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28/09/1989 | CANADA | N°[1989]_2_R.C.S._429

Canada | Banque de montréal c. Kuet leong ng, [1989] 2 R.C.S. 429 (28 septembre 1989)


Banque de Montréal c. Kuet Leong Ng, [1989] 2 R.C.S. 429

Banque de Montréal Appelante

c.

Philippe Kuet Leong Ng Intimé

et

Elizabeth Tan Yan Wong Mise en cause

et

Pierre Shin Pong et Banque de Montréal Tiers‑saisis

répertorié: banque de montréal c. kuet leong ng

No du greffe: 20473.

1989: 16 mars; 1989: 28 septembre.

Présents: Les juges Lamer, Wilson, La Forest, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel du québec

Contrats -- Contrat de travail -- Mandat ‑- Manquement à l'obligation d'hon

nêteté et de loyauté de l'employé envers son employeur ‑- Cambiste au service de la banque pour acheter et vendre des devises étrangères ‑-...

Banque de Montréal c. Kuet Leong Ng, [1989] 2 R.C.S. 429

Banque de Montréal Appelante

c.

Philippe Kuet Leong Ng Intimé

et

Elizabeth Tan Yan Wong Mise en cause

et

Pierre Shin Pong et Banque de Montréal Tiers‑saisis

répertorié: banque de montréal c. kuet leong ng

No du greffe: 20473.

1989: 16 mars; 1989: 28 septembre.

Présents: Les juges Lamer, Wilson, La Forest, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel du québec

Contrats -- Contrat de travail -- Mandat ‑- Manquement à l'obligation d'honnêteté et de loyauté de l'employé envers son employeur ‑- Cambiste au service de la banque pour acheter et vendre des devises étrangères ‑- Le cambiste a effectué des opérations pour son propre profit en utilisant les fonds de la banque, ainsi que des opérations pour des clients de la banque moyennant des commissions secrètes -- La banque peut‑elle recouvrer les profits réalisés par le cambiste? ‑- Le cambiste est‑il considéré mandataire de la banque? ‑- Code civil du Bas‑Canada, art. 411, 1713.

L'intimé était au service de l'appelante en qualité de cambiste en chef pour le Québec. Il avait pour fonction principale l'achat et la vente de devises étrangères pour le compte de l'appelante. Il était aussi appelé à donner des avis et à effectuer des opérations de change pour le compte de clients importants de l'appelante. Il était autorisé, de sa propre initiative, à engager l'appelante à l'égard des opérations de change jusqu'à concurrence de 40 000 000 $ par jour. L'intimé, dans l'exercice de ses fonctions, a effectué des opérations qui lui ont permis de réaliser pour son propre compte des profits considérables. Ces opérations se divisent en deux catégories: premièrement, des opérations pour le compte d'un client à l'insu de ce dernier, qui étaient effectuées en réalité pour le propre compte de l'intimé à l'aide des deniers de l'appelante. Il y avait aussi quelques opérations de moindre importance au nom de la s{oe}ur de l'intimé. Deuxièmement, des opérations effectuées pour deux clients de l'appelante à la condition secrète que l'intimé touche la moitié des profits réalisés. Les actes de l'intimé contrevenaient aux règles de déontologie imposées aux employés de l'appelante et il a été congédié. L'appelante a alors engagé une action contre l'intimé pour recouvrer les profits réalisés. L'appelante n'a pas allégué l'existence d'un préjudice ou de dommages imputables aux actes de l'intimé. La Cour supérieure a rejeté l'action et son jugement a été confirmé par la Cour d'appel.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

En ce qui concerne le premier groupe d'opérations, dans la mesure où elles ont été effectuées contrairement aux instructions de l'employeur, et par conséquent sans que l'intimé soit autorisé à les effectuer, pour son propre compte, à l'aide des deniers de l'appelante, l'intimé se trouvait dans la situation du possesseur de mauvaise foi (art. 411 C.c.B.‑C.) et il était tenu de remettre à l'appelante non seulement le principal des fonds utilisés, mais aussi sa plus‑value et ses fruits, le cas échéant. De fait, il s'est emparé des deniers de l'appelante frauduleusement et sans apparence de droit, et il n'a aucun droit aux bénéfices de sa fraude.

