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10/10/1985 | CANADA | N°[1985]_2_R.C.S._255

Canada | Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255 (10 octobre 1985)


Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255

Roger Stanley Krug Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17677.

1985: 13 mars; 1985: 10 octobre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson et La Forest.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1983), 7 C.C.C. (3d) 337 (note), qui a rejeté un appel du verdict de culpabilité et de la peine prononcés par le juge Vannini de la Cour de district.

Joseph A. Bisceglia et Orl

ando M. Rosa, pour l'appelant.

Damien Frost, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rend...

Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255

Roger Stanley Krug Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17677.

1985: 13 mars; 1985: 10 octobre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson et La Forest.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1983), 7 C.C.C. (3d) 337 (note), qui a rejeté un appel du verdict de culpabilité et de la peine prononcés par le juge Vannini de la Cour de district.

Joseph A. Bisceglia et Orlando M. Rosa, pour l'appelant.

Damien Frost, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1. Le Juge La Forest—La présente affaire porte sur l'application du principe du double péril en common law et sous le régime de la Charte canadienne des droits et libertés lorsque plusieurs accusations résultent d'une seule opération.

Le contexte

2. L'appelant a été inculpé:

[TRADUCTION] 1. ... d'avoir, le 12 octobre 1981 ou vers cette date, à Sault‑Sainte‑Marie, dans le district d'Algoma, tenté de voler à Town and Country Towing une camionnette Ford et une automobile Buick, alors qu'il était muni d'une arme offensive, savoir une carabine Browning de calibre 308, contrairement aux articles 303 et 421 du Code criminel du Canada, et

2. ... d'avoir, le 12 octobre 1981 ou vers cette date, à Sault‑Sainte‑Marie, dans le district d'Algoma, lors d'une tentative de perpétration d'un acte criminel, utilisé une arme à feu, savoir une carabine Browning de calibre 308 portant le numéro de série 3377731, contrairement à l'alinéa 83(1)a) du Code criminel du Canada, et

3. ... d'avoir, le 12 octobre 1981 ou vers cette date, à Sault‑Sainte‑Marie, dans le district d'Algoma, eu en sa possession une arme, savoir une carabine Browning de calibre 308 portant le numéro de série 3377731, dans un dessein dangereux pour la paix publique, contrairement à l'article 85 du Code criminel du Canada, et

4. ... d'avoir, le 12 octobre 1981 ou vers cette date, à Sault‑Sainte‑Marie, dans le district d'Algoma, sans excuse légitime, braqué sur Jim McAllister une arme à feu, savoir une carabine Browning de calibre 308 portant le numéro de série 3377731, contrairement au paragraphe 84(1) du Code criminel du Canada.

3. Voici le texte des dispositions pertinentes:

83. (1) Quiconque utilise une arme à feu

a) lors de la perpétration ou de la tentative de perpétration d'un acte criminel,

...

qu'il cause ou non des lésions corporelles en conséquence ou qu'il ait ou non l'intention d'en causer, est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement

...

(2) La sentence imposée à une personne pour une infraction prévue au paragraphe (1) doit être purgée consécutivement à toute autre peine imposée pour une autre infraction basée sur les mêmes faits et à toute autre sentence qu'elle purge à ce moment‑là.

84. (1) Est coupable

a) d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de cinq ans, ou

b) d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité,

quiconque braque, sans excuse légitime, une arme à feu, chargée ou non, sur une autre personne.

...

85. Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de dix ans, quiconque porte ou a en sa possession une arme ou une imitation d'arme, dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

302. Commet un vol qualifié, quiconque

...

d) vole une personne alors qu'il est muni d'une arme offensive ou d'une imitation d'une telle arme.

4. L'appelant a plaidé coupable relativement au premier chef d'accusation et non coupable relativement aux autres. Puis, la poursuite, avec le consentement de l'appelant, a relaté les faits appuyant le plaidoyer de culpabilité et les autres chefs d'accusation. Voici ces faits.

5. Au cours des deux premières semaines d'août 1981, alors que l'appelant et son épouse rendaient visite à des amis à Sault‑Sainte‑Marie, leur voiture et leur camionnette ont été saisies par une société de prêts et amenées chez Town and Country Towing. Les 10 et 11 octobre, ils rendaient visite aux mêmes amis et, le 12 octobre, l'appelant a tenu absolument à reprendre ses deux véhicules. À 20 h 30 le même jour, il a fait monter son épouse et son fils dans un camion et, s'armant d'une carabine Browning de calibre 308, il a affirmé qu'il allait chez Town and Country Towing récupérer ses véhicules et qu'il abattrait quiconque essaierait de l'en empêcher.

6. Quand ils sont arrivés sur les lieux occupés par Town and Country Towing, la porte du bureau était fermée à clé, un nommé Jim McAllister étant à l'intérieur. L'appelant a frappé à la porte et, lorsque McAllister a répondu, il a levé la carabine et a sommé ce dernier d'ouvrir la porte. McAllister a obtempéré, sur quoi l'appelant lui a ordonné de reculer. Ce faisant, il a entendu l'appelant qui chargeait la carabine. Celle‑ci a ensuite été braquée sur McAllister. A suivi une discussion entre l'appelant et McAllister au cours de laquelle la police est arrivée sur les lieux. McAllister, s'en apercevant, a saisi la carabine, a poussé l'appelant et l'a immobilisé contre le mur. En examinant la carabine, la police a trouvé une cartouche dans la culasse et trois dans le magasin. Un essai a, par la suite, révélé que la carabine fonctionnait.

