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22/06/1989 | CANADA | N°[1989]_1_R.C.S._1722

Canada | Bell canada v. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722 (22 juin 1989)


Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722

Le Conseil de la radiodiffusion et des

télécommunications canadiennes Appelant

c.

Bell Canada Intimée

et

Le procureur général du Canada,

l'Association des consommateurs du Canada,

l'Alliance canadienne des télécommunications

de l'entreprise, Télécommunications CNCP et

l'Organisation nationale anti-pauvreté Intervenants

répertorié: bell canada v. canada (conseil de la radiodiffusion et des tél

écommunications canadiennes)

No du greffe: 20525.

1989: 21 février; 1989: 22 juin.

Présents: Les juges Lamer, Wilson, La Fore...

Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722

Le Conseil de la radiodiffusion et des

télécommunications canadiennes Appelant

c.

Bell Canada Intimée

et

Le procureur général du Canada,

l'Association des consommateurs du Canada,

l'Alliance canadienne des télécommunications

de l'entreprise, Télécommunications CNCP et

l'Organisation nationale anti-pauvreté Intervenants

répertorié: bell canada v. canada (conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes)

No du greffe: 20525.

1989: 21 février; 1989: 22 juin.

Présents: Les juges Lamer, Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel fédérale

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale, [1988] 1 C.F. 296, 43 D.L.R. (4th) 30, 78 N.R. 58, qui annulé une ordonnance du CRTC. Pourvoi accueilli.

Raynold Langlois, c.r., Greg Van Koughnett, et Luc Huppé, pour l'appelant.

Gérald R. Tremblay, c.r., et Michel Racicot, pour l'intimée.

Graham Garton, pour l'intervenant le procureur général du Canada.

Janet Yale, pour l'intervenante l'Association des consommateurs du Canada.

Kenneth G. Engelhart, pour l'intervenante l'Alliance canadienne des télécommunications de l'entreprise.

Michael Ryan, pour l'intervenante Télécommunications CNCP.

Andrew Roman et Robert Horwood, pour l'intervenante l'Organisation nationale anti‑pauvreté.

//Le juge Gonthier//

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE GONTHIER — Il s'agit d'un pourvoi contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale qui a annulé une des ordonnances rendues par l'appelant dans la décision Télécom CRTC 86‑17 ("décision 86‑17"). Aux termes de l'ordonnance contestée, l'intimée devait rembourser à certaines catégories d'abonnés les revenus excédentaires de 206 millions de dollars réalisés au cours des années 1985 et 1986 au moyen d'un crédit forfaitaire. L'intimée ne conteste pas les conclusions de fait sur lesquelles se fonde la décision 86‑17 et ne prétend pas que cette ordonnance porterait un préjudice indu à sa situation financière. Les autres ordonnances que comporte la décision 86‑17 ne sont pas contestées.

L'appelant prétend que le but de l'ordonnance contestée était d'accorder aux usagers du téléphone un redressement contre des tarifs provisoires qui se sont révélés excessifs compte tenu des conclusions de fait auxquelles l'appelant est parvenu à la suite d'une dernière audience tenue au cours de l'été 1986 pour établir les taux à être imposés par l'intimée à compter de 1985. Ces conclusions de fait sont énoncées dans la décision 86‑17. Puisque cette affaire porte sur la façon dont il faut qualifier l'ordonnance de crédit forfaitaire contenue dans la décision 86‑17, il est important de faire l'historique des procédures administratives à l'origine de l'ordonnance que conteste maintenant l'intimée.

I ‑ Les faits

Le 28 mars 1984, l'intimée a présenté une demande de majoration tarifaire générale en vertu de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications, DORS/79‑554, qui prescrit une procédure sommaire publique pour les requêtes particulières. L'intimée a prétendu que le programme de restriction du gouvernement canadien qui limite les majorations tarifaires des services publics régis par le gouvernement fédéral à 5 pour 100 et 6 pour 100 constituait un motif suffisant de se soustraire à la procédure normalement applicable aux demandes de majoration tarifaire générale, procédure qui est énoncée à la partie III des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications. Dans la décision Télécom CRTC 84‑15, l'appelant a rejeté cette demande pour le motif que l'intimée n'avait pas suivi la procédure appropriée de la partie III des Règles. L'appelant a toutefois indiqué que si l'intimée devait subir un préjudice financier par suite des délais que comporte la mise en {oe}uvre de la procédure plus complexe établie à la partie III, elle pourrait toujours demander un redressement provisoire en attendant l'audience et une décision sur le fond (aux pp. 8 et 9):

Le Conseil reconnaît que, en 1985 et au‑delà, en l'absence de redressement tarifaire, la position financière de la compagnie pourrait se détériorer. À cet égard, le Conseil serait disposé à tenir une audience publique portant sur une telle requête à l'automne de 1985 si la compagnie juge nécessaire de déposer une requête en majoration tarifaire générale en vertu de la partie III des Règles. Si Bell estimait nécessaire d'obtenir une majoration tarifaire devant entrer en vigueur plus tôt en 1985 que ne le permettrait cet échéancier, elle pourrait, il va sans dire, demander un redressement provisoire de ses tarifs. Le cas échéant, et Bell jugeant trop restrictive, compte tenu du calendrier des audiences du Conseil, la méthode que celui‑ci utilise pour déterminer s'il y a lieu d'agréer une requête en majoration tarifaire provisoire, il lui serait loisible de proposer des solutions de rechange aux fins d'étude par le Conseil. [Je souligne.]

Le 4 septembre 1984, l'intimée a présenté une demande de majoration tarifaire générale fondée sur ses données financières de 1985, cette majoration devant entrer en vigueur le 1er janvier 1986. Au même moment, elle a demandé une majoration tarifaire provisoire de 3,6 pour 100.

Dans la décision Télécom CRTC 84‑28 ("décision 84-28") du 19 décembre 1984, l'appelant a énoncé la politique suivante qui avait été adoptée antérieurement dans la décision Télécom CRTC 80‑7 relativement aux demandes de majoration tarifaire provisoire (aux pp. 8 et 9):

La politique du Conseil en matière de majorations tarifaires provisoires, énoncée dans la décision 80‑7, est la suivante:

Le Conseil estime que, en principe, les majorations tarifaires générales ne devraient être accordées qu'à la suite du processus public complet envisagé à la partie III de ses Règles de procédure en matière de télécommunications. En l'absence d'un tel processus, les majorations tarifaires générales ne devraient pas, selon le Conseil, être accordées même de façon intérimaire sauf si le requérant peut démontrer qu'il s'agit de circonstances spéciales. Ce pourrait être le cas, par exemple, si de longs délais dans le traitement d'une requête entraînaient une dégradation sérieuse de la situation financière d'un requérant à moins d'une majoration tarifaire intérimaire. [Je souligne.]

L'intimée a soutenu que sa situation financière justifiait une majoration tarifaire provisoire, sans remettre en question le caractère raisonnable de cette politique. L'appelant s'est dit d'accord avec l'argument de l'intimée selon lequel, en l'absence de majorations tarifaires provisoires, la situation financière de celle‑ci pourrait se détériorer gravement et il lui a accordé une majoration tarifaire provisoire de 2 pour 100. Dans cette décision, l'appelant a exigé que l'intimée se prépare à une audience qui serait tenue à l'automne 1985 en vue d'examiner sa demande d'ordonnance définitive en majoration de ses tarifs sur la base de deux années témoins, soit 1985 et 1986. Les motifs pour lesquels la majoration tarifaire provisoire a été fixée à 2 pour 100 sont exposés à la p. 10 de la décision 84‑28:

Lorsqu'il a étudié le pourcentage de majorations tarifaires provisoires requis dans les circonstances, le Conseil a tenu compte des facteurs suivants:

1) Même si la compagnie a déclaré qu'un coefficient de couverture de l'intérêt de 4,0 est nécessaire, le Conseil considère le maintien d'un coefficient de couverture de 3,8, prévu par la compagnie pour 1984, comme suffisant aux fins de la présente décision provisoire.

2) Pour ce qui est du niveau du RAO ["taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires"], le Conseil estime que, pour 1985, et sous réserve d'un examen au cours de l'étude qu'il fera de la requête en majoration tarifaire générale de la compagnie à l'automne 1985, 13,7 % sont suffisants pour déterminer le pourcentage des majorations tarifaires à autoriser en vertu de la présente requête en majoration tarifaire provisoire.

3) Quant aux prévisions des dépenses de la compagnie pour 1985, le Conseil note que le facteur d'inflation utilisé par la compagnie est supérieur aux prévisions actuelles du taux d'inflation pour 1985 et considère que les prévisions de dépenses d'exploitation de Bell pour cette année‑là pourraient être surestimées d'environ 25 millions de dollars.

Compte tenu des facteurs susmentionnés, le Conseil a jugé qu'une majoration tarifaire provisoire de 2 % pour tous les services pour lesquels des hausses tarifaires sont demandées par la compagnie dans la requête provisoire convient pour l'instant. Cette augmentation devrait générer des recettes additionnelles de 65 millions de dollars entre le 1er janvier 1985 et le 31 décembre 1985. Pour lui permettre d'examiner les besoins en matière de revenus de la compagnie pour 1985 à l'audience publique qui aura lieu à l'automne de 1985, le Conseil ordonne à Bell de déposer sa requête en majoration tarifaire générale du 4 juin 1985 sur la base de deux années témoin, soit 1985 et 1986. [Je souligne.]

Dans les motifs de sa décision, l'appelant indique que le calcul de la majoration tarifaire provisoire s'est fait à partir des données financières fournies par l'intimée sans que celles‑ci aient fait l'objet de l'examen minutieux qui est normalement associé aux audiences tenues en application de la partie III des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications. En outre, l'appelant a clairement manifesté l'intention de réviser cette majoration tarifaire provisoire dans sa décision finale portant sur la demande de majoration tarifaire générale présentée par l'intimée sur la base des données financières relatives aux années 1985 et 1986. Compte tenu des motifs de la décision finale de l'appelant, il est également important de souligner que le calcul de la majoration tarifaire provisoire de 2 pour 100 a été fait à partir de l'hypothèse que le taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires en 1985 devrait être de 13,7 pour 100, sous réserve d'une révision lors de la décision finale.

La situation financière de l'intimée s'étant ultérieurement améliorée, il n'était plus aussi nécessaire de procéder sans tarder à l'audience pour obtenir une majoration tarifaire générale et définitive. Dans une lettre en date du 20 mars 1985, l'intimée a demandé que cette audience soit reportée au 10 février 1986 tout en suggérant que la majoration provisoire de 2 pour 100 soit approuvée immédiatement de façon définitive. Dans l'avis public Télécom CRTC 1985‑30 en date du 16 avril 1985, l'appelant a accordé le report, mais a refusé d'accorder l'approbation définitive demandée par l'intimée sans procéder à un examen plus poussé de la question. Le Conseil a ajouté qu'il surveillerait la situation financière de l'intimée sur une base mensuelle et a ordonné la production d'états financiers mensuels (à la p. 4):

Compte tenu de la tendance à l'amélioration du rendement financier de la compagnie, le Conseil lui ordonne de plus ce qui suit:

Bell Canada présentera au Conseil, pour le reste de 1985, et ce 30 jours après la fin de chaque mois à compter d'avril 1985, des prévisions des revenus et dépenses pour une année complète, sur une base réglementée pour l'année 1985, ainsi que des ratios financiers estimatifs, y compris le taux de rendement réglementé de l'avoir des détenteurs d'actions ordinaires.