Pour ce qui est du second groupe d'opérations, même si le droit de l'intimé aux profits réalisés procédait d'une entente intervenue privément avec les clients, les opérations de change elles‑mêmes dont découlent les profits ont été effectuées par l'intimé dans le cadre de son emploi et en sa qualité de représentant de l'appelante. Peu importe que les rapports entre l'intimé et l'appelante soient qualifiés simplement de louage de services, c'est‑à‑dire de rapports entre employeur et employé, ou de mandat à cet égard, il reste que l'intimé agissait en qualité de représentant de l'appelante, voyant aux affaires de celle‑ci. (Cela s'applique aussi à la première catégorie d'opérations que l'intimé a effectuées pour son propre compte sous des noms fictifs.) Dans ces circonstances, il faut appliquer le principe énoncé à l'art. 1713 C.c.B.‑C., selon lequel le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de remettre et payer au mandant tout ce qu'il a reçu sous l'autorité de son mandat, même si ce qu'il a reçu n'était pas dû au mandant. Cette obligation, bien qu'elle soit expressément imposée par l'art. 1713 qui traite du mandat, se rattache plutôt à la fonction et aux rapports sous‑jacents entre les parties au contrat. En réalité, elle met à exécution un principe beaucoup plus général du droit civil qui vise à garantir l'honnêteté et la bonne foi dans l'exécution des contrats, y compris les contrats de travail. L'obligation de bonne foi qui incombe à l'employé comprend, à tout le moins, l'exécution consciencieuse de ses obligations contractuelles. L'intensité de l'obligation de bonne foi imposée à l'employé augmente avec la responsabilité qui se rattache au poste qu'il occupe.

En l'espèce, permettre à l'intimé de conserver les profits réalisés serait aller à l'encontre du principe selon lequel nul ne doit tirer profit de ses mauvaises actions. Les actes de l'intimé constituaient une violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté qui lui incombait et, voire même, un détournement à son propre profit des services qu'il s'était engagé à rendre à l'appelante. Sa qualité d'employé ne signifie pas que l'intimé n'avait pas, à l'instar des cadres supérieurs et des administrateurs, à rendre compte de ses actes. Si la bonne foi est le fondement de tout contrat de travail, elle exige qu'à la confiance et à l'autorité accordées à l'employé corresponde une part égale de responsabilités et d'obligations. Un employé supérieur qui, à l'instar de l'intimé, jouit d'un contrôle sur de larges somme d'argent de l'employeur doit être tenu responsable de l'usage qu'il en fait, et il lui faut remettre à l'employeur les profits réalisés grâce à l'exercice abusif de ses fonctions. S'il n'était tenu de rendre compte, l'engagement de l'intimé à exécuter de bonne foi les obligations afférentes à son contrat de travail serait dévalorisé, tout comme d'ailleurs l'obligation du mandataire de faire preuve de la com­pétence et de la diligence propres à un administrateur prudent s'il n'avait pas à rendre compte de sa gestion, ou que l'obligation de l'administrateur d'une société d'agir dans l'intérêt de celle‑ci s'il n'était pas tenu de rendre les profits réalisés en violation de cette obligation.

Jurisprudence

Arrêts mentionnés: Canadian Aero Service Ltd. c. O'Malley, [1974] R.C.S. 592; Thompson v. Sénécal (1894), 3 B.R. 455; McDonald v. Rankin (1890), 7 M.L.R. 44 (C.S.); Giguère v. Colas (1915), 48 C.S. 198; Entreprises Rock Ltée (In re): Nozetz c. Habitations C.J.C. Inc., [1986] R.J.Q. 2671; N.F.B.C. National Financial Brokerage Center Inc. v. Investors Syndicate Ltd., [1986] R.D.J. 164; Resfab Manufacturier de Ressort Inc. v. Archambault, [1986] R.D.J. 32.

Lois et règlements cités

Code civil du Bas-Canada, art. 411, 610, 1049, 1056c, 1484, 1485, 1701, 1706, 1713.

Code criminel, L.R.C. (1985), chap. C‑46, art. 426 [mod. chap. 27 (1er supp.), art. 56].

Code pénal (France), art. 177.

Loi sur la faillite, L.R.C. (1985), chap. B‑3, art. 69.

Doctrine citée

Camerlynck, G. H. Le contrat de travail, 2e éd. Dans G. H. Camerlynck, éd., Droit du travail, t. 1. Paris: Dalloz, 1982.

Catala, Nicole et Jacques Aaron. Le personnel et les intermédiaires de l'entreprise. Paris: Librairies techniques, 1971.

Javillier, Jean‑Claude. Manuel de droit du travail. Paris: Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1986.

Martel, Maurice et Paul. La compagnie au Québec: les aspects juridiques. Montréal: Éditions Thélème, Inc., 1982.

Troplong, M. Droit civil expliqué, t. 16. Paris: Charles Hingray, 1846.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec (1987), 11 Q.A.C. 254, [1987] R.L. 160, qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure. Pourvoi accueilli.

Colin K. Irving, pour l'appelante.

Personne n'a comparu pour l'intimé.

//Le juge Gonthier//

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE GONTHIER — La question en litige en l'espèce porte sur les obligations d'un employé qui, délégué à la passation de contrats exécutoires pour le compte de son employeur, conclut de tels contrats pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, en se servant des deniers de son employeur ou de ceux d'autrui et touche ainsi des commissions secrètes pour son propre profit.

L'intimé ayant été déclaré en faillite après que cette Cour eut été saisie de ce pourvoi, l'affaire a été instruite ex parte avec l'autorisation de la Cour, [1987] 2 R.C.S. v, et le consentement du syndic, en l'absence de représentations pour le compte de l'intimé ou du syndic.

