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15/12/1988 | CANADA | N°[1988]_2_R.C.S._893

Canada | R. c. Showman, [1988] 2 R.C.S. 893 (15 décembre 1988)


r. c. showman, [1988] 2 R.C.S. 893

David Aaron Showman Appelant

c.

Sa Majesté La Reine Intimée

répertorié: r. c. showman

No du greffe: 19748.

1987: 10 décembre; 1988: 15 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey*, McIntyre, Lamer, Wilson, Le Dain*, La Forest et L'Heureux‑Dubé.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique qui a rejeté l'appel de la déclaration de culpabilité d'avoir fait le trafic d'un stupé

fiant prononcée par le juge Catliff de la Cour de comté siégeant avec jury. Pourvoi rejeté.

1. K. Westlake, pour l'appe...

r. c. showman, [1988] 2 R.C.S. 893

David Aaron Showman Appelant

c.

Sa Majesté La Reine Intimée

répertorié: r. c. showman

No du greffe: 19748.

1987: 10 décembre; 1988: 15 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey*, McIntyre, Lamer, Wilson, Le Dain*, La Forest et L'Heureux‑Dubé.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique qui a rejeté l'appel de la déclaration de culpabilité d'avoir fait le trafic d'un stupéfiant prononcée par le juge Catliff de la Cour de comté siégeant avec jury. Pourvoi rejeté.

1. K. Westlake, pour l'appelant.

2. S. David Frankel et Patricia A. Babcock, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

3. Le juge Lamer—

Introduction

4. L'appelant a été accusé de trafic illégal d'un stupéfiant en contravention avec les dispositions de la Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N‑1. L'accusation découle d'une vente de marijuana à un agent provocateur le 18 mars 1982. Il a été déclaré coupable de cette infraction par le juge Catliff de la Cour de comté de Vancouver qui siégeait avec jury. Au cours d'un voir‑dire, l'appelant a témoigné avoir été incité à commettre le crime en raison des pressions qu'un ami, Ward Kirkus, a exercées sur lui. Le juge du procès a rejeté la prétention de l'appelant et le jury a prononcé un verdict de culpabilité. L'appelant a interjeté appel à la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique et le juge MacFarlane, dans des motifs de jugement auxquels les juges Carrothers et Aikins ont souscrit, a rejeté l'appel. Cette Cour a accordé l'autorisation de pourvoi et celui‑ci a été entendu en même temps que le pourvoi R. c. Mack, [1982] 2 R.C.S. 903. Je suis d'avis de rejeter ce pourvoi.

Les faits

5. La poursuite a appelé deux témoins à l'occasion du voir‑dire, les agents de police Hickman et Adam, et l'appelant a témoigné pour son propre compte. L'agent Hickman a témoigné que Ward Kirkus, qui serait l'auteur de la provocation, faisait face à une accusation possible en matière de stupéfiants et il a été convenu que, s'il prêtait son aide à la police, cette dernière en tiendrait compte à l'égard de son accusation. L'agent Hickman possédait des renseignements transmis par Kirkus et d'autres que l'appelant était un fournisseur de stupéfiants. L'agent Hickman a demandé à Kirkus de téléphoner à l'appelant en vue de conclure une vente de stupéfiants. À la suite d'une discussion avec Kirkus, l'agent Hickman a ordonné à un agent provocateur, l'agent Adam, de se rendre dans le stationnement d'un centre commercial le 15 mars 1982, de s'approcher d'une personne assise dans un véhicule spécifié et de lui demander s'il pouvait acheter de la drogue. Adam s'est vu remettre quelque 200 $ à cette fin. La personne dans la voiture était en fait Kirkus. L'agent Hickman avait dit à Kirkus qu'un homme s'approcherait de lui dans sa voiture. Ni l'agent Adam ni Kirkus n'avaient été avisés qu'ils travaillaient tous deux pour la police, conformément à la procédure policière habituelle. Il est cependant clair que l'agent Adam a soupçonné Kirkus de travailler pour le compte de la police lorsqu'il l'a rencontré au centre commercial. À toutes les époques en cause, l'agent Hickman a participé à la surveillance de l'enquête secrète menée à l'égard de l'appelant.

6. Par suite de la rencontre organisée par Kirkus entre l'appelant et l'agent provocateur Adam, trois opérations concernant des stupéfiants ont été conclues, mais l'appelant n'a été accusé que de la deuxième.

