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13/06/1985 | CANADA | N°[1985]_1_R.C.S._840

Canada | Telecommunication Workers Union c. B.C. Telephone, [1985] 1 R.C.S. 840 (13 juin 1985)


Telecommunication Workers Union c. B.C. Telephone, [1985] 1 R.C.S. 840

Telecommunication Workers Union, Timothy Clement, Dale Solaczek Appelants;

et

British Columbia Telephone Company, Canadian Telephone & Supplies Ltd. Intimées;

et

Le procureur général du Canada Intervenant.

No du greffe: 17469.

1985: 1er mai; 1985: 13 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, McIntyre, Chouinard, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

Telecommunication Workers Union c. B.C. Telephone, [1985] 1 R.C.S. 840

Telecommunication Workers Union, Timothy Clement, Dale Solaczek Appelants;

et

British Columbia Telephone Company, Canadian Telephone & Supplies Ltd. Intimées;

et

Le procureur général du Canada Intervenant.

No du greffe: 17469.

1985: 1er mai; 1985: 13 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, McIntyre, Chouinard, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique


Synthèse
Référence neutre : [1985] 1 R.C.S. 840 ?
Date de la décision : 13/06/1985
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit du travail - Mises à pied - Avis de mise à pied requis en vertu du Code du travail - Règlement créant des exceptions aux exigences du Code - Le Règlement est‑il contraire à l’esprit de la Loi et ultra vires? - Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1, art. 60(1), (4), 60.2 et modifications - Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., chap. 986, art. 30c)(i), (ii).

Les intimées ont avisé le syndicat appelant de leur intention de mettre un certain nombre d'employés à pied et ont, par la suite, donné à 1 800 employés un avis de mise à pied de six semaines comme l'exige la convention collective. Six jours avant sa mise à pied, chaque employé a été avisé qu'il serait rappelé au travail à une date déterminée moins de six mois après la mise à pied. Les intimées n'ont pas donné l'avis de seize semaines comme l'exige l'art. 60 du Code canadien du travail parce que la mise à pied n'est pas censée être la fin d'un emploi en vertu du Règlement. Les appelants ont demandé une ordonnance visant à empêcher la mise à pied à cause de l'inobservance de l'art. 60 et une déclaration portant que les sous‑al. 30c)(i) et (ii) du Règlement qui créent l'exemption sont ultra vires du gouverneur en conseil. La Cour d'appel a infirmé la décision du juge de première instance et modifié sa déclaration que le sous‑al. 30c)(i) du Règlement est ultra vires et elle a conclu que l'al. 30c) est intra vires.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

L'alinéa 30c) du Règlement du Canada sur les normes du travail a été validement adopté en vertu de l'al. 60.2d) du Code canadien du travail. Le gouverneur en conseil n'a pas violé l'esprit du Code puisque le Règlement a été pris dans les conditions précises prévues à la Loi. Le paragraphe 60(4) du Code prévoit la possibilité d'apporter des exceptions par règlement dans le cas de mises à pied et l'art. 60.2 accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de prescrire les circonstances dans lesquelles ces exceptions s'appliqueront. Puis, il est possible que le Règlement ait pour effet d'empêcher un employé de bénéficier de l'avis prévu par l'art. 60 du Code, mais le fait même qu'il y ait une mise à pied collective pour des raisons financières, aurait dû signaler à toutes les personnes concernées que les employés touchés pourraient avoir besoin d'aide pour trouver un autre emploi. L'article 60 du Code et l'al. 30c) du Règlement ont pour effet, s'ils sont lus ensemble, de prévoir qu'un employeur viole les dispositions du Code s'il ne rappelle pas les employés à l'époque prévue dans l'avis de mise à pied.

Même si les circonstances définies dans le Règlement peuvent découler de l'action d'un employeur, cette situation n'équivaut pas à une délégation du pouvoir du gouverneur en conseil.

Lois et règlements cités

Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1, art. 60(1), (2), (4), 60.2d).

Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., chap. 986, art. 30a), b), c)(i), (ii).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1982), 5 D.L.R. (4th) 15, 40 B.C.L.R. 379, [1983] 2 W.W.R. 274, 84 CLLC ¶ 14,031, qui a accueilli l'appel contre une décision du juge Spencer. Pourvoi rejeté.

Morely D. Shortt, c.r., et Theodore Arsenault, pour les appelants.

Jack Giles, c.r., pour les intimées.

W. B. Scarth, c.r., et Susan D. Clark, pour l'intervenant.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1. Le Juge La Forest—Il s'agit dans ce pourvoi de déterminer si l'al. 30c) du Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., chap. 986, a été validement adopté en vertu de l'al. 60.2d) du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1 et modifications.

