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12/06/1986 | CANADA | N°[1986]_1_R.C.S._704

Canada | St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704 (12 juin 1986)


St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704

St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd. Appelante;

et

Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier Intimée.

No du greffe: 17485.

1984: 10 décembre; 1986: 12 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel du nouveau‑brunswick

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick (1982), 142 D.L.R. (3d) 678, 44 N.B.R. (2d) 10, 116 A.P.R. 10, 82 CLL

C ¶14, 216, rejetant un appel d'un jugement du juge Higgins qui avait décliné compétence. Pourvoi rejet...

St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704

St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd. Appelante;

et

Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier Intimée.

No du greffe: 17485.

1984: 10 décembre; 1986: 12 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Estey, McIntyre, Chouinard, Lamer, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel du nouveau‑brunswick

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick (1982), 142 D.L.R. (3d) 678, 44 N.B.R. (2d) 10, 116 A.P.R. 10, 82 CLLC ¶14, 216, rejetant un appel d'un jugement du juge Higgins qui avait décliné compétence. Pourvoi rejeté.

J. Gordon Petrie, c.r., et Donald E. MacPherson, pour l'appelante.

Brian Neill et Robert Breen, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1. Le Juge Estey—La présente affaire soulève pour la première fois devant cette Cour la question de savoir si un tribunal compétent est autorisé à connaître d'une réclamation en dommages‑intérêts d'un employeur contre un syndicat, l'agent négociateur de ses employés, en raison d'une grève qui était, prétend‑on, et d'après le dossier devant cette Cour, apparemment illégale aux termes de la loi applicable sur les relations de travail et qui était en même temps une violation de la convention collective à laquelle sont parties l'employeur et le syndicat. Dans des procédures antérieures, dont les détails n'ont pas été consignés au dossier du présent pourvoi, l'employeur a obtenu une injonction interlocutoire interdisant la poursuite d'une grève par ce groupe d'employés. Apparemment, la réclamation en dommages‑intérêts, savoir la question qui est maintenant présentée devant la Cour, a été soulevée dans les mêmes procédures, bien qu'il n'y ait aucune mention d'une demande d'injonction dans les conclusions de la déclaration présentée quelques mois après l'injonction interlocutoire.

2. La question posée dans le présent pourvoi a expressément été laissée sans réponse par cette Cour dans l'arrêt Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, [1980] 2 R.C.S. 181, le juge Chouinard à la p. 189. Il y a de nombreux cas où les tribunaux ont délivré des injonctions dans de telles circonstances et la compétence à cet égard a été réglée dans l'arrêt International Brotherhood of Electrical Engineers, Local Union 2085 v. Winnipeg Builders’ Exchange, [1967] R.C.S. 628. Les tribunaux ont également accordé des dommages‑intérêts dans des circonstances semblables (par ex.: Winnipeg Teachers’ Association c. Winnipeg School Division No. 1, [1976] 2 R.C.S. 695), mais dans ces affaires la question de la compétence du tribunal à cet égard n'avait pas été contestée par les parties.

3. L'intimée est un syndicat enregistré pour représenter les ouvriers de l'usine de pâtes et papiers de l'appelante située dans la ville de Nackawic au Nouveau‑Brunswick. Il y a trois unités de négociation, dont deux sont visées en l'espèce; l'unité qui représente les ouvriers de l'usine et l'unité qui représente les employés de bureau. Le 29 mai 1981, la convention collective des employés de l'unité de bureau ayant pris fin, ils ont entrepris une grève légale et ont dressé des piquets de grève devant les entrées de l'usine. Les ouvriers de l'unité de l'usine dont la convention collective était toujours en vigueur, ont débrayé par solidarité le même jour. L'appelante a intenté la présente action devant la Cour du Banc de la Reine le 1er juin 1981 et a obtenu une injonction interlocutoire le 3 juin 1981. La réclamation en dommages‑ intérêts se trouve dans la déclaration produite le 21 septembre 1981 et se rapporte au dédommagement demandé pour compenser les pertes quotidiennes considérables qui résultent de ce qui a, en fait, été la fermeture de l'usine en raison de la grève des ouvriers de l'usine. Bien que l'injonction interlocutoire ait été délivrée le 3 juin 1981, les ouvriers de l'unité de l'usine ne sont pas revenus au travail avant le 7 juin, la cour ayant rendu le 6 juin une ordonnance d'outrage au tribunal contre l'intimée et trois de ses dirigeants. Les ouvriers de l'usine ont encore une fois débrayé le 22 juin 1981. Une deuxième ordonnance d'outrage au tribunal a été rendue le 27 juin, mais les ouvriers de l'usine ne sont pas revenus au travail avant le 3 juillet 1981, lorsqu'une nouvelle convention collective a été signée par les employés de bureau. La cour a imposé à l'intimée des amendes de 15 000 $ et de 25 000 $ à l'égard des outrages au tribunal successifs. La question de la compétence du tribunal n'a pas été soulevée à l'audience relative à la requête en injonction interlocutoire ni au moment des procédures relatives à l'outrage au tribunal.

4. Dans ses plaidoiries, l'appelante a fondé sa réclamation sur le moyen suivant:

[TRADUCTION] Ladite grève illégale visée au paragraphe 6 violait la convention collective conclue entre la demanderesse et la défenderesse et violait la Loi sur les relations industrielles.

La convention collective mentionnée était celle qui existait entre l'unité de l'usine et l'appelante. Elle prenait fin le 31 juillet 1982 et prévoyait que [TRADUCTION] "Il n'y aura aucune grève, lock‑out, arrêt, ralentissement ou limitation de la production tant que la présente convention sera en vigueur." Les articles pertinents de la Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. (1973), chap. I‑4, et modifications, sont les suivants:

53(1) Toute convention collective doit stipuler qu'aucune grève, ni lock‑out n'est autorisé, tant que la convention continue d'être en vigueur.

91(1) Lorsqu'une convention collective est en vigueur, aucun salarié qu'elle lie ne doit faire la grève et aucun employeur qu'elle lie ne doit imposer de lock‑out à ce salarié, sauf en conformité du paragraphe (3) [qui n'est pas pertinent en l'espèce].

Toutefois, la Loi prévoit en outre, et c'est ce qui a amené le juge de première instance à mettre de côté la question de la compétence du tribunal à titre de question préliminaire:

55(1) Toute convention collective doit prévoir des dispositions pour le règlement définitif et obligatoire, par voie d'arbitrage ou autrement et sans arrêt de travail, de tous conflits entre les parties à la convention ou entre les personnes liées par elle, ou au nom desquelles elle a été conclue, relativement à son interprétation, à son application, à son exécution ou à une violation alléguée de la convention, y compris le fait de savoir si une question est arbitrable.

Lorsque la convention collective ne le prévoit pas, une clause d'arbitrage très générale est, en vertu du par. 55(2), réputée être une disposition de la convention. En l'espèce, la convention collective conclue entre l'appelante et l'intimée ne prévoit pas l'arbitrage. La clause 8 prévoit une procédure à suivre dans le cas du [TRADUCTION] "règlement des plaintes" qui se termine par la nomination d'un conseil d'arbitrage de trois membres dont la décision serait [TRADUCTION] "finale et obligatoire pour les deux parties à la convention". La clause prévoit en outre,

[TRADUCTION] il est entendu que la fonction du conseil d'arbitrage sera d'interpréter et d'appliquer les dispositions de la présente convention ...

Dans la mesure où la clause ne peut pas exiger que tous les différends entre les parties concernant les affaires mentionnées au par. 55(1) de la Loi soient assujettis au règlement obligatoire au moyen de l'arbitrage, les dispositions du par. 55(2) de la Loi exigeraient dans tous les cas que ces différends soient réglés par l'arbitrage sans arrêt de travail.

