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18/12/1986 | CANADA | N°[1986]_2_R.C.S._573

Canada | SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573 (18 décembre 1986)


SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573

Syndicat des détaillants, grossistes et magasins à rayons, section locale 580, Al Peterson et Donna Alexander Appelants

c.

Dolphin Delivery Ltd. Intimée

et

Procureur général du Canada, procureur général de la Colombie‑Britannique, procureur général de l'Alberta et procureur général de Terre‑Neuve Intervenants

répertorié: sdgmr c. dolphin delivery ltd.

No du greffe: 18720.

1984: 6, 7 décembre: 1986: 18 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Bee

tz, Estey, McIntyre, Chouinard, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contr...

SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573

Syndicat des détaillants, grossistes et magasins à rayons, section locale 580, Al Peterson et Donna Alexander Appelants

c.

Dolphin Delivery Ltd. Intimée

et

Procureur général du Canada, procureur général de la Colombie‑Britannique, procureur général de l'Alberta et procureur général de Terre‑Neuve Intervenants

répertorié: sdgmr c. dolphin delivery ltd.

No du greffe: 18720.

1984: 6, 7 décembre: 1986: 18 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, [1984] 3 W.W.R. 481, 52 B.C.L.R. 1, 84 CLLC ¶14,036, qui a rejeté un appel d'une ordonnance du juge local Sheppard de la Cour suprême, [1983] B.C.W.L.D. 100, qui avait accordé une injonction interlocutoire. Pourvoi rejeté.

F. Schroeder, pour les appelants.

Peter Gall et Donald Jordan, pour l'intimée.

James M. Mabbutt et Peter K. Doody, pour l'intervenant le procureur général du Canada.

Jack Giles, c.r., et Robert McDonell, pour l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Brian R. Burrows, pour l'intervenant le procureur général de l'Alberta.

James L. Thistle et Deborah E. Fry, pour l'intervenant le procureur général de Terre‑Neuve.

Version française du jugement du juge en chef Dickson et des juges Estey, McIntyre, Chouinard et Le Dain rendu par

1. Le juge McIntyre—Ce pourvoi soulève la question de savoir si le piquetage secondaire fait par les membres d'un syndicat ouvrier dans le cadre d'un conflit de travail est une activité protégée par l'al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés et qui, en conséquence, ne peut pas à bon droit être empêchée par voie d'injonction. En cherchant la réponse à cette question, il faut prendre en considération l'application de la Charte à la common law ainsi que son application aux litiges privés.

2. L'intimée Dolphin Delivery Ltd. ("Dolphin") est une société qui exploite une entreprise de messageries à Vancouver et dans les environs. Ses employés sont représentés par un syndicat autre que l'appelant. Suivant l'art. 8 de la convention collective qui régit les rapports entre Dolphin et le syndicat représentant ses employés, [TRADUCTION] "le refus d'un employé de franchir une ligne de piquetage établie en pleine conformité avec le British Columbia Labour Code ne constitue pas une violation de la présente convention et ne justifie ni mesures disciplinaires ni renvoi". Le syndicat appelant, accrédité en vertu de la loi fédérale, est l'agent négociateur des employés de Purolator Courier Incorporated ("Purolator"). L'établissement principal de cette dernière société se trouve en Ontario mais, avant de lock‑outer ses employés en juin 1981 lors d'un conflit de travail, elle avait un établissement à Vancouver. Ce conflit n'est pas encore réglé. Antérieurement au lock‑out, Dolphin faisait affaires avec Purolator en effectuant pour celle‑ci des livraisons dans la région qu'elle desservait. Depuis le lock‑out, Dolphin fait affaires de la même manière avec une autre société connue sous le nom de Supercourier Ltd. ("Supercourier") et constituée sous le régime de la loi ontarienne. Il existe entre Supercourier et Purolator un lien dont la nature exacte n'est pas établie clairement dans la preuve. Toutefois, il appert que Dolphin traite avec Supercourier à peu près de la même manière qu'elle le faisait auparavant avec Purolator et qu'environ vingt pour cent de son chiffre d'affaires provient de Supercourier. Cela correspond approximativement au pourcentage de ses affaires avec Purolator avant le lock‑out.

3. En octobre 1982, l'appelant a demandé à la Commission des relations de travail de la Colombie‑Britannique une déclaration portant que Dolphin et Supercourier étaient des alliées de Purolator dans le conflit qui les opposait. Aux termes de la loi de la Colombie‑Britannique, une déclaration en ce sens aurait rendu légal le piquetage à l'établissement de Dolphin. La Commission a toutefois refusé d'accorder la déclaration demandée, pour le motif qu'elle n'avait pas compétence pour le faire étant donné que les négociations collectives entre le syndicat et Purolator et tout piquetage qui pourrait avoir lieu étaient régis par le Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1. Face à cette conclusion, les parties s'entendent pour dire que, dans les cas où le Labour Code de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1979, chap. 212, ne s'applique pas, la légalité du piquetage doit être déterminée en fonction de la common law vu le silence du Code canadien du travail sur cette question. En novembre 1982, les particuliers appelants ont, au nom du syndicat appelant, prévenu Dolphin que son établissement à Vancouver ferait l'objet de piquetage à moins qu'elle n'accepte de mettre fin à ses relations d'affaires avec Supercourier. Une demande a été faite immédiatement en vue d'obtenir une injonction quia timet qui empêcherait ce piquetage. En fait, il n'y a pas eu de piquetage puisque la demande a été faite avant qu'il n'ait pu commencer.

4. Le juge local Sheppard de la Cour suprême a été saisi de l'affaire et, le 30 novembre, il a accordé une injonction portant:

[TRADUCTION] ... qu'il est interdit aux défendeurs, individuellement et collectivement, et à toute personne agissant en leur nom ou conformément à leurs directives et à toute personne ayant connaissance de cette ordonnance, de se livrer au piquetage, ou de faire faire du piquetage, à l'établissement de la demanderesse ou aux alentours de 30 ouest, rue Pender à Vancouver ou ailleurs dans la province de la Colombie‑Britannique en attendant que le litige soit réglé par voie de procès ou autrement.

Le juge Sheppard a refusé de conclure que Purolator et Dolphin étaient en réalité des alliées, disant à ce propos:

[TRADUCTION] Je ne puis, sur la foi de la preuve dont je dispose, retenir l'interprétation donnée aux faits par l'avocat. Visiblement, la demanderesse appartient à des personnes qui n'ont aucun lien avec les propriétaires de Supercourier ou de Purolator. Selon la prépondérance des probabilités et compte tenu des éléments de preuve qu'on a produits, je conclus que, même si Supercourier est un subterfuge auquel a eu recours Purolator afin de contourner le conflit de travail (hypothèse qui, selon moi, n'a pas été prouvée), la demanderesse n'était pas au courant de cet arrangement.

Il a ajouté:

[TRADUCTION] Compte tenu de ces faits, il me semble que l'un des arrêts de principe applicables est Moffat Communications (précité) et que ce que compte faire le syndicat en faisant du piquetage chez la demanderesse requérante est du piquetage secondaire visant la perpétration des délits d'incitation à rompre un contrat ou de complot civil, en ce sens qu'il vise principalement à nuire à la demanderesse plutôt qu'à assurer la diffusion d'information et la protection des intérêts du défendeur. Par conséquent, je conclus que la demanderesse a droit à une injonction empêchant le piquetage.

5. La Cour d'appel (les juges Taggart, Hutcheon et Esson) [[1984] 3 W.W.R. 481] a rejeté l'appel. L'appelant n'a pas cherché à contester l'application de la common law par le juge en chambre. Il a choisi plutôt de s'appuyer sur la Charte. Or, la Charte n'avait pas été invoquée devant le juge en chambre, mais, l'intimée ne s'y étant pas opposée, elle l'a été en Cour d'appel où l'appelant a fait valoir qu'en adoptant et en appliquant des principes de common law comme fondement de sa décision d'accorder l'injonction, le juge en chambre a porté atteinte aux libertés fondamentales que lui garantit l'art. 2 de la Charte, en particulier l'al. 2b) relatif à la liberté d'expression et l'al. 2d) relatif à la liberté d'association.

6. Le juge Esson, s'exprimant en son propre nom et en celui du juge Taggart, a conclu qu'on ne saurait invoquer ni la liberté d'expression ni la liberté d'association pour protéger l'activité faisant l'objet de l'injonction et que, même s'il y avait atteinte à la liberté d'expression de l'appelant, cela constituerait une limite raisonnable au sens de l'article premier de la Charte. Le juge Hutcheon pour sa part a été d'avis que le piquetage paisible est une forme d'expression protégée par la Charte. Il a estimé toutefois que, dans la mesure où le piquetage a pour but d'inciter à rompre un contrat, le fait de l'empêcher pourrait constituer une limite raisonnable au sens de l'article premier. Il a écarté l'applicabilité du délit de complot civil dans le cas d'un conflit de travail. Sur la question de la liberté d'association, il a partagé l'avis de la majorité. Il a estimé qu'il appartenait au juge en chambre de décider si le piquetage occasionnerait une rupture de contrat et aussi si Dolphin et Purolator étaient des alliées. Selon lui, une conclusion affirmative sur ce dernier point aurait exclu l'application de l'article premier de la Charte parce que le piquetage dirigé contre une alliée constituerait un exercice de la liberté d'expression. En dernière analyse, puisqu'on avait établi une justification de l'injonction, il a été d'accord pour dire qu'il y avait lieu de rejeter l'appel.