7. Le 15 mars 1982, l'agent Adam a rencontré Kirkus qui l'a conduit à la maison de l'appelant. Kirkus a présenté l'agent Adam à l'appelant. L'agent Adam a témoigné que Kirkus a demandé à l'appelant s'il avait des stupéfiants et celui‑ci, à qui Kirkus avait dit qu'une demi‑livre de marijuana serait achetée, a déclaré qu'il [TRADUCTION] "vendait la livre 1 900 $". L'agent Adam a témoigné avoir dit à l'appelant qu'il n'était pas en mesure d'acheter une demi‑livre à ce moment‑là et une nouvelle rencontre entre l'appelant et l'agent a été fixée au 18 mars. Au cours de la discussion, l'agent Adam a soulevé un sac de plastique contenant approximativement une demi‑once de marijuana. Il s'est informé de la quantité et du prix et l'appelant lui a alors vendu ce paquet. L'appelant n'a été accusé d'aucune infraction par suite de cette opération.

8. Comme convenu, l'appelant et l'agent Adam se sont rencontrés le 18 mars et, alors qu'il conduisait son véhicule, l'appelant a sorti un sac contenant trois paquets d'une demi‑livre de marijuana enveloppés séparément. Les deux hommes ont discuté de prix et Adam a fait s'arrêter l'appelant en vue d'obtenir les 100 $ supplémentaires nécessaires à l'achat d'une des demi‑livres. À ce moment, l'appelant, en réponse à une demande de l'agent Adam, a indiqué qu'il pouvait obtenir de la cocaïne et du "red hair" (marijuana) et déclaré qu'il faisait affaires depuis des années et qu'il avait la chance de trouver de très bonnes sources d'approvisionnement. Ils ont alors conclu l'opération convenue.

9. L'agent Adam a témoigné avoir téléphoné à l'appelant le 13 avril, que celui‑ci l'a rappelé le lendemain et qu'ils se sont rencontrés le 15. L'agent Adam a déclaré dans son témoignage qu'une autre opération concernant des stupéfiants a été organisée et que l'appelant l'a amené à la résidence d'un certain Scott Muirhead. L'appelant les a présentés puis les a quittés. L'agent provocateur et Muirhead ont conclu une opération concernant cinq livres de marijuana. L'appelant n'a pas été accusé à l'égard de cette opération bien que Muirhead l'ait été.

10. L'appelant a témoigné que Wade Kirkus et lui étaient des amis et qu'ils se connaissaient depuis à peu près sept ans. Il y avait quelque six mois qu'il n'avait plus eu de ses nouvelles lorsqu'il a reçu un appel téléphonique le 6 mars 1982. Kirkus lui a dit qu'il avait un ami intéressé à acheter de la marijuana et prêt à payer [TRADUCTION] "beaucoup d'argent". L'appelant affirme avoir dit à Kirkus qu'il n'était pas vraiment intéressé et que, bien qu'il ait été possible qu'il connaisse quelqu'un, il ne voulait pas s'en mêler.

11. Kirkus a rappelé l'appelant le lendemain et réitéré sa demande. L'appelant a répété ne pas être intéressé et a demandé à Kirkus pour combien il y en avait. Kirkus lui a dit qu'un ami était prêt à acheter dix à quinze livres. L'appelant affirme avoir dit à Kirkus [TRADUCTION] "tu t'adresses au mauvais gars". Kirkus s'est alors informé du prix d'une demi‑livre. L'appelant a accepté de s'informer autour de lui et a dit à Kirkus de le rappeler.

12. L'appelant s'est adressé à un ami mais celui‑ci ne voulait pas faire affaires avec Kirkus. Lorsque Kirkus a rappelé, l'appelant a déclaré ne pas pouvoir l'aider. Kirkus lui a alors demandé s'il pouvait l'aider [TRADUCTION] "juste cette fois‑ci". L'appelant s'est alors informé de l'ami de Kirkus et celui‑ci a de nouveau insisté sur le profit qu'ils en tireraient tous les deux et l'appelant a déclaré qu'il y réfléchirait. Kirkus a tenu des propos semblables au cours des deux soirs suivants et souligné que son ami commencerait peut‑être à s'impatienter. L'appelant a proposé de rencontrer l'ami de Kirkus et s'il le jugeait [TRADUCTION] "correct", il essaierait d'organiser une rencontre entre son ami et l'agent provocateur.