5. La question préliminaire qu'a soulevée le juge de première instance avant l'instruction, est simplement de savoir si, compte tenu de la disposition générale prévoyant le recours à l'arbitrage dans tous les cas de différends entre les parties à une convention collective, le tribunal est compétent pour entendre une demande qui porte sur cette convention collective. Le juge de première instance a répondu à cette question par la négative et sa conclusion a été confirmée en appel, par le juge La Forest, alors membre de la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick.

6. Le juge La Forest a examiné plusieurs autres fondements pour l'action de l'appelante. Il a conclu que dans la mesure où la réclamation en dommages‑intérêts était fondée sur la violation d'une convention collective, aucune action en dommages‑intérêts en common law n'était possible. Deuxièmement, il a examiné la possibilité d'invoquer une cause d'action fondée sur les dispositions de la Loi sur les relations industrielles. Il a conclu que la Loi n'accorde pas aux tribunaux compétence pour traiter du règlement de différends qui découlent des conventions collectives. En outre, la violation du par. 91(1) de la Loi ne peut pas servir de fondement à une action. La mesure législative prévoit des sanctions adéquates, civiles (par l'arbitrage) et pénale (voir le par. 109(4)) pour la violation des obligations qui découlent de la Loi. Compte tenu des circonstances, on ne pouvait présumer que la législature voulait que les parties à une convention collective aient en plus un recours devant les tribunaux civils. Finalement, le juge La Forest a rejeté l'argument selon lequel on pouvait demander des dommages‑intérêts dans cette affaire en invoquant le délit de coalition.

7. Une des premières fois où l'on a examiné les compétences relatives des tribunaux et d'un conseil d'arbitrage pour entendre les demandes en matière de violation d'une convention collective est l'arrêt McGavin Toastmaster Ltd. c. Ainscough, [1976] 1 R.C.S. 718, dans lequel les employés réclamaient une indemnité de cessation d'emploi prévue dans leur convention collective après que leur employeur eut fermé l'usine pendant une grève illégale. Le juge en chef Laskin, au nom de la majorité, a soulevé la question de la compétence de la Cour pour entendre une demande fondée sur l'interprétation d'une convention collective qui prévoyait des procédures de grief et l'arbitrage obligatoire de ces questions. Il a écrit à la p. 721:

Il n'a aucunement été allégué en défense que la procédure aurait dû être celle de l'arbitrage en vertu de la convention collective et il ne semble pas qu'on ait fait valoir cet argument ni devant le juge de première instance ni devant la Cour d'appel de la Colombie‑ Britannique. Par conséquent, cette Cour s'abstient de formuler tout commentaire à cet égard et elle considère que les tribunaux ont été régulièrement saisis du ou des points de droit litigieux.

La même démarche a été adoptée dans l'arrêt Winnipeg Teachers’ Association, précité, par le juge Martland à la p. 718. Dans cet arrêt, la Cour a reconnu à la majorité le bien‑fondé de la réclamation d'un employeur en vue d'obtenir des dommages‑intérêts découlant du fait que les employés s'en étaient tenus à la lettre de la convention collective. Toutefois, le juge en chef Laskin, en dissidence, a adopté la position que, si les parties avaient soulevé la question, il aurait accueilli le pourvoi uniquement sur le fondement que (aux pp. 706 et 707):

... le mécanisme de règlement prescrit par la convention collective pour les litiges en découlant, est préférable au recours en justice, mais on aurait dû s'en servir ici pour résoudre ce qui est apparu comme un différend sur la nature ou la portée de l'obligation contractuelle des membres de l'appelante et de l'appelante elle‑même.

...

L'article 11 de la convention établit un mécanisme de règlement et d'arbitrage pour résoudre les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application des clauses de la convention. L'arbitrage ... est le recours à utiliser en cas de (traduction) "désaccord entre les parties à la convention, ou entre les personnes liées par elle ou entre les personnes au nom desquelles elle a été conclue, sur son contenu, sa signification, son application ou sa violation". Finalement, ce que les parties ont soumis à la Cour en l'occurrence, est une question qui aurait dû être déférée d'abord au mécanisme de règlement puis, advenant un échec, à l'arbitrage selon l'art. 11. Le consentement ou la décision des parties de recourir aux tribunaux n'autorisent pas pour autant la médiation directe de ces derniers par voie de sentence arbitrale.

8. L'arrêt ultérieur General Motors of Canada Ltd. c. Brunet, [1977] 2 R.C.S. 537, portait sur la réclamation d'un employé selon laquelle, en vertu d'une convention collective conclue entre son syndicat et son employeur, il avait le droit qu'on lui offre un emploi moins pénible après un accident. Le syndicat avait décidé de ne pas porter son grief en arbitrage. Cette Cour a conclu qu'elle n'était pas compétente pour entendre la réclamation du demandeur. Le juge Pigeon a écrit à la p. 542:

Reconnaître le droit de s'adresser à la Cour supérieure au lieu de recourir à l'arbitrage chaque fois que l'on réclame une somme d'argent en vertu d'une convention collective rendrait illusoire la disposition de l'art. 88 du Code du travail qui se lit comme suit ...

88. Tout grief doit être soumis à l'arbitrage en la manière prévue dans la convention collective si elle y pourvoit ...

9. La loi du Québec examinée dans l'arrêt Brunet permettait à l'employeur et à l'agent négociateur d'établir à l'avantage des employés des droits qui pouvaient seulement être réclamés dans le cadre de la procédure prévue dans la convention collective. Il découle clairement de certains autres passages du jugement que le juge Pigeon a fondé sa décision sur l'idée que, de toute façon, en vertu des termes de la convention collective qui les avaient créés, l'employé ne pouvait pas faire valoir devant un tribunal les droits qu'il invoquait. La convention collective conférait au syndicat le pouvoir exclusif de présenter les griefs (voir pp. 548 et 549). De même le par. 56(2) de la loi du Nouveau‑Brunswick prévoit qu'une convention collective lie ses signataires et les employés de l'unité de négociation, mais ne prévoit pas un droit positif donnant qualité pour faire un grief aux employés qui sont liés par celle‑ci. Par conséquent, l'affaire Brunet n'est pas analogue au présent pourvoi dans lequel une partie qui a par ailleurs qualité pour faire valoir un droit n'aurait pas choisi la bonne juridiction devant qui le faire valoir.

10. Il y a un nombre important de décisions qui mettent en doute la compétence des tribunaux d'entendre les demandes fondées sur l'interprétation ou l'application de conventions collectives qui contiennent une disposition relative à l'arbitrage obligatoire. Les décisions antérieures semblent avoir établi deux exceptions à ce principe. D'abord, dans un certain nombre d'affaires on a jugé que les tribunaux étaient compétents lorsque, bien que la demande ait été entièrement fondée sur un droit créé par les termes d'une convention collective, le tribunal n'était pas tenu, pour appliquer le droit, d'interpréter la convention. Par exemple, dans l'affaire Hamilton Street Railway Co. v. Northcott, [1967] R.C.S. 3, un arbitrage antérieur avait établi le droit d'un groupe d'employés à des traitements qui n'avaient pas été payés, mais n'avait pas réglé les montants qui étaient dus à chaque membre du groupe. On a jugé que cette dernière question relevait de la compétence de la Cour.

11. La deuxième exception est composée d'affaires où la demande peut être caractérisée comme découlant seulement de la common law, et non de la convention collective. Par exemple, l'arrêt Woods v. Miramichi Hospital (1966), 59 D.L.R. (2d) 290 (C.A.N.‑B.), qui porte sur la réclamation en dommages‑intérêts d'un employé, membre d'une unité de négociation, en raison d'un congédiement abusif: voir également Logan v. Board of School Trustees District No. 14 (1973), 40 D.L.R. (3d) 152 (C.A.N.‑B.) Dans l'affaire Foisy c. Bell Canada, [1984] C.S. 1164; 18 D.L.R. (4th) 222, la cour a dit qu'elle n'était pas compétente pour entendre la réclamation de la demanderesse dans la mesure où elle était fondée sur des droits contractuels que prévoyait la convention collective, mais a confirmé sa compétence pour traiter de ses réclamations fondées sur la faute.

