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04/06/1987 | CANADA | N°[1987]_1_R.C.S._801

Canada | Pelech c. Pelech, [1987] 1 R.C.S. 801 (4 juin 1987)


Pelech c. Pelech, [1987] 1 R.C.S. 801

Shirley Mae Pelech Appelante

c.

John Pelech Intimé

répertorié: pelech c. pelech

No du greffe: 19265.

1986: 24 mars; 1987: 4 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges McIntyre, Chouinard*, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest.

*Le juge Chouinard n'a pas pris part au jugement.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1985), 45 R.F.L. (2d) 1, 17 D.L.R. (4th) 147, 61 B.C.L.R. 217, qui a ac

cueilli l'appel interjeté par l'intimé contre une ordonnance du juge local Wong de la Cour suprême (1984), 41 R.F.L....

Pelech c. Pelech, [1987] 1 R.C.S. 801

Shirley Mae Pelech Appelante

c.

John Pelech Intimé

répertorié: pelech c. pelech

No du greffe: 19265.

1986: 24 mars; 1987: 4 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges McIntyre, Chouinard*, Lamer, Wilson, Le Dain et La Forest.

*Le juge Chouinard n'a pas pris part au jugement.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1985), 45 R.F.L. (2d) 1, 17 D.L.R. (4th) 147, 61 B.C.L.R. 217, qui a accueilli l'appel interjeté par l'intimé contre une ordonnance du juge local Wong de la Cour suprême (1984), 41 R.F.L. (2d) 274, qui avait accueilli la demande faite par l'appelante en vue de faire modifier une convention alimentaire incorporée dans une ordonnance judiciaire. Pourvoi rejeté.

Scott Hall, pour l'appelante.

R. Kasting, pour l'intimé.

Version française du jugement du juge en chef Dickson et des juges McIntyre, Lamer, Wilson et Le Dain rendu par

1. Le juge Wilson—Le paragraphe 11(2) de la Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8, confère au tribunal le pouvoir de modifier une ordonnance alimentaire antérieure "compte tenu de la conduite des parties depuis que l'ordonnance a été rendue ou de tout changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent." Le présent pourvoi porte précisément sur l'étendue de restrictions, s'il y a lieu, que l'existence d'une convention alimentaire valide et exécutoire pourrait imposer à ce pouvoir. Les parties devraient‑elles s'en tenir aux conditions de leur contrat ou le tribunal devrait‑il intervenir pour remédier aux inéquités qui, selon ce qu'allègue maintenant l'une des parties, découleraient de l'entente déjà conclue librement, en parfaite connaissance de cause et après avoir bénéficié des services de conseillers juridiques?

2. Une question accessoire en l'espèce porte sur la compétence, savoir la compétence de la Cour d'appel d'examiner des ordonnances rendues en vertu de l'art. 11 de la Loi sur le divorce et celle de notre Cour de procéder à l'audition des pourvois formés contre les arrêts rendus par des cours d'appel provinciales relativement à de telles ordonnances?

I. Les faits

3. Les parties se sont mariées en 1954. Elles ont eu deux enfants. L'intimé, M. Pelech, était un entrepreneur général dont l'entreprise a ultérieurement pris de l'expansion et s'est diversifiée. L'appelante a assisté son mari en agissant comme réceptionniste et en tenant sa comptabilité jusqu'au milieu des années 60. Les parties ont divorcé le 1er mai 1969. Le juge en chef Wilson de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, saisi de la requête en divorce, a conclu que Mme Pelech souffrait de troubles psychologiques graves et a confié la garde des enfants à M. Pelech. Il a aussi accordé une pension alimentaire permanente à Mme Pelech, renvoyant l'affaire au protonotaire pour qu'il fasse des recommandations à cet égard.

4. Après avoir consulté des avocats, les parties ont conclu, le 15 septembre 1969, une convention alimentaire qui fut ratifiée par le protonotaire. La convention prévoyait le paiement d'un montant total de 28 760 $ effectué par versements échelonnés sur une période de treize mois. La clause b) de la convention porte:

[TRADUCTION] b) La requérante accepte les versements échelonnés ci‑dessus en paiement final de toute créance alimentaire qu'elle a ou pourrait à l'avenir avoir contre l'intimé.

Mme Pelech a aussi convenu de céder à M. Pelech une action qu'elle détenait dans l'entreprise de ce dernier. La convention, à la recommandation du protonotaire et avec le consentement des parties, a été homologuée et incorporée dans l'ordonnance du tribunal. Mme Pelech a par la suite cédé son action à M. Pelech et celui‑ci lui a versé la prestation alimentaire convenue. Mme Pelech avait 37 ans au moment du divorce et M. Pelech 44.

5. Au moment du divorce, en 1969, l'avoir net de M. Pelech était de 128 000 $. Quinze ans plus tard, au moment de l'audition de la présente demande de modification de l'ordonnance initiale, cet avoir net s'élevait à 1 800 000 $. Dans l'intervalle, les années n'avaient pas été aussi favorables à Mme Pelech. Elle avait investi la plus grande partie de l'argent reçu à titre d'aliments et avait tenté de vivre des intérêts produits par cette somme et du revenu qu'elle parvenait à gagner en travaillant à temps partiel comme commis comptable et vendeuse. Mais, au cours des ans, il y a eu aggravation de ses problèmes psychologiques, auxquels se sont ajoutés des troubles physiques graves. À cause de sa mauvaise santé, elle a souvent été incapable de travailler et elle a dû entamer le capital de son fonds alimentaire pour survivre. En avril 1982, le fonds était épuisé et Mme Pelech a dû faire une demande d'aide sociale. Plus tard la même année, elle a touché une somme en héritage, qui lui a permis de verser un acompte de 15 000 $ pour un studio. Pour payer le reste du prix d'achat, elle a souscrit une hypothèque de 16 000 $. Le juge de première instance a résumé ainsi l'état des affaires de Mme Pelech à l'époque de la présente requête:

[TRADUCTION] L'épouse touche actuellement des prestations sociales de 430 $ par mois dont elle se sert pour subvenir à ses besoins. À part l'hypothèque, elle n'a pas d'autre dette. Actuellement, cette femme vit manifestement sous le seuil de la pauvreté. Le pronostic médical quant à sa capacité éventuelle d'obtenir un emploi rémunérateur semble réservé. Compte tenu de ce passé d'incapacités de l'épouse et de son inaptitude à obtenir ou à conserver un emploi rémunérateur pendant une période appréciable, je pense qu'il est très peu probable que cette femme de 53 ans puisse obtenir à l'avenir quelque emploi rémunérateur.

Mme Pelech est maintenant âgée de 54 ans et M. Pelech de 61 ans. Leurs deux enfants sont maintenant adultes et subviennent à leurs propres besoins.

II. La législation

6. En décembre 1982, Mme Pelech a présenté une requête, fondée sur le par. 11(2) de la Loi sur le divorce, en vue de faire modifier l'ordonnance alimentaire qui lui avait été accordée, douze ans auparavant, en vertu du par. 11(1) de la même loi. Voici le texte de l'art. 11 au complet:

11. (1) En prononçant un jugement conditionnel de divorce, le tribunal peut, s'il l'estime juste et approprié, compte tenu de la conduite des parties ainsi que de l'état et des facultés de chacune d'elles et des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent, rendre une ou plusieurs des ordonnances suivantes, savoir:

a) une ordonnance enjoignant au mari d'assurer l'obtention ou d'effectuer le paiement de la somme globale ou des sommes échelonnées que le tribunal estime raisonnables pour l'entretien

(i) de l'épouse,

(ii) des enfants du mariage, ou

(iii) de l'épouse et des enfants du mariage;

b) une ordonnance enjoignant à l'épouse d'assurer l'obtention ou d'effectuer le paiement de la somme globale ou des sommes échelonnées que le tribunal estime raisonnables pour l'entretien

(i) du mari,

(ii) des enfants du mariage, ou

(iii) du mari et des enfants du mariage; et

c) une ordonnance pourvoyant à la garde, à l'administration et à l'éducation des enfants du mariage.

(2) Une ordonnance rendue en conformité du présent article peut être modifiée à l'occasion ou révoquée par le tribunal qui l'a rendue s'il l'estime juste et approprié compte tenu de la conduite des parties depuis que l'ordonnance a été rendue ou de tout changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent.

7. Comme l'étendue du pouvoir d'une cour d'appel d'examiner l'ordonnance d'un tribunal d'instance inférieure est aussi en cause, je reproduis ici le par. 17(2) de la Loi:

17. (1) ...

(2) La cour d'appel peut

a) rejeter l'appel; ou

b) faire droit à l'appel et

(i) rendre le jugement qui aurait dû être rendu, y compris l'ordonnance ou toute ordonnance supplémentaire ou autre qu'elle estime juste, ou

(ii) ordonner un nouveau procès lorsqu'elle l'estime nécessaire dans le but de remédier à une injustice grave ou à une erreur judiciaire.

8. En outre, l'intimé conteste la compétence qu'aurait cette Cour pour entendre la présente affaire suivant le par. 18(1) de la Loi, qui porte:

18. (1) Appel d'une décision de la cour d'appel rendue en vertu de l'article 17 peut être interjeté, sur une question de droit, devant la Cour suprême du Canada, avec la permission de cette Cour.

Le paragraphe 41(1) et les art. 42 et 44 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S‑19 et ses modifications, sont également pertinents sur ce dernier point:

41. (1) Sous réserve du paragraphe (3), il peut être interjeté appel à la Cour suprême de tout jugement, définitif ou autre, rendu par la plus haute cour du dernier ressort habilitée, dans une province, à rendre jugement dans l'affaire en question, ou par l'un des juges de cette cour, que l'autorisation d'en appeler à la Cour suprême ait ou non été refusée par un autre tribunal, lorsque la Cour suprême estime, étant donné l'importance de l'affaire pour le public, l'importance des questions de droit ou des questions mixtes de droit et de fait qu'elle comporte, ou sa nature ou son importance à tout autre égard, qu'elle devrait en être saisie et lorsqu'elle accorde dès lors l'autorisation d'interjeter appel de ce jugement.

42. Nonobstant toute disposition de la présente loi, la Cour suprême a la compétence prévue par toute autre loi conférant juridiction.

44. (1) Nul appel ne peut être interjeté à la Cour suprême d'un jugement ou d'une ordonnance rendue dans l'exercice d'une discrétion judiciaire, sauf dans les procédures de la nature d'une poursuite ou procédure en equity qui prend naissance ailleurs que dans la province de Québec et sauf dans les procédures de mandamus.

(2) Le présent article ne s'applique pas à un appel sous le régime de l'article 41.

III. Les tribunaux d'instance inférieure

9. Le juge local Wong de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a fait droit à la requête présentée par Mme Pelech en vue de faire modifier l'ordonnance alimentaire initiale (1984), 41 R.F.L. (2d) 274. Le juge Wong a d'abord rejeté l'allégation de Mme Pelech portant que ses problèmes de santé découlaient de la cruauté physique dont elle aurait fait l'objet de la part de M. Pelech au cours de leur mariage. Il a conclu qu'il n'y avait aucune preuve de cruauté de cette nature et qu'en réalité les problèmes psychologiques de Mme Pelech avaient contribué à la rupture du mariage. Il s'est dit convaincu que Mme Pelech avait été représentée par un avocat indépendant au moment du divorce et que, par conséquent, la convention alimentaire ne pouvait être considérée comme lésionnaire. De plus, cette convention avait depuis longtemps été entièrement exécutée. Il s'agissait donc de déterminer si le tribunal devait modifier cette convention alimentaire, librement négociée et entièrement exécutée, sur laquelle se fondait l'ordonnance judiciaire initiale.

10. L'intimé a soutenu que la compétence que le par. 11(2) confère au tribunal repose sur l'existence d'une ordonnance judiciaire et qu'une fois l'ordonnance du par. 11(1) entièrement exécutée, il ne reste plus rien que le tribunal puisse modifier. Il a cité, à l'appui de cet argument, la décision de la Cour suprême de l'Alberta Collins v. Collins (1978), 2 R.F.L. (2d) 385. À la page 390 de cette décision, le juge Dechene cite, en les approuvant, les observations que fait le juge Sinclair, dissident, à la p. 216 de l'arrêt Goldstein v. Goldstein (1976), 23 R.F.L. 206 (C.A. Alb.):

[TRADUCTION] Si je dis cela c'est parce qu'à mon avis le législateur n'a jamais voulu qu'après le divorce les conjoints divorcés se doivent, pour toujours, mutuellement assistance en cas de besoin. À mon avis, l'intention du législateur doit avoir été qu'à un moment ou à un autre la personne divorcée puisse dire: "ça y est, c'est la fin de mes responsabilités envers mon ancien partenaire; je puis envisager une nouvelle vie, libre de toute responsabilité éventuelle envers mon ancien conjoint et planifier mes affaires en conséquence."

Le juge Dechene s'est aussi appuyé sur la déclaration du juge Anderson dans l'arrêt de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique Dal Santo v. Dal Santo (1975), 21 R.F.L. 117, portant qu'il est dans l'intérêt de la collectivité d'encourager les parties à négocier une convention à laquelle elles pourront se fier à l'avenir et que [TRADUCTION] "les contrats de ce genre ne devraient pas être modifiés à la légère" (p. 120).

11. Le juge Wong a rejeté cette interprétation du par. 11(2). Il a estimé que la nécessité de préserver la compétence du tribunal en matière de surveillance du paiement des aliments des anciens conjoints [TRADUCTION] "comme mesure accessoire au divorce" importe tout autant que celle du caractère définitif de leurs obligations matrimoniales. Il a considéré [TRADUCTION] "les rapports des divorcés" comme des rapports qui se poursuivent et qui comportent la faculté, toujours présente pour le tribunal, de s'assurer du respect des obligations alimentaires, présumément pendant aussi longtemps que les parties vivront. Il ne pensait pas qu'une interprétation plus large du par. 11(2) avait pour effet d'exclure les considérations énoncées par la cour dans l'arrêt Collins. Il a accepté l'opinion exprimée dans la jurisprudence, selon laquelle un tribunal ne devrait pas passer sous silence ni modifier à la légère une convention antérieure en rendant une ordonnance "juste et appropriée" au sens du par. 11(2). Le juge ne devrait donc intervenir qu'en cas de [TRADUCTION] "changement radical de circonstances" ou lorsque [TRADUCTION] "la conscience du tribunal est choquée". Le juge Wong a estimé qu'à l'époque où M. et Mme Pelech ont conclu la convention, ils ont tous deux présumé que Mme Pelech pourrait se trouver un emploi et qu'elle deviendrait autosuffisante financièrement. L'état actuel de grand dénuement dans lequel se trouve Mme Pelech constitue un changement radical de circonstances, alors que, de son côté, M. Pelech est devenu une personne bien pourvue. L'obligation de soutenir Mme Pelech devrait donc incomber à son ex‑conjoint plutôt qu'au trésor public. Le juge Wong a donc ordonné à M. Pelech de verser une pension alimentaire de 2 000 $ par mois à Mme Pelech.

12. Le juge Lambert, au nom de la Cour d'appel à l'unanimité, a infirmé la décision du juge Wong de modifier l'ordonnance initiale (1985), 45 R.F.L. (2d) 1, 17 D.L.R. (4th) 147, 61 B.C.L.R. 217. Tout en convenant que le tribunal ne peut perdre sa compétence du seul fait que les conditions de l'ordonnance antérieure ont été exécutées ou remplies, il avait une opinion différente quant au moment où il convient d'exercer cette compétence. Le juge Lambert a renvoyé à la jurisprudence abondante qui existe sur la question, en laissant entendre que le souci qu'on retrouve fréquemment dans les précédents modernes est que les parties puissent se fier aux conventions qu'elles ont conclues. Il a cité, en les approuvant, les motifs du juge Zuber dans l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario Farquar v. Farquar (1983), 1 D.L.R. (4th) 244, où ce dernier affirme que, puisque les changements de circonstances sont inévitables, on ne devrait pas s'en servir pour justifier une intervention judiciaire dans des arrangements contractuels par ailleurs valides et exécutoires. [TRADUCTION] "Si les parties conviennent de régler leurs affaires", affirme le juge Zuber, [TRADUCTION] "alors leurs affaires devraient être considérées comme réglées" (p. 253). Le juge Zuber ajoute cependant que si la convention conclue peut être contestée pour quelque autre raison, le changement de circonstances devient alors un facteur dont il faut tenir compte pour déterminer la pension alimentaire appropriée. Selon le juge Lambert, la mention par le juge Zuber de quelque autre fondement visait les moyens de défense traditionnels, en common law et en equity, opposables à l'exécution des contrats ordinaires ainsi que la [TRADUCTION] "catégorie de cas limitée" où un redressement est approprié malgré la force exécutoire du contrat.