7. Le juge Vannini de la Cour de district a été saisi des accusations et, le 25 octobre 1982, il a reconnu l'appelant coupable relativement au premier chef, celui d'avoir tenté de commettre un vol alors qu'il était muni d'une arme offensive, contrairement aux art. 303 et 421 du Code criminel. L'audience a alors été ajournée afin de permettre aux parties de préparer leurs plaidoiries sur la question de savoir si l'appelant pouvait être déclaré coupable quant aux autres chefs d'accusation.

8. Le 9 décembre 1982, le juge du procès [(1982), 7 C.C.C. (3d) 324] a reconnu l'appelant coupable relativement au deuxième chef, celui d'avoir utilisé une arme à feu lors de la tentative de perpétration d'un acte criminel, contrairement à l'al. 83(1)a) du Code, et aussi relativement au quatrième chef, celui d'avoir braqué une arme à feu sur une autre personne, contrairement au par. 84(1). De l'avis du juge, ces deux chefs étaient distincts du premier et l'un de l'autre, de sorte que le principe du double péril énoncé dans l'arrêt Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729, était inapplicable.

9. Il a toutefois estimé que le principe s'appliquait en ce qui concerne le troisième chef, celui de la possession d'une arme contrairement à l'art. 85 du Code, car les faits constitutifs de cette infraction sont essentiellement les mêmes que ceux dont il est question dans le premier chef, celui de la tentative de vol alors qu'on est muni d'une arme offensive.

10. Le juge du procès a traité ensuite de l'applicabilité de la Charte. Puisque, selon lui, les infractions reprochées à l'appelant sont distinctes, les déclarations de culpabilité multiples n'ont pas pour effet de porter atteinte, d'une façon non conforme aux principes de justice fondamentale, à son droit à la liberté ou à la sécurité de sa personne garanti par l'art. 7 de la Charte et elles ne constituent pas non plus une atteinte à son droit, garanti par l'al. 11h) de la Charte, de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a déjà été acquitté ou déclaré coupable et puni. Le juge a ajouté que les déclarations de culpabilité multiples et les condamnations qu'elles ont entraînées n'étaient pas des peines cruelles et inusitées au sens de l'art. 12 de la Charte.

11. L'appel devant la Cour d'appel de l'Ontario a été rejeté [(1983), 7 C.C.C. (3d) 337 (note)]. Le 6 juin 1983, l'appelant a reçu l'autorisation de se pourvoir devant cette Cour.

Moyens d'appel

12. L'argument présenté au nom de l'appelant en cette Cour peut se résumer ainsi. En common law, le principe nemo debet bis puniri pro uno delicto interdit de punir un contrevenant deux fois pour la même infraction. Les moyens de défense d'autrefois acquit et d'autrefois convict peuvent être invoqués afin d'empêcher que cela ne se produise. Avec le temps, on en est venu à considérer que ce principe comprend celui de nemo bis vexari qui interdit les déclarations de culpabilité multiples découlant d'un même acte illégal. Dans l'arrêt Kienapple, précité, à la p. 751, le juge Laskin (plus tard Juge en chef) a donné encore plus d'ampleur à ce dernier principe:

Si un verdict de culpabilité est rendu sur le premier chef et que les mêmes éléments, ou fondamentalement les mêmes, constituent l'infraction imputée dans le second chef, la situation invite l'application d'une règle s'opposant aux condamnations multiples...

13. Il s'agit en réalité de l'application en droit criminel de l'autorité de la chose jugée et la question est de savoir non pas si les deux infractions sont les mêmes, mais si l'accusé se fait punir deux fois relativement à des faits qui sont essentiellement les mêmes. Lorsqu'un acte constitue une infraction, on ne peut se fonder sur ce même acte pour justifier une déclaration de culpabilité d'une autre infraction. À la p. 750 de l'arrêt Kienapple, le juge Laskin donne l'explication suivante:

La question pertinente pour ce qui est de l'autorité de la chose jugée est de savoir si la même cause ou chose (plutôt que la même infraction) se trouve comprise dans deux infractions ou plus. En outre, il ne se peut pas que si un accusé subit son procès sous plusieurs chefs l'inculpant d'infractions différentes, il est susceptible d'être trouvé coupable et puni sur chaque chef, alors que s'il subissait son procès sous un seul et était déclaré coupable il aurait le droit d'invoquer l'autorité de la chose jugée comme moyen de défense contre d'autres inculpations découlant de la même cause ou chose.

