La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/1985 | CANADA | N°[1985]_2_R.C.S._434

Canada | Grabowski c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434 (21 novembre 1985)


Grabowski c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434

Kurt Grabowski Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17866.

1985: 22 mai; 1985: 21 novembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec (1983), 8 C.C.C. (3d) 78, qui a rejeté l'appel de l'accusé a l'encontre de sa déclaration de culpabilité d'avoir comploté pour faire le trafic d'un stupéfiant et d'avoir fait le trafic d

'un stupéfiant. Pourvoi rejeté.

Christiane Filteau, pour l'appelant.

Claude Bélanger, pour l'intimée.

Le...

Grabowski c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434

Kurt Grabowski Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17866.

1985: 22 mai; 1985: 21 novembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec (1983), 8 C.C.C. (3d) 78, qui a rejeté l'appel de l'accusé a l'encontre de sa déclaration de culpabilité d'avoir comploté pour faire le trafic d'un stupéfiant et d'avoir fait le trafic d'un stupéfiant. Pourvoi rejeté.

Christiane Filteau, pour l'appelant.

Claude Bélanger, pour l'intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

1. Le Juge Chouinard—À son procès devant jury, l'appelant a été trouvé coupable des actes criminels suivants:

[TRADUCTION] 1. Entre le 1er et le 28 avril 1980, a illégalement comploté avec WILLIAM BRADLEY et avec d'autres personnes inconnues, en vue de commettre un acte criminel qui n'est pas compris dans les al. a, b ou c du par. 423(1) du Code criminel, c.‑à‑d.: faire le trafic d'un stupéfiant, à savoir de la P.C.P. (phencyclidine) en contravention du par. 4(1) de la Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N‑1, commettant ainsi un acte criminel aux termes de l'al. 423(1)d) du Code criminel;

2. Entre le 1er et le 28 avril 1980, a illégalement fait le trafic d'un stupéfiant, c.‑à‑d.: environ 7,58 livres de P.C.P (phencyclidine), en contravention du par. 4(1) de la Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N‑1, commettant ainsi un acte criminel aux termes du par. 4(3) de ladite Loi sur les stupéfiants.

2. Son appel à la Cour d'appel a été rejeté par un arrêt unanime: (1983), 8 C.C.C. (3d) 78.

3. L'appelant résume les faits de la façon suivante:

L'appelant fut arrêté le 28 avril 1980 avec les co‑accusés MARUSKA, DI SALVO, THOMAS et BRADLEY, au 620 rue St‑Jacques à Montréal.

Il s'agit d'un édifice commercial inoccupé. Au sous‑sol on retrouve un garage de même que des pièces de rangement. Le concierge est un certain Wayne Murphy; ce dernier sera arrêté et accusé comme les autres; toutefois, à l'enquête préliminaire, il sera appelé comme témoin par la Couronne, qui retirera les dénonciations portées contre lui.

Immédiatement après les arrestations, l'immeuble fut perquisitionné. Certains objets furent saisis et produits ultérieurement au procès. Deux réservoirs contenant du P.C.P. furent trouvés, l'un d'eux fut trouvé derrière le bureau du concierge et contenait 7.58 livres de P.C.P., l'autre fut retrouvé dans le plafond au premier étage, et contenait 42 grammes de P.C.P.

Des résidus de P.C.P. furent trouvés sur différents objets (baril, mélangeur et sur des vêtements de certains accusés, dont l'appelant).

La preuve présentée par la Couronne contre l'appelant et ses co‑accusés au procès reposait principalement sur les témoignages de policiers ayant surveillé l'immeuble perquisitionné et sur le dépôt en preuve de matériel et d'objets reliés au P.C.P., et saisis au 620 de la rue St‑Jacques.

La preuve de surveillance policière établissait que l'un des accusés, MARUSKA, avait été vu au 620 rue St‑Jacques le 25 avril 1980. Ce dernier a confirmé ce fait dans son témoignage en expliquant qu'effectivement il s'était rendu à l'endroit précité avec deux (2) co‑accusés (DI SALVO et THOMAS) dans le but de rencontrer le concierge pour louer le local alors vide. Maruska témoigne aussi à l'effet qu'il a vu des produits chimiques, de même que de l'équipement divers; ces objets étaient, selon ses informations, à vendre suite à une faillite. Ces informations, il les tenait du concierge.

Toutefois, la thèse de la Couronne est à l'effet que l'élément de preuve le plus accablant contre l'appelant repose sur les conversations de ce dernier avec des co‑accusés. Ces conversations établissent, selon la Couronne, la connaissance et la production du P.C.P. par les accusés. Le caporal Bell, en charge de l'enquête, identifie la voix de chacun des accusés, sauf celle de Di Salvo.

Seul l'accusé MARUSKA a présenté une défense.

Maruska a témoigné à l'effet qu'il n'a pas participé à la production du P.C.P., il croyait que Bradley fabriquait un produit parfaitement légal. Cette croyance reposait sur des recherches qu'il avait faites avec Bradley auprès d'un procureur à la bibliothèque de l'Université McGill. Quant à Bradley, il nie toute participation à la fabrication finale du P.C.P. Il admet avoir procédé à certaines vérifications mais ignorait l'illégalité du produit.

L'appelant Grabowski n'a pas témoigné, ni fait entendre aucun témoin.

4. De cet exposé de l'appelant, l'intimée ne conteste que l'affirmation portant que «l'élément de preuve le plus accablant contre l'appelant repose sur les conversations de ce dernier avec des co‑accusés». L'intimée prétend plutôt que c'est toute la preuve qu'elle a soumise au jury qui établit les infractions. L'intimée apporte de plus les précisions suivantes que l'appelant n'a pas contestées:

L'Appelant fut arrêté le lundi 28 avril 1980 à 1h00 du matin au moment où il était sur le point de sortir par la porte arrière d'un édifice à bureaux situé au coeur du quartier financier de Montréal, au 620 St‑Jacques ouest.