13. Malheureusement, le juge Lambert n'a pas donné les détails de ce qu'il considère comme inclus dans cette catégorie de cas limitée où une convention exécutoire peut être modifiée, si ce n'est pour dire que les cas [TRADUCTION] "où les stipulations alimentaires sont préjudiciables à la garde des enfants sont un exemple qui vient immédiatement à l'esprit". Il s'est concentré plutôt sur le principe qu'il invoquait pour ne pas intervenir en l'espèce, savoir lorsque:

[TRADUCTION] a) il existe une convention de paiement d'aliments sous forme de montant forfaitaire ou de sommes échelonnées à verser pendant une période fixe,

b) la convention prévoit la renonciation à toute créance alimentaire future,

c) la convention était valide et exécutoire au moment où elle a été conclue,

d) la convention n'était ni déraisonnable ni injuste au moment où elle a été conclue,

e) les dispositions de la convention relatives au paiement d'aliments sont incorporées dans une ordonnance judiciaire sans qu'aucune modification n'ait été apportée sans le consentement des parties,

f) la convention et l'ordonnance judiciaire sont exécutées et tous les paiements alimentaires faits, et

g) il n'y a pas d'enfant dont la garde est directement touchée par une demande subséquente de modification de l'ordonnance alimentaire...

il ne devrait pas y avoir d'intervention. L'intervention du juge devrait être l'exception et non la règle:

[TRADUCTION] La règle est que les conventions doivent être respectées. Les partenaires unis par le mariage qui décident de se séparer devraient pouvoir fixer eux‑mêmes, s'ils le veulent, les conditions de leur séparation, sans courir le risque d'une intervention judiciaire. Si une convention n'est pas définitive et exécutoire, alors les compromis qu'il a fallu faire pour s'entendre n'auront servi à rien et les parties ne seront guère incitées ni encouragées à régler leurs divergences.

Le juge Lambert a reconnu que ce principe ferait en sorte que Mme Pelech et les autres personnes qui se trouvent dans une situation semblable demeureraient à la charge de la société. Cependant:

[TRADUCTION] ... à cela on doit opposer, parmi d'autres conséquences financières, les avantages pécuniaires qu'il y a pour la société à ce que ce soient les parties elles‑mêmes qui concluent une convention alimentaire exécutoire et non les juges ou d'autres officiers publics qui la leur imposent, dans des lieux fournis et entretenus à mêmes les deniers publics.

Le juge Lambert, pour conclure, a accueilli l'appel de M. Pelech et a rejeté la requête présentée par Mme Pelech en vue de faire modifier l'ordonnance alimentaire de 1969.

IV. Les moyens déclinatoires

A. Les pouvoirs du tribunal d'examen

14. L'appelante fait valoir que le principe énoncé par le juge Lambert de la Cour d'appel a pour effet d'entraver le pouvoir discrétionnaire attribué au juge de première instance par le par. 11(2). Ce pouvoir discrétionnaire, soutient l'appelante, confère au juge de première instance [TRADUCTION] "le droit absolu de modifier une ordonnance alimentaire dans des circonstances appropriées". La Cour d'appel, d'autre part, ne jouit pas d'un pouvoir discrétionnaire étendu de substituer son opinion à celle du juge de première instance; elle ne peut intervenir qu'en cas d'erreur de droit de la part du tribunal inférieur. L'appelante cite à l'appui de cet argument l'arrêt Harrington v. Harrington (1981), 33 O.R. (2d) 150 (C.A.)

15. L'intimé conteste cette conception de la compétence de la Cour d'appel et mentionne la proposition énoncée dans l'arrêt Piller v. Piller, [1975] 4 W.W.R. 342 (C.A.C.‑B.), selon laquelle le par. 17(2) de la Loi sur le divorce confère effectivement à la Cour d'appel le pouvoir discrétionnaire indépendant de statuer à nouveau sur l'affaire. Je reproduis encore une fois cet article pour des motifs de commodité:

17. (1) ...

(2) La cour d'appel peut

a) rejeter l'appel; ou

b) faire droit à l'appel et

(i) rendre le jugement qui aurait dû être rendu, y compris l'ordonnance ou toute ordonnance supplémentaire ou autre qu'elle estime juste, ou

(ii) ordonner un nouveau procès lorsqu'elle l'estime nécessaire dans le but de remédier à une injustice grave ou à une erreur judiciaire.

L'intimé s'appuie aussi sur l'observation que fait le juge en chef Laskin, dans l'arrêt Nash c. Nash, [1975] 2 R.C.S. 507, lorsqu'il dit, à la p. 516:

L'avocat de l'appelant se fonde, premièrement, sur ce que la Cour d'appel n'aurait pas dû s'introduire dans la discrétion du juge de première instance en ordonnant des versements périodiques [ . . . ] Sur le premier point soulevé, l'art. 17 de la Loi sur le divorce confère des pouvoirs des plus étendus à la Cour d'appel, et je ne saurais dire en l'espèce que si ce tribunal‑là avait le pouvoir d'ordonner que l'on garantisse le paiement périodique d'allocations d'entretien, il a eu tort de le faire.

16. Implicitement, l'argument de l'appelante est fondé sur la prémisse que le juge de première instance, en l'espèce, a agi dans les limites de son pouvoir discrétionnaire et que, puisqu'on n'a démontré l'existence d'aucune erreur de droit, la Cour d'appel doit s'en remettre à sa décision. Toutefois, la description par l'appelante de la compétence du juge de première instance selon le par. 11(2), comme étant [TRADUCTION] "le droit absolu de modifier [ . . . ] dans des circonstances appropriées" constitue une pétition de principe. Ce droit n'est pas "absolu"; il est clairement assujetti au caractère approprié des circonstances. Tout en convenant que le soi‑disant "principe" qu'énonce et applique le juge Lambert en l'espèce n'est qu'une illustration d'un ensemble de "circonstances appropriées" plutôt qu'une éventuelle règle de droit, les critères d'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge sont essentiellement des critères juridiques. Leur délimitation, tout comme leur non‑application ou leur mauvaise application, pose une question de droit. À mon avis, la présente affaire soulève nettement la question de savoir quels sont les critères applicables pour déterminer si une intervention judiciaire est appropriée en vertu du par. 11(2) ou, pour reprendre les termes de la Loi, quand il est "juste et approprié" que le tribunal modifie une ordonnance rendue en vertu du par. 11(1) lorsqu'il existe une convention antérieure valide et exécutoire. Comme cette question de droit est suffisante en soi pour attribuer compétence à la Cour d'appel, il n'est pas, à proprement parler, nécessaire de réconcilier les opinions divergentes exprimées dans les arrêts Piller et Harrington. Cependant les parties ont soulevé la question et elle semblerait exiger des éclaircissements.

17. L'arrêt Piller appuie la thèse selon laquelle le sous‑al. 17(2)b)(i) de la Loi sur le divorce confère un large pouvoir aux cours d'appel de contrôler les décisions rendues par des tribunaux d'instance inférieure dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. L'arrêt Carmichael v. Carmichael (1976), 27 R.F.L. 325 (C.A.C.‑B.) réaffirme cette interprétation en termes non équivoques. Dans cette affaire, le juge en chef Farris de la Colombie‑Britannique, auteur également de l'arrêt Piller, dit à la p. 329:

[TRADUCTION] Quand elle se demande si l'ordonnance rendue par une instance inférieure est appropriée, notre cour jouit d'un pouvoir discrétionnaire indépendant. Il n'a pas à être démontré, pour que nous puissions intervenir, que le juge de première instance s'est fondé sur un principe erroné ou qu'il n'a pas tenu compte de facteurs dont il aurait dû tenir compte ou qu'il a tenu compte de facteurs qui n'étaient pas appropriés: voir l'arrêt Piller v. Piller, 17 R.F.L. 252, [1975] 4 W.W.R. 342, à la p. 345, 54 D.L.R. (3d) 150 (C.A.C.‑B.) J'aborde donc ce problème comme si la cour était saisie de l'affaire pour la première fois. Le fait que j'arrive à un résultat différent ne signifie pas nécessairement que le juge Aikins avait tort. Cela signifie simplement que des hommes raisonnables peuvent avoir des opinions divergentes sur ce qui est approprié.

Les tribunaux de Colombie‑Britannique ont en général adhéré à cette interprétation large du par. 17(2), qui a aussi trouvé faveur auprès de la Cour d'appel du Manitoba dans l'arrêt Guberman v. Guberman, [1977] 2 W.W.R. 1.

18. Les tribunaux ontariens ont adopté un point de vue plus restrictif. Le passage suivant des motifs du juge Morden de la Cour d'appel dans l'arrêt Harrington expose le raisonnement sur lequel se fonde cet autre point de vue (aux pp. 154 et 155):

[TRADUCTION] L'alinéa 17(2)b)(i) de la Loi sur le divorce, qui nous permet de "rendre le jugement qui aurait dû être rendu" a pour objet de prescrire le type général de décision que nous pouvons rendre quand nous accueillons l'appel, au lieu d'ordonner un nouveau procès (al. 17(2)b)(ii)); il n'a pas pour but, à mon avis, d'énoncer une règle régissant les cas où nous pouvons modifier le jugement attaqué, c.‑à‑d., il n'établit pas la norme applicable pour déterminer si le jugement attaqué doit ou non être annulé. Le texte de l'al. 17(2)b)(i) n'est pas nouveau mais, au contraire, assez courant dans les lois qui traitent des appels (voir, par ex. 1857 (H.‑C.), chap. 5, art. 7, une loi relative à la Court of Error and Appeal du Haut‑Canada, et la Judicature Act, R.S.O. 1970, chap. 228, par. 30(1)) et sa fonction est, redisons‑le, de prescrire un aspect de la nature de notre pouvoir, après qu'il a été décidé, à bon droit, que l'appel devrait être accueilli.

Lorsque la décision ultime dépend d'une évaluation des principes et des considérations (c'est là le vaste mandat conféré par le par. 11(1) de la Loi sur le divorce), des esprits différents peuvent en toute honnêteté arriver à des conclusions différentes et il n'y a aucune règle fixe qui permet de déterminer de ce qui est "correct", il me semble que le sens pratique général et l'équité requièrent de l'appelant qu'il démontre l'existence d'une erreur grave dans le raisonnement du juge de première instance pour qu'une juridiction d'appel intervienne. Cela est d'autant plus vrai dans une affaire (et ce n'est pas le cas en l'espèce) où la seule question en cause est le montant de la créance. Ayant pu apprécier l'atmosphère du débat sur les faits, le juge de première instance est en général mieux placé que la juridiction d'appel pour exercer correctement son jugement en matière d'évaluation. Aussi, procéder selon un pouvoir discrétionnaire indépendant, comportant un examen de novo de toutes les questions, engendrerait inévitablement la possibilité d'arguer d'un droit d'appel dans à peu près tous les cas.

19. L'arrêt Piller et l'arrêt Harrington représentent tous les deux des courants de jurisprudence qui ont une grande force persuasive. Toutefois, il me semble que si l'on étudie le fondement de chaque conception et, en outre, leur effet général sur les notions traditionnelles de l'examen par voie d'appel, le point de vue exprimé dans l'arrêt Harrington conduit au résultat le plus acceptable.

20. La cour, dans l'arrêt Piller, s'est fondée sur les motifs du juge Martland dans l'arrêt Swain v. Dennison, [1967] R.C.S. 7, et sur les remarques déjà citées du juge en chef Laskin dans l'arrêt Nash. L'article 17 de la Testator's Family Maintenance Act, R.S.B.C. 1960, chap. 378, était la disposition législative en cause dans l'arrêt Swain v. Dennison. Elle porte:

[TRADUCTION] 17. La partie qui s'estime lésée peut interjeter appel, contre toute ordonnance rendue en vertu de la présente loi, à la Cour d'appel dans le même délai et de la même manière que dans le cas d'un jugement définitif rendu par la cour en matière civile.

Le juge Martland tient le raisonnement selon lequel, étant donné la nature discrétionnaire de la compétence que possède le juge de première instance en vertu de la Loi, et vu le droit d'appel expressément conféré par l'art. 17, la juridiction d'appel a le pouvoir de tirer ses propres conclusions quand une partie s'estime [TRADUCTION] "lésée". Il me semble cependant que le texte de loi en cause dans l'arrêt Swain v. Dennison diffère sensiblement du par. 17(2) de la Loi sur le divorce. La première disposition énonce les circonstances dans lesquelles une partie peut interjeter appel, c.‑à‑d., lorsqu'elle s'estime lésée par le jugement de première instance. Pour que ce droit d'appel très général ait un sens, la cour saisie de l'appel devrait pouvoir intervenir pour les mêmes raisons et corriger le préjudice dont on se plaint. C'est ce que dictent à la fois le bon sens et le principe dégagé dans l'arrêt Ashby v. White (1703), 2 Ld. Raym. 938, 92 E.R. 126, où l'on présume que l'attribution d'un droit s'accompagne de l'attribution d'un recours. Ainsi, l'art. 17 de la Testator's Family Maintenance Act, en délimitant la portée des droits d'appel d'une partie, délimite tacitement l'étendue du pouvoir d'intervention du tribunal d'examen.

21. Par contre, le par. 17(2) de la Loi sur le divorce énonce les pouvoirs de redressement que possède la cour qui procède à un examen par voie d'appel plutôt que les conditions auxquelles cet appel peut être entendu en premier lieu. Ces pouvoirs sont de trois ordres: elle peut rejeter l'appel, faire droit à l'appel et rendre le jugement qui aurait dû être rendu en premier lieu ou faire droit à l'appel et ordonner un nouveau procès. C'est la formulation de la deuxième forme possible de redressement, savoir rendre le jugement "qui aurait dû être rendu", qui a suscité la divergence d'opinions. Toutefois, je ne pense pas qu'en lui‑même le raisonnement de l'arrêt Swain v. Dennison exige l'interprétation élargie que propose le juge en chef Farris de la Colombie‑Britannique, en ce qui concerne le genre de jugement qui "aurait dû être rendu". Je serais plutôt portée à penser, comme l'a fait le juge Morden dans l'arrêt Harrington, que l'énumération des pouvoirs au par. 17(2) a pour but d'énoncer les solutions dont dispose la cour quand elle accorde ou rejette un appel, conformément aux principes traditionnels applicables à l'examen par voie d'appel. La loi en cause dans l'arrêt Swain v. Dennison ne portait pas directement sur l'aspect redressement de la compétence de la cour.

22. D'autre part, les remarques du juge en chef Laskin dans l'arrêt Nash étayent le point de vue adopté dans l'arrêt Piller, qui ne dépend aucunement du traitement parallèle de la Testator's Family Maintenance Act dans l'arrêt Swain v. Dennison. La question de fond dans l'affaire Nash était de savoir si la Cour d'appel pouvait assujettir un jugement conditionnel à la fourniture d'une garantie suffisante pour assurer les paiements alimentaires. Selon le juge en chef Laskin, ni le juge de première instance ni la Cour d'appel n'avaient compétence pour concevoir une telle forme de redressement. Par conséquent, il n'avait pas à examiner la question de savoir si la cour était en outre empêchée de le faire à cause des limites traditionnelles imposées à l'examen par voie d'appel. À proprement parler donc, les observations sur lesquelles se sont fondés l'intimé en l'espèce et le juge en chef Farris de la Colombie‑Britannique dans l'arrêt Piller constituent des opinions incidentes. Néanmoins, il s'agit d'opinions incidentes assez importantes qui, d'ailleurs, laissent penser qu'aux yeux du juge en chef Laskin le par. 17(2) autoriserait la Cour d'appel à substituer son propre pouvoir discrétionnaire à celui du juge de première instance.

