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24/04/1986 | CANADA | N°[1986]_1_R.C.S._383

Canada | Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383 (24 avril 1986)


Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383

Lana Louise Clarkson Appelante;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 18058.

1985: 16 mai; 1986: 24 avril.

Présents: Les juges Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel du nouveau‑brunswick

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick (1983), 9 C.C.C. (3d) 263, 50 N.B.R. 226, 131 A.P.R. 226, qui a accueilli l'appel de l'acquittement prononcé par le juge Stevenson et a ordonné un nouveau procès. Pourvoi accueil

li.

C. David Hughes, c.r., et Sherron Hughes, pour l'appelante.

Glendon J. Abbott, pour l'intimée.

Vers...

Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383

Lana Louise Clarkson Appelante;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 18058.

1985: 16 mai; 1986: 24 avril.

Présents: Les juges Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest.

en appel de la cour d'appel du nouveau‑brunswick

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick (1983), 9 C.C.C. (3d) 263, 50 N.B.R. 226, 131 A.P.R. 226, qui a accueilli l'appel de l'acquittement prononcé par le juge Stevenson et a ordonné un nouveau procès. Pourvoi accueilli.

C. David Hughes, c.r., et Sherron Hughes, pour l'appelante.

Glendon J. Abbott, pour l'intimée.

Version française du jugement des juges Estey, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest rendu par

1. Le Juge Wilson—L'espèce soulève la question de l'admissibilité d'une confession faite par un accusé alors qu'il est en état d'ébriété et privé de l'assistance d'un avocat.

1. Les faits

2. L'appelante, qui paraissait en état d'ébriété, a téléphoné à sa soeur aux petites heures du matin le 8 décembre 1982 pour lui dire que son mari (le mari de l'appelante) avait été abattu. Sa soeur a commencé par dire que l'appelante lui avait affirmé [TRADUCTION] "Je l'ai fait. Je l'ai tiré", mais au cours du contre‑interrogatoire elle a reconnu que l'appelante était plutôt confuse et pouvait avoir dit quelque chose comme [TRADUCTION] "Quelqu'un l'a tiré" ou "James a été tiré". De toute façon, plusieurs membres de la famille de l'appelante se sont rendus chez elle après l'appel téléphonique et ont appelé la police de cet endroit. L'appelante a été trouvée pleurant et criant et en état d'hystérie. Son mari, James Clarkson, était affaissé sur une chaise du vivoir, la tempe droite transpercée d'une balle. Une carabine, sur laquelle on n'a pu trouver d'empreintes, se trouvait près de la victime.

3. Les policiers sont arrivés sur les lieux et après un début d'enquête ont accusé l'appelante de meurtre. Les policiers lui ont fait la mise en garde ordinaire et l'ont informée de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat avant d'être conduite à l'hôpital de Fredericton en compagnie de sa tante, Lorna Estey. Alors qu'ils se dirigeaient vers l'hôpital, les policiers ont surpris une conversation entre l'appelante et Mme Estey qui, selon les policiers, comportait des aveux de culpabilité de la part de l'appelante. Ces conversations, de même qu'un certain nombre d'observations faites incidemment par l'appelante à Mme Estey et à d'autres personnes, et entendues par la police, ont été jugées inadmissibles au procès. À son arrivée à l'hôpital, l'appelante a subi un examen physique et a consenti à donner un échantillon de sang qui a révélé qu'elle avait un taux d'alcoolémie de 210 milligrammes par 100 millilitres de sang, même s'il s'était écoulé près de quatre heures et demie depuis le premier appel téléphonique. De même, un certain nombre d'observations faites par l'appelante pendant l'examen médical ont été jugées inadmissibles au procès.

4. Les policiers ont ensuite amené l'appelante au poste de police où on l'a interrogée en présence de Mme Estey. On l'a de nouveau informée de son droit à l'assistance d'un avocat et elle semble avoir fait signe que oui quand on lui a demandé si elle avait compris la question. Elle a répondu de la même façon lorsque les policiers lui ont demandé s'ils pouvaient utiliser un magnétophone pendant l'interrogatoire. À ce moment‑là, Mme Estey est intervenue pour la première fois et a demandé s'il était régulier d'interroger l'appelante hors de la présence de son avocat. Les policiers ont répondu en soulignant que l'appelante avait été mise au courant des droits dont il fallait l'informer et ont continué l'interrogatoire. À plusieurs reprises pendant l'interrogatoire, Mme Estey a essayé de l'interrompre et de convaincre l'appelante de ne plus répondre aux questions aussi longtemps qu'elle ne serait pas en présence d'un avocat. Il semblerait toutefois que l'appelante a refusé de suivre les conseils de Mme Estey en disant que c'était [TRADUCTION] "inutile" et qu'elle n'avait pas besoin de l'assistance d'un avocat. L'interrogatoire des policiers s'est poursuivi et les réponses de l'appelante ont eu comme conséquence globale de fournir à la police et à la poursuite une déclaration très incriminante.