L'immeuble dont il s'agit était un édifice à bureaux dont la majeure partie de la superficie était louée.

L'Appelant et ses complices n'avaient aucun droit d'accès dans cet édifice.

L'Appelant fut vu le dimanche, 27 avril, vers 9h55, alors qu'il sortait de l'édifice; il y retourna quelques minutes plus tard et ce n'est qu'au moment de son arrestation qu'il allait en ressortir avec ses complices.

L'Appelant prit la fuite à l'intérieur de l'édifice à l'arrivée des policiers.

La très forte odeur de produits chimiques qui prévalait à l'intérieur de l'édifice.

Dans la partie du sous‑sol où se trouvaient les casiers dans lesquels étaient remisés les appareils et les produits chimiques utilisés pour la fabrication de PCP, le plancher était mouillé, fraîchement arrosé.

Le bas des pantalons de l'Appelant était mouillé.

Les clefs de l'édifice furent trouvées par terre à quelques pieds de l'endroit où l'Appelant fut finalement maîtrisé par les policiers, près de la porte d'entrée avant de l'édifice.

Des appareils radio de type «walkie‑talkie» furent trouvés sur les complices, Thomas, Di Salvo et Bradley lors de leur arrestation.

Ces trois appareils radio fonctionnaient sur la même fréquence qu'un quatrième appareil trouvé dans un des casiers du sous‑sol.

Un appareil radio de type «scanner» fut saisi, appareil pouvant entre autres capter trois fréquences radio de la Gendarmerie Royale du Canada et une fréquence radio de la police de la C.U.M.

De la phencyclidine (PCP) fut trouvée sur les vêtements de l'Appelant et des autres complices arrêtés avec lui.

Du PCP fut trouvé au sous‑sol dans un baril ayant servi de cuve et sur un mélangeur inséré dans ce baril.

Un produit précurseur, la piperidine cyclohexane carbonitrite (P.C.C.), fut trouvé au sous‑sol et au rez‑de‑chaussée.

Maruska avait acheté des bandes chauffantes identiques à celles trouvées au sous‑sol de l'édifice et à celles reproduites sur un diagramme trouvé sur lui lors de son arrestation.

Les instructions relatives à l'utilisation des bandes chauffantes furent trouvées sur l'Appelant Thomas lors de son arrestation.

Les produits essentiels à la fabrication du PCP furent trouvés dans deux casiers au sous‑sol du 620 ouest, St‑Jacques où l'Appelant et ses complices furent arrêtés.

Certains produits liquides ayant servi à la fabrication du PCP trouvés sur place furent remplacés dans leurs contenants par de l'eau, de sorte que ces contenants apparaissaient pleins.

5. L'appelant invoque trois moyens énoncés sous forme de questions.

6. La première question est la suivante:

La Cour d'appel du Québec a‑t‑elle erré en droit en confirmant le bien‑fondé de la décision du savant juge de première instance qui avait rejeté une requête pour avortement de procès (mistrial) suite à certains commentaires contenus dans la plaidoirie du procureur de la Couronne?

7. L'appelant reproche au procureur de l'intimée d'avoir, au cours de sa plaidoirie, fait allusion à de supposés actes antérieurs. Voici le passage de la plaidoirie qui donne prise à ce reproche:

[TRADUCTION] Il parlait de 80 livres de P.C.P. Je soutiens que ce n'était pas la première fois qu'ils faisaient de la P.C.P. à cet endroit. Alors je vous dis que ce n'est pas la première fois. Toutefois on ne vous demande pas de déclarer les accusés coupables à l'égard de ces fois précédentes. On vous demande de déclarer les accusés coupables seulement de ce qui est contenu dans l'acte d'accusation.

8. Cette affirmation du procureur de l'intimée était fondée sur le passage suivant des conversations interceptées:

[TRADUCTION]

(KG) Je suis sorti et maintenant je dois faire en sorte que l'homme du conseil le mélange tout de suite.

(UM) Ouais!

(KG) J'ai déjà environ 80 livres à cet endroit alors, c'est suffisant pour le premier lot.

9. Cependant, le juge était persuadé que la mention de 80 livres ne se rapportait pas à la production antérieure de P.C.P. mais aux ingrédients chimiques présents dans le laboratoire de fortune lesquels devaient servir à la préparation de 7,49 livres de P.C.P.

10. Dans son jugement élaboré qui rejette la requête en avortement de procès, le juge analyse l'ensemble des conversations interceptées et de façon plus particulière l'ensemble des nombres mentionnés ici et là. Il effectue de nombreux calculs pour arriver à sa conclusion.

11. Le juge dit:

[TRADUCTION] Ces calculs et l'analyse susmentionnée confirment mon interprétation selon laquelle le passage à la fin de la troisième conversation mentionne les ingrédients et non la P.C.P. qui aurait été produite.

Plus loin le juge se pose la question suivante:

[TRADUCTION] Par conséquent, le substitut du procureur général n'aurait pas dû faire les observations susmentionnées. Étant donné qu'il les a faites, cela a causé un préjudice aux quatre accusés. La question que je dois maintenant examiner et trancher est la suivante: Ce préjudice est‑il irréparable ou peut‑on y remédier par des observations et des directives appropriées au jury dans mon exposé?

12. Le juge cite le juge Beetz:

[TRADUCTION] Dans le jugement inédit de la Cour d'appel du Québec R. c. Boka, rendu le 11 avril 1974 portant le no du greffe 10‑000151‑72, le juge Beetz (maintenant juge de la Cour suprême) a écrit:

«On doit présumer que les jurés ont une puissance intellectuelle moyenne et qu'ils sont capables, pourvu qu'on leur apporte des preuves légalement admissibles et qu'on leur donne des directives adéquates sur le droit, d'une faculté d'abstraction suffisante pour être les juges du fait.»