13. Le lendemain, Kirkus a téléphoné à deux reprises pour savoir si l'appelant avait fait les arrangements et celui‑ci lui a répondu qu'il était trop occupé, qu'il était incapable de rejoindre son ami et a convenu d'essayer encore le lendemain. Kirkus l'a rappelé le jour suivant et l'appelant lui a dit qu'il n'avait toujours pas rejoint son ami. Kirkus lui a demandé combien de temps cela prendrait et l'appelant lui a dit de le rappeler dans une heure. Lorsque Kirkus a rappelé, l'appelant lui a dit qu'il pouvait conduire l'agent au domicile de l'appelant le lundi 15 mars. Kirkus a déclaré que son ami, l'agent Adam, avait approximativement 1 000 $ à dépenser.

14. L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il n'avait jamais vendu de marijuana à qui que ce soit auparavant et voici ce qu'il a déclaré lorsqu'on lui a demandé ce à quoi il pensait à l'époque des appels téléphoniques répétés de Kirkus:

[TRADUCTION]

...R: Il m'appelait tous les jours. Il me parlait et je lui ai dit que je ne pensais pas, que je ne savais pas, que je m'informerais et j'ai commencé à lui dire que je le rappellerais et je ne l'ai jamais fait. Je ne me suis jamais informé et finalement ses appels de tous les jours ont commencé à m'ennuyer.

Q: Pourquoi ne vous informiez‑vous pas?

...R: Parce que je n'étais pas intéressé à le faire.

Q: Et que croyiez‑vous qui allait se produire?

...R: J'ai cru qu'il trouverait quelqu'un d'autre avec qui faire affaires et qu'il cesserait de m'appeler. J'espérais qu'il s'arrangerait seul.

15. L'appelant a alors communiqué avec Scott Muirhead qui lui a fourni trois paquets d'une demi‑livre de marijuana enveloppés séparément. L'appelant n'a rien payé mais a convenu de partager les profits avec Muirhead, l'appelant obtenant 250 $ de la vente d'une demi‑livre. Voici comment l'appelant a expliqué avoir deux demi‑livres supplémentaires:

[TRADUCTION] Bien, Scott m'a remis plus d'une demi‑livre et je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu, bien, peut‑être que le gars va aimer ça et en voudra d'autre. Ça ferait seulement plus d'argent pour toi, tu le fais maintenant, alors, tu sais, quelques dollars de plus pour toi seraient même mieux. J'ai juste—je n'ai pas dit—je ne pouvais pas dire non. Il a seulement demandé s'il y avait un problème et je lui ai dit, non, je pense pas.

16. On a demandé à l'appelant pourquoi il avait vendu la demi‑livre le 18, à la suite de la première rencontre avec l'agent Adam. Il a déclaré:

[TRADUCTION] Bien, il y a plusieurs raisons différentes. C'était une combinaison de raisons, j'imagine. Ward [Kirkus] était un très bon ami à moi à l'époque. Il m'appelait constamment et l'argent était un facteur. Je ne pouvais tout simplement pas dire non à un ami qui voulait vraiment que je l'aide à s'en sortir. Il avait l'air, pas désespéré, mais presque désespéré au point où, tu sais, tu dois m'aider à m'en sortir juste cette fois‑ci. Alors, son insistance, ses appels continuels n'ont pas arrêté, alors, je n'avais vraiment pas le courage de dire non à un ami. Alors, je l'ai fait juste cette fois.

17. L'appelant a insisté sur le fait qu'il avait agi comme s'il connaissait le milieu de la drogue et les sources d'approvisionnement au cours de ses échanges avec l'agent Adam parce que Muirhead lui avait dit "d'avoir l'air important" et de se présenter comme un trafiquant de drogues pour impressionner l'agent et qu'il n'a fait que ce que Muirhead lui a dit de faire. L'échange suivant qui a eu lieu au cours du contre‑interrogatoire constitue un résumé utile de la situation de l'appelant:

[TRADUCTION]

Q: Enfin, pour résumer, Kirkus et Muirhead ont vraiment réussi à vous convaincre, c'est ce que vous dites?

...R: Bien, je commençais...leurs appels continuels commençaient à m'ennuyer, vous savez. C'était un ami. Il avait l'air de quelqu'un qui avait besoin d'aide et c'était pour une seule fois, alors je l'ai fait pour un ami, un bon ami.

Q: Mais vous en avez tiré 250 $?

...R: J'ai reçu de l'argent, oui. Mais ce n'était pas la principale raison.

Décisions des tribunaux d'instance inférieure

18. Le juge Catliff a décidé qu'il incombait à la poursuite d'établir l'absence de provocation policière hors de tout doute raisonnable et a conclu: [TRADUCTION] "dans cette affaire, aucun élément de preuve ne me convainc qu'il y a eu provocation policière et, de plus, la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable que le prévenu n'a pas été incité à commettre cette infraction". Le juge du procès a accepté le témoignage de l'appelant qu'il y avait eu des appels entre Kirkus et lui, que l'appelant avait d'abord hésité et dit à Kirkus qu'il [TRADUCTION] "s'adressait au mauvais gars" lorsque celui‑ci s'était informé au sujet de la vente de dix à quinze livres de marijuana.