Le Conseil surveillera le rendement financier de la compagnie pour 1985, afin d'établir s'il y a lieu ou non de prendre d'autres mesures de tarification. [Je souligne.]

L'appelant a encore une fois manifesté clairement son intention d'empêcher qu'on abuse des demandes de majoration tarifaire provisoire.

Après avoir examiné les états financiers du mois de juillet, déposés conformément à l'avis public Télécom CRTC 1985‑30, l'appelant a demandé à l'intimée d'expliquer pourquoi la majoration tarifaire provisoire de 2 pour 100 devrait être maintenue compte tenu de l'amélioration de sa situation financière. L'intimée n'a pas su convaincre l'appelant que cette majoration provisoire était toujours nécessaire pour éviter une détérioration de sa situation financière et l'appelant lui a donc ordonné de déposer des révisions tarifaires devant entrer en vigueur le 1er septembre 1985, aux pp. 4 et 5 de la décision Télécom CRTC 85‑18:

Compte tenu de la tendance à l'amélioration du rendement financier de Bell, le Conseil est convaincu que la compagnie n'a plus besoin des majorations provisoires de 2 % consenties dans la décision 84‑28, afin d'éviter une grave détérioration de sa situation financière en 1985. En conséquence, il est ordonné à Bell de déposer sans délai des révisions tarifaires devant entrer en vigueur le 1er septembre 1985, qui suspendent ces majorations.

Pour en arriver à sa décision, le Conseil a estimé que, si les tarifs provisoires avaient été en vigueur toute l'année, la compagnie obtiendrait un RAO ["taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires"] d'environ 14,5 % en 1985, soit un rendement bien au‑dessus du taux de 13,7 % qui avait été considéré comme étant convenable pour l'établissement des majorations tarifaires provisoires de 2 %. Le Conseil a également prévu que le coefficient de couverture de l'intérêt serait d'environ 3,9, ce qui serait supérieur au coefficient réel de 1984 qui s'établissait à 3,8. Ces estimations ne sont pas sensiblement différentes des prévisions courantes des résultats de Bell pour 1985.

Le Conseil rendra sa décision définitive pour ce qui est des besoins en matière de revenus de Bell pour l'année 1985 dans le cadre de l'instance portant sur des majorations tarifaires générales qui devrait débuter par le dépôt d'une requête, le 10 février 1986. [Je souligne.]

Suite à cette décision, l'intimée a dû imposer les taux en vigueur avant le dépôt, le 28 mars 1984, de sa demande de majoration tarifaire. Cependant, même si les taux devant entrer en vigueur le 1er septembre 1985 étaient numériquement identiques aux taux en vigueur qui avaient été fixés dans la dernière décision finale rendue avant la majoration provisoire, ces nouveaux taux étaient toujours provisoires. D'ailleurs, l'appelant a exprimé de nouveau son intention de réviser les taux effectivement imposés au cours des années 1985 et 1986.

Le 31 octobre 1985, l'intimée a décidé de ne pas déposer sa demande de majoration tarifaire générale et a demandé que sa procédure soit retirée. Dans l'avis public Télécom CRTC 1985‑85, l'appelant a décidé d'examiner la situation financière de l'intimée et, par conséquent, le caractère raisonnable de ses taux sans égard à sa demande de retrait de sa requête initiale en majoration tarifaire générale (aux pp. 3 et 4):

En raison de ces prévisions et de la mesure dans laquelle la structure tarifaire de la compagnie devrait être étudiée dans des instances distinctes, Bell a déclaré qu'elle désirait s'abstenir de l'instance, sa requête devant être déposée le 10 février 1986. La compagnie a donc demandé le retrait des Directives sur la procédure modifiées telles que publiées par le Conseil dans l'avis public 1985‑30.

. . .

Le Conseil constate que le taux de rendement approprié de Bell n'a pas été examiné dans le cadre d'une audience avec comparution depuis l'instance qui a abouti à la décision Télécom CRTC 81‑15 du 20 septembre 1981 intitulée Bell Canada — Majoration tarifaire générale (la décision 81‑15). Le Conseil estime qu'étant donné les prévisions actuelles de Bell, il conviendrait d'examiner le coût des capitaux propres de la compagnie pour les années 1985, 1986 et 1987 à l'occasion de l'audience devant avoir lieu en 1986. Cet examen permettrait d'étudier les conditions financières et économiques qui ont changé depuis la décision 81‑15 ainsi que les répercussions de la réorganisation de Bell sur son taux de rendement. Le Conseil note que d'autres questions résultant de la réorganisation pourraient également faire l'objet d'un examen lors de l'audience de 1986. [Je souligne.]

Il ressort de cette décision provisoire que l'appelant voulait que la procédure initiale de révision tarifaire demandée par l'intimée au mois de mars 1984 se poursuive. Les taux qui étaient en vigueur le 1er janvier 1985 jusqu'à la décision finale que conteste maintenant l'intimée étaient donc provisoires et susceptibles de révision.

L'audience qui est à l'origine de la décision finale s'est déroulée du 2 juin au 16 juillet 1986 et cette décision finale, soit la décision 86‑17, a été rendue le 14 octobre 1986. Dans cette décision, l'appelant a d'abord établi les niveaux de rentabilité appropriés pour l'intimée en se fondant sur le taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires. L'appelant a ensuite procédé au calcul des revenus excédentaires réalisés par l'intimée en 1985 et 1986, ainsi que de la réduction nécessaire des revenus prévus pour 1987. On a constaté, à la p. 93, que l'intimée avait accumulé des revenus excédentaires de 63 millions de dollars en 1985 et de 143 millions de dollars en 1986 pour un total de 206 millions de dollars:

Après avoir apporté d'autres rajustements de manière à tenir compte du dédommagement pour les employés provisoirement mutés et avoir inclus le traitement réglementaire des filiales non partie intégrante et des compagnies associées, le Conseil a établi qu'une réduction des besoins en revenus de l'ordre de 234 millions de dollars donnerait à la compagnie un taux de RAO ["taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires"] de 12,75 % sur une base réglementée pour 1987. De même, le Conseil a établi qu'une réduction de 143 millions de dollars des besoins en revenus s'impose pour atteindre l'échelon supérieur du taux de RAO autorisé sur une base réglementée pour 1986, soit 13,25 %. Pour ce qui est de 1985, après avoir apporté les rajustements exposés dans la présente décision, le Conseil a établi que Bell a obtenu des revenus excédentaires de 63 millions de dollars, dont la défalcation donnerait un taux de 13,75 %, soit l'échelon supérieur du taux de RAO autorisé sur une base réglementée.

Il importe de souligner que l'appelant a examiné minutieusement la preuve et les arguments présentés par les parties intéressées et les intervenants aux pp. 77 à 92 de la décision 86‑17. Il est à toutes fins pratiques impossible d'entreprendre un examen aussi minutieux et soigné de tous les faits pertinents en présence d'une demande de redressement provisoire. Enfin, il convient également de souligner que le taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires de 13,7 pour 100 que l'appelant avait autorisé dans sa décision provisoire, la décision 84‑28, a été majoré à 13,75 pour 100 dans la décision 86‑17. L'appelant a donc constaté que les taux provisoires approuvés pour l'année 1985 avaient généré des taux de rendement supérieurs à ce qui avait été prévu à l'origine et que le taux de rendement effectivement obtenu pour cette année était même supérieur à celui qui avait été autorisé dans la décision finale, soit la décision 86‑17. De telles différences entre les taux de rendement projetés et réels sont courantes et exigent certainement de l'appelant un niveau de souplesse très élevé dans l'exercice de ses fonctions de réglementation.

Le Conseil a décidé que l'intimée ne pouvait conserver les revenus excédentaires réalisés à partir des taux provisoires et il a rendu l'ordonnance maintenant contestée par l'intimée, en vue de remédier à la situation. L'ordonnance est rédigée ainsi, aux pp. 95 et 96:

Dans le cas des revenus excédentaires pour les années 1985 et 1986, le Conseil ordonne que les rajustements qui s'imposent soient apportés au moyen d'un crédit forfaitaire aux abonnés inscrits, à la date de la présente décision, aux services locaux suivants: résidentiel et d'affaires de ligne individuelle, de ligne à deux et à quatre abonnés; de ligne principale de PBX; de ligne centrex; de ligne perfectionnée de circonscription; du service radiotéléphonique de circonscription; du service de réseau dépendant; et du service de ligne d'accès aux services informatiques. Le Conseil ordonne que le crédit à chaque abonné soit calculé au prorata de la somme des revenus excédentaires pour 1985 et 1986, soit 206 millions de dollars, en fonction des états de compte périodiques mensuels de l'abonné pour les services locaux spécifiés fournis à la date de la présente décision. Le Conseil ordonne de plus que le travail nécessaire pour mettre en {oe}uvre les directives ci‑dessus soit amorcé immédiatement et que les rajustements aux états de compte soient faits le 31 janvier 1987 au plus tard. Enfin, le Conseil ordonne en outre à la compagnie de lui présenter, au plus tard le 16 février 1987, un rapport donnant le détail de la mise en {oe}uvre du crédit.

Le Conseil estime que le meilleur moyen de traiter les revenus excédentaires de 1987 est par la voie de réductions tarifaires devant entrer en vigueur le 1er janvier 1987. [Je souligne.]

Même si l'intimée a toujours imposé les taux approuvés par l'appelant, ce dernier a jugé nécessaire de s'assurer que son évaluation des revenus autorisés pour 1985 et 1986 soit respectée. L'appelant soutient que l'ordonnance que conteste maintenant l'intimée constituait le moyen le plus efficace de redistribuer ces revenus excédentaires aux abonnés de l'intimée même si ceux qui ont réellement eu à payer les taux en vigueur au cours de cette période n'obtiendraient pas nécessairement de remboursement.

Il ressort donc clairement que l'appelant n'a autorisé les taux provisoires à être imposés après le 1er janvier 1985 qu'en supposant qu'il réviserait ces taux au cours d'une audience qui devait porter sur une demande de majoration tarifaire générale. Toutes les décisions provisoires à l'origine de la décision 86‑17 ont confirmé l'intention de l'appelant de réviser les taux provisoires à l'audience finale. Enfin, les taux provisoires ont été fixés par ordonnance afin d'empêcher que la situation financière de l'intimée ne se détériore gravement avant qu'une décision finale sur le fond soit rendue. Il va de soi que ces taux provisoires avaient été fixés à partir d'éléments de preuve incomplets présentés par l'intimée. On ne peut affirmer que la majoration tarifaire provisoire ordonnée par l'appelant avait pour objet de servir temporairement de décision finale.

II ‑ La question en litige et les arguments des parties

Devant cette Cour et la Cour d'appel fédérale, les parties ont convenu que la seule question en litige qui découle des faits de l'espèce est de savoir si l'appelant avait compétence pour ordonner à l'intimée d'accorder à ses abonnés un crédit forfaitaire. L'intimée ne conteste pas les conclusions de fait de l'appelant, ni sa décision quant aux besoins en revenus de l'intimée pour les années 1985 et 1986, ni son calcul du montant des revenus excédentaires gagnés au cours de cette période. À mon avis, il est possible de diviser cette question en deux:

1‑La loi permettait‑elle à l'appelant d'examiner les revenus réalisés par l'intimée pendant la période où les taux provisoires étaient en vigueur?