23. Le juge Morden n'a pas examiné l'effet que pourraient avoir les observations du juge en chef Laskin dans l'arrêt Nash, si ce n'est pour dire qu'il ne les interprétait pas comme menant à la conclusion que l'art. 17 de la Loi sur le divorce confère à la Cour d'appel un pouvoir discrétionnaire indépendant. Il rappelle, à la p. 155, que [TRADUCTION] "ce point de vue n'a pas été suivi dans des décisions d'un autre genre, comme celles relatives au jugement conditionnel de divorce lui‑même et à la garde, qui peuvent faire l'objet d'un appel en vertu de l'art. 17".

24. Quant à ce dernier point, il appert que même la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique qui a, en général, souscrit au point de vue de l'arrêt Piller, a entretenu des doutes sur l'à‑propos de cette conception lorsque c'est la garde qui est en cause. Dans l'arrêt Gazdeczka v. Gazdeczka (1982), 30 R.F.L. (2d) 428 (C.A.C.‑B.), la principale question en litige concernait l'attribution de la garde, faite accessoirement à des procédures de divorce. En rejetant l'appel interjeté contre la décision du juge de première instance, le juge Hinkson de la Cour d'appel affirme (aux pp. 430 et 431):

[TRADUCTION] Dans l'arrêt Genest v. Genest (1970), 3 R.F.L. 97, 73 W.W.R. 81, 11 D.L.R. (3d) 254, cette cour avait été saisie d'un appel en matière de garde. Le juge McFarlane s'est référé ainsi à l'arrêt Bickley v. Bickley, [1957] R.C.S. 329, 7 D.L.R. (2d) 465, et à ce qui a été dit par le juge Cartwright (plus tard Juge en chef), à la p. 333:

"...compte tenu de tous les éléments de preuve versés au dossier, nous concluons qu'il est impossible de dire qu'il (c.‑à‑d. le savant juge de première instance) n'a pas profité pleinement sur le plan judiciaire de l'occasion qui lui était offerte, et qui est refusée aux tribunaux d'appel, de voir et d'entendre les parties; l'avantage dont jouit ainsi le juge de première instance est toujours considérable, mais plus particulièrement dans un cas de ce genre où tant de choses dépendent de la moralité des parents dont les demandes s'opposent."

Il me semble que ce principe s'applique en l'espèce.

Le juge Hinkson a quand même, à l'invitation pressante des avocats, tiré ses propres conclusions à ce propos en se fondant sur l'arrêt Piller. Mais, même là, il s'est trouvé en accord avec le jugement de première instance.

25. Une autre entorse à l'arrêt Piller semble avoir été faite dans l'arrêt récent du juge MacFarlane, Posener v. Posener (1984), 4 D.L.R. (4th) 385 (C.A.C‑B.) Dans l'affaire Posener, les parties avaient divorcé en 1973. Il n'y avait eu aucune demande d'aliments dans la requête en divorce et le jugement conditionnel de divorce ne contenait aucune disposition à cet égard. Toutefois, les parties avaient antérieurement réglé leurs affaires dans une convention de séparation qui stipulait notamment que le mari verserait une pension alimentaire à sa femme. Le montant de la pension avait été modifié en 1975, en vertu de la Family Relations Act, S.B.C. 1972, chap. 20. Le mari se conforma aux nouvelles conditions de la pension jusqu'en 1979. En 1981, la femme intenta une action en paiement des arrérages. Le mari a déposé une demande reconventionnelle en vue d'obtenir une ordonnance modifiant le jugement conditionnel en y incorporant la nouvelle convention, en faisant d'autres changements quant au montant de la pension et en éliminant les arrérages. Le juge de première instance a accordé en partie l'ordonnance de modification. Il a incorporé la convention, mais a refusé d'éliminer les arrérages. Il a aussi refusé de modifier le montant de la pension, si ce n'est pour établir une formule de réduction de celle‑ci, au cas où les revenus du mari diminueraient. En appel, le juge MacFarlane a refusé de modifier la décision du juge de première instance. Bien qu'il ne mentionne ni le courant de jurisprudence fondé sur l'arrêt Piller ni celui fondé sur l'arrêt Harrington, la perception des limites de l'examen par voie d'appel des ordonnances rendues en vertu du par. 11(2), qui émerge des motifs du juge MacFarlane, s'accorde manifestement avec les notions traditionnelles avancées par le juge Morden dans l'arrêt Harrington. Par exemple, le juge MacFarlane dit, à la p. 387:

[TRADUCTION] La conclusion du juge en chambre révèle toutefois qu'il était conscient qu'il devait se demander si l'équilibre entre les parties s'était déformé au point de devenir injuste. Il a tenu compte non seulement des montants dont s'étaient accrus les revenus de l'épouse et dont ceux du mari avaient été réduits, mais aussi de plusieurs autres facteurs qui influeraient dans une certaine mesure sur sa conclusion. Il ne nous revient pas de juger à nouveau cette question, le juge ayant été saisi de tous les éléments de preuve pertinents nécessaires.

L'adhésion du juge MacFarlane au principe de la déférence pour les questions qui sont du ressort particulier du juge de première instance, est affirmée plus clairement encore dans ce dernier passage, à la p. 388:

[TRADUCTION] Une intervention serait justifiée uniquement si la cour était nettement d'avis que le juge en chambre s'est fondé sur un mauvais principe ou qu'il a mal exercé son pouvoir discrétionnaire, ou encore que sa décision pourrait causer une injustice. Je ne suis pas convaincu que le juge en chambre s'est fondé sur un mauvais principe et je ne pense pas que les circonstances justifient une intervention dans cet exercice du pouvoir discrétionnaire du juge. Il a tenu compte du droit applicable et de tous les faits pertinents.

Le juge MacFarlane fait ensuite allusion à la répugnance particulière qu'éprouvent les tribunaux à perturber les arrangements contractuels intervenus entre des parties, pour conclure, à la p. 389:

[TRADUCTION] En l'espèce, après audition d'un débat prolongé, il appert que ce qui nous est réellement demandé de faire c'est de substituer notre opinion à celle du juge en chambre quant au montant des aliments. Nous ne devrions pas le faire. Le juge s'est posé la bonne question, c'est‑à‑dire celle de savoir s'il y avait des circonstances inhabituelles qui exigeaient la modification des modalités de la convention de séparation. Il a découvert une circonstance inhabituelle à laquelle il a remédié de la manière que j'ai indiquée. Je pense que c'était à bon droit. À part cela, les circonstances ne me paraissent pas exiger une plus grande intervention dans les modalités de la convention de séparation. Je suis d'avis de rejeter l'appel.

26. Ainsi, dans une certaine mesure, les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont remis en cause, voire abandonné, l'idée que le par. 17(2) confère aux tribunaux d'appel un pouvoir discrétionnaire large et illimité de statuer à nouveau sur des affaires. En outre, la conception plus étroite et plus traditionnelle avancée dans l'arrêt Harrington paraît avoir été accueillie favorablement dans plusieurs autres ressorts, soit par référence expresse aux motifs du juge Morden, soit simplement par l'affirmation que seule une erreur grave ou une décision fondée sur un principe erroné justifie une intervention: voir Schmeiser v. Schmeiser (1982), 21 Sask. R. 437 (C.A.), Dwelle v. Dwelle (1982), 31 R.F.L. (2d) 113 (C.A. Alb.), MacAllister v. MacAllister (1984), 39 R.F.L. (2d) 307 (C.A.N.‑B.), et Webster v. Webster (1978), 25 N.S.R. (2d) 33 (C.A.) La Cour d'appel du Québec semble aussi préférer le point de vue de l'arrêt Harrington, quoique l'on ne s'entende pas exactement sur ce que cela signifie quand il s'agit de l'appliquer. (Voir Droit de la famille—182, [1985] C.A. 92.)

27. À mon avis toutefois, la raison la plus impérieuse d'adopter le point de vue de l'arrêt Harrington réside dans la similarité, que souligne le juge Morden, entre le texte du par. 17(2) de la Loi sur le divorce et celui du par. 30(1) de The Judicature Act, R.S.O. 1970, chap. 228. Ce paragraphe se lit ainsi:

[TRADUCTION] 30.—(1) En cas d'appel, la cour peut rendre tout jugement qui aurait dû être rendu et toute ordonnance supplémentaire ou autre qu'elle estime juste.

L'article 47 de la Loi sur la Cour suprême qui régit les pourvois formés devant cette Cour emploie aussi des termes similaires, bien qu'on n'y trouve aucune directive quant à des ordonnance supplémentaires:

47. La Cour peut rejeter un appel, ou elle peut prononcer le jugement et décerner les ordonnances ou autres procédures que la cour dont le jugement est porté en appel aurait dû prononcer ou décerner.

De plus, l'art. 8 de la Court of Appeal Act, R.S.S. 1978, chap. C‑42, fournit un contraste instructif:

[TRADUCTION] 8. En cas d'appel ou de requête contre l'ordonnance, la décision, le verdict ou le jugement d'un juge de première instance, ou en cas de nouvelle audition de toute cause, demande ou affaire, la cour n'est pas tenue d'ordonner un nouveau procès ni d'adopter l'opinion du juge de première instance quant à la preuve soumise; mais la cour se fonde sur sa propre opinion de ce que la preuve soumise démontre à son avis, et elle peut faire des déductions de fait et rendre le verdict, la décision ou l'ordonnance qu'à son avis le juge saisi de l'affaire aurait dû rendre.

28. Le mandat clair de "se fonde[r] sur sa propre opinion de ce que la preuve soumise démontre à son avis" et l'autorisation de "faire les déductions de fait" sembleraient indiquer qu'on s'écarte délibérément des principes dont on tient compte dans d'autres ressorts pour circonscrire les pouvoirs des juridictions d'appel. À la page 544 de l'arrêt Hallberg v. C.N.R. (1955), 16 W.W.R. 538, le juge Gordon conclut, à cause de cet article, que les pouvoirs de la Cour d'appel de la Saskatchewan sont [TRADUCTION] "les pouvoirs les plus larges jamais conférés à une juridiction d'appel au Canada". Malgré cela toutefois, dans certaines décisions récentes rendues en Saskatchewan, on semble avoir abordé de manière plus prudente les pouvoirs énoncés à l'art. 8. Dans l'arrêt Baumgartner Estate v. Ripplinger (1984), 34 Sask. R. 181, le juge Brownridge de la Cour d'appel prend soin de justifier l'intervention de la cour en fonction de principes bien établis avant d'invoquer l'autorité supplémentaire de l'art. 8. Dans l'arrêt Csada v. Csada (1984), 35 Sask. R. 301, le juge en chef Bayda de la Saskatchewan fait la distinction entre la simple constatation de fait et les déductions de fait, en disant que l'art. 8 n'autorise l'intervention de la Cour d'appel que dans le cas de ces dernières. Enfin, dans l'arrêt Lensen v. Lensen, [1984] 6 W.W.R. 673, le juge Tallis de la Cour d'appel a établi une distinction entre les divers arrêts de principe relatifs à la compétence d'appel fondée sur l'art. 8, mais la question de fait soulevée dans cet appel n'avait pas fait l'objet d'une conclusion du juge de première instance.

29. Bien que la portée des dispositions en vigueur en Saskatchewan ne soit pas en cause en l'espèce, il serait surprenant que des pouvoirs aussi larges aient été conférés à cette Cour ainsi qu'aux cours d'appel dont la loi habilitante utilise des termes semblables à ceux de la Loi sur le divorce. Pour s'écarter autant des principes établis, il faudrait, semble‑t‑il, des termes plus clairs qu'une directive législative de rendre le jugement qui "aurait dû" ou "devrait" être rendu et de rendre toute ordonnance supplémentaire qu'on "estime" ou "considère" juste. En fait, il semble implicite dans ces termes mêmes que le jugement prononcé en cour d'instance inférieure n'aurait pas dû l'être, c.‑à‑d. qu'il contient un vice quelconque qui est à la source d'une injustice à laquelle on doit remédier en appel. En résumé, je suis d'accord avec la délimitation des pouvoirs d'appel que fait le juge Morden dans le passage suivant de ses motifs, dans l'arrêt Harrington, à la p. 154:

[TRADUCTION] En ce qui concerne la norme applicable à l'examen par voie d'appel, je suis d'avis que nous ne devrions pas intervenir dans une décision du juge de première instance à moins d'être persuadés que ses motifs recèlent une erreur grave, ce qui inclurait une méprise sérieuse dans l'appréciation de la preuve soumise, bien entendu, et, pour reprendre une expression bien connue, le cas où le juge de première instance a "commis une erreur de principe ou (si son) jugement définitif (est) par ailleurs manifestement erroné": Attwood v. Attwood, [1968] P. 591, à la p. 596. En d'autres termes, en l'absence d'erreur grave, je ne pense pas que la cour jouisse du "pouvoir discrétionnaire indépendant" de se prononcer à nouveau sur la question des aliments, et ce, malgré tout le respect que j'ai pour les décisions contraires: voir, par ex., Piller v. Piller (1975), 54 D.L.R. (3d) 150, [1975] 4 W.W.R. 342, 17 R.F.L. 252 (C.A.C.‑B.), et Carmichael v. Carmichael (1976), 69 D.L.R. (3d) 297, 27 R.F.L. 325 (C.A.C.‑B.)

B. La compétence de cette Cour

30. Le second moyen déclinatoire porte sur le fondement d'un pourvoi en cette Cour. L'intimé invoque, au sujet du pouvoir de la Cour en matière d'examen, le même argument que l'appelante a avancé quant au pouvoir de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique de renverser la décision du juge de première instance. L'intimé soutient que l'art. 18 de la Loi sur le divorce, qui confère à cette Cour une compétence limitée d'entendre des pourvois formés relativement à des questions de droit, ne saurait être élargi par le par. 41(1) de la Loi sur la Cour suprême, qui autorise la Cour à statuer sur des questions qui ont une "importance [ . . . ] pour le public". L'intimé s'appuie à cet égard sur les arrêts Massicotte v. Boutin, [1969] R.C.S. 818, et Carnochan v. Carnochan, [1955] R.C.S. 669.

31. De nouveau ce qui est sous‑entendu, c'est que la cour d'instance inférieure, en l'occurrence la Cour d'appel, a agi dans les limites de son pouvoir discrétionnaire et que, par conséquent, aucune question de droit ne se pose. Tout simplement encore une fois, je suis d'avis que l'énoncé des critères applicables à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge fait intervenir des principes juridiques. Le pourvoi relève donc de l'art. 18. Cela est conforme à la jurisprudence citée par l'intimé.

32. L'intimé soutient que, dans l'arrêt Massicotte v. Boutin, cette Cour a jugé que l'art. 18 de la Loi sur le divorce, et non le par. 41(1) de la Loi sur la Cour suprême, lui conférait compétence. Mais, dans cette affaire, le juge Fauteux (alors juge puîné) énonce ainsi le principe applicable, à la p. 821:

En présence de deux lois du Parlement, dont l'une, générale, a pour objet l'établissement de la Cour suprême et la définition de la juridiction d'appel de cette Cour et l'autre, spéciale, a exclusivement pour objet le divorce et épuise, sur le sujet, la matière de la loi, nous devons, à mon avis, appliquer le principe voulant que les dispositions de la loi spéciale, dans le cas où elles sont inconciliables avec celles de la loi générale, priment celles de la loi générale.

Ainsi, en substance, l'arrêt Massicotte porte que, lorsque l'art. 18 de la Loi sur le divorce et le par. 41(1) de la Loi sur la Cour suprême entrent en conflit, les dispositions de la Loi sur le divorce, plus spécialisée, prévalent. Présumément donc, lorsqu'il n'y a pas conflit, les deux lois peuvent conférer compétence. D'ailleurs, l'autorisation de pourvoi dans les affaires connexes, Richardson c. Richardson, [1987] 1 R.C.S. 857, et Caron c. Caron, [1987] 1 R.C.S. 892, a été accordée en vertu du par. 41(1) de la Loi sur la Cour suprême.