1. Les faits

L'intimé, au service de la Banque appelante depuis 1979 en qualité de cambiste en chef pour le Québec, était responsable uniquement auprès du directeur des opérations sur devises de la Banque pour le Canada, à Toronto. Il avait pour fonction principale l'achat et la vente de devises étrangères pour le compte de l'appelante, et il devait notamment en établir le prix. Il était aussi appelé à donner des avis et à effectuer des opérations de change pour le compte de clients importants de l'appelante qui avaient été autorisés à traiter avec lui directement plutôt que par l'entremise de leur propre succursale de la Banque. Il était autorisé, de sa propre initiative, à engager l'appelante à l'égard des opérations de change jusqu'à concurrence de 40 000 000 $ par jour.

Un document intitulé "Relations de travail" publié par l'appelante à l'intention de ses employés, y compris l'intimé, contient la déclaration de principe suivante:

Il est interdit à notre personnel d'accepter des cadeaux, des offres attrayantes ou des récompenses et de s'engager dans des activités extérieures susceptibles de le compromettre dans l'exercice de ses fonctions, d'affecter son jugement ou de nuire à l'exécution de son travail. Voici quelques situations de nature à contrevenir à cette norme:‑

a)Avoir des intérêts financiers importants dans une entreprise qui fait affaire avec la Banque, à titre de client ou de pourvoyeur, ou y jouer un rôle actif; dans certains cas, le fait d'être actionnaire d'une entreprise concurrente peut placer ou sembler placer un employé dans une situation embarrassante à l'égard de la Banque.

b)Occuper un poste dans une autre entreprise ou être son agent ou son conseiller. Exception: la Banque peut demander à un employé de (ou l'autoriser à) faire partie du conseil d'administration ou des cadres d'une autre entreprise si elle juge cette exception dans l'intérêt de la Banque.

c)Profiter, en vue d'un gain personnel, d'une transaction avantageuse grâce au poste que l'on occupe à la Banque.

d)Accepter d'un particulier ou d'une entreprise des avantages financiers, un voyage gratuit, des remises sur des produits ou des services de quelque montant que ce soit, des repas, des consommations ou des cadeaux dépassant une valeur modeste.

e)Spéculer sur des biens meubles ou immeubles dont la Banque a besoin ou qu'elle est susceptible d'acquérir.

Ce sont là des activités qui pourraient inciter ou, ce qui importe autant, pourraient sembler inciter un employé à agir contrairement aux normes d'éthique que nous exigeons.

Les employés sont tous tenus de dévoiler à leurs supérieurs, par écrit ou sous toute autre forme autorisée, toutes entreprises, tous intérêts commerciaux ou financiers et toutes activités extérieures auxquels leur participation pourrait être considérée comme une situation venant actuellement ou éventuellement en conflit avec leurs fonctions à la Banque. Les directeurs sont tenus d'exiger de telles déclarations et d'éviter que toute décision qui relève de leur compétence soit incompatible avec les intérêts de la Banque.

En outre, les inspecteurs de la Banque doivent signaler toute situation ou circonstance qu'ils jugent incompatible avec les intérêts de la Banque, même en apparence.

L'intimé, dans l'exercice de ses fonctions de cambiste, a effectué des opérations qui lui ont permis de réaliser des profits pour son propre compte s'élevant à 660 135,82 $. Ces opérations se divisent en deux catégories principales:

1)Des opérations de change pour le compte d'un certain Joseph Kruger ou du groupe de compagnies Kruger Paper. Or, les mandants Kruger n'étaient pas au courant de ces opérations qui étaient faites en réalité pour le propre compte de l'intimé à l'aide des deniers ou du crédit de l'appelante. Dans la même catégorie, se trouvaient aussi quelques opérations de moindre importance au nom de la s{oe}ur de l'intimé.

2)L'autre catégorie comprend des opérations effectuées pour deux clients de l'appelante qui avaient été autorisés à traiter directement avec l'intimé. Ce dernier avait convenu d'effectuer des opérations de change pour eux à la condition de toucher la moitié des profits réalisés.

2. Les tribunaux d'instance inférieure

La Cour supérieure de la province de Québec

Le juge de première instance a rejeté la prétention de l'appelante que l'intimé devait être considéré comme étant son mandataire et qu'en vertu de l'art. 1713 C.c.B.‑C., elle avait droit aux profits qu'il a réalisés dans l'exercice de son mandat. Le juge Marquis a souligné que l'importance et la nature du travail de l'intimé ne modifiait pas la nature des rapports juridiques entre l'employeur et l'employé. Il demeurait un employé de l'appelante qui retenait ses services d'expert en contrepartie d'un salaire. Il n'avait aucune fonction administrative. Les actes de l'intimé n'était pas illégaux en soi, et le fait qu'ils aient contrevenu aux règles de déontologie imposées aux employés de l'appelante n'entraînait pas l'application de l'art. 1713.