2. Les cours d'instance inférieure

5. Au procès en Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick, l'appelante a témoigné qu'elle ne se rappelait rien de la période en cause, mais qu'elle ne croyait pas qu'elle pouvait avoir abattu son mari parce que, quel qu'ait pu être son état d'ébriété, elle l'aimait trop pour commettre un tel acte. Ses déclarations et les réponses qu'elle avait données pendant l'interrogatoire des policiers ont été jugées inadmissibles suite à un voir‑dire. Le juge Stevenson a indiqué que, même si les déclarations étaient volontaires en ce sens habituel qu'elles n'avaient pas été provoquées par la crainte de subir un préjudice ou l'espoir de tirer un avantage, elles étaient inadmissibles du fait qu'elles avaient été faites en état d'ébriété. Pour établir les conséquences de l'ébriété sur l'admissibilité d'une confession, le juge Stevenson a formulé le critère sous la forme d'une simple question:

[TRADUCTION] ... l'accusée était‑elle ivre au point que les mots qu'elle prononçait ne constituaient pas sa déclaration, en ce sens qu'elle ne comprenait pas sa déclaration et n'était pas capable de se former une opinion rationnelle quant à savoir si elle devait dans les circonstances répondre aux questions, réponses qui en fin de compte seraient utilisées à son procès relativement à une accusation de meurtre?

Puisque le juge Stevenson a conclu que l'appelante n'avait apprécié ni les conséquences de ses déclarations ni ce à quoi elles pourraient servir, le critère de l'admissibilité ainsi formulé n'était pas respecté.

6. Le juge du procès a poursuivi en disant que, relativement au droit de l'appelante à l'assistance d'un avocat, il faudrait prendre sérieusement en considération les protestations de Mme Estey contre l'interrogatoire de la police et ses tentatives d'obtenir un avocat pour l'appelante. Il a indiqué que, si la question lui était soumise directement, une cour pourrait bien conclure qu'obtenir une déclaration d'une accusée en état d'ivresse aussi avancé que celui où se trouvait l'appelante constitue une violation de son droit à l'assistance d'un avocat, même si elle a apparemment renoncé à se prévaloir de ce droit. Toutefois, puisque les déclarations avaient déjà été jugées inadmissibles, il n'était pas nécessaire d'analyser la question plus en profondeur. En l'absence de déclarations incriminantes, la poursuite ne disposait plus que d'une preuve faible et essentiellement indirecte et le jury a acquitté l'appelante.

7. La Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick a, à la majorité, accueilli l'appel interjeté par la poursuite. Le juge Angers (aux motifs duquel le juge Stratton a souscrit) a affirmé que le juge du procès avait commis une erreur de droit en axant le critère d'admissibilité sur l'appréciation par l'appelante des conséquences de ses déclarations. Le critère d'admissibilité qu'il fallait appliquer consistait plutôt à se demander si les paroles prononcées par l'appelante procèdent d'un "état d'esprit conscient". La question à laquelle il fallait répondre était la suivante: l'appelante était‑elle, malgré son état d'ébriété, suffisamment consciente pour donner une valeur probante à ses paroles? Il a conclu par l'affirmative.

8. Le juge Ryan s'est dit en désaccord avec cela dans ses motifs de dissidence. Il a affirmé que le critère d'admissibilité énoncé par le juge Stevenson au procès est le bon et qu'il faut se demander non seulement si l'appelante comprenait les mots qu'elle prononçait, mais aussi si elle comprenait les conséquences de ses déclarations à la police. En conséquence, il a conclu que la décision du juge du procès d'exclure la confession se fondait sur l'application du bon critère juridique aux faits de l'espèce. Il aurait rejeté l'appel formé contre l'acquittement.

3. Admissibilité de la confession faite en état d'ébriété

9. On peut résumer le débat portant sur le critère d'admissibilité d'une confession faite en état d'ébriété comme le choix entre le critère en vertu duquel l'accusé doit pouvoir comprendre ce qu'il dit et celui en vertu duquel l'accusé doit comprendre les conséquences de ses paroles. Bien que, ainsi que le juge Angers le souligne dans les motifs qu'il a rédigés pour la majorité, une analyse de la jurisprudence applicable tende à montrer que celle‑ci penche en faveur du premier critère, cette jurisprudence sur la question ne fournit pas de réponse claire sur ce point. L'image que laisse la jurisprudence relative à l'admissibilité des confessions faites par des personnes dont les facultés sont affaiblies par l'effet de l'alcool ou d'une autre substance est celle de décisions contradictoires où le critère des "conséquences" est tour à tour accepté puis rejeté par les plus hautes instances judiciaires.