33. L'intimé prétend aussi que l'arrêt Carnochan de cette Cour a établi qu'une ordonnance fondée sur l'art. 11 est, par définition, un exercice de pouvoir discrétionnaire judiciaire. Comme l'art. 44 de la Loi sur la Cour suprême interdit généralement à cette Cour de réviser les décisions rendues dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, les pourvois contre les ordonnances fondées sur le par. 11(2) doivent inévitablement être rejetés dès ce stade. Toutefois, aucune proposition aussi stricte ne se dégage de l'arrêt Carnochan. L'arrêt reposait sur le par. 12(1) de la Married Women's Property Act, R.S.O. 1950, chap. 233, qui reprend certains termes du par. 11(2) de la Loi sur le divorce, savoir que [TRADUCTION] «le juge peut rendre toute ordonnance concernant les biens en litige [ . . . ] qu'il estime appropriée. ..» Le juge Cart­wright (alors juge puîné) a fait droit, au nom de la Cour, à la requête en cassation de la demande d'autorisation pour le motif que le juge de première instance avait agi dans les limites de son pouvoir discrétionnaire et que, par conséquent, l'art. 44 de la Loi sur la Cour suprême, identique à la disposition actuelle, interdisait tout autre pourvoi. Toutefois, le juge Cartwright affirme dans ses motifs, à la p. 673, que [TRADUCTION] "Il peut bien y avoir des cas relevant de l'art. 12 de la Married Women's Property Act où l'on peut se pourvoir devant cette Cour". Il cite comme exemple le cas d'un litige portant sur un droit de propriété où le juge ne statue pas sur l'affaire conformément aux principes de droit applicables. À mon avis, tous les cas où le tribunal d'instance inférieure commet une erreur dans sa formulation des principes sur lesquels il se fonde pour exercer son pouvoir discrétionnaire soulèvent une question de droit. En outre, le pouvoir discrétionnaire prévu au par. 11(2) de la Loi sur le divorce est beaucoup plus structuré que celui prévu au par. 12(1) de la Married Women's Property Act, puisqu'il doit être exercé "compte tenu de la conduite des parties depuis que l'ordonnance a été rendue ou de tout changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent". En réalité, cela fait partie de la tâche de la Cour de cerner le contenu juridique à donner à ce «changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances...»

V. Observations préliminaires

34. Le noeud du litige en l'espèce porte sur l'effet qu'a une convention antérieure valide et exécutoire sur le pouvoir discrétionnaire que le par. 11(2) confère au tribunal de modifier les ordonnances alimentaires. Certaines observations préliminaires pourraient être utiles.

35. Comme première observation, il y a le principe qu'une convention alimentaire ne peut jamais totalement supprimer la compétence du tribunal d'imposer ses propres conditions aux parties. Ce principe découle de l'arrêt de la Chambre des lords Hyman v. Hyman, [1929] A.C. 601. Dans cet arrêt, le lord chancelier Hailsham dit, à la p. 614:

[TRADUCTION] Quoi qu'il en soit, il suffit pour les fins de l'espèce de conclure, comme je le fais, que le pouvoir du tribunal de prescrire une pension alimentaire au profit de la femme au moment de la dissolution de son mariage est nécessairement accessoire au pouvoir de décréter cette dissolution, qui lui est conféré non seulement dans l'intérêt de la femme, mais aussi dans celui du public, et que la femme ne saurait d'elle‑même, par convention, s'interdire d'invoquer la compétence du tribunal ni interdire au tribunal d'exercer cette compétence.

36. L'opinion selon laquelle la renonciation éclairée et négociée librement à des droits conférés par la loi ne saurait rendre le tribunal incompétent est étayée par le texte même du par. 11(2) et aussi par la jurisprudence. Quoique l'arrêt récent de cette Cour Messier c. Delage, [1983] 2 R.C.S. 401, ne mettait pas en cause une convention alimentaire, le principe de l'arrêt Hyman sous‑tend le point de vue exprimé par le juge Chouinard, au nom de la Cour à la majorité, que les ordonnances rendues en vertu du par. 11(1) ne peuvent jamais être vraiment définitives. Le juge Chouinard expose l'incidence du régime de l'art. 11 dans le passage suivant, aux pp. 411 et 412:

En l'espèce le débat a porté exclusivement sur l'art. 11 de la Loi sur le divorce. Le paragraphe (2) de cet article met en jeu quatre facteurs:

a) la conduite des parties;

b) leur état respectif;

c) leurs facultés;

d) les autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent.

Le paragraphe 11(2) porte qu'une ordonnance peut être modifiée à l'occasion (from time to time) ou révoquée en tenant compte des facteurs ci‑dessus que le tribunal doit peser l'un en regard de l'autre. Ce qui caractérise ce paragraphe c'est, à mon avis, qu'une ordonnance n'est jamais définitive. Elle peut être modifiée à l'occasion (from time to time) ou révoquée si le tribunal l'estime juste et approprié compte tenu de ces facteurs.

37. Les arrêts Hyman et Messier règlent la question limitée de la compétence d'intervention du tribunal. Cependant, ils ne répondent pas à la question plus générale de savoir dans quels cas il est juste et approprié d'exercer cette compétence, compte tenu des facteurs énumérés. Par conséquent, ma seconde observation porte sur le nouvel accent mis depuis l'adoption de la loi actuelle en 1968. La jurisprudence révèle qu'on s'écarte nettement de la notion de la responsabilité morale ou de la "faute", pour passer à la recherche de ce qui est juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances dans lesquelles se trouvent les parties, y compris leurs facultés et leurs besoins.

38. Avant 1968, le jugement de divorce accordé en vertu des divers régimes législatifs en vigueur au Canada, était lié à la perpétration d'un délit conjugal. La loi de 1968 a fusionné plusieurs régimes en un seul code et, généralement parlant, a conservé la notion de la faute conjugale comme mesure de redressement. Mais elle a aussi introduit, à son art. 4, le critère de la rupture définitive du mariage comme autre motif de redressement. Le juge en chef MacKeigan résume ce changement d'attitude qu'indique la nouvelle législation, dans l'arrêt Connelly v. Connelly (1974), 47 D.L.R. (3d) 535 (C.A.N.‑é.), à la p. 539:

[TRADUCTION] Avec égards, je souscris à cette reconnaissance tacite que, au Canada, la Loi sur le divorce de 1968, 1967‑68 (Can.), chap. 24, en faisant de la rupture du mariage le motif premier du divorce en pratique, a supprimé la notion de "blâme" comme facteur déterminant en matière d'aliments. Il n'est plus nécessaire, si jamais ce fut déjà le cas, ce dont on peut douter, de soupeser et d'évaluer les degrés relatifs de "culpabilité". Certainement, il n'y a rien maintenant dans la Loi qui justifie de procéder à une évaluation moraliste des cas de rupture matrimoniale en général.

39. Toutefois, la réaction des juges a été loin d'être uniforme et, en fait, il semblerait que la directive législative, à l'art. 11, de tenir compte de "la conduite des parties" soit incompatible avec l'abandon manifeste des notions de culpabilité et de punition de l'art. 3. Comme le juge Rosalie Abella le souligne dans Economic Adjustment On Marriage Breakdown: Support (1981), 4 F.L.R. 1, l'introduction de la notion de rupture du mariage comme motif de divorce a amené le tribunal à considérer d'abord et avant tout les rapports financiers établis entre les parties au cours du mariage comme étant plus pertinents, que l'attribution du blâme, pour déterminer ce qui constitue un partage juste et approprié de leurs biens. Elle explique la tendance, à la p. 6, en termes de droits à la vie privée des conjoints:

[TRADUCTION] Il n'appartient vraiment pas au gouvernement d'apprécier la moralité des rapports conjugaux pour décider quelles conséquences économiques devraient découler du comportement des conjoints. La conduite des parties ne devrait être pertinente que dans la mesure où elle révèle un passé d'interactions financières qui prédétermineront vraisemblablement les besoins et les capacités monétaires lorsqu'un terme sera mis à ces rapports.

Le juge Bayda (plus tard juge en chef de la Saskatchewan) exprime le même sentiment dans l'arrêt Piasta v. Piasta (1974), 15 R.F.L. 137 (B.R. Sask.), à la p. 139:

[TRADUCTION] Je ne vais pas disséquer chaque petite chamaillerie (il y en a eu beaucoup) rapportée en preuve, pour rechercher dans chaque cas qui en est victime ou responsable, car je n'ai l'intention de pénaliser ni l'une ni l'autre des parties pour leur comportement prétendument fautif au cours de leur vie conjugale malheureuse. Les circonstances de l'espèce indiquent qu'il y a des choses plus graves et plus importantes à considérer et à étudier si je veux rendre une ordonnance "juste et appropriée" au sens de l'art. 11 de la Loi sur le divorce. Il faudrait réaliser que, tandis que par le passé le juge accordait une grande importance à la conduite des parties lorsqu'il examinait la question des aliments, aujourd'hui un nouvel ordre de priorités a été établi et la conduite des parties ne revêt plus l'importance qu'elle avait autrefois. C'est sans la moindre hésitation que je dis que, dans l'affaire dont je suis saisi, on aurait fait un meilleur usage du temps dont dispose le tribunal si les avocats s'étaient intéressés à ce qui importe réellement, la situation financière de la famille.

40. Certes, il est salutaire de s'intéresser moins à la responsabilité morale des parties, mais cela rend le calcul de ce qui est "juste et approprié" au sens de l'art. 11 beaucoup plus difficile et complexe. Les tribunaux sont obligés d'analyser le type d'interdépendance financière qui s'établit dans chaque ménage en particulier et de concevoir une ordonnance alimentaire qui minimise autant que possible les conséquences économiques de la rupture du ménage. En ce sens, chaque cas est sui generis comme cette Cour l'a affirmé dans l'arrêt Messier. Cependant, l'ordonnance rendue doit être conforme à une norme uniforme d'équité et de caractère raisonnable. Comme le juge Monnin (plus tard juge en chef du Manitoba) le dit dans l'arrêt Katz v. Katz (1983), 33 R.F.L. (2d) 412 (C.A. Man.), [TRADUCTION] "l'équité est l'élément essentiel". Il a alors rejeté la demande de la requérante visant à obtenir une hausse de sa pension alimentaire, pour le motif qu'à son avis la pension alimentaire qu'elle touchait alors lui permettait de [TRADUCTION] "vivre raisonnablement" et qu'elle n'avait pas démontré l'existence d'un "besoin valable". La Commission de réforme du droit du Canada, dans son rapport intitulé Le droit de la famille (1976), affirme, aux pp. 45 et 46, que "les besoins raisonnables" devraient être évalués en fonction des facteurs suivants:

a) la répartition des rôles au cours du mariage;

b) l'accord exprès ou tacite par lequel l'un des époux s'engage à assurer le soutien de l'autre;

c) les accords intervenus quant à la garde des enfants du mariage au moment de la dissolution;

d) l'incapacité physique ou mentale de l'un des époux affectant sa capacité de subvenir à ses propres besoins; ou

e) l'incapacité pour l'un des époux d'obtenir un emploi rémunéré.

La Commission propose ensuite que "Un droit au soutien devrait se prolonger aussi longtemps que les besoins raisonnables existent, sans toutefois leur survivre; le soutien peut être temporaire ou permanent".

41. Le changement qui consiste à s'intéresser non plus à l'attribution du blâme, mais à l'évaluation de ce qui est raisonnable d'après les besoins et les facultés des parties, s'applique tant aux ordonnances rendues en vertu du par. 11(1), comme dans l'arrêt Connelly, qu'aux ordonnances de modification fondées sur le par. 11(2), comme dans l'arrêt Katz. Dans ce dernier cas, ce critère supplémentaire qu'est le changement peut donc être perçu comme un changement de circonstances qui fait que l'ordonnance initiale n'est plus juste et raisonnable.

42. La troisième et dernière observation que je tiens à faire concerne l'importance qu'il faut attacher, en vertu de l'art. 11, au fait que les parties ont elles‑mêmes donné leur accord sur la question des aliments. La jurisprudence dit clairement qu'il doit s'agir là d'un facteur important dont le tribunal doit tenir compte en procédant à un examen fondé sur le par. (1) ou le par. (2). Il est clair aussi que cela a un effet important sur le degré ou la nature du changement de circonstances requis pour pouvoir exercer le pouvoir discrétionnaire accordé par le par. 11(2). Malheureusement, l'étendue de cet effet a échappé à toute définition. Le juge Blair de la Cour d'appel, dans l'arrêt Webb v. Webb (1984), 39 R.F.L. (2d) 113 (C.A. Ont.), résume, à la p. 131, les diverses tentatives faites en ce sens:

[TRADUCTION] Les tribunaux canadiens ont reconnu, en rendant ou en modifiant des ordonnances alimentaires conformément à l'art. 11 de la Loi sur le divorce, qu'une convention préexistante ne pouvait être "écartée à la légère", comme le juge Morden l'a dit dans l'arrêt Harrington v. Harrington (1981), 33 O.R. (2d) 150, à la p. 154, 22 R.F.L. (2d) 40, à la p. 45, 123 D.L.R. (3d) 689 (C.A.) Un critère plus strict s'applique dans le cas d'un changement de circonstances qui justifie de s'écarter des modalités d'une convention sur laquelle se fonde un jugement de divorce, que dans le cas des demandes de modification habituelles fondées sur le par. 11(2). On a eu recours à divers termes, expressions et épithètes pour décrire cette norme supérieure, notamment: un "changement (de) circonstances très important" dans l'arrêt Bjornson v. Bjornson (1970), 2 R.F.L. 414, à la p. 415 (C.A.C.‑B.), le juge en chef Davey; un changement "radical" dans l'arrêt Ditullio v. Ditullio (1974), 3 O.R. (2d) 519, 16 R.F.L. 148, à la p. 151, 46 D.L.R. (3d) 66 (H.C.), le juge local DuPont de la Cour suprême; un "changement imprévu ... fort différent de ce à quoi on s'attendait" dans l'arrêt Burns v. Burns, [1963] 2 O.R. 142, à la p. 146, 38 D.L.R. (2d) 572 (H.C.), le juge Gale; et "non seulement un changement quelconque de circonstances, mais encore des conditions qui heurtent la conscience du tribunal et exigent qu'il agisse", dans l'arrêt Poste v. Poste, [1973] 2 O.R. 674, à la p. 676, 11 R.F.L. 264, 35 D.L.R. (3d) 71 (H.C.), le juge Wright.

43. L'imprécision inévitable d'une telle norme est à la source d'une grande incertitude et elle est au coeur de la divergence des opinions exprimées par les parties et par les tribunaux d'instance inférieure en l'espèce. L'examen de la jurisprudence révèle que ces opinions varient d'une conception extrêmement restrictive, qui n'autoriserait l'intervention que si les enfants sont en péril ou si la convention est lésionnaire, à une conception très large, qui n'accorde à la convention des parties que fort peu de poids et confirme que le tribunal fait office d'arbitre de ce qui est juste et raisonnable.

44. Ces observations préliminaires peuvent être résumées ainsi:

1) C'est un principe bien établi que la compétence du tribunal en matière de surveillance du paiement des aliments ne saurait être supprimée par contrat.

2) La tendance générale de la jurisprudence, quand elle façonne des ordonnances alimentaires, a été de s'écarter de la notion de "faute" pour tenter d'arriver à un arrangement juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances dans lesquelles se trouvent les parties, y compris leurs facultés et leurs besoins.

3) S'il est généralement accepté que l'existence d'une convention antérieure conclue par les parties constitue un fait important, il existe une grande variété d'opinions sur l'effet qu'elle a sur les principes juridiques qui régissent l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'art. 11.

VI. Autres conceptions

45. L'arrêt du juge Lambert de la Cour d'appel reflète l'opinion voulant qu'une convention antérieure restreigne effectivement le pouvoir que confère au tribunal l'art. 11 de la Loi sur le divorce. On trouve l'expression la plus claire de ce point de vue dans l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario Farquar v. Farquar, précité, où le juge Zuber conclut que les tribunaux ne devraient écarter une convention alimentaire valide et exécutoire que dans "une catégorie de cas limitée".

46. Une philosophie fort différente et, certes, plus paternaliste se manifeste dans les arrêts de la Cour d'appel du Manitoba, tel l'arrêt Newman v. Newman (1980), 4 Man. R. (2d) 50, qui minimise l'importance de la liberté contractuelle et impose aux parties la norme judiciaire du caractère raisonnable, malgré leur convention contraire.

47. Une troisième opinion, "de compromis", se dégage de l'arrêt Webb où le juge Blair propose que le changement de circonstances, nécessaire à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal conféré par le par. 11(2), soit un changement "radical" ou "catastrophique".

48. Enfin, une quatrième possibilité ressort du fait que la jurisprudence fait souvent référence à des catégories spécifiques de changement pour justifier l'intervention du juge, plutôt qu'à un simple changement d'une certaine ampleur.

