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07/12/1989 | CANADA | N°[1989]_2_R.C.S._1140

Canada | R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140 (7 décembre 1989)


R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140

Kevin Joseph Debot Appelant

c.

Sa Majesté La Reine Intimée

répertorié: r. c. debot

No du greffe: 20099.

1989: 22 juin; 1989: 7 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Lamer, Wilson, Sopinka et Cory.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1987), 30 C.C.C. (3d) 207, qui a accueilli l'appel d'un acquittement par le juge Clements, de la Cour de district, et ordonné un nouveau procès. Pourvoi rejeté.

Andrew Z. K

erekes, pour l'appelant.

Robert W. Hubbard, pour l'intimée.

//Le juge Lamer//

Version française du jugement du jug...

R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140

Kevin Joseph Debot Appelant

c.

Sa Majesté La Reine Intimée

répertorié: r. c. debot

No du greffe: 20099.

1989: 22 juin; 1989: 7 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Lamer, Wilson, Sopinka et Cory.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1987), 30 C.C.C. (3d) 207, qui a accueilli l'appel d'un acquittement par le juge Clements, de la Cour de district, et ordonné un nouveau procès. Pourvoi rejeté.

Andrew Z. Kerekes, pour l'appelant.

Robert W. Hubbard, pour l'intimée.

//Le juge Lamer//

Version française du jugement du juge en chef Dickson et des juges Lamer et Cory rendu par

LE JUGE LAMER -- J'ai eu l'avantage de lire les motifs de ma collègue le juge Wilson. Bien que je souscrive à ses motifs et au résultat qu'elle propose, je dois avec égards apporter certaines réserves à mon accord sur deux points: en premier lieu, les rapports qui existent entre le droit de procéder à une fouille accessoire à une arrestation et le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat; en second lieu, l'effet de la violation du droit à l'assistance d'un avocat sur la validité constitutionnelle d'une fouille, non abusive par ailleurs, exécutée au moment de l'arrestation.

Sur le premier point, je souligne qu'en règle générale, les policiers qui procèdent à une fouille ne sont pas tenus de la suspendre pour donner à une personne la possibilité d'avoir recours à l'assistance d'un avocat quand, par exemple, il s'agit de la perquisition d'une habitation en vertu d'un mandat. Quand les policiers procèdent à une fouille sur une personne, il en va tout autrement. Dans ce cas, il est impossible de procéder à la fouille sans détenir la personne au sens de l'art. 10 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est dans ce contexte que j'examinerai maintenant les fouilles accessoires à une arrestation.

Le droit de procéder à une fouille accessoire à une arrestation découle du fait de l'arrestation ou de la détention de la personne. Le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat découle de l'arrestation ou de la détention, non du fait de la fouille. Donc, dès qu'il y a détention, la personne détenue a le droit d'être informée de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. Cependant, les policiers ne sont pas tenus de suspendre la fouille accessoire à l'arrestation jusqu'à ce que la personne ait eu la possibilité d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. À mon avis, il y a des exceptions à cette règle générale. Par exemple, quand la légalité de la fouille dépend du consentement de la personne détenue. Cette situation est régie par l'arrêt de notre Cour R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3, à la p. 12:

Le droit à l'assistance d'un avocat signifie également à mon avis que, dès qu'un accusé ou un détenu a fait valoir ce droit, les policiers ne peuvent en aucune façon, jusqu'à ce qu'il ait eu une possibilité raisonnable d'exercer ce droit, le forcer à prendre une décision ou à participer à quelque chose qui pourrait finalement avoir un effet préjudiciable sur un éventuel procès.

Il y a aussi exception quand la loi accorde à une personne le droit de demander la révision de la décision de procéder à une fouille comme dans l'affaire R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495. Dans ce cas, quand la personne fait valoir ce droit et pendant qu'elle l'exerce, le pouvoir de procéder à la fouille est suspendu. Manifestement, la personne doit jouir des mêmes droits que si elle avait été arrêtée et les agents qui veulent procéder à la fouille ne peuvent présumer qu'ils peuvent procéder, si le suspect n'a pas demandé d'exercer le droit de révision, avant de lui avoir accordé une occasion raisonnable de consulter un avocat.

