETTE HADE pour l'année 1975-1976, de GÉRARD BARRETTE et de ROBERT WILSON pour l'année 1976-1977 et de ROMÉO CÔTÉ pour l'année 1977-1978.

2. Ces quatre (4) professeurs ont fourni au Collège, lors de leur engagement, leur «curriculum vitae» faisant état d'expérience universitaire.

3. Chacun de ces professeurs, lors de son engagement, a discuté de cette «expérience universitaire» avec le Collège mais ce dernier ne l'a pas reconnue comme expérience d'enseignement.

4. Le 2 mai 1980, les parties signaient localement une convention collective faisant suite à l'entente intervenue provincialement le 23 avril 1980.

5. Le 5 mai 1980, ROMÉO CÔTÉ réclame par grief la reconnaissance comme expérience d'enseignement de son expérience universitaire; LUCETTE HADE, GÉRARD BARRETTE et ROBERT WILSON en font autant le 27 mai 1980.»

L'intimé soumit au tribunal d'arbitrage que les griefs devraient être rejetés parce que les professeurs appelants connaissaient dès leur engagement la décision du Collège intimé de ne pas leur reconnaître leur expérience universitaire comme expérience d'enseignement et que, de toute façon, ils n'avaient pas fait de grief en temps utile, suivant l'article 9-1.03 de la convention collective. Cet article se lit comme suit:

"9-1.03: Le professeur, un groupe de professeurs ou le Syndicat qui veut loger un grief doit soumettre par écrit son grief au Collège dans les trente (30) jours ouvrables suivant la connaissance du fait sans dépasser six (6) mois de l'occurrence du fait qui a donné lieu au grief.

Le délai de trente (30) jours ouvrables ci-haut ne commence à courir qu'au début du deuxième (2e) mois de l'année d'enseignement ou de l'entrée au service du Collège d'un nouveau professeur.

Dès la soumission d'un grief au Collège, le Collège ou le Syndicat peut demander la convocation du C.R.T. dans le but d'en arriver à une entente.»

Quant aux professeurs appelants, ils prétendirent qu'ils pouvaient faire leur grief en tout temps, suivant la

[Page 600]

règle d'exception prévue à l'article 9-2.15 de la convention collective. Cette disposition est libellée comme suit:

"9-2.15: Le grief se rapportant à une erreur de calcul de rémunération ou une erreur dans l'évaluation des informations effectivement produites en temps requis conduisant directement au calcul de la rémunération peut être soumis en tout temps et le professeur aura droit au montant total auquel il aurait eu droit si l'erreur de calcul de la rémunération ou de l'évaluation desdits documents n'avait pas été commise.»

Le 30 mars 1981, le tribunal d'arbitrage rendait sa décision. Après avoir examiné une sentence arbitrale portant sur la même question, ledit tribunal décidait majoritairement que l'article 9-2.15 de la convention collective devait recevoir application dans les cas de griefs comme ceux des plaignants. Le tribunal justifie ainsi sa décision:

"La preuve révèle qu'il s'agit bien de griefs qui se rapportent à des erreurs dans l'évaluation des informations effectivement produites en temps requis et qui conduisent directement au calcul de la rémunération. C'est le cas de l'expérience universitaire.»

Conséquemment, le tribunal rejeta l'objection de l'employeur relativement à la prescription des griefs et ordonna «la poursuite de l'audition.»

Dans son mémoire, l'intimé reconnaît que l'exposé qui précède «reflète assez fidèlement la réalité». II ajoute cependant une précision importante qui est alléguée dans la requête en évocation et que par conséquent, à ce stade des procédures, on doit tenir pour avérée. Selon cette précision, c'est à l'engagement que chacun des professeurs appelants a été avisé que son «expérience universitaire» ne lui était pas reconnue.

La poursuite de l'audition ordonnée par le tribunal d'arbitrage fut interrompue par l'émission d'un bref d'évocation demandée par l'intimé et autorisée par un juge de la Cour supérieure. Cette autorisation a été confirmée par un arrêt unanime de la Cour d'appel que le pourvoi attaque.

