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31/07/1985 | CANADA | N°[1985]_2_R.C.S._74

Canada | Fraternité des Policiers (C.U.M.) c. C.U.M., [1985] 2 R.C.S. 74 (31 juillet 1985)


Fraternité des Policiers (C.U.M.) c. C.U.M., [1985] 2 R.C.S. 74

Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal Inc. Appelante;

et

Communauté urbaine de Montréal Intimée;

et

Me André Rousseau Mis en cause.

No du greffe: 17606.

1985: 7 mars; 1985: 31 juillet.

Présents: Les juges Beetz, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec1, qui a infirmé un jugement de la Cour supérieure2, qui avait refus

é la délivrance d'un bref d'évocation. Pourvoi accueilli.

1 J.E. 83‑253; C.A. Mtl., no 500‑09‑001265‑818, 9 février 1983...

Fraternité des Policiers (C.U.M.) c. C.U.M., [1985] 2 R.C.S. 74

Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal Inc. Appelante;

et

Communauté urbaine de Montréal Intimée;

et

Me André Rousseau Mis en cause.

No du greffe: 17606.

1985: 7 mars; 1985: 31 juillet.

Présents: Les juges Beetz, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec1, qui a infirmé un jugement de la Cour supérieure2, qui avait refusé la délivrance d'un bref d'évocation. Pourvoi accueilli.

1 J.E. 83‑253; C.A. Mtl., no 500‑09‑001265‑818, 9 février 1983.

2 J.E. 81‑899; C.S. Mtl., no 500‑05‑006917‑817, 10 septembre 1981.

Mario Létourneau, pour l'appelante.

Guy Lemay et Jacques Audette, pour l'intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

1. Le Juge Chouinard—L'arrêt majoritaire de la Cour d'appel qui fait l'objet du pourvoi infirme le jugement de la Cour supérieure et autorise l'émission d'un bref d'évocation à l'encontre de la décision arbitrale rendue par le mis en cause sur un grief de congédiement.

2. Trouvé coupable du vol à l'étalage de deux chemises d'une valeur totale de 60 $, commis le 21 septembre 1979, le policier que représente la Fraternité a été congédié. D'où le grief en date du 13 mai 1980. L'arbitre a jugé la sanction trop sévère et a ordonné la réintégration du policier, sans compensation financière pour la période de 13 mois écoulée depuis le congédiement. L'arbitre conclut sa décision de quelque 21 pages en ces termes:

Compte tenu de l'ensemble des circonstances révélées par la preuve, il me semble que la destitution du plaignant est une sanction trop sévère et qu'il y a lieu d'ordonner la réintégration du plaignant, dans les quinze (15) jours de la présente sentence, sans indemnité pour la longue période écoulée depuis l'imposition de la sanction.

Ainsi, la sanction conserve assez de rigueur pour valoir exemple, tout en rendant justice au plaignant, qui aura payé un prix bien assez lourd pour l'infraction commise.

3. L'article 57 du Règlement sur la déontologie et la discipline des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, R.R.Q. 1981, chap. C‑37.2, r. 1, porte que:

57. Le comité de discipline est tenu d'accepter la copie dûment certifiée de toute décision définitive d'un tribunal canadien ou étranger déclarant un policier coupable d'un acte criminel et peut alors prononcer une ou plusieurs des sanctions prévues à l'article 60.

4. Celui‑ci prévoit que:

60. Le comité de discipline peut imposer une ou plusieurs des sanctions suivantes, pour chaque accusation:

a) l'avertissement;

b) la réprimande;

c) la mutation disciplinaire;

d) la suspension disciplinaire sans traitement pour une période d'au plus 60 jours ouvrables;

e) la rétrogradation;

f) la destitution.

5. Je ferai observer que selon ces dispositions le fait pour un policier d'être déclaré coupable d'un acte criminel n'emporte pas nécessairement le congédiement. Le policier est passible de l'une ou l'autre des sanctions prévues à l'art. 60, et ce peut être le simple avertissement.