14. L'avocat de l'appelant soutient qu'il était contraire au principe énoncé dans l'arrêt Kienapple de reconnaître l'accusé coupable d'avoir tenté de commettre un vol alors qu'il était muni d'une arme à feu et, en même temps, de le déclarer coupable d'avoir utilisé une arme à feu lors de la tentative de perpétration d'un acte criminel. De plus, on a opposé le même argument à la déclaration de culpabilité de l'infraction d'avoir braqué une arme à feu contrairement au par. 84(1). L'avocat a toutefois reconnu que le législateur pourrait, au moyen d'une loi appropriée, abroger le principe énoncé dans l'arrêt Kienapple et qu'en fait cette Cour a conclu, dans l'arrêt McGuigan c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 284, qu'un accusé pouvait être reconnu coupable du crime de vol qualifié visé à l'al. 302d) et du crime d'usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction, prévu à l'al. 83(1)a), même si cela allait à l'encontre du principe de l'arrêt Kienapple. Le juge Dickson (maintenant Juge en chef du Canada), s'exprimant au nom de la majorité de cette Cour dans cette affaire, affirme à la p. 318:

À mon avis, en adoptant l'art. 83, le législateur s'est écarté du principe de common law fondamental nemo debet bis puniri pro uno delicto, qui a cours en droit criminel et qui est exprimé dans l'arrêt Kienapple, et il a indiqué que l'usage d'une arme à feu lors de la perpétration de l'infraction de vol qualifié constitue également, en vertu de l'art. 83, une infraction distincte assortie d'une peine distincte et supplémentaire (accrue en cas de récidive).

15. Cependant, l'avocat a cherché à contourner cette difficulté en invoquant l'art. 7 et l'al. 11h) de la Charte, qui sont ainsi conçus:

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

11. Tout inculpé a le droit:

...

h) d'une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d'autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni...

16. Ces dispositions qui, a‑t‑il souligné, ont été adoptées après l'arrêt McGuigan, avaient pour objet d'ériger en droit enchâssé dans la Constitution le principe qui s'oppose aux déclarations de culpabilité multiples et aux peines doubles. En bref, a‑t‑il soutenu, le législateur ne peut plus abroger la règle formulée dans l'arrêt Kienapple.

L'article 83 et l'alinéa 302d)

17. Avant d'aborder les questions relevant de la Charte, je crois qu'il serait utile d'examiner la question préliminaire de l'application du principe de l'arrêt Kienapple dans le contexte de l'art. 83 et de l'al. 302d). Aux termes de l'al. 302d), commet une infraction quiconque vole une personne alors qu'il est muni d'une arme offensive. L'article 83, par contre, dispose que quiconque utilise une arme à feu lors de la perpétration ou de la tentative de perpétration d'un acte criminel est coupable d'une infraction. En plus de préciser le type d'arme offensive, l'art. 83 exige que celle‑ci ait été utilisée. Or, il faut se rappeler que le principe énoncé dans l'arrêt Kienapple repose en dernière analyse sur le principe de l'autorité de la chose jugée. Ce principe s'appliquerait de manière à empêcher qu'on soit reconnu coupable de l'une et l'autre infractions si la différence entre les deux tenait uniquement au fait que l'art. 83 précise la nature de l'arme, étant donné évidemment que la même arme a été utilisée dans les deux cas. Mais, l'art. 83 exige aussi que l'arme à feu ait été utilisée, un acte qui n'est pas nécessairement compris dans l'expression en être muni. En l'espèce, il y a des éléments de preuve d'usage distincts de ceux relatifs au fait d'être muni d'une arme. En résumé, pour reconnaître l'accusé coupable d'une infraction à l'art. 83, il était nécessaire de prouver qu'il a fait quelque chose de plus que ce qui est nécessaire pour établir une infraction à l'al. 302d).

18. Cela est différent de l'infraction visée par le troisième chef d'accusation, c'est‑à‑dire le fait d'avoir eu en sa possession une arme contrairement à l'art. 85 du Code, ce que le juge du procès a jugé avec raison comme relevant du principe posé dans l'arrêt Kienapple, parce que la personne munie d'une arme à feu doit nécessairement avoir en sa possession une arme offensive, étant donné que cette expression englobe les armes à feu. Par ailleurs, comme le fait remarquer le juge Dickson à la p. 318 de l'arrêt McGuigan, l'usage d'une arme à feu n'est pas un élément essentiel du crime de vol qualifié visé à l'al. 302d) et il n'est pas nécessaire de prouver qu'une personne a utilisé l'arme à feu pour établir qu'elle en était munie. Toutefois, comme il l'a souligné plus loin, l'art. 83 a pour objet et pour effet d'imposer une peine supplémentaire pour ce qui est en réalité, dans un cas comme celui dont nous sommes saisis en l'espèce, une forme grave de vol qualifié. Pour reconnaître un accusé coupable en vertu de cet article, il faut démontrer qu'il a fait quelque chose de plus que ce qui est requis pour qu'il y ait infraction de vol qualifié, savoir qu'il a utilisé une arme à feu.