II — Le jugement de la Cour supérieure, l'arrêt de la Cour d'appel et l'erreur reprochée au tribunal d'arbitrage

Le jugement de la Cour supérieure est fort bref. En voici les motifs, pour l'essentiel:

[Page 601]

Du dossier tel que soumis à la Cour, il appert que chacun des professeurs mis-en-cause, lors de leur engagement, ont discuté de leur «expérience universitaire» avec le COLLÉGE D'ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL ET PROFESSIONNEL DE LÉVIS-LAUZON, requérant en instance, et que ce dernier refusait de reconnaître toute l'expérience à laquelle on prétendait.

Il en résulterait donc que lesdits mis-en-cause ont constaté préalablement é leur engagement qu'on ne tenait et qu'on ne tiendrait pas compte de toute l'expérience qu'ils prétendaient avoir et, subséquemment, ces derniers ont sciemment convenu de travailler quand même pour l'employeur requérant.

En l'occurrence, ces mis-en-cause ne seraient évidemment pas régis par l'article 9-2.15 de l'entente exhibit R-1 mais bien par son article 9-1.03. Il s'agirait dans les circonstances d'un cas où majoritairement le tribunal d'arbitrage aurait excédé sa juridiction par une interprétation erronée de la convention exhibit R-1:

Les motifs de la Cour d'appel ont été rédigés par le juge en chef Crête. Y ont souscrit les juges L'Heureux-Dubé et Malouf. Après avoir résumé les faits, les prétentions des parties devant le conseil d'arbitrage, la sentence arbitrale et le jugement a quo, le juge en chef Crête conclut:

Dans le cas à l'étude … les arbitres, pour faire échec à l'application des articles 9-1.03 et 9-1.07 de la convention, ont erronément considéré comme des «erreurs d'évaluation» le refus du Collège de reconnaître aux quatre professeurs concernés une expérience universitaire, et cela, à la connaissance de chacun des professeurs concernés, plus de deux ans avant l'introduction des procédures de griefs.

Seule une interprétation erronée des faits et de la convention pouvait conduire aux conclusions des arbitres majoritaires. Comme le dit monsieur le juge Turgeon dans la décision précitée: «Il est admis qu'un tribunal inférieur ne peut lui-même se donner juridiction en interprétant mal une loi ou un règlement».

Il y a lieu de rappeler ce que disait monsieur le juge Mayrand dans L'Union des employés de commerce, local 503 c. Roy, (1980) C.A. 394 à la page 401:

«Lorsqu'un arbitre déclare erronément un grief non prescrit, il s'attribue une juridiction qu'il n'a pas pour entendre ce grief.»

Voir aussi: Syndicat international des travailleurs, local 333 c. La Compagnie Sucre Atlantic Ltée et Raymond Lebœuf et Gilles Desjardins, 25 juin 1981, C.A.M. 09-001240-795.

[Page 602]

Par ces motifs, je suis d'avis que le jugement a quo est bien fondé et que l'appel doit être rejeté, avec dépens.

Quant à l'intimé, il soutient que l'erreur commise par le tribunal d'arbitrage est d'avoir qualifié d'erreur d'évaluation la décision prise par le collège et transmise aux appelants de ne pas reconnaître leur «expérience universitaire». Il n'aurait jamais été question d'évaluation, il n'y en a jamais eu et il ne peut par conséquent y avoir eu erreur d'évaluation.

Il faut rappeler qu'en vertu de la clause privative que l'on trouve à l'art. 139 du Code du travail, L.R.Q., chap. C-27, la simple erreur de droit échappe à la révision judiciaire. Seule l'erreur juridictionnelle y donne ouverture, ou encore l'erreur résultant d'une interprétation déraisonnable, qui est assimilée à une erreur juridictionnelle.

Or personne, pas même l'intimé, n'a soutenu que l'erreur qu'aurait commise le tribunal d'arbitrage, lequel s'appuie d'ailleurs sur l'interprétation d'un autre arbitre, résulterait d'une erreur d'interprétation déraisonnable des faits et de la convention collective. Tout au plus l'intimé écrit-il dans son mémoire que cette erreur aurait eu pour effet d'ajouter à la convention collective, ce qui est une autre façon de dire que le tribunal d'arbitrage aurait excédé sa juridiction.