En parvenant à sa conclusion, le juge de première instance a noté que l'appelante n'avait ni allégué ni prouvé l'existence d'un préjudice ou de dommages imputables aux actes de l'intimé. Ces actes avaient été jugés répréhensibles par l'employeur, qui avait congédié leur auteur, mais ils n'imposaient toutefois pas l'obligation à l'intimé de rendre compte à l'appelante des profits qu'il avait touchés.

La Cour d'appel

La Cour d'appel s'est dite d'accord avec la conclusion du juge de première instance que, malgré l'importance de ses fonctions, l'intimé était simplement un employé de l'appelante et non son mandataire: (1987), 11 Q.A.C. 254, [1987] R.L. 160. L'appelante ne lui avait pas confié la gestion d'une affaire licite au sens de l'art. 1701 C.c.B.‑C. et, par conséquent, il n'était tenu à aucune obligation de fiduciaire. Pour ces motifs, la Cour d'appel a statué que les faits en l'espèce devaient se distinguer de ceux qui étaient en cause dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Canadian Aero Service Ltd. c. O'Malley, [1974] R.C.S. 592.

La Cour d'appel n'était pas convaincue non plus que l'intimé était tenu de remettre les profits à son employeur, conformément à une directive de l'appelante à l'intention de ses employés, parce qu'il avait effectué les opérations litigieuses pour son propre compte pendant les heures ouvrables et qu'il s'était servi de renseignements confidentiels. Bien que l'intimé puisse avoir violé les conditions de son emploi en s'occupant de ses affaires personnelles au cours des heures ouvrables et qu'il puisse s'être ainsi exposé au risque d'être congédié, il ne s'ensuit pas qu'il est tenu de remettre à l'appelante les profits réalisés. En outre, la preuve n'établissait pas que l'intimé avait agi en se servant de renseignements confidentiels au sens de la directive en question.

3. Analyse

En ce qui concerne le premier groupe d'opérations, dans la mesure où elles ont été effectuées contrairement aux instructions de l'employeur et, par conséquent, sans que l'intimé soit autorisé à les effectuer, pour son propre compte ou avantage, à l'aide des deniers ou du crédit de l'appelante, l'intimé se trouvait dans la situation du possesseur de mauvaise foi (art. 411 C.c.B.‑C.) et il était tenu de remettre à l'appelante non seulement le principal des fonds utilisés, mais aussi sa plus‑value et ses fruits, le cas échéant. De fait, il s'est emparé des deniers de l'appelante frauduleusement et sans apparence de droit, et il n'a aucun droit aux bénéfices de sa fraude.

Pour ce qui est des autres profits réalisés par l'intimé grâce à sa part de 50 pour 100 des profits découlant des opérations de change effectuées pour deux clients de l'appelante à la suite d'une entente intervenue privément entre l'intimé et ces clients, même si le droit de l'intimé à cet égard procédait de cette entente privée avec les deux clients, les opérations de change elles‑mêmes dont découlent les profits ont été effectuées par l'intimé dans le cadre de son emploi et en sa qualité de représentant de la Banque appelante. L'intimé était autorisé à effectuer ces opérations en sa qualité de représentant de l'appelante voyant aux affaires de celle‑ci, bien que ce fût pour le bénéfice des clients de l'appelante. Peu importe que les rapports entre l'intimé et l'appelante soient qualifiés simplement de louage de services, c'est‑à‑dire de rapports entre employeur et employé, ou de mandat à cet égard, il reste que l'intimé agissait en qualité de représentant de l'appelante, voyant aux affaires de celle‑ci. Cela s'applique également à la première catégorie d'opérations que l'intimé a effectuées pour son propre compte sous des noms fictifs.

Dans ces circonstances, il faut appliquer le principe énoncé à l'art. 1713 C.c.B.‑C., selon lequel le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de remettre et payer au mandant tout ce qu'il a reçu sous l'autorité de son mandat, même si ce qu'il a reçu n'était pas dû au mandant. Cette obligation, bien qu'elle soit expressément imposée par l'art. 1713 qui traite du mandat et qu'elle soit manifestement applicable à ce contrat, se rattache plutôt à la fonction et aux rapports sous‑jacents entre les parties au contrat. En réalité, elle met à exécution un principe beaucoup plus général du droit civil qui vise à garantir l'honnêteté et la bonne foi dans l'exécution des contrats.

Cela me paraît implicite dans l'arrêt de la Cour d'appel Thompson v. Sénécal (1894), 3 B.R. 455, qui concernait des commissions secrètes versées au défendeur, un employé salarié qui occupait le poste de surintendant de l'Imprimerie du gouvernement fédéral, et dont les fonctions comprenaient notamment celle d'acheteur.