7. En cette Cour, les appelants ont renoncé à plaider que l'injonction portait atteinte à la liberté d'association que leur confère l'al. 2d) de la Charte. On a simplement allégué qu'il y a eu violation de la liberté d'expression garantie par l'al. 2b) de la Charte et que cette violation ne constituait pas une limite raisonnable imposée par une règle de droit au sens où l'entend l'article premier. L'intimée a soutenu qu'il n'y avait pas eu d'atteinte à la liberté d'expression puisque le type de piquetage envisagé en l'espèce ne constituait pas une forme d'expression et, subsidiairement, que l'injonction représentait en tout état de cause une limite raisonnable au sens de l'article premier.

8. La tâche de cette Cour est rendue difficile en l'espèce par la manière dont le litige s'est déroulé devant les tribunaux d'instance inférieure. La demande d'injonction a été faite avant même qu'il n'y ait eu du piquetage. La preuve se limitait à des affidavits et à des contre‑interrogatoires portant sur ceux‑ci. Les conclusions de fait sur la question fondamentale de la nature du piquetage appréhendé sont limitées. Normalement, la Cour n'accepte d'examiner des questions constitutionnelles que dans les cas où les arguments se fondent sur une base factuelle plus solide. Cependant, en raison de la nature de la présente affaire, la Cour se sent obligée de le faire. Voilà qui m'amène aux conclusions de fait et à certaines hypothèses sur lesquelles reposera la décision de la Cour.

9. Le juge Esson de la Cour d'appel a dit [à la p. 499]:

[TRADUCTION] L'injonction vise à empêcher le piquetage secondaire, c.‑à‑d. le piquetage dirigé contre les locaux et l'entreprise d'une personne qui fait des affaires avec l'employeur, mais qui est étrangère au conflit entre celui‑ci et le syndicat. Le juge en chambre s'est penché sur la question de savoir si les rapports entre la demanderesse Supercourier et Purolator étaient tels que la demanderesse ne doit pas être considérée comme un tiers. Il a conclu qu'elle avait cette qualité et on doit, aux fins du présent appel, accepter sa conclusion.

Cette conclusion de fait a été contestée. L'avocat de l'appelant soutient qu'aucune conclusion du genre ne se dégage des motifs du juge en chambre. Toutefois, ayant examiné les extraits précités des motifs du juge en chambre, je suis d'avis que l'observation du juge Esson était justifiée et que le juge en chambre a réellement conclu que l'intimée était étrangère au conflit. Le juge de première instance a décidé en outre que l'objet du piquetage était de nature délictuelle et qu'il visait avant tout à nuire à la demanderesse plutôt qu'à assurer la diffusion d'information et la protection des intérêts du défendeur.

10. Le juge Hutcheon de la Cour d'appel semble avoir lui aussi reconnu la difficulté du fondement factuel. Voici ce qu'il a affirmé [à la p. 484]:

[TRADUCTION] L'injonction provisoire a été accordée avant même qu'il n'y ait eu du piquetage. Cela étant, il faut présumer que le piquetage serait paisible, que certains employés de Dolphin Delivery et d'autres syndiqués travaillant pour des clients ne franchiraient pas la ligne de piquetage, et que les activités quotidiennes de Dolphin Delivery seraient considérablement perturbées.

Ces hypothèses sont raisonnables et je les fais miennes. En résumé donc, il a été conclu que l'intimée était étrangère au conflit, que le piquetage envisagé serait de nature délictuelle et qu'il avait pour objet de nuire à la demanderesse. On a présumé que le piquetage se passerait paisiblement, que certains employés de l'intimée et d'autres syndiqués travaillant pour des clients refuseraient de franchir les lignes de piquetage et que les affaires de l'intimée seraient considérablement perturbées.

11. Les questions suivantes se posent:

1. L'injonction dont on se plaint en l'espèce a‑t‑elle pour effet de restreindre la liberté d'expression garantie par l'al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés?

2. La Charte s'applique‑t‑elle à la common law?

3. La Charte s'applique‑t‑elle aux litiges privés?

4. Si on conclut que l'injonction impose une limite à la liberté d'information, cette limite est‑elle raisonnable au sens de l'article premier de la Charte?

Liberté d'expression

12. Comme je l'ai déjà souligné, les appelants n'invoquent pour justifier le piquetage en question que les dispositions de l'al. 2b) de la Charte qui garantissent la liberté d'expression à titre de liberté fondamentale. La liberté d'expression n'est toutefois pas une création de la Charte. Elle constitue l'un des concepts fondamentaux sur lesquels repose le développement historique des institutions politiques, sociales et éducatives de la société occidentale. La démocratie représentative dans sa forme actuelle, qui est en grande partie le fruit de la liberté d'exprimer des idées divergentes et d'en discuter, dépend pour son existence de la préservation et de la protection de cette liberté.

13. La reconnaissance de l'importance de la liberté d'expression ne date pas d'hier: voir John Milton, Areopagitica; A Speech for the Liberty of Unlicenc’d Printing, to the Parliament of England (1644), et John Stuart Mill, "On Liberty" dans On Liberty and considerations on Representative Government (Oxford 1946), à la p. 14:

[TRADUCTION] Si tous les hommes sauf un étaient du même avis et qu'une seule personne fût d'avis contraire, il ne serait pas justifié que l'ensemble des hommes bâillonnent ce seul individu, pas plus qu'il ne serait justifié que ce dernier, s'il en avait le pouvoir, bâillonne tous les autres hommes.

Puis, après avoir dit que [TRADUCTION] "Tout acte ayant pour effet de supprimer la discussion suppose l'infaillibilité de son auteur", il a ajouté à la p. 16:

[TRADUCTION] Il est toutefois évident d'une évidence qui se passe de démonstration qu'une époque n'est pas plus infaillible que des individus, car chaque époque a été caractérisée par un grand nombre d'opinions qui, à des époques subséquentes, ont été considérées non seulement comme fausses mais comme absurdes; et il est tout autant certain que beaucoup d'opinions maintenant généralement acceptées seront un jour rejetées de la même manière que le sont à présent un bon nombre d'opinions jadis courantes.

14. L'importance des propos de Mill n'est nullement diminuée par l'abondante documentation qui traite de ce sujet. Le principe de la liberté de parole et d'expression a été accepté sans réserve comme une caractéristique nécessaire de la démocratie moderne. Les tribunaux ont reconnu ce fait. Pour un exemple américain, voir les motifs de dissidence du juge Holmes dans l'arrêt Abrams v. United States, 250 U.S. 616 (1919), à la p. 630:

[TRADUCTION] La persécution pour l'expression d'opinions me semble parfaitement logique. Il est naturel que quelqu'un qui ne doute pas de ses prémisses ni de son pouvoir et qui désire de tout son coeur obtenir un certain résultat exprime sa volonté sous la forme d'une loi et qu'il balaie toute opposition ... Mais lorsque les hommes se seront rendus compte que le temps a détruit beaucoup de convictions pour lesquelles on était prêt à se battre, ils pourront en arriver à croire, encore plus fermement qu'ils ne croient en le fondement même de leur propre conduite, que le libre échange des idées est le plus sûr moyen d'atteindre le bien suprême souhaité—que c'est le pouvoir d'une idée de triompher de toute concurrence pour enfin se faire accepter qui est la meilleure preuve de sa vérité et que ce n'est qu'à partir d'une base de vérité que les souhaits des hommes peuvent se réaliser sans que cela n'entraîne de risque.

15. Avant l'adoption de la Charte, la liberté de parole et d'expression avait été reconnue comme une caractéristique essentielle de la démocratie parlementaire canadienne. En fait, on peut dire que c'est cette Cour qui lui a conféré son statut constitutionnel. Dans l'arrêt Boucher v. The King, [1951] R.C.S. 265, le juge Rand, l'un des juges formant la majorité qui ont restreint la portée du crime de sédition, affirme, à la p. 288:

[TRADUCTION] Pour des raisons évidentes, aucune décision moderne n'établit que le simple fait de tendre à provoquer le mécontentement ou la désaffection chez les sujets de Sa Majesté ou de causer de l'animosité ou de l'hostilité entre des groupes de ses sujets, sans toutefois tendre à aboutir à une conduite illégale, constitue le crime en question. La liberté d'opinion et de parole et les divergences d'opinions en matière d'idées et de croyances sur tous les sujets concevables sont l'essence de notre vie. Le choc des discussions critiques sur des sujets politiques, sociaux et religieux est tellement ancré dans l'expérience quotidienne qu'on ne peut incriminer les controverses pour le seul motif qu'elles font naître des inimitiés. Un examen superficiel du terme révèle son insuffisance: que faut‑il en fait pour qu'une conduite soit criminelle? D'un point de vue purement subjectif, peut‑elle jamais l'être? Des divergences d'opinions sur des conceptions abstraites soulèvent continuellement de vives controverses; dans certains domaines l'hérésie tient encore du péché mortel; les idées au même titre que les êtres humains peuvent porter l'empreinte d'un puritanisme fanatique; mais notre société libre accepte et assimile ces différences et, reposant sur une uniformité plus profonde et plus étendue qui constitue le fondement de la stabilité sociale, elles se manifestent dans le cadre général de la liberté et de l'ordre. Ainsi en va‑t‑il aussi du mécontentement, de la désaffection et de l'hostilité; en tant que phénomènes subjectifs découlant de la controverse, ces sentiments et les idées qui les suscitent font partie de notre vie quotidienne et, en dernière analyse, servent à nous stimuler, à clarifier nos idées et, à notre avis, nous aident dans nos efforts de déterminer la nature et la vérité de toutes choses.