Je tiens donc que l'erreur commise par le tribunal d'arbitrage, si erreur il y a, n'est pas manifestement déraisonnable. Pour les fins de la discussion, mais sans en décider, je ferai comme s'il y avait eu erreur. Il faut décider s'il s'agit d'une erreur juridictionnelle parce qu'elle porte sur la tardiveté du grief.

III — La question

Dans le dernier arrêt que mentionne le juge en chef Crête à la fin du passage plus haut cité de ses motifs, l'arrêt Syndicat international des travailleurs, local 333 c. Cie Sucre Atlantic Ltée, [1981] C.A. 416, la Cour d'appel décide, comme en l'espèce, que l'erreur d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief porte sur une question préliminaire dont dépend sa juridiction et donne ouverture au

[Page 603]

recours en évocation. Les motifs en sont également rédigés par le juge en chef Crête. Le juge McCarthy y souscrit avec quelques motifs supplémentaires. Le juge Bélanger est d'accord avec ses deux collègues. Le juge en chef Crête y dresse le bilan des contradictions de la jurisprudence.

La doctrine minoritaire par le nombre des arrêts qui la sanctionnent est celle qui tient que la décision d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief n'est pas de nature juridictionnelle et ne donne pas ouverture à révision judiciaire. Cette doctrine a été endossée dans les arrêts suivants: Ville de Montréal c. Desfossés, [1972] R.D.T. 473, arrêt unanime d'un banc de la Cour d'appel formé des juges Owen, Brossard et Lajoie; Désourdy Inc. c. Sylvestre, [1976] C.A. 639, arrêt unanime d'un banc de la Cour d'appel formé des juges Rinfret, Kaufman et Chouinard rédigé par le juge Chouinard avant qu'il ne devienne juge de cette Cour; et Prudential Transport Co. c. Lefebvre, [1978] C.A. 411, arrêt unanime d'un banc de la Cour d'appel formé des juges Owen, Turgeon et Jacques ad hoc.

Mentionnons également un arrêt qui n'est pas exempt d'ambiguïté, John Lewis Industries Ltée c. Tassoni, [1977] C.A. 351. Le juge Tremblay et le juge Casey y décident que le mandamus et non pas l'évocation serait le remède approprié à l'encontre de la décision d'un arbitre qui refuserait d'entendre un grief en raison de sa tardiveté. Mais il s'agit d'un obiter dictum car ces deux juges trouvent la décision de l'arbitre bien fondée en droit. Quant au juge Kaufman il se contente d'observer que, bien fondée ou non, la décision de l'arbitre a été prise dans les cadres de sa compétence.

La doctrine majoritaire est à l'effet inverse et tient que la question de la tardiveté d'un grief est une question préliminaire dont dépend la juridiction de l'arbitre. Elle a été endossée par nombre d'arrêts. Le juge en chef Crête mentionne entre autres les arrêts suivants aux pp. 421 et 422 de l'arrêt Cie Sucre Atlantic Ltée, précité: Union des employés de service (local 298) F.T.Q. c. École Notre-Dame-de-Liesse, [1974] R.D.T. 487; Ville de Montréal-Est c. Gagnon, [1978] C.A. 100; Désourdy Construction Ltée c. Perreault, [1978] C.A. 111; Foyer St-Antoine c. Lalancette, [1978]

[Page 604]

C.A. 349; Commission des accidents du travail de Québec c. Pâtes Domtar Ltée, J.E. 78-852; Syndicat des employés de l'Hôpital Régina Ltée c. Hôpital Régina Ltée, [1980] C.A. 378; et Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité c. Ingénierie B.G. Checo Ltée, J.E. 81-354. Encore aujourd'hui, certains juges refusent de se rallier à cette jurisprudence prédominante, tandis que d'autres ne la suivent qu'en renâclant: Celanese Canada Inc. c. Clément, [1983] C.A. 319. Mais, dans la catégorie des arrêts qui endossent la doctrine majoritaire, il faut surtout mentionner Union des employés de commerce, local 503 c. Roy, [1980] C.A. 394, que le juge en chef Crête cite également en l'espèce et où les deux doctrines se trouvent exposées de la façon la plus complète. J'y reviens.