6. Il faut aussi tenir compte de l'art. 72 du Règlement:

72. Le présent règlement ne doit pas être interprété comme pouvant affecter une convention collective intervenue entre le Comité exécutif de la Communauté et la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal Inc.

7. Les parties sont de fait régies par une convention collective dont l'art. 27.15 est ainsi conçu:

27.15 a) Dans le cas de congédiement, suspension, rétrogradation ou imposition d'une mesure disciplinaire quelconque par l'employeur, l'arbitre pourra, soit maintenir la décision rendue, soit la modifier ou l'annuler, et prescrire le cas échéant le remboursement par l'employeur au policier des sommes perdues par ce dernier par suite de la sanction imposée.

b) Toutefois, l'arbitre ne pourra modifier ou annuler cette décision à moins qu'elle ne soit injuste eu égard à la preuve soumise.

c) Les pouvoirs de l'arbitre sont limités à décider des griefs suivant la lettre et l'esprit de la convention. L'arbitre n'a autorité, en aucun cas, pour ajouter, soustraire, modifier ou amender quoi que ce soit dans cette convention.

8. Tant les juges de la Cour d'appel que le juge de la Cour supérieure sont d'avis que c'est de cet article de la convention collective que l'arbitre tire sa compétence ainsi que de l'art. 88m du Code du travail, S.R.Q. 1964, chap. 141, modifié par la Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du travail et de la main‑d'oeuvre, 1977 (Qué.), chap. 41, art. 48, et correspondant, à l'époque pertinente, à l'art. 100.13, L.R.Q., chap. C‑27:

100.13 En matière disciplinaire, le tribunal d'arbitrage peut confirmer, modifier ou casser la décision de l'employeur; il peut, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.

Toutefois, lorsque la convention collective prévoit une sanction déterminée pour la faute reprochée au salarié dans le cas soumis à l'arbitrage, le tribunal d'arbitrage ne peut que confirmer ou casser la décision de l'employeur, ou, le cas échéant, la modifier pour la rendre conforme à la sanction prévue à la convention collective.

9. Il est constant que la convention collective ne prévoit pas une sanction déterminée pour la faute reprochée en l'espèce.

10. L'intimée soumet qu'avant d'intervenir et de substituer une sanction à celle imposée par l'employeur, l'arbitre doit d'abord déterminer que celle‑ci est injuste, ce qu'il n'aurait pas fait. L'intimée appuie cette prétention sur le fait que dans sa conclusion précitée l'arbitre qualifie la destitution de «sanction trop sévère», mais n'emploie pas le mot «injuste». Cette prétention me paraît sans fondement. Ce n'est pas par le seul choix des mots que dans le contexte de cette décision arbitrale l'arbitre aura excédé sa compétence. Après s'être instruit des dispositions du Règlement sur la déontologie et des dispositions du Code du travail, l'arbitre écrit: «Il faut maintenant nous demander si la sanction prise était justifiée dans les circonstances.» Après avoir passé en revue les circonstances particulières de l'espèce l'arbitre répond à cette question en concluant que la destitution est une «sanction trop sévère». En outre, au paragraphe suivant il écrit: «... la sanction conserve assez de rigueur pour valoir exemple, tout en rendant justice au plaignant ...» Ces expressions me paraissent bien suffisantes dans le contexte.

11. D'autre part l'intimée soumet que l'arbitre ne pouvait imposer que l'une des sanctions prévues au Règlement sur la déontologie et que le Comité de discipline avait le pouvoir d'imposer. Du reste, prétend‑il, le Comité avait raison de considérer que la sanction la plus sévère, outre le congédiement, savoir une suspension de 60 jours, était manifestement insuffisante. L'intimée écrit dans son mémoire:

Pour intervenir comme il l'a fait, l'arbitre mis‑en‑cause s'est fondé sur l'article 100.13 du Code du travail qui prévoit qu'en matière disciplinaire un arbitre peut «substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.»