Ceci m'amène au second point. De l'avis du juge Wilson, la négation du droit à l'assistance d'un avocat est un facteur à considérer pour déterminer si une fouille est abusive ou non. Avec égards, je ne puis souscrire à une proposition aussi générale sur l'interaction de l'art. 8 et de l'al. 10b) de la Charte. J'estime que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que la négation du droit à l'assistance d'un avocat entraîne une violation de l'art. 8. Ce serait le cas si la légalité de la fouille dépendait du consentement de la personne détenue. Si une personne détenue consent à une perquisition de sa maison, qui, dans les circonstances de l'espèce et selon les lois applicables, exige un mandat, alors que le droit garanti à cette personne par l'al. 10b) est violé (parce qu'elle n'a pas été informée de son droit à l'assistance d'un avocat ou parce que les policiers ont obtenu son consentement à la perquisition de sa maison avant de lui avoir donné une possibilité raisonnable d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat), alors la perquisition est illégale et abusive. En dehors de ce cas ou d'autres situations comparables à celles dont il était question dans l'arrêt R. v. Simmons, précité, dans lesquels la violation de l'al. 10b) entache la légalité de la perquisition, je ne puis concevoir de situation où le caractère abusif de la perquisition dépende du droit à l'assistance d'un avocat.

En matière de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, la norme à appliquer pour déterminer le caractère raisonnable ou abusif est énoncée dans l'arrêt de notre Cour R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, à la p. 278:

Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même est n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive.

Dans des arrêts ultérieurs, dont R. c. Simmons, précité, R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980, R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548, et en l'espèce, le juge Wilson a affirmé que la négation du droit à l'assistance d'un avocat modifie la "manière" dont une fouille est exécutée. Avec égards, je ne suis pas d'accord. La "manière" dont une fouille est exécutée a trait au déroulement matériel de la fouille et ne devrait pas, à mon avis, englober des restrictions à d'autres droits déjà garantis en vertu de la Charte.

Je m'empresse d'ajouter que je ne dis pas que les éléments de preuve obtenus grâce à une fouille raisonnable mais accompagnée d'une violation de l'al. 10b) seront nécessairement admis en preuve. Dès qu'il est établi que le droit à l'assistance d'un avocat a été restreint, la cour doit examiner les effets de cette restriction en vertu du par. 24(2) et appliquer le critère en deux temps établi dans l'arrêt R. c. Strachan, précité, à la p. 1000:

(i) les éléments de preuve doivent avoir été "obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis" par la Charte.

(ii) l'utilisation de ces éléments de preuve doit être "susceptible de déconsidérer l'administration de la justice".

L'analyse qui précède est loin d'être théorique. La décision d'utiliser ou d'écarter des éléments de preuve obtenus par suite d'une fouille abusive est très différente de celle d'utiliser ou d'écarter des éléments de preuve obtenus en vertu d'une fouille parfaitement valide, mais accompagnée d'une violation de l'al. 10b). Alors que la violation de l'art. 8 est directement liée à l'obtention des éléments de preuve, la violation de l'art. 10 peut n'avoir que peu de rapport ou même aucun rapport avec l'obtention de ces éléments de preuve. En l'espèce, par exemple, l'appelant a été soumis à une fouille par palpation, sans mandat, autorisée par l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues. La fouille a eu lieu en même temps qu'une violation des droits garantis à l'appelant en vertu de l'al. 10b) de la Charte. Mais, comme le signale le juge Wilson dans son analyse du par. 24(2), en l'espèce, les éléments de preuve obtenus consistaient en une preuve matérielle dont l'existence, et je m'empresse d'ajouter, la saisie, n'avaient aucun rapport avec la violation de la Charte. Ce lien ou, en l'espèce, cette absence de lien, fait évidemment toute la différence quand il s'agit de savoir si l'utilisation de la preuve déconsidérera l'administration de la justice.