Avant d'y arriver, cependant, il importe de distinguer, de la doctrine majoritaire et de la doctrine minoritaire, un troisième courant jurisprudentiel qui vise le cas où un arbitre, tout en jugeant que les délais n'ont pas été respectés et que par conséquent le grief est prescrit, décide de l'entendre quand même, pour une raison ou pour une autre. La Cour d'appel a jugé qu'il y a excès de juridiction dans un tel cas, suivant la jurisprudence établie par cette Cour dans Union Carbide Canada Ltd. v. Weiler, [1968] R.C.S. 966, et General Truck Drivers Union, Local 938 v. Hoar Transport Co., [1969] R.C.S. 634: Fraternité des policiers de la Ville de Laval Inc. c. Ville de Laval, [1978] C.A. 120.

Comme je l'ai déjà indiqué, c'est dans l'arrêt Union des employés de commerce, local 503 c. Roy, précité, que l'on trouve l'exposé le plus complet des deux doctrines. Le juge Owen y expose la doctrine minoritaire, tant dans cet arrêt que dans l'ensemble de la jurisprudence, et le juge Mayrand, avec qui le juge L'Heureux-Dubé est d'accord, y expose la doctrine majoritaire. Paradoxalement, c'est un arrêt unanime car tous les juges parviennent aux mêmes conclusions pour des motifs radicalement opposés. Il s'agit d'un cas où le syndicat demande l'émission d'un bref de mandamus contre un arbitre qui a rejeté un grief pour cause de tardiveté. La Cour d'appel confirme à l'unanimité le jugement de la Cour supérieure qui

[Page 605]

refuse l'émission du bref. Mais le juge Owen confirme au motif que, bien ou mal fondée en droit, la décision de l'arbitre a été prise dans les cadres de sa compétence et ne donne pas ouverture à révision judiciaire. Les juges Mayrand et l'Heureux-Dubé confirment au motif que la décision de l'arbitre, quoique sujette à révision judiciaire, est bien fondée en droit. Je ne saurais mieux faire que de citer en grande partie les motifs du juge Owen et ceux du juge Mayrand.

Voici les motifs du juge Owen que l'on trouve aux pp. 395 à 401:

[TRADUCTION] La question précise soulevée par cet appel est de savoir si l'arbitre a manqué à son devoir lorsque, en raison d'une erreur qui aurait été commise, il a rejeté un grief pour le motif qu'il a été présenté hors délai (c.-à-d. après l'expiration du délai de prescription), de sorte qu'il n'en a pas examiné le fond.

L'appel porte également sur la question générale de savoir si, de nos jours, les cours doivent avoir pour politique de se servir des recours extraordinaires comme moyen d'exercer sur les tribunaux administratifs le contrôle le plus étendu possible ou si elles doivent limiter ce type d'intervention aux cas exceptionnels.

À mon avis, la première question qui se pose en l'espèce n'est pas de savoir si l'arbitre a commis une erreur en concluant que le grief n'a pas été déposé dans le délai fixé par la convention collective. Il faut plutôt se demander si la décision de l'arbitre que le grief était frappé de prescription est susceptible de contrôle judiciaire. S'il ne l'est pas, il est sans importance que l'arbitre ait eu raison ou qu'il ait eu tort. Ce n'est que dans l'hypothèse où sa décision peut faire l'objet de contrôle que les cours doivent décider de son caractère erroné.

