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10/10/1985 | CANADA | N°[1985]_2_R.C.S._273

Canada | Brown et Murphy c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 273 (10 octobre 1985)


Brown et Murphy c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 273

Craig Donovan Brown et Robert Clayton Murphy Appelants;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17313.

1985: 15 février; 1985: 10 octobre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey, McIntyre, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel de l'alberta

Brown et Murphy c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 273

Craig Donovan Brown et Robert Clayton Murphy Appelants;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17313.

1985: 15 février; 1985: 10 octobre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey, McIntyre, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel de l'alberta


Synthèse
Référence neutre : [1985] 2 R.C.S. 273 ?
Date de la décision : 10/10/1985
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Contre‑interrogatoire - Désaccord en Cour d'appel concernant l’effet du contre‑interrogatoire incorrect de l’accusé - Contre‑interrogatoire non préjudiciable à l’accusé - Aucune erreur judiciaire.

Les appelants ont été accusés de viol et ont subi leur procès conjointement devant un juge siégeant sans jury. Dans son témoignage, Murphy a contredit les dépositions de la plaignante. Brown n'a pas déposé mais une déclaration qu'il a faite à la police appuyait le témoignage de son coaccusé. Au procès, le ministère public a contre‑interrogé Murphy d'une manière trop agressive qui dépassait les limites permises dans un contre‑interrogatoire. Le juge du procès a conclu que les deux appelants étaient coupables. Sa décision était fondée sur des conclusions sur la crédibilité et non sur le contre‑interrogatoire contesté. En appel, les juges majoritaires de la Cour d'appel n'ont pas estimé que le contre‑interrogatoire était préjudiciable aux appelants et ont rejeté leurs appels conformément au pouvoir énoncé dans le sous‑al. 613(1)b)(ii) du Code criminel. Le juge dissident a estimé que le contre‑interrogatoire avait causé un préjudice et que, de toute façon, il était de nature à déconsidérer le système judiciaire. D'où le présent pourvoi.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Si l'on présume qu'une divergence d'opinion quant à l'existence d'un préjudice pourrait revenir à une question de droit qui conférerait compétence à cette Cour pour entendre le pourvoi, la Cour d'appel n'a pas commis d'erreur en concluant que le contre‑interrogatoire abusif n'était pas préjudiciable aux accusés. Quant à la suggestion qu'en l'absence de préjudice, le pourvoi devrait être accueilli de crainte que le système judiciaire ne soit déconsidéré, il est évident qu'en rejetant l'appel, les juges majoritaires ont rejeté cette suggestion et ils n'ont commis aucune erreur à cet égard.

Lois et règlements cités

Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 613(1)a), b)(ii).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta (1982), 1 C.C.C. (3d) 107, 41 A.R. 69, qui a rejeté les appels des appelants contre leur déclaration de culpabilité de viol. Pourvoi rejeté.

William R. Pieschel, pour l'appelant Brown.

A. Clayton Rice, pour l'appelant Murphy.

Jack Watson, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1. Le Juge McIntyre—Les appelants ont été accusés conjointement de viol et ont subi leur procès de façon conjointe. Ils ont été déclarés coupable par le juge Foisy de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, siégeant sans jury. Leurs appels devant la Cour d'appel (les juges McClung, Stevenson et Harradence) ont été rejetés, le juge Harradence étant dissident. Le présent pourvoi est interjeté en vertu de l'autorisation accordée le 24 mars 1983. Une requête du ministère public en vue d'annuler le pourvoi parce qu'aucune question de droit n'avait été soulevée a été abandonnée au début de l'audition devant cette Cour.

2. Au procès, le témoignage de la plaignante a été catégoriquement contredit par Murphy. Brown n'a pas déposé mais une déclaration qu'il a faite à la police appuyait le témoignage de Murphy. La plaignante a déclaré sous serment que peu après minuit le 30 juillet 1979, lorsqu'elle retournait à son appartement après avoir fait un appel téléphonique d'un téléphone public voisin, l'appelant Brown l'a suivie et est entré de force dans son appartement. Murphy après être entré à la suite de celui‑ci a verrouillé la porte derrière lui. Murphy s'est emparé d'elle et l'a entraînée dans le couloir jusqu'à une chambre à coucher et a eu des rapports sexuels avec elle sans son consentement. Plus tard, Brown est entré dans la chambre et a eu lui aussi des rapports sexuels avec elle. Elle a donné de nombreux détails sur les événements qui se sont produits et qu'il n'est pas nécessaire de répéter. Par ailleurs, Murphy a déclaré sous serment que la plaignante l'avait invité dans l'appartement ainsi que Brown pour attendre l'arrivée d'un ami avec de la marijuana. Il a admis avoir eu des rapports sexuels, mais a dit que c'était avec le consentement et la coopération de la plaignante. Brown a nié avoir eu des rapports sexuels. La question principale porte donc sur la crédibilité.