Dans l'arrêt Switzman v. Elbling, [1957] R.C.S. 285, cette Cour a déclaré invalide la "loi du cadenas" du Québec et, une fois de plus, le juge Rand s'est prononcé vigoureusement sur la question. À la page 306, il affirme ce qui suit:

[TRADUCTION] Toutefois, l'opinion publique, pour faire face à une telle responsabilité, exige un accès à peu près libre aux idées et leur diffusion sans entraves. Le gouvernement parlementaire considère comme admise l'aptitude qu'a l'homme, agissant librement et sous son propre empire, à se gouverner lui‑même. Ce progrès se réalise le mieux dans le degré de libération de l'homme de ses entraves, tant subjectives qu'objectives. Sous cette forme de gouvernement, la liberté de discussion au Canada, comme sujet de législation, revêt une importance et un intérêt égaux pour toutes les régions. Avec de telles dimensions, elle est ipso facto exclue du paragraphe 16 qui traite des matières de nature locale.

Ce fait constitutionnel est l'expression politique de la condition essentielle de la vie sociale, de la pensée et de sa communication par le langage. La liberté en ce domaine est tout aussi vitale à l'esprit humain que l'est la respiration à l'existence physique de l'individu. En tant que caractère propre à l'individu, elle fait partie de son statut de citoyen.

Dans la même affaire, le juge Abbott dit, à la p. 326:

[TRADUCTION] Le droit d'exprimer librement nos opinions et nos critiques sur des questions d'intérêt public et sur l'administrationn des affaires publiques et le droit de discuter et de débattre ces questions, qu'elles soient sociales, économiques ou politiques, sont des droits essentiels au fonctionnement d'une démocratie parlementaire comme la nôtre.

Il poursuit en se référant abondamment aux propos du juge en chef Duff dans le Reference re Alberta Statutes, [1938] R.C.S. 100, aux pp. 132 et 133, où celui‑ci a prôné énergiquement ce qu'on pourrait presque décrire comme un statut constitutionnel pour la notion de la liberté de parole et d'expression en droit canadien. Puis, à la p. 328, il affirme ceci:

[TRADUCTION] Même si, naturellement, il n'est pas nécessaire de trancher cette question aux fins du présent pourvoi, puisqu'on a déclaré que la Constitution canadienne reposait sur les mêmes principes que celle du Royaume‑Uni, je suis également d'avis que, dans l'état actuel de notre Loi constitutionnelle, le Parlement lui‑même ne pourrait abroger ce droit de discussion et de débat. Le pouvoir du Parlement de le limiter se restreint, à mon avis, aux pouvoirs qu'il peut exercer en vertu de sa compétence législative exclusive en matière de droit criminel et à ce qui peut se ranger sous son pouvoir de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement de la nation.

16. On constate immédiatement que c'est avec raison que le professeur Peter W. Hogg a fait remarquer ce qui suit, à la p. 713 de son ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada (2nd ed. 1985):

[TRADUCTION] Les juges canadiens ont toujours attaché beaucoup d'importance à la liberté d'expression comme élément de la démocratie parlementaire et, par les moyens limités dont ils disposaient avant l'adoption de la Charte des droits, ils se sont efforcés de protéger cette liberté.

L'alinéa 2b) de la Charte déclare que la liberté d'expression est une liberté fondamentale et son statut constitutionnel ne fait donc plus aucun doute.

17. La question qui se pose maintenant est la suivante: La liberté d'expression est‑elle en cause en l'espèce? En cherchant la réponse à cette question, il convient de souligner au départ que, quelle que soit la forme qu'il prend, le piquetage comporte un certain élément d'expression. Les piqueteurs se trouveraient à transmettre un message qui serait considéré à tout le moins comme de la persuasion visant à dissuader les clients actuels et éventuels de l'intimée de faire affaires avec celle‑ci. La question se pose ensuite de savoir si, dans les circonstances de la présente espèce, il s'agit là d'une forme d'expression qui bénéficie de la protection accordée par l'al. 2b) de la Charte et, dans l'affirmative, si l'injonction restreint ou porte atteinte à cette liberté.

18. Les appelants soutiennent énergiquement que le piquetage est une forme d'expression qui peut parfaitement bénéficier de la protection de la Charte et, à l'appui de leur point de vue, ils invoquent plusieurs arrêts dont le Reference re Alberta Statutes, précité; Switzman v. Elbling, précité; les arrêts américains Thornhill v. Alabama, 310 U.S. 88 (1940), (le juge Murphy, à la p. 95); Milk Wagon Drivers Union v. Meadowmoor Dairies, 312 U.S. 287 (1941), (le juge Black, à la p. 302); ainsi que plusieurs autres décisions canadiennes. Rejetant la distinction entre la notion de la parole et celle de la conduite que fait la jurisprudence américaine dans les affaires de piquetage, les appelants acceptent l'opinion exprimée par le juge Hutcheon de la Cour d'appel en faisant siens les propos du juge en chef Freeman dans l'arrêt manitobain Channel Seven Television Ltd. v. National Association of Broadcast Employees and Technicians, [1971] 5 W.W.R. 328, savoir que [TRADUCTION] "Le piquetage paisible relève du domaine de la liberté de parole".

19. L'intimée pour sa part donnerait à la notion de la liberté d'expression une portée plus étroite. Sa position est résumée dans son mémoire:

[TRADUCTION] 4. Nous soutenons que la protection constitutionnelle accordée par l'al. 2b) ne doit jouer qu'en faveur des formes d'expression qui méritent cette protection, sinon il y aurait une banalisation générale de la liberté d'expression, qui ne pourrait qu'entraîner l'avilissement ou la dilution de celle‑ci.

On s'appuie sur l'opinion, exprimée par la Cour d'appel à la majorité, selon laquelle le piquetage dans un conflit de travail ne sert pas qu'à communiquer de l'information. C'est aussi un appel aux syndiqués à ne pas franchir la ligne de piquetage. Les lignes de piquetage sont à ce point respectées par les syndiqués que le piquetage aurait pour effet non pas de communiquer des renseignements, mais de nuire gravement à l'entreprise de l'employeur. Par conséquent, prétend‑on, puisque la ligne de piquetage n'avait pas pour but de favoriser le dialogue ou la discussion (comme ce serait le cas s'il avait pour objet l'exercice de la liberté d'expression), il ne peut bénéficier de la protection de la Charte.

20. Compte tenu des conclusions de fait déjà mentionnées, il est évident que le piquetage envisagé en l'espèce avait pour objet d'inciter à la rupture du contrat entre l'intimée et Supercourier et, par ce moyen, d'exercer sur elle une pression économique qui la forcerait à cesser de faire affaires avec Supercourier. Il est évident aussi qu'en cas de réussite le piquetage aurait causé à l'intimée un préjudice grave. Cela n'a toutefois rien de remarquable puisque tout piquetage vise à exercer une pression économique sur la personne qui en fait l'objet et à provoquer des pertes financières tant que le but du piquetage n'est pas atteint. Le piquetage, je le répète, comporte toujours un élément d'expression. Le syndicat informe le grand public qu'il est impliqué dans un conflit de travail, qu'il cherche à imposer sa volonté à l'entreprise qui fait l'objet du piquetage et qu'il demande aux membres du public de l'aider en respectant la ligne de piquetage. Cette forme d'expression sera évidemment toujours accompagnée d'actes de la part des piqueteurs, mais ce ne sont pas tous leurs actes qui auront pour effet de changer la nature de l'ensemble de l'opération et de la soustraire à la protection accordée à la liberté d'expression par la Charte. Bien sûr, cette liberté ne jouerait pas dans le cas de menaces ou d'actes de violence. Aucune protection n'est accordée lorsqu'il y a destruction de biens, voies de fait ou autres types de conduite manifestement illégale. Nous n'avons toutefois pas à nous préoccuper de cela puisque, en l'espèce, le piquetage aurait été paisible. Je suis donc d'avis que le piquetage qu'on a voulu empêcher aurait comporté l'exercice du droit à la liberté d'expression.

L'article premier de la Charte

21. Vu l'issue du pourvoi que je propose, il n'est pas nécessaire d'examiner l'application de l'article premier de la Charte. Toutefois, comme on s'y est penché en Cour d'appel, je vais en traiter ci‑dessous. Il faut se rappeler que le juge en chambre a accordé l'injonction parce que le piquetage comportait la perpétration de deux délits de common law, celui de complot civil en vue de nuire et celui d'incitation à la rupture d'un contrat. En Cour d'appel, le juge Hutcheon a dit [aux pp. 486 et 487]:

[TRADUCTION] J'estime que ces deux délits doivent être traités différemment. Le délit civil de complot en vue de nuire n'est pas reconnu dans cette province; l'art. 5 de la Trade Union Act, 1959, a rendu inapplicable la doctrine du complot civil dans le cas où un syndicat agissait en vue ou dans le cadre d'un conflit de travail. Tel est encore le cas aujourd'hui sous le régime du Labour Code (art. 89). L'article 89 est ainsi conçu:

"89. Un acte, qui n'est pas par ailleurs illégal, accompli par au moins deux personnes agissant de concert ou par suite d'une entente, ne donne pas lieu à des poursuites s'il est accompli en vue ou dans le cadre d'un conflit de travail."