19. À mon avis, le texte des deux dispositions est assez clair pour permettre d'arriver à cette conclusion sans avoir à invoquer l'intention précise du législateur ou le droit antérieur. Toutefois, ces questions constituaient la préoccupation majeure des juges appelés à statuer sur l'affaire McGuigan. C'est pourquoi, le juge Dickson a souligné que le législateur, en remaniant l'art. 83, avait manifestement à l'esprit la possibilité de poursuites et de déclarations de culpabilité multiples dans les cas où il y avait usage d'armes à feu et que, par conséquent, les tribunaux doivent respecter la volonté du législateur et ne pas appliquer dans ces cas le principe formulé dans l'arrêt Kienapple. On s'est servi de cela pour faire la distinction avec l'arrêt antérieur R. v. Quon, [1948] R.C.S. 508, dans lequel cette Cour avait donné à la disposition qui a précédé l'art. 83 une interprétation qui limitait son application à des infractions qui ne comportaient pas comme élément essentiel la possession d'une arme à feu. Mais, cette disposition précédente visait la possession d'une arme à feu. Le motif précis qui a incité le législateur à adopter l'art. 83, dont la portée est plus étendue, ressort nettement de l'emploi du verbe "utiliser" plutôt que de l'expression "a sur soi", c.‑à‑d. la possession, qui figurait dans la disposition antérieure. L'intention du législateur était de renverser le principe de l'arrêt Kienapple et, bien entendu, il faut respecter cette intention.

20. Mais, aux fins de la présente analyse, il importe d'insister sur la façon dont le législateur s'y est pris pour réaliser cette intention. Il a procédé par la création d'une nouvelle infraction distincte à laquelle ne pouvait s'appliquer le principe de l'arrêt Kienapple. Pour déclarer un accusé coupable de cette nouvelle infraction, il fallait établir l'existence d'un élément supplémentaire en plus de ce qui était requis pour prouver qu'il y avait eu vol qualifié au sens de l'al. 302d). Pour être déclaré coupable d'une infraction au nouvel art. 83, il fallait non seulement que l'accusé ait été muni (et, partant, en possession) d'une arme à feu, mais encore qu'il l'ait utilisée.

21. Cette façon de voir est implicite dans plusieurs passages des motifs du juge Dickson, mais le fait qu'il s'appuie sur le jugement du juge Martin en Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. v. Langevin (1979), 47 C.C.C. (3d) 138, souligne sa position. Dans sa conclusion, le juge Dickson affirme ceci [à la p. 319]:

Pour ces motifs et pour les motifs exprimés par le juge Martin dans l'arrêt Langevin, je conclus que la déclaration de culpabilité de tentative de vol à main armée n'exclut pas une déclaration de culpabilité prononcée en vertu de l'art. 83 du Code. Je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

(C'est moi qui souligne.)

22. À la page 145 de l'arrêt R. v. Langevin, précité, qui porte sur les deux mêmes dispositions, le juge Martin dit ce qui suit:

[TRADUCTION] Être "muni" d'une arme offensive n'est pas synonyme d'"utiliser" une telle arme. Une personne est "munie" d'une arme offensive dès lors qu'elle l'a sur elle: voir R. v. Sloan (1974), 19 C.C.C. (2d) 190, à la p. 192. Il y a "usage" notamment lorsqu'un contrevenant sort une arme à feu qu'il a sur lui et la tient afin d'intimider une autre personne: voir Rowe v. The King (1951), 100 C.C.C. 97, à la p. 101, [1951] 4 D.L.R. 238, [1951] R.C.S. 713, à la p. 717. Même si dans toutes les affaires de "vol à main armée", le contrevenant utilise l'arme, il reste qu'en faisant de l'usage d'une arme à feu un élément essentiel de l'infraction qu'il crée, le par. 83(1), à la différence de l'art. 122 qui exigeait seulement que le contrevenant ait l'arme à feu sur lui, ajoute un élément supplémentaire à ceux qui suffisent à constituer un vol alors qu'on est muni d'une arme à feu.

L'exigence de l'usage d'une arme à feu lors de la perpétration ou de la tentative de perpétration d'un acte criminel permet d'éliminer certaines des absurdités dont il est fait mention dans l'arrêt R. v. Quon, précité, et qui résultaient d'une interprétation littérale de l'art. 122 dans le cas des infractions comportant la possession d'une arme à feu.

23. En tirant cette conclusion, le juge Martin a, à l'instar du juge Dickson, insisté énormément sur l'intention précise qu'avait le législateur en adoptant l'al. 83(1)a). Cela n'est guère surprenant. L'alinéa 83(1)a) fait partie des modifications poussées apportées au Code criminel. Ces modifications, généralement connues sous le nom de législation relative au "contrôle des armes à feu", révèlent clairement, comme l'a dit le juge Dickson, à la p. 317, que le législateur "s'inquiét[ait] sérieusement de la prolifération des crimes liés aux armes à feu" et qu'il voulait limiter rigoureusement l'usage de telles armes. Dans l'interprétation de termes comme "muni" et "usage" qui présentent un degré considérable de chevauchement, les tribunaux doivent nécessairement, en tentant de déterminer l'intention du législateur, examiner attentivement le contexte dans lequel la législation a été adoptée. En l'occurrence, le choix du mot "usage" plutôt que celui de "possession" est révélateur quant à cette intention.