Je souscris à l'avis du juge Wilson sur la façon de disposer du pourvoi, sauf pour les observations que j'ai faites ici.

//Le juge Wilson//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE WILSON -- L'appelant a été inculpé par voie de mise en accusation sous le chef suivant:

[TRADUCTION] Le 26 février 1985 ou vers cette date, dans la municipalité de Wallaceburg, comté de Kent, d'avoir eu illégalement en sa possession une drogue contrôlée, savoir de la méthamphétamine (speed), aux fins d'en faire le trafic, en contravention du par. 34(2) de la Loi des aliments et drogues.

Les drogues dont il s'agit ont été trouvées sur la personne de l'appelant pendant une fouille par palpation, effectuée sur place sans mandat. Le paragraphe 37(1) de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F‑27 modifié, en vigueur à cette époque, autorisait une fouille sans mandat dans les circonstances suivantes:

37. (1) Un agent de la paix peut, à toute époque,

a) sans mandat, entrer et perquisitionner dans tout endroit autre qu'une maison d'habitation, et, avec l'autorisation d'un mandat de main‑forte ou d'un mandat délivré aux termes du présent article, entrer et perquisitionner dans toute maison d'habitation où il croit, en se fondant sur des motifs raisonnables, qu'il se trouve une drogue contrôlée au moyen ou à l'égard de laquelle une infraction à la présente Partie a été commise;

b) fouiller toute personne trouvée dans un semblable endroit; . . .

Les circonstances de la fouille soulèvent des questions relatives à la Charte quant au caractère raisonnable ou abusif de la fouille selon l'art. 8, au droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'al. 10b) et à l'exclusion de preuve en vertu du par. 24(2). Le pourvoi donne aussi à la Cour l'occasion d'analyser plus en profondeur l'effet d'une violation du droit à l'assistance d'un avocat sur la constitutionnalité de la fouille en vertu de l'art. 8.

1. Les faits

Le 26 février 1985, l'agent Gutteridge, qui appartient à une escouade conjointe de la police de Chatham et de la GRC, a reçu des renseignements confidentiels d'un informateur selon lesquels l'appelant et deux autres personnes, Greg Carpenter et Gerry List, devaient se rencontrer pendant la soirée dans le but de conclure un marché concernant environ quatre onces d'amphétamines. L'affaire devait être conclue chez Carpenter qui, ainsi que l'appelant, devait prendre livraison d'une quantité importante de drogue. Les amphétamines étaient apportées à Wallaceburg par un fournisseur dont l'informateur avait donné le nom. L'informateur avait dit à l'agent Gutteridge qu'il avait obtenu ces renseignements au cours d'une conversation avec Carpenter. Gutteridge avait déjà eu affaire à cet informateur au moins une fois et l'a qualifié de [TRADUCTION] "fiable". En cette occasion, l'informateur avait fait savoir à Gutteridge qu'une grande quantité d'amphétamines pourrait être trouvée dans une certaine maison d'habitation. On n'en avait trouvé qu'une quantité infime, mais une quantité plus importante de marijuana avait été saisie.

L'agent Gutteridge a communiqué avec le sergent Briscoe, chef du détachement de la Gendarmerie royale à Chatham et lui a rapporté les renseignements obtenus de l'informateur. Gutteridge a demandé que l'appelant, Carpenter et List soient tous soumis à une surveillance. Ces trois personnes étaient connues de la section des stupéfiants de la police de Chatham pour avoir déjà été impliquées dans des affaires de drogues. Les policiers ont qualifié l'appelant de consommateur et de trafiquant de drogues bien qu'il n'ait été reconnu coupable qu'une seule fois en rapport avec des stupéfiants, pour possession d'une petite quantité de marijuana. Carpenter était aussi connu comme consommateur et trafiquant. La résidence de Carpenter avait déjà été fouillée en vertu de mandats délivrés conformément à la Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N‑1, et à la Loi des aliments et drogues. Il avait un dossier chargé de déclarations de culpabilité pour des infractions en matière de drogues.