12. Dans les affaires où la réclamation concernait un droit prenant naissance dans la convention collective et où la bonne interprétation de la convention était contestée, les tribunaux ont uniformément rejeté toute compétence: voir Shank v. The KVP Co., [1966] 2 O.R., 847 (H.C.), Close v. Globe & Mail Ltd. (1966), 60 D.L.R. (2d) 105 (C.A. Ont.), Acadia Pulp and Paper Ltd. v. International Brotherhood of Pulp, Sulphite and Paper Mill Workers (1970), 15 D.L.R. (3d) 227 (B.R.N.‑B.), Ford v. Trustees of the Ottawa Civic Hospital, [1973] 3 O.R. 437 (H.C.), Binder v. Halifax County Municipal School Board (1978), 84 D.L.R. (3d) 494 (C.A.N.‑É.), Bergeron v. Kingsway Transports Ltd. (1979), 23 O.R. (2d) 332 (C. Div.)

13. Dans la jurisprudence récente, dont l'arrêt Campbell v. East‑West Packers (1969) Ltd. (1982), 142 D.L.R. (3d) 90 (C.A. Man.), est un exemple, on a eu tendance à interpréter de manière restrictive la possibilité de recourir aux tribunaux malgré le fait que la réclamation puisse être caractérisée de façon concevable comme dépendant de principes de common law, par opposition au fait de découler uniquement de la convention collective. Dans cet arrêt, le juge Hall, au nom de la Cour d'appel à la majorité, a rejeté la réclamation en dommages‑intérêts d'un employé pour congédiement abusif pour le motif que la convention collective prévoyait expressément, comme la plupart de ces conventions collectives, la question du congédiement. Le juge Hall a souligné à la p. 97 que l'employé cherchait à obtenir en common law une réparation plus étendue que celle à laquelle il aurait eu droit en vertu de la procédure de griefs et a écrit (à la p. 95):

[TRADUCTION] Une simple lecture de ce texte législatif fait ressortir clairement l'intention du législateur selon laquelle toutes les conventions collectives doivent contenir une disposition prévoyant le règlement final de tous les litiges ou différends entre les parties, y compris les employés, concernant sa définition, son application ou la violation de celle‑ci. La convention collective en question contient une telle disposition et prévoit expressément que le congédiement d'un employé sera régi par la procédure de griefs et, si nécessaire, par l'arbitrage. Aucune disposition de cette convention ne prévoit ni ne confère le recours devant les tribunaux.

De même, dans l'affaire Lawn v. Algonquin College of Applied Arts and Technology (1982), 39 O.R. (2d) 377 (H.C.), la cour a décliné sa compétence à l'égard d'une réclamation en dommages‑intérêts du demandeur en raison d'un congédiement abusif: voir également Hooper v. Wellington County Board of Education (1984), 46 O.R. (2d) 680 (C. Div.), Bourne v. Otis Elevator Co. (1984), 45 O.R. (2d) 321 (H.C.), Caines v. Cape Breton Development Corp. (1973), 39 D.L.R. (3d) 606 (C.S.N.‑É.), Downey v. Scotia Square Hotel Ltd. (1974), 55 D.L.R. (3d) 300 (C.S.N.‑É.) Dans l'affaire Lawn, précitée, la cour s'est fondée sur la déclaration du juge en chef Laskin dans l'arrêt McGavin Toastmaster, précité, sur la nature de la relation qui existe entre les contrats de travail individuels et les conventions collectives. Dans cette affaire, l'un des arguments présentés par l'employeur défendeur portait que la doctrine de la violation d'une disposition fondamentale reconnue par la common law s'appliquait dans les circonstances, de sorte que les employés, par leur grève illégale, avaient perdu tout droit aux avantages qui devaient être assurés par l'employeur. Cet argument a été à juste titre rejeté. Le juge en chef Laskin a écrit (aux pp. 724 à 727):

Malgré la législation sur les relations de travail à l'époque pertinente en Colombie‑Britannique, l'accréditation du syndicat, dont les demandeurs étaient membres, en tant qu'agent négociateur d'une unité déterminée d'employés de la compagnie et malgré la convention collective en vigueur entre le syndicat et la compagnie appelante, je ne crois pas qu'on puisse parler de contrats individuels de travail et considérer la convention collective comme simplement accessoire aux relations individuelles. Le juge Judson, s'exprimant au nom de la majorité de cette Cour dans Syndicat catholique des employés de magasins de Québec Inc. c. Compagnie Paquet Ltée, [[1959] R.C.S. 206] à la p. 212, a ainsi parlé d'une situation où un syndicat était accrédité comme agent négociateur en vertu de la législation québécoise sur les relations de travail:

[TRADUCTION] Les négociations privées entre employeur et employé n'ont plus leur place. Il est certain qu'au regard des matières visées par la convention collective, la liberté contractuelle entre maître et employé individuel est supprimée. La convention collective dicte à l'employeur ce que seront ses futures relations maître‑employé.

...

Dans tout le Canada, et ce depuis plusieurs années, les relations individuelles entre employeur et employé n'ont d'importance qu'à l'étape de l'embauchage et même là, elles sont subordonnées aux clauses de sécurité syndicale des conventions collectives. Le droit commun applicable aux contrats individuels de travail ne vaut plus quand les relations employeur‑employé sont régies par une convention collective qui traite, comme celle présentement en cause, de licenciement, de cessation d'emploi, d'indemnité de cessation d'emploi et d'une foule d'autres choses qui ont été négociées entre le syndicat et la compagnie en tant que parties principales à la convention. Voici un autre extrait des motifs du juge Judson dans l'affaire Paquet, à la p. 214:

[TRADUCTION] Si la relation entre employé et syndicat était la même qu'entre mandant et mandataire, une convention collective constituerait un faisceau de contrats individuels entre employeur et employé négociés par le syndicat en tant qu'agent des employés. Selon moi, c'est une fausse interprétation de la nature de la relation juridique propre aux conventions collectives. Le syndicat s'engage par contrat non pas en tant qu'agent ou mandataire mais plutôt en tant que partie contractante indépendante et le contrat qu'il passe avec l'employeur oblige ce dernier à respecter les relations maître‑employé à ce qui a été convenu.

...

Par conséquent, s'il faut attribuer un objet aux questions de répudiation et de violation d'une disposition fondamentale, on doit s'adresser à la convention collective. Quand on s'y reporte, on les trouve inapplicables en présence de la législation qui, en Colombie‑Britannique et ailleurs au Canada, régit les relations patronales‑ syndicales et prévoit l'accréditation des syndicats, la négociation collective obligatoire ainsi que la négociation, la durée et le renouvellement des conventions collectives ... Ni cette loi, ni le Labour Relations Act ne pourraient être appliqués selon leurs termes si des principes de droit commun tels que la répudiation et la violation d'une disposition fondamentale pouvaient être invoqués à l'égard de conventions collectives qui ne sont pas encore échues et au regard desquelles l'obligation de négocier collectivement demeure.

14. S'il n'y avait que la convention collective entre l'agent négociateur et l'employeur, les tribunaux auraient toujours pu appliquer la common law pour l'exécuter dans une poursuite contre l'agent négociateur ou l'employeur. La convention collective consacre une offre, une reconnaissance, un consentement et un engagement à exécuter des obligations, la considération mutuelle entre les parties et d'autres éléments des contrats qui exposeraient les parties à l'exécution devant les tribunaux traditionnels. Évidemment, cela soulèverait une difficulté fondamentale en ce qui a trait au statut du tiers absent, l'employé, et peut‑être de l'absence d'un avantage identifiable de l'agent négociateur. Tous ces problèmes sont résolus par la loi et la question de savoir si l'on peut obtenir une exécution avantageuse au moyen de la common law est donc seulement d'un intérêt théorique. Les éléments absents sont le statut des membres de l'unité de négociation et la juridiction appropriée. La législature a créé le statut des parties dans un processus fondé sur une solution aux conflits de travail dans un cadre entièrement nouveau et législatif au centre duquel se trouve une nouvelle juridiction, le tribunal d'arbitrage des contrats. En outre, la structure consacre une nouvelle forme de contrats tripartites avec seulement deux signataires, une solution législative aux lacunes de la common law dans le domaine des droits des tiers. Ce ne sont là que certaines des composantes d'un programme législatif complet prévoyant l'établissement et l'avancement des relations de travail dans l'intérêt de la société en général de même que dans l'intérêt des parties à ces relations de travail.