19. Le juge Catliff a signalé que l'appelant a eu suffisamment de possibilités d'éviter de commettre l'infraction. Il a refusé d'accorder foi à l'argument de l'appelant selon lequel il avait agi par obligation envers un ami. Le juge Catliff a dit qu'il s'agissait d'une prétention qui [TRADUCTION] "revient presque à dire qu'il avait été provoqué par l'amitié". Selon les termes du juge Ritchie dans l'arrêt Amato c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 418, à la p. 473, l'appelant n'avait pas été l'objet de "tactiques de la police [qui] ne laissent pas de place à la formation d'une intention criminelle indépendante".

20. Le juge Catliff a alors mentionné un passage de l'opinion du juge Estey dans l'arrêt Amato, précité, à la p. 446 où le juge Estey a affirmé que l'infraction doit être "provoquée, amorcée ou occasionnée par la police dont la conduite doit inciter l'accusé à commettre l'infraction". Il a conclu que les faits n'avaient pas, [TRADUCTION] "malgré tout effort d'imagination", confirmé l'existence de cette condition. Il a mentionné la bonne connaissance des drogues dont l'appelant avait fait preuve et il a alors fait la déclaration suivante au sujet de la conversation que l'appelant et l'agent provocateur avaient eu au moment de la vente du 18 mars:

[TRADUCTION] En examinant cette conversation à première vue, je dirais qu'un élément chez lui le prédisposait à commettre l'infraction. L'accusé affirme qu'il ne faisait que se vanter et qu'un ami, Scott, lui avait dit d'agir comme s'il était un trafiquant de drogues. Je ne tiens pas compte de cela et n'accepte pas cette explication. Je ne vois aucune raison au monde pour laquelle, si le prévenu se sentait obligé en raison des pressions de l'amitié de vendre de la drogue à Adam, il aurait jugé nécessaire de se vanter faussement comme il l'a fait".

21. D'autres circonstances signalées par le juge qui démontrent que l'appelant n'a pas été incité à commettre l'infraction sont le fait que l'appelant avait apporté plus de drogue en vue d'en vendre si l'occasion se présentait et le fait qu'il s'était arrangé pour rencontrer l'agent Adam dans son appartement et que, l'ayant rencontré, il avait décidé de façon indépendante de lui vendre de la drogue.

22. En Cour d'appel le juge MacFarlane a confirmé au nom de celle‑ci la décision R. v. Mack (1985), 49 C.R. (3d) 169, rendue par cette même cour, selon laquelle: a) le moyen de défense de la provocation policière n'existe que comme aspect de l'abus de procédures; b) la provocation policière est une question de droit qui ne relève que du juge; et c) le prévenu a l'obligation d'établir l'existence de la provocation policière selon la prépondérance des probabilités.

23. La Cour était d'avis que, bien que le juge du procès ait commis une erreur quant au fardeau et à la norme de preuve, cette erreur favorisait l'appelant et l'application de la bonne interprétation n'aurait pas entraîné un résultat différent. Le juge MacFarlane a également conclu que des éléments de preuve appuyaient les conclusions de fait du juge de première instance et que ces faits ne permettaient pas de conclure à l'existence d'une provocation policière. Il a conclu que l'appelant n'avait pas établi l'existence de la provocation policière selon une prépondérance des probabilités et, par conséquent, il a rejeté l'appel.

Analyse

24. Dans l'arrêt Mack, précité, j'ai exposé comment aborder la doctrine de la provocation policière. Je suis d'accord avec la Cour d'appel en l'espèce que, si le juge de première instance avait correctement appliqué le fardeau et la norme de preuve, le résultat aurait été le même. L'appelant n'a pas établi que la conduite des policiers, examinée objectivement, constituait de la provocation policière.

25. Premièrement, il est clair que les policiers ont agi sur la foi d'un doute raisonnable et qu'il leur était tout à fait permis de fournir à l'appelant une occasion de commettre l'infraction. La question en litige est donc la suivante: "les policiers se sont‑ils contentés de fournir une occasion de commettre une infraction, en employant des techniques conçues pour inciter à la commettre, ou sont‑ils allés plus loin?" (Mack, précité, à la p. 959).