Le sergent Briscoe a tenu une séance d'information au cours de laquelle il a transmis aux agents chargés de la surveillance, notamment aux agents Birs et L'Heureux, les renseignements que lui avait fournis l'agent Gutteridge. Dans son témoignage, Birs a déclaré aussi qu'il avait reçu des instructions directement de Gutteridge plus tôt le même jour. Le témoignage de Gutteridge est muet sur ce point.

Quelques agents ont entrepris la surveillance des alentours de la maison de Carpenter. À un moment donné, l'agent L'Heureux a reçu l'instruction de suivre une Ford compacte grise qui venait tout juste de partir de chez Carpenter. La voiture s'est arrêtée près d'une taverne où les occupants de la voiture, une femme et deux hommes, sont entrés. Les agents L'Heureux et Birs ont observé de loin ce qui leur a semblé pouvoir être un échange de drogues et d'argent entre l'un des deux hommes et une autre femme, au bar. L'agent L'Heureux a déposé qu'il a vu un échange d'argent contre "quelque chose d'autre" qu'il n'a pu décrire avec précision.

Vers 21 h 10, une Ford Bronco de couleur foncée est arrivée à la maison de Carpenter. Gutteridge avait déjà vu ce véhicule stationné devant la maison de l'appelant plusieurs mois auparavant quand il avait exécuté un mandat délivré en vertu de la Loi des aliments et drogues, qui avait finalement permis de faire déclarer l'appelant coupable de possession de marijuana. Gutteridge avait aussi vu l'appelant conduire ce véhicule à différentes occasions. Plusieurs personnes sont descendues du Bronco et au moins l'une d'entre elles est entrée dans la maison. Environ cinq minutes plus tard, deux hommes et deux femmes sont sortis de la maison, sont montés dans le Bronco et ont quitté les lieux. Ces observations ont été relayées par radio au sergent Briscoe qui a confirmé que le Bronco était immatriculé au nom de l'appelant.

Le sergent Briscoe a donné des directives à deux voitures de police, celle de l'agent Martin et celle des agents L'Heureux et Birs, leur disant d'intercepter et de fouiller le véhicule, quelques minutes après qu'il eut quitté la maison de Carpenter. Le Bronco était arrivé au centre de la ville quand on l'a intercepté. L'agent L'Heureux s'est dirigé du côté conducteur et il a engagé la conversation avec Sandra Murphy qui conduisait le véhicule. Elle et une autre femme occupant le véhicule ont été fouillées plus tard au poste de police après avoir été informées de leur droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. L'agent Birs s'est dirigé du côté passager vers l'appelant qui était déjà sorti du véhicule. L'agent s'est identifié et a demandé son nom à l'appelant qui le lui a donné. L'agent Birs a dit plus tard, dans sa déposition, qu'il ne savait pas si l'appelant se trouvait dans le véhicule quand il l'a intercepté. L'agent a demandé à l'appelant s'il avait des drogues sur lui et l'appelant lui a répondu que non. Birs a répété la même question et il a reçu la même réponse. Birs a alors dit à l'appelant qu'il avait des motifs raisonnables et probables de croire que l'appelant avait des amphétamines sur lui et il l'a fouillé. L'appelant a reçu l'ordre de se mettre face au mur d'un édifice voisin, bras et jambes écartés, et de vider ses poches. L'appelant lui a remis une liasse de dollars. L'agent Birs a trouvé, dans les poches de l'appelant, un étui à lunettes qui contenait un sac de plastique transparent contenant environ une once d'amphétamines. L'agent a alors mis l'appelant en état d'arrestation et l'a avisé de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat conformément à la Charte. Pendant que Birs le faisait monter dans la voiture, l'appelant lui a déclaré, apparemment de manière spontanée, qu'il avait deux seringues cachées dans sa chaussette et les lui a remises.