Cette observation a été approuvée dans un pourvoi devant la Cour suprême du Canada.

13. (Sur ce dernier point il serait plus exact de dire qu'une requête en autorisation de pourvoi a été rejetée par cette Cour: [1975] 1 R.C.S. vii.)

14. Enfin, le juge se dit convaincu que par ses directives au jury, il sera en mesure de réparer le préjudice causé aux accusés par les remarques du procureur de l'intimée et, usant de sa discrétion, il rejette la requête.

15. Dans ses directives aux jurés, le juge reprend son analyse de l'ensemble des conversations interceptées et le calcul détaillé des divers nombres. Il leur dit qu'il est convaincu que la mention de 80 livres se rapporte aux ingrédients devant servir à la préparation de P.C.P. et non à de la P.C.P. qui aurait été produite à une autre occasion. Après quoi le juge donne aux jurés les directives suivantes:

[TRADUCTION] Maintenant je vous dis, toutefois il s'agit de mon opinion, que Bélanger vous a, à tort, donné son évaluation selon laquelle ces quatre‑vingts (80) livres visent de la P.C.P. précédente, mais vous n'êtes pas liés par ce que je vous dis. Vous êtes libres d'appliquer votre propre opinion, vos propres conclusions à l'égard de la preuve. Cela devrait être plus qu'une opinion. Cela devrait être des conclusions.

Maintenant, si, nonobstant tout ce que je viens de vous dire, ce qui me surprendrait beaucoup, toutefois j'ai déjà été surpris, vous êtes d'accord avec l'interprétation de Bélanger à l'égard de ce passage, alors je vous dis à titre de directive sur le droit que, si vous êtes d'accord avec Bélanger que le passage renvoie à quatre‑vingts (80) livres de P.C.P., qui ne sont pas présentées en preuve en l'espèce, en droit, vous ne pouvez et vous ne devez pas interpréter cela comme constituant une preuve de faits similaires relativement à l'un des accusés en l'espèce. Vous m'avez entendu discuter de la preuve de faits similaires ... si vous choisissez d'être d'accord avec l'interprétation de M. Bélanger à l'égard des quatre‑vingts (80) livres, vous ne devez en aucune façon appliquer cette conclusion ou cette opinion à l'un des accusés en l'espèce, si vous êtes d'accord avec M. Bélanger, ce qui encore une fois me surprendrait. Vous devez entièrement rejeter ce qui a été dit. Chassez‑le de votre esprit. Il n'y a aucun lien avec l'espèce. Il ne s'agit pas d'un élément de preuve en l'espèce et ce n'est en aucune façon un élément de preuve de la perpétration par l'un des ... accusés en l'espèce de l'un des ... chefs d'accusation du présent acte d'accusation dont ils sont accusés.

16. Après avoir cité ce même passage, le juge McCarthy rejette ce moyen de l'appelant. Il écrit, au nom de la Cour d'appel (à la p. 81):

[TRADUCTION] À mon avis, le juge du procès a ainsi réparé tout préjudice que l'observation de Me Bélanger peut avoir causé à l'accusé. Il n'est pas important comme le soutiennent les appelants que le juge du procès ait fait son exposé au jury huit jours après que Me Bélanger a fait ses observations. L'exposé était très clair et il n'y a aucune raison de présumer que les jurés n'étaient pas suffisamment intelligents pour le comprendre et agir en conséquence.

17. Je suis d'accord.

18. Le deuxième moyen de l'appelant est ainsi formulé:

La Cour d'appel du Québec a‑t‑elle erré en droit en statuant que le savant juge de première instance n'avait pas erré en droit en refusant d'expurger des conversations enregistrées, des extraits qui faisaient référence au passé criminel du requérant?

19. De nombreux extraits des conversations interceptées ont été biffés par le juge. L'appelant fait ici allusion à trois extraits qui ne l'ont pas été, dont celui déjà mentionné.

20. Pour rejeter ce moyen, la Cour d'appel s'est fondée sur les directives précitées du juge au jury. Je partage l'opinion de la Cour d'appel et je fais mien le passage suivant du juge McCarthy (aux pp. 81 et 82):

[TRADUCTION] Toutefois, encore une fois, je crois que les directives précitées du juge du procès réparent tout préjudice qui aurait pu avoir été causé à l'accusé. Ces directives résultaient de certaines observations de Me Bélanger à l'égard d'un extrait en particulier, mais tout auditeur intelligent en aurait, je crois, déduit qu'il fallait rejeter tout élément de preuve relatif à une conduite criminelle similaire.

21. Le troisième moyen qui a été l'objet principal des plaidoiries devant cette Cour, a trait à la recevabilité en preuve des conversations interceptées. L'appelant l'exprime ainsi:

La Cour d'appel a‑t‑elle erré en droit en déclarant que l'autorisation d'intercepter les conversations privées était légale et conforme aux dispositions du Code criminel?

22. L'appelant conteste la légalité de l'autorisation.

23. Les règles relatives à l'interception de communications se trouvent à la Partie IV.1 du Code criminel intitulée «Atteintes à la vie privée».

24. La première règle est énoncée au par. 178.11(1):

178.11 (1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de cinq ans, quiconque, au moyen d'un dispositif électromagnétique, acoustique, mécanique ou autre, intercepte volontairement une communication privée.