15. Les passages précités font ressortir les obstacles insurmontables qui écartent la conclusion que des droits, qui en common law découleraient d'une relation entre employeur et employé, survivraient dans le cadre d'un régime de convention collective et seraient encore susceptibles d'exécution devant les tribunaux traditionnels. Le problème que soulèvent les tentatives en vue d'échapper au tribunal désigné dans le contrat de manière à chercher à obtenir devant les tribunaux l'exécution de droits qui découlent d'une convention collective négociée à l'intérieur du cadre d'un régime de négociations collectives, uniquement sur le fondement que la convention ne prévoit pas d'une manière explicite la question de la compétence, constitue également une difficulté majeure.

16. La convention collective établit les grands paramètres du rapport qui existe entre l'employeur et ses employés. Ce rapport est ajusté d'une manière appropriée par l'arbitrage et, en général, ce serait bouleverser et le rapport et le régime législatif dont il découle que de conclure que les questions visées et régies par la convention collective peuvent néanmoins faire l'objet d'actions devant les tribunaux en common law. Ces considérations nous amènent nécessairement à nous demander si l'arrêt Miramichi, précité, et des décisions semblables survivraient à une objection visant la compétence du tribunal s'ils étaient rendus aujourd'hui. L'attitude plus moderne consiste à considérer que les lois en matière de relations de travail prévoient un code régissant tous les aspects des relations de travail et que l'on porterait atteinte à l'économie de la loi en permettant aux parties à une convention collective ou aux employés pour le compte desquels elle a été négociée, d'avoir recours aux tribunaux ordinaires qui sont dans les circonstances une juridiction faisant double emploi à laquelle la législature n'a pas attribué ces tâches.

17. Dans certains cas, d'autres dispositions législatives ont également été examinées. Ainsi, en Ontario, la Loi sur les droits syndicaux, L.R.O. 1980, chap. 456, par. 3(3), prévoit:

[TRADUCTION] 3....

(3) Une convention collective ne peut faire l'objet d'une action en justice que si elle le peut indépendamment de toute disposition de la présente loi ou de la Loi sur les relations de travail.

Toutefois, cet article n'a pas constitué le facteur décisif dans la grande majorité des affaires (pour une exception, voir Drogt v. Robson‑Lang Leathers Ltd., [1971] 3 O.R. 488 (C. de Co.)) Le paragraphe 125(3) du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1, prévoit:

125....

(3) Toute partie à la convention, toute personne liée par cette dernière, de même que toute personne au nom de qui elle a été conclue, doit observer la disposition visant au règlement définitif, contenue dans la convention, et y donner effet.

Ce paragraphe était important dans l'affaire Caines v. Cape Breton Development Corp., précitée. La Loi qui a précédé la Loi sur les relations industrielles du Nouveau‑Brunswick dont il est question dans le présent pourvoi contenait un article identique: Labour Relations Act, R.S.N.B. 1952, chap. 124, par. 18(3). La Loi actuelle n'en reprend pas le texte, mais l'art. 55 dans son contexte a le même effet, car il exige une disposition prévoyant l'arbitrage exécutoire ou certains autres moyens de règlement des conflits et la Loi exige le respect des termes de la convention collective. (Voir Acadia Pulp and Paper, précité, dans lequel la cour a examiné le par. 18(3) mais a fondé sa décision sur le fait que le nouvel article, qui, par ailleurs, était pratiquement identique à l'art. 55 de la Loi sur les relations industrielles actuelle, exigeait clairement le recours à l'arbitrage.)

18. L'appelante s'est fondée sur l'affaire Perini Pacific Ltd. v. International Union of Operating Engineers, Local 115 (1961), 28 D.L.R. (2d) 727 (C.S.C.‑B.), dans laquelle la cour a accordé des dommages‑intérêts contre un syndicat pour sa participation à une grève illégale aux termes de la Trade‑unions Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1960, chap. 384, art. 4, qui prévoit expressément qu'un syndicat qui [TRADUCTION] "accomplit un acte interdit par la Labour Relations Act, en autorise l'accomplissement ou l'approuve" est [TRADUCTION] "responsable en dommages‑intérêts envers quiconque en subit un préjudice". Compte tenu de cette disposition, le tribunal ne pouvait trouver dans la Labour Relations Act une disposition prévoyant l'arbitrage exécutoire, preuve d'une intention évidente du législateur de lui enlever sa compétence relativement à une telle demande.

19. Un consensus général se dégage clairement de cette étude de la jurisprudence. Les tribunaux ne sont pas compétents pour entendre des réclamations qui découlent des droits créés par une convention collective. Les tribunaux ne peuvent pas non plus trancher à bon droit des questions qui auraient pu résulter en common law de la relation employeur‑employé en l'absence d'un régime de négociations collectives si la convention collective qui lie les parties à l'action prévoit les questions en litige, qu'elle prévoit ou non une procédure et une juridiction pour son application. Par conséquent, la deuxième exception générale mentionnée ci‑dessus a une portée pratique restreinte. En ce qui a trait à la première exception, c'est‑à‑dire que les tribunaux peuvent appliquer les termes d'une convention collective lorsque son interprétation n'est pas contestée, cette Cour a décidé dans les arrêts Brunet et Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, précités, qu'il n'y avait aucune différence en principe entre un litige sur "l'application" d'une convention collective et un litige relatif à sa "violation". Par conséquent, la compétence des tribunaux ne devrait pas dépendre de savoir si les parties contestent l'interprétation ou l'application des termes d'une convention collective. La question de la compétence des tribunaux n'est donc pas nécessairement déterminée parce que, dans le présent pourvoi, la grève équivalait apparemment à la violation d'une condition claire de la convention collective. Il y a également une violation apparente de la Loi, une considération que j'examinerai plus loin dans ces motifs.

20. Il en reste une attitude de respect de la part des juges envers la procédure d'arbitrage. Ce respect existe, que l'organisme en question soit un tribunal "créé par la loi" ou un tribunal de nature privée (en ce qui a trait à cette distinction dans le contexte des relations de travail voir Roberval Express Ltée c. Union des chauffeurs de camions, hommes d’entrepôts et autres ouvriers, local 106, [1982] 2 R.C.S. 888, Howe Sound Co. v. International Union of Mine, Mill and Smelter Workers (Canada), Local 663, [1962] R.C.S. 318, confirmant (1961), 29 D.L.R. (2d) 76, Re International Nickel Co. of Canada and Rivando, [1956] O.R. 379 (C.A.)) Ce respect est fondé sur l'idée que si les parties ont accès aux tribunaux comme autres juridictions, on porte atteinte à un régime législatif complet destiné à régir tous les aspects du rapport entre les parties dans le cadre des relations de travail. L'arbitrage, lorsqu'il est adopté par les parties, comme c'est le cas dans la présente convention collective, constitue une partie intégrante de ce régime et est clairement la juridiction que la législature préfère pour le règlement des litiges qui résultent des conventions collectives. D'après la jurisprudence citée, on pourrait donc dire que le droit a évolué de telle manière qu'il est juste de conclure que les griefs et les procédures d'arbitrage prévus par la Loi et consacrés par une prescription législative dans les termes d'une convention collective constituent le recours exclusif dont disposent les parties à une convention collective pour son application.