2‑L'appelant avait‑il compétence pour rendre une ordonnance obligeant l'intimée à accorder à ses abonnés un crédit forfaitaire?

Les principaux arguments soulevés par l'appelant peuvent être résumés de la façon suivante:

1‑la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux confèrent à l'appelant le pouvoir d'examiner les revenus gagnés par un organisme réglementé pendant la période où ce dernier était autorisé à imposer des taux provisoires pour comparer ces revenus avec le niveau approprié de revenus établi dans la décision finale;

2‑le pouvoir d'ordonner un crédit forfaitaire est nécessairement accessoire au pouvoir d'examiner la période au cours de laquelle les tarifs provisoires ont été imposés et l'appelant a compétence pour décider quel est le meilleur moyen d'accorder un redressement lorsque des revenus excédentaires ont été gagnés.

Les principaux arguments soulevés par l'intimée peuvent être résumés de la façon suivante:

1‑le pouvoir d'établir des taxes et des tarifs ne comprend pas le pouvoir d'examiner et de rendre des ordonnances quant au niveau de revenus de l'intimée;

2‑l'appelant n'a aucun pouvoir d'ordonner un crédit forfaitaire quant aux revenus gagnés par suite de l'imposition de taux que l'intimée était obligée d'imposer en vertu de la Loi sur les chemins de fer, que ces taux soient fixés dans une ordonnance provisoire ou définitive.

L'avocat de l'Organisation nationale anti‑pauvreté ("ONAP") a également soutenu que les décisions de l'appelant concernant l'interprétation des lois qui lui confèrent compétence en certaines matières sont sujettes à retenue judiciaire et ne peuvent être révisées à moins d'être manifestement déraisonnables. Cet argument soulève la question de l'étendue de la révision que permet le par. 68(1) de la Loi sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), chap. N‑20, (maintenant la Loi nationale sur les attributions en matière de télécommunications) et doit être traité préalablement à toute analyse des dispositions législatives pertinentes que l'on prétend être à l'origine du pouvoir de l'appelant d'ordonner dans la décision 86‑17 un crédit forfaitaire.

La présente affaire soulève d'épineuses questions d'interprétation législative et il sera donc nécessaire d'examiner les dispositions pertinentes de la Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), chap. R-3, et de la Loi sur les transports nationaux avant d'entreprendre une analyse détaillée de la décision de la Cour d'appel fédérale et des arguments des parties.

III ‑ Les dispositions législatives pertinentes

Le pouvoir de l'appelant de réglementer le secteur du téléphone provient des art. 334 à 340 de la Loi sur les chemins de fer ("Dispositions relatives aux télégraphes et aux téléphones") et des art. 47 et suiv. de la Loi sur les transports nationaux ("Compétence générale en matière de chemins de fer"). La Loi sur les chemins de fer définit les critères généraux concernant l'établissement des taux et des tarifs que peuvent imposer les compagnies de téléphone, tandis que la Loi sur les transports nationaux énonce les pouvoirs de l'appelant en matière de procédure visant les décisions qui portent notamment sur les taux et les tarifs du service téléphonique.

Le pouvoir de réglementation de l'appelant trouve son fondement aux par. 335(1), (2) et (3) de la Loi sur les chemins de fer (les anciens par. 320(2) et (3)) lesquels prévoient que les taux et tarifs de téléphone sont subordonnés à l'agrément de l'appelant, ne peuvent être modifiés sans son consentement préalable et peuvent être révisés en tout temps par l'appelant:

335. (1) Nonobstant les dispositions de toute autre loi, toutes les taxes de télégraphe et de téléphone que peut exiger une compagnie, à l'exception des taxes exigées pour la transmission de messages destinés à être captés par le public en général, par une compagnie titulaire d'une licence en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, sont subordonnées à l'agrément de la Commission, qui peut les réviser.

(2) La compagnie dépose au bureau de la Commission les tarifs des taxes de télégraphe ou de téléphone à exiger, et ces tarifs ont la forme, le modèle et le format et contiennent les renseignements et les détails que la Commission prescrit par voie de règlement ou dans un cas particulier.

(3) À moins d'avoir obtenu le consentement de la Commission, la compagnie ne peut exiger de taxe de télégraphe ou de téléphone lorsque le tarif n'a pas été ainsi déposé ou que la Commission l'a rejeté. . . . [Je souligne.]

La condition la plus importante qui régit le pouvoir de l'appelant d'établir les taux de téléphone se trouve au par. 340(1) de la Loi sur les chemins de fer qui prévoit que tous ces taux doivent être "justes et raisonnables":

340. (1) Toutes les taxes doivent être justes et raisonnables et doivent toujours, dans des circonstances et conditions sensiblement analogues, en ce qui concerne tout le trafic du même type suivant le même parcours, être imposées également à tous au même taux. [Je souligne.]

L'article 340 interdit également l'établissement de taux de téléphone discriminatoires et confère à l'appelant le pouvoir de suspendre, de différer ou de rejeter un tarif de taxes contraire aux art. 335 à 340 et d'y substituer un tarif satisfaisant.

Enfin, le par. 340(5) de la Loi sur les chemins de fer confère à l'appelant le pouvoir de rendre des ordonnances en ce qui concerne le trafic, les taxes et les tarifs, dans toute autre matière non visée expressément par l'art. 340:

340. . . .

(5) En toute autre matière non expressément prévue par le présent article, la Commission peut prendre des ordonnances au sujet de tout ce qui a trait au trafic, aux taxes et aux tarifs, ou à l'un deux.

Bien qu'il soit possible d'interpréter restrictivement le pouvoir conféré par le par. 340(5) en application de la règle ejusdem generis, je ne crois pas que cette interprétation soit justifiée. Le paragraphe 340(5) ne fait qu'indiquer l'intention du législateur de conférer à l'appelant tous les pouvoirs nécessaires pour garantir que le principe établi au par. 340(1), savoir que tous les taux soient justes et raisonnables, soit respecté en tout temps.

Sur le plan de la procédure, la compétence de l'appelant en ce qui a trait aux pouvoirs conférés par la Loi sur les chemins de fer est énoncée aux art. 47 et suiv. de la Loi sur les transports nationaux. Le paragraphe 49(1) prévoit que l'appelant a compétence pour entendre toutes plaintes relatives au respect de la Loi alors que le par. 49(3) prévoit que l'appelant a compétence sur toutes les questions de droit ou de fait aux fins de la Loi sur les chemins de fer et des art. 47 et suiv. de la Loi sur les transports nationaux. Le paragraphe 68(1) prévoit cependant que toute question de droit ou de compétence peut, suite à une autorisation en ce sens, être portée en appel devant la Cour d'appel fédérale et c'est en vertu de cette disposition que l'intimée a contesté la décision 86‑17.

À maints égards, les art. 47 et suiv. de la Loi sur les transports nationaux ont été conçus pour servir les objectifs de principe et le système de réglementation qui sont énoncés dans la Loi sur les chemins de fer et qui régissent l'approbation des taux et des tarifs de téléphone. Ainsi, l'art. 52 de la Loi sur les transports nationaux prévoit que l'appelant peut, de son propre chef ou à la demande du ministre, instruire, entendre et juger toute affaire qu'il peut, en vertu de la Loi sur les chemins de fer, instruire, entendre et juger:

52. La Commission peut, de son propre chef, ou doit, à la demande du ministre, instruire, entendre et juger toute affaire qu'elle peut, en vertu de la présente partie ou de la Loi sur les chemins de fer, instruire, entendre et juger sur une demande ou sur une plainte, et, à cet égard, elle a les mêmes pouvoirs que la présente loi lui confère pour statuer sur une demande ou sur une plainte.

L'article 52 est donc le corollaire du par. 335(1) de la Loi sur les chemins de fer qui confère à l'appelant le pouvoir de "réviser" les taxes. L'appelant a donc le pouvoir de réviser ses propres décisions finales, et ce, de sa propre initiative. De même, l'art. 61 prévoit que l'appelant n'est pas lié par le texte d'une plainte ou d'une requête qu'il entend et peut rendre toute ordonnance qui pourrait par ailleurs porter atteinte à la règle de l'ultra petita:

61. Sur toute requête présentée à la Commission, cette dernière peut prendre une ordonnance accordant cette requête en totalité ou en partie seulement, ou accorder un redressement plus étendu ou tout autre redressement de griefs, en sus ou au lieu de celui qui a été demandé, selon que la chose lui paraît juste et convenable, aussi amplement à tous égards que si la requête eût été faite pour obtenir ce redressement partiel, différent ou plus étendu.

Le paragraphe 60(2) de la Loi sur les transports nationaux permet également à l'appelant de rendre des ordonnances provisoires:

60. . . .

(2) La Commission peut prendre, tout d'abord, au lieu d'une ordonnance définitive, une ordonnance provisoire, et se réserver la faculté de donner de plus amples instructions soit à une audition ajournée de l'affaire, soit sur une nouvelle requête.

Enfin, l'art. 66 de la Loi sur les transports nationaux lui permet de réviser ses décisions antérieures, qu'elles soient finales ou provisoires:

66. La Commission peut réviser, abroger ou modifier ses ordonnances ou décisions, ou peut entendre à nouveau une demande qui lui est faite, avant de rendre sa décision.

Il ressort clairement de l'économie de la Loi sur les chemins de fer et de la Loi sur les transports nationaux que l'appelant s'est vu conférer de vastes pouvoirs afin de garantir que les taux et tarifs de téléphone soient justes et raisonnables en tout temps. L'appelant peut réviser les taux de son propre chef ou à la demande d'une partie intéressée. L'appelant n'est même pas lié par le redressement demandé et peut rendre toute ordonnance s'y rapportant pourvu que les parties aient reçu un avis suffisant des questions à traiter à l'audience. N'était‑ce du fait que l'appelant a le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires, on pourrait affirmer que les pouvoirs de l'appelant en la matière ne sont limités que par le délai nécessaire pour examiner les demandes, se préparer aux audiences et analyser tous les éléments de preuve. L'appelant a toutefois le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires et ce pouvoir doit être interprété en fonction de l'intention du législateur de conférer à l'appelant des pouvoirs souples et variés en vue d'assurer que les taux de téléphone soient toujours justes et raisonnables.

La Cour doit donc déterminer si la loi habilite l'appelant à ordonner l'attribution d'un crédit forfaitaire pour redresser une situation si ce dernier décide, après une audition finale portant sur le caractère raisonnable des taux de téléphone imposés au cours des années qui font l'objet de l'examen, que les tarifs provisoires en vigueur au cours de cette période n'étaient pas justes et raisonnables. Puisque la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux ne comportent aucune disposition claire à cet égard, il faudra déterminer si l'existence de ce pouvoir découle implicitement des systèmes de réglementation établis dans ces lois.

IV ‑ La décision du tribunal d'instance inférieure

En Cour d'appel fédérale, Bell Canada a soutenu que pour être en mesure d'affirmer qu'il existe un pouvoir légal d'ordonner l'attribution d'un crédit forfaitaire, il fallait conclure que l'art. 66 (le pouvoir de "réviser, abroger ou modifier" les décisions antérieures) ou que le par. 60(2) (le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires) de la Loi sur les transports nationaux comporte le pouvoir de rendre des ordonnances rétroactives. L'intimée a évidemment soutenu que ces dispositions ne conféraient pas un tel pouvoir et la Cour d'appel fédérale à la majorité (les juges Marceau et Pratte) a retenu cet argument, le juge Hugessen étant dissident.