25. Le paragraphe (2) de l'art. 178.11 énumère les exceptions, notamment que:

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas

...

b) à une personne qui intercepte une communication privée en conformité d'une autorisation ni à une personne qui, de bonne foi, aide de quelque façon une autre personne qu'elle croit, en se fondant sur des motifs raisonnables et probables, agir en conformité d'une telle autorisation;

26. En vertu du par. 178.12(1) une autorisation peut être obtenue au moyen d'une demande accompagnée d'une

... déclaration assermentée d'un agent de la paix ou d'un fonctionnaire public pouvant être faite sur la foi de renseignements tenus pour véridiques et indiquant ce qui suit:

c) les faits sur lesquels le déclarant se fonde pour justifier qu'à son avis il y a lieu d'accorder une autorisation, ainsi que les détails relatifs à l'infraction;

d) le genre de communication privée que l'on se propose d'intercepter;

e) les noms, adresses et professions, s'ils sont connus, de toutes les personnes dont les communications privées devraient être interceptées du fait qu'on a des motifs raisonnables et probables de croire que cette interception pourra être utile à l'enquête relative à l'infraction et une description générale de la nature et de la situation du lieu, s'il est connu, où l'on se propose d'intercepter des communications privées et une description générale de la façon dont on se propose de procéder à cette interception;

e.1) le nombre de cas, s'il y a lieu, où une demande a été faite en vertu du présent article au sujet de l'infraction ou de la personne nommée dans la déclaration assermentée conformément à l'alinéa e) et où la demande a été retirée ou aucune autorisation n'a été accordée, la date de chacune de ces demandes et le nom du juge auquel chacune a été présentée;

f) la période pour laquelle l'autorisation est demandée; et

g) si d'autres méthodes d'enquête ont ou non été essayées, si elles ont ou non échoué, ou pourquoi elles paraissent avoir peu de chance de succès, ou si, étant donné l'urgence de l'affaire, il ne serait pas pratique de mener l'enquête relative à l'infraction en n'utilisant que les autres méthodes d'enquête.

27. Le paragraphe 178.13(2) règle le contenu et la limite de l'autorisation:

178.13 (1) ...

(2) Une autorisation doit

a) indiquer l'infraction relativement à laquelle des communications privées pourront être interceptées;

b) indiquer le genre de communication privée qui pourra être interceptée;

c) indiquer, si elle est connue, l'identité des personnes dont les communications privées doivent être interceptées, décrire de façon générale le lieu où les communications privées pourront être interceptées, s'il est possible de donner une description générale de ce lieu, et une description générale de la façon dont les communications pourront être interceptées;

d) énoncer les modalités que le juge estime opportunes dans l'intérêt public; et

e) être valide pour la période de soixante jours au plus qui y est indiquée.

28. Il découle de l'al. c) ci‑dessus et il est de jurisprudence constante qu'une autorisation doit contenir des limites quant aux personnes dont les communications peuvent être interceptées, quant au lieu où elles peuvent l'être et quant au mode d'interception.

29. En l'espèce l'autorisation, dans sa partie pertinente, porte que:

3o les personnes dont les communications peuvent être interceptées sont:

(a) William MURPHY (Gardien d'immeuble); et

(b) certaines autres personnes dont l'identité est actuellement inconnue, mais qui ont agi, qui agissent ou qui pourraient agir de concert ou de connivence avec une personne mentionnée au sous‑paragraphe (a) ou avec une personne se trouvant à l'un des endroits mentionnés au paragraphe 4, et dont les communications privées pourraient être interceptées à l'occasion de la présente autorisation.

4° Les endroits ou lieux où les communications privées des personnes mentionnées au paragraphe 3 pourront être interceptées sont:

(a) 620 St‑Jacques O., Montréal, P.Q. (Garage souterrain); et/ou

(b) tout autre endroit ou lieu, fixe ou mobile, où pourraient se trouver les personnes mentionnées au paragraphe 3, mais dont la nature et la situation sont actuellement impossible à préciser.

30. L'appelant soumet que l'autorisation n'était pas conforme aux prescriptions du Code parce qu'elle équivalait à une autorisation «en blanc». Il l'attaque sur deux points.

31. Premièrement, dit‑il, la personne désignée, William Murphy, était un «homme de paille». On s'est servi de son nom comme prétexte pour obtenir l'autorisation d'intercepter les communications privées de toute personne fréquentant l'immeuble commercial indiqué.

32. Deuxièmement, à cause de l'alinéa 4(b) l'autorisation était trop large et ne contenait pas les limites requises quant aux personnes dont les communications peuvent être interceptées et quant au lieu où elles peuvent l'être. Cette autorisation permettait «d'intercepter à peu près toute conversation de toute personne».

33. Sur le premier point le procureur de l'appelant écrit:

WILLIAM MURPHY a été arrêté en même temps, mais à son domicile et, à l'enquête préliminaire, la Couronne a retiré la dénonciation portée contre lui WILLIAM MURPHY a alors rendu témoignage à l'effet qu'il n'était que le concierge de cet immeuble et qu'il n'avait aucune connaissance des activités suspectes des accusés.

34. Le seul fait que la dénonciation portée contre Murphy ait été retirée ne permet pas de conclure que la mention de son nom dans la demande d'autorisation était fictive. On peut tout aussi bien penser que vu sa fonction de concierge et vu l'ampleur des activités soupçonnées et qui se sont de fait déroulées dans l'immeuble, le signataire de la déclaration sous serment a pu, au moment de la demande d'autorisation, croire de bonne foi qu'il était de mèche avec les autres. Le dossier tel que constitué ne justifie pas la conclusion que l'appelant suggère du fait du retrait de la dénonciation.

35. Sur le deuxième point à mon avis, je le dis avec égard pour l'opinion contraire, l'alinéa 3(b) lu avec l'alinéa 4(b) fait que cette autorisation permettrait d'intercepter les conversations de n'importe quelle personne n'importe où.

36. Les personnes dont les communications peuvent être interceptées sont William Murphy et certaines autres personnes dont l'identité est actuellement inconnue, pourvu quant à ces dernières qu'elles soient de connivence avec Murphy ou qu'elles soient de connivence avec une personne se trouvant à l'un des endroits mentionnés au paragraphe 4. Or, selon l'alinéa (b) du paragraphe 4, cela comprend tout endroit où se trouve une personne mentionnée au paragraphe 3, incluant de la sorte des personnes dont l'identité est inconnue.