Sans tenter de décrire ce que peut être la situation dans les autres provinces relativement au délit civil de complot, je suis convaincu que la description qu'en donne le professeur Arthurs, dans "Tort Liability for Strikes in Canada" (1960), 38 R. du B. can. 346, à la p. 362, est justifiée.

"Le délit civil moderne de complot est presque universellement condamné comme un instrument d'antisyndicalisme judiciaire. Partout dans les pays de common law, les auteurs de doctrine l'ont dénoncé comme étant une "arme ... brandie avec un esprit franchement partisan pour contrecarrer les aspirations du mouvement syndical."

Soulignons qu'en Colombie‑Britannique le délit civil de complot en vue de nuire prévu par la common law semblerait avoir été aboli par voie législative et, du moins en ce qui concerne les conflits de travail, il ne saurait fonder une injonction. Je suis conscient que les relations de travail des appelants sont régies par le Code canadien du travail dans la mesure où il s'applique. Toutefois, vu le silence du Code canadien du travail sur la question du piquetage, c'est la common law qui s'applique—en l'occurrence celle de la Colombie‑Britannique—où ce délit a été supprimé en matière de conflits de travail. J'estime donc que le délit de complot civil en vue de nuire ne peut être invoqué pour justifier une injonction qui ne peut en conséquence avoir d'autre fondement que le délit d'incitation à la rupture d'un contrat.

22. La question qui se pose est donc la suivante: compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, l'injonction fondée sur le délit de common law d'incitation à la rupture d'un contrat, qui a pour effet de limiter le droit à la liberté d'expression garanti par la Charte, peut‑elle être confirmée à titre de limite raisonnable imposée par une règle de droit? L'applicabilité de l'article premier de la Charte a déjà été commentée par cette Cour, notamment dans les arrêts Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, et plus récemment, R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. Ordinairement, la Cour a besoin d'éléments de preuve pour pouvoir décider s'il y a lieu d'appliquer l'article premier pour confirmer une limite apportée à un droit et c'est à la partie qui plaide en faveur de cette limite qu'incombe la charge de la preuve. Toutefois, à la p. 138 de l'arrêt Oakes, le juge en chef Dickson fait observer ceci au sujet de la nécessité d'une preuve:

Je dois cependant ajouter qu'il peut arriver que certains éléments constitutifs d'une analyse en vertu de l'article premier soient manifestes ou évidents en soi.

Tel est, à mon avis, le cas en l'espèce en ce qui concerne la nécessité d'une preuve. La preuve soumise au juge en chambre ainsi que les présomptions et les conclusions susmentionnées fournissent un fondement suffisant pour l'examen de cette question.

23. D'après la preuve, on peut fort bien affirmer que la préoccupation de l'intimée est urgente et réelle. En l'absence d'une injonction empêchant le piquetage, elle subira un préjudice économique. Par ailleurs, l'injonction impose une limite à une liberté garantie par la Charte. Il nous faut donc établir un juste équilibre entre ces deux intérêts opposés. On peut soutenir que la préoccupation de l'intimée concernant une perte économique ne suffit pas pour rendre raisonnable une limite au droit à la liberté d'expression, mais il y a un autre fondement sur lequel peut s'appuyer la position de l'intimée. Il est question en l'espèce de piquetage secondaire, c.‑à‑d. de piquetage dirigé contre un tiers qui n'est nullement impliqué dans le conflit à l'origine du piquetage. Or, notre régime de négociation collective repose sur le principe selon lequel les parties doivent, dans la mesure du possible, en venir elles‑mêmes à une entente. Le professeur Weiler dans Reconcilable Differences (Toronto 1980), aux pp. 64 et 65, affirme ceci:

[TRADUCTION] L'idée fondamentale qui sous‑tend notre système de relations industrielles est la notion de la liberté contractuelle du syndicat et de l'employeur. Des arguments puissants militent en faveur de ce principe de la liberté contractuelle. En effet, il est question de modalités selon lesquelles le travail sera acheté par les employeurs et fourni par les employés. Ce sont les parties immédiates qui sont les mieux placées pour connaître les circonstances économiques de leurs rapports et pour savoir quelles sont leurs priorités et préoccupations non économiques et quels compromis conviendront vraisemblablement le mieux aux personnes qu'elles représentent. Des normes juridiques générales établies par des bureaucrates gouvernementaux risqueraient de tenir compte assez mal de la variété des cas qui peuvent se présenter et de leurs nuances.

...

Logiquement, la liberté de se mettre d'accord suppose le droit d'être en désaccord, de ne pas en arriver à un compromis acceptable. La plupart du temps, des négociations menées de bonne foi aboutissent à un règlement à la table de négociation, et ce, souvent sans trop de difficulté. Toutefois, il arrive assez fréquemment qu'il n'en soit pas ainsi; et, évidemment, ce sont les échecs qui donnent naissance aux disputes ouvertes. C'est à ce moment‑là que le régime de négociation collective s'écarte radicalement des autres composantes de l'économie de marché.

Lorsque les parties exercent leur droit d'être en désaccord, le piquetage et d'autres formes de conflit de travail sont susceptibles de s'ensuivre. Sur le plan social, le coût d'un conflit est très élevé; il y a perte d'heures‑personnes et de salaires; la production et les services sont perturbés et les tensions générales au sein de la collectivité risquent d'être aggravées. Si la société tolère de tels conflits de travail, ce n'est qu'à titre de corollaire inévitable du processus de négociation collective. Il est en conséquence nécessaire dans l'intérêt général de la société que le piquetage soit réglementé et, parfois, limité. Il est raisonnable d'empêcher le piquetage de manière à limiter le conflit aux parties elles‑mêmes. Bien que le piquetage constitue sans aucun doute une arme dont les employés peuvent légitimement se servir contre leur employeur dans un conflit de travail, il ne doit pas être permis d'y recourir pour nuire à d'autres personnes. Weiler, précité, à la p. 80, fait de nouveau observer:

[TRADUCTION] ... le recours à la grève n'est légal que pour régler un différend avec un employeur relativement à la négociation d'une nouvelle convention collective. Logiquement, ce devrait être le seul cas où une ligne de piquetage serait légitime. De plus, il ne devrait être permis de diriger le piquetage que contre l'employeur principal—l'employeur avec lequel le syndicat est en train de négocier et qu'il veut amener à faire des concessions en sa faveur afin qu'on puisse en arriver à une entente. Autrement dit, il ne devrait pas être permis aux syndicats de faire du piquetage contre l'entreprise d'un tiers. Un tel employeur secondaire n'est pas impliqué dans le conflit principal; il n'est pas en mesure de faire les concessions qui aboutiront à une nouvelle convention; par conséquent, il ne devrait pas être la cible d'une arme dont le but légitime est de forcer des concessions économiques.

24. Il faut souligner ici qu'en Colombie‑Britannique, sauf s'il s'agit du piquetage des alliés de l'employeur, le piquetage secondaire, tel celui en l'espèce, est illégal de par l'effet combiné du par. 85(3) et de l'art. 88 du Labour Code de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1979, chap. 212, et modifications. Cette loi ne s'applique évidemment pas en l'espèce, mais elle est indicative de la politique législative en ce qui concerne la réglementation du piquetage dans cette province. Cela indique que le recours à l'article premier de la Charte pour maintenir la limite imposée en common law serait compatible avec la politique législative de la Colombie‑Britannique. Je souligne que l'exigence de proportionnalité a aussi été remplie, particulièrement lorsqu'on se rappelle qu'il s'agit en l'espèce d'une injonction provisoire qui ne demeurera en vigueur que jusqu'au procès au cours duquel les questions litigieuses pourront être étudiées d'une manière plus approfondie en fonction d'une preuve plus complète. Je suis donc d'avis que, compte tenu des faits de la présente affaire, la limite imposée au piquetage secondaire dirigé contre un tiers, c.‑à‑d. contre un non‑allié, est raisonnable. En conséquence, je conclus que l'injonction est "une limite raisonnable qui est prescrite par une règle de droit et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique".

La Charte s'applique‑t‑elle à la common law?

25. À mon avis, il n'y a pas de doute qu'elle s'y applique. Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit:

52. (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect.

52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

Le texte anglais de la disposition se lit ainsi: "any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect". À supposer que ces termes ne soient pas assez généraux pour inclure la common law, on devrait faire observer également que le texte français vient appuyer davantage cette conclusion en ce qu'il utilise les mots "elle rend inopérantes les dispositions de toute autre règle de droit". (C'est moi qui souligne.) Adopter une interprétation du par. 52(1) qui soustrairait à l'application de la Charte l'ensemble de la common law qui régit dans une large mesure les droits et les obligations des individus dans la société, serait totalement irréaliste et contraire aux termes clairs utilisés dans ce paragraphe.

La Charte s'applique‑t‑elle aux litiges privés?