En accordant cette discrétion à l'arbitre, le législateur a utilisé le mot «substituer» pour désigner l'étendue de son mandat et le dictionnaire Le Robert «Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française» nous propose la définition suivante de ce mot:

«SUBSTITUER—Mettre (une chose, une personne) à la place d'une autre, pour lui faire jouer le même rôle».

Dans un premier temps, soulignons que si l'arbitre a le pouvoir de substituer sa décision à celle de l'employeur, faut‑il encore que l'employeur ait le droit légalement d'imposer les mesures disciplinaires que l'arbitre décide de substituer.

Or, aux termes mêmes de l'article 60 du Règlement sur la déontologie et la discipline des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, une suspension de treize mois et demi (13½ mois) ne peut être imposée par le Comité de discipline.

Le rôle du tribunal d'arbitrage, en vertu de l'article 100.13 du Code du travail, est de substituer sa décision à celle de l'employeur, mais encore faut‑il que la décision que l'arbitre rende soit susceptible d'être rendue par l'employeur: l'arbitre ne saurait avoir plus de pouvoirs disciplinaires que n'en possède l'employeur lui‑même.

12. Je trouve une réponse complète à cet argument dans le passage suivant des motifs du juge de la Cour supérieure que je fais mien:

Ce règlement ne fait pas partie de la convention collective et ce n'est que si la convention collective y référait ou reprenait ce règlement qu'alors possiblement l'arbitre pourrait avoir excédé sa juridiction.

Comme question de fait, ce règlement a entre autres pour but de délimiter la juridiction de ceux appelés à exercer des mesures disciplinaires pour le compte de l'employeur. Ainsi les sanctions prévues à l'article 60 de ce règlement ne visent que le Comité de discipline. Mais à moins d'une provision spécifique à cet effet tel l'alinéa 2 de l'article 100.13 du Code du travail, la juridiction de l'arbitre ne saurait être limitée.

Comme question de fait, l'arbitre dans l'espèce a exercé la juridiction que lui confère la Loi sans être limitée par celle‑ci ou par la convention. Dans l'exercice de cette juridiction qui diffère de celle du Comité de discipline agissant pour le compte de l'employeur, il pouvait quant à lui, substituer la décision qui lui paraissait juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. Tel l'a voulu le Législateur ainsi que les parties qui n'ont pas convenu autrement alors qu'elles avaient toute liberté pour ce faire.

Ainsi et même si le Comité de discipline ne pouvait pas imposer une suspension disciplinaire sans traitement pour une période de plus de soixante (60) jours ouvrables sans aller à la destitution, et même si le fait pour l'arbitre d'imposer une suspension sans indemnité de treize (13) mois et demi (½) peut donner l'impression de donner raison au Comité de discipline qui ne pouvant imposer une telle sanction n'avait d'autre choix que d'aller à la destitution, il n'en demeure pas moins que la juridiction de l'arbitre diffère de celle du Comité de discipline en ce que la Loi et les parties par leur convention collective veulent que l'arbitre puisse substituer à la décision de l'employeur la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.

13. En outre il ne faut pas négliger l'effet de la clause privative d'alors que l'on retrouvait à l'art. 139 du Code du travail, L.R.Q., chap. C‑27:

139. Nulle action en vertu de l'article 33 du Code de procédure civile, ni aucun recours extraordinaire au sens de ce code, ni aucune injonction ne peuvent être exercés contre un conseil d'arbitrage, un tribunal d'arbitrage, un agent d'accréditation, un commissaire du travail ou le tribunal, en raison d'actes, d'actes de procédure ou de décisions se rapportant à l'exercice de leurs fonctions.