10. Le premier arrêt de principe est McKenna v. The Queen, [1961] R.C.S. 660, dans lequel le juge en chef Kerwin a affirmé que ces déclarations sont admissibles à moins que [TRADUCTION] "les mots utilisés par l'accusé ne représentent pas, à cause de son état, sa déclaration" (à la p. 663). La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a commenté cette affirmation dans l'arrêt R. v. Santinon (1973), 11 C.C.C. (2d) 121, dans lequel on étudiait l'admissibilité de la confession d'une personne atteinte d'aliénation mentale. Le juge Bull a indiqué qu'il faut restreindre la portée de la règle qui reconnaît l'admissibilité de toutes les confessions volontaires dans la mesure suivante (à la p. 124):

[TRADUCTION] ... si cette incapacité révèle que, par exemple, l'accusé manque tellement de rationalité et de compréhension ou a tellement d'hallucinations psychotiques qu'on ne peut vraiment dire que les mots qu'il prononce sont, en quelque sorte, sa déclaration, alors il faut la tenir pour inadmissible.

Ce point de vue a été adopté par le juge Spence dans l'arrêt Ward c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30. Il a affirmé que la déclaration doit refléter "les propos d'un esprit totalement conscient" (à la p. 40). C'est cette formulation du critère que le juge Angers a utilisée pour conclure à l'admissibilité de la déclaration faite à la police par l'appelante alors qu'elle était en état d'ébriété.

11. Bien qu'ils visent une autre question que celle du caractère volontaire des déclarations, ces arrêts révèlent le même souci que celui qui sous‑tend la règle énoncée dans l'arrêt Ibrahim v. The King, [1914] A.C. 599, sur l'admissibilité des confessions en général. Donc l'une des explications du rejet de la déclaration d'une personne qui ne jouit pas de toutes ses facultés est que, tout comme dans le cas de la déclaration d'une personne qui agit de façon involontaire ou sous l'influence d'une contrainte quelconque, elle est si peu fiable qu'il serait dangereux de l'admettre en preuve: Cross on Evidence (5th ed., 1979), à la p. 545. Dans l'arrêt R. v. Williams, [1959] N.Z.L.R. 502, la Cour suprême de la Nouvelle‑Zélande reconnaît expressément la similitude des préoccupations qui sous‑tendent la règle générale de l'arrêt Ibrahim et de celles qui sous‑tendent la règle applicable aux confessions faites en état d'ébriété. Dans cet arrêt, le juge Hardie Boys cite et approuve (à la p. 505) le passage suivant tiré des motifs du juge Finlay dans l'arrêt R. v. Phillips, [1949] N.Z.L.R. 316 (C.A.), à la p. 356:

[TRADUCTION] En général, toute circonstance qui dépouille une confession de la qualité décrite par le mot "volontaire" a pour effet de la rendre inadmissible. Elle peut perdre cette qualité dans diverses circonstances. Ces circonstances peuvent bien englober tout le domaine de la motivation et ne pas se limiter aux menaces ou aux promesses. Elles peuvent comprendre un manque de conscience ou de compréhension ...

12. Le critère qui ressort de cette forme de raisonnement est donc axé sur la question de savoir si l'accusé était suffisamment cohérent pour comprendre ses propres paroles, mais il ne va plus loin parce que la question de la compréhension est la seule qui influe sur la valeur probante de la confession. Toute autre considération de l'état d'esprit de l'accusé au moment de la confession, comme la question de savoir s'il a apprécié les conséquences de sa déclaration, n'a rien à voir avec la fiabilité de la déclaration comme preuve de la vérité. On pourrait même dire que la probabilité de véracité augmente lorsque l'accusé n'est pas conscient qu'en fin de compte la poursuite utilisera sa déclaration à son procès.

13. On peut comparer cette façon d'aborder le problème avec le raisonnement du juge Beetz dans l'arrêt Horvath c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 376. Dans cet arrêt, il était question de la recevabilité d'une confession faite par l'accusé alors qu'il était sous hypnose. Le juge Beetz dit à la p. 425:

Horvath se dominait lorsque le sergent Proke l'a mis en garde au début de l'entretien, mais, sous hypnose, il n'était plus totalement conscient. On peut douter qu'il ait eu conscience de ce qu'impliquait une déclaration.

Il y avait peu de doute, dans cette affaire, que l'accusé était en mesure de comprendre ce qu'il disait sous l'influence de ce qu'on a décrit comme une "hypnose légère", de sorte que le critère général, énoncé en Nouvelle‑Zélande, d'un "manque de conscience ou de compréhension" ne s'appliquait pas. En réalité, on peut considérer que la valeur probante des déclarations a été renforcée par le fait qu'il était improbable, en raison de l'hypnose, que l'accusé puisse mentir consciemment. En conséquence, l'inquiétude que le juge Beetz a exprimée en concluant que la preuve était inadmissible était non pas que l'accusé n'ait pas compris sa propre déclaration, mais plutôt qu'il n'ait pas compris "ce qui était en jeu" en la faisant. Cette insistance révèle un intérêt moins pour la valeur probante de la déclaration, que pour l'équité dans le processus décisionnel en matière criminelle et le contrôle des actes de la police au cours de l'interrogatoire d'accusés.