Le juge Marceau a conclu que le CRTC avait seulement le pouvoir de fixer les taxes et tarifs de téléphone et que la loi ne l'habilitait pas à traiter d'un excédent ou d'une insuffisance de revenus résultant de l'écart entre le taux de rendement généré par les taux provisoires en vigueur avant la décision finale et le taux de rendement autorisé dans cette décision finale. Selon le juge Marceau, le texte de l'art. 66 de la Loi sur les transports nationaux est neutre en ce qui concerne le pouvoir d'agir rétroactivement et la présomption contre le pouvoir d'agir rétroactivement devrait donc s'appliquer. Le juge Marceau a ajouté que le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires ne comprend pas le pouvoir de remédier à tout écart entre les ordonnances provisoires et définitives puisque l'intimée ne saurait être obligée de rembourser des revenus gagnés lorsque les taux imposés ont été approuvés par l'appelant. Ainsi, selon le juge Marceau, le système de réglementation établi dans la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux est de nature prospective et, dans ce contexte, le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires comprend seulement le pouvoir de rendre des ordonnances "pour le moment".

Le juge Pratte, qui a souscrit à la conclusion du juge Marceau, a rejeté tous les arguments fondés sur le caractère rétroactif des pouvoirs conférés par le par. 60(2) et l'art. 66 de la Loi sur les transports nationaux. Le juge Pratte était d'avis que l'ordonnance contestée n'avait pas de caractère rétroactif puisqu'elle avait pour effet d'obliger l'intimée à accorder un crédit forfaitaire à l'avenir, plutôt que de modifier rétroactivement les taux imposés dans le passé. Le juge Pratte a ensuite affirmé que s'il existait un fondement législatif à la décision 86‑17, il devait se trouver au par. 60(2) de la Loi sur les transports nationaux qui prévoit que "de plus amples instructions" peuvent être données à une date ultérieure à la suite d'une décision provisoire. Le juge Pratte était cependant d'avis que ces instructions devaient tenir d'une ordonnance qui, à l'origine, pouvait être rendue en vertu du par. 60(2). Selon ce raisonnement, il s'ensuit que si un crédit forfaitaire ne peut être imposé dans une ordonnance provisoire, "de plus amples instructions" en ce sens ne peuvent être données en vertu du par. 60(2). Le juge Pratte a ensuite convenu avec le juge Marceau qu'on ne pouvait obliger l'intimée à rembourser des revenus qu'elle avait gagnés en imposant des taux que l'appelant avait approuvés que ce soit par voie d'ordonnance provisoire ou "de plus amples instructions" données dans une ordonnance définitive.

Le juge Hugessen était dissident parce que selon le régime juridique établi dans la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux, les ordonnances, qu'elles soient définitives ou provisoires, peuvent toutes, en application du par. 60(2) et de l'art. 66 de la Loi sur les transports nationaux, être modifiées par une autre ordonnance de nature prospective; ainsi, de l'avis du juge Hugessen, la règle proposée selon laquelle les ordonnances provisoires ne peuvent être modifiées que par une autre ordonnance prospective aurait effectivement pour effet d'éliminer toute distinction entre les ordonnances définitives et provisoires et de contrecarrer l'intention du législateur d'accorder à l'appelant un pouvoir distinct et indépendant de rendre des ordonnances provisoires. Le juge Hugessen a estimé que, pour distinguer les ordonnances provisoires des ordonnances définitives, le CRTC doit avoir le pouvoir de fixer des taux justes et raisonnables applicables à compter de la date d'entrée en vigueur des tarifs provisoires. Par conséquent, seuls les tarifs provisoires peuvent être modifiés rétroactivement par une ordonnance définitive. Le juge Hugessen a ensuite affirmé que les tarifs provisoires en vigueur en 1985 et 1986 ne doivent pas être divisés en tarif antérieur et en majoration tarifaire provisoire de 2 pour 100: le nouveau tarif doit être considéré comme entièrement provisoire parce que tous les taux chargés après le 1er janvier 1985 étaient autorisés par des ordonnances provisoires. Enfin, le juge Hugessen a affirmé que le crédit forfaitaire ordonné représentait un exercice valide du pouvoir de fixer des taux justes et raisonnables à compter du 1er janvier 1985 et que le choix du redressement approprié était une ""question administrative" qu'il convient de laisser trancher par le Conseil." Le juge Hugessen a également souligné que l'ordonnance de l'appelant était en substance mais non quant à la forme "une question ayant trait aux taxes et aux tarifs" au sens du par. 340(5) de la Loi sur les chemins de fer.

V ‑ Analyse

(A) La retenue judiciaire à l'égard des décisions du CRTC

L'ONAP soutient que les décisions de l'appelant doivent faire l'objet de "retenue judiciaire" en raison de leur importance nationale et qu'elles ne devraient pas être écartées à moins d'être manifestement déraisonnables. L'ONAP cite les arrêts suivants à l'appui de cette affirmation: Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227 ("SCFP"), Douglas Aircraft Co. of Canada Ltd. c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, Alberta Union of Provincial Employees c. Conseil d'administration de Olds College, [1982] 1 R.C.S. 923, Re Ontario Public Service Employees Union and Forer (1985), 52 O.R. (2d) 705 (C.A.), Re City of Ottawa and Ottawa Professional Firefighters' Association, Local 162 (1987), 58 O.R. (2d) 685 (C.A.), Greyhound Lines of Canada Ltd. c. Commission canadienne des droits de la personne (1987), 78 N.R. 192 (C.A.F.), et Canadien Pacifique Ltée c. Commission canadienne des transports (1987), 79 N.R. 13 (C.A.F.) ("Canadien Pacifique").

Sous réserve de l'affaire Canadien Pacifique, tous ces arrêts portent sur le contrôle judiciaire de décisions visées par une clause privative ou par une disposition qui interdit d'interjeter appel de ces décisions. Si le législateur affirme clairement que la décision d'un tribunal administratif est finale et exécutoire, les tribunaux judiciaires de première instance ne peuvent toucher à ces décisions à moins que le tribunal administratif n'ait commis une erreur qui porte atteinte à sa compétence. Cette Cour a donc décidé dans l'arrêt SCFP qu'une loi ne peut complètement écarter le contrôle judiciaire et que les tribunaux judiciaires de première instance peuvent toujours annuler une décision si elle est "déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire" (p. 237). Les décisions qui sont ainsi protégées doivent, en ce sens, faire l'objet d'une forme de retenue non discrétionnaire parce que le législateur a voulu qu'elles soient définitives et sans appel et cette intervention du législateur découle, à son tour, de la volonté de laisser à des tribunaux spécialisés le soin de trancher certains litiges. Dans l'arrêt SCFP, le juge Dickson, alors juge puîné, décrit ainsi l'intention du législateur, aux pp. 235 et 236:

L'article 101 révèle clairement la volonté du législateur que les différends du travail dans le secteur public soient réglés promptement et en dernier ressort par la Commission. Des clauses privatives de ce genre sont typiques dans les lois sur les relations de travail. On veut protéger les décisions d'une commission des relations de travail, lorsqu'elles relèvent de sa compétence, pour des raisons simples et impérieuses. La commission est un tribunal spécialisé chargé d'appliquer une loi régissant l'ensemble des relations de travail. Aux fins de l'administration de ce régime, une commission n'est pas seulement appelée à constater des faits et à trancher de questions de droit, mais également à recourir à sa compréhension du corps jurisprudentiel qui s'est développé à partir du système de négociation collective, tel qu'il est envisagé au Canada, et à sa perception des relations de travail acquise par une longue expérience dans ce domaine.

Il convient toutefois d'insister sur le fait que les décisions d'un tribunal administratif ne doivent faire l'objet d'une telle retenue que si le législateur a clairement exprimé son intention de les protéger par des clauses privatives ou des dispositions qui prévoient qu'elles sont définitives et sans appel. En raison de sa formulation, l'argument de l'ONAP sur la retenue judiciaire doit donc être rejeté parce qu'il ne reconnaît pas la différence fondamentale entre le contrôle par un tribunal d'appel et le contrôle judiciaire de décisions qui ne relèvent pas de la compétence du tribunal d'instance inférieure.

Même si le par. 49(3) de la Loi sur les transports nationaux prévoit que l'appelant a pleine compétence pour entendre et juger toute question de droit ou de fait aux fins de la Loi sur les chemins de fer et de la partie IV de la Loi sur les transports nationaux, les décisions de l'appelant sont susceptibles d'appel, sous réserve d'une autorisation, à la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou de compétence en vertu du par. 68(1) qui se lit ainsi:

68. (1) Les décisions de la Commission sont susceptibles d'appel à la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou une question de compétence, quand une autorisation à cet effet a été obtenue de cette Cour sur demande faite dans le délai d'un mois après que l'ordonnance, la décision, la règle ou le règlement dont appel est projeté a été pris, ou dans telle autre limite de temps que le juge permet dans des circonstances spéciales, après avis aux parties et à la Commission, et après audition de ceux des intéressés qui comparaissent et désirent être entendus.

Il va de soi que la compétence d'un tribunal saisi d'un appel est beaucoup plus large que celle d'un tribunal qui exerce un contrôle judiciaire. En principe, le tribunal saisi d'un appel a le droit d'exprimer son désaccord avec le raisonnement du tribunal d'instance inférieure.

Toutefois, dans le contexte d'un appel prévu par la loi d'une décision d'un tribunal administratif, il faut de plus tenir compte du principe de la spécialisation des fonctions. Bien qu'un tribunal d'appel puisse être en désaccord avec le tribunal d'instance inférieure sur des questions qui relèvent du pouvoir d'appel prévu par la loi, les tribunaux devraient faire preuve de retenue envers l'opinion du tribunal d'instance inférieure sur des questions qui relèvent parfaitement de son champ d'expertise. L'affaire Canadien Pacifique est un exemple d'une situation où la décision de la Commission canadienne des transports sur une question d'interprétation d'un tarif a fait à bon droit l'objet de retenue judiciaire. La décision de la Commission canadienne des transports a été portée en appel devant un comité de révision et ensuite devant la Cour d'appel fédérale. Le juge Urie a conclu que la décision du comité de révision ne devrait pas être infirmée à moins d'être déraisonnable ou clairement erronée, aux pp. 16 et 17:

Dans le cadre de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision auprès de cette Cour, l'appelante a essentiellement présenté les mêmes motifs et les mêmes arguments qu'elle avait soumis à l'appréciation du C.T.C.F. Pour ce qui est du premier motif d'appel, je suis d'avis que le C.T.C.F. a correctement interprété les deux articles du tarif, et puisque son opinion a été confirmée par le comité de révision, ce comité n'a pas commis une erreur d'interprétation. Cela ne servirait à aucune fin utile que je répète les motifs pour lesquels le C.T.C.F. a interprété les articles comme il l'a fait, et en toute déférence, je les fais miens. Cette Cour ne devrait pas modifier l'interprétation donnée par des organismes ayant l'expertise du C.T.C.F. et du comité de révision dans un domaine ressortissant à leur compétence, à moins que cette interprétation soit déraisonnable ou clairement erronée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. [Je souligne.]

Bien que le but même du comité de révision soit d'interpréter le tarif et bien que ces questions d'interprétation relèvent du champ d'expertise particulier du comité de révision, il ne s'ensuit pas que ses décisions peuvent être révisées uniquement si elles sont déraisonnables. Le principe de la spécialisation des fonctions justifie cependant la retenue judiciaire dans ces circonstances.