21. Toutefois, cela paraît entrer en conflit avec la compétence des tribunaux établie depuis longtemps qui leur permet de délivrer des injonctions pour interdire toute grève illégale pendant qu'une convention collective est en vigueur: International Brotherhood of Electrical Engineers, Local Union 2085 v. Winnipeg Builders’ Exchange, précité, Association internationale des débardeurs, sections locales 273, 1039, 1764 c. Association des employeurs maritimes, [1979] 1 R.C.S. 120. On peut présumer qu'un grand nombre d'affaires, sinon toutes, dans lesquelles des injonctions ont été délivrées, ont débuté comme des demandes d'injonction assortie d'autres redressements, y compris des dommages‑intérêts à titre d'indemnisation pour un employeur qui avait subi des pertes au cours d'une grève illégale (par exemple, British Columbia Maritime Employers Assn. v. International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union—Canadian Area, [1972] 5 W.W.R. 738 (C.S.C.‑B.), Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co. v. Industrial Union of Marine and Shipbuilding Workers, Local 3 (1979), 26 N.B.R. (2d) 179 (C.S.), et voir New Brunswick Electric Power Commission v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 1733 (1978), 22 N.B.R. (2d) 364 (C.S.), dans laquelle des dommages‑ intérêts généraux et exemplaires ont été accordés à un employeur après que le syndicat défendeur eut eu recours à une grève illégale). L'histoire du droit du travail dans notre pays depuis la Seconde guerre mondiale fait ressortir un modèle plutôt simple en vertu duquel les parties font valoir un recours devant les cours supérieures au moyen d'une action en vue d'obtenir une injonction, un jugement déclaratoire et des dommages‑intérêts et dans laquelle on demande une injonction interlocutoire ou provisoire pour ramener l'autre partie dans le processus de relations de travail que prévoit la loi. L'action dépasse rarement le stade de l'injonction interlocutoire.

22. Une injonction est autant une action pour forcer l'application d'une clause interdisant la grève dans une convention collective que l'est une action en dommages‑intérêts. Si on peut recourir à la première, alors en principe il devrait en être de même de la seconde. Ainsi, s'il est confirmé que les tribunaux n'ont d'aucune manière à interpréter, appliquer ou exécuter des conventions collectives, la compétence pour déclarer que des grèves sont illégales parce qu'elles surviennent pendant qu'une convention collective est en vigueur, qui n'a pas été mise en question depuis l'arrêt Winnipeg Builders’ Exchange, précité, est mise en doute. Cela aurait malheureusement pour effet de placer un employeur dont le consentement à une convention collective indique sa volonté de négocier de bonne foi avec le syndicat et de répondre aux attentes du régime de négociation collective, dans une position plus limitée que l'employeur peu coopératif qui peut n'avoir jamais signé de convention et qui n'est donc pas assujetti à l'arbitrage obligatoire. Toutefois, ce préjudice peut être plus apparent que réel car, en fait, il n'entraîne qu'une modification de juridiction et de procédure mais pas nécessairement la privation réelle du recours ultime.

23. On peut considérer que le contexte législatif est ambigü à l'égard de cette question. Bien que la législation établisse un régime dans lequel l'arbitrage joue un rôle central, elle ne prévoit pas de clause privative excluant la compétence des tribunaux sur les violations des conventions collectives qui, de toute évidence, en vertu de la loi, réglementent les droits juridiques des parties et sont obligatoires et exécutoires devant la juridiction appropriée. Cela diffère de l'usage que prévoient les lois provinciales et fédérales sur les relations de travail qui enlèvent expressément aux tribunaux tout pouvoir de révision, par quelque procédure que ce soit, des décisions des conseils des relations de travail créés par la loi. L'absence d'une telle mesure législative dans le cas des conseils d'arbitrage créés par contrat, même dans les provinces où ces conseils ont été reconnus comme créés par la loi et non de nature privée, fait peut‑être ressortir la présence d'une intention législative visant à maintenir un certain rôle pour les tribunaux traditionnels dans le cadre des relations de travail. La loi établit une préférence pour l'arbitrage d'un genre particulier par rapport à d'autres moyens de règlement des conflits, en élaborant une procédure à suivre lorsque les parties ne prévoient pas expressément d'autres méthodes pour régler leurs différends. Toutefois, lorsque les parties font un choix, la loi du Nouveau‑Brunswick, de même que la plupart des autres lois canadiennes sur les relations de travail, n'exigent pas réellement que les parties aient recours à l'arbitrage (la Loi sur les relations de travail de l'Ontario, L.R.O. 1980, chap. 228, constitue une exception à cet égard; voir Rivando, précité. Il faut que la convention collective prévoie une disposition pour "le règlement définitif et obligatoire, par voie d'arbitrage ou autrement et sans arrêt de travail". Les mots soulignés indiquent que, si elles le choisissent, les parties peuvent validement prévoir un certain nombre d'autres mécanismes de règlement, y compris le recours aux tribunaux (voir Acadia Pulp and Paper, précité). Par conséquent, même lorsque les parties, comme en l'espèce, ont choisi l'arbitrage, on peut soutenir que le par. 55(1) de la loi du Nouveau‑Brunswick n'est pas suffisant pour exclure la compétence inhérente des cours supérieures. Il ne s'agit pas d'une affaire comme l'arrêt Barraclough v. Brown, [1897] A.C. 615 (H.L.), où la loi [TRADUCTION] "désigne un tribunal précis ou tout autre organisme" pour appliquer les droits ou obligations créés par la loi, de manière que [TRADUCTION] "il faut avoir recours à cet organisme uniquement": voir De Smith’s Judicial Review of Administrative Action (4th ed., 1980), aux pp. 358 à 360.

24. De plus, la loi paraît reconnaître au conseil, aux tribunaux et aux arbitres agissant en vertu des dispositions de la convention collective, une compétence concurrente pour traiter des aspects des grèves illégales. Le paragraphe 102(3) prévoit:

102(3) Une déclaration faite en application du présent article ne porte pas atteinte à une procédure engagée devant un tribunal, ou à une procédure engagée en application d'une clause d'une convention collective, lorsque la question d'une grève légale ou illégale ... est en litige.

25. On peut considérer que cela correspond aux motifs de l'adoption des dispositions en matière d'arbitrage. Comme le laisse entendre lord Russell dans Young v. Canadian Northern Ry. Co., [1931] A.C. 83, la méthode appropriée pour des travailleurs qui faisaient valoir un grief en vertu d'une convention collective en common law, était de s'engager dans une action concertée, habituellement une grève, pour obliger l'employeur à l'accepter. La législation en matière de travail a été adoptée dans une grande mesure pour régler les relations industrielles tout en préservant la paix industrielle: le juge Cartwright, alors juge puîné, dans Winnipeg Builders’ Exchange, précité, à la p. 640. La pierre angulaire de cet ensemble législatif était de rendre illégal la grève ou le lock‑out pendant la durée d'une convention collective. En échange de cette restriction du droit de grève et de lock‑out, la législation rend les conventions collectives obligatoires et exécutoires. Aux états‑Unis, la clause interdisant la grève et la clause relative à l'arbitrage ont été considérées comme la contrepartie l'une de l'autre: Textile Workers v. Lincoln Mills of Alabama, 353 U.S. 448 (1957), à la p. 455 et Steelworkers v. American Mfg. Co., 363 U.S. 564 (1960), à la p. 567.