26. Cette question exige qu'on examine si, entre particuliers, une cause d'action peut être fondée sur la violation d'un droit garanti par la Charte ou si une telle violation peut être invoquée comme moyen de défense. En d'autres termes, la Charte s'applique‑t‑elle à des litiges privés qui n'ont absolument rien à voir avec le gouvernement? Voilà un point controversé en milieu juridique sur lequel cette Cour n'a pas encore eu à se prononcer. Selon un point de vue, la Charte, comme la plupart des constitutions écrites, a été créée pour régir les rapports entre les particuliers et le gouvernement. Elle vise à imposer des restrictions à l'action du gouvernement et à protéger les particuliers. Elle n'est pas destinée, en l'absence d'une action gouvernementale quelconque, à être appliquée aux litiges privés.

27. Cette opinion est appuyée par Peter W. Hogg, précité, aux pp. 670 à 678, et par un article de Katherine Swinton, intitulé "Application de la Charte canadienne des droits et libertés", dans Beaudoin et Tarnopolsky, éd., Charte canadienne des droits et libertés.

28. Aux pages 674 et 675 de l'ouvrage du professeur Hogg, on peut lire ce qui suit:

[TRADUCTION] Les droits garantis par la Charte ne jouent qu'à titre de restrictions au pouvoir du gouvernement sur les titulaires de ces droits. La Charte régit les rapports entre le gouvernement et les particuliers, mais non pas ceux entre particuliers. Les actions privées échappent donc à son application. Si, par exemple, un employeur impose des restrictions à la liberté de parole ou de réunion d'un employé, si un parent limite la liberté de circulation et d'établissement de son enfant, ou si un propriétaire en choisissant ses locataires fait des distinctions fondées sur la race, ces actes ne peuvent constituer des infractions à la Charte puisque, dans ces cas, il n'y a aucune intervention du Parlement ou du gouvernement du Canada ou de la législature ou du gouvernement d'une province. Lorsque l'acte d'un particulier entraîne une restriction à une liberté civile, il est possible que la personne lésée puisse exercer un recours en vertu d'un code des droits de la personne, en vertu du droit du travail, du droit de la famille, du droit en matière de responsabilité délictuelle, du droit des contrats ou des biens, ou en vertu de quelque autre domaine du droit régissant les relations entre particuliers; mais il n'y a pas dans ce cas‑là de violation de la Charte.

29. Dans son analyse de cette question, le professeur Swinton souligne que certains articles de la Charte pourraient appuyer la thèse de son applicabilité aux litiges privés, mais elle prend bien soin de préciser qu'une vue d'ensemble de la Charte exclut, à son avis, son application aux actions privées. En effet, elle fait remarquer que la Charte n'est pas destinée à être utilisée dans des litiges privés et que, de par sa nature même, elle ne se prête pas à une telle utilisation. Aux pages 58 et 59, elle affirme ceci:

En outre, en jugeant si la Charte devrait s'appliquer directement aux particuliers, les tribunaux devraient tenir compte de ses désavantages en tant que façon de traiter des actes des particuliers et des avantages qu'il y a à laisser la réglementation de cette conduite aux lois sur les droits de la personne ou aux autres contrôles légaux. Les lois peuvent être adaptées de façon à tenir compte de la tension entre le droit à l'intimité et celui à l'égalité ou entre la liberté d'expression et l'interdiction de la propagande haineuse. Elles peuvent expressément limiter l'application des garanties d'égalité aux services ou aux secteurs ouverts au public, ou préciser le droit d'exiger certaines compétences pour un travail. La Charte n'est pas aussi détaillée et ne fournit aucune directive quant à son application. Celles‑ci devront être établies par les tribunaux.

Aussi, des lois comme certaines lois sur les droits de la personne et sur l'égalité de rémunération prévoient une structure administrative destinée à favoriser le règlement des conflits sans recourir aux tribunaux. Avant que la décision soit rendue par un tribunal administratif, il y a toute une structure de conciliation qui peut avoir un effet éducatif sur les parties. Par contre, dans la plupart des cas, la Charte sera interprétée par les cours de justice, où il n'existe aucun mécanisme visant à encourager les règlements à l'amiable.

Plus loin, aux pp. 59 et 60, elle ajoute:

Il faudrait également tenir compte des préoccupations des gouvernements fédéral et provinciaux lorsqu'ils ont rédigé et accepté la Charte. Ils se préoccupaient surtout de ses effets sur leur propre fonctionnement. C'est là la raison d'être de l'article 1 qui exige que les tribunaux interprètent les garanties de façon à permettre des limites raisonnables imposées par la loi. L'article de dérogation (art. 33), qui permet aux législatures d'adopter des lois dérogeant à la Charte, montre aussi que les gouvernements se préoccupaient des limites imposées aux mesures législatives. Les gouvernements ne se sont pas préoccupés de l'application de la Charte aux actes des particuliers, et il aurait d'ailleurs été curieux qu'ils le fassent, car leurs codes des droits de la personne en traitent.

30.

Plus récemment, voici ce qu'a affirmé le juge Dubin de la Cour d'appel de l'Ontario, s'exprimant au nom des juges formant la majorité (les juges Dubin et Morden et le juge Finlayson, dissident) dans l'arrêt Re Blainey and Ontario Hockey Association (1986), 26 D.L.R. (4th) 728, 54 O.R. (2d) 513, où il était question d'une plainte de discrimination fondée sur le sexe: [TRADUCTION] "À mon avis, l'art. 15 de la Charte ne s'applique pas aux activités de particuliers dans la province". Il s'est ensuite dit d'accord avec les propos du professeur Tarnopolsky (maintenant juge de la Cour d'appel de l'Ontario), dans Beaudoin et Tarnopolsky, éd., Charte canadienne des droits et libertés, précité, à la p. 533 où ce dernier affirme:

En ce qui regarde la Charte canadienne, nous croyons que, l'article 15 ne sera probablement pas appliqué par les tribunaux sauf dans des circonstances où un geste discriminatoire est posé au moyen d'une loi et qu'il n'existe pas de "clause nonobstant" dans la Loi sur les droits de l'homme du gouvernement en question, comme c'est le cas de l'Alberta, du Québec et de la Saskatchewan. Ceci se produirait pour les raisons suivantes:

1. En vertu du paragraphe 1 de l'article 32, la Charte s'applique exclusivement au Parlement et au gouvernement du Canada et à la législature et au gouvernement de chaque province "pour tous les domaines relevant" de chaque organisme législatif. Par conséquent, même si la Charte s'applique à des actes législatifs ou exécutifs, sa portée ne s'étend pas à l'activité des particuliers.

2. L'article 15 porte sur l'égalité devant la loi, de même que sur l'égalité de bénéfice et la protection égale de la loi. Même si une loi antidiscriminatoire (sur les droits de la personne) doit respecter les dispositions de l'article 15, c'est cette loi et non l'article 15 qui s'appliquerait directement à des actes discriminatoires posés par des individus.

3. Il existe au sein de chaque ordre de gouvernement au Canada une loi antidiscriminatoire qui s'applique de façon explicite à la Couronne. Il est par conséquent peu probable qu'un plaignant intente des poursuites devant les tribunaux en vertu de la Constitution plutôt qu'en vertu des lois antidiscriminatoires.

Le juge Dubin souligne ensuite que, dans la décision Cat Productions Ltd. c. Macedo, [1985] 1 C.F. 269, le juge McNair de la Cour fédérale, Division de première instance, a approuvé les propos tenus par le professeur Swinton à la p. 55 de l'ouvrage intitulé Charte canadienne des droits et libertés, précité:

À la suggestion que la Charte peut s'appliquer aux activités de particuliers, sans lien avec le gouvernement, on peut répondre automatiquement qu'une charte des droits lie les gouvernements et non les particuliers. Telle est la nature d'un document constitutionnel: établir la portée des pouvoirs gouvernementaux et exposer les conditions des relations entre les citoyens de l'état et entre les divers organes du gouvernement. Le but d'une charte des droits est de régir les rapports entre un particulier et le gouvernement en rendant invalides les lois et les mesures gouvernementales qui empiètent sur les droits garantis par le document, les rapports entre les particuliers étant laissés aux codes des droits de la personne, aux autres lois et aux recours de la "common law", par exemple les lois sur la diffamation. En outre, le paragraphe 32(1) déclare expressément que la Charte s'applique au "Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement" (les italiques sont de nous). Ce sont les actes du gouvernement qui sont visés, non ceux des particuliers.

Il a conclu sur ce point: [TRADUCTION] "Je suis d'accord avec le juge McNair et, avec égards, je ne partage pas l'opinion contraire exprimée dans R. v. Lerke (1984), 11 D.L.R. (4th) 185, 13 C.C.C. (3d) 515, 55 A.R. 216 (B.R. Alb.)"

31. Le point de vue selon lequel la Charte ne s'applique pas aux litiges opposant des particuliers est également appuyé par un article utile de Anne McLellan et Bruce P. Elman, intitulé "To Whom Does the Charter Apply? Some recent cases on s. 32", que l'on trouve à (1986), 24 Alta. L. Rev. 361, et qui passe en revue la jurisprudence telle qu'elle s'est développée. On peut lire à la p. 367:

[TRADUCTION] Finalement, on laisse entendre que le meilleur point de vue est celui que la Charte ne s'applique qu'aux actions gouvernementales. Conclure autrement reviendrait à augmenter démesurément la portée de la Charte. Dans les affaires où il est question d'arrestations, de détentions, de fouilles, de perquisitions et ainsi de suite, appliquer la Charte aux actions purement privées reviendrait à instituer un régime subsidiaire de responsabilité civile. Dans le domaine de la discrimination entre particuliers, il résulterait un tout nouveau régime de responsabilité civile qui ferait concurrence aux mécanismes de règlement des litiges favorisés par les lois en matière de droits de la personne.