En l'espèce, l'intimée conteste la décision de l'appelant sur une question de droit et de compétence relative à la nature des décisions provisoires et à l'étendue des pouvoirs conférés à l'appelant lorsqu'il rend des décisions provisoires. On ne peut résoudre cette question sans analyser le régime de procédure créé par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux. Il s'agit d'une question de droit qui est certainement susceptible d'appel en vertu du par. 68(1) de la Loi sur les transports nationaux. Il s'agit également d'une question de compétence parce qu'il faut déterminer si l'appelant avait le pouvoir d'ordonner l'attribution d'un crédit forfaitaire.

Hormis le choix du redressement le plus approprié parmi ceux dont disposait l'appelant pour fixer des tarifs justes et raisonnables au cours de la période provisoire, la décision contestée par l'intimée ne relève pas du champ d'expertise particulier de l'appelant et est donc, conformément au par. 68(1), susceptible de contrôle selon les principes qui régissent les appels. En effet, l'appelant a été créé non pas dans le but d'interpréter la Loi sur les chemins de fer ou la Loi sur les transports nationaux, mais plutôt pour assurer, notamment, que les tarifs de téléphone soient toujours justes et raisonnables.

(B) Le pouvoir de réglementer les revenus de Bell Canada

L'intimée soutient que l'appelant n'a compétence que pour réglementer les taxes et les tarifs et que ce pouvoir ne comprend pas celui de réglementer son niveau de revenu ou son taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires.

L'établissement de taxes et de tarifs justes et raisonnables comporte forcément la réglementation des revenus de l'organisme réglementé. Cette Cour a reconnu cette nécessité dans le cadre de décisions où elle interprétait des dispositions semblables au par. 340(1) de la Loi sur les chemins de fer, qui prévoit que "[t]outes les taxes doivent être justes et raisonnables". Dans l'arrêt British Columbia Electric Railway Co. v. Public Utilities Commission of British Columbia, [1960] R.C.S. 837, voici ce que le juge Locke a dit au sujet de l'al. 16(1)b) de la Public Utilities Act, R.S.B.C. 1948, chap. 277, qui prévoyait que pour établir un taux la Public Utility Commission de la Colombie‑Britannique devrait tenir compte du [TRADUCTION] "rendement juste et raisonnable de la valeur estimative des biens du service public utilisés . . . pour lui permettre de fournir le service" (à la p. 848):

[TRADUCTION] Je ne crois pas qu'il soit possible de définir ce qui constitue un rendement juste des biens de services publics d'une façon qui soit applicable dans tous les cas ni qu'il soit opportun de tenter de le faire. Il appartient au service public de fournir sans cesse ce que la Commission estime être un service approprié en ce qui concerne non seulement l'électricité, mais encore le transport et le gaz, et de maintenir ses biens suffisamment en bon état pour fournir des services appropriés et des services supplémentaires lorsque la Commission l'estime nécessaire. Pour finalement décider quel rendement juste l'appelante se verrait accorder, ces questions ont forcément été examinées ainsi que le fait indubitable que les revenus doivent être suffisants si la compagnie doit satisfaire à ces obligations prévues par la loi, verser des dividendes raisonnables et attirer du capital par la vente d'actions ou de valeurs mobilières. À mon avis, une fois la décision prise, la loi imposait à la Commission d'approuver des taux qui permettraient à la compagnie d'obtenir ce rendement ou le rendement inférieur qu'elle pourrait choisir de demander. [Je souligne.]

Dans l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. v. City of Edmonton, [1929] R.C.S. 186, le juge Lamont a décrit de la façon suivante ce dont il fallait tenir compte pour déterminer ce qui constitue des taux justes et raisonnables (à la p. 190):

[TRADUCTION] Pour fixer des taux justes et raisonnables comme il lui incombe de le faire, le Conseil devait examiner certains éléments qui doivent toujours être pris en considération pour fixer un taux qui soit juste et raisonnable pour les consommateurs et pour la compagnie. L'un de ces éléments est la base tarifaire qui représente le montant que le Conseil estime avoir été investi dans l'entreprise par son propriétaire et pour lequel il a droit à un rendement juste. Un autre élément est le pourcentage qui doit être autorisé comme rendement juste.

Ces dispositions exigent que le tribunal administratif soupèse les intérêts des consommateurs en fonction de la nécessité que l'organisme réglementé puisse gagner des revenus suffisants pour financer les coûts des services qu'il vend au public.

Il est donc évident que pour fixer des taxes justes et raisonnables, l'appelant doit tenir compte des besoins en revenus de l'intimée. D'ailleurs, l'intimée serait la première à se plaindre si on ne tenait pas compte de sa situation financière au moment de fixer les taxes. Ce faisant, l'appelant réglemente les revenus de l'intimée quoique d'une façon apparemment indirecte. Je suis donc d'avis de rejeter cet argument.

(C)Le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur

(i) Introduction

Comme je l'ai déjà indiqué, l'appelant a examiné la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur, c'est‑à‑dire la période s'étendant du 1er janvier 1985 au 14 octobre 1986, afin de vérifier si ces taux provisoires étaient effectivement justes et raisonnables. Après avoir tiré la conclusion de fait que ces taux n'étaient pas justes et raisonnables, l'ordonnance de crédit forfaitaire maintenant contestée devant cette Cour a été rendue pour remédier à cette situation. Ainsi, la décision 86‑17 n'a pas eu d'effet rétroactif puisqu'elle n'avait pas pour but de fixer des taux qui remplaceraient ceux imposés au cours de cette période. L'ordonnance de crédit forfaitaire est cependant rétroactive en ce sens qu'elle vise à remédier à l'imposition des taux approuvés antérieurement qui ont été jugés excessifs en dernier ressort. Par conséquent, la question dont est saisie cette Cour est de déterminer si l'appelant a compétence pour rendre des ordonnances visant à remédier, dans la mesure où ils se sont avérés injustifiés, à des taux qu'il a approuvés dans une décision provisoire antérieure.

Pour répondre à cette question, il faut déterminer si les taux approuvés dans l'ordonnance provisoire sont en soi conditionnels et temporaires ou si le régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux est de nature prospective au point d'empêcher un tel examen rétrospectif des taux provisoires approuvés par l'appelant. Enfin, il est également nécessaire de décider si l'appelant a compétence pour ordonner le remboursement des montants excédentaires des revenus effectivement perçus comme conséquence directe des taux provisoires.

(ii) La distinction entre les ordonnances provisoires et définitives

L'intimée soutient que la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux établissent un système de réglementation qui est exclusivement de nature prospective parce que tous les taux, qu'ils soient provisoires ou définitifs, doivent être justes et raisonnables. Ainsi, si les taux provisoires ont été approuvés parce qu'ils sont justes et raisonnables, ils ne peuvent donner lieu à des revenus excédentaires lorsqu'ils sont imposés; les taux provisoires, du seul fait de leur approbation par l'appelant, sont présumés justes et raisonnables à moins d'être modifiés par une ordonnance ultérieure. Selon l'intimée, les ordonnances provisoires sont donc rendues "pour le moment" jusqu'à ce qu'une ordonnance de nature plus permanente soit rendue.

Dans ses motifs de dissidence, le juge Hugessen a souligné tout à fait à juste titre que si les ordonnances provisoires ne sont que des ordonnances rendues "pour le moment", il sera impossible de distinguer les ordonnances définitives des ordonnances provisoires au sens du régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux, puisque toutes les ordonnances définitives peuvent être révisées par l'appelant de son propre chef et en tout temps: par. 335(1) de la Loi sur les chemins de fer et art. 52 de la Loi sur les transports nationaux. On ne peut donc affirmer que les ordonnances définitives rendues en application de ces lois sont finales en ce sens qu'elles ne pourront jamais être révisées. La nature continue des fonctions de réglementation de l'appelant comporte inévitablement une révision constante des décisions antérieures sur les taxes et les tarifs. Ainsi, toutes les ordonnances, définitives ou provisoires, seraient rendues "pour le moment" au sens du régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux.

L'appelant et le juge Hugessen s'appuient largement sur l'arrêt Re Coseka Resources Ltd. and Saratoga Processing Co. (1981), 126 D.L.R. (3d) 705 (C.A. Alb.) pour affirmer que les décisions provisoires doivent être distinguées des décisions finales en ce qu'elles peuvent être révisées rétroactivement. Cette distinction repose sur le fait que les décisions provisoires sont susceptibles de "plus amples instructions" comme le prévoit le par. 60(2) de la Loi sur les transports nationaux que j'estime utile de reproduire à nouveau:

60. . . .

(2) La Commission peut prendre, tout d'abord, au lieu d'une ordonnance définitive, une ordonnance provisoire, et se réserver la faculté de donner de plus amples instructions soit à une audition ajournée de l'affaire, soit sur une nouvelle requête. [Je souligne.]

Le régime juridique que la Cour d'appel de l'Alberta a analysé dans Re Coseka est essentiellement le même, bien que plus clairement prospectif, que le régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux. De plus, le texte du par. 52(2) de la Public Utilities Board Act, R.S.A. 1970, chap. 302, est identique à celui du par. 60(2) de la Loi sur les transports nationaux. Le juge Hugessen a cité et approuvé les propos suivants du juge Laycraft, tel était alors son titre, quant à la possibilité de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur pour déterminer si ces taux étaient effectivement justes et raisonnables, aux pp. 717 et 718:

[TRADUCTION] À mon sens, dire qu'on ne peut substituer une ordonnance finale à une ordonnance provisoire, c'est attribuer à la Commission pratiquement aucun pouvoir supplémentaire en vertu de l'art. 52, si ce n'est les pouvoirs de rendre des ordonnances définitives, que prévoient déjà la Gas Utilities Act et la Public Utilities Board Act. D'autres articles de la loi autorisent la Commission à établir des tarifs, par ordonnance, soit sur requête ou de sa propre initiative. Une ordonnance provisoire serait la même, et aurait le même effet, qu'une ordonnance définitive si les "plus amples instructions" qu'envisage la Loi ne comprenaient pas le pouvoir de modifier l'ordonnance provisoire. Selon une telle interprétation de l'article, l'ordonnance "provisoire" serait "définitive" sauf en titre. La Commission n'aurait pas à être autorisée davantage par le législateur à rendre une autre ordonnance "définitive" puisqu'en vertu de l'art. 27 elle peut fixer des tarifs de sa propre initiative sans autre requête à cet égard. L'objet des ordonnances provisoires est de permettre la fixation de tarifs susceptibles d'être corrigés une fois terminée l'audition de l'affaire.

On a fait valoir au cours des plaidoiries que le par. 52(2) avait simplement pour objet de permettre à la Commission de rendre une justice "approximative" tant qu'était en vigueur la mesure provisoire en attendant qu'une ordonnance définitive soit rendue. Cependant, la Commission est tenue de fixer des "tarifs justes et raisonnables" et non des "tarifs approximativement justes et raisonnables". J'estime que les mots "se réserver la faculté de donner de plus amples instructions" envisagent des modifications dès que la Commission est en mesure de déterminer ce que sont les tarifs justes et raisonnables. [Je souligne.]