14. Le débat judiciaire portant sur le critère d'admissibilité qui doit être appliqué reflète les préoccupations contradictoires qui se manifestent ailleurs dans le droit de la preuve. Par exemple, la jurisprudence antérieure à la Charte relativement aux éléments de preuve obtenus de façon illégale ou irrégulière révèle un conflit naturel entre le souci d'avoir une preuve probante et celui d'assurer un processus décisionnel équitable entre l'accusé et la poursuite et ses agents. Le point de vue traditionnel en common law tend à favoriser le premier souci de sorte que [TRADUCTION] "la preuve est recevable aussi longtemps que le fait découvert par des moyens si répréhensibles est un fait qui—sans considérer la façon dont il a été découvert—est recevable contre la partie": R. v. Doyle (1887), 12 O.R. 347, à la p. 353. D'autre part, le juge Laskin (alors juge puîné) souligne dans l'arrêt Hogan c. La Reine, [1975] 2 R.C.S. 574, que la common law reconnaît au juge du procès le pouvoir discrétionnaire d'exclure un élément de preuve obtenu d'une manière qui viole un principe d'équité dans le processus décisionnel ou dans le traitement que les policiers doivent réserver à l'accusé, même si par ailleurs cette preuve est fiable. Que ce pouvoir discrétionnaire s'applique de façon à restreindre le champ d'application d'une règle d'exclusion, comme le soumet le juge Martland dans l'arrêt R. c. Wray, [1971] R.C.S. 272, ou qu'il soit perçu comme créant un pouvoir discrétionnaire général d'écarter des éléments de preuve pour le motif que [TRADUCTION] "des déclarations de culpabilité obtenues grâce à des actes illégaux ou inéquitables peuvent l'avoir été à un prix trop élevé" (le juge en chef Barwick dans R. v. Ireland (1970), 126 C.L.R. 321 (H.C. d'Aust.), à la p. 335), il s'agit de soupeser deux préoccupations opposées et souvent incompatibles. Comme l'affirme lord Cooper dans l'arrêt écossais de principe Lawrie v. Muir, [1950] S.C. (J.C.) 19, à la p. 26:

[TRADUCTION] En principe, il me semble que le droit doit chercher à concilier deux objectifs très importants qui sont susceptibles d'entrer en conflit: a) le désir du citoyen d'être protégé des atteintes illégales ou irrégulières à sa liberté par l'administration et b) celui de l'état de garantir que la preuve de la perpétration d'un crime qui est nécessaire pour que justice soit rendue ne soit pas écartée des tribunaux pour de simples motifs de formalité ou de rigidité. On ne peut trop insister sur l'un et l'autre de ces objectifs.

15. Il me semble que si c'est le souci de traiter équitablement un accusé qui doit prévaloir, alors le critère de la connaissance des conséquences adopté par le juge Beetz dans l'arrêt Horvath, précité, doit écarter le critère plus restrictif de "l'état d'esprit conscient" à titre de norme en fonction de laquelle il faut juger l'admissibilité de confessions faites en état d'ébriété. Continuer d'interroger une accusée qui, tout en n'étant pas ivre au point d'être incohérente et de ne pas comprendre ce qu'elle dit, s'incrimine sans se rendre compte que c'est ce qu'elle est en train de faire, est incompatible avec le point de vue que le processus décisionnel doit aboutir à la découverte de la vérité d'une façon qui n'apparaît pas comme un abus par la police ou la poursuite de la position de force qu'elle occupe vis‑à‑vis de l'individu. Pour éviter qu'une personne ne s'inculpe involontairement d'une infraction criminelle, la police doit nécessairement retarder l'interrogatoire jusqu'à ce que son suspect soit redevenu suffisamment sobre pour apprécier les conséquences d'une déclaration.

16. D'autre part, si la préoccupation primordiale qui sous‑tend l'admissibilité d'éléments de preuve est perçue comme étant de vérifier l'exactitude des faits en cause sans trop tenir compte de l'équité du processus décisionnel, alors on pourrait considérer comme acceptable le critère de "l'état d'esprit conscient" adopté par le juge Angers en Cour d'appel. Comme je l'ai déjà indiqué, la jurisprudence pertinente a engendré deux courants de pensée contradictoires qui traduisent ces deux soucis fondamentaux et il est difficile, voire impossible, de les concilier. Alors, il est peut‑être tout à fait justifié que la common law ait laissé la tâche de faire le partage entre ces deux soucis à la discrétion du juge de première instance qui a l'avantage unique d'entendre l'ensemble de la preuve et qui peut le mieux en conséquence évaluer à la fois la valeur probante de la preuve et le préjudice qu'elle cause à l'accusé dans le contexte global de l'affaire. Cependant, il n'est peut‑être pas nécessaire en l'espèce de résoudre le conflit entre le souci concernant la valeur probante de la preuve et celui concernant la conduite des policiers et l'équité dans leur façon d'obtenir les éléments de preuve, puisque la question de l'admissibilité peut être effectivement écartée par la seconde question soulevée par l'appelante, c'est‑à‑dire l'allégation de violation de son droit constitutionnel à l'assistance d'un avocat.