Le juge en chef Lacoste écrit, aux pp. 458 et 459:

Mais c'est cependant à sa qualité de mandataire et aux transactions qu'il a faites en cette qualité qu'il doit ses pots de vin. Les motifs qui ont induit les marchands à les lui payer venaient des ventes qu'ils faisaient au gouvernement. Les pots de vin découlaient donc de ces ventes faites dans l'exécution du mandat. Ils forment un incident d'un acte autorisé par le mandant. Il me paraît de saine doctrine de dire qu'il n'est pas permis à un mandataire de tirer des profits secrets des transactions qu'il fait pour son mandant quelque nom que l'on donne à ces profits. La négation d'une telle doctrine mettrait continuellement en péril les intérêts du mandant. Tout ce que le mandataire reçoit en rapport avec des transactions faites dans l'exécution d'un mandat revient de droit au mandant. Voilà la règle générale et les pots de vin reçus ne font pas exception. Les auteurs français sont d'accord sur ce point avec la jurisprudence anglaise.

Le jugement lui‑même résume ainsi le principe en cause:

Considérant qu'en principe, le mandataire ne peut arguer de sa propre turpitude, pour se dispenser de rendre compte à son mandant des profits illicites qu'il a pu faire dans l'exécution de son mandat, ou à l'occasion d'icelui;

Cependant, à ma connaissance, ni les tribunaux ni les commentateurs au Québec ne se sont penchés sur les conséquences de l'obligation de faire preuve de bonne foi dans les contrats de travail. Mais en France, aussi bien dans la jurisprudence que dans la doctrine, on reconnaît que le principe de la bonne foi engendre une obligation d'être loyal. Les extraits suivants de textes reconnus en matière de droit du travail illustrent l'étendue de cette obligation de loyauté:

Par le contrat de travail, l'employeur s'est engagé à fournir du travail correspondant à l'emploi occupé par le salarié. Ce dernier exécute le travail dans les conditions déterminées par le contrat ou pratiquées par la profession. Cette exécution doit être effectuée personnellement (art. 1237 C. civ.), de façon consciencieuse, en s'abstenant de tout acte de concurrence et en respectant le secret professionnel. L'exécution doit être loyale (art. 1134, al. 3, C. civ.).

(Javillier, Manuel de droit du travail (1986), aux pp. 142 et 143).

Du salarié, d'autre part, on attend un comportement loyal, voire fidèle. Juridiquement, on ne peut exiger de lui un dévouement excédant l'accomplissement correct de sa tâche; en fait, dans certains cas, il ne pourra se dérober à la pression patronale. De ses cadres, surtout, l'employeur escompte un dévouement et une fidélité qui lui permettent d'avoir en eux une totale confiance.

Ce devoir de loyauté implique évidemment que le salarié consacre à l'entreprise tous ses efforts pendant les heures de service; si, en dehors de ces heures, il travaillait pour des tiers, il devrait éviter de concurrencer directement ou indirectement son employeur. De façon générale, tout acte de concurrence déloyale à l'égard de l'employeur (ex.: collaboration clandestine avec l'agent d'une autre entreprise, débauchage d'un salarié au profit d'une autre société, etc.) engagerait la responsabilité du travailleur.

(Catala et Aaron, Le personnel et les intermédiaires de l'entreprise (1971), aux pp. 67 et 68.)

Aux termes de l'article 1134, alinéa 3 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Étant donné le caractère personnel des relations de travail, pareille obligation peut paraître s'imposer ici avec une force particulière.

(Camerlynck, éd., Droit du travail, t. 1: Le contrat de travail (2e éd. 1982), à la p. 244.)

En résumé, donc, l'obligation de bonne foi qui incombe à l'employé comprend, à tout le moins, l'exécution consciencieuse de ses obligations contractuelles. Toutefois, l'intensité de l'obligation de bonne foi imposée à l'employé augmente avec la responsabilité qui se rattache au poste qu'il occupe. Comme le disent plus haut Catala et Aaron, op. cit., "[d]e ses cadres, surtout, l'employeur escompte un dévouement et une fidélité qui lui permettent d'avoir en eux une totale confiance".

En France, comme au Canada, la violation de l'obligation d'honnêteté et de loyauté auquel est tenu l'employé envers son employeur est sanctionnée non seulement par le droit privé mais aussi par le droit criminel. L'article 177, par. 3, du Code pénal est rédigé en partie ainsi:

Sera puni d'un emprisonnement d'une à trois années et d'une amende de 900 F à 20,000 F ou de l'une de ces deux peines seulement tout commis, employé ou préposé, salarié ou rémunéré sous une forme quelconque, qui, soit directement, soit par personne interposée, aura à l'insu et sans le consentement de son patron soit sollicité ou agréé des offres ou promesses, soit sollicité ou reçu des dons, présents, commissions, escomptes ou primes pour faire ou s'abstenir de faire un acte de son emploi.

Au Canada, les mandataires ou les employés qui, par corruption, exigent ou acceptent des commissions secrètes commettent un acte criminel punissable d'une peine d'emprisonnement d'au plus cinq ans (art. 426 du Code criminel, L.R.C. (1985), chap. C‑46).