3. Au cours du procès, le substitut du procureur général a contre‑interrogé Murphy d'une manière que l'on peut qualifier de trop agressive et incorrecte. Il n'y a aucun doute que le contre‑interrogatoire était de plusieurs manières inacceptable et dépassait les limites qu'aurait dû respecter le substitut dans le contre‑interrogatoire. Le juge du procès n'a pas suffisamment limité le substitut. En appel, les appelants ont fait valoir d'autres moyens, mais le seul moyen que la Cour d'appel a demandé au ministère public de plaider était le point relatif au contre‑interrogatoire. C'est également le principal point soulevé devant cette Cour.

4. Devant des témoignages contradictoires, le juge du procès a conclu que les appelants étaient coupables. Ainsi, il a fondé sa décision sur des conclusions en matière de crédibilité. Il a cru la plaignante et n'a pas cru les appelants. Dans ses motifs de jugement, il a passé en revue le témoignage de la plaignante. Il a reconnu qu'il comportait un certain manque de cohérence et il a également souligné des faits corroborants qui l'appuyait. Il a jugé que le témoignage médical constituait une corroboration importante du témoignage de la plaignante car il comprenait des observations du médecin qui l'avait examinée selon lesquelles son dos portait des écorchures, ce qui concordait avec sa version des événements. Il a soupesé le témoignage de la plaignante et celui des appelants et a fondé sa conclusion relative à la crédibilité sur cette comparaison. On lui avait présenté des éléments de preuve sur lesquels il pouvait fonder sa conclusion et il ressort clairement de ses motifs qu'il n'a pas fondé sa conclusion sur le contre‑interrogatoire contesté mais plutôt sur les témoignages contradictoires qui lui ont été présentés et sur l'examen des divers facteurs qui doivent avoir un effet sur la façon dont un juge de première instance aborde une affaire où la déclaration de culpabilité dépend essentiellement du témoignage d'une seule personne.

5. Les juges majoritaires de la Cour d'appel ont exprimé leur désapprobation à l'égard du contre‑interrogatoire, mais ils n'ont pas jugé qu'il causait un préjudice aux appelants. En rejetant l'appel, ils agissaient évidemment aux termes des pouvoirs contenus au sous‑al. 613(1)b)(ii). Cela signifie qu'ils ont décidé que l'appel ne pouvait être accueilli pour aucun des motifs énumérés à l'al. 613(1)a). En d'autres termes, ils ont conclu que l'appel ne pouvait réussir pour le motif que la déclaration de culpabilité était déraisonnable ou ne pouvait être justifiée vu la preuve; que le jugement de première instance ne devrait pas être infirmé pour le motif qu'il constitue une décision erronée sur une question de droit; et qu'il n'y a pas eu erreur judiciaire. Le juge Harradence, dans sa dissidence, a convenu que le contre‑interrogatoire était incorrect. Toutefois, il a considéré qu'il avait causé un préjudice aux appelants et que, même s'il n'en avait pas résulté de préjudice, il était de nature à déconsidérer le système judiciaire. Il a conclu que le préjudice entraînait une erreur judiciaire.

6. On pourra constater que la seule différence qui existe entre les juges majoritaires et le juge minoritaire en Cour d'appel porte sur l'effet du contre‑interrogatoire. Les juges majoritaires adoptent l'opinion qu'il n'a pas causé de préjudice à l'appelant et qu'il ne constitue pas un motif en vertu duquel l'appel devrait être accueilli. Le juge dissident est d'avis qu'il a causé un préjudice et qu'il aurait dû permettre d'accueillir l'appel et que, de toute façon, il était de nature à déconsidérer le système judiciaire. Si l'on présume, sans en décider, qu'une divergence d'opinions quant à l'existence d'un préjudice pourrait revenir à une question de droit qui conférerait compétence à cette Cour pour entendre le pourvoi, je suis d'avis que la Cour d'appel n'a pas commis d'erreur. Quant à la suggestion que, en l'absence de préjudice, le pourvoi devrait être accueilli de crainte que le système judiciaire ne soit déconsidéré, il est évident que, en rejetant l'appel, les juges majoritaires ont rejeté cette suggestion et, à mon avis, ils n'ont commis aucune erreur à cet égard.

7. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant Brown: McLaws & Company, Calgary.

Procureur de l’appelant Murphy: A. Clayton Rice, Edmonton.

Procureur de l’intimée: Jack Watson, Edmonton.


Parties
Demandeurs : Brown et Murphy
Défendeurs : Sa Majesté la Reine
Proposition de citation de la décision: Brown et Murphy c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 273 (10 octobre 1985)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1985-10-10;.1985..2.r.c.s..273 ?
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