2. Les procédures ont commencé en Cour suprême de la Colombie‑Britannique par une requête des appelants qui sollicitait une ordonnance interdisant aux intimées de mettre à pied un grand nombre d'employés sans avoir donné l'avis de seize semaines de leur intention de le faire au ministre fédéral du Travail conformément à l'art. 60 du Code canadien du travail. Les appelants voulaient également obtenir une déclaration que les sous‑al. 30c)(i) et (ii) du Règlement sont ultra vires du gouverneur en conseil.

3. Le juge Spencer, qui était saisi de la question, a statué que le sous‑al. 30c)(ii) est ultra vires et a prononcé une déclaration en conséquence. L'appel interjeté à la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a été accueilli, la majorité, les juges MacDonald et MacFarlane, statuant que tout l'al. 30c) relevait des pouvoirs du gouverneur en conseil. Le juge Hutcheon était dissident. L'autorisation de pourvoi a été accordée par cette Cour.

4. Pour faciliter la compréhension de la question litigieuse, il y a peut‑être lieu de parler d'abord des diverses dispositions de la Division V.2 du Code canadien du travail qui porte sur les cessations d'emploi collectives. Le paragraphe 60(1) prévoit qu'un employeur qui met fin à l'emploi d'un groupe de cinquante employés ou plus dans un établissement industriel particulier doit donner un avis au ministre fédéral du Travail de son intention de ce faire dans un délai établi en fonction du nombre d'employés touchés. En l'espèce, le délai était de seize semaines, étant donné qu'il y avait plus de 300 employés touchés. L'employeur est également tenu de fournir immédiatement une copie de l'avis à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada et au syndicat des employés. Cet ensemble de mesures vise manifestement à aider les employés à se trouver un autre travail en informant le Ministre, la Commission de l'emploi du Canada et leur syndicat au moyen d'un avis de la cessation d'emploi; voir l'art. 60.1 du Code. Voici les dispositions du Code qui sont nécessaires à la compréhension de la question:

60. (1) Tout employeur qui met fin, soit simultanément, soit au cours d'une période de quatre semaines ou moins, à l'emploi d'un groupe de cinquante employés ou plus qui sont à son service dans un établissement industriel particulier... doit... donner au Ministre un avis écrit de son intention de ce faire au moins

...

c) seize semaines avant la date mentionnée à l'alinéa a), lorsque le groupe comprend plus de trois cents employés.

(2) Une copie d'un avis donné au Ministre en vertu du paragraphe (1) doit être fournie immédiatement par l'employeur à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada et à tout syndicat ouvrier accrédité pour représenter tout employé du groupe d'employés dont l'emploi doit prendre fin, ou reconnu par l'employeur comme agent de négociation pour un tel employé...

...

(4) Sauf prescription contraire d'un règlement, un employeur est réputé, aux fins de la présente Division, avoir mis fin à l'emploi d'un employé lorsqu'il le met à pied.

60.2 Le gouverneur en conseil peut établir des règlements pour la réalisation des objets et l'application des dispositions de la présente Division et, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, peut établir des règlements

...

d) prescrivant les circonstances dans lesquelles un employeur qui met à pied un employé n'est pas réputé avoir mis fin à l'emploi de cet employé.

5. Puisqu'en vertu du par. 60(4) l'emploi d'un employé mis à pied est réputé avoir pris fin, il faut donner l'avis lorsque les employés sont mis à pied, mais le paragraphe précise qu'il peut y avoir des exceptions prévues par règlement. L'alinéa 60.2d) prévoit que le gouverneur en conseil peut prescrire les circonstances dans lesquelles une mise à pied n'est pas réputée être la fin d'un emploi. Conformément à ce pouvoir, le gouverneur en conseil a pris le règlement suivant:

30. Aux fins de l'application des Divisions V.2, V.3 et V.4, la mise à pied d'un employé n'est pas censée être une cessation d'emploi de l'employé par son employeur lorsque

a) la mise à pied découle d'une grève ou d'un lock‑out;

b) la durée de la mise à pied est de trois mois ou moins;

c) la durée de la mise à pied est de plus de trois mois et que l'employeur

(i) avertit l'employé, au moment de la mise à pied ou avant, qu'il sera rappelé au travail à une date déterminée ou dans un délai déterminé, cette date et ce délai ne devant pas dépasser six mois à compter de la date de la mise à pied, et

(ii) rappelle l'employé à son travail conformément au sous‑alinéa (i);