4. Renonciation au droit à l'assistance d'un avocat

17. La question de savoir s'il y a eu violation du droit de l'appelante à l'assistance d'un avocat peut bien fournir une autre façon acceptable d'aborder le problème que pose l'extorsion par la police de la confession d'un accusé en état d'ébriété. Ce droit enchâssé à l'al. 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés vise manifestement à promouvoir le principe de l'équité dans le processus décisionnel. Comme l'indique le juge Lamer dans l'arrêt R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613, à la p. 624, "lorsqu'on demande à un détenu de fournir un élément de preuve susceptible de l'incriminer ... l'al. 10b) impose aussi l'obligation de ne pas sommer le détenu de fournir cet élément de preuve sans l'avoir préalablement informé des droits que lui garantit l'al. 10b) et lui avoir donné une possibilité raisonnable d'avoir recours à l'assistance d'un avocat". Cette disposition constitutionnelle ne tient manifestement pas compte de la valeur probante de la preuve obtenue par la police, mais vise plutôt, comme l'affirme le juge Le Dain aux pp. 641 et 642 de l'arrêt Therens, précité, "à assurer que, dans certaines situations, une personne soit informée de son droit à l'assistance d'un avocat" lorsqu'elle est détenue par la police dans des circonstances qui peuvent entraîner "des conséquences sérieuses sur le plan juridique".

18. Vu le souci de traiter équitablement une personne accusée, lequel sous‑tend les libertés civiles garanties par la Constitution comme le droit à l'assistance d'un avocat prévu à l'al. 10b) de la Charte, il est évident qu'il faut examiner avec soin toute allégation de renonciation à ce droit par un accusé et que la connaissance par l'accusé des conséquences de sa déclaration est déterminante. En réalité, dans l'arrêt Korponay c. Procureur général du Canada, [1982] 1 R.C.S. 41, à la p. 49, cette Cour a dit, à l'égard de la renonciation à une garantie légale en matière de procédure, que pour qu'une renonciation soit valide, "il faut qu'il soit bien clair que la personne renonce au moyen de procédure conçu pour sa protection et qu'elle le fait en pleine connaissance des droits que cette procédure vise à protéger et de l'effet de la renonciation sur ces droits au cours de la procédure" (souligné dans l'original).

19. Il y a également aux états‑Unis une jurisprudence abondante portant qu'un accusé peut renoncer à son droit constitutionnel à l'assistance d'un avocat seulement [TRADUCTION] "s'il sait ce qu'il fait et fait ce choix en connaissance de cause": Adams v. United States, 317 U.S. 269 (1942), à la p. 279. Ainsi un accusé peut [TRADUCTION] "en connaissance de cause, de façon consciente et en comprenant pleinement les conséquences de son geste, renoncer à son droit constitutionnel à l'assistance d'un avocat": Minor v. United States, 375 F.2d 170 (8th Cir. 1967), à la p. 179, certiorari refusé 389 U.S. 882 (1967). La Cour suprême des états‑Unis est même allée jusqu'à indiquer que non seulement l'accusé doit connaître de façon générale les conséquences de la renonciation à son droit constitutionnel à l'assistance d'un avocat, mais il doit être conscient des particularités juridiques de son cas, de sorte qu'il y a une présomption d'invalidité de la renonciation si l'accusé ne semblait pas, à l'époque où il a renoncé, pouvoir comprendre toutes les implications de celle‑ci. Par exemple, on a dit dans l'arrêt Von Moltke v. Gillies, 332 U.S. 708 (1948), à la p. 724:

[TRADUCTION] Pour être valide cette renonciation doit être faite en connaissant la nature des inculpations, les infractions qui y sont comprises, la gamme de peines possibles pour celles‑ci, les moyens de défense opposables à l'inculpation et les circonstances atténuantes possibles et tous les autres faits essentiels à une compréhension générale de toute l'affaire.

20. Peu importe qu'on aille ou non jusqu'à exiger que l'accusé connaisse les complexités juridiques de son cas pour pouvoir reconnaître comme valide une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat, il est clair que la renonciation au droit garanti par l'al. 10b) faite par un accusé en état d'ébriété doit satisfaire à une forme quelconque de critère de "connaissance des conséquences". À la différence de la confession elle‑même, il est impossible de soutenir que la cour ne doit, en évaluant une telle renonciation, tenir compte que de la valeur probante des éléments de preuve soumis de manière à limiter le critère à la simple compréhension par l'accusé de ce qu'il dit. Le but de ce droit est plutôt, comme l'ont indiqué tous les juges de cette Cour qui ont rédigé des motifs dans l'arrêt Therens, précité, d'assurer que l'accusé est traité équitablement dans les procédures criminelles. Bien que cette garantie constitutionnelle ne puisse être imposée à un accusé qui n'en veut pas, pour être valide et produire des effets toute renonciation volontaire doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit.