A. La thèse de "l'autonomie de la volonté"

49. Dans l'affaire Farquar, l'épouse intimée avait expressément renoncé à son droit à des aliments dans la convention qui avait été incorporée dans le jugement de divorce. Un an plus tard, elle a demandé une modification en vertu du par. 11(2) et elle a obtenu une ordonnance de paiement d'un montant forfaitaire. Le mari a interjeté appel. Le juge Zuber, au nom de la cour à l'unanimité, a reconnu que les conditions alimentaires imposées par le juge de première instance étaient beaucoup plus appropriées que celles auxquelles les parties étaient arrivées dans leur convention. Mais, a‑t‑il jugé, ce n'était pas là la question dont il était saisi; la question dont il était saisi était de savoir si la convention devait être respectée et interdisait toute intervention judiciaire.

50. Le juge Zuber a commencé par affirmer qu'il est préférable que les parties règlent leurs propres affaires. Il donne plusieurs raisons à l'appui de cela, notamment: (1) les parties sont plus susceptibles d'accepter et de respecter un arrangement qu'elles ont elles‑mêmes conclu, par opposition à un arrangement qui leur est imposé; (2) la charge administrative des tribunaux se trouve allégée quand on respecte la liberté contractuelle des parties, et (3) considérer comme définitive la convention intervenue entre les parties leur permet de planifier leur avenir, chacun de leur côté en ayant l'esprit relativement en paix. À cet égard, le juge Zuber a repris un passage de la décision Dal Santo v. Dal Santo, précitée, du juge Anderson, à la p. 120:

[TRADUCTION] Il est très important non seulement pour les parties, mais pour la société en général, que les contrats de ce genre ne soient pas modifiés à la légère. Les avocats doivent pouvoir conseiller leurs clients sur leurs droits et obligations futurs avec un certain degré de certitude. Les clients doivent pouvoir se fier à ces conventions et savoir, avec une certaine assurance, qu'une fois la convention de séparation signée, leurs affaires seront réglées de façon permanente. Les tribunaux doivent encourager les parties à régler leurs différends sans recourir à la justice. La façon moderne de procéder en droit de la famille consiste à assurer la médiation et la conciliation, afin de permettre aux parties de repartir dans la vie sur une base sûre. Si les conventions de séparation peuvent être modifiées à volonté, il deviendra beaucoup plus difficile de persuader les parties d'en conclure.

Le juge Zuber a fait également observer que, de nos jours, les questions relatives aux biens et celles relatives aux aliments sont fréquemment entremêlées dans les conventions. Ainsi, il pourrait être fort injuste de modifier les stipulations relatives aux aliments sans aussi modifier le partage des biens.

51. Le juge Zuber a reconnu qu'il y a néanmoins deux types de circonstances où la convention n'est pas exécutoire. En premier lieu, lorsque la convention est invalide selon les principes traditionnels de la common law ou de l'equity. En second lieu, il y a cette [TRADUCTION] "catégorie de cas limitée où le tribunal révisera une convention matrimoniale même si le contrat est valide" (p. 252). Malheureusement, le juge Zuber n'a pas jugé nécessaire de donner des détails sur cette "catégorie de cas limitée", si ce n'est pour rejeter la notion que le changement en soi est un facteur déterminant. À cet égard, il affirme à la p. 253:

[TRADUCTION] À mon humble avis, le changement de circonstances, même s'il est substantiel, ne constitue pas un motif suffisant pour écarter une convention. Il est inévitable que les circonstances dans lesquelles se trouvent les parties contractantes changeront à la suite de la convention. Si le changement de circonstances devait autoriser une partie à se soustraire à une convention par ailleurs exécutoire, il est évident qu'aucune convention de séparation ou autre ne pourrait jamais résoudre quoi que ce soit définitivement. Si les parties conviennent de régler leurs affaires, alors leurs affaires devraient être considérées comme réglées. Le changement de circonstances n'est pas sans importance cependant. Si la convention est vulnérable à quelque autre égard, les nouvelles circonstances dans lesquelles se trouvent les parties seront un facteur dont il faudra tenir compte en déterminant le montant des aliments.

Le juge Zuber a appliqué ces principes à l'espèce dont il était saisi, pour conclure que la cour n'était aucunement justifiée d'intervenir et que la convention, librement négociée par les parties, devait être respectée.

B. L'autorité prépondérante du tribunal

52. Les valeurs fondamentales qui sous‑tendent le point de vue de l'arrêt Farquar sont la responsabilité individuelle et la liberté contractuelle. On trouve un point de vue opposé dans les arrêts de la Cour d'appel du Manitoba Newman v. Newman, précité, Katz v. Katz, précité, et Ross v. Ross (1984), 39 R.F.L. (2d) 51. Dans ce courant de jurisprudence, la cour affirme son rôle de surveillance et conclut qu'il n'est pas limité sensiblement par l'existence d'une convention exécutoire. Bien que la cour reconnaisse souvent que l'existence d'une convention constitue une circonstance importante dont il faut tenir compte et que le caractère définitif dans l'imposition par ordonnance d'obligations post‑matrimoniales constitue un objectif louable, la conclusion que la convention ne satisfait pas à la norme d'équité ou de caractère raisonnable du tribunal justifie l'exercice du pouvoir conféré au par. 11(2).

53. Dans l'arrêt Newman, le juge Monnin (plus tard juge en chef du Manitoba), à l'opinion duquel a souscrit le juge Matas, a analysé le rapport qui existe entre une convention de séparation antérieure et une ordonnance alimentaire fondée sur le par. 11(1), pour dire, à la p. 52:

[TRADUCTION] J'ai toujours été et je suis encore d'avis qu'en vertu de l'art. 11 de la Loi sur le divorce, un tribunal peut faire ce qu'il juge approprié de faire dans les circonstances en matière de soutien alimentaire de l'épouse et des enfants, et que le tribunal ne saurait avoir les mains liées par quelque convention écrite signée par les parties. Il est cependant clair que, pour encourager en tout temps ce genre de règlement plutôt que les procès entre conjoints, le tribunal ne devrait pas modifier à la légère les conditions d'un contrat dûment négocié. Mais si le tribunal estime qu'une révision s'impose, il y fait droit.

La convention en cause prévoyait notamment que l'épouse toucherait une pension alimentaire de 450 $ par mois. À l'audience, l'épouse a soutenu que les sommes versées étaient insuffisantes. La cour, après avoir conclu que le mari pouvait [TRADUCTION] "sans difficulté" se permettre de payer plus, a haussé le taux mensuel à 650 $. Le juge O'Sullivan de la Cour d'appel a inscrit une forte dissidence, en critiquant l'arrêt Hyman et en invitant la cour manitobaine à suivre l'arrêt de la Cour d'appel anglaise Gandy v. Gandy (1882), 7 P.D. 168, où on avait jugé qu'un contrat ne saurait être modifié à moins que l'une des parties n'ait agi d'une manière qui lui enlève le droit de l'invoquer. Le juge O'Sullivan a interprété le pouvoir, conféré par l'art. 11, de modifier les ordonnances alimentaires comme le pouvoir d'accorder un montant d'aliments supérieur à celui stipulé dans une convention lorsque cela s'impose. Quand, a‑t‑il dit, des enfants sont en cause ou qu'il y a risque que l'une des parties tombe à la charge de la société, des considérations d'ordre public pourraient militer en faveur d'une hausse des aliments. Dans les autres cas, le respect du contrat conclu par les parties devrait être de règle.

54. Dans l'arrêt Katz, le juge Monnin et le juge Hall ont reconnu tous les deux, dans des motifs séparés, que la convention conclue par les parties était un facteur dont il fallait tenir compte, mais ils ont ensuite laissé entendre que, lorsque le conjoint à charge peut démontrer l'existence d'un besoin, la modification peut être accordée. Dans le passage suivant, à la p. 422, le juge Hall rejette le critère du [TRADUCTION] "dénuement pathétique" établi par le juge de première instance:

[TRADUCTION] Avec égards, je suis d'avis qu'il est à la fois juste et approprié d'accorder à l'épouse une modification, compte tenu du changement de circonstances et de la capacité financière présumée du mari d'y pourvoir. D'ailleurs, je suis sûr qu'il voudrait le faire si la loi le prévoyait, malgré que la convention soit modifiée.

À mon avis, le critère applicable est de savoir ce qui est raisonnable plutôt qu'un critère de dénuement pathétique. Quelle est la juste voie que doit emprunter le mari? La convention n'est qu'un facteur dont il faut tenir compte et elle n'est pas décisive en matière de modification.

55. Cette conception large du pouvoir discrétionnaire que possède le tribunal en vertu de l'art. 11 a récemment été confirmée dans l'arrêt Ross. Dans cette affaire, les parties avaient négocié un règlement qui, de l'avis du tribunal, ne correspondait pas aux ressources financières relativement importantes du mari. Il existait des éléments de preuve qu'au cours des négociations le mari avait proféré des menaces à sa femme, pour qu'elle accepte son offre. Toutefois, la femme avait bénéficié de l'assistance d'un avocat indépendant avant de signer le contrat, auquel d'ailleurs était joint un certificat attestant cela. Le juge Hall, à l'avis duquel ont souscrit le juge en chef Monnin du Manitoba et le juge O'Sullivan, conclut ceci à la p. 54, après avoir affirmé que le contrat constituait une [TRADUCTION] "circonstance importante" et qu'il ne devait pas être [TRADUCTION] "modifié à la légère":

[TRADUCTION] Mais lorsque, comme en l'espèce, il existe une convention inéquitable et déséquilibrée, conclue dans les circonstances qui viennent d'être décrites, je pense que le savant juge de première instance était justifié de statuer comme il l'a fait. En d'autres termes, il était raisonnable dans les circonstances qu'il ajoute le paiement d'une somme globale aux aliments prévus dans la convention de séparation.

56. Le juge Matas a aussi approuvé le critère qui, selon le juge de première instance, s'applique pour déterminer ce qui est juste et raisonnable. Toutefois, l'utilité de ses motifs découle plus particulièrement du fait qu'il analyse la raison sous‑jacente de préconiser l'attribution aux tribunaux d'un rôle plus important. À la page 64, il écrit:

[TRADUCTION] À mon avis, nous n'avons pas encore atteint le stade où nous pouvons dire à coup sûr qu'en général le mari et l'épouse sont égaux ou presque sur le plan de leur capacité de gain, ni celui où nous pouvons nécessairement dire qu'en général les responsabilités du mariage n'ont pas nui au potentiel de l'épouse de gagner un revenu. Dans bien des cas, surtout dans celui des mariages les plus récents, les tribunaux pourraient considérer comme équitable l'imposition d'une obligation à l'épouse de devenir autosuffisante rapidement. Dans certains cas, le tribunal ne le pourrait pas.

Seul le juge Huband, dans ses motifs de dissidence, s'en prend à la conception large et souple de la majorité. Il écrit, à la p. 68:

[TRADUCTION] Je souscris à la déclaration générale dans les motifs du juge Hall, que le tribunal a le droit de s'écarter des modalités d'une convention de séparation dans certaines circonstances. Cependant, des divergences apparaissent quand il s'agit de déterminer quelles sont ces circonstances. Comme le juge Hall l'a noté, l'existence d'une convention de séparation constitue une circonstance importante dont le tribunal doit tenir compte quand il exerce la compétence que lui confère le par. 11(1) de la Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8. La question n'est plus quels aliments sont raisonnables mais, plutôt, quels aliments sont raisonnables étant donné que les parties ont signé une convention pour régler cela? Normalement, une convention de séparation constitue une restriction considérable du pouvoir discrétionnaire du tribunal. S'il en était autrement, il ne servirait à rien aux parties de prendre le temps de négocier une convention alimentaire hors cour.

Ce qui constitue des aliments raisonnables doit être déterminé en fonction de l'existence d'une convention de séparation volontaire et valide. À l'inverse, il est déraisonnable à première vue pour une partie à une telle convention de tirer profit du contrat, pour ensuite demander l'aide du tribunal afin d'obtenir des arrangements alimentaires plus favorables.

Et, plus loin, aux pp. 73 et 74:

[TRADUCTION] Avec égards, je ne pense pas que le fait qu'une convention de séparation soit, ou semble être, injuste pour l'une des parties constitue un motif suffisant pour que le tribunal en modifie les conditions. Il y a beaucoup de contrats qui, après coup, peuvent être considérés comme "injustes" pour l'une des parties contractantes, mais ce n'est pas là en soi, ni en droit ni en equity, une raison de modifier l'accord intervenu.

Le juge Huband conclut ensuite que la demande de modification doit être rejetée.

57. En résumé, les décisions manitobaines n'établissent pas de distinction importante entre les demandes de prestation alimentaire qui sont faites lorsqu'il existe une convention antérieure et celles qui sont faites en l'absence d'une telle convention. Le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire selon ce qu'il estime juste et raisonnable peu importe que les parties aient ou non effectivement réglé leurs propres affaires financières.

C. Le compromis

58. Dans certaines cas, les tribunaux ont tenté de trouver le juste milieu entre les conceptions des arrêts Farquar et Ross, en concluant que, lorsqu'il existe une convention antérieure, le critère du changement, formulé au par. 11(2), ne peut être satisfait que par un changement d'une ampleur considérable. Les tribunaux qui appliquent cette norme tentent souvent de justifier leur intervention en fonction de principes contractuels, en décrivant le changement en cause comme un changement qui réduit à néant une hypothèse fondamentale sur laquelle la convention initiale était fondée.

59. La décision du juge Wong en première instance en est un exemple. Il a considéré l'état actuel de pauvreté de Mme Pelech comme un changement "radical" de circonstances. En outre, il semble laisser entendre que les arrangements contractuels reposaient sur la possibilité pour Mme Pelech de se trouver un emploi et de finir par devenir autosuffisante. Cette prédiction ne s'est pas réalisée. Le juge Wong ne conclut pas expressément, il est vrai, que la convention s'en trouve viciée, mais cela paraît constituer un important facteur qui contribue à légitimer sa décision ultime d'intervenir.

60. L'accent mis sur l'importance du changement est aussi à la source de l'arrêt Webb de la Cour d'appel de l'Ontario. Les parties, dans l'affaire Webb, avaient conclu une convention en 1981, qui accordait amplement d'aliments à la femme et qui prévoyait expressément que les paiements échelonnés ne pouvaient pas être modifiés. Peu après le prononcé, en 1982, du jugement conditionnel incorporant la convention (sans la clause de non‑modification), le mari a subi une perte financière catastrophique imprévisible. Il a demandé la modification de l'ordonnance alimentaire. Sa demande a été rejetée en première instance.

61. Le juge Arnup, aux motifs duquel a souscrit le juge Weatherston, a accueilli l'appel de M. Webb. Il a maintenu que l'affirmation du juge Zuber dans l'arrêt Farquar, portant que le changement, même substantiel, ne constitue pas un motif suffisant pour échapper aux conditions d'une convention valide, ne s'appliquait pas à toutes les sortes de changement, indépendamment de leur importance. Plutôt, il a interprété la proposition du juge Zuber comme imposant simplement une charge de preuve extrêmement lourde à la partie qui demande la modification. Il a donc conclu qu'il n'existe pas de distinction de principe entre le point de vue de la Cour d'appel de l'Ontario et celui que la Cour d'appel du Manitoba exprime dans l'arrêt Ross. En outre, à l'instar du juge Wong, le juge Arnup a renforcé sa décision par une allusion à l'absence, au moment de la demande, de fondement factuel étayant les hypothèses implicites dans la convention de séparation. En l'espèce, le juge Wong, avant de conclure que la pension alimentaire devait être modifiée, a insisté sur le fait que les parties s'attendaient à ce que Mme Pelech se trouve un emploi, ce qui ne s'est pas produit. Dans l'arrêt Webb, le juge Arnup a rappelé qu'on croyait que le mari toucherait par la suite des capitaux considérables. De même que Mme Webb n'a pas trouvé d'emploi, ces prévisions de capitaux ne se sont pas concrétisées et le juge Arnup a donc conclu que le contrat devait être modifié.