26. L'infraction que constitue le trafic de stupéfiants est, comme je l'ai souligné dans l'arrêt Mack, précité, une infraction particulièrement difficile à déceler et le recours à des agents provocateurs et à des indicateurs—comme Kirkus en l'espèce—est courant et nécessaire. Il n'y a pas eu exploitation d'une relation personnelle intime entre Kirkus et l'appelant. Si les policiers ne pouvaient s'appuyer sur les relations et associations existantes entre les gens du milieu de la drogue, leurs efforts pour dépister les crimes et prévenir d'autres activités criminelles seraient indûment entravés. Certes, on a eu recours à l'appelant en raison de son amitié pour Kirkus, mais cela ne constituait pas de l'exploitation indue et la dignité de leur relation n'a pas été violée. En l'absence d'autres facteurs, cela ne peut suffire pour faire droit au moyen de défense.

27. Le nombre d'appels téléphoniques effectués par Kirkus ont eu lieu dans un très court lapse de temps et, comme le décrivait l'appelant lui‑même, ils portaient généralement sur le profit que chacun pouvait tirer de sa participation. De toute évidence, le fournisseur de stupéfiants moyen n'acquiescera pas dès le premier appel et il ne serait pas inhabituel que plusieurs contacts aient lieu avant qu'un marché soit conclu. Par conséquent, j'estime que le fait que Kirkus ait dû appeler l'appelant plusieurs fois n'est pas déterminant compte tenu particulièrement de la teneur de ces appels et du peu de jours visés. Je suis certain que la personne moyenne ne serait pas incitée à commettre une infraction par suite de cette conduite.

28. Bref, il n'existe, en l'espèce, aucune des circonstances présentes dans l'affaire Mack, précitée, ou identifiées dans cet arrêt comme facteurs permettant de conclure que les policiers, par leur conduite, sont allés au‑delà des limites que notre société estime justifiables. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter ce pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l'appelant: Jackson & Westlake, Vancouver.

Procureur de l'intimée: Frank Iacobucci, Ottawa.

* Les juges Estey et Le Dain n'ont pas pris part au jugement.


Synthèse
Référence neutre : [1988] 2 R.C.S. 893 ?
Date de la décision : 15/12/1988
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Moyens de défense - Provocation policière - Rencontre fixée entre un agent provocateur et l'accusé par un ami de l'accusé - L'accusé a‑t‑il été victime de provocation policière?.

L'accusé a été accusé de trafic d'un stupéfiant par suite d'une vente de marijuana à un agent provocateur en mars 1982. Au cours d'un voir‑dire, l'appelant a témoigné avoir été incité à commettre le crime en raison des pressions qu'un ami a exercées sur lui. Cet ami a prêté son aide aux policiers en échange de leur engagement d'en tenir compte à l'égard des accusations en matière de stupéfiants qui pesaient contre lui. Il a téléphoné à l'accusé plusieurs fois en vue de permettre à l'agent provocateur de rencontrer l'appelant et a finalement fixé une rencontre entre les deux. Le juge du procès a rejeté la prétention de provocation policière soulevée par l'appelant. La Cour d'appel a débouté l'appelant.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Aucune des circonstances identifiées comme facteurs permettant de conclure que les policiers, par leur conduite, sont allés au‑delà des limites acceptables n'existe en l'espèce. Les policiers ont agi sur la foi d'un doute raisonnable et il leur était tout à fait permis de fournir à l'appelant une occasion de commettre l'infraction. Ils n'ont pas employé des tactiques destinées à inciter une personne moyenne à commettre une infraction. Le recours à des agents provocateurs et à des indicateurs est courant et nécessaire parce que le trafic de stupéfiants est une infraction particulièrement difficile à déceler. Il n'y a eu ni exploitation ni violation de l'amitié de l'appelant au cours des arrangements pour fixer une rencontre avec l'agent provocateur. Le nombre d'appels téléphoniques effectués par l'ami de l'appelant pour fixer la rencontre n'est pas déterminant étant donné que ces appels portaient généralement sur le profit à tirer de l'opération, le peu de jours visés et que le fournisseur de stupéfiants moyen n'acquiescerait pas dès le premier appel.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Showman

Références :

Jurisprudence
Arrêts appliqués: R. c. Mack, [1988] 2 R.C.S. 903, inf. (1985), 49 C.R. (3d) 169
Amato c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 418.
Lois et règlements cités
Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N‑1.

Proposition de citation de la décision: R. c. Showman, [1988] 2 R.C.S. 893 (15 décembre 1988)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1988-12-15;.1988..2.r.c.s..893 ?
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