37. À mon avis sous ce rapport l'autorisation ne comprend pas de limite quant aux personnes non plus que quant au lieu.

38. Dans R. v. Ritch (1982), 69 C.C.C. (2d) 289, une autorisation a été jugée invalide et les communications interceptées irrecevables en preuve pour ce motif. L'arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta a été confirmé par cette Cour sub nom. R. c. Brese, [1984] 2 R.C.S. 333. On peut lire: «Nous sommes en substance d'accord avec la majorité en Cour d'appel de l'Alberta.» Dans l'arrêt Ritch, l'autorisation, pour la partie pertinente, était rédigée en ces termes:

[TRADUCTION]

2. Les types de communications qui peuvent être interceptées sont les suivantes:

a) toute télécommunication faite par GARRY GORDON BRESE;

b) toute télécommunication relative au no de téléphone 468‑1421 situé à la pièce no 9, 6920‑101e avenue, Edmonton (Alberta) (immeuble d'appartements sans ascenseur) ou tout numéro subséquent par suite d'un changement d'adresse ou de numéro de téléphone; et

c) toute communication orale faite par GARRY GORDON BRESE et une autre personne ou d'autres personnes à la pièce no 9, 6920‑101e avenue, Edmonton (Alberta) ou à tous autres endroits publics ou privés à l'intérieur du ressort de cette cour que GARRY GORDON BRESE peut fréquenter.

39. La police avait intercepté tous les appels passant par le numéro de téléphone indiqué à l'alinéa b) sans égard à l'identité des interlocuteurs et la poursuite avait soumis en preuve quelque 120 conversations téléphoniques. La question était de savoir si on pouvait lire les alinéas a) et b) ensemble de sorte que l'autorisation en a) se trouve limitée par b) quant au lieu et que celle en b) se trouve limitée par a) quant aux personnes. La Cour d'appel de l'Alberta a décidé qu'on ne pouvait pas les lire l'une avec l'autre vu le point‑ virgule (;) placé à la fin de l'alinéa a). Cette ponctuation avait pour effet de faire des alinéas a) et b) deux autorisations distinctes dont aucune ne comportait les limites, quant au lieu en a), et quant aux personnes en b), requises par le sous‑al. 178.13 (2)c). En conséquence toutes les conversations interceptées ont été déclarées irrecevables.

40. Aux pages 294 et 295 on peut lire:

[TRADUCTION] Si les al. 2a) et b) doivent être lus ensemble, le point‑virgule (;) qui suit le nom «Brese» dans l'al. 2a) doit être supprimé, la lettre «b)» qui identifie le sous‑alinéa doit être supprimée et enfin, les termes «toute télécommunication» qui figurent à l'al. 2b) deviennent redondants et doivent être supprimés.

À notre avis, l'al. 2c) est important car il démontre que lorsque les rédacteurs de l'ordonnance ont voulu combiner le nom et le lieu ils l'ont fait dans un seul alinéa. Il est vrai que l'al. 2c) vise les communications orales, mais cela, à notre avis, n'est pas pertinent. L'alinéa 2c) renforce l'argument selon lequel les al. 2a) et b) ne peuvent être lus ensemble.

Nous concluons que les enquêteurs voulaient une «clause omnibus», qu'ils ont obtenu ce qu'il croyait être une «clause omnibus» et qu'ils ont agi selon l'autorisation comme s'il s'agissait d'une «clause omnibus». Ils ont installé un appareil d'écoute et ont intercepté tous les appels faits vers le numéro de téléphone précisé à l'al. 2b) ou à partir de celui‑ci sans tenir compte de l'identité des personnes visées. Ils ont certainement considéré que cet alinéa était distinct de l'al. 2a). Le substitut du procureur général reconnaît maintenant que l'al. 2b) ne peut être interprété de façon isolée.

Il est évident que l'al. 2a) est illégal. Il ne comporte aucune limite quant au lieu et est censé autoriser l'écoute électronique partout au Canada. Comme l'a déclaré l'avocat de Ritch et Andrews c'est «comme un mandat de perquisition sans restriction quant à l'endroit».

41. Je ferai observer que le passage ci‑dessus semble laisser entendre que l'alinéa 2c) eût été valide car pour conclure à l'invalidité des alinéas a) et b) la Cour souligne la différence de rédaction entre ces derniers et l'alinéa c). Mais l'affaire ne portait pas sur l'alinéa 2c).

42. Je suis donc d'avis que s'il n'en tenait qu'à cela l'appelant devrait réussir.

43. Cependant, l'intimée soumet de façon subsidiaire que l'autorisation en l'espèce est divisible et que si on excepte l'alinéa 4(b), elle est parfaitement valide. En conséquence les interceptions effectuées en vertu des alinéas 3(b) et 4(a) sont recevables en preuve. Toutes les conversations en cause ont été interceptées au 620 St‑Jacques O., à partir du laboratoire de fortune utilisé par les complices.

44. Déjà dans Ritch on a considéré les alinéas a) et b) séparément et on les a déclarés invalides séparément. Il semble par contre que l'alinéa c) eût probablement été considéré comme valide. Mais la question telle que posée en l'espèce, à savoir si une autorisation est divisible en parties valides et invalides, ne se posait pas directement dans Ritch.

45. Néanmoins, dans l'affaire Ritch la Cour d'appel de l'Alberta s'est appuyée essentiellement sur un jugement du juge McQuaid de la Cour suprême de l'Île‑du‑Prince‑édouard, soit R. v. Blacquiere (1980), 57 C.C.C. (2d) 330. Or dans cette affaire le juge McQuaid a jugé valides certaines parties des autorisations contestées tout en invalidant d'autres parties. Il a jugé certaines communications interceptées recevables relativement à certains accusés et irrecevables relativement à un autre.