32. Pour des points de vue contraires, voir les articles de Dale Gibson: "The Charter of Rights and the Private Sector" (1982), 12 Man. L.J. 213; "Distinguishing the Governors from the Governed: The Meaning of `Government' under Section 32(1) of the Charter" (1983), 13 Man. L.J. 505, ainsi que Morris Manning, Rights, Freedoms and the Courts (Toronto 1983).

33. Je suis d'accord avec le point de vue que la Charte ne s'applique pas aux litiges privés. Il ressort nettement de la jurisprudence et des articles précités que c'est le point de vue qu'ont adopté la plupart des juges et des glossateurs qui ont abordé cette question. À mon sens, l'art. 32 de la Charte, qui traite expressément de l'application de la Charte, est déterminant sur ce point. Voici le texte de l'art. 32:

32. (1) This Charter applies

(a) to the Parliament and government of Canada in respect of all matters within the authority of Parliament including all matters relating to the Yukon Territory and Northwest Territories; and

32. (1) La présente charte s’applique:

a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement, y compris ceux qui concernent le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest;

(b) to the legislature and government of each province in respect of all matters within the authority of the legislature of each province.

b) à la législature et au gouvernement de chaque province pour tous les domaines relevant de cette législature.

Le paragraphe 32(1) mentionne le Parlement et le gouvernement du Canada ainsi que la législature et le gouvernement de chaque province en ce qui concerne tous les domaines qui relèvent de leurs compétences respectives. À cet égard, on peut constater que le Parlement et les législatures sont traités comme des branches de gouvernement séparées ou spécifiques, distinctes de l'exécutif, et que, par conséquent, le terme "gouvernement" utilisé à l'art. 32 désigne non pas le gouvernement au sens général—c'est‑à‑dire au sens de l'ensemble de l'appareil gouvernemental de l'état—mais plutôt une branche de gouvernement. Le terme "gouvernement", qui suit les termes "Parlement" et "législature", doit alors, semble‑t‑il, désigner la branche exécutive ou administrative du gouvernement. C'est en ce sens qu'on parle en général du gouvernement du Canada ou d'une province. Je suis d'avis que le mot "gouvernement" utilisé à l'art. 32 de la Charte désigne le pouvoir exécutif à l'échelon fédéral et à l'échelon provincial. C'est en ce sens que l'expression "gouvernement du Canada" est ordinairement utilisée dans d'autres articles de la Loi constitutionnelle de 1867. Les articles 12, 16 et 132 désignent tous le Parlement et le gouvernement du Canada comme des entités distinctes. L'expression "gouvernement du Canada", en particulier lorsqu'elle suit le mot "Parlement", désigne presque toujours le pouvoir exécutif.

34. J'estime donc que l'art. 32 de la Charte mentionne de façon précise les acteurs auxquels s'applique la Charte. Il s'agit des branches législative, exécutive et administrative. Elle leur est applicable peu importe que leurs actes soient en cause dans des litiges publics ou privés. Il semblerait que ce n'est que dans sa législation qu'une législature peut porter atteinte à une liberté ou un droit garantis. Les actes de la branche exécutive ou administrative du gouvernement se fondent généralement sur une loi, c'est‑à‑dire sur un texte législatif. Toutefois, ces actes peuvent aussi se fonder sur la common law comme dans le cas de la prérogative. Dans la mesure où ils se fondent sur un texte législatif qui constitue ou entraîne une atteinte à une liberté ou à un droit garantis, la Charte s'applique et ils sont inconstitutionnels. Ces actes sont également inconstitutionnels dans la mesure où ils sont autorisés ou justifiés par une règle de common law qui constitue ou engendre une atteinte à une liberté ou à un droit garantis par la Charte. C'est ainsi que la Charte s'applique à la common law tant dans les litiges publics que dans les litiges privés. Cependant, elle ne s'applique à la common law que dans la mesure où la common law constitue le fondement d'une action gouvernementale qui, allègue‑t‑on, porte atteinte à une liberté ou à un droit garantis.

35. Il est difficile de définir l'élément d'intervention gouvernementale nécessaire pour rendre la Charte applicable dans un litige par ailleurs privé. Nous avons conclu que la Charte s'applique à la common law, mais non pas entre particuliers. Le problème en l'espèce est qu'il s'agit d'une action entre des particuliers, dans laquelle l'appelant oppose une violation de la Charte à la demande de l'intimée fondée sur la common law. On fait valoir que la common law, qui est elle‑même assujettie à la Charte, crée le délit de complot civil et celui d'incitation à la rupture de contrat. L'intimée a demandé et obtenu une injonction empêchant le piquetage en invoquant la perpétration de ces délits civils. Les appelants de leur côté affirment que l'injonction porte atteinte au droit à la liberté d'expression que leur confère l'al. 2b) de la Charte. Le professeur Hogg fait face à ce problème lorsque, après avoir conclu que la Charte ne s'applique pas aux litiges privés, il fait remarquer, à la p. 677 de son ouvrage:

[TRADUCTION] Les actions de particuliers constituent toutefois une espèce de catégorie résiduelle dont il faut exclure le genre d'actions auxquelles l'art. 32 rend la Charte applicable.

Il ajoute:

[TRADUCTION] La Charte s'applique à n'importe quelle règle de common law qui permet ou ordonne expressément une atteinte à un droit garanti.

Pour terminer, il souligne, à la p. 678:

[TRADUCTION] Le fait que l'ordonnance d'une cour constitue une action gouvernementale signifie que la Charte s'appliquera à une affaire purement privée, telle qu'un contrat ou un droit de propriété, mais seulement pour empêcher les tribunaux de forcer l'exécution d'un arrangement qui porte atteinte à un droit garanti.

À la page 678, le professeur Hogg justifie ainsi sa position:

[TRADUCTION] Dans un sens, la common law autorise toute action privée qui n'est pas interdite par une règle de droit positif. Si la Charte s'appliquait à la common law dans ce sens atténué, elle s'appliquerait à l'ensemble des activités privées. Il semble toutefois plus raisonnable d'affirmer que la common law n'enfreint la Charte que si elle se cristallise en une règle susceptible d'application par les tribunaux. À ce moment‑là, dans l'hypothèse où une ordonnance d'exécution porterait atteinte à un droit garanti par la Charte, cette dernière s'appliquerait de manière à empêcher l'ordonnance et, par déduction nécessaire, de manière à modifier la règle de common law.

36. J'estime que le point de vue ainsi adopté est dangereux et qu'il ne doit pas être accepté comme solution à ce problème. Même si, en science politique, il est probablement acceptable de considérer les tribunaux judiciaires comme l'un des trois organes fondamentaux de gouvernement, savoir les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, je ne puis assimiler, aux fins de l'application de la Charte, l'ordonnance d'un tribunal à un élément d'action gouvernementale. Ce n'est pas pour dire que les tribunaux ne sont pas liés par la Charte. Les tribunaux sont évidemment liés par la Charte comme ils le sont par toute autre règle de droit. Il leur incombe d'appliquer les règles de droit, mais, ce faisant, ils sont des arbitres neutres et non des parties opposées dans un litige. Considérer l'ordonnance d'un tribunal comme un élément d'intervention gouvernementale nécessaire pour invoquer la Charte aurait pour effet, me semble‑t‑il, d'élargir la portée de l'application de la Charte à pratiquement toutes les litiges privés. Toute affaire doit se terminer, si elle est menée à terme, par une ordonnance d'exécution et si la Charte empêche de rendre une telle ordonnance dans le cas où il y aurait atteinte à un droit qu'elle garantit, tous les litiges privés seraient alors, semble‑t‑il, assujettis à la Charte. À mon avis, ce point de vue n'apporte pas de réponse à la question. Pour que la Charte s'applique, il doit exister un lien plus direct et mieux défini entre l'élément d'action gouvernementale et la revendication qui est faite.

37. On trouve l'exemple d'un tel lien direct et étroit dans l'affaire Re Blainey and Ontario Hockey Association, précitée. Dans cette espèce, des procédures ont été intentées en Cour suprême de l'Ontario contre une association de hockey, au nom d'une fillette de douze ans qui s'était vu refuser la permission de jouer au hockey au sein d'une équipe de garçons parrainée par l'Association. Conformément aux dispositions du Code des droits de la personne, L.O. 1981, chap. 53, on s'était plaint auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne du fait que la fillette avait été exclue en raison de son sexe seulement. On a fait valoir que l'association de hockey assurait un service auquel tous les membres du public sans distinction de sexe pouvaient ordinairement recourir et que, par conséquent, la distinction dont faisait l'objet de fillette violait cette loi. La Commission a jugé qu'elle ne pouvait agir dans l'affaire en raison des dispositions du par. 19(2) du Code des droits de la personne, qui se lit ainsi:

[TRADUCTION] 19.—(1) ...

(2) Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu à l'article 1, de traitement égal en matière de services et d'installations le fait de restreindre l'adhésion à un organisme sportif ou la participation à une activité sportive à des personnes du même sexe.