… je suis d'avis que la décision de l'arbitre portant que le grief a été présenté hors des délais prévus par la convention collective et par le Code du travail n'est pas susceptible de contrôle judiciaire. L'arbitre avait le pouvoir, voire l'obligation, de trancher les différends entre les parties à la convention collective quant à l'interprétation, l'application ou la violation de celle-ci. La convention collective présentement en cause dispose qu'un grief doit être déposé et discuté dans les dix jours ouvrables qui suivent l'événement qui y a donné lieu. Or, l'employeur prétend qu'en l'espèce le grief n'a pas été présenté dans les délais tandis que le syndicat soutient le contraire. L'arbitre a retenu l'argument de l'employeur

[Page 606]

et a rejeté le grief pour cause de prescription. En décidant ainsi l'arbitre n'a pas outrepassé sa compétence; au contraire, il a rempli l'une des fonctions de sa charge. Par conséquent, sa décision sur la question de la prescription est définitive et non susceptible d'examen judiciaire. Ayant conclu à la prescription, l'arbitre ne pouvait en toute logique faire autrement que rejeter le grief.

Certains arrêts de cette Cour appuient le point de vue selon lequel une décision d'un arbitre sur la question de la prescription échappe au contrôle judiciaire par voie de recours extraordinaires tels que l'évocation ou le mandamus.

Le juge Owen cite ensuite des passages de la jurisprudence minoritaire de la Cour d'appel. Puis il poursuit:

[TRADUCTION] Il y a une série d'arrêts portant sur des cas où l'arbitre décide d'abord que le grief est prescrit, puis, sous un prétexte ou un autre, procède à un examen du fond de ce grief. Cette jurisprudence établit que la décision de l'arbitre sur le fond est sujette à examen judiciaire non pas parce que la décision initiale sur la prescription peut faire l'objet de cet examen, mais parce que la seconde décision, la décision d'examiner et de trancher le grief prescrit sur le fond, était hors de la compétence de l'arbitre et, par conséquent, est soumise au contrôle judiciaire. Selon moi, cette jurisprudence ne nous aide pas à trancher la question dont nous sommes présentement saisis qui est de savoir si la décision de l'arbitre relativement à la prescription est sujette à examen judiciaire.

Sur la question générale quant à la politique actuelle des cours en ce qui a trait à l'exercice de leur contrôle sur les tribunaux administratifs, j'estime qu'il y a lieu de n'accorder les recours extraordinaires, tels que l'évocation et le mandamus, qu'avec mesure. Si, chaque fois qu'elles sont appelées à statuer sur une erreur dans la décision d'un arbitre, les cours se lancent à la recherche d'une formule qui leur permettra de conclure à une erreur de compétence, sans que le sens du terme «compétence» soit précisé, elles se trouveront à détourner les recours extraordinaires de leur rôle véritable et à mettre en échec l'objet du droit administratif.

Enfin, après avoir cité un passage d'un arrêt de cette Cour il conclut:

[TRADUCTION] Quand j'applique ces principes à la présente instance, je suis plus que jamais convaincu que

[Page 607]

la décision de l'arbitre que le grief était frappé de prescription ne donne pas lieu à un bref de mandamus.

Même si l'arbitre a commis une erreur en décidant que le grief était prescrit et qu'il devait en conséquence être rejeté, sa décision n'est pas susceptible d'examen judiciaire et ne constitue nullement un refus de remplir l'une des fonctions rattachées à sa charge. Cela étant, je suis d'avis de confirmer le jugement porté en appel, dans lequel on a refusé de délivrer un bref de mandamus, et de rejeter l'appel avec dépens.

Voici maintenant l'essentiel des motifs du juge Mayrand (à la p. 401):

Mais la décision de l'arbitre échappe-t-elle à tout contrôle des Tribunaux supérieurs pour la seule raison qu'il l'a rendue dans l'exercice de sa juridiction? Avec beaucoup d'égard pour l'opinion contraire, je ne le crois pas.

La non-prescription du grief, ou mieux la non-déchéance du droit au grief, est généralement une des conditions préliminaires et essentielles de la juridiction de l'arbitre. Il est reconnu qu'une décision erronée de l'arbitre sur une question préliminaire ou conditionnelle dont dépend sa juridiction n'échappe pas au contrôle des cours supérieures.