24. Il se dégage aussi des motifs de dissidence du juge en chef Laskin que c'était là le problème fondamental qui se posait dans l'affaire McGuigan. Celui‑ci ne voyait dans la législation relative au contrôle des armes à feu aucune intention de la part du législateur de rendre inapplicable le principe énoncé dans l'arrêt Kienapple. Selon lui, il n'y a vraiment pas de différence importante entre "l'usage" d'une arme à feu au sens de l'art. 83 et la "possession" d'une arme à feu, qui est le terme employé dans l'article qui l'a précédé (art. 122) et dont il a été question dans l'arrêt Quon. C'est ce qui l'amène à dire, à la p. 299 de ses motifs:

Le pistolet ou revolver brandi par le voleur dans l'affaire Quon afin d'intimider la victime était nettement en sa possession au sens de l'art. 122 alors en vigueur; on pourrait dire qu'il a été "utilisé", si ce terme s'était alors trouvé à l'art. 122. C'est évidemment sur l'"usage" que repose la déclaration de culpabilité en vertu de l'al. 83(1)a) dans l'affaire Langevin et en l'espèce. Il va de soi que, si dans l'affaire Langevin ou dans la présente affaire, l'accusé avait commis un vol qualifié alors qu'il était en possession d'une arme offensive, mais sans en faire usage (je suppose qu'il y a une distinction entre la possession et l'usage), aucune accusation en vertu de l'art. 83(1)a) n'aurait pu alors être portée contre lui.

25. De plus, il a estimé qu'il n'y avait pas de différence importante entre le fait d'être "muni" d'une arme à feu et le fait de l'"utiliser". Ainsi, à la p. 301, il dit:

Une déclaration de culpabilité en vertu de l'al. 83(1)a) après que l'accusé a reconnu sa propre culpabilité ou a été reconnu coupable de vol qualifié, c.‑à‑d. de vol alors qu'il était muni d'une arme à feu, ne diffère aucunement, selon moi, de la déclaration de culpabilité d'une personne accusée d'avoir commis un vol alors qu'elle était munie d'une arme à feu qu'elle a brandie, qui, dans l'affaire Quon, a entraîné un acquittement relativement à l'accusation de possession d'une arme à feu pendant la perpétration d'un vol qualifié.

26. Somme toute, comme dans l'arrêt McGuigan, on trouve en l'espèce des éléments factuels de l'usage qui s'ajoutent à la simple possession, savoir le fait d'avoir chargé l'arme à feu et le fait de l'avoir braquée. Par conséquent, le principe de l'arrêt Kienapple ne s'applique pas en l'espèce pour ce qui est des infractions à l'art. 83 et à l'al. 302d).

La Charte

27. J'aborde maintenant la Charte et, en premier lieu, son art. 7. Si je me suis attardé sur l'arrêt McGuigan, c'est pour souligner que la question fondamentale dans cette affaire était de savoir si l'emploi du mot "utiliser" ajoute à l'al. 83(1)a) un élément qui n'existe pas dans l'infraction, définie à l'al. 302d), de vol qualifié commis alors qu'on est "muni" d'une arme offensive. Vu sous cet angle, il me semble qu'il ne s'agit pas uniquement ici d'un cas où le législateur a remanié une disposition existante ou a expressément renversé le principe énoncé dans l'arrêt Kienapple, puisque le législateur pouvait adopter de telles dispositions en l'absence de loi antérieure pertinente et pouvait le faire en des termes si précis que le problème d'interprétation qui s'est présenté dans l'affaire McGuigan ne se poserait pas. Cela ne constituerait pas une violation de la règle formulée dans l'arrêt Kienapple ni, à ce propos, d'aucune autre règle établie interdisant les déclarations de culpabilité multiples. La question n'est donc pas tant de savoir si le législateur peut déroger au principe énoncé dans l'arrêt Kienapple que de savoir si on porte atteinte aux principes de "justice fondamentale" mentionnés à l'art. 7 en déclarant un accusé, qui a déjà commis un vol qualifié, coupable d'une seconde infraction entraînant une peine d'emprisonnement obligatoire, notamment d'avoir utilisé une arme à feu plutôt que d'en avoir été simplement muni en perpétrant ce vol qualifié.

28. Cela nous amène directement à examiner ce que le législateur a fait et pourquoi il l'a fait, mais non comment il l'a fait. Or, comme nous l'avons déjà vu, le législateur, en l'espèce, a créé essentiellement une forme grave de vol qualifié afin que soit puni plus sévèrement, par une peine supplémentaire comportant une période d'emprisonnement obligatoire, quiconque fait usage d'une arme à feu dans la perpétration d'un vol qualifié. Le législateur a pris cette mesure parce qu'il s'inquiétait sérieusement de la prolifération des crimes liés aux armes à feu.

29. Il est d'ailleurs notoire que cette forme grave de vol qualifié expose ses victimes à des blessures graves ou à la mort et qu'on a connu au cours des dernières années une prolifération de ce genre d'infractions liées aux armes à feu. Dans ces circonstances, je doute fort que la création d'une telle infraction constitue une atteinte à la justice fondamentale.