62. Le juge Blair, dans des motifs séparés, a souscrit à la façon dont le juge Arnup a tranché l'affaire. Il a passé en revue la jurisprudence pour convenir que l'arrêt Farquar n'interdit pas au tribunal d'exercer son pouvoir lorsqu'il y a eu un [TRADUCTION] "changement profond". Il a ajouté que, même en l'absence d'un changement de ce genre, les tribunaux interviendront dans une [TRADUCTION] "catégorie de cas limitée où il y aura atteinte à l'ordre public si [la convention] a pour effet de faire tomber un conjoint à la charge de la société, d'imposer des privations aux enfants ou est lésionnaire" (p. 145).

D. Catégories de changement spécifiques

63. L'énumération par le juge Blair de catégories particulières de changement, dans l'arrêt Webb, laisse entrevoir une quatrième conception. En fait, dans plusieurs affaires, les tribunaux ont justifié la modification des modalités d'une convention valide par la nature plutôt que par l'ampleur du changement connu par le requérant. Comme le laissent entendre les observations du juge Blair, les affaires peuvent être réparties en au moins trois catégories distinctes: lorsque le requérant est tombé à la charge de la société, lorsque les modalités de la convention existante ont pour effet d'imposer des privations aux enfants et lorsque la convention est lésionnaire pour d'autres raisons.

64. (1) À la charge de la société

65. En l'espèce, l'appelante, Mme Pelech, est maintenant à la charge de la société. Comme le professeur Julien D. Payne le souligne dans son article intitulé "Policy Objectives of Private Law Spousal Support Rights and Obligations" dans K. Connell‑Thouez et B. M. Knoppers (éd.), Contemporary Trends in Family Law: A National Perspective (1984), cette circonstance de fait que constitue l'état de dépendance de la requérante vis‑à‑vis de l'état pour ce qui est d'assurer son soutien, est un élément souvent passé sous silence, mais qui a de l'importance quant à la réaction du droit privé aux demandes d'aliments. Il dit, aux pp. 86 et 87:

[TRADUCTION] économiser les fonds publics est un objectif habituellement inavoué du régime du droit privé en matière de soutien du conjoint et des enfants. D'ailleurs, le régime du droit privé a pour fondement qu'une obligation alimentaire envers la famille incombe en premier lieu à l'individu et non à l'état. Ce n'est que lorsque cette obligation n'est pas ou ne peut pas être exécutée par l'individu que l'état intervient pour fournir des moyens financiers de subsistance aux victimes, sur le plan économique, des ruptures conjugales et du divorce. Même dans ce dernier cas, la nécessité de protéger les deniers publics a été reconnue par voie législative en Alberta et ailleurs. Il existe des dispositions législatives qui autorisent (ou qui obligent) les autorités compétentes à se faire rembourser les prestations sociales versées au conjoint et aux enfants à charge par le conjoint et parent financièrement indépendant, auquel l'obligation première de soutien de la famille est imposée par le régime du droit privé.

La Scottish Law Commission a catégoriquement rejeté l'idée qu'une économie des fonds publics puisse constituer un objectif approprié du droit régissant l'aide financière au conjoint, au moment du divorce. Elle a souligné que la raison même du divorce est de rompre le lien matrimonial entre le mari et la femme et qu'obliger les anciens conjoints à subvenir mutuellement à leurs besoins est contraire à cet objectif.

Par contre, l'Institute of Law Research and Reform de l'Alberta a affirmé ceci:

L'objectif principal du régime d'obligations alimentaires, c'est d'obtenir de l'argent pour les conjoints et les enfants qui en ont besoin. On ne saurait trop insister sur l'importance de cet objectif. Comme nous l'avons déjà dit, l'objectif secondaire est de rembourser à l'état (en l'espèce, la province) le coût de ce soutien lorsque l'autre conjoint, ou un parent, peut fournir les sommes nécessaires en totalité ou en partie, mais ne le fait pas.

66. L'étude de l'arrêt Hyman révèle qu'une partie du raisonnement à la source du principe énoncé dans cette affaire, selon lequel la compétence du tribunal ne saurait être supprimée par contrat, est liée à un souci de ne pas grever les fonds publics. Le lord chancelier Hailsham, en traitant du pouvoir qu'a le tribunal de forcer le mari à subvenir aux besoins de sa femme en cas de divorce affirme, à la p. 608:

[TRADUCTION] Cette prestation d'aliments est faite non seulement dans l'intérêt de la femme, mais aussi dans l'intérêt des tiers qui peuvent traiter avec la femme ou qui peuvent, comme dans le cas des personnes chargées de l'assistance sociale, être responsables de son soutien.

67. On peut supposer en conséquence que la mention par le lord chancelier Hailsham de l'intérêt public dans sa conclusion, déjà citée dans les présents motifs, est une référence à l'intérêt qu'il y a à ce que ce soient les maris, plutôt que l'état, qui subviennent aux besoins de leur ex‑épouse indigente. Les motifs de lord Atkin joints à cette opinion sont, à vrai dire, plus explicites encore. Voici ce qu'il affirme, aux pp. 628 et 629:

[TRADUCTION] La nécessité de ces prestations alimentaires est évidente. Tant que le lien conjugal existe, le mari est tenu légalement de pourvoir aux besoins de son épouse. L'exécution de cette obligation peut être forcée par l'épouse qui peut engager son crédit pour les objets de première nécessité à titre de mandataire domestique, si, alors qu'elle vit séparée de lui avec son consentement, il ne lui paie pas la pension convenue ou ne lui paie aucune pension; ou, si alors qu'elle vit séparée de lui en vertu d'un jugement de séparation de corps, il ne lui verse pas la pension alimentaire ordonnée par le tribunal. Mais l'obligation du mari est aussi une obligation d'intérêt public dont l'état peut demander l'exécution en vertu des Vagrancy Acts et des Poor Relief Acts. Lorsqu'il y a dissolution du mariage, l'obligation alimentaire découlant du lien conjugal disparaît. En l'absence de toute disposition légale, l'ancienne épouse perdrait tout droit à des aliments et il ne lui resterait qu'à recourir aux autorités responsables de l'application de la législation sur l'assistance sociale. À mon avis, les pouvoirs légaux du tribunal, que je viens de mentionner, lui ont été conférés en partie pour des motifs d'intérêt public, afin de prévoir un substitut à l'obligation alimentaire du mari et afin que la femme ne soit pas abandonnée à l'assistance publique. Si cela est exact, les pouvoirs conférés au tribunal à cet égard ne sauraient être limités par une convention privée entre les parties [ . . . ] Le droit de l'épouse de recevoir des aliments à l'avenir est une question d'intérêt public qu'elle ne saurait aliéner.

68. Au Canada, l'arrêt de principe à cet égard est Fabian v. Fabian (1983), 34 R.F.L. (2d) 313 (C.A. Ont.) Dans cette affaire, on avait conclu une convention de séparation qui ne stipulait pas le versement d'une pension alimentaire à la femme. Lors des procédures de divorce subséquentes, on a ordonné au mari de payer des aliments à la femme. L'appel qu'il a interjeté contre l'ordonnance fut rejeté par une cour unanime. Le juge Lacourcière conclut, à la p. 316:

[TRADUCTION] Nous sommes également convaincus qu'il incombe au tribunal de tenir compte de l'intérêt public autant que de celui du conjoint qui le mérite. L'exécution de l'obligation première du conjoint, son obligation alimentaire, devrait être forcée lorsque cela est nécessaire pour éviter que l'autre conjoint ait à recourir à l'assistance publique ou continue d'en bénéficier...

69. Le juge local Filer a récemment érigé cette affirmation en principe de droit dans l'arrêt Barrett v. Barrett (1985), 43 R.F.L. (2d) 405 (H.C. Ont.), une affaire qui dépendait elle aussi de l'effet d'un contrat, compte tenu du fait que l'ancien conjoint était tributaire de l'assistance publique. Le juge Filer étudie la jurisprudence, aux pp. 417 et 418:

[TRADUCTION] Dans les motifs qu'il a rédigés dans l'arrêt Webb, le juge Arnup (à l'opinion duquel a souscrit le juge Weatherston) dit, à la p. 467 O.R. et à la p. 127 R.F.L.:

«...la charge de démontrer que les intérêts de la justice exigent une intervention judiciaire est très lourde...»

À la p. 473 O.R. et à la p. 133 R.F.L., le juge Blair énumère:

"...trois situations qui sont clairement acceptées pour justifier que l'on s'écarte des modalités d'une convention de séparation que contient le jugement conditionnel de divorce, même en l'absence d'un changement de circonstances:

(1) Lorsque l'absence de stipulation alimentaire dans la convention aura vraisemblablement pour résultat qu'un conjoint sera à la charge de la société, les tribunaux ont fréquemment refusé d'être liés par la convention: Fabian v. Fabian (1983), 34 R.F.L. (2d) 313 (C.A. Ont.)"

Voir aussi l'arrêt Hall v. Hall (1979), 13 R.F.L. (2d) 77, à la p. 79 (C.S.C.‑B.):

"La pension alimentaire est dans l'intérêt non seulement de l'épouse, mais aussi dans celui du public en général, en ce sens qu'elle peut le dispenser d'avoir à subvenir aux besoins du conjoint divorcé."

Dans l'affaire Collins v. Collins (1978), 2 R.F.L. (2d) 385, à la p. 392, 5 Alta. L.R. (2d) 315, 10 A.R. 214 (D.P.I.), le juge Dechene affirme: "...la société a intérêt à s'assurer que les conjoints ne tombent pas à sa charge."

Il conclut alors, à la p. 418:

[TRADUCTION] Les conséquences de son retour et sa situation actuelle sont si graves qu'elles nécessitent que la demanderesse ait maintenant recours en partie à l'aide sociale. D'après la preuve soumise, pendant quelque quatre mois, elle a été encore plus tributaire de l'aide sociale. Dans les circonstances, la cour se doit de modifier le montant des aliments versés à l'épouse demanderesse, conformément aux principes énoncés dans l'arrêt Fabian v. Fabian, précité, et que le juge Blair le la Cour d'appel a repris, en les approuvant, dans l'arrêt Webb v. Webb, précité.

70. Toutefois, certains indices portent à croire que les juges sont mécontents du motif d'intervention portant que le conjoint sera à la charge de la société. Quoique cela n'ait pas été directement pertinent dans l'affaire dont il était saisi, le juge Kerans, dans l'arrêt Jull v. Jull (1984), 42 R.F.L. (2d) 113 (C.A. Alb.), a exprimé l'avis qu'une telle intervention est incompatible avec les tendances actuelles de la jurisprudence. Voici ce qu'il écrit, à la p. 116:

[TRADUCTION] Jusqu'à récemment à tout le moins, l'exception dite du "trésor public" était bien établie. L'arrêt de principe est l'arrêt Hyman v. Hyman, [1929] A.C. 601 (H.L.), où lord Atkin dit, à la p. 628: «Mais l'obligation du mari est aussi une obligation d'intérêt public...» et, à la p. 629: le pouvoir de la cour de passer outre à une convention avait été "...conféré [ . . . ] en partie pour des motifs d'intérêt public...afin que la femme ne soit pas abandonnée à l'assistance publique". On a fini par mettre en doute cette règle. Le juge Sinclair, alors juge de la Cour d'appel, propose dans l'arrêt Goldstein v. Goldstein, [1976] 4 W.W.R. 646, à la p. 656, 23 R.F.L. 206, 67 D.L.R. (3d) 624 (C.A. Alb.), ce qui suit:

"...à mon avis le législateur n'a jamais voulu qu'après le divorce les conjoints divorcés se doivent, pour toujours, mutuellement assistance en cas de besoin".

Les juges formant la minorité dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Messier c. Delage, [1983] 2 R.C.S. 401, 35 R.F.L. (2d) 337, 2 D.L.R. (4th) 1, 50 N.R. 16, ont confirmé et approfondi ce point de vue. La Cour à la majorité a tranché l'affaire en fonction du motif limité que l'ordonnance visée par le pourvoi était indûment spéculative. Le juge Chouinard ajoute [aux pp. 416 et 417]:

«Ce n'est pas à dire que l'obligation de secours entre ex‑conjoints doit survivre indéfiniment à la dissolution du lien matrimonial, ni qu'un conjoint peut compter être indéfiniment à la remorque de l'autre ou bénéficier par l'effet de son mariage d'une pension à vie, ou se complaire dans l'indolence aux dépens de l'autre, suivant les expressions que l'on rencontre dans certains écrits sur le sujet...»

Toutefois, comme les faits en cause étaient tels que l'exception ne pouvait jouer, le juge Kerans a conclu qu'il n'était pas nécessaire de pousser plus loin son investigation.

71. (2) Les privations imposées indirectement aux enfants

72. La seconde catégorie que mentionne le juge Blair dans l'arrêt Webb est formée de cas où les modalités d'une convention valide et exécutoire portent préjudice au bien‑être des enfants confiés à la garde de l'ex‑conjoint à charge. S'il est raisonnablement clair qu'un père ou une mère ne peuvent aliéner la créance alimentaire que détient l'enfant contre ses parents et que les tribunaux peuvent ainsi toujours intervenir pour modifier les modalités convenues relativement au soutien d'un enfant, il reste que la question plus difficile qui se pose est de savoir si les tribunaux devraient reconnaître la réalité que les soins prodigués aux enfants sont inextricablement liés au bien‑être du parent nourricier. Ainsi, dans certaines circonstances, refuser des aliments au conjoint a pour résultat d'imposer des privations aux enfants issus du mariage.

73. J'ai déjà proposé de répondre par l'affirmative à cette question dans l'article intitulé "The Variation of Support Orders", que l'on trouve dans Rosalie S. Abella et Claire L'Heureux‑Dubé (éd.), Family Law: Dimensions of Justice (1983), et cette opinion jouit maintenant d'un certain appui dans la jurisprudence.

74. Dans l'arrêt Jull v. Jull, précité, les parties avaient, au moment du divorce, conclu une convention en vertu de laquelle la garde des enfants était confiée à l'épouse qui obtenait aussi plus que sa part des biens matrimoniaux. La femme renonçait à sa créance alimentaire et le mari s'engageait à verser des aliments aux enfants. À cette époque, l'épouse était à la tête d'une entreprise lucrative. Mais, deux années plus tard, à cause d'un revirement de l'économie, son entreprise a subi des pertes. Elle ne disposait d'aucune autre source de revenus. Elle a demandé la modification du jugement de divorce, afin d'obtenir des aliments pour elle‑même et la hausse de ceux versés aux enfants.

75. Le juge Kerans de la Cour d'appel a étudié les divers points de vue. Comme je l'ai dit auparavant, il s'est dit mécontent de la notion selon laquelle le fait qu'un requérant soit tributaire de l'aide sociale justifie l'intervention du juge dans le contrat conclu par les parties. Il cite alors la jurisprudence qui favorise la liberté contractuelle afin d'assurer le caractère définitif, et conclut, à la p. 118:

[TRADUCTION] Je suis enclin à convenir que les normes d'intervention n'offrent pas assez de protection aux arrangements contractuels et qu'elles ont nécessairement pour effet de décourager les conventions, au moins lorsque les deux conjoints ont continué de faire carrière tout au long du mariage et qu'il n'ont pas d'enfant. Dans de tels cas, il serait curieux que nous refusions de donner effet à un marché conclu entre deux personnes égales, juridiquement capables et éclairées; je pense que les tribunaux albertains ont eu tendance à confirmer ce point de vue.