Je suis d'accord avec le juge Hugessen et les motifs rédigés par le juge Laycraft dans l'affaire Re Coseka où ce dernier a fait un examen minutieux des décisions antérieures. Le régime juridique de la Loi sur les chemins de fer et de la Loi sur les transports nationaux est tel que l'une des différences entre les ordonnances provisoires et définitives doit être que les décisions provisoires peuvent être révisées et modifiées rétroactivement dans une décision finale. Il relève de la nature même des ordonnances provisoires que leur effet ainsi que toute divergence entre une ordonnance provisoire et une ordonnance définitive peuvent être révisés et corrigés dans l'ordonnance définitive. Je m'empresse d'ajouter que les mots "de plus amples instructions" ne comportent en soi aucun sens magique ni rétroactif. En vertu de la Loi sur les chemins de fer et de la Loi sur les transports nationaux, les ordonnances définitives sont également sujettes à "de plus amples instructions [prospectives]". C'est le caractère provisoire de l'ordonnance qui la rend sujette à de plus amples instructions rétroactives.

L'arrêt City of Calgary v. Madison Natural Gas Co. (1959), 19 D.L.R. (2d) 655 (C.A. Alb.), illustre l'importance de distinguer les ordonnances définitives des ordonnances provisoires. Dans l'affaire Madison, la ville de Calgary avait présenté à la Public Utility Board (la "Commission") une demande de remboursement des sommes gagnées en sus des taux de rendement autorisés dans les ordonnances 34 et 41 pour la vente de gaz naturel. La Commission avait autorisé un taux de rendement de 7 pour 100, mais parce qu'elle ne disposait pas des renseignements utiles pour prévoir l'effet des taux sur le rendement financier réel de l'organisme réglementé, les taux par volume que la Commission avait fixés ont effectivement généré plus de profits que prévu. La Commission a refusé de se rendre aux demandes qui lui étaient faites parce qu'elle estimait qu'elle n'avait pas le pouvoir de réexaminer les périodes pendant lesquelles les taux approuvés dans une décision finale étaient en vigueur. La Cour d'appel a confirmé cette décision en affirmant, contrairement aux arguments présentés par la ville de Calgary, que les ordonnances 34 et 41 étaient des ordonnances définitives non régies par le par. 35a(3) de la Natural Gas Utilities Act, qui prévoyait:

[TRADUCTION] 35a -- . . .

(3) La Commission peut et doit, à la dernière audience, tenir compte de l'effet de l'ordonnance provisoire ou temporaire et faire dans l'ordonnance définitive les rajustements qu'elle estime justes et raisonnables.

Dans l'ordonnance 34, le prix avait été fixé à 9 cents par millier de pieds cubes et il avait été prévu que [TRADUCTION] "si jamais il y avait un surplus, on pourrait en traiter en temps et lieu", d'où l'argument que cette ordonnance était en fait provisoire. Le juge Johnson de la Cour d'appel a rejeté cet argument dans les termes suivants, aux pp. 662 et 663:

[TRADUCTION] Les appelantes prétendent que les ordonnances 34 et 41 sont provisoires ou temporaires et que la Commission peut maintenant traiter de ces surplus conformément au par. (3). Comme je l'ai mentionné, les ordonnances dans lesquelles la Commission a fixé provisoirement les prix ont été rendues alors que la Commission entendait la demande et préparait son rapport. Ces ordonnances ont été évidemment remplacées par l'ordonnance qui est examinée actuellement. Il va de soi que les ordonnances 34 et 41 ne sont pas définitives dans le sens où les jugements sont définitifs. La Loi prévoit que des demandes ultérieures seront présentées pour modifier le prix fixé dans ces ordonnances. Elles sont néanmoins définitives en ce qui concerne chaque demande.

Il convient de souligner que l'intimée s'appuie largement sur l'arrêt Madison pour affirmer qu'une entreprise réglementée ne peut être forcée de rembourser les profits qu'elle a gagnés légalement en imposant les taux approuvés par l'organisme de réglementation compétent pour le motif qu'ils sont justes et raisonnables. Puisque la ville de Calgary tentait d'obtenir le remboursement des profits gagnés en imposant les taux approuvés dans l'ordonnance définitive, cet arrêt ne saurait étayer la thèse de l'intimée.

L'examen de la nature des ordonnances provisoires et des circonstances dans lesquelles elles sont accordées explique et justifie davantage pourquoi elles peuvent, contrairement aux décisions finales, être révisées rétroactivement et faire l'objet d'une ordonnance de redressement. L'appelant peut rendre toute une gamme d'ordonnances provisoires concernant les audiences, les avis et, généralement, les questions relatives à l'administration des procédures devant lui. De toute évidence, ces ordonnances ont un caractère provisoire. Toutefois, cela est moins évident lorsque l'ordonnance provisoire porte sur une question qui doit être traitée dans la décision finale, comme dans le cas de la majoration tarifaire provisoire ordonnée dans la décision 84‑28. Si les majorations tarifaires provisoires étaient accordées selon les mêmes critères que ceux qui sont appliqués dans la décision finale, la décision provisoire constituerait une décision préliminaire sur le fond en ce qui concerne la majoration tarifaire. Là n'est cependant pas l'objet des ordonnances tarifaires provisoires.

Traditionnellement, les ordonnances tarifaires provisoires qui traitent de manière interlocutoire de questions devant faire l'objet d'une décision finale sont accordées pour éviter que le requérant ne subisse les effets néfastes de la longueur des procédures. Ces décisions sont prises rapidement à partir d'éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale. Le fait qu'une ordonnance ne porte pas sur le fond d'une question devant être traitée dans une décision finale et le fait qu'elle ait pour objet d'accorder un redressement temporaire contre les effets néfastes de la longueur des procédures constituent des caractéristiques fondamentales d'une ordonnance tarifaire provisoire.

Dans la décision 84‑28, l'appelant a accordé à l'intimée une majoration tarifaire provisoire en fonction des critères formulés dans l'extrait de la p. 9, que j'estime utile de reproduire de nouveau:

Le Conseil estime que, en principe, les majorations tarifaires générales ne devraient être accordées qu'à la suite du processus public complet envisagé à la partie III de ses Règles de procédure en matière de télécommunications. En l'absence d'un tel processus, les majorations tarifaires générales ne devraient pas, selon le Conseil, être accordées même de façon intérimaire sauf si le requérant peut démontrer qu'il s'agit de circonstances spéciales. Ce pourrait être le cas, par exemple, si de longs délais dans le traitement d'une requête entraînaient une dégradation sérieuse de la situation financière d'un requérant à moins d'une majoration tarifaire intérimaire.

La décision 84‑28 était véritablement une décision provisoire puisqu'elle ne visait pas à trancher d'une manière préliminaire une question qui serait traitée dans une décision finale. L'appelant a plutôt accordé la majoration tarifaire provisoire considérant qu'une majoration était nécessaire pour éviter que l'intimée connaisse de graves difficultés financières.

De plus, l'appelant a constamment réitéré tout au long des procédures qui ont abouti à la décision 86‑17 son intention de réviser les taux imposés à compter de l'année témoin 1985 jusqu'à la date de la décision finale. Conclure que les taux provisoires en vigueur au cours de cette période ne peuvent être révisés serait non seulement contraire à la nature des ordonnances provisoires mais encore aurait pour effet de contrecarrer l'ordonnance dans laquelle l'appelant a approuvé les taux provisoires.

Il est vrai, comme le soutient l'intimée, que tous les tarifs de téléphone approuvés par l'appelant doivent être justes et raisonnables peu importe qu'ils soient approuvés dans une ordonnance provisoire ou définitive; aucune autre conclusion ne saurait être tirée du par. 340(1) de la Loi sur les chemins de fer. Toutefois, les taux provisoires doivent être justes et raisonnables en regard des éléments de preuve produits par le requérant à l'audience ou des éléments par ailleurs disponibles pour rendre une décision provisoire. Il serait inutile d'ordonner la tenue d'une audience finale si l'appelant était lié par les éléments de preuve produits à l'audience intérimaire. En outre, la majoration tarifaire provisoire a été accordée parce que la longueur des procédures pouvait entraîner une grave détérioration de la situation financière de l'intimée. Ce n'est que lorsque l'appelant a conclu qu'une telle situation d'urgence existait qu'il s'est demandé quelle majoration provisoire serait juste et raisonnable compte tenu des éléments de preuve disponibles et pour éviter cette détérioration financière. Les différences inhérentes entre une décision provisoire et une décision finale justifient clairement le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur.

L'intimée soutient que le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur ne saurait exister dans le régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux parce que ces lois ne confèrent pas explicitement ce pouvoir, contrairement à l'art. 64 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985), chap. N‑7. Les pouvoirs d'un tribunal administratif doivent évidemment être énoncés dans sa loi habilitante, mais ils peuvent également découler implicitement du texte de la loi, de son économie et de son objet. Bien que les tribunaux doivent s'abstenir de trop élargir les pouvoirs de ces organismes de réglementation par législation judiciaire, ils doivent également éviter de les rendre stériles en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste. J'ai conclu que dans le régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires comporte nécessairement le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur. Le fait que ce pouvoir soit prévu explicitement dans d'autres lois ne saurait changer cette conclusion fondée sur l'interprétation de ces deux lois dans leur ensemble.

Je me vois renforcé dans mon opinion par le fait que le régime de réglementation établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux confère à l'appelant des pouvoirs très larges en matière de procédure pour veiller à ce que les taux et tarifs de téléphone soient justes et raisonnables en tout temps. À l'intérieur de ce cadre de réglementation, le pouvoir de rendre des ordonnances appropriées pour remédier aux taux provisoires qui ne sont pas justes et raisonnables est nécessairement accessoire au pouvoir de rendre des ordonnances provisoires.

Dans le cadre de régimes juridiques où le pouvoir d'établir des taux provisoires n'existait pas, il est intéressant de souligner que la Cour suprême des États‑Unis a décidé que les organismes de réglementation ont à la fois le pouvoir d'imposer des taux provisoires et le pouvoir d'ordonner des remboursements lorsque l'on conclut que ces taux sont excessifs dans l'ordonnance définitive: voir l'arrêt United States v. Fulton, 475 U.S. 657 (1986), aux pp. 669 à 671, et l'arrêt Trans Alaska Pipeline Rate Cases, 436 U.S. 631 (1978), où le juge Brennan fait les remarques suivantes, aux pp. 654 à 656:

[TRADUCTION] Enfin, les requérants prétendent que la Commission ne peut les obliger à rendre compte des sommes perçues en vertu des taux provisoires en vigueur pendant la période de suspension et des taux imposés à l'origine qui entreraient en vigueur à la fin de cette période et à les rembourser. . . . En réponse à cet argument, soulignons d'abord que nous avons déjà reconnu dans l'arrêt Chessie que la Commission a des pouvoirs "accessoires" à son pouvoir de suspension et que ces derniers ne découlent pas d'une disposition législative les lui conférant expressément. Nous n'avons pas eu l'occasion de déterminer ce que pourrait comprendre toute l'étendue de ces pouvoirs dans l'arrêt Chessie, mais nous avons indiqué que la pierre de touche de ce pouvoir accessoire était un "rapport direct" entre le pouvoir invoqué et le "mandat [de la Commission] d'évaluer le caractère raisonnable des [. . .] taux et de les suspendre pendant l'enquête si leur légalité est mise en doute." 426 U.S., à la p. 514.

. . .