5. Conclusion

21. Le juge du procès a conclu que la confession de l'appelante ne pouvait satisfaire au critère de la "connaissance des conséquences" et que, le cas échéant, la renonciation au droit garanti par l'al. 10b) à l'assistance d'un avocat ne pouvait probablement pas non plus y satisfaire. En conséquence, les conditions pour qu'une renonciation à ce droit soit valide et efficace n'ont pas été remplies et la persistance à interroger l'appelante a constitué une violation de l'al. 10b) de la Charte. Il incombait à tout le moins aux policiers de retarder l'interrogatoire et la consignation de la déclaration de l'appelante jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment sobre pour bien exercer son droit à l'assistance d'un avocat, ou encore parfaitement consciente des conséquences de la renonciation à ce droit. Donc, quel que soit le point de vue que l'on adopte quant à l'admissibilité d'une confession faite en état d'ébriété, la conclusion que la confession de l'appelante a été obtenue de façon irrégulière est inévitable.

22. Ayant conclu que les policiers ont violé les droits constitutionnels de l'appelante en obtenant sa confession, il reste à décider si l'inadmissibilité en preuve de cette confession constitue le redressement approprié. Le paragraphe 24(2) de la Charte dispose:

24....

(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

En l'espèce, la Cour est en présence d'une violation flagrante par la police du droit de l'appelante garanti par l'al. 10b) de la Charte. Les policiers ne pouvaient considérer sérieusement l'affirmation de l'appelante, en état d'ébriété, qu'il était "inutile" de retenir les services d'un avocat face à une accusation de meurtre, comme une renonciation véritable à son droit constitutionnel, compte tenu spécialement des efforts déployés par Mme Estey pour les convaincre de retarder leur interrogatoire jusqu'à ce que les services d'un avocat de la défense puissent être retenus. Il ne s'agit pas d'un cas où la police avait quelque motif urgent de recueillir la preuve immédiatement. L'interrogatoire de l'appelante en état d'ébriété par les policiers semble plutôt avoir eu manifestement comme but de lui extorquer une confession qu'ils craignaient ne pouvoir obtenir plus tard lorsqu'elle serait désenivrée et reconnaîtrait la nécessité de retenir les services d'un avocat. En d'autres termes, il semble que nous soyons ici en présence d'un cas où il y a nettement eu, de la part de la police, une exploitation délibérée de l'occasion d'enfreindre les droits de l'appelante. Dans ce contexte, les propos du juge Estey, dans les motifs qu'il a rédigés au nom de cette Cour à la majorité dans l'arrêt Therens, précité, deviennent fort pertinents (aux pp. 621 et 622):

En l'espèce, les policiers ont violé de façon flagrante un droit garanti par la Charte sans avoir le pouvoir légal de le faire. Une violation aussi manifeste que celle qui a été commise en l'espèce doit, à mon avis, entraîner le rejet des éléments de preuve ainsi obtenus ... Ne pas rejeter ces éléments de preuve, compte tenu des faits et des circonstances de l'espèce, reviendrait à inviter les policiers à ne pas tenir compte des droits que garantit aux citoyens la Charte, et à le faire en étant assuré de l'impunité.

Comme le souligne ensuite le juge Estey, l'acte que commet la police en violant d'une manière flagrante le droit à l'assistance d'un avocat doit entraîner l'inadmissibilité des éléments de preuve ainsi directement obtenus, sinon l'al. 10b) perdrait tout son sens. En conséquence, permettre que la confession de l'appelante soit admise en preuve serait nécessairement nettement susceptible de "déconsidérer l'administration de la justice". Quelle que soit la portée du critère exprimé au par. 24(2) relativement à l'admissibilité d'éléments de preuve obtenus en violation de la Charte, l'exploitation flagrante par les policiers du fait qu'à leur connaissance l'appelante n'était pas en état d'exiger le respect de ses droits est certainement le type de violation qui donne lieu à l'exclusion. La décision du juge du procès d'écarter cet élément de preuve était donc correcte et il y a lieu de rétablir le verdict du jury fondé sur la seule preuve recevable au procès.

23. Je suis donc d'avis d'accueillir le pourvoi, d'annuler l'ordonnance de la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick et de rétablir le verdict d'acquittement prononcé par le jury.