Il ne fait aucun doute que la violation de l'obligation de faire preuve de bonne foi peut justifier le renvoi de l'employé. De la même façon, la violation de cette obligation peut, comme la violation de toute obligation contractuelle, engager la responsabilité de l'employé à l'égard du préjudice qu'il a ainsi causé à son employeur. Aucune de ces sanctions classiques pour violation d'un contrat de travail ne vise la situation où, comme en l'espèce, l'employé profite de sa mauvaise conduite, mais sans causer de préjudice à son employeur.

Admettre que le droit québécois permet à l'intimé en l'espèce de conserver les 660 135,82 $ qu'il a tirés de la violation de ses obligations contractuelles envers l'appelante serait aller à l'encontre du principe selon lequel nul ne doit tirer profit de ses mauvaises actions. Cependant, la jurisprudence québécoise porte depuis longtemps que la violation de l'obligation de loyauté à laquelle sont tenus les cadres supérieurs engendre leur responsabilité de rendre les profits réalisés à la suite de cette violation. Dès 1890, et donc bien avant que cette Cour énonce dans l'arrêt Canadian Aero Service Ltd. c. O'Malley, précité, les obligations de fiduciaire qui incombent en common law aux dirigeants et aux cadres, les tribunaux du Québec ont considéré que les cadres supérieurs étaient des mandataires de la compagnie qui les emploie et qu'ils étaient par conséquent liés par les dispositions des art. 1701 à 1731 C.c.B.‑C.: voir l'arrêt McDonald v. Rankin (1890), 7 M.L.R. 44 (C.S.), Giguère v. Colas (1915), 48 C.S. 198. Le droit du Québec établit toujours un parallèle entre les obligations qu'assume le mandataire envers son mandant et celles qu'assume le cadre supérieur envers sa compagnie. Le juge Dugas, dans la décision Entreprises Rock Ltée (In re): Nozetz c. Habitations C.J.C. Inc., [1986] R.J.Q. 2671 (C.S.), écrit aux pp. 2672 et 2673:

Si la compagnie Entreprises C.J.C. Ltée avait été créée par lettres patentes émises dans une province où les règles de la common law gouvernent la conduite des administrateurs de compagnies, il suffirait de se référer à l'arrêt de la Cour suprême Canadian Aero Service Ltd. c. O'Malley pour censurer la conduite des intimés. . .

. . .

Le droit civil ne reçoit la motion (sic) de fiducie qu'exceptionnellement et n'admet pas qu'une fiducie s'établisse entre l'administrateur et les biens de la compagnie qu'il administre. Le droit civil définit le lien qui s'établit entre l'administrateur et la compagnie qu'il administre comme un mandat . . .

Comme on l'a dit, parmi les obligations du mandataire figure celle de rendre compte, comme le prévoit l'art. 1713 C.c.B.‑C.:

1713. Le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de remettre et payer au mandant tout ce qu'il a reçu sous l'autorité de son mandat, même si ce qu'il a reçu n'était pas dû au mandant; sauf néanmoins son droit de déduire du montant, ses déboursés et son dû à raison de l'exécution du mandat . . .

L'article 1713 exige que le mandataire rende compte non seulement de tout ce qu'il a reçu dans l'exécution de bonne foi de son mandat et le remette, mais qu'il agisse de la même façon à l'égard de tout ce qu'il peut avoir reçu en abusant de l'autorité qui lui était conférée. Cette obligation existe même si le mandant peut n'avoir aucun droit sur le bien que le mandataire a acquis illicitement. Troplong, dans son ouvrage intitulé Droit civil expliqué (1846), t. 16, traite, dans le contexte de l'art. 1993 du C.N., de la justification de cette obligation, aux pp. 406 à 409:

Maintenant, voyons ce qui doit être décidé si le mandataire s'est servi de son chef de la chose du mandant pour en retirer des profits naturellement injustes ou illicites, par exemple, pour faire l'usure.

. . .

Que les capitaux prêtés par le mandataire aient rapporté des intérêts légitimes, qu'ils en aient rapporté d'usuraires, il n'importe. Le mandataire doit compte à son mandant de la totalité.

. . .

Ces idées doivent‑elles être suivies sous le Code civil? Je le pense, et, pour trouver la raison de cette solution, il faut remonter aux notions que j'ai exposées, dans mon commentaire du Jeu, sur la théorie de la condictio ob turpem causam.

Entre le mandant et le mandataire la position n'est pas égale. Le second a commis un délit, le premier en est innocent. Sur quoi donc se fonderait la rétention prétendue par le mandataire? Pourrait‑il se prévaloir de la règle: In pari causâ melior est causa possidentis?

À cette inégalité de situation qui rend la fin de non‑recevoir inapplicable, se joint une autre considération: l'intérêt public et la morale veulent que l'auteur d'une mauvaise action n'en retire pas des profits qui l'encouragent à mal faire; et, dans le doute, il vaut toujours mieux préférer l'interprétation la plus défavorable à celui qui a offensé l'honnêteté publique, et la mieux appropriée à sa punition!! Après tout, il est permis d'espérer que le mandant réparera un mal qu'il n'a pas eu la méchanceté de faire.