Ainsi, en l'espèce comme dans l'arrêt Chessie les conditions de remboursement imposées par la Commission sont "légitimes, raisonnables et directement accessoires au pouvoir légal exprès de la Commission de suspendre les taux pendant l'enquête" en ce qu'elles lui permettent, dans l'exercice de son pouvoir de suspension, de poursuivre une "ligne de conduite plus appropriée" et d'"offrir une solution de rechange beaucoup mieux adaptée aux circonstances particulières" de ces instances. Encore une fois comme dans l'arrêt Chessie, puisque la ligne de conduite appropriée adoptée en l'espèce est nécessaire pour établir un équilibre convenable entre les intérêts des transporteurs et ceux du public, nous croyons que l'Interstate Commerce Act devrait être interprétée de façon à conférer à la Commission le pouvoir d'adopter cette ligne de conduite à moins que le texte de la loi ne dicte clairement un résultat contraire.

Cette façon d'interpréter les lois qui confèrent un pouvoir de réglementation des taux et des tarifs n'est qu'une façon de formuler la règle plus large selon laquelle le tribunal ne doit pas réprimer l'intention du législateur pour la seule raison qu'un pouvoir n'a pas été prévu expressément.

L'appelant a également soutenu que le pouvoir de "modifier" une décision antérieure, provisoire ou finale, que confère l'art. 66 de la Loi sur les transports nationaux, comporte le pouvoir de les modifier rétroactivement. Étant donné ma conclusion sur la nature inhérente des ordonnances provisoires, il ne m'est pas nécessaire de traiter de cet argument.

(iii)L'importance de la distinction entre les systèmes positifs d'approbation et les systèmes négatifs de rejet en matière de réglementation des tarifs

On a beaucoup insisté dans les plaidoiries sur la différence entre les systèmes positifs d'approbation et les systèmes négatifs de rejet relativement au pouvoir d'agir rétroactivement. La première catégorie comprend les systèmes qui prévoient que seul l'organisme administratif a le pouvoir légal d'approuver ou de fixer les taxes payables aux services publics; ces systèmes prévoient généralement que les taxes doivent être "justes et raisonnables" et que l'organisme administratif a le pouvoir de réviser ces taxes de sa propre initiative ou à la demande d'une partie intéressée. La deuxième catégorie couvre les systèmes qui reconnaissent aux services publics le droit de fixer les taxes comme ils l'entendent, mais qui reconnaissent aussi aux usagers le droit de se plaindre auprès d'un organisme administratif qui a le pouvoir de modifier les taxes s'il conclut qu'elles ne sont pas "justes et raisonnables". On a conclu de façon générale que les systèmes négatifs de rejet permettent de rendre des ordonnances qui sont rétroactives à la date de la demande du contribuable qui prétend que les taux ne sont pas "justes et raisonnables". D'autre part, on a jugé que les systèmes positifs d'approbation étaient de nature exclusivement prospective et ne permettaient pas de rendre des ordonnances applicables à des périodes antérieures à la décision finale elle‑même. Le juge Estey traite cette question de façon exhaustive dans l'arrêt Nova c. Amoco Canada Petroleum Co., [1981] 2 R.C.S. 437, aux pp. 450 et 451, et je n'ai pas l'intention de répéter ou de critiquer ce qui a été dit dans cet arrêt quant au pouvoir de réviser les taux approuvés dans une ordonnance définitive antérieure. Je suis d'avis que le système de réglementation établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux est un système positif d'approbation dans la mesure où les taux de l'intimée sont sujets à l'approbation de l'appelant. L'arrêt Nova ne portait toutefois que sur le pouvoir de réviser les taux approuvés dans une décision finale antérieure et, comme je l'ai déjà affirmé, des considérations tout à fait différentes s'appliquent lorsque des tarifs provisoires sont révisés.

On a souvent dit que le pouvoir de réviser sa propre décision finale quant au caractère juste et raisonnable des taux compromettrait la stabilité de la situation financière de l'entreprise réglementée. Dans l'arrêt Regina v. Board of Commissioners of Public Utilities (1966), 60 D.L.R. (2d) 703, le juge Ritchie a fait les remarques suivantes sur cette question, à la p. 729:

[TRADUCTION] Le distributeur prétend qu'en l'absence d'une limite ou restriction expresse ou d'une disposition expresse quant à la date d'entrée en vigueur d'une ordonnance rendue par la commission, la compétence que le législateur confère à cette dernière comprend le pouvoir de rendre des ordonnances rétroactives. On invoque l'arrêt Bakery and Confectionery Workers International Union of America, Local 468 v. Salmi, White Lunch Ltd. v. Labour Relations Board of British Columbia, 56 D.L.R. (2d) 193, [1966] R.C.S. 282, 55 W.W.R. 129, qui, prétend‑on, doit s'appliquer à l'interprétation du par. 6(1) de la Loi.

Il est clair que l'objet de la Loi est d'assurer la stabilité de l'exploitation des services publics et le maintien de taux justes, raisonnables et non discriminatoires. Cet objet ne serait pas atteint si la commission, après avoir rendu le 14 novembre 1962 une ordonnance fixant les taux payables par le distributeur de gaz naturel acheté au producteur, réduisait ces taux le 19 février 1966, plus de trois ans plus tard et ordonnait que les taux réduits entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1962 ou à compter d'une autre date antérieure au 19 février 1966.

et plus loin, à la p. 732:

[TRADUCTION] Je ne trouve nulle part dans la Loi un article qui indique que le législateur a voulu conférer à la commission le pouvoir de rendre des ordonnances fixant des taux avec effet rétroactif ou des mots exigeant une telle interprétation. Interpréter ainsi le par. 6(1) rendrait non seulement incertaine la situation de tous les services publics qui font des affaires dans la province, mais celle également de chacun de ses usagers.

Les remarques du juge Ritchie portent cependant sur la Public Utilities Act, R.S.N.B. 1952, chap. 186, qui ne conférait à la Commission aucun pouvoir de rendre des ordonnances provisoires. J'accepte volontiers que les préoccupations du juge Ritchie quant à la stabilité financière des services publics sont valables face à l'argument que la Commission a le pouvoir de réexaminer ses propres décisions finales antérieures. Puisqu'aucun délai ne pouvait s'appliquer à la période qui pouvait faire l'objet d'un réexamen, il aurait fallu prévoir explicitement dans la loi habilitante le pouvoir de réexaminer les décisions finales antérieures. En outre, même si les ordonnances définitives sont rendues "pour le moment", il ne s'ensuit pas forcément qu'on doive les priver de tout caractère définitif par la reconnaissance judiciaire d'un pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux définitifs étaient en vigueur.

La stabilité financière des services publics réglementés ne devrait cependant soulever aucune difficulté lorsqu'il s'agit de traiter du pouvoir de réexaminer des tarifs provisoires. L'objet même des tarifs provisoires est de dissiper les risques d'instabilité financière liés à la longueur des procédures devant un tribunal administratif. D'ailleurs, en l'espèce, l'intimée a demandé et obtenu des majorations tarifaires provisoires en raison des graves difficultés financières qu'elle appréhendait. La souplesse supplémentaire que procure le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires vise à favoriser la stabilité financière tout au long du processus de réglementation. Le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur est forcément accessoire à ce pouvoir sans lequel les ordonnances provisoires rendues dans des situations d'urgence peuvent causer un préjudice irréparable et contrecarrer l'objectif fondamental d'assurer le maintien de taux justes et raisonnables.

Même si le Parlement a décidé d'adopter un système de réglementation des tarifs de téléphone par voie d'approbation, la souplesse additionnelle que procure le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires indique que l'appelant peut rendre des ordonnances effectives à compter de la date du dépôt de la demande initiale ou de la date à laquelle l'appelant a entrepris les procédures de son propre chef. La théorie qui sous‑tend la règle portant qu'un système positif d'approbation permet seulement de rendre des ordonnances prospectives repose sur la présomption que les taux sont justes et raisonnables jusqu'à leur modification pour le motif que l'organisme de réglementation qui les a approuvés l'a fait parce qu'ils étaient effectivement justes et raisonnables. Cependant, le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires comporte forcément le pouvoir de modifier en entier la structure des taux établie antérieurement dans l'ordonnance définitive. Par conséquent, on ne saurait affirmer que le processus de révision des taux commence à la date de la dernière audience; la révision des taux commence plutôt lorsque l'appelant établit des taux provisoires en attendant qu'une décision finale sur le fond soit rendue. Comme il a été dit dans une opinion incidente dans Re Eurocan Pulp & Paper Co. and British Columbia Energy Commission (1978), 87 D.L.R. (3d) 727 (C.A.C.‑B.), au sujet d'un régime législatif semblable mais non identique, le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires comporte effectivement le pouvoir de les rendre exécutoires à compter de la date du début des procédures. À son tour, ce pouvoir doit comprendre celui de rendre des ordonnances appropriées pour corriger tout écart entre le taux de rendement généré par les taux provisoires et le taux de rendement autorisé dans la décision finale pour la période pendant laquelle ils sont en vigueur, et ce, pour parvenir à des taux justes et raisonnables pendant toute cette période.

(iv) Le pouvoir d'ordonner l'attribution d'un crédit forfaitaire

Une fois qu'il a été décidé, comme je l'ai fait, que l'appelant a le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur pour déterminer s'ils sont justes et raisonnables, il serait absurde de décider qu'il n'a pas le pouvoir d'ordonner un redressement lorsqu'en fait ces taux n'étaient pas justes et raisonnables. Je partage également l'avis du juge Hugessen selon lequel le par. 340(5) de la Loi sur les chemins de fer fournit un fondement légal suffisant au pouvoir d'ordonner un redressement, y compris celui d'ordonner l'attribution d'un crédit forfaitaire à certaines catégories d'abonnés.

Télécommunications CNCP soutient que le crédit forfaitaire ordonné devrait être restreint aux revenus qui proviennent directement de la majoration tarifaire provisoire de 2 pour 100 et que ces revenus excédentaires devraient être remboursés aux abonnés qui les ont effectivement payés. La présomption qui sous‑tend cet argument est qu'on ne peut affirmer que la portion des taux provisoires qui correspond aux taux définitifs en vigueur avant le début des procédures est injuste ou déraisonnable jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue. Puisque j'ai conclu que l'appelant a compétence pour examiner intégralement le caractère juste et raisonnable de ces taux provisoires en raison du fait que le processus de révision des taux commence à la date du début des procédures, cet argument doit être rejeté.

Enfin, il est vrai que ce ne sont pas les abonnés à qui des taux excessifs ont été facturés qui vont nécessairement profiter du crédit forfaitaire ordonné. Cependant, une fois qu'on a conclu que l'appelant a le pouvoir d'ordonner un redressement, la nature et l'étendue de cette ordonnance relèvent de sa compétence en l'absence d'une disposition législative expresse sur la question. L'appelant reconnaît que le crédit forfaitaire n'est pas le moyen par excellence de rembourser les revenus excédentaires. Étant donné toutefois le coût et la complexité liés à l'identification des personnes qui ont payé des taux excessifs ainsi qu'à la détermination de leur lieu de résidence et de la somme que chacune a versée en trop, et compte tenu de la compétence générale de l'appelant pour ce qui est d'évaluer les nombreux facteurs qui entrent en jeu dans la répartition des besoins en revenus de l'appelant parmi ses différentes catégories d'abonnés en vue de fixer des taux justes et raisonnables, la décision de l'appelant était tout à fait raisonnable et je partage l'avis du juge Hugessen qu'elle ne devrait pas être écartée.