30. Il ne m'est pas nécessaire d'examiner en l'espèce si, dans certaines circonstances, l'art. 7 empêcherait le législateur de définir ou de redéfinir une seule opération de manière à créer, sans motif évident, une série d'infractions. Je n'ai pas non plus à déterminer si, dans une situation donnée, le fait d'infliger une peine obligatoire va à l'encontre des principes de justice fondamentale ou constitue une peine cruelle et inusitée. Ces questions n'ont pas été débattues en cette Cour.

31. Étant donné ma conclusion sur la question des déclarations de culpabilité multiples, il n'est pas nécessaire d'examiner l'al. 11h) de la Charte.

Les articles 83 et 84

32. Reste la question de savoir si, compte tenu du verdict de culpabilité rendu relativement aux autres chefs d'accusation, le principe posé dans l'arrêt Kienapple s'applique de manière à empêcher l'appelant d'être déclaré coupable de l'infraction visée par le quatrième chef, c.‑à‑d. d'avoir braqué une arme à feu contrairement à l'art. 84. J'entends, pour le moment, limiter mes observations à l'interaction entre cet article et l'art. 83. Il est évident que braquer un fusil est une façon de l'utiliser et, à première vue, le principe de l'arrêt Kienapple semblerait s'appliquer lorsqu'une personne est accusée d'infractions aux deux dispositions. Toutefois, selon le juge du procès, l'exigence que pose l'art. 84 qu'on ait braqué l'arme à feu sur une autre personne constitue un élément supplémentaire (comme celui dont il s'agit dans l'arrêt McGuigan) suffisant pour traduire l'intention du législateur de créer une infraction distincte. Il y a, a‑t‑il fait remarquer, beaucoup de façons d'utiliser une arme à feu. Son raisonnement ressort du passage suivant [à la p. 336]:

[TRADUCTION] Dans l'affaire dont je suis présentement saisi, l'accusé a fait "usage" de l'arme à feu en la sortant, en la chargeant, puis en la braquant. Puisqu'une arme à feu peut être utilisée au sens de l'al. 83(1)a) de bien d'autres manières que celle qui consiste à la braquer sur une autre personne, et que le législateur a créé en même temps l'infraction visée à l'art. 83 et celle visée à l'art. 84, je conclus qu'il s'agit d'infractions distinctes et que, par conséquent, ni les art. 7, 11 et 12 de la Charte ni le principe énoncé dans l'arrêt Kienapple ne viennent s'opposer à une déclaration de culpabilité relative aux deux infractions, les peines étant à établir en fonction du "principe de la disproportion".

Si le juge du procès a voulu dire par là qu'une personne pourrait être reconnue coupable des deux infractions, même lorsqu'il n'existe aucun autre élément de preuve d'usage que le fait d'avoir braqué l'arme à feu sur quelqu'un, je ne puis être d'accord. Il est vrai que, dans l'arrêt McGuigan, le juge Dickson a insisté sur la différence entre "l'usage" d'une arme à feu et le fait d'en être "muni", concluant que le premier terme signifie quelque chose de plus que le second. L'usage, pris dans ce sens, était nécessaire pour que l'art. 83 s'applique. Or, en l'espèce, c'est précisément l'inverse, car c'est le fait d'avoir braqué l'arme à feu sur une autre personne qui constitue l'élément supplémentaire.

33. Il se peut toutefois que les cours d'instance inférieure aient estimé que l'accusé devait être déclaré coupable des deux infractions parce qu'il y avait des éléments de preuve d'autres types d'usages de l'arme à feu, lesquels éléments étaient suffisants pour justifier une accusation fondée sur l'art. 83 en plus de celle de vol qualifié ou de celle d'avoir braqué l'arme à feu sur une autre personne. Du point de vue purement logique, cela pose un problème plus difficile. Il reste néanmoins que tous ces types d'usages ont été invoqués dans les poursuites relatives à toutes ces accusations. De plus, dans le cas de l'accusation d'avoir braqué une arme à feu, on pourrait obtenir une déclaration de culpabilité sur une accusation plus grave en se fondant sur un usage préalable à cet acte et moins dangereux que celui‑ci. En ce qui concerne le vol qualifié, il faut se rappeler que l'accusé s'est déjà vu infliger une peine supplémentaire, en vertu de l'art. 83, pour avoir utilisé une arme à feu lors de la perpétration de cette infraction.

34. Ce genre de considérations d'ordre pratique milite contre une application trop rigoureuse de la logique dans une tentative de discerner l'intention du législateur. Je ne trouve pas convaincante l'analogie faite par le juge du procès avec l'affaire McGuigan. À ce qu'il me semble, il est tout à fait raisonnable de prêter au législateur l'intention de créer une infraction qui consiste à utiliser une arme à feu lors de la perpétration d'un vol qualifié et qui soit distincte de cette dernière infraction. En fait, si le législateur ne s'attendait pas que l'art. 83 s'applique au vol qualifié et à d'autres infractions où l'usage d'armes à feu est le plus répandu, il est difficile de concevoir ce qu'a bien pu être son intention en adoptant cet article, surtout dans le contexte que je viens de décrire.