46. Le juge McQuaid écrit à la p. 332:

[TRADUCTION] L'accusé nommé ci‑dessus, ainsi que sept autres, est accusé de complot en vue de faire le trafic de stupéfiants contrairement à l'al. 423(1)d) du Code criminel. Le procès a commencé avec un voir dire concernant l'admissibilité d'un grand nombre d'enregistrements de communications téléphoniques entre les divers accusés qui ont été interceptées, ainsi que la transcription dactylographiée de parties choisies de ces enregistrements, tous présumément obtenus en vertu de l'art. 178.1 (mod. 1976‑77, chap. 53, art. 7) du Code. Avant que le procès ne se poursuive, si en fait cela est possible, il est nécessaire de trancher un certain nombre de questions concernant l'admissibilité en preuve soulevées dans les arguments du ministère public et des divers avocats représentant les accusés.

47. Dans cette affaire la partie pertinente de l'autorisation était ainsi rédigée:

[TRADUCTION] Wayne Ernest Blacquiere de Summerside, dans le comté Prince dans la province de l'Île‑du‑Prince‑édouard, ouvrier et à l'égard d'autres personnes dont l'identité n'est pas connue, une description générale de l'endroit où les communications privées faites et reçues par ces personnes peuvent être interceptées est la suivante: 21 rue Heckbert, app. 3, Summerside (Île‑du‑Prince‑édouard) et tous autres lieux dans la province de l'Île‑du‑Prince‑édouard fréquentés ou utilisés par ledit Wayne Ernest Blacquiere ou par toute personne qui communique avec ledit Wayne Ernest Blacquiere.

48. Pour plus de clarté le juge McQuaid décompose ce paragraphe en trois parties, à la p. 337:

[TRADUCTION] La première autorisation a été délivrée le 4 décembre 1978, en vigueur à compter de cette date jusqu'au 31 janvier 1979 et contenait le libellé précité qui peut être divisé en trois parties:

a) Wayne Ernest Blacquiere de Summerside, dans le comté Prince dans la province de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, ouvrier;

b) et à l'égard d'autres personnes dont l'identité n'est pas connue, une description générale de l'endroit où les communications privées peuvent être interceptées est la suivante: 21 rue Heckbert, app. 3, Summerside (Île‑du‑Prince‑Édouard);

c) (et à l'égard d'autres personnes dont l'identité n'est pas connue), tous autres lieux dans la province de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, fréquentés ou utilisés par ledit Wayne Ernest Blacquiere ou par toute personne qui communique avec ledit Wayne Ernest Blacquiere.

49. Quant aux limites relatives au lieu et aux personnes que doit contenir une autorisation en vertu de la législation dans sa forme actuelle, le juge McQuaid s'exprime ainsi, à la p. 335:

[TRADUCTION] Suivant la législation actuelle avec ses modifications, voici ce que le document doit contenir:

a) si la personne dont la communication privée doit être interceptée est connue, le nom de cette personne ainsi que l'identification générale de l'endroit où cette interception doit avoir lieu;

b) si la personne dont la communication privée doit être interceptée n'est pas connue, l'ordonnance doit contenir l'identification générale de l'endroit où cette interception doit avoir lieu.

50. Le juge McQuaid a jugé la partie a) de l'autorisation invalide parce qu'elle ne contenait pas de limite quant au lieu, et la partie c) également invalide parce qu'elle ne contenait pas de limite ni quant aux personnes, ni quant au lieu. Cependant il a jugé la partie b) valide. Il écrit à la p. 338:

[TRADUCTION] À mon avis, comme l'autorisation était entachée d'un vice et par conséquent sans effet en ce qui a trait à Wayne Blacquiere, comme elle n'était pas conforme aux exigences de la loi et comme il serait illogique de l'incorporer dans la clause omnibus s'il ne pouvait être pris directement, on ne pourrait dire que l'interception était légale à son égard. Par ailleurs, la même interception est légale dans la mesure où des personnes inconnues sont visées en vertu des dispositions de la clause omnibus. Je crois que la réponse est d'adopter la position, ce que je fais, selon laquelle toute communication soit vers le 21, rue Heckbert ou le 384, rue North Market ou à partir de ces endroits, aux noms de code «Blackie» ou «Keli» ne sont pas admissibles contre Blacquiere mais sont admissibles en preuve contre toute autre partie à cette communication. Le même raisonnement s'appliquera à John McLean en ce qui concerne les communications faites à partir du 215, rue Linden ou vers cet endroit et à Brian Perry en ce qui concerne les communications faites vers le 1, avenue Hillside ou à partir de cet endroit.

En ce qui a trait à la partie c) de l'autorisation, je suis d'avis de conclure qu'elle est nulle, dans la mesure où elle contient deux facteurs inconnus, l'identité de la personne et la situation du service téléphonique. Bien qu'une telle autorisation ait pu être permise en vertu de la loi antérieure à 1977, elle ne paraît pas être visée en vertu de la loi actuelle.

Étant donné que la loi vise principalement la protection de la vie privée, la poursuite est tenue de s'inscrire clairement à l'intérieur des exceptions. Je suis d'avis qu'elle ne l'a pas fait en ce qui a trait aux parties a) ou c) de l'autorisation, mais qu'elle l'a fait en ce qui a trait à la partie b) et, dans cette mesure, je suis d'avis de conclure que l'autorisation est valide et que toutes les interceptions qui ont été faites et qui sont comprises dans cette catégorie ont été faites légalement, sous réserve de ce que je viens tout juste de dire en ce qui concerne ces communications.