Bien sûr, il appartient à l'arbitre de se prononcer préliminairement sur tout fait matériel ou juridique (comme la tardiveté de la formulation du grief) sur lequel il doit asseoir sa juridiction. Mais quand il déclare le grief irrecevable parce que prescrit, il n'exerce pas une juridiction globale que la loi et la convention lui confèrent; il conclut plutôt qu'il manque une condition préalable et essentielle à sa juridiction. Son erreur sur ce point aboutit à un défaut d'exercer une juridiction qu'il a, celle d'entendre le grief. Se refuser une juridiction que l'on a ou s'attribuer une juridiction que l'on n'a pas sont des erreurs qui donnent également lieu à l'intervention des Tribunaux supérieurs.

Il ne manque pas d'autorités pour soutenir qu'une distinction s'impose selon que l'arbitre, qui a décidé d'entendre le grief, était conscient de sa tardiveté ou qu'il l'a cru erronément non tardif. Les opinions sur ce point sont partagées. Pour ma part, je suis d'avis que le droit à l'intervention des Cours supérieures doit être reconnu aussi bien dans le second cas que dans le premier. Dans l'un comme dans l'autre, le résultat est le même et le droit à la révision ne doit dépendre ni de la manière dont l'arbitre s'est trompé ni de la manière dont il a exprimé son erreur.

[Page 608]

Lorsqu'un arbitre déclare erronément un grief non prescrit, il s'attribue une juridiction qu'il n'a pas pour entendre ce grief. Il en va de même lorsque l'arbitre constate que le grief a été présenté tardivement mais décide erronément qu'il peut l'entendre quand même. J'incline à croire que la même règle doit s'appliquer dans la situation inverse où, erronément, l'arbitre décide que le grief est tardif et refuse de l'entendre au fond: il s'abstient alors d'exercer une juridiction qu'il a.

Le juge Mayrand réfère ensuite à l'arrêt Segal v. City of Montreal, [1931] R.C.S. 460, pour affirmer que «la Cour suprême du Canada répète depuis longtemps qu'une erreur sur une question préliminaire à la juridiction donne ouverture à la révision par les Tribunaux supérieurs». Plus loin il conclut:

Dans le présent cas, la décision de l'arbitre, si elle est erronée, aboutirait à un refus d'exercer sa juridiction complète, car elle l'empêcherait d'instruire le grief au fond conformément à la loi et à la convention collective.

Le juge Mayrand juge alors que la décision de l'arbitre n'est pas erronée et pour ce seul motif, il conclut au rejet du pourvoi.

Soit dit avec les plus grands égards pour ceux qui sont de l'opinion contraire, je me trouve en accord complet avec les motifs du juge Owen que je fais miens et auxquels je ne puis guère ajouter que quelques observations.

Il me paraît d'abord qu'en scindant inutilement et indûment, à mon avis, la compétence préliminaire du tribunal d'arbitrage de sa compétence globale ou complète, qui, lorsque le grief n'est pas prescrit, consisterait dans le pouvoir d'entendre le grief au fond, la Cour d'appel porte justement atteinte à l'intégrité de la compétence du tribunal d'arbitrage considérée dans son ensemble. Il me semble inexact de dire que la compétence complète du tribunal d'arbitrage consiste à entendre le grief lorsqu'il n'est pas prescrit. Il me semble plutôt que la compétence complète du tribunal d'arbitrage consiste dans le pouvoir de disposer des griefs dont il est saisi en appliquant les dispositions pertinentes de la convention collective ou de la loi. Il a compétence pour accueillir ou rejeter ces griefs, et ce

[Page 609]

n'est pas parce qu'il les accueille ou les rejette en conformité de l'une des dispositions de la convention collective plutôt que d'une autre que sa juridiction est en cause.

Par la dichotomie qu'elle établit entre la compétence initiale du tribunal d'arbitrage et sa compétence globale, la Cour d'appel transforme artificiellement la question de la prescription du grief en une question attributive de compétence, ou, selon le cas, privative de compétence, mais seulement de la compétence au sens étroit du pouvoir de disposer du grief pour un motif plutôt que pour un autre. Or la compétence de l'arbitre est plus vaste, à mon avis, comme je viens de l'indiquer.