L'obligation des mandataires et, par analogie, celle des cadres supérieurs, de remettre tout ce qu'ils ont obtenu grâce à leur position, même s'ils l'ont mal acquis, repose, tout au moins en partie, sur le simple principe moral selon lequel "l'auteur d'une mauvaise action n'en retire pas des profits qui l'encouragent à mal faire". L'application de ce simple principe en l'espèce exigerait que l'intimé remette à l'appelante les profits qu'il a réalisés en abusant de ses fonctions de cambiste auprès de la Banque de Montréal. La Cour supérieure et la Cour d'appel ont toutes deux été d'avis que ce principe ne pouvait s'appliquer puisque l'intimé était un simple employé plutôt qu'un mandataire ou un cadre supérieur de l'appelante. Mais le principe voulant que l'on ne doive pas tirer profit de sa mauvaise foi ou de ses mauvaises actions ne s'applique pas exclusivement au mandat. Ce principe se trouve ailleurs dans le Code civil: après tout, il constitue un précepte moral fondamental. Ainsi, l'héritier qui a été déclaré coupable d'avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt est exclu de la succession (art. 610); le possesseur de mauvaise foi est tenu de rendre les produits avec la chose au propriétaire véritable (art. 411); celui qui reçoit ce qui ne lui est pas dû est tenu de restituer la chose reçue, avec les intérêts ou les profits qu'elle aurait dû produire (art. 1049). En fait, le Code civil réprouve les situations qui incitent les gens à tourner à leur propre profit des activités qui doivent être exercées au profit d'autres personnes. Les articles 1484 et 1485 C.c.B.‑C. vont jusqu'à frapper les administrateurs, mandataires et autres personnes qui ont des obligations envers le propriétaire d'un bien d'incapacité de s'en porter acquéreurs, soit par eux‑mêmes, soit par parties interposées. On trouve une disposition semblable à l'art. 1706. De même, le double mandat est considéré contraire à l'ordre public à moins qu'il ne soit révélé aux deux parties ou compris implicitement dans les obligations du mandataire, comme dans le cas des courtiers, facteurs et autres agents de commerce.

Le fait que le Code civil ne prévoit pas expressément que l'employé qui tire profit de la violation de son obligation de faire preuve de bonne foi envers son employeur doit remettre à ce dernier les profits qu'il a réalisés ne signifie pas nécessairement que ce principe ne fait pas partie du droit québécois. Il n'existe non plus aucune disposition qui oblige les administrateurs et les cadres supérieurs d'une compagnie à rendre les profits qu'ils ont réalisés en abusant de leurs fonctions, mais cela n'a pas empêché les tribunaux d'obtenir ce résultat en reconnaissant la similitude des rapports existant entre un administrateur ou un cadre supérieur et une société d'une part, et entre le mandant et son mandataire d'autre part, bien que les administrateurs et les cadres supérieurs ne soient pas de véritables mandataires de la société (voir Martel, La compagnie au Québec: les aspects juridiques (1982), aux pp. 21‑4 à 21‑6).

Les obligations des administrateurs et des cadres supérieurs leur sont imposées non parce qu'ils sont de véritables mandataires de leur société ou des actionnaires, mais en raison de la nature du contrôle qu'ils exercent sur les affaires de la société. Ce contrôle ressemble à bien des égards au contrôle que peut exercer le mandataire sur les affaires de son mandant, et ainsi donc les responsabilités et les obligations imposées aux cadres supérieurs correspondent à celles que le Code civil prescrit dans le cas des mandataires.

À cet égard, on a considéré que les principes du droit civil ne différaient pas de ceux de la common law: N.F.B.C. National Financial Brokerage Center Inc. v. Investors Syndicate Ltd., [1986] R.D.J. 164 (C.A.), Resfab Manufacturier de Ressort Inc. v. Archambault, [1986] R.D.J. 32 (C.A.) L'obligation de fiduciaire que la common law reconnaît dans ces circonstances trouve son équivalent en droit civil dans la bonne foi et la loyauté que doit témoigner l'employé à son employeur, et dans les efforts qu'il doit déployer pour éviter les conflits d'intérêts, notamment pour éviter de rechercher des avantages incompatibles avec les conditions de son emploi. L'incompatibilité et les conflits en question s'apprécient en fonction des conditions d'emploi et des autres rapports qui existent entre les parties.