51. Dans l'affaire Ritch, confirmée par cette Cour, la Cour d'appel de l'Alberta cite plusieurs passages du jugement McQuaid, notamment celui‑ci, à la p. 294. C'est le début de l'extrait ci‑dessus et je le reproduis de nouveau:

[TRADUCTION] À mon avis, comme l'autorisation était entachée d'un vice, et par conséquent sans effet en ce qui a trait à Wayne Blacquiere, comme elle n'était pas conforme aux exigences de la loi et comme il serait illogique de l'incorporer dans la clause omnibus s'il ne pouvait être pris directement, on ne pourrait pas dire que l'interception était légale à son égard. Par ailleurs, la même interception est légale dans la mesure où des personnes inconnues sont visées en vertu des dispositions de la clause omnibus.

52. Suit immédiatement, à la p. 294 toujours de l'arrêt Ritch, le passage suivant de la Cour d'appel de l'Alberta:

[TRADUCTION] Même si dans R. v. Blacquiere, l'autorisation en question ne divisait pas en paragraphes les télécommunications qui devaient être interceptées de la même manière que les autorisations qui nous sont présentées, la cour dans cette affaire a statué que, parce qu'on n'avait pas satisfait à la disposition impérative de l'al. 178.13(2)c), l'autorisation était illégale dans la mesure où elle visait l'accusé Blacquiere. La Cour a refusé d'interpréter comme un tout la partie valide de l'autorisation.

Avec égards, nous souscrivons au raisonnement du juge McQuaid ...

53. Dans R. v. Paterson, Ackworth and Kovach (1985), 18 C.C.C. (3d) 137, rendu le 5 février 1985, la Cour d'appel de l'Ontario a, à l'unanimité, décidé qu'une autorisation était divisible et que les interceptions faites grâce aux parties valides de l'autorisation étaient recevables.

54. L'autorisation dans cette affaire comprenait entre autres clauses, la suivante:

[TRADUCTION] (3)b) Autorisation est également donnée par les présentes d'intercepter les communications privées de personnes dont l'identité n'est pas connue à l'heure actuelle, conformément aux termes de la présente autorisation, pourvu qu'il y ait des motifs raisonnables et probables de croire que l'interception de ces communications privées puisse aider à l'enquête menée au sujet des infractions mentionnées à l'al. 1 ci‑dessus, que les personnes visées à l'al. 3a) ci‑dessus soient ou non parties à ces communications privées.

55. Au sujet de cette clause le juge Martin écrit, au nom de la Cour, à la p. 148:

[TRADUCTION] L'alinéa 3b) de l'autorisation accordée par le juge McCart ne limite pas l'interception des communications privées de personnes inconnues à des personnes dans des endroits particuliers comme dans R. v. Samson et al. (1983), 9 C.C.C. (3d) 194... L'autorisation ne limite pas non plus l'interception des communications privées de personnes inconnues à celles qui sont associées, traitent ou sont en contact avec les personnes désignées à l'égard desquelles l'autorisation est accordée. À mon avis, la «clause omnibus» n'est pas valide.

56. Le juge Martin écrit plus loin, à la p. 149:

[TRADUCTION] Toutefois, le caractère invalide de la «clause omnibus» n'aide pas les intimés en l'espèce, car il est évident qu'elle n'a jamais été utilisée. Toutes les communications privées qui ont été interceptées en vertu de l'autorisation du juge McCart ont eu lieu au 124, rue Cantley à London, la résidence de Brian Daley. Brian Daley était une partie à chacune des communications, sauf dans une interception du 28 juin 1982 entre Daley et l'intimé Paterson, lorsque Daley a interrompu la conversation de façon temporaire et a apparemment demandé à son épouse, Helen Daley de parler à Paterson pendant qu'il est allé à la salle de toilettes. À son retour, Brian Daley a repris sa conversation avec Paterson. La brève conversation entre Helen Daley et Paterson même si elle n'est pas admissible, avait peu d'importance compte tenu des autres éléments de preuve.

57. Puis il poursuit:

[TRADUCTION] En outre, je suis d'avis que la «clause omnibus» est divisible et n'a pas d'effet sur la validité du reste de l'autorisation.

58. Et le juge Martin conclut sur ce point, aux pp. 149 et 150:

[TRADUCTION] En l'espèce, il existe une ligne de démarcation claire entre les parties valides et non valides de l'autorisation; elles ne sont pas imbriquées. L'alinéa non conforme à la loi n'est pas d'une importance vitale à l'égard de la partie de l'autorisation qui concerne l'interception des communications privées des personnes désignées et son retranchement dans les circonstances de l'espèce ne bouleverse pas l'esprit de la loi. En l'espèce, étant donné que toutes les interceptions ont été faites en vertu de la partie valide de l'autorisation, il n'est pas nécessaire de séparer les éléments de preuve qui découlent des parties valides et des parties invalides. On n'a jamais eu recours à la «clause omnibus», et aucun élément de preuve direct ou indirect n'en a découlé.

59. La Cour d'appel de l'Alberta s'est appuyée sur cet arrêt dans R. v. Munroe (1985), 38 Alta. L.R. (2d) 189. Le juge Kerans qui rend le jugement de la Cour, a séparé la partie dérogatoire de la partie valide d'une autorisation qui, pour le reste, était conforme à la loi.

60. Je fais miens les passages précités du juge Martin.

61. Quand il y a une ligne de démarcation claire entre les bonne et mauvaise parties d'une autorisation, qu'elles ne sont pas entrelacées au point de ne pouvoir être séparées mais constituent en somme des autorisations distinctes réunies dans une même ordonnance, le tribunal peut à mon avis diviser l'ordonnance et sauvegarder la partie valide qui, dès lors, forme l'autorisation. En pareil cas les interceptions faites en vertu de l'autorisation valide sont recevables.