Au surplus, la méthode suivie par la Cour d'appel et qui, en l'espèce, consiste à considérer la question de la prescription du grief comme une question préliminaire dont dépend la juridiction du tribunal d'arbitrage en est une qui en effet a déjà connu une certaine vogue mais contre laquelle cette Cour a fini par mettre les tribunaux en garde dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227. Le juge Dickson, il n'était pas encore Juge en chef, a rendu le jugement unanime de toute la Cour. À la p. 233 il écrit:

Avec égards, je ne pense pas que parler de «question préliminaire ou accessoire» facilite la détermination de la compétence de la Commission. Je pense que l'on peut subdiviser presque toutes les affaires soumises à un tribunal administratif en plusieurs points ou questions et en qualifier un, probablement sans trop de difficultés, de «question préliminaire ou accessoire».

Il est souvent très difficile de déterminer ce qui constitue une question de compétence. A mon avis, les tribunaux devraient éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l'assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu'il existe un doute à cet égard.

La controverse dont je viens de faire état démontre qu'il existe au moins «un doute à cet égard» encore que, pour ma part, je n'en éprouve aucun.

[Page 610]

L'intimé écrit dans son mémoire que l'arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, précité, est «un cas particulier d'application très limitée». Sans doute ne s'agissait-il pas d'arbitrage et les dispositions qu'il fallait interpréter différaient-elles de celles de l'espèce. Mais le principe de la réserve judiciaire et la description du moyen qu'il faut éviter de prendre pour ne pas y manquer s'appliquent en matière d'arbitrage et conservent toute leur pertinence. Cet arrêt est souvent cité et la politique qu'il énonce relativement à la limitation des interventions judiciaires a récemment été suivie dans l'arrêt rendu par cette Cour dans Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. C.C.R.T., [1984] 2 R.C.S. 412.

Je resterais du même avis si les dispositions relatives à la prescription des griefs se trouvaient dans la loi plutôt que dans la convention collective. Mais je me sens renforcé dans mon opinion du fait qu'en l'espèce comme dans un grand nombre de cas, elles se trouvent dans la convention collective. Voici un genre de dispositions complexes et très particulières qui varient d'une convention collective à l'autre, que les parties ont négociées et rédigées avec le plus grand soin et sur lesquelles elles se sont mises d'accord en sachant et en voulant qu'advenant une mésentente entre elles quant à leur sens, un arbitre ou un conseil d'arbitrage les interprète seul, sans appel et sans les lenteurs du contrôle judiciaire. Quoique ces dispositions ne puissent pas elles-mêmes faire l'objet d'un grief, les parties et la loi ont voulu qu'elles soient «arbitrables». Au surplus, de telles dispositions, c'est le cas de l'art. 9-2.15, sont souvent intégrées de façon étroite au schème général de la convention collective et elles compètent éminemment à l'expertise des arbitres et des tribunaux d'arbitrage.

Pour ces motifs, je suis d'opinion que la décision d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief n'est pas sujette à révision judiciaire.

IV — Conclusions

Le pourvoi est accueilli, l'arrêt de la Cour d'appel et le jugement de la Cour supérieure sont

[Page 611]

infirmés et la requête en évocation de l'intimé est rejetée avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelants: Melançon, Marceau, Grenier & Sciortino, Montréal.

Procureurs de l'intimé: Choquette, Leduc & Rivard, Montréal.

[1] C.A. Qué., n° 200-09-000743-812, 24 féveir 1982.

[2] C.S. Qué., n° 200-05-001886-816, 16 octobre 1981.


Synthèse
Référence neutre : [1985] 1 R.C.S. 596 ?
Date de la décision : 23/05/1985
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Arbitre - Contrôle judiciaire - Objection préliminaire relative à la tardiveté des griefs rejetée par l'arbitre - Évocation - La décision d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief est-elle sujette au contrôle judiciaire?.