14. Dans Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768, le juge Dickson, maintenant juge en chef, écrit aux pp. 781 et 782:

Une très bonne raison de principe explique l'hésitation judiciaire à contrôler les arbitres dans l'exercice de leurs pouvoirs. Le but de l'arbitrage des griefs en vertu de la Loi est d'assurer un règlement rapide, définitif et exécutoire des différends résultant de l'interprétation et de l'application d'une convention collective ou d'une mesure disciplinaire imposée par l'employeur, le tout dans le but de maintenir la paix.

Prenons le présent cas. L'appelant s'est mal conduit. Un arbitre saisi de la question a considéré qu'une sanction disciplinaire s'imposait mais qu'une suspension suffisait. Si l'exercice du pouvoir d'arbitre ne permet pas de corriger la situation en ajustant la sanction à l'infraction, la sentence arbitrale se réduit alors à une décision presque dénuée de sens. Ou le grief est accueilli, dans quel cas l'appelant ne sera pas puni, un résultat qui semble injuste dans les circonstances, ou l'appelant est congédié, un résultat qui, selon l'arbitre, compte tenu des circonstances atténuantes qu'il a retenues, est injuste à l'égard de l'employé. Dans l'un et l'autre cas, le but de la procédure d'arbitrage aux fins de l'application de la convention collective ne sera pas atteint. Les relations entre l'employeur et le syndicat seront encore plus tendues. Pour que cette procédure ait un sens, le droit de modifier la sévérité de la mesure disciplinaire par l'imposition d'une peine moindre doit certainement être inhérent à l'exercice du pouvoir d'arbitre: voir Re Polymer Corporation and Oil, Chemical, and Atomic Workers International Union, Local 16‑14, [1962] R.C.S. 338 (sous l'intitulé Imbleau c. Laskin).

15. Ce n'est que dans le cas où la décision de l'arbitre constitue un abus de pouvoir équivalant à fraude et de nature à entraîner une injustice flagrante qu'il y a lieu à intervention judiciaire dans une affaire telle la présente.

16. Dans Syndicat des professeurs du CEGEP Vieux‑Montréal c. CEGEP Vieux‑Montréal, [1977] 2 R.C.S. 568, le juge Pigeon écrit à la p. 572:

Nous avons récemment appliqué cette règle dans Air‑Care Ltd. c. The United Steel Workers of America, [1976] 1 R.C.S. 2. Il n'en reste pas moins qu'il appartient au tribunal d'arbitrage d'interpréter et d'appliquer les dispositions de la convention. Les tribunaux ne peuvent intervenir à l'encontre de cette interprétation et de cette application que si elle constitue un abus de pouvoir au sens de l'art. 846 C.p.c.

17. Plus récemment, soit le 22 novembre 1984, donc longtemps après l'arrêt de la Cour d'appel en l'espèce rendu le 9 février 1983, cette Cour a prononcé l'arrêt Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476, lequel, à mon avis, est déterminant.

18. Dans cette affaire, il s'agissait précisément du congédiement d'un employé au motif allégué qu'il avait accepté de clients de l'entreprise des faveurs consistant en des séjours payés à l'étranger. La plainte de l'employé pour congédiement injustifié était fondée sur l'art. 124 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., chap. N‑1.1. L'article 128 de cette Loi porte:

128. Si l'arbitre juge que le salarié a été congédié sans cause juste et suffisante, il peut:

1° ordonner à l'employeur de réintégrer le salarié;

2° ordonner à l'employeur de payer au salarié une indemnité jusqu'à un maximum équivalant au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

3° rendre toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.

Cependant dans le cas d'un domestique, l'arbitre ne peut qu'ordonner le paiement au salarié d'une indemnité correspondant au salaire et aux autres avantages dont l'a privé le congédiement pour une période maximum de trois mois.