Version française des motifs des juges McIntyre et Chouinard rendus par

24. Le Juge McIntyre—J'ai lu les motifs de jugement de ma collègue le juge Wilson. Elle y donne un exposé suffisant des faits et il n'est pas nécessaire de le reprendre. Elle a également mis en contraste ce qu'on dit être les deux critères applicables à la détermination de l'admissibilité d'une déclaration faite par un accusé à des personnes en situation d'autorité, lesquels sont décrits comme étant le critère de "l'état d'esprit conscient" et celui de "la connaissance des conséquences". Elle n'a pas estimé nécessaire de trancher la question ainsi soulevée, mais a fondé son jugement sur une violation de la Charte.

25. Je souscris au résultat auquel elle parvient. Je n'estime pas nécessaire d'examiner la Charte pour arriver à cette conclusion. À mon avis, les deux critères mentionnés ci‑dessus se chevauchent. Un esprit non conscient ne se rendrait pas compte non seulement de ce qu'il dit, mais encore des conséquences de ce qu'il dit. Ce serait pour l'une ou l'autre de ces raisons que ses paroles seraient inadmissibles. Donc, si l'esprit fonctionnait suffisamment pour faire une déclaration consciente, mais n'était pas en mesure de connaître les conséquences de cette déclaration, il faudrait là encore exclure cette preuve.

26. En réalité, les deux critères se ramènent à un seul lorsqu'on les considère comme le juge du procès l'a fait en se demandant:

[TRADUCTION] ... l'accusée était‑elle ivre au point que les mots qu'elle prononçait ne constituaient pas sa déclaration, en ce sens qu'elle ne comprenait pas sa déclaration et n'était pas capable de se former une opinion rationnelle quant à savoir si elle devait dans les circonstances répondre aux questions, réponses qui en fin de compte seraient utilisées à son procès relativement à une accusation de meurtre?

Il n'y a pas vraiment de différence entre les deux critères et l'application de l'un ou l'autre en l'espèce entraînerait l'exclusion de la preuve.

27. Le critère à appliquer pour décider si une déclaration qu'un accusé a faite à un agent de police ou à une autre personne en situation d'autorité peut être inadmissible à cause de l'état d'ébriété de l'accusé comporte deux questions:

1. la personne accusée était‑elle consciente de ce qu'elle disait?

et

2. était‑elle consciente des conséquences de sa déclaration dans les circonstances particulières en question?

Être consciente des conséquences dans le présent contexte signifie simplement être capable de comprendre que sa déclaration pouvait servir de preuve dans des procédures intentées contre elle. Il n'y a rien de nouveau dans cette façon d'aborder la question. Elle est conforme à la mise en garde ordinaire bien connue tirée du droit prétorien anglais, laquelle est ainsi formulée: "vous pouvez garder le silence, mais tout ce que vous direz sera pris par écrit et pourra servir de preuve". Cette mise en garde visait à assurer la connaissance des conséquences de la déclaration, c.‑à‑d. son utilisation possible dans des procédures intentées contre l'accusé. Il y a lieu de souligner que le bon sens indique qu'il faudrait un état d'ébriété très avancé pour qu'une telle déclaration soit inadmissible.

28. Le juge du procès a conclu qu'en raison de son état d'ébriété l'appelante ne connaissait pas les conséquences de sa déclaration et il a exclu cette déclaration. Je suis d'avis de ne pas modifier cette conclusion et, en conséquence, d'accueillir le pourvoi.

29. Je suis d'avis de ne répondre à aucune des questions soulevées quant à l'application de la Charte canadienne des droits et libertés en l'espèce. Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de statuer sur la question en litige comme l'a fait ma collègue le juge Wilson.

Pourvoi accueilli.

Procureur de l'appelante: C. David Hughes, Fredericton.

Procureur de l'intimée: Glendon J. Abbott, Fredericton.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Droit à l'assistance d'un avocat - Renonciation à ce droit par une personne en état d'ébriété - Accusée encore ivre au moment de l'interrogatoire - Déclarations très incriminantes faites pendant l'interrogatoire - Y a‑t‑il eu violation du droit à l'assistance d'un avocat garanti par la Charte? - Y a‑t‑il lieu d'exclure cette preuve? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 10b), 24(2).