Les professeurs appelants ont présenté des griefs afin que leur expérience d'enseignement au niveau universitaire soit considérée par l'intimé comme expérience d'enseignement. L'intimé a demandé au tribunal d'arbitrage de rejeter ces griefs alléguant qu'ils étaient prescrits parce qu'ils n'avaient pas été présentés dans les délais prévus à l'art. 9-1.03 de la convention collective. Le tribunal a décidé que l'art. 9-2.15 de la convention relatif aux «erreurs d'évaluation» devait recevoir application en l'espèce et a rejeté l'objection de l'intimé. La poursuite de l'audition ordonnée par le tribunal d'arbitrage a été interrompue par la délivrance d'un bref d'évocation autorisée par la Cour supérieure. La Cour a statué que le tribunal d'arbitrage avait excédé sa juridiction par une interprétation erronée de la convention collective. La Cour d'appel a confirmé le jugement. Ce pourvoi vise à déterminer si la décision d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief est une question préliminaire qui donne ouverture au recours en évocation.

[Page 597]

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

La requête en évocation de l'intimé doit être rejetée. La décision d'un arbitre sur la tardiveté d'un grief n'est pas de nature juridictionnelle et n'est pas susceptible de contrôle judiciaire. Cette décision, bien fondée ou non, est prise dans le cadre de sa compétence. En scindant inutilement la compétence préliminaire du tribunal d'arbitrage de sa compétence globale, la Cour d'appel a porté atteinte à l'intégrité de la compétence du tribunal considérée dans son ensemble. Il est inexact de dire que la compétence complète du tribunal d'arbitrage consiste à entendre le grief lorsqu'il n'est pas prescrit. Sa compétence globale consiste plutôt dans le pouvoir de disposer des griefs dont il est saisi en appliquant les dispositions pertinentes de la convention collective ou de la loi. Il a compétence pour accueillir ou rejeter ces griefs, et ce n'est pas parce qu'il les accueille ou les rejette en conformité de l'une des dispositions de la convention collective plutôt que d'une autre que sa juridiction est en cause. Par la dichotomie qu'elle a établie entre la compétence initiale du tribunal d'arbitrage et sa compétence globale, la Cour d'appel a erronément transformé la question de la prescription du grief en une question attributive de compétence.


Parties
Demandeurs : Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon
Défendeurs : CEGEP de Lévis-Lauzon

Références :

Jurisprudence
Arrêt examiné: Union des employés de commerce, local 503 c. Roy, [1980] C.A. 394
arrêts suivis: Ville de Montréal c. Desfossés, [1972] R.D.T. 473
Désourdy Inc. c. Sylvestre, [1976] C.A. 639
Prudential Transport Co. c. Lefebvre, [1978] C.A. 411
John Lewis Industries Ltée c. Tassoni, [1977] C.A. 351
arrêts non suivis: Syndicat international des travailleurs, local 333 c. Cie Sucre Atlantic Ltée, [1981] C.A. 416
Union des employés de service (local 298) F.T.Q. c. École Notre-Dame-de-Liesse, [1974] R.D.T. 487
Ville de Montréal-Est c. Gagnon, [1978] C.A. 100
Désourdy Construction Ltée c. Perreault, [1978] C.A. 111
Foyer St-Antoine c. Lalancette, [1978] C.A. 349
Commission des accidents du travail de Québec c. Pâtes Domtar Ltée, J.E. 78-852
Syndicat des employés de l'Hôpital Régina Ltée c. Hôpital Régina Ltée, [1980] C.A. 378
Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité c. Ingénierie B.G. Checo Ltée, J.E. 81-354
Celanese Canada Inc. c. Clément, [1983] C.A. 319
arrêts mentionnés: Union Carbide Canada Ltd. v. Weiler, [1968] R.C.S. 966
General Truck Drivers Union, Local 938 v. Hoar Transport Co., [1969] R.C.S. 634
Fraternité des policiers de la Ville de Laval Inc. c. Ville de Laval, [1978] C.A. 120
Segal v. City of Montreal, [1931] R.C.S. 460
Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. C.C.R.T., [1984] 2 R.C.S. 412
[Page 598]
Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227.
Lois et règlements cités
Code du travail, L.R.Q., chap. C-27, art. 139.

Proposition de citation de la décision: Syndicat des professeurs du collège de Lévis-Lauzon c. CEGEP de Lévis-Lauzon, [1985] 1 R.C.S. 596 (23 mai 1985)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1985-05-23;.1985..1.r.c.s..596 ?
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