19. L'arbitre ordonna à l'employeur de réengager l'employé et substitua au congédiement une suspension sans paye de quatre mois. Cette Cour a infirmé l'arrêt de la Cour d'appel qui avait autorisé l'émission d'un bref d'évocation et a rétabli le jugement de la Cour supérieure qui l'avait refusée. Dans le cours de ses motifs, après avoir cité l'art. 846 C.p.c., le juge Beetz écrit aux pp. 480 et 481:

Quelle que soit la juridiction de l'arbitre, au sens strict, un abus de pouvoir équivalant à fraude et de nature à entraîner une injustice flagrante lui ferait perdre juridiction et donnerait ouverture à la révision judiciaire par voie d'évocation, nonobstant toute clause privative.

Je ne puis dire que la décision de l'arbitre constitue un tel abus.

La majorité en Cour d'appel me paraît avoir effectivement décidé que la seule sanction raisonnable du comportement certes répréhensible de l'appelant est nécessairement la sanction ultime, le congédiement, et qu'en imposant une sanction moins sévère, l'arbitre est allé à l'encontre de l'ordre public. Il me semble, soit dit avec les plus grands égards, que c'est là venir près de confondre entre la conduite de l'appelant et celle de l'arbitre. Je suis loin d'être certain que j'aurais rendu la même décision que l'arbitre mais je suis également incapable d'affirmer que la pénalité moins sévère qu'il a imposée en remplacement de la pénalité ultime est, compte tenu de toutes les circonstances, clairement abusive, manifestement injuste, absurde, contraire au sens commun, et sans aucun fondement dans l'ensemble de la preuve.

20. L'intimée a cherché à faire une distinction fondée essentiellement sur le moyen dont il a été disposé plus haut, à savoir que le Comité de discipline était limité à certaines sanctions bien définies et que l'arbitre n'aurait pas le pouvoir d'y substituer une sanction que le Comité de discipline n'a pas le pouvoir d'imposer.

21. Je suis d'avis que les principes énoncés dans Control Data, précité, s'appliquent tout à fait à l'espèce et qu'il n'a pas été démontré «que la pénalité moins sévère qu'il a imposée en remplacement de la pénalité ultime est, compte tenu de toutes les circonstances, clairement abusive, manifestement injuste, absurde, contraire au sens commun, et sans aucun fondement dans l'ensemble de la preuve».

22. Bien sûr personne ne conteste ce passage de la décision arbitrale reproduit par l'intimée dans son mémoire:

Evidemment, un Service de Police est fondé à exiger de ses membres une droiture et une honnêteté exemplaires, puisque la société s'en remet à ses policiers pour veiller au respect des lois.

23. Mais ce n'est pas ce sur quoi la Cour est appelée à se prononcer.

24. Plutôt la Cour a à déterminer, selon les principes exposés dans Control Data, précité, si l'arbitre a excédé sa compétence. À mon avis il ne l'a pas fait.

25. J'ai fait observer plus haut que suivant le Règlement sur la déontologie, le fait pour un policier d'être déclaré coupable d'un acte criminel n'emporte pas nécessairement un congédiement. Il convient aussi de citer en partie l'art. 3 de la Loi de police, L.R.Q., chap. P‑13:

Qualités requises. 3. Une personne doit, pour devenir cadet ou membre de la Sûreté ou cadet ou policier municipal

a) être de citoyenneté canadienne;

b) être de bonnes moeurs;

c) n'avoir jamais été déclarée coupable ni s'être avouée coupable d'une infraction au Code criminel sur une poursuite intentée au moyen d'un acte d'accusation, ni s'être avouée coupable à la suite d'une dénonciation pour une infraction au Code criminel qui, selon la dénonciation, devait être poursuivie au moyen d'un acte d'accusation;

26. Il ressort de cet article qu'une personne déclarée coupable d'une infraction poursuivie sur déclaration sommaire de culpabilité, comme c'est le cas en l'espèce, par opposition à une personne déclarée coupable sur une poursuite intentée au moyen d'un acte d'accusation, ne se verrait pas nécessairement fermer l'accès à la fonction policière. Il ne s'agit pas d'excuser la conduite du policier en cause mais de constater qu'elle n'entraîne pas nécessairement qu'il soit exclu de cette fonction et qu'il peut y avoir place pour une sanction moindre que le congédiement. C'est ce que l'arbitre avait, lui, à décider.