26. On peut conclure que, dans le contexte canadien, cela est indiqué par le fait que les griefs doivent être réglés au moyen de l'arbitrage "sans arrêt de travail". Il serait par conséquent illogique de permettre à un syndicat de plaider en défense dans des procédures judiciaires engagées pour empêcher une grève illégale que l'employeur aurait dû avoir recours à l'arbitrage, lorsque la conduite en litige est la conduite même que la disposition relative à l'arbitrage et que l'interdiction prévue par la loi étaient destinées à empêcher. Ainsi, dans l'arrêt Transport Labour Relations v. General Truck Drivers & Helpers Union, Local No. 31 (1974), 54 D.L.R. (3d) 457 (C.S.C.‑B.), qui portait sur un ralentissement de travail illégal pendant la durée d'une convention collective, le juge Meredith a rejeté aux pp. 459 et 460 l'argument que l'employeur était tenu d'avoir recours à l'arbitrage. Il a dit, [TRADUCTION] "Le syndicat a fait ce que la convention avait expressément pour but d'empêcher; il se trouve donc en violation flagrante à l'égard de son engagement de garder la paix tant que la convention est en vigueur."

27. Éviter l'effet perturbateur de la cessation de la production des biens et services, sauf dans des circonstances bien définies, constitue l'une des caractéristiques fondamentales de la législation en matière de relations de travail. Prévoir une reprise rapide des négociations normales en est une autre. Si les parties s'abstiennent longtemps ou de manière répétée de participer au processus réparateur que sont la négociation collective et les procédures de griefs, le programme est mis en échec. De même, les processus lents et coûteux de règlements des conflits réduisent les avantages du régime législatif et font en sorte que la société n'y a peut‑être pas accès. C'est cette réalité qui a entraîné la création de conseils d'arbitrage en matière de travail.

28. De manière limitée, l'accès facile au système judiciaire accordé par la société aux parties pour régler les différends qui prennent de quelque façon naissance dans la société, peut en lui‑même constituer un autre rempart contre la détérioration de l'entente entre employeur et employés. L'injonction interlocutoire obtenue par voie sommaire qui a toutefois une durée limitée, par exemple celle qui est régie par la Judicature Act de l'Ontario, qui est maintenant la Loi de 1984 sur les tribunaux judiciaires, 1984 (Ont.), chap. 11, art. 115, prend sa source de cette réalité. évidemment, il est loisible à la législature d'interdire cet accès, comme elle l'a fait dans le cas des clauses privatives concernant les conseils des relations de travail eux‑mêmes. Si la législature décide de limiter la juridiction et les recours auxquels les parties ont autrement accès, les règles d'interprétation qu'appliquent les tribunaux exigent qu'elle exprime son intention clairement. Si la législature ne le fait pas, il incombe toujours au tribunal de répondre à une requête appropriée en vue d'interdire une activité comme une grève ou un lock‑out qui enfreint la loi et la convention collective, soit le régime complet des relations de travail établi par la législature.

29. Pour délivrer une injonction interdisant une grève illégale, les tribunaux se sont fondés sur la violation de la convention collective et de la loi: Winnipeg Builders’ Exchange, précité. Toutefois, c'est de toute évidence la violation de la loi qui est la plus importante. Les tribunaux s'en sont remis au régime législatif et non à la seule disposition en matière d'arbitrage d'une convention collective. Ainsi, en Cour d'appel, le juge La Forest (maintenant juge de la Cour suprême), après avoir analysé le régime législatif, a écrit:

[TRADUCTION] Selon moi, si l'on permet à une partie à une convention collective d'intenter, à son gré, une action en dommages‑intérêts à l'égard de ce qui constitue réellement un différend qui résulte d'une convention collective, cela aura pour effet d'établir un recours en remplacement de celui qui est prévu par la législature.

Il a toutefois conclu à l'égard du pouvoir d'interdire les grèves illégales que

[TRADUCTION] ... ce pouvoir a été utilisé avec l'intention d'appuyer le régime législatif et non de le remplacer. Comme l'a dit le juge en chef Cartwright dans [Winnipeg Builders’ Exchange, précité], ... "on ferait échec dans une large mesure aux objectifs de la ... Loi si le tribunal devait dire qu'il n'est pas en mesure d'empêcher que se poursuive une grève déclenchée en violation directe des termes d'une convention collective qui lie les employés en grève et en violation des dispositions expresses de la Loi".

30. Si l'on adopte ce point de vue, il ressort clairement que les affaires qui confirment le pouvoir des tribunaux en matière d'injonction ne prétendent pas créer pour les tribunaux le pouvoir d'appliquer les termes des conventions collectives. Ils appliquent plutôt le droit commun tel qu'il est consacré dans la loi, qui comprend à la fois une interdiction expresse des grèves pendant la durée d'une convention collective et une disposition en matière d'arbitrage obligatoire et exécutoire qui, dans un grand nombre de cas, permettrait de régler le conflit à l'origine de la grève illégale. Une injonction interdisant une grève confirme aussi accessoirement les droits d'un employeur en vertu d'une convention collective et met précisément en oeuvre les obligations individuelles des employés pour le compte desquels la convention collective a été négociée en vertu de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau‑Brunswick. De tels effets accessoires, comme le démontre l'arrêt Winnipeg Builders’ Exchange, précité, ne constituent pas un motif suffisant pour refuser une injonction visant à empêcher qu'un acte clairement illégal ne cause des dommages, en l'absence de tout autre recours.

31. En l'espèce, les tribunaux du Nouveau‑Brunswick ont accordé l'injonction interlocutoire demandée. On ne s'est alors pas opposé à la compétence de la cour. La violation de cette injonction a par la suite donné lieu à des procédures d'outrage au tribunal contre le syndicat intimé et plusieurs de ses dirigeants. En imposant une amende de 15 000 $ dans la première de ces instances, le juge en chambre a fait remarquer à (1981), 35 N.B.R. (2d) 211, à la p. 215, que [TRADUCTION] "l'employeur ne peut évidemment pas renoncer à l'amende; il ne s'agit pas de dommages‑intérêts; c'est une amende imposée par le tribunal." En fait, il est évident que la Loi sur l’organisation judiciaire du Nouveau‑Brunswick, L.R.N.‑B. 1973, chap. J‑2, qui reprend la compétence d'equity établie en Angleterre par la Lord Cairns' Act (Chancery Amendment Act, 21 & 22 Vict., chap. 27) permettant d'accorder des dommages‑intérêts à la place d'une injonction ou en plus de celle‑ci, ne peut servir de fondement au redressement demandé en l'espèce. Les dommages‑intérêts dans ces circonstances ne viennent pas "à la place de" l'injonction qui a échoué, parce que celle‑ci avait en fait été délivrée. L'échec de l'injonction a été corrigé par les ordonnances d'outrage au tribunal, qui constituent les moyens appropriés pour exécuter une injonction. Les dommages‑intérêts civils ne font pas partie de l'arsenal du tribunal lui permettant d'assurer le respect de ses injonctions.

32. On ne peut pas non plus raisonnablement considérer que l'art. 91 de la Loi sur les relations industrielles établit une cause d'action en dommages‑intérêts en droit civil. Il s'agit simplement d'un élément d'une série de dispositions restrictives qui ont été incorporées par la législature dans une structure complexe à l'intérieur de laquelle les relations de travail dans la province doivent se dérouler. Il est contraire à l'objet et à la philosophie d'un tel texte législatif de l'encombrer d'actions connexes en dommages‑intérêts devant les tribunaux contre des personnes qui deviennent parties à ces relations. Les dommages‑intérêts, lorsqu'ils constituent le juste dédommagement pour un acte accompli en violation de la loi et de la convention collective, peuvent à bon droit être obtenus au cours d'un arbitrage fondé directement sur les termes de la convention collective, et non au cours d'une action devant les tribunaux fondée sur les termes de la loi.