En Cour suprême de l'Ontario, on a soutenu que le par. 19(2) du Code des droits de la personne est contraire au par. 15(1) de la Charte et qu'il est donc entaché de nullité. La demande a été rejetée. La Cour d'appel a accueilli l'appel interjeté (les juges Dubin et Morden et le juge Finlayson, dissident). Le juge Dubin, s'exprimant au nom de la Cour d'appel à la majorité, énonce ainsi la question en litige [D.L.R., à la p. 735]:

[TRADUCTION] En fait, c'est en fonction de la prémisse que la décision de la Commission ontarienne des droits de la personne était juste que les présentes procédures ont été engagées et que la requérante a maintenant qualité pour se plaindre qu'en raison du par. 19(2) du Code des droits de la personne, elle se voit refuser le droit à l'égalité de protection et de bénéfice du Code des droits de la personne en raison de son sexe, contrairement aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés (la "Charte").

Il a conclu que les dispositions du par. 19(2) étaient incompatibles avec la Charte et, par conséquent, inopérantes. Dans l'affaire Blainey où il était question d'une action entre particuliers, la Charte a été appliquée pour le motif qu'une partie avait agi en se fondant sur une disposition législative, savoir le par. 19(2) du Code des droits de la personne de l'Ontario, qui portait atteinte aux droits que garantit la Charte à une autre personne. L'affaire Blainey constitue donc un exemple de la manière dont les cours peuvent mettre à exécution et protéger les droits que la Charte garantit aux particuliers, c'est‑à‑dire en appréciant la mesure législative—l'action gouvernementale—en fonction de la Charte.

38. Comme on l'a dit ci‑dessus, il est difficile et probablement dangereux de tenter de définir de façon étroite l'élément d'intervention gouvernementale qui suffira à permettre à des parties privées à un litige privé de s'appuyer sur la Charte. Le professeur Hogg a traité de cette question, à la p. 677 de son ouvrage précité, en ces termes:

[TRADUCTION] ... la Charte s'appliquerait à une personne privée qui exercerait le pouvoir d'arrestation que le Code criminel accorde à "toute personne" et à une compagnie de chemin de fer privée qui exercerait le pouvoir de réglementation (et d'imposer des amendes pour leur violation) que la Loi sur les chemins de fer accorde à une "compagnie de chemin de fer"; toute action prise dans l'exercice du pouvoir législatif est régie par la Charte vu les mentions du "Parlement" et de la "législature" à l'art. 32. La Charte s'appliquerait aussi à l'action d'une société commerciale qui est un agent de Sa Majesté vu la mention du "gouvernement" à l'art. 32.

39. Il semblerait aussi que la Charte s'appliquerait à plusieurs formes de législation déléguée, de réglementation, de décrets, peut‑être de règlements municipaux et de règlements administratifs et généraux d'autres organes créés par le Parlement et les législatures. Cette liste n'est certes pas exhaustive. Lorsqu'une action gouvernementale est présente ou lorsqu'on l'invoque, et lorsqu'une partie privée l'invoque ou s'appuie sur elle pour entraîner la violation d'un droit d'un tiers garanti par la Charte, la Charte s'appliquera. Toutefois, lorsque "A", une partie privée, actionne "B", une partie privée, en s'appuyant sur la common law et qu'aucun acte du gouvernement n'est invoqué à l'appui de la poursuite, la Charte ne s'appliquera pas. Je dois toutefois dire clairement que c'est une question différente de celle de savoir si le judiciaire devrait expliquer et développer des principes de common law d'une façon compatible avec les valeurs fondamentales enchâssées dans la Constitution. La réponse à cette question doit être affirmative. En ce sens, donc, la Charte est loin d'être sans portée pour les parties privées dont les litiges relèvent de la common law. Mais ceci est différent de la proposition qu'une partie privée a envers une autre une obligation constitutionnelle, proposition qui sous‑tend la prétendue affirmation de causes d'action en vertu de la Charte ou de défenses entre particuliers en vertu de la Charte.

40. Peut‑on dire en l'espèce qu'il est possible de conclure à l'existence de l'élément requis d'intervention ou d'ingérence gouvernementale? Dans l'affaire Blainey, le par. 19(2) du Code des droits de la personne de l'Ontario, qui est une loi d'une législature, a été le facteur qui a retiré l'affaire du domaine privé. Si, dans la présente affaire, on avait une disposition législative qui proscrivait expressément le piquetage secondaire du genre envisagé par les appelants, l'affaire—en supposant pour l'instant qu'il y a violation de la Charte—correspondrait exactement à l'affaire Blainey et, sous réserve de l'article premier de la Charte, la disposition législative pourrait être annulée. Ni dans l'un ni dans l'autre cas, ce ne serait, comme le dirait le professeur Hogg, l'ordonnance d'une cour qui retirerait l'affaire du domaine privé. Ce serait le résultat du fait qu'une partie s'est fondée sur une disposition législative contraire à la Charte.

41. En l'espèce toutefois, il n'y a pas de loi en défaut. Nous avons une règle de common law selon laquelle le piquetage secondaire constitue un délit et peut faire l'objet d'une injonction visant à l'empêcher pour le motif qu'il incite à rompre un contrat. Alors que, comme nous l'avons vu, la Charte s'applique à la common law, dans le présent litige qui oppose simplement des particuliers, on n'a posé aucun acte gouvernemental qui a pour effet de faire jouer la Charte. Il s'ensuit alors que le pourvoi doit échouer. Le pourvoi est rejeté. L'intimée a droit à ses dépens. Dans les circonstances, il devient inutile de répondre à la question constitutionnelle formulée par le Juge en chef le 5 septembre 1984.

Version française des motifs rendus par

42. Le juge Beetz—Je suis d'accord avec les motifs de la majorité en Cour d'appel de la Colombie‑Britannique pour décider que, dans les circonstances et vu la preuve en l'espèce, le piquetage qui a été interdit ne pouvait constituer une forme d'expression et qu'il ne peut donc être aucunement question de violation de l'al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

43. Ce motif suffit à rejeter le pourvoi avec dépens.

44. Il m'est inutile d'exprimer une opinion sur les autres questions afin d'en venir à cette conclusion. Toutefois, vu leur importance, je veux indiquer que je suis par ailleurs d'accord avec les motifs de jugement rédigés par mon collègue le juge McIntyre.

Version française des motifs rendus par

45. Madame le juge Wilson—Je suis d'accord avec les motifs de mon collègue le juge McIntyre, à l'exception de la partie qui traite de l'application de l'article premier de la Charte.

46. Ce qu'il faut déterminer en vertu de l'article premier, c'est le critère approprié à appliquer lorsqu'on évalue un principe de common law par rapport à une liberté fondamentale protégée par la Charte. Au cours d'une analyse en vertu de l'article premier, on détermine les buts et objets d'un texte législatif en litige en suivant une démarche objective: voir par exemple, la démarche suivie par cette Cour dans l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, et R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. Il me semble qu'on doit suivre la même démarche objective lorsqu'on évalue un principe de common law par rapport à une liberté fondamentale.

47. À mon avis, on doit répondre à deux questions distinctes:

1) Le délit civil d'incitation à la rupture de contrat représente‑t‑il, au sens de l'article premier, une limite raisonnable de la liberté d'expression dans le contexte des relations de travail?

2) Si le délit civil représente une limite raisonnable au sens de l'article premier, une injonction doit‑elle être accordée en l'espèce?

La première question exige l'application de la démarche objective susmentionnée. Si le délit civil ne passe pas le cap de la première question, il s'ensuit évidemment que la conduite n'est pas préjudiciable et qu'on ne peut pas délivrer d'injonction. Si, par contre, il passe le cap de la première question, alors on doit considérer les faits de cette affaire précise (y compris l'effet subjectif sur l'employeur) pour déterminer si les autres critères de délivrance d'une injonction interlocutoire sont présents, c'est‑à‑dire, la prépondérance des inconvénients est‑elle favorable au demandeur? Mais même à cet égard, il me semble qu'il faut accorder un certain poids à la liberté d'expression des piqueteurs.

48. La difficulté que me cause la démarche de mon collègue à l'égard de l'article premier est double. D'abord, il a utilisé l'effet subjectif sur l'employeur pour la première question. C'est selon son analyse, la "préoccupation est urgente et réelle". Deuxièmement, il n'a pas pris en consideration l'origine et l'évolution historique du délit civil et de son rôle relativement aux conflits de travail. J'aurais cru que c'était capital pour l'enquête selon l'article premier. En conséquence, les deux premières questions susmentionnées ont été fondues en une seule et aucun critère objectif relativement à l'enquête en vertu de l'article premier n'a été identifié.

49. Je suis néanmoins d'accord avec l'issue du pourvoi proposée par le juge McIntyre.

Pourvoi rejeté.

Procureurs des appelants: Laxton, Pidgeon, Vancouver.

Procureurs de l'intimée: Jordan and Gall, Vancouver.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada: R. Tassé, Ottawa.

Procureur de l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

Procureurs de l'intervenant le procureur général de l'Alberta: McLennan, Ross, Edmonton.

Procureur de l'intervenant le procureur général de Terre‑Neuve: Procureur général de Terre‑Neuve, St‑Jean.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Liberté d'expression - Injonction interlocutoire empêchant le piquetage secondaire - Demande fondée sur la règle de common law interdisant l'incitation à la rupture de contrat - L'injonction porte‑t‑elle atteinte au droit à la liberté d'expression conféré par la Charte? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2b), 32(1) - Loi constitutionnelle de 1982, art. 52(1).