35. Mais lorsqu'un élément essentiel d'une infraction, telle l'infraction de braquer une arme à feu, comprend l'usage d'une arme à feu, il est difficile de croire que le législateur ait voulu que, par l'adoption de l'art. 83, la même conduite répréhensible fasse automatiquement l'objet de deux infractions distinctes, assorties chacune d'une peine distincte. Et comme je l'ai déjà dit, si une arme à feu est utilisée dans la perpétration d'une autre infraction, l'art. 83 impose une peine beaucoup plus lourde que pour le fait de braquer une arme à feu, soit quatorze ans de prison avec une période minimale d'emprisonnement au lieu de cinq ans. Il faudrait donc un texte beaucoup plus clair que celui employé dans la législation pour me persuader que le législateur a envisagé le genre de résultat qu'ont retenu les cours d'instance inférieure.

36. La conclusion qui précède est appuyée par l'arrêt R. v. Langevin, précité où, rappelons‑le, le juge Martin a lui aussi souligné que l'art. 83 comporte l'élément de l'usage d'une arme à feu, lequel s'ajoute à celui qui consiste à en être muni qui est l'exigence posée par l'al. 302d). Toutefois, le juge Martin a fait une distinction nette entre cette situation et celle qui comporte l'infraction d'avoir braqué une arme à feu sur une autre personne. À la page 145 de ses motifs, il dit ce qui suit:

[TRADUCTION] Me Hunt a reconnu pendant la plaidoirie qu'il ne serait pas raisonnable d'interpréter l'art. 83 de façon à l'appliquer aux infractions dont un élément essentiel est, de par leur définition dans le Code, l'usage d'une arme à feu, comme par exemple, braquer une arme à feu (par. 84(1) (abr. et rempl. idem)) et décharger une arme à feu dans l'intention de blesser (art. 228).

37. Plus récemment, s'exprimant encore au nom de la Cour d'appel de l'Ontario, le juge Martin a réitéré ce point de vue dans l'arrêt R. v. Allison and Dinel (1983), 5. C.C.C. (3d) 30. Cet arrêt, portant sur une multiplicité d'infractions, a été rendu après la décision du juge du procès en l'espèce. Le juge Martin y a traité de la corrélation entre une accusation portée en vertu de l'art. 83 et une accusation d'avoir blessé et mutilé, fondée sur l'art. 228. Ce dernier article crée une série d'infractions, dont certaines comportent comme élément constitutif la décharge d'une arme à feu alors que d'autres exigent plutôt qu'on ait causé des lésions corporelles. À son avis, on ne saurait invoquer l'art. 83 dans le cas des infractions exigeant qu'il y ait eu décharge d'une arme à feu. Après avoir cité le passage de l'arrêt Langevin, que je viens de reproduire, le juge Martin ajoute, à la p. 40:

[TRADUCTION] Nous ne voyons aucune raison de modifier l'opinion exprimée dans cet arrêt. Selon nous, il ne serait guère raisonnable de considérer que cet article permet d'invoquer l'art. 83 dans ces circonstances. Dans un tel acte d'accusation, on alléguerait en réalité que A, alors qu'il commettait l'acte criminel qui consiste à braquer une arme à feu (ou à décharger intentionnellement une arme à feu, etc.), a utilisé une arme à feu contrairement à l'art. 83. Nous ne croyons pas que cette interprétation de l'art. 83 serait raisonnable ou qu'elle devrait être prêtée au législateur.

38. Or, il se dégage de cet arrêt qu'une telle façon d'aborder la question peut parfois mener à des distinctions subtiles. Mais, il ne faut pas pour autant perdre de vue les différences fondamentales entre les deux situations qui se présentent en l'espèce. Lorsqu'il a adopté les modifications importantes connues sous le nom de législation relative au contrôle des armes à feu, le législateur a nécessairement voulu créer un autre moyen de dissuader d'utiliser des armes à feu dans des infractions telles que le vol qualifié qui peuvent être commises sans utiliser une arme à feu, mais dans la perpétration desquelles cet usage est fort répandu. Mais ces considérations sont sans importance lorsque l'usage d'une arme à feu constitue un élément nécessaire de l'infraction principale. Il est difficile de voir quelle infraction distincte est créée en pareil cas, puisque les deux infractions comportent l'usage d'une arme à feu. Je ne comprends pas non plus ce que peut y changer le fait que la description de l'infraction principale fait état d'un usage précis. Il s'ensuit que le principe posé dans l'arrêt Kienapple doit s'appliquer au deuxième et au quatrième chefs d'accusation. Puisque l'al. 83(1)a) crée une infraction plus grave, j'estime qu'un verdict de culpabilité n'aurait pas dû être rendu relativement à l'accusation d'avoir braqué une arme à feu. En conséquence, l'argument fondé sur la Charte ne se pose pas dans ce contexte.

Conclusion

39. Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative au quatrième chef d'accusation, d'annuler cette déclaration de culpabilité et d'ordonner qu'un verdict de non‑culpabilité y soit substitué. Pour le reste, le pourvoi doit être rejeté.

Pourvoi accueilli à l’égard d’un chef d’accusation, mais rejeté à tous autres égards.

Procureur de l’appelant: Joseph A. Bisceglia, Sault‑Ste‑Marie.