L'appelante était en état d'ébriété très avancé quand elle a été accusée du meurtre de son mari, quand les policiers lui ont fait la mise en garde ordinaire et quand elle a été informée de son droit à l'assistance d'un avocat. Elle a déclaré que l'assistance d'un avocat lui était inutile et elle a subi un interrogatoire de la police alors qu'elle était encore ivre et très perturbée. L'interrogatoire s'est poursuivi malgré les efforts déployés par une tante de l'appelante en vue de le faire reporter et de convaincre l'appelante de se taire aussi longtemps qu'elle ne serait pas en présence d'un avocat. Les déclarations de l'appelante, qui étaient très incriminantes, ont été rejetées au procès à cause de l'incapacité de l'appelante d'en comprendre les conséquences. Compte tenu de ce résultat, il n'était pas nécessaire d'aborder la question de savoir s'il y avait eu violation du droit à l'assistance d'un avocat que la Charte garantit à l'appelante. La Cour d'appel a rejeté le critère d'admissibilité des déclarations de l'appelante, proposé par le juge du procès. Elle a conclu que le critère qu'il fallait appliquer consistait à se demander si les observations de l'appelante procèdent d'un état d'esprit conscient. Elle a conclu que oui, a accueilli l'appel de l'acquittement et a ordonné un nouveau procès. Dans le cadre du présent pourvoi, il y a lieu de se prononcer sur (1) le critère qu'il faut appliquer concernant l'admissibilité des déclarations incriminantes d'un accusé en état d'ébriété, (2) le critère qu'il faut appliquer pour établir la validité d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat garanti par la Charte, et (3) les conséquences de la violation du droit à l'assistance d'un avocat garanti par la Charte.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Les juges Estey, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest: Il n'est pas nécessaire de décider du critère approprié pour déterminer l'efficacité d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat en common law parce qu'il y avait eu violation du droit constitutionnel de l'appelante à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) de la Charte.

Pour être valide et produire des effets, toute renonciation volontaire au droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) de la Charte doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit. Le but reconnu de ce droit est d'assurer que l'accusé est traité équitablement dans les procédures criminelles. Par conséquent, la cour, en évaluant la validité d'une renonciation, ne peut pas, à la différence d'une confession, s'intéresser seulement à la valeur probante et limiter le critère à la simple compréhension par l'accusé de ce qu'il dit.

La renonciation par l'appelante au droit à l'assistance d'un avocat que lui garantit l'al. 10b) ne pouvait satisfaire au "critère de la connaissance des conséquences". La persistance de la police à interroger l'appelante a donc constitué une violation du droit que lui garantit l'al. 10b). En l'absence de quelque motif urgent obligeant les policiers à recueillir la preuve immédiatement, l'interrogatoire de l'accusée aurait dû à tout le moins être retardé jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de bien exercer le droit que lui confère l'al. 10b), ou d'apprécier les conséquences d'une renonciation à ce droit. L'admission de cette preuve serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice et, en conséquence, elle doit être exclue en vertu du par. 24(2) de la Charte.

Les juges McIntyre et Chouinard: Les critères de "l'état d'esprit conscient" et de "la connaissance des conséquences" se chevauchent. Un esprit non conscient ne se rendrait pas compte non seulement de ce qu'il dit, mais encore des conséquences de ce qu'il dit. Ce serait pour l'une ou l'autre de ces raisons que ses paroles seraient inadmissibles. Si l'esprit fonctionnait suffisamment pour faire une déclaration consciente, mais n'était pas en mesure de connaître les conséquences de cette déclaration, il faudrait là encore exclure cette preuve.

Le critère à appliquer pour décider si une déclaration faite à un policier ou à une autre personne en situation d'autorité peut être inadmissible à cause de l'état d'ébriété de l'accusé comporte deux questions:

1. La personne accusée était‑elle consciente de ce qu'elle disait?

et

2. était‑elle consciente des conséquences de sa déclaration dans les circonstances particulières en question?

Être consciente des conséquences dans le présent contexte signifie simplement être capable de comprendre que sa déclaration pouvait servir de preuve dans des procédures intentées contre elle. Le bon sens indique qu'il faudrait un état d'ébriété très avancé pour qu'une telle déclaration soit inadmissible.


Parties
Demandeurs : Clarkson
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Wilson
Arrêts appliqués: R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613
Korponay c. Procureur général du Canada, [1982] 1 R.C.S. 41
arrêts mentionnés: McKenna v. The Queen, [1961] R.C.S. 660
R. v. Santinon (1973), 11 C.C.C. (2d) 121
Ward c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30
Ibrahim v. The King, [1914] A.C. 599
R. v. Williams, [1959] N.Z.L.R. 502
R. v. Phillips, [1949] N.Z.L.R. 316
Horvath c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 376
R. v. Doyle (1887), 12 O.R. 347
Hogan c. La Reine, [1975] 2 R.C.S. 574
R. c. Wray, [1971] R.C.S. 272
R. v. Ireland (1970), 126 C.L.R. 321
Lawrie v. Muir, [1950] S.C. (J.C.) 19
Adams v. United States, 317 U.S. 269 (1942)
Minor v. United States, 375 F.2d 170 (1967), certiorari refusé 389 U.S. 882 (1967)
Von Moltke v. Gillies, 332 U.S. 708 (1948).
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 10b), 24(2).
Doctrine citée
Cross, Sir Rupert. Evidence, 5th ed., London, Butterworths, 1979.

Proposition de citation de la décision: Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383 (24 avril 1986)


Origine de la décision
Date de la décision : 24/04/1986
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1986] 1 R.C.S. 383 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1986-04-24;.1986..1.r.c.s..383 ?
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