Le syndicat appelant était accrédité en vertu de la loi fédérale comme agent négociateur des employés lock‑outés de Purolator, une entreprise de messageries ayant son siège social en Ontario. Antérieurement au lock‑out, l'intimée effectuait des livraisons pour Purolator dans la région qu'elle desservait et, après le lock‑out, en a fait autant pour Supercourier, une société ayant des liens avec Purolator. L'appelant a demandé à la Commission des relations de travail de la Colombie‑Britannique une déclaration portant que l'intimée et Supercourier étaient des alliées de Purolator dans le conflit en cause. Une pareille déclaration aurait rendu légal le piquetage de l'établissement de l'intimée, ce qui aurait eu un effet sur son entreprise puisque, aux termes de la convention collective, le refus des employés de franchir une ligne de piquetage légalement dressée ne constituait pas une violation de la convention et n'entraînait ni mesures disciplinaires ni renvoi. Quand la Commission s'est déclarée incompétente pour entendre la demande, les relations de travail de l'appelant étant de compétence fédérale, la légalité du piquetage envisagé par l'appelant a donc dû être déterminée en fonction de la common law étant donné le silence du Code canadien du travail sur la question. Il n'y a pas eu de piquetage à l'établissement de l'intimée parce que celle‑ci a obtenu une injonction quia timet, laquelle a été confirmée en appel. La question en l'espèce est de savoir si le piquetage secondaire dans le cadre d'un conflit de travail relève de la liberté d'expression accordée par l'al. 2b) de la Charte, de sorte qu'il ne peut pas à bon droit être empêché par voie d'injonction.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Dickson et les juges Estey, McIntyre, Chouinard et Le Dain: Tout piquetage comporte un certain élément d'expression et jouit de la protection de la Charte, à moins que quelque acte des piqueteurs ne vienne changer la nature du piquetage de manière qu'il ne bénéficie plus de la protection de la Charte. La protection que la Charte accorde à cette liberté n'englobe ni les cas de violence ou de menaces de violence ni d'autres actes illégaux. Quoiqu'il ait eu pour objet la création d'une pression économique et l'incitation à la perpétration du délit civil de rupture de contrat prévu par la common law, le piquetage en cause était protégé par la Charte.

La Charte s'applique à la common law. Les termes du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 comprennent manifestement la common law et il serait tout à fait irréaliste d'interpréter ce paragraphe de manière à exclure la common law du champ d'application de la Charte.

La Charte ne s'applique pas aux litiges privés n'ayant aucun lien avec le gouvernement. L'article 32 précise que la Charte s'applique aux branches législative, exécutive, et administrative du gouvernement: leurs actes sont soumis à la Charte, qu'elle soit invoquée dans un litige public ou un litige privé. Toutefois, malgré ce que dit la théorie politique, on ne saurait aux fins de l'application de la Charte assimiler l'ordonnance d'un tribunal à un acte du gouvernement. Les tribunaux, bien que liés par la Charte, agissent en tant qu'arbitres impartiaux et, si l'ordonnance d'un tribunal devait être considérée comme l'élément d'intervention gouvernementale requise pour que la Charte puisse être invoquée, on se trouverait à élargir indûment la portée de la Charte pour la rendre applicable à presque tous les litiges.

Bien que les actes du gouvernement dépendent généralement d'une autorisation conférée par la loi, un acte peut aussi reposer sur la common law, comme dans le cas de la prérogative. La Charte s'applique à la common law dans la mesure où celle‑ci constitue le fondement d'un acte gouvernemental qu'on dit porter atteinte à un droit ou à une liberté garantis.

Il est difficile et probablement dangereux de tenter de définir avec une précision trop rigoureuse l'élément d'intervention gouvernementale nécessaire pour que des justiciables privés puissent invoquer la Charte dans un litige privé. Il semblerait que la Charte s'applique à la législation déléguée, tels les règlements, les décrets, peut‑être les règlements municipaux et les règlements administratifs et généraux d'autres organes créés par le Parlement et les législatures. Lorsqu'il y a un acte gouvernemental de ce genre et qu'un justiciable privé l'invoque et que cela occasionne une violation des droits conférés à une autre personne par la Charte, celle‑ci doit s'appliquer. Quand toutefois une partie privée en poursuit une autre en s'appuyant sur la common law et que l'action n'est fondée sur aucun acte du gouvernement, la Charte ne s'applique pas.

La Charte ne s'applique pas en l'espèce. Il s'agit d'un litige entre parties privées seulement, litige dans lequel il n'y a pas eu d'acte gouvernemental susceptible d'entraîner l'application de la Charte et dans lequel aucun acte du gouvernement n'a été invoqué. La demande d'injonction ne s'est appuyée en cette Cour que sur le délit civil d'incitation à la rupture de contrat prévu par la common law. Si la Charte s'était appliquée, l'article premier aurait joué pour justifier la délivrance de l'injonction.

Le juge Beetz: Pour les motifs exposés par la majorité en Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, le piquetage qui a été interdit en l'espèce ne peut constituer une forme d'expression et il ne peut donc être aucunement question de violation de l'al. 2b) de la Charte. Pour le reste, les motifs du juge McIntyre reçoivent un accord.

Le juge Wilson: Au cours d'une analyse en vertu de l'article premier, il faut déterminer les buts et objectifs d'un principe de common law selon une démarche objective comme celle suivie pour déterminer les buts et objectifs d'un texte législatif en litige. Il faut répondre à deux questions distinctes en l'espèce. D'abord le délit civil d'incitation à la rupture de contrat représente‑t‑il, au sens de l'article premier, une limite raisonnable de la liberté d'expression dans le contexte des relations de travail? Ensuite, si le délit civil représente une limite raisonnable au sens de l'article premier, une injonction doit‑elle être accordée en l'espèce? Si le délit civil ne passe pas le cap de la première question, il s'ensuit évidemment que la conduite n'est pas préjudiciable et qu'on ne peut pas délivrer d'injonction. Si, par contre, il passe ce cap, on doit considérer les faits pour déterminer si les autres critères de délivrance d'une injonction interlocutoire sont présents, c'est‑à‑dire, la prépondérance des inconvénients est‑elle favorable au demandeur? Pour le reste, les motifs du juge McIntyre reçoivent un accord.


Parties
Demandeurs : SDGMR
Défendeurs : Dolphin Delivery Ltd.

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge McIntyre
Arrêt examiné: Re Blainey and Ontario Hockey Association (1986), 26 D.L.R. (4th) 728, 54 O.R. (2d) 513
arrêts mentionnés: Abrams v. United States, 250 U.S. 616 (1919)
Boucher v. The King, [1951] R.C.S. 265
Switzman v. Elbling, [1957] R.C.S. 285
Reference re Alberta Statutes, [1938] R.C.S. 100
Thornhill v. Alabama, 310 U.S. 88 (1940)
Milk Wagon Drivers Union v. Meadowmoor Dairies, 312 U.S. 287 (1941)
Channel Seven Television Ltd. v. National Association of Broadcast Employees and Technicians, [1971] 5 W.W.R. 328
Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103
Cat Productions Ltd. c. Macedo, [1985] 1 C.F. 269.
Citée par le juge Wilson
Arrêts mentionnés: R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2b), d), 15(1), 32(1).
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L‑1.
Code des droits de la personne, L.O. 1981, chap. 53, art. 19(2).
Labour Code, R.S.B.C. 1979, chap. 212, art. 85(3), 88.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 12, 16, 132.
Loi constitutionnelle de 1982, art. 52(1).
Doctrine citée
Gibson, Dale. "The Charter of Rights and the Private Sector" (1982), 12 Man. L.J. 213.
Gibson, Dale. "Distinguishing the Governors from the Governed: The Meaning of `Government' under Section 32(1) of the Charter" (1983), 13 Man. L.J. 505.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 2nd ed. Toronto: Carswells, 1985.
Manning, Morris. Rights, Freedoms and the Courts. Toronto: Edmond‑Montgomery, 1983.
McLellan, A. Anne and Bruce P. Elman. «To Whom Does the Charter Apply? Some Recent Cases on Section 32 » (1986), 24 Alta. L. Rev. 361.
Mill, John Stuart. "On Liberty". In On Liberty and considerations on Representative Government. Edited by R. B. McCallum. Oxford: Basil Blackwell, 1946.
Milton, John. Areopagitica
A Speech of Mr. John Milton for the Liberty of Unlicenc’d Printing, to the Parliament of England. London: 1644.
Swinton, Katherine. "Application de la Charte canadienne des droits et libertés". Dans Gérald‑A. Beaudoin et Walter S. Tarnopolsky, éd., Charte canadienne des droits et libertés. Montréal: Wilson & Lafleur/Sorej, 1982.
Tarnopolsky, Walter S. "Les droits à l'égalité". Dans Gérald‑A. Beaudoin et Walter S. Tarnopolsky, éd., Charte canadienne des droits et libertés. Montréal: Wilson & Lafleur/Sorej, 1982.
Weiler, Paul C. Reconcilable Differences. Toronto, Carswells, 1980.

Proposition de citation de la décision: SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573 (18 décembre 1986)


Origine de la décision
Date de la décision : 18/12/1986
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1986] 2 R.C.S. 573 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1986-12-18;.1986..2.r.c.s..573 ?
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