33. Par ailleurs, lorsque la conduite de l'une ou l'autre partie à une convention collective dépasse le cadre de cette convention et porte atteinte à la disposition législative indépendante qui interdit la grève pendant la durée d'une convention collective, l'application complète du processus en matière de relations de travail établi par la législature est remise en question. L'acte dommageable est, d'une manière fortuite, un mélange de la violation d'une loi et d'un contrat. La législature n'a donné aucune directive précise selon laquelle les tribunaux ne peuvent pas entendre de demande d'injonction lorsque tout le régime législatif en matière de relations de travail est bafoué, par exemple dans les affaires où les employés font la grève pendant la durée d'une convention collective. Bien que la cessation du travail, de manière collective ou individuelle, puisse faire l'objet de procédures de griefs et d'arbitrage et puisse entraîner une décision arbitrale exigeant que la partie contrevenante mette fin à la conduite en question, il n'y a rien dans la Loi qui indique que ce rôle est exclusif. En fait, en ne limitant pas la disposition de l'art. 91 par un énoncé de procédure, et en ne déclarant pas d'une manière explicite que l'amende pour la violation d'une disposition de la Loi prévue au par. 111(1) constitue la seule réparation possible en cas de violation de l'art. 91, la Loi a fait en sorte que l'intérêt public soit défendu par les tribunaux pour éviter les grèves sauvages et les lock‑out illégaux lorsque la conduite reprochée justifie que la société agisse par l'entremise des tribunaux. De même, le par. 102(3), précité, envisage clairement une compétence permanente des tribunaux, nonobstant la déclaration du conseil des relations de travail selon laquelle une grève est illégale, pour traiter d'une telle question lorsqu'elle est soulevée dans des procédures engagées devant un tribunal. Les observations du savant auteur de Canadian Labour Law (1985), M. George W. Adams, c.r., sont à‑propos (à la p. 703):

[TRADUCTION] Les injonctions accordées par les tribunaux peuvent être utilisées pour limiter les violations d'une convention collective à moins qu'une loi n'interdise le recours aux tribunaux dans le cas d'action portant sur une convention collective. Par conséquent, en l'absence de telles mesures législatives restrictives, les injonctions ont été délivrées lorsque les tribunaux l'ont jugé nécessaire, la plupart du temps dans le cas de grèves illégales.

Le savant auteur ajoute que les tribunaux n'interviendront pas lorsque d'autres recours "également efficaces" existent par ailleurs. L'absence de ces recours dans la réalité d'un arrêt coûteux de la production constitue en fait la raison principale pour laquelle la loi permet d'avoir recours aux tribunaux pour obtenir une injonction, du moins dans le cas de grèves illégales.

34. Je conclus donc que les tribunaux jouissent d'une présence résiduelle limitée dans le régime des relations de travail comme cela ressort du programme législatif lorsque la conduite équivaut à une grève illégale ou un lock‑out et que la compétence générale pour délivrer une injonction en vertu de la Loi sur l’organisation judiciaire n'est pas restreinte dans ce contexte. Le tribunal d'instance inférieure ne paraît pas, comme il ressort du passage précité, avoir adopté la position selon laquelle un tribunal par ailleurs compétent ne peut pas intervenir uniquement au moyen d'une injonction, mais a plutôt porté son attention sur l'importance du conseil d'arbitrage dans le règlement des conflits par la procédure en matière de griefs. évidemment, si l'on demande l'arbitrage, les réparations peuvent être des dommages‑intérêts ou le rétablissement ou d'autres mesures de redressement propres au droit du travail.

35. Les faits de l'espèce sont très semblables à ceux de l'affaire Maritime Employers, précitée. Dans cette affaire‑là, le piquet de grève a été dressé par un autre syndicat qui était en grève contre un employeur différent, mais le lieu de travail était le même pour le syndicat en grève et le syndicat et l'employeur visés dans l'affaire Maritime Employers. En l'espèce, le syndicat qui a légalement dressé un piquet de grève est une section locale différente du même syndicat qui représente les ouvriers de l'usine qui ont refusé de le franchir, et l'employeur ainsi que le lieu de travail sont communs aux deux unités. Il en découle donc dans chaque affaire un piquet de grève légal entourant un lieu de travail commun et un refus illicite de franchir ce piquet de grève.

36. Dans les deux cas, l'employeur qui a subi un préjudice a intenté une action devant les tribunaux en vue d'obtenir une injonction. En l'espèce, l'employeur a également demandé des dommages‑ intérêts. C'était sans doute vrai dans l'affaire Maritime Employers, précitée, mais le dossier ne révèle pas l'étendue de la réclamation initiale. En l'espèce, le juge de première instance, de sa propre initiative, a rejeté l'action en ce qui a trait aux dommages‑intérêts. Dans l'affaire Maritime Employers, les parties n'ont présumément pas fait valoir leur réclamation et le tribunal, considérant que l'affaire était réglée par l'injonction interlocutoire, n'a pas traité de la question des dommages‑intérêts. Toutefois, il convient de souligner que la délivrance de l'injonction a été contestée dans cette affaire à chaque niveau d'appel pour plusieurs motifs, mais pas à cause du défaut de compétence du tribunal pour délivrer l'injonction.

37. Par conséquent, je conclus que les tribunaux d'instance inférieure ont eu raison en droit de reconnaître que la réclamation en dommages‑ intérêts doit être présentée dans le cadre de la juridiction désignée dans la convention, soit le conseil d'arbitrage. Tel est le cas lorsque le texte législatif exige que les parties prévoient un mécanisme pour le règlement des différends, que le conseil d'arbitrage ainsi prévu soit "créé par la loi" ou soit de nature privée. Le présent pourvoi n'exige pas que l'on parle de la question de l'éventail des redressements que le conseil peut appliquer pour régler les différends qui découlent d'une convention collective, car nous ne sommes saisis en l'espèce que d'une réclamation en dommages‑intérêts. Par ailleurs, pour compléter et clarifier l'affaire, il convient de souligner que, parce que les parties devant cette Cour ont présenté des arguments qui portaient toujours sur la question de la possibilité d'obtenir une injonction du tribunal et d'autres recours judiciaires, la procédure initiale d'injonction suivie par le tribunal dans ces cas relevait de sa compétence et celle‑ci n'avait pas été amoindrie par la loi en matière de relations de travail ou en fait par la présence de la convention collective et de sa disposition prévoyant l'arbitrage.

38. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Petrie & Richmond, Fredericton.

Procureurs de l’intimée: Neill, Breen & Miller, Fredericton.


Synthèse
Référence neutre : [1986] 1 R.C.S. 704 ?
Date de la décision : 12/06/1986
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Relations de travail - Convention collective - Violation - Grève déclenchée malgré l’interdiction de grève stipulée dans la convention collective et au mépris d’une injonction judiciaire - Action en dommages‑intérêts intentée par l’employeur - Le tribunal avait‑il compétence pour connaître de l’action ou la Loi donnait‑elle compétence exclusive au conseil d’arbitrage? - Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. 1973, chap. I‑4, art. 53(1), 55(1), 91(1).

Tribunaux - Compétence - Relations de travail - Convention collective - Violation - Grève déclenchée malgré l’'interdiction de grève stipulée dans la convention collective et au mépris d’une injonction judiciaire - Action en dommages‑intérêts intentée par l’employeur - Le tribunal avait‑il compétence pour connaître de l’action ou la Loi donnait‑elle compétence exclusive au conseil d’arbitrage?.

L'appelante a réclamé à l'intimée des dommages‑ intérêts pour les pertes résultant de ce qui était en fait la fermeture de son usine provoquée par le débrayage des ouvriers de l'usine en signe de solidarité avec les employés de bureau qui étaient légalement en grève. Ce débrayage a eu lieu bien que la convention collective de l'unité des ouvriers de l'usine interdît les grèves et les lock‑out. La réclamation était fondée sur la violation de la convention collective et de la Loi sur les relations industrielles. Avant l'instruction, le juge de première instance a soulevé la question préliminaire de savoir si, compte tenu de la disposition générale de la Loi sur les relations industrielles prévoyant le recours à l'arbitrage dans tous les cas de différends entre les parties à une convention collective, le tribunal était compétent pour entendre une demande fondée sur cette convention. Le juge de première instance a répondu à cette question par la négative et sa conclusion a été confirmée en appel.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Les procédures de grief et d'arbitrage établies dans les lois sur les relations de travail prévoient en général quel est le recours exclusif des parties à une convention collective pour son application. Peu importe que les questions en litige aient pu résulter en common law de la relation employeur‑employé en l'absence d'un régime de négociations collectives, si la convention collective qui lie les parties prévoit les questions en litige. Peu importe également de savoir si l'interprétation ou l'application des termes d'une convention collective sont en litige.