76. Le juge Kerans a aussi fait remarquer qu'on pouvait raisonnablement présumer que si la femme avait renoncé à recevoir des aliments, c'était partiellement en échange d'un partage inégal des biens en sa faveur. De l'avis du juge, c'était là une circonstance qui militait fortement contre toute intervention. Mais il a conclu en outre que la question du soutien du conjoint ne pouvait être séparée de celle du soutien des enfants. Voici ce qu'il écrit, aux pp. 118 et 119:

[TRADUCTION] D'autre part, on ne peut, en l'espèce, traiter la question du soutien du conjoint séparément de la question du soutien des enfants. Le montant fixé directement à l'intention des enfants l'a été, apparemment, par consentement. Toutefois, cela ne prive pas le tribunal de son pouvoir de rendre une ordonnance différente. Le niveau de vie aisé dont ces parents faisaient auparavant bénéficier leurs enfants ne saurait être maintenu par une pension mensuelle de 150 $, ni même de 225 $. Ces pensions laissent présupposer que quelqu'un apporte une contribution majeure par quelque autre moyen. Un examen des 1 800 $ dépensés mensuellement par la mère démontre que cette somme est en majeure partie consacrée aux enfants. Il ne s'agit pas d'un cas où la mère a reçu certains biens importants à titre de règlement ou un montant alimentaire forfaitaire quelconque permettant de pourvoir à de telles dépenses. C'est un cas où il convient d'accepter et d'appliquer cette observation du juge Wilson ["The Variation of Support Orders", op. cit.] (à la p. 42):

"S'il paraît logique en principe d'établir une distinction entre la possibilité de forcer l'exécution des conventions de séparation qui touchent aux aliments à verser aux enfants par opposition à ceux à verser au conjoint, je me demande si, en pratique, nous ne nous leurrons pas jusqu'à un certain point en faisant cela. La famille constitue une unité économique indivisible. Lorsqu'un conjoint nécessiteux se voit refuser des aliments parce qu'il a imprudemment mais librement renoncé à ses droits, les enfants qui vivent avec lui en souffrent inévitablement. Le juge Anderson de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, dans la décision Sumner v. Sumner (1973), 12 R.F.L. 324, à la p. 325, était conscient de la situation réelle:

"En conclusion, je tiens à ajouter qu'à mon avis les enfants ont droit à une hausse de leur niveau de vie proportionnelle à la hausse totale des revenus de leurs parents. Cette hausse de niveau de vie ne saurait être limitée aux enfants. La cellule familiale ne saurait être démembrée de façon que le niveau de vie des enfants s'élève alors que celui de leur mère, qui voit à leur entretien et prend soin d'eux, demeure le même. Il en sera ainsi même si la requérante n'avait pas eu droit à une hausse d'aliments pour elle‑même, si les enfants avaient été confiés au père et entretenus par lui.» »

Le juge Kerans a donc fait droit à l'appel formé par la femme et rendu une ordonnance alimentaire à son profit.

77. Le principe de l'arrêt Jull a aussi été appliqué par le tribunal de la famille de la Nouvelle‑écosse dans son arrêt Binns v. Binns (1985), 45 R.F.L. (2d) 369. Comme dans l'affaire précédente, l'épouse, dans l'affaire Binns, avait obtenu la garde des enfants issus du mariage et avait renoncé à son droit à des aliments dans une convention de séparation. Quelques années plus tard, la femme quittait son travail pour s'occuper à plein temps de ses enfants. Le mari accepta de hausser la pension alimentaire des enfants. De même, la femme demanda une pension alimentaire pour elle‑même en se fondant sur le par. 11(2). Le juge Butler du tribunal de la famille a fait droit à la demande. Il a commenté l'arrêt Jull dans les termes suivants à la p. 374:

[TRADUCTION] Il est intéressant de noter que la Cour d'appel de l'Alberta a agi en ce sens malgré la convention. Ce qui est encore plus intéressant, c'est que la cour a lié les intérêts de la mère à ceux des enfants. Les enfants qui subissaient un préjudice du fait de l'état de dénuement de la mère, ont porté cela à l'attention de la cour qui lui a accordé des aliments. On ne paraît pas s'être préoccupé du fait que la mère se voyait ainsi conférer un avantage, dans la mesure où les enfants en profitaient.

78. (3) La lésion

79. La troisième catégorie énumérée par le juge Blair regroupe les cas où les stipulations alimentaires font partie d'un contrat invalide et inexécutoire. Le juge Zuber considère cette catégorie comme entièrement distincte, et ce, à bon droit je pense. Si le contrat est invalide, alors la question de savoir si le tribunal doit ou non s'en tenir à ses modalités disparaît. Ainsi, la lésion au sens technique, me semble‑t‑il, ne fait pas proprement partie de la présente analyse. Je tiens néanmoins à aborder les observations du juge Lambert, selon lesquelles la lésion n'est pertinente qu'indirectement dans le cas d'une requête fondée sur le par. 11(2), puisque l'ordonnance rendue en vertu du par. 11(1) ne saurait être nulle, même si la convention qui y est incorporée devait être jugée lésionnaire. Bien que cela soit vrai en principe, il me semble que, dans ces circonstances, un tribunal se sentirait, à bon droit, moins limité dans l'exercice de son pouvoir de modification, la raison de la non‑intervention des juges étant leur respect pour des arrangements présumément valides. À l'inverse, je suis d'accord avec le point de vue exprimé par le juge Zuber dans l'arrêt Farquar que, lorsque la convention incorporée est valide, le fait qu'elle soit incorporée dans l'ordonnance n'ajoute pas beaucoup de poids. Ce qui importe, c'est que les parties aient cherché à fixer leurs obligations par la négociation plutôt que par le débat judiciaire et qu'elles soient arrivées à un accord valide et exécutoire.

VII. Conclusions

80. La nécessité de contrebalancer l'inégalité systémique fondée sur le sexe, dont parle le juge Matas dans l'arrêt Ross, fait contrepoids au besoin de caractère définitif identifié par le juge Anderson dans la décision Dal Santo qui a été approuvée par le juge Zuber dans l'arrêt Farquar et par le juge Lambert en l'espèce. La Cour d'appel de l'Alberta, dans l'arrêt Jull, décrit cette tension en fonction des valeurs concurrentes de l'équité et de la liberté. Certes, je partage le souci du juge Matas, mais je crois que l'étude cas par cas et la surveillance constante par les tribunaux des arrangements consensuels intervenus entre ex‑époux, qu'il préconise, finiront par renforcer l'inéquité même qu'il cherche à combattre. De plus, je crois que les anciens conjoints devraient toujours être encouragés à régler définitivement leurs affaires financières, de manière à pouvoir laisser derrière eux leurs erreurs et à refaire leur vie. Je rejetterais, avec égards, l'interprétation large et illimitée que la Cour d'appel du Manitoba donne à la compétence d'un ,tribunal en matière alimentaire. Elle me semble aller à l'encontre du principal courant du droit récent, tant législatif que prétorien, qui met l'accent sur la médiation, la conciliation et la négociation comme moyens appropriés pour les époux de régler leurs affaires au moment de la dissolution du lien conjugal.

81. Toutefois, comme je l'ai dit au départ, le principe de l'arrêt Hyman selon lequel les parties ne peuvent écarter par contrat la compétence du tribunal en matière alimentaire conjugale constitue un précepte bien établi du droit canadien. La question devient donc celle de la nature et de l'étendue des restrictions imposées aux tribunaux par l'existence d'une convention qui, selon l'intention des parties, devait régler leurs affaires de manière définitive et décisive. La norme du changement catastrophique énoncée dans l'arrêt Webb (qui signifie, selon moi, que le changement doit être "dramatique" ou "radical", et non pas qu'il doit résulter d'une catastrophe) est une tentative de concilier les valeurs concurrentes représentées par les arrêts Farquar et Ross, et demeure néanmoins fidèle au principe de l'arrêt Hyman et à la lettre de la loi. Mais, bien que je reconnaisse qu'un changement radical constituerait un facteur important dans la décision d'un tribunal d'intervenir dans une convention librement négociée, c'est en soi une norme trop imprécise. Elle ne relie aucunement le changement au mariage de manière à justifier d'en attribuer la responsabilité à l'ancien conjoint. De plus, la légitimation qu'offrent l'arrêt Webb et le juge Wong en l'espèce, au sens d'un changement qui anéantirait une hypothèse fondamentale du contrat, ne peut nous guider dans les cas d'infortunes totalement imprévues et inattendues.

82. Le point de vue adopté par le juge Zuber dans l'arrêt Farquar est également loin de formuler un critère pratique du fait qu'il ne dégage pas les caractéristiques requises de la "catégorie de cas limitée". Je conviens cependant avec le juge Zuber qu'on ne saurait trop souligner l'importance du caractère définitif dans les affaires financières des anciens conjoints et de tout le respect qui devrait être accordé au droit et à l'obligation qu'ont les individus de prendre leurs propres décisions.

83. Il me semble que lorsque les parties ont d'elles‑mêmes, librement et après avoir bénéficié des services de conseillers juridiques indépendants, négocié une convention sur la façon de régler leurs affaires financières au moment de la rupture de leur mariage, et que cette convention n'est pas lésionnaire au sens du droit positif, elle devrait être respectée. Les gens devraient être encouragés à assumer la responsabilité de leur propre vie et de leurs propres décisions. Ce devrait être là le souci d'ordre public prédominant.

84. Le critère du changement radical énoncé dans l'arrêt Webb constitue une tentative de création d'une exception passablement limitée à la politique générale de non‑intervention. Cependant, j'estime qu'il échoue sur un aspect important. Il justifie par la simple ampleur du changement l'intervention du tribunal, sans tenir compte des rapports que le changement peut avoir avec le mariage lui‑même. Pour imputer à un ancien conjoint la responsabilité d'un changement de circonstances, il me semble essentiel qu'il y ait un rapport quelconque entre ce changement et le mariage. Le juge Matas avait déjà fait allusion à cela dans l'arrêt Ross. Dans le cas d'une épouse qui s'est consacrée exclusivement à son foyer et à ses enfants et qui n'a acquis aucune compétence professionnelle en dehors du foyer, ce rapport s'établit facilement. L'ancien conjoint, dans ces circonstances, devrait assumer la responsabilité d'un changement radical de la situation de son ex‑épouse découlant de son état de dépendance totale pendant la durée du mariage. À l'inverse, l'ancien conjoint qui doit faire face à des temps difficiles simplement parce qu'il a fait des placements risqués, parce qu'il subit un revers en affaires ou parce qu'il vit au‑dessus de ses moyens, ne devrait pas pouvoir se retourner contre son ancien conjoint, si radical que ce changement puisse être, simplement parce qu'ils ont déjà été mariés.

85. En l'absence d'un lien de causalité entre le changement de circonstances et le mariage, il me semble que les parties qui déclarent mettre fin à leurs rapports devraient être prises au mot. Elles ont décidé de se marier, puis de dissoudre leur mariage. Leurs décisions devraient être respectées. Elles devraient par la suite être libres de refaire leur vie sans avoir à assumer une responsabilité contingente permanente pour les éventuelles infortunes de l'autre. Ce n'est, à mon avis, que lorsque cette éventuelle infortune tire son origine du mariage lui‑même que le tribunal devrait pouvoir passer outre au règlement de leurs affaires, auquel elles sont elles‑mêmes arrivées. Chaque relation conjugale crée son propre régime économique dont découle l'autosuffisance ou l'état de dépendance des partenaires. L'évaluation de l'étendue des répercussions post‑conjugales de ce régime est essentiellement l'affaire du juge de première instance. Le lien de causalité entre les difficultés importantes éprouvées par l'ancien conjoint et le mariage offre, à mon avis, le critère juridique nécessaire pour déterminer quand une affaire se situe dans la "catégorie de cas limitée" dont parle le juge Zuber dans l'arrêt Farquar. C'est cet élément qui manque dans l'arrêt Webb. En conséquence, lorsque la personne qui fait une demande de pension alimentaire ou de majoration d'une pension alimentaire établit qu'elle a été victime d'un changement radical de circonstances, découlant d'un état de dépendance économique engendré par le mariage, le tribunal peut exercer son pouvoir de redressement. Dans les autres cas, l'obligation de soutenir l'ancien conjoint devrait être, comme dans le cas de tout autre citoyen, la responsabilité commune de l'état.

VIII. Dispositif

86. Le fait que l'appelante, Mme Pelech, soit tributaire de l'aide sociale est la preuve de l'état d'extrême nécessité dans lequel elle se trouve. En outre, il y a les observations faites par le juge Wong, en première instance, selon lesquelles son dénuement est extrême et ses perspectives d'avenir sombres, voire désespérées. Mais, bien que je convienne avec lui que sa situation présente démontre [TRADUCTION] "un changement radical de circonstances" depuis l'époque où a été rendue la première ordonnance qui incorporait la convention de 1969, le juge de première instance n'a constaté l'existence d'aucun rapport entre ce changement de circonstances et son ancien mariage avec M. Pelech. En vérité, c'est tout le contraire. Le juge Wong a constaté que ses problèmes psychologiques, à l'origine de son incapacité de subvenir à ses propres besoins, remontaient à une époque antérieure au mariage et ont contribué à son échec. Il a expressément rejeté l'argument selon lequel ils résultaient du mariage ou du comportement de l'intimé au cours de celui‑ci.

87. Le juge Wong a aussi rejeté la prétention que la convention ne tenait aucun compte de l'avenir et était lésionnaire. Il a jugé que Mme Pelech y avait souscrit librement, après avoir consulté un avocat, et que cette convention était parfaitement équitable au moment où elle a été conclue. Il a jugé cependant que l'hypothèse fondamentale sur laquelle elle se fondait, soit que Mme Pelech pourrait travailler et subvenir à ses propres besoins, ne s'était pas concrétisée.

88. Tout en étant consciente du grand dénuement dans lequel se trouve actuellement Mme Pelech, il me semble qu'imposer à l'intimé le fardeau de prendre soin d'elle, quinze ans après la rupture de leur mariage, pour la seule raison qu'ils ont déjà été mariés revient à créer une fiction de responsabilité conjugale aux dépens de la responsabilité individuelle. Je crois que les tribunaux doivent reconnaître à l'individu le droit de mettre fin à une relation tout comme celui d'en commencer une et qu'ils ne devraient pas, lorsque tous les autres aspects de la relation ont depuis longtemps cessé d'exister, considérer que la responsabilité financière se prolonge indéfiniment dans l'avenir. Lorsque les parties, au lieu d'avoir recours à la justice, ont agi en adultes responsables pour régler leurs affaires financières d'une manière définitive, et que le règlement ne peut être contesté sur aucun autre fondement, les tribunaux ne devraient pas, à mon avis, miner ce règlement en concluant, après coup, que les parties auraient dû régler leurs affaires différemment.

89. Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter le pourvoi. Il n'y aura pas d'adjudication de dépens.

Version française des motifs rendus par

90. Le juge La Forest—Cette affaire porte sur la nature du "changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances" qui, aux termes du par. 11(2) de la Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8, permet à un tribunal de modifier une ordonnance alimentaire rendue en vertu du par. 11(1) de la Loi. J'ai eu l'avantage de lire les motifs de ma collègue le juge Wilson et je souscris à la solution qu'elle propose d'apporter au litige. Je souscris aussi à ses motifs de jugement concernant les moyens déclinatoires et également, sous réserve des remarques que je fais en l'espèce et dans l'affaire connexe Richardson c. Richardson, [1987] 1 R.C.S. 857, concernant le sens et l'effet du par. 11(2). Toutefois, il peut être utile que j'expose succinctement, dans mes propres termes, mon opinion sur certains des principaux points litigieux.

91. Le caractère définitif est un élément inhérent au divorce. Les conjoints veulent mettre fin à leur relation et le législateur fédéral leur a prescrit une procédure pour ce faire. Tous les aspects du lien conjugal devraient, autant que faire se peut, disparaître avec le divorce. Comme l'a affirmé le juge Lamer, à l'opinion duquel ont souscrit les juges McIntyre et Wilson, dans l'arrêt Messier c. Delage, [1983] 2 R.C.S. 401, à la p. 421: "Si le divorce met fin au mariage, il est souhaitable que la Loi sur le divorce s'applique de façon à favoriser la fin de toutes relations, mêmes financières, toujours, il est bon de le rappeler, lorsque la chose est possible." Le juge Lamer était dissident dans cette affaire, mais je ne vois pas de véritable différence sur ce point entre lui et le juge Chouinard, auteur de l'arrêt majoritaire. À la page 416, le juge Chouinard, parlant de la situation dans cette affaire, affirme clairement que «l'obligation de secours entre ex‑conjoints [ne] doit [pas] survivre indéfiniment à la dissolution du lien matrimonial [ . . . et] qu'un conjoint [ne] peut compter être indéfiniment à la remorque de l'autre...»

92. Mais pourtant, comme l'indique la réserve dans les motifs du juge Lamer, souvent il n'est pas possible que tous les liens financiers soient rompus au moment du divorce, aussi devient‑il nécessaire d'"intervenir pour que l'ex‑époux n'ayant aucun besoin financier créé par le mariage, soit tenu d'aider l'autre qui a besoin de cette aide pour se réadapter financièrement." (Ces termes sont ceux qu'emploie la Commission de réforme du droit du Canada dans son document de travail no 12, intitulé Les divorcés et leur soutien (1975), à la p. 33, que cite et approuve le juge Lamer aux pp. 421 et 422.) De plus, la Commission et le juge Lamer reconnaissent tous les deux que, dans certains cas, le soutien alimentaire doit être permanent.