27. Pour ces motifs je suis d'avis d'accueillir le pourvoi avec dépens, d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel et de rétablir le jugement de la Cour supérieure refusant l'autorisation d'émettre un bref d'évocation.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureur de l’appelante: Mario Létourneau, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Lavery, O’Brien, Montréal.


Synthèse
Référence neutre : [1985] 2 R.C.S. 74 ?
Date de la décision : 31/07/1985
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Contrôle judiciaire - Compétence de l’arbitre - Congédiement d’un policier - Sanction disciplinaire imposée par le Comité de discipline modifiée par l’arbitre - Bref d’évocation refusé.

Conformément aux art. 57 et 60 du Règlement sur la déontologie et la discipline des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, le Comité de discipline du Service de police de la C.U.M. a congédié un policier reconnu coupable de vol à l'étalage. Ces articles prévoient qu'un policier déclaré coupable d'un acte criminel est passible d'une sanction disciplinaire allant du simple avertissement à la destitution en passant par la réprimande, la mutation disciplinaire et la suspension sans traitement pour une période d'au plus 60 jours. L'appelante a présenté un grief contre la décision du Comité de discipline. L'arbitre, après avoir considéré l'ensemble de la preuve, a jugé la sanction trop sévère et a ordonné la réintégration du policier, sans compensation financière pour la période de 13 mois écoulée depuis le congédiement. L'intimée s'est alors adressée à la Cour supérieure pour obtenir la délivrance d'un bref d'évocation. La requête a été rejetée. La Cour d'appel à la majorité a infirmé le jugement et autorisé la délivrance du bref. Le présent pourvoi vise à déterminer si l'arbitre a excédé sa compétence.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

L'arbitre n'a pas excédé sa compétence en substituant une sanction que le Comité de discipline n'avait pas le pouvoir d'imposer. Le Règlement sur la déontologie ne faisant pas partie de la convention collective, l'art. 60 du Règlement relatif aux sanctions disciplinaires ne vise que le Comité de discipline et non l'arbitre. Ce dernier a exercé la compétence que lui confèrent l'art. 100.13 du Code du travail et l'art. 27.15 de la convention collective. Cette compétence lui permet, en matière disciplinaire, de substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. Dans une affaire telle la présente, seul un cas où la décision de l'arbitre constituerait un abus de pouvoir équivalant à fraude et de nature à entraîner une injustice flagrante lui ferait perdre juridiction et donnerait ouverture à la révision judiciaire par voie d'évocation, nonobstant toute clause privative. En l'espèce, un tel abus n'a pas été démontré.


Parties
Demandeurs : Fraternité des Policiers (C.U.M.)
Défendeurs : C.U.M.

Références :

Jurisprudence
Arrêt suivi: Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476
arrêts mentionnés: Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768
Syndicat des professeurs du CEGEP Vieux‑Montréal c. CEGEP Vieux‑Montréal, [1977] 2 R.C.S. 568.
Lois et règlements cités
Code de procédure civile, art. 846.
Code du travail, L.R.Q., chap. C‑27, art. 100.13, 139.
Loi de police, L.R.Q., chap. P‑13, art. 3.
Règlement sur la déontologie et la discipline des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, R.R.Q. 1981, chap. C‑37.2, r. 1, art. 57, 60, 72.

Proposition de citation de la décision: Fraternité des Policiers (C.U.M.) c. C.U.M., [1985] 2 R.C.S. 74 (31 juillet 1985)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1985-07-31;.1985..2.r.c.s..74 ?
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