62. En l'espèce, sans la présence de l'alinéa 4(b), l'autorisation est parfaitement valide. Comme dans Paterson et dans Munroe l'alinéa dérogatoire n'a d'aucune façon été utilisé. Toutes les interceptions ont été faites au 620 St‑Jacques O. Je suis d'avis que l'alinéa 4(b) peut être excepté et que les conversations interceptées grâce à l'autorisation par ailleurs valide sont recevables.

63. Pour ces motifs je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l’appelant: Christiane Filteau, Montréal.

Procureur de l’intimée: Roger Tassé, Ottawa.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Procès par jury - Irrégularités - Allusion à de supposés actes antérieurs dans la plaidoirie du ministère public - Conversations enregistrées faisant référence au passé criminel de l’accusé présentées au jury - Préjudice causé à l’accusé réparé par l’exposé du juge au jury.

Droit criminel - Interception de communications privées - Validité de l’autorisation - Partie de l’autorisation jugée invalide - Autorisation divisible - Interceptions faites grâce à la partie valide de l’autorisation recevables - Code criminel, art. 178.11(1), (2), 178.12(1), 178.13(2).

L'appelant et cinq autres personnes ont été accusés d'avoir comploté pour faire le trafic d'un stupéfiant et d'avoir fait le trafic d'un stupéfiant, savoir, du P.C.P. Après l'enquête préliminaire, la dénonciation portée contre le concierge de l'immeuble où était fabriqué la P.C.P. a été retirée. À son procès devant jury, l'appelant a été reconnu coupable et son appel à la Cour d'appel a été rejeté. Le présent pourvoi est fondé sur trois moyens: la Cour d'appel a‑t‑elle erré en droit (1) en confirmant la décision du juge du procès de rejeter une requête pour avortement de procès à la suite de certains commentaires contenus dans la plaidoirie du ministère public relatifs à de supposés actes antérieurs; (2) en statuant que le juge du procès n'avait pas commis d'erreur en refusant d'expurger des conversations enregistrées des extraits qui faisaient référence au passé criminel de l'appelant; et (3) en déclarant que l'autorisation d'intercepter les conversations privées était légale. L'appelant soutient que cette autorisation n'était pas conforme aux prescriptions du Code puisque d'une part, la personne désignée dans l'autorisation, le concierge de l'immeuble, n'était qu'un "homme de paille" dont le nom a servi de prétexte pour obtenir l'autorisation d'intercepter les communications privées de toute personne fréquentant l'immeuble où était fabriqué la P.C.P. et, d'autre part, cette autorisation était trop large et ne contenait pas les limites requises quant aux personnes dont les communications peuvent être interceptées et quant au lieu où elles peuvent l'être.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le premier juge n'a pas commis d'erreur en rejetant la requête pour avortement de procès présentée par l'appelant. Lors de son exposé au jury, le juge du procès a été en mesure de réparer tout préjudice que les propos du procureur du ministère public ont pu lui causer. Le premier juge a clairement indiqué aux jurés qu'ils ne devaient pas tenir compte des propos du ministère public relatifs à de supposés actes antérieurs commis par l'appelant.

Cette directive a également eu pour effet de réparer tout préjudice que les extraits non expurgés des conversations enregistrées ont pu causer à l'appelant. Les propos du ministère public étaient fondés sur l'un des trois passages non expurgés. Les jurés ont certainement été en mesure de comprendre à partir de la directive du premier juge que toute preuve relative au passé criminel de l'appelant devait être écartée.

Pour ce qui est de l'autorisation, il n'y a pas lieu de la déclarer illégale. Le seul fait que la dénonciation portée contre le concierge de l'immeuble ait été retirée ne permet pas de conclure que la mention de son nom dans la demande d'autorisation était fictive. Le dossier tel que constitué ne justifie pas cette conclusion. On peut tout aussi bien penser que vu sa fonction de concierge et vu l'ampleur des activités soupçonnées et qui de fait se sont déroulées dans l'immeuble, le signataire de la déclaration assermentée a pu, au moment de la demande d'autorisation, croire de bonne foi qu'il était de mèche avec les autres.

Finalement, quand il y a une ligne de démarcation claire entre les bonne et mauvaise parties d'une autorisation, qu'elles ne sont pas entrelacées au point de ne pouvoir être séparées mais constituent en somme des autorisations distinctes réunies dans une même ordonnance, le tribunal peut diviser l'ordonnance et sauvegarder la partie valide qui, dès lors, forme l'autorisation. En pareil cas les interceptions faites en vertu de l'autorisation valide sont recevables. En l'espèce, sans la présence de l'alinéa dérogatoire, l'autorisation est parfaitement valide. Puisque cet alinéa n'a pas été utilisé, il peut être excepté et toutes les conversations interceptées grâce à l'autorisation par ailleurs valide sont recevables.


Parties
Demandeurs : Grabowski
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence
Arrêts appliqués: R. v. Paterson, Ackworth and Kovach (1985), 18 C.C.C. (3d) 137
R. v. Munroe (1985), 38 Alta. L.R. (2d) 189
arrêts examinés: R. v. Ritch (1982), 69 C.C.C. (2d) 289, confirmé sub nom. R. c. Brese, [1984] 2 R.C.S. 333
R. v. Blacquiere (1980), 57 C.C.C. (2d) 330.
Lois et règlements cités
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 178.11(1), (2) [aj. 1973‑74 (Can.), chap. 50, art. 2], 178.12(1) [aj. 1973‑74 (Can.), chap. 50, art. 2
mod. 1976‑77 (Can.), chap. 53, art. 8], 178.13(2) [aj. 1973‑74 (Can.), chap. 50, art. 2
mod. 1976‑77 (Can.), chap. 53, art. 9].

Proposition de citation de la décision: Grabowski c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 434 (21 novembre 1985)


Origine de la décision
Date de la décision : 21/11/1985
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1985] 2 R.C.S. 434 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1985-11-21;.1985..2.r.c.s..434 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award