VI ‑ Conclusion

À mon avis, l'appelant avait le pouvoir d'examiner les taux provisoires en vigueur avant que la décision 86‑17 soit rendue pour vérifier s'ils étaient justes et raisonnables et il avait le pouvoir d'ordonner à l'intimée d'accorder le crédit forfaitaire décrit dans la décision 86‑17 et, ce faisant, il n'a commis aucune erreur.

Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de confirmer la décision de l'appelant, avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureur de l'appelant: Avrum Cohen, Hull.

Procureurs de l'intimée: Clarkson, Tétrault, Montréal.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada: Le sous‑procureur général du Canada, Ottawa.

Procureur de l'intervenante l'Association des consommateurs du Canada: Janet Yale, Ottawa.

Procureur de l'intervenante l'Alliance canadienne des télécommunications de l'entreprise: Kenneth G. Engelhart, Toronto.

Procureur de l'intervenante Télécommunications CNCP: Michael Ryan, Toronto.

Procureurs de l'intervenante l'Organisation nationale anti‑pauvreté: Andrew Roman et Glenn W. Bell, Ottawa.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit administratif - Compétence du CRTC - Ordonnance du CRTC enjoignant à Bell Canada d'accorder un crédit forfaitaire à ses abonnés - Ordonnance visant à remédier à l'imposition de taux provisoires approuvés par le CRTC en 1984 et 1985 et jugés excessifs en 1986 -- Le CRTC avait-il compétence pour rendre cette ordonnance? - L'ordonnance du CRTC imposant des taux provisoires peut-elle être révisée rétroactivement? - Le pouvoir du CRTC d'imposer des taux "justes et raisonnables" à Bell Canada comporte-t-il la réglementation de ses revenus? - Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), chap. R‑3, art. 335(1), (2), (3), 340(5) - Loi sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), chap. N‑20, art. 52, 60, 66, 68(1).

En mars 1984, Bell Canada a présenté au CRTC une demande de majoration tarifaire générale. Afin d'empêcher que la situation financière de Bell Canada ne se détériore gravement avant l'audience et la décision finale sur le fond, le CRTC a accordé à Bell Canada une majoration tarifaire provisoire de 2 pour 100 entrant en vigueur le 1er janvier 1985. Le calcul de la majoration tarifaire provisoire s'est fait à partir des données financières fournies par Bell Canada. Dans sa décision, toutefois, le CRTC a clairement manifesté l'intention de réviser cette majoration tarifaire provisoire dans sa décision finale portant sur la demande de majoration tarifaire générale de Bell Canada sur la base des données financières complètes pour les années 1985 et 1986. En 1985, devant l'amélioration de la situation financière de Bell Canada, le CRTC a ordonné à Bell Canada de déposer des révisions tarifaires devant entrer en vigueur le 1er septembre 1985. Suite à cette décision, Bell Canada a dû imposer les taux en vigueur avant que sa demande de majoration tarifaire ne soit déposée en mars 1984. Ces nouveaux taux étaient eux aussi provisoires. En octobre 1986, sans égard à la demande de Bell Canada de retirer sa requête initiale en majoration tarifaire générale, le CRTC a examiné la situation financière de Bell Canada et le caractère raisonnable de ses taux. Le CRTC a établi les niveaux de rentabilité appropriés pour Bell Canada en se fondant sur le taux de rendement de l'avoir moyen des détenteurs d'actions ordinaires et a conclu qu'en 1985 et 1986 elle avait accumulé des revenus excédentaires de 206 millions de dollars. Même si Bell Canada a toujours imposé des taux approuvés par le CRTC, ce dernier a jugé que Bell Canada ne pouvait conserver ces revenus excédentaires et lui a ordonné de les rembourser à certaines catégories d'abonnés au moyen d'un crédit forfaitaire. En appel, la Cour d'appel fédérale a annulé l'ordonnance du CRTC. Le présent pourvoi vise à déterminer (1) si la loi permettait au CRTC d'examiner les revenus réalisés par Bell Canada pendant la période où les taux provisoires étaient en vigueur et (2) si le CRTC avait compétence pour rendre une ordonnance enjoignant à Bell Canada d'accorder un crédit forfaitaire à ses abonnés.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Les décisions du CRTC sont susceptibles d'appel à la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou de compétence en vertu du par. 68(1) de la Loi sur les transports nationaux. Bien qu'un tribunal d'appel puisse être en désaccord avec le tribunal d'instance inférieure sur des questions qui relèvent du pouvoir d'appel prévu par la loi, les tribunaux devraient faire preuve de retenue envers l'opinion du tribunal d'instance inférieure sur des questions qui relèvent parfaitement de son champ d'expertise. En l'espèce, Bell Canada conteste la décision du CRTC sur une question de droit et de compétence relative à la nature des décisions provisoires et à l'étendue des pouvoirs conférés au CRTC lorsqu'il rend des décisions provisoires. On ne peut résoudre cette question sans analyser le régime de procédure créé par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux. La décision contestée par Bell Canada ne relève donc pas du champ d'expertise particulier du CRTC et est, conformément au par. 68(1), susceptible de contrôle selon les principes qui régissent les appels. En effet, le CRTC a été créé non pas dans le but d'interpréter la Loi sur les chemins de fer ou la Loi sur les transports nationaux, mais plutôt pour assurer, notamment, que les tarifs de téléphone soient toujours "justes et raisonnables".

L'établissement de taxes et de tarifs "justes et raisonnables" comporte forcément, quoique d'une façon apparemment indirecte, la réglementation des revenus de l'organisme réglementé puisque le tribunal administratif doit soupeser les intérêts des consommateurs en fonction de la nécessité que l'organisme réglementé puisse gagner des revenus suffisants pour financer les coûts des services qu'il vend au public. Pour fixer des taxes qui soient justes et raisonnables en l'espèce, le CRTC devait tenir compte des besoins en revenus de Bell Canada.

Le CRTC avait le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur. Le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires comporte implicitement ce pouvoir dans le régime juridique établi par la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur les transports nationaux. Il relève de la nature même des ordonnances provisoires que leur effet ainsi que toute divergence entre une ordonnance provisoire et une ordonnance définitive peuvent être révisés et corrigés dans l'ordonnance définitive. C'est le caractère provisoire de l'ordonnance qui la rend sujette à de plus amples instructions rétroactives. Les circonstances dans lesquelles elles sont accordées expliquent et justifient davantage pourquoi elles peuvent, contrairement aux ordonnances définitives, être révisées rétroactivement et faire l'objet d'une ordonnance de redressement. Les ordonnances tarifaires provisoires qui traitent de manière interlocutoire de questions devant faire l'objet d'une décision finale sont traditionnellement accordées pour éviter que le requérant ne subisse les effets néfastes de la longueur des procédures. Ces décisions sont prises rapidement à partir d'éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale. Conclure en l'espèce que les taux provisoires ne pouvaient pas être révisés serait non seulement contraire à la nature des ordonnances provisoires, mais encore aurait pour effet de contrecarrer l'ordonnance dans laquelle le CRTC a approuvé les taux provisoires et a indiqué clairement son intention de réviser les taux imposés à compter de 1985 jusqu'à la date de la décision finale.

La stabilité financière des services publics réglementés ne devrait soulever aucune difficulté lorsqu'il s'agit de traiter du pouvoir de réexaminer des tarifs provisoires. L'objet même des tarifs provisoires est de dissiper les risques d'instabilité financière liés à la longueur des procédures devant un tribunal administratif. La souplesse supplémentaire que procure le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires vise à favoriser la stabilité financière tout au long du processus de réglementation. Le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur est forcément accessoire à ce pouvoir sans lequel les ordonnances provisoires rendues dans des situations d'urgence peuvent causer un préjudice irréparable et contrecarrer l'objectif fondamental d'assurer le maintien de taux justes et raisonnables.

Même si le Parlement a décidé d'adopter un système de réglementation des tarifs de téléphone par voie d'approbation, la souplesse additionnelle que procure le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires indique que le CRTC peut rendre des ordonnances effectives à compter de la date du dépôt de la demande initiale ou de la date à laquelle le CRTC a entrepris les procédures de son propre chef. Le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires comporte forcément le pouvoir de modifier en entier la structure des taux établie antérieurement dans l'ordonnance définitive. Par conséquent, le processus de révision des taux ne commence pas à la date de la dernière audience; la révision des taux commence plutôt lorsque le CRTC établit des taux provisoires en attendant qu'une décision finale sur le fond soit rendue.

Enfin, une fois qu'il a été décidé que le CRTC a le pouvoir de réexaminer la période pendant laquelle les taux provisoires étaient en vigueur pour déterminer s'ils sont justes et raisonnables, il s'ensuit qu'il a le pouvoir d'ordonner un redressement lorsqu'en fait ces taux n'étaient pas justes et raisonnables. En tout état de cause, le par. 340(5) de la Loi sur les chemins de fer fournit un fondement légal suffisant au pouvoir d'ordonner un redressement, y compris celui d'ordonner l'attribution d'un crédit forfaitaire à certaines catégories d'abonnés. Bien que ce ne soit pas les abonnés à qui des taux excessifs ont été facturés qui vont nécessairement profiter du crédit forfaitaire ordonné, une fois qu'on a conclu que le CRTC a le pouvoir d'ordonner un redressement, la nature et l'étendue de cette ordonnance relèvent de sa compétence en l'absence d'une disposition législative expresse sur cette question.


Références :

Jurisprudence
Arrêt approuvé: Re Coseka Resources Ltd. and Saratoga Processing Co. (1981), 126 D.L.R. (3d) 705
arrêts mentionnés: Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227
Douglas Aircraft Co. of Canada Ltd. c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245
Alberta Union of Provincial Employees c. Conseil d'administration de Olds College, [1982] 1 R.C.S. 923
Re Ontario Public Service Employees Union and Forer (1985), 52 O.R. (2d) 705
Re City of Ottawa and Ottawa Professional Firefighters' Association, Local 162 (1987), 58 O.R. (2d) 685
Greyhound Lines of Canada Ltd. c. Commission canadienne des droits de la personne (1987), 78 N.R. 192
Canadien Pacifique Ltée c. Commission canadienne des transports (1987), 79 N.R. 13
British Columbia Electric Railway Co. v. Public Utilities Commission of British Columbia, [1960] R.C.S. 837
Northwestern Utilities Ltd. v. City of Edmonton, [1929] R.C.S. 186
City of Calgary v. Madison Natural Gas Co. (1959), 19 D.L.R. (2d) 655
United States v. Fulton, 475 U.S. 657 (1986)
Trans Alaska Pipeline Rate Cases, 436 U.S. 631 (1978)
Regina v. Board of Commissioners of Public Utilities (1966), 60 D.L.R. (2d) 703
Re Eurocan Pulp & Paper Co. and British Columbia Energy Commission (1978), 87 D.L.R. (3d) 727
Nova c. Amoco Canada Petroleum Co., [1981] 2 R.C.S. 437.
Lois et règlements cités
Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985), chap. N‑7, art. 64.
Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), chap. R‑3, art. 334 à 340.
Loi sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), chap. N‑20, art. 49, 52, 60(2), 61, 66, 68(1).
Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications, DORS/79-554, parties III, VII.

Proposition de citation de la décision: Bell canada v. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722 (22 juin 1989)


Origine de la décision
Date de la décision : 22/06/1989
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1989] 1 R.C.S. 1722 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1989-06-22;.1989..1.r.c.s..1722 ?
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