6. Étant donné leur situation financière, les intimées ont donné, le 21 juin 1982, un avis au syndicat appelant l'informant de leur intention de mettre à pied un certain nombre d'employés. Par la suite, les employés appelants, ainsi que quelque 1 800 autres, ont reçu un avis de six semaines, comme le requiert la convention collective applicable, qui leur annonçait qu'ils seraient mis à pied à partir du 4 août 1982. Six jours avant la mise à pied, le 29 juillet, chaque employé a reçu un avis selon lequel il ou elle serait rappelé(e) au travail le 1er février 1983, c.‑à‑d. moins de six mois après la date de la mise à pied. Les intimées n'ont pas donné l'avis de seize semaines prévu à l'al. 60(1)c) parce qu'en vertu de l'al. 30c) du Règlement, une mise à pied, dans ces circonstances, n'est pas réputée être la fin d'un emploi si les employés sont rappelés à une date fixée dans l'avis.

7. Selon les appelants l'al. 30c) du Règlement excède les pouvoirs du gouverneur en conseil puisqu'il est incompatible avec l'esprit de la Loi. En effet, cette dernière envisage un avis donné avant la fin d'un emploi de manière à permettre aux employés de s'en trouver un autre. En l'espèce, un employé pouvait seulement savoir qu'il ne serait pas réengagé qu'une fois cette décision est prise, c.‑à‑d. après qu'il a été mis à pied.

8. Sans doute l'intention générale de la législation est‑elle d'accorder un avis avant qu'un emploi prenne fin et sans doute cette intention peut‑elle s'étendre aux mises à pied au même titre qu'à la fin réelle d'un emploi en vertu du par. 60(4) du Code canadien du travail. Mais cette disposition même précise que des exceptions peuvent être apportées par règlement dans le cas des mises à pied. Par ailleurs, l'art. 60.2d) de la Loi accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de prescrire les circonstances dans lesquelles une mise à pied n'est pas réputée être la fin d'un emploi, ce qui permet à l'employeur d'échapper à l'exigence d'avoir à donner l'avis prévu par l'art. 60 du Code. On ne peut guère négliger ces dispositions spéciales pour décider de l'intention du législateur. En l'espèce, le gouverneur en conseil a procédé exactement comme la Loi l'y autorisait. Il a prescrit les circonstances dans lesquelles une mise à pied n'est pas réputée être la fin d'un emploi. Faire précisément ce que le Code autorise peut difficilement être interprété comme la violation de l'esprit de ce Code.

9. Il est possible que le Règlement ait pour effet d'empêcher un employé de bénéficier de l'avis antérieur prévu par l'art. 60 du Code, mais le législateur a envisagé, en termes clairs dans cette disposition, la possibilité qu'une mise à pied fasse l'objet de considérations différentes de celles qui s'appliquent à la fin permanente d'un emploi dans certaines circonstances, et il a délégué au gouverneur en conseil le pouvoir discrétionnaire de déterminer ces circonstances. Le fait même qu'il y ait eu une mise à pied collective, pour des raisons financières, aurait dû signaler à toutes les personnes concernées que les employés pourraient avoir besoin d'aide pour trouver un autre emploi.

10. Il est vrai que jusqu'à la date limite prévue pour une mise à pied, les parties, à l'exception peut‑être de l'employeur, ne pouvaient savoir si leur emploi prendrait fin, mais cette constatation est vraie dans la plupart sinon dans tous les cas de mises à pied (par exemple celle qui est décrite à l'al. 30b) du Règlement) à moins que l'on puisse déduire que l'employeur est tenu de rappeler un employé à la fin de la période désignée dans l'avis de mise à pied, proposition qui me semble insoutenable. Essentiellement, lus ensemble, l'art. 60 du Code et l'al. 30c) du Règlement ont pour effet de prévoir que dans des circonstances comme les présentes un employeur viole les dispositions du Code s'il ne rappelle pas les employés à l'époque prévue dans l'avis de mise à pied.

11. Même si les circonstances définies dans le Règlement peuvent découler de l'action d'un employeur, cette situation n'équivaut pas à une délégation du pouvoir du gouverneur en conseil. Une mise à pied dépend inévitablement de l'action de l'employeur.

12. Je n'ai pas à examiner la question de compétence soulevée devant les tribunaux d'instance inférieure puisqu'elle a été abandonnée à l'audition du présent pourvoi.

13. Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelants: Shortt and Company, Vancouver.

Procureurs des intimées: Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancouver.

Procureur de l’intervenant: Ministère de la Justice, Vancouver.


Parties
Demandeurs : Telecommunication Workers Union
Défendeurs : B.C. Telephone
Proposition de citation de la décision: Telecommunication Workers Union c. B.C. Telephone, [1985] 1 R.C.S. 840 (13 juin 1985)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1985-06-13;.1985..1.r.c.s..840 ?
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