93. Le paragraphe 11(1) pourvoit à toutes ces éventualités avec la souplesse voulue, pour reprendre l'expression du juge Chouinard. À certains égards, il est vrai, comme il le fait remarquer, une ordonnance alimentaire n'est jamais définitive, car le Parlement a prévu, au par. 11(2), la possibilité de modifier les ordonnances alimentaires quand survient un changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent. Il faut cependant situer les propos du juge Chouinard dans leur contexte, celui d'une pension alimentaire échelonnée où la femme n'était pas encore parvenue à se trouver un emploi après le divorce.

94. La situation ici est entièrement différente. Lorsque les parties ont tenté de régler définitivement leur situation financière et qu'un tribunal, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le par. 11(1), a confirmé cette convention comme étant "juste et appropriée", le caractère définitif inhérent au divorce et à un tel arrangement doit être respecté en l'absence des raisons les plus convaincantes. Comme le juge Wilson l'a déjà dit en dehors du prétoire: [TRADUCTION] "Le tribunal saisi doit au départ tenir pour acquis que l'ordonnance qu'on demande de modifier était appropriée lorsqu'elle a été rendue"; voir son article intitulé "The Variation of Support Orders" dans Rosalie S. Abella et Claire L'Heureux‑Dubé (éd.), Family Law: Dimensions of Justice (1983), p. 35, à la p. 36. On ne prétend pas ici que l'ordonnance initiale était inéquitable. Le juge de première instance a affirmé qu'objectivement, même après coup, il ne pouvait dire que la convention était inéquitable.

95. Là où, à mon avis, le juge de première instance a eu tort, c'est dans les changements dont il a tenu compte pour ordonner la modification. Il ne fait aucun doute que des changements marqués sont survenus dans le sort des parties. Les affaires de M. Pelech ont prospéré et c'est maintenant un homme riche. Au contraire, Mme Pelech, en raison d'une mauvaise santé, est incapable de travailler et doit maintenant avoir recours à l'aide sociale. Mais ni la richesse de l'un ni la pauvreté de l'autre ne sont vraiment attribuables au mariage ou à la convention qui y a mis un terme. Ils découlent plutôt de circonstances n'ayant aucun rapport avec ceux‑ci.

96. Pour ce qui est à tout le moins des aliments dus au conjoint, je conviens avec le juge Wilson qu'en employant l'expression "tout changement" au par. 11(2), le législateur ne pensait pas à des changements n'ayant aucun lien de causalité réel avec le mariage ou la convention. Des termes aussi généraux que ceux‑ci doivent, bien entendu, être situés dans leur contexte et interprétés en tenant compte de l'intention du législateur. Ce que le législateur a voulu faire au moyen de la Loi sur le divorce, c'est de mettre fin au mariage, tout en prévoyant un mécanisme de partage équitable des désavantages économiques, liés à l'existence du mariage, qui pourraient en résulter pour un conjoint. L'infortune de Mme Pelech a fait qu'elle est à la charge du trésor public. Mais ce n'est pas là une raison pour transférer ce fardeau à M. Pelech, simplement parce qu'il a été plus fortuné. L'obligation de soutien dans un cas comme celui‑ci revient à la société. Il ne s'agit pas d'un cas, comme en est un à mon avis celui de Richardson, où la pauvreté du conjoint résulte du mariage.

97. Ce qui importe ici ce n'est pas tant le fait que ces changements de circonstances ne sont pas radicaux, mais plutôt le fait qu'ils n'ont rien à voir avec le changement requis pour justifier une modification. Je pourrais ajouter que je conviens que ces changements doivent ordinairement être extrêmement importants pour justifier la modification d'une convention incorporée dans l'ordonnance alimentaire initiale. Toutefois, je puis imaginer des cas, outre ceux où il y a lésion au sens technique, où ce n'est pas tant l'ampleur du changement que les circonstances qui prévalaient au moment où l'ordonnance initiale a été rendue qui justifieront une modification, mais là aussi il s'agira de cas très exceptionnels.

98. Pour ces motifs, je suis d'avis de statuer sur le pourvoi de la manière proposée par le juge Wilson.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l'appelante: Buffam, Hall, Victoria.

Procureurs de l'intimé: Stewart, Aulinger & Company, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1987] 1 R.C.S. 801 ?
Date de la décision : 04/06/1987
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Divorce - Aliments - Modification - Convention conclue après le divorce prévoyant le paiement d'un montant forfaitaire à l'épouse en paiement final de toute créance alimentaire future - Incorporation de la convention des parties dans l'ordonnance du tribunal - Grave détérioration de la situation financière de l'épouse au cours des années à cause de problèmes de santé - Demande de modification de l'ordonnance alimentaire - La convention devrait‑elle être respectée et empêcher l'intervention judiciaire? - Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8, art. 11(2).

Tribunaux - Compétence - Divorce - Convention alimentaire incorporée dans l'ordonnance du tribunal - Demande de modification par l'ex‑épouse accueillie - Compétence de la Cour d'appel et de la Cour suprême du Canada pour examiner des ordonnances rendues aux termes de l'art. 11 de la Loi sur le divorce - Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8, art. 11(2), 17(2), 18(1).

Tribunaux - Compétence - Pouvoirs du tribunal d'examen - Divorce - Convention alimentaire incorporée dans l'ordonnance du tribunal - Demande de modification par l'ex‑épouse accueillie - Une cour d'appel devrait‑elle intervenir dans le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance en l'absence d'erreur grave? - Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8, art. 11(2), 17(2).

Les parties se sont mariées en 1954 et ont divorcé en 1969. Après avoir bénéficié des services de conseillers juridiques indépendants, elles ont conclu une convention alimentaire qui prévoyait le paiement par l'intimé d'un montant forfaitaire échelonné sur une période de treize mois, tandis que l'appelante acceptait les versements en paiement final de toute créance alimentaire future. La convention a été incorporée dans l'ordonnance du tribunal et l'intimé a versé les aliments convenus. Au cours des années subséquentes, les problèmes de santé physique et mentale de l'appelante se sont aggravés. Par conséquent, elle a souvent été incapable de travailler et elle a dû recourir à son fonds alimentaire pour survivre. En 1982, ce fonds était épuisé et elle vivait de prestations sociales. Par contre, l'intimé était devenu après le divorce une personne fortunée. Nonobstant la convention, elle a adressé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique une demande de modification de l'ordonnance alimentaire accordée douze ans auparavant en vertu du par. 11(1) de la Loi sur le divorce. La Cour suprême a fait droit à la demande, mais ce jugement a été infirmé par la Cour d'appel. Le présent pourvoi a pour objet de déterminer (1) la compétence de la Cour d'appel d'examiner des ordonnances rendues en vertu de l'art. 11 de la Loi sur le divorce et celle de cette Cour de procéder à l'audition des pourvois formés contre les arrêts rendus par des cours d'appel provinciales relativement à de telles ordonnances; et (2) l'effet qu'a une convention valide et exécutoire sur le pouvoir discrétionnaire de modifier des ordonnances alimentaires, que confère au tribunal le par. 11(2) de la Loi sur le divorce.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le paragraphe 17(2) de la Loi sur le divorce qui confère à une cour d'appel le pouvoir de "rendre le jugement qui aurait dû être rendu" ne confère pas aux cours d'appel un large pouvoir de contrôler les décisions rendues par les tribunaux d'instance inférieure dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Une cour d'appel ne devrait intervenir dans une décision du juge de première instance que si elle est persuadée que ses motifs recèlent une erreur grave. L'énumération des pouvoirs au par. 17(2) a pour but d'énoncer les solutions dont dispose la cour quand elle accorde ou rejette un appel, conformément aux principes traditionnels applicables à l'examen par voie d'appel, et ne confère pas à une cour d'appel le pouvoir discrétionnaire indépendant de statuer à nouveau sur l'affaire.

Toutefois, la présente affaire soulève la question de savoir quels sont les critères applicables pour déterminer si une intervention judiciaire est appropriée en vertu du par. 11(2) de la Loi sur le divorce, c.‑à‑d., quand il est "juste et approprié" que le tribunal modifie une ordonnance rendue en vertu du par. 11(1) lorsqu'il existe une convention antérieure valide et exécutoire. Les critères d'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge sont essentiellement des critères juridiques et leur délimitation, tout comme leur non‑application ou leur mauvaise application, pose une question de droit. Cette question de droit est suffisante en soi pour attribuer compétence à la Cour d'appel et, dans le cas d'un appel supplémentaire, pour attribuer compétence à la Cour suprême du Canada en vertu de l'art. 18 de la Loi sur le divorce. Le paragraphe 41(1) de la Loi sur la Cour suprême peut également conférer compétence à cette Cour lorsqu'il n'entre pas en conflit avec l'art. 18 de la Loi sur le divorce.


Parties
Demandeurs : Pelech
Défendeurs : Pelech

Références :

Jurisprudence
Arrêt appliqué: Harrington v. Harrington (1981), 33 O.R. (2d) 150
arrêts non suivis: Piller v. Piller, [1975] 4 W.W.R. 342
Carmichael v. Carmichael (1976), 27 R.F.L. 325
Guberman v. Guberman, [1977] 2 W.W.R. 1
arrêts examinés: Nash c. Nash, [1975] 2 R.C.S. 507
Posener v. Posener (1984), 4 D.L.R. (4th) 385
Massicotte v. Boutin, [1969] R.C.S. 818
distinction d'avec l'arrêt: Swain v. Dennison, [1967] R.C.S. 7
arrêts mentionnés: Carnochan v. Carnochan, [1955] R.C.S. 669
Ashby v. White (1703), 2 Ld. Raym. 938, 92 E.R. 126
Gazdeczka v. Gazdeczka (1982), 30 R.F.L. (2d) 428
Schmeiser v. Schmeiser (1982), 21 Sask. R. 437
Dwelle v. Dwelle (1982), 31 R.F.L. (2d) 113
MacAllister v. MacAllister (1984), 39 R.F.L. (2d) 307
Webster v. Webster (1978), 25 N.S.R. (2d) 33
Droit de la famille—182, [1985] C.A. 92
Hallberg v. C.N.R. (1955), 16 W.W.R. 538
Baumgartner Estate v. Ripplinger (1984), 34 Sask. R. 181
Csada v. Csada (1984), 35 Sask. R. 301
Lensen v. Lensen, [1984] 6 W.W.R. 673
Caron c. Caron, [1987] 1 R.C.S. 892
Richardson c. Richardson, [1987] 1 R.C.S. 857.
Le juge en chef Dickson et les juges McIntyre, Lamer, Wilson et Le Dain: La compétence du tribunal en matière de surveillance du paiement des aliments ne saurait être supprimée par contrat. Toutefois, lorsque les parties ont d'elles‑mêmes, librement et après avoir bénéficié des services de conseillers juridiques indépendants, négocié une convention sur la façon de régler leurs affaires financières au moment de la rupture de leur mariage, et que cette convention n'est pas lésionnaire au sens du droit positif, elle devrait être respectée. Ce n'est que lorsqu'une éventuelle infortune tire son origine du mariage lui‑même que le tribunal devrait pouvoir passer outre à la convention. En conséquence, lorsque la personne qui fait une demande de pension alimentaire ou de majoration d'une pension alimentaire établit qu'elle a été victime d'un changement radical de circonstances, découlant d'un état de dépendance économique engendré par le mariage, le tribunal peut exercer son pouvoir de redressement. Dans les autres cas, l'obligation de soutenir l'ancien conjoint devrait être, comme dans le cas de tout autre citoyen, la responsabilité commune de l'état. En l'espèce, on n'a constaté l'existence d'aucun rapport entre le changement radical des circonstances dans lesquelles se trouve l'appelante et son ancien mariage avec l'intimé. Par conséquent, malgré que l'appelante soit tributaire de l'aide sociale, il convient de maintenir la convention alimentaire.
Le juge La Forest: Lorsque les parties ont tenté de régler définitivement leur situation financière et qu'un tribunal, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le par. 11(1) de la Loi sur le divorce, a confirmé cette convention comme étant "juste et appropriée", le caractère définitif inhérent au divorce et à un tel arrangement doit être respecté en l'absence des raisons les plus convaincantes. Lorsqu'il y a eu un changement extrêmement important des circonstances dans lesquelles se trouve l'ancien conjoint après que la convention ait été conclue et qu'il existe un lien de causalité réel entre ce changement et le mariage ou la convention, la cour peut, en vertu du par. 11(2) de la Loi sur le divorce, modifier la convention incorporée dans l'ordonnance alimentaire initiale. Il peut également y avoir des cas exceptionnels, outre ceux où il y a lésion au sens technique, où ce n'est pas tant l'ampleur du changement que les circonstances qui prévalaient au moment où l'ordonnance initiale a été rendue qui justifieront une modification.
En l'espèce, le juge de première instance a eu tort d'ordonner la modification. Même s'il ne fait aucun doute que des changements marqués sont survenus dans le sort des parties, la pauvreté de l'appelante n'est imputable ni au mariage ni à la convention. L'infortune de l'appelante a fait qu'elle est à la charge du trésor public, mais ce n'est pas là une raison pour transférer ce fardeau à l'intimé simplement parce qu'il a été plus fortuné. L'obligation de soutien dans un cas comme celui‑ci revient à la société.
Jurisprudence
Citée par le juge Wilson
Arrêts examinés: Farquar v. Farquar (1983), 1 D.L.R. (4th) 244
Webb v. Webb (1984), 39 R.F.L. (2d) 113
Katz v. Katz (1983), 33 R.F.L. (2d) 412
Newman v. Newman (1980), 4 Man. R. (2d) 50
Ross v. Ross (1984), 39 R.F.L. (2d) 51
arrêts mentionnés: Collins v. Collins (1978), 2 R.F.L. (2d) 385
Goldstein v. Goldstein (1976), 23 R.F.L. 206
Dal Santo v. Dal Santo (1975), 21 R.F.L. 117
Hyman v. Hyman, [1929] A.C. 601
Messier c. Delage, [1983] 2 R.C.S. 401
Connelly v. Connelly (1974), 47 D.L.R. (3d) 535
Piasta v. Piasta (1974), 15 R.F.L. 137
Gandy v. Gandy (1882), 7 P.D. 168
Fabian v. Fabian (1983), 34 R.F.L. (2d) 313
Barrett v. Barrett (1985), 43 R.F.L. (2d) 405
Jull v. Jull (1984), 42 R.F.L. (2d) 113
Binns v. Binns (1985), 45 R.F.L. (2d) 369.
Citée par le juge La Forest
Arrêts mentionnés: Richardson c. Richardson, [1987] 1 R.C.S. 857
Messier c. Delage, [1983] 2 R.C.S. 401.
Lois et règlements cités
Court of Appeal Act, R.S.S. 1978, chap. C‑42, art. 8.
Judicature Act, R.S.O. 1970, chap. 228, art. 30(1).
Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S‑19, art. 41(1) [abr. & rempl. 1974‑75‑76, chap. 18, art. 5], 42, 44, 47.
Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, chap. D‑8, art. 3, 11, 17(2), 18(1).
Doctrine citée
Abella, Rosalie S. Economic Adjustment On Marriage Breakdown: Support (1981), 4 F.L.R. 1.
Canada. Commission de réforme du droit. Le droit de la famille. Ottawa: Commission de réforme du droit du Canada, 19763.
Canada. Commission de réforme du droit. Les divorcés et leur soutien (Document de travail 12). Ottawa: Commission de réforme du droit du Canada, 1975.
Payne, D. Julien. "Policy Objectives of Private Law Spousal Support Rights and Obligations". In Contemporary Trends in Family Law: A National Perspective. Edited by K. Connell‑Thouez and B. M. Knoppers. Toronto: Carswells, 1984, pp. 55‑103.
Wilson, Bertha. "The Variation of Support Orders". In Family Law: Dimensions of Justice. Edited by Rosalie S. Abella and Claire L'Heureux‑Dubé. Toronto: Butterworths, 1983, pp. 35‑67.

Proposition de citation de la décision: Pelech c. Pelech, [1987] 1 R.C.S. 801 (4 juin 1987)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1987-06-04;.1987..1.r.c.s..801 ?
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