Quand il a rendu les motifs de notre Cour dans l'arrêt Canadian Aero Service Ltd. c. O'Malley, précité, le juge Laskin, plus tard Juge en chef, a donné une idée de l'étendue de l'obligation en cause (aux pp. 605 et 606):

À l'instar du Juge Grant, le juge de première instance, je ne crois pas qu'il importe que O'Malley et Zarzycki aient été régulièrement nommés administrateurs de Canaero ou qu'ils aient agi ou non comme administrateurs. Ce qui est incontestable, c'est qu'ils ont respectivement exercé les fonctions de président et de vice‑président exécutif de Canaero pendant environ deux ans avant leur démission. Pour paraphraser les conclusions du juge de première instance à ce sujet, ils ont exercé ces fonctions et leur rémunération et leurs responsabilités confirmaient leur situation de fonctionnaires supérieurs de Canaero. Ils faisaient partie de la "haute direction" et ils n'étaient pas de simples employés dont l'obligation envers leur employeur, à moins qu'elle n'ait été étendue par contrat, ne consistait qu'à respecter les secrets professionnels et le caractère confidentiel des listes de clients. Leur obligation est plus considérable, plus rigoureuse et, à moins que sa nature ait été modifiée par la loi ou par contrat (et rien ne l'indique en l'espèce), elle s'apparente à l'obligation qui lie les administrateurs à leur compagnie employeur. Sur ce point, j'adopte l'opinion suivante exprimée par Gower, Principles of Modern Company Law, 3e éd., 1969, p. 518:

[TRADUCTION] . . . ces obligations, sauf dans la mesure où elles sont assujetties à des dispositions légales qui ne s'appliquent expressément qu'aux administrateurs, ne sont pas ainsi limitées, mais s'appliquent également à tout fonctionnaire de la compagnie autorisé à agir en son nom, et, en particulier, à ceux qui exercent des fonctions de gestion. [Je souligne.]

En l'espèce, les conditions d'emploi concernées contenaient des dispositions expresses applicables aux conflits d'intérêts et aux opérations effectuées par les employés pour leur propre profit. Les tribunaux d'instance inférieure ont reconnu que les actions de l'intimé violaient ces conditions et que cette violation constituait un motif légitime de renvoi. Cependant, cette violation constituait également une violation de l'obligation de bonne foi et de loyauté qui incombait à l'intimé et, voire même, un détournement à son propre profit des services qu'il s'était engagé à rendre à l'appelante.

Il se peut qu'un employé supérieur tel que l'intimé n'exerce pas sur les affaires de son employeur un contrôle aussi considérable que celui d'un cadre supérieur ou d'un administrateur. Néanmoins, les fonctions de l'intimé l'habilitaient à engager jusqu'à 40 000 000 $ par jour dans des opérations de change pour le compte de l'appelante, et sa qualité d'employé ne signifie pas que l'intimé n'avait pas à rendre compte de ses actes. Si la bonne foi est le fondement de tout contrat de travail, elle exige qu'à la confiance et à l'autorité accordées à l'employé corresponde une part égale de responsabilités et d'obligations. Un employé qui, à l'instar de l'intimé, jouit d'un contrôle sur de larges sommes d'argent de l'employeur doit être tenu responsable de l'usage qu'il en fait, et il lui faut remettre à l'employeur les profits réalisés grâce à l'exercice abusif de ses fonctions. S'il n'était tenu de rendre compte, l'engagement de l'intimé à exécuter de bonne foi les obligations afférentes à son contrat de travail serait dévalorisé, tout comme d'ailleurs l'obligation du mandataire de faire preuve de la compétence et de la diligence propres à un administrateur prudent s'il n'avait pas à rendre compte de sa gestion, ou que l'obligation de l'administrateur d'une société d'agir dans l'intérêt de celle‑ci s'il n'était pas tenu de rendre les profits réalisés en violation de cette obligation.

Le principe sous‑jacent aux art. 411 et 1713 du Code civil, qui ne sont que l'expression de l'adage "bien mal acquis ne profite pas", est applicable et doit être mis à exécution. En toute déférence, je conclus que les tribunaux d'instance inférieure se sont mal instruits du droit et, pour ce motif, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi.

Le montant du profit réalisé par l'intimé, fixé par le juge de première instance, n'est pas contesté. Le pourvoi est donc accueilli, et comme l'intimé est maintenant un failli non libéré et que les procédures se sont poursuivies avec l'autorisation de cette Cour, nec et pro tunc, en vertu de l'art. 69 de la Loi sur la faillite, L.R.C. (1985), chap. B‑3, avec le consentement du syndic, il est déclaré que l'intimé doit à l'appelante la somme de 660 135,82 $ pour avoir frauduleusement obtenu ce montant et qu'il est condamné à le verser à l'appelante, plus les intérêts ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'art. 1056c du Code civil, le tout avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l'appelante: McMaster Meighen, Montréal.


Synthèse
Référence neutre : [1989] 2 R.C.S. 429 ?
Date de la décision : 28/09/1989

Parties
Demandeurs : Banque de montréal
Défendeurs : Kuet leong ng
Proposition de citation de la décision: Banque de montréal c. Kuet leong ng, [1989] 2 R.C.S. 429 (28 septembre 1989)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1989-09-28;.1989..2.r.c.s..429 ?
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