Le respect de la part des juges envers la procédure d'arbitrage existe, que l'organisme en question soit un tribunal créé par la loi ou un tribunal de nature privée, dont la création ne résulte d'aucune loi. Il s'agit d'un respect issu de l'idée que si les parties avaient accès aux tribunaux comme autres juridictions, on porterait atteinte à un régime législatif global destiné à régir tous les aspects du rapport entre les parties dans le cadre des relations de travail.

Le pouvoir du tribunal d'interdire une grève illégale n'est néanmoins pas amoindri lorsque le processus de grief et d'arbitrage ne peut offrir de solution adéquate dans les circonstances. Ce n'est pas un pouvoir d'appliquer les conventions collectives comme telles; c'est plutôt un pouvoir d'appliquer le droit commun tel qu'il est consacré dans la loi, et qui comprend à la fois une interdiction expresse des grèves pendant la durée d'une convention collective et une disposition en matière d'arbitrage obligatoire et exécutoire. Bien qu'une injonction puisse de manière accessoire obliger les parties à respecter les droits et à remplir les obligations découlant d'une convention collective, ces effets accessoires ne constituent pas un motif suffisant pour refuser une injonction visant à empêcher le préjudice immédiat qui découle d'un acte clairement illégal, en l'absence de tout autre recours.

La compétence d'equity permettant d'accorder des dommages‑intérêts à la place d'une injonction ou en plus de celle‑ci ne peut servir de fondement au redressement demandé en l'espèce. Les dommages‑intérêts n'ont pas été réclamés à la place d'une injonction parce qu'une injonction avait été délivrée. L'échec de l'injonction a été corrigé par des ordonnances d'outrage au tribunal, soit le moyen approprié d'exécution d'une injonction. Les dommages‑intérêts civils ne font pas partie de l'arsenal dont dispose un tribunal pour assurer le respect de ses injonctions.

L'article 91 de la Loi sur les relations industrielles n'établit pas de cause d'action en dommages‑intérêts. Il s'agit simplement d'un élément d'une série de dispositions restrictives faisant partie d'une structure complexe qui régit les relations de travail. Il est contraire à l'objet et à la philosophie de ces textes législatifs d'alourdir cette structure par des actions connexes en dommages‑intérêts. Lorsque les dommages‑intérêts constituent le juste dédommagement pour un acte accompli en violation de la loi et de la convention collective, on peut à bon droit les obtenir au cours d'un arbitrage fondé sur les termes de la convention collective, et non au cours d'une action devant les tribunaux fondée sur les termes de la Loi.


Parties
Demandeurs : St. Anne Nackawic Pulp & Paper
Défendeurs : SCTP

Références :

Jurisprudence
Arrêts examinés: International Brotherhood of Electrical Engineers, Local Union 2085 v. Winnipeg Builders’ Exchange, [1967] R.C.S. 628
Winnipeg Teachers’ Association c. Winnipeg School Division No. 1, [1976] 2 R.C.S. 695
McGavin Toastmaster Ltd. c. Ainscough, [1976] 1 R.C.S. 718
General Motors of Canada Ltd. c. Brunet, [1977] 2 R.C.S. 537
arrêts mentionnés: Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, [1980] 2 R.C.S. 181
Hamilton Street Railway Co. v. Northcott, [1967] R.C.S. 3
Woods v. Miramichi Hospital (1966), 59 D.L.R. (2d) 290
Logan v. Board of School Trustees District No. 14 (1973), 40 D.L.R. (3d) 152
Foisy c. Bell Canada, [1984] C.S. 1164, 18 D.L.R. (4th) 222
Shank v. The KVP Co., [1966] 2 O.R. 847
Close v. Globe & Mail Ltd. (1966), 60 D.L.R. (2d) 105
Acadia Pulp and Paper Ltd. v. International Brother­hood of Pulp, Sulphite and Paper Mill Workers (1970), 15 D.L.R. (3d) 227
Ford v. Trustees of the Ottawa Civic Hospital, [1973] 3 O.R. 437
Binder v. Halifax County Municipal School Board (1978), 84 D.L.R. (3d) 494
Bergeron v. Kingsway Transports Ltd. (1979), 23 O.R. (2d) 332
Campbell v. East‑West Packers (1969) Ltd. (1982), 142 D.L.R. (3d) 90
Lawn v. Algonquin College of Applied Arts and Technology (1982), 39 O.R. (2d) 377
Hooper v. Wellington County Board of Education (1984), 46 O.R. (2d) 680
Bourne v. Otis Elevator Co. (1984), 45 O.R. (2d) 321
Caines v. Cape Breton Development Corp. (1973), 39 D.L.R. (3d) 606
Downey v. Scotia Square Hotel Ltd. (1974), 55 D.L.R. (3d) 300
Drogt v. Robson‑Lang Leathers Ltd., [1971] 3 O.R. 488
Perini Pacific Ltd. v. International Union of Operating Engineers, Local 115 (1961), 28 D.L.R. (2d) 727
Roberval Express Ltée c. Union des chauffeurs de camions, hommes d’entrepôts et autres ouvriers, local 106, [1982] 2 R.C.S. 888
Howe Sound Co. v. International Union of Mine, Mill and Smelter Workers (Canada), Local 663, [1962] R.C.S. 318
Association internationale des débardeurs, sections locales 273, 1039, 1764 c. Association des employeurs maritimes, [1979] 1 R.C.S. 120
British Columbia Maritime Employers Assn. v. International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union—Canadian Area, [1972] 5 W.W.R. 738
Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co. v. Industrial Union of Marine and Shipbuilding Workers, Local 3 (1979), 26 N.B.R. (2d) 179
New Brunswick Electric Power Commission v. International Brother­hood of Electrical Workers, Local 1733 (1978), 22 N.B.R. (2d) 364
Re International Nickel Co. of Canada and Rivando, [1956] O.R. 379
Barraclough v. Brown, [1897] A.C. 615
Young v. Canadian Northern Ry. Co., [1931] A.C. 83
Textile Workers v. Lincoln Mills of Alabama, 353 U.S. 448 (1957)
Steelworkers v. American Mfg. Co., 363 U.S. 564 (1960)
Transport Labour Relations v. General Truck Drivers & Helpers Union, Local No. 31 (1974), 54 D.L.R. (3d) 457.
Lois et règlements cités
Chancery Amendment Act (Lord Cairns' Act), 21 & 22 Vict., chap. 27.
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1.
Labour Relations Act, R.S.N.B. 1952, chap. 124, art. 18(3).
Loi de 1984 sur les tribunaux judiciaires, 1984 (Ont.), chap. 11, art. 115.
Loi sur l’organisation judiciaire, L.R.N.‑B. 1973, chap. J‑2.
Loi sur les droits syndicaux, L.R.O. 1980, chap. 456, art. 3(3).
Loi sur les relations de travail, L.R.O. 1980, chap. 228.
Loi sur les relations industrielles, L.R.N.‑B. 1973, chap. I‑4, art. 53(1), 55(1), (2), 56(2), 91(1), 102(3), 109(4), 111(1).
Trade‑unions Act, R.S.B.C. 1960, chap. 384, art. 4.
Doctrine citée
Adams, George W. Canadian Labour Law, Aurora, Ont., Law Book Inc., 1985.
De Smith, S. A. De Smith’s Judicial Review of Administrative Action, 4th ed. by J. M. Evans, London, Stevens & Sons, 1980.

Proposition de citation de la décision: St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704 (12 juin 1986)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1986-06-12;.1986..1.r.c.s..704 ?
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