Procureur de l’intimée: Procureur général de l’Ontario, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1985] 2 R.C.S. 255 ?
Date de la décision : 10/10/1985
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli à l'égard de la déclaration de culpabilité relativement au quatrième chef d'accusation, mais rejeté à tous autres égards

Analyses

Droit criminel - Déclarations de culpabilité multiples découlant du même incident - Usage d’une arme à feu dans la perpétration d’un acte criminel - Applicabilité du principe établi dans l’arrêt Kienapple à des déclarations de culpabilité relatives à des infractions moins graves.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Justice fondamentale - Usage d’une arme à feu dans la perpétration d’un acte criminel - Cumul de la peine minimale pour l’infraction et de la peine résultant de l’acte criminel principal - Y a‑t‑il eu atteinte au droit à la justice fondamentale? - Dans l’affirmative, cela est‑il admissible dans une société libre et démocratique?.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Double péril - Usage d’une arme à feu dans la perpétration d’un acte criminel - Cumul de la peine minimale pour l’infraction et de la peine résultant de l’acte criminel principal - Cela va‑t‑il à l’encontre des dispositions de la Charte qui interdisent le double péril? - Dans l’affirmative, cela est‑il admissible dans une société libre et démocratique? - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 83(1), (2), 84(1), 85, 302d) - Charte canadienne des droits et libertés, art. 17, 11h).

L'appelant, dans une tentative de reprendre possession de ses véhicules saisis, a utilisé une carabine pour entrer dans des locaux, a chargé cette carabine et l'a braquée sur une autre personne avant que la police n'arrive et ne le désarme. Consécutivement à cet incident quatre accusations ont été portées contre lui. On l'a accusé (1) de tentative de vol alors qu'il était muni d'une arme (al. 302d)); (2) d'usage d'une arme à feu lors de la tentative de perpétration d'un acte criminel (art. 83); (3) de possession illégale d'une arme (art. 85); et (4) d'avoir braqué une arme à feu (art. 84). L'appelant a plaidé coupable relativement à la première accusation et, après qu'on eut débattu la question de savoir s'il pouvait être reconnu coupable des autres infractions, un verdict de culpabilité a été rendu relativement à la deuxième et à la quatrième accusations. L'appel formé devant la Cour d'appel de l'Ontario a été rejeté. Le pourvoi, qui se rapporte uniquement à la quatrième accusation, concerne le principe qui, en common law et sous le régime de la Charte, interdit le double péril lorsqu'une seule affaire donne lieu à plusieurs accusations.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli à l'égard de la déclaration de culpabilité relativement au quatrième chef d'accusation, mais rejeté à tous autres égards.

Le principe posé par l'arrêt Kienapple ne s'applique pas pour empêcher une déclaration de culpabilité en vertu de l'art. 83 parce que l'accusé a été déclaré coupable de vol qualifié en vertu de l'al. 302d). L'article 83, qui interdit l'usage d'une arme à feu pendant la perpétration ou la tentative de perprétration d'un acte criminel, exige la preuve de l'usage d'une arme à feu, ce qui constitue un élément additionnel et distinct de ce qu'il faut prouver en vertu de l'al. 302d), qui exige seulement que l'accusé soit muni d'une arme.

On ne porte pas atteinte aux principes de "justice fondamentale" au sens de l'art. 7 de la Charte en déclarant un accusé, qui a déjà été déclaré coupable d'un vol qualifié, coupable d'une seconde infraction entraînant une peine d'emprisonnement obligatoire, savoir celle d'avoir utilisé une arme à feu (plutôt que d'en avoir été simplement muni) pour perpétrer ce vol qualifié. Il est douteux que la création de cette infraction, qui, en l'espèce, est fondamentalement une forme aggravée de vol qualifié, constitue une atteinte à la justice fondamentale.

Compte tenu du verdict de culpabilité rendu aux termes de l'art. 83, le principe posé dans l'arrêt Kienapple s'applique de manière à empêcher que l'appelant soit déclaré coupable d'avoir braqué une arme à feu contrairement à l'art. 84. Lorsqu'une infraction comporte comme élément essentiel l'usage d'une arme à feu, ce qui est le cas de l'infraction qui consiste à braquer une telle arme, le législateur n'a pu vouloir, par l'adoption de l'art. 83, qu'une même conduite répréhensible constitue deux infractions distinctes, assorties chacune d'une peine distincte. Dans le cas où les deux articles portent sur l'usage d'une arme à feu, aucune infraction distincte n'est créée, et cela tient même si un usage précis est mentionné.


Parties
Demandeurs : Krug
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence
Arrêts suivis: Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729
McGuigan c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 284
arrêts examinés: R. v. Langevin (1979), 47 C.C.C. (3d) 138
R. v. Allison and Dinel (1983), 5 C.C.C. (3d) 30
arrêt mentionné: R. v. Quon, [1948] R.C.S. 508.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, 11h), 12.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 83(1)a), (2), 84(1)a), b), 85, 228, 302b), d), 303, 421.

Proposition de citation de la décision: Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255 (10 octobre 1985)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1985-10-10;.1985..2.r.c.s..255 ?
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