La fouille subséquente du véhicule n'a pas fourni d'autre élément de preuve. L'exécution d'un mandat de perquisition délivré à l'égard de la maison de Carpenter n'a rien donné non plus.

2. Les questions en litige

L'appelant soulève les questions suivantes dans son pourvoi:

1) La fouille de l'appelant était‑elle contraire à l'art. 8 de la Charte?

2) Les policiers ont‑ils violé le droit à l'assistance d'un avocat, garanti à l'appelant par l'al. 10b) de la Charte?

3) Si les droits garantis à l'appelant par la Charte ont été violés, les éléments de preuve obtenus par la fouille sont‑ils recevables en vertu du par. 24(2) de la Charte?

4) La fouille de l'appelant était‑elle accessoire à une arrestation légale?

Voici les dispositions pertinentes de la Charte:

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention:

. . .

b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit;

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

3. Les juridictions inférieures

La Cour de district de l'Ontario (le juge Clements, jugement inédit)

Le juge du procès a conclu que la fouille de l'accusé n'était pas accessoire à une arrestation puisque la fouille avait précédé l'arrestation et que l'un des agents, l'agent L'Heureux, a déposé qu'il ne devait pas y avoir d'arrestation si on ne trouvait pas de drogue.

Le juge du procès s'est ensuite demandé si l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues autorisait cette fouille. Il a mentionné l'arrêt de notre Cour Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, et a signalé que le juge Dickson (maintenant Juge en chef) y souligne que pour qu'une fouille ne soit pas abusive il faut des motifs raisonnables et probables et non un simple soupçon. Le juge du procès a conclu que, dans ce cas, la fouille avait été arbitraire et qu'elle n'était pas fondée sur des motifs raisonnables et probables. Il dit ceci:

[TRADUCTION] En bref, il était évident, d'après la déposition de l'agent L'Heureux, que le véhicule où se trouvait l'accusé allait être arrêté et fouillé. C'était tout. C'était la seule chose à faire après l'interception du véhicule. Tous les occupants du véhicule allaient être fouillés. Le véhicule allait être fouillé. Aucun des agents que j'ai entendus ne savait si l'accusé était dans ce véhicule.

Plus loin, il ajoute:

[TRADUCTION] Les policiers n'ont pas reçu l'ordre de procéder à une arrestation, mais simplement de procéder à une fouille. Cette fouille a eu lieu dans un endroit public. Il s'agit de déterminer si la fouille était abusive. La façon de mener l'enquête était certainement raisonnable; la surveillance exercée par les agents était certainement raisonnable. Mais sachant ce qui pouvait se produire et ce qui s'était effectivement produit jusqu'alors, les agents ont, à mon avis, outrepassé leurs fonctions en interceptant le véhicule et en fouillant l'accusé. Ils n'ont pas exercé leur jugement personnel pour déterminer si ce qu'ils allaient faire était arbitraire ou non parce que leurs instructions, d'après l'agent L'Heureux, étaient très claires.

Le juge Clements a conclu que la fouille effectuée par l'agent Birs avait été abusive pour les motifs suivants. Le livreur qui devait apporter les drogues à Wallaceburg n'avait jamais été repéré et aucune preuve n'indiquait que les drogues étaient arrivées. Les agents n'ont pas identifié l'accusé comme étant parmi les personnes qui sont entrées dans la maison, ou parmi les occupants du véhicule avant que les agents Birs et L'Heureux reçoivent l'ordre d'intercepter le véhicule, mais il était certain que l'accusé était le propriétaire du véhicule. Les agents ont reçu l'instruction de fouiller le véhicule et ses occupants; ils n'ont pas décidé eux‑mêmes s'ils devaient ou non procéder à la fouille ni qui ils devaient fouiller. L'identité de ceux qui occupaient le véhicule ou ce qu'ils ont dit importait peu pour cette décision. En ce sens, la conduite des agents de police était arbitraire. Le juge Clements dit encore:

[TRADUCTION] Malgré cela l'agent Birs a dit qu'il avait des motifs raisonnables et probables de procéder à la fouille; à mon avis, il n'en avait pas, sauf pour des motifs de pure spéculation ou de pur espoir. Les policiers ont pris les devants. Ils auraient dû continuer leur surveillance. On ne saurait dire que cette fouille était raisonnable. En réalité, on peut dire que, même si les policiers ne cherchaient pas à rendre à l'accusé la monnaie de sa pièce, leur conduite était arbitraire.

Après avoir conclu que la fouille violait l'art. 8 de la Charte, le juge du procès s'est demandé si, en application du par. 24(2), il fallait écarter les éléments de preuve obtenus grâce à cette fouille. Il a déclaré qu'il incombait au ministère public de prouver que l'utilisation des éléments de preuve n'était pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Il a conclu que la fouille était [TRADUCTION] "assez arbitraire" et "assez contraire à l'avis exprimé par le juge Dickson dans l'arrêt Southam" pour justifier l'exclusion des éléments de preuve:

[TRADUCTION] En l'espèce, la surveillance a été établie parce que l'agent Gutteridge qui était demeuré à Chatham pour une autre enquête estimait que les renseignements reçus étaient fiables. Apparemment le motif de la surveillance avait été communiqué au sergent Briscoe qui avait informé certains agents, mais qui n'a pas témoigné. D'après mes souvenirs, l'agent L'Heureux n'avait pas consigné la nature des informations dans ses notes. Je me souviens que l'agent Birs ne savait pas de quelle quantité de speed il s'agissait. La transmission des renseignements était plutôt nébuleuse. Dans leurs dépositions, les agents étaient hésitants. Ils procédaient à une surveillance et, à vrai dire, les agents qui ont arrêté l'accusé ont accompli un acte administratif. La décision avait été prise à un échelon supérieur, en apparence par le sergent Briscoe, qui n'a pas témoigné. D'après la preuve que j'ai entendue, il n'y avait pas de motif raisonnable d'ordonner la fouille si ce n'est qu'on avait vu le véhicule de l'appelant chez Carpenter sans savoir si l'accusé s'y trouvait.

Le juge Clements n'a pas tenu compte de la conduite antérieure ni de la réputation de l'accusé comme facteur pouvant avoir une incidence sur le caractère raisonnable de la fouille, au regard de l'art. 8, ou sur l'effet de l'exclusion des éléments de preuve sur l'image de l'administration de la justice, au regard du par. 24(2).

La Cour d'appel de l'Ontario ((1986), 30 C.C.C. (3d) 207)

La Cour d'appel de l'Ontario (les juges Martin, Goodman et Krever) a accueilli à l'unanimité l'appel interjeté par le ministère public et ordonné un nouveau procès. Le juge Martin, qui a rédigé les motifs de la Cour, a d'abord examiné quels éléments de preuve sont nécessaires pour justifier une fouille sans mandat à la recherche de drogues contrôlées en vertu de l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues. Il a tenu pour acquis que les motifs raisonnables de croire, dont parle l'art. 37, correspondent à une norme de "probabilité raisonnable" ou de "cause probable" plutôt que la "preuve hors de tout doute raisonnable" ou de la "preuve prima facie". Selon son appréciation de la preuve, le juge Martin a conclu que l'agent Birs avait des motifs raisonnables de croire que l'accusé était en possession d'une drogue prohibée. À la p. 219, il analyse les éléments de preuve sur ce point:

[TRADUCTION] Les renseignements fournis par l'informateur à l'agent Gutteridge comportaient autre chose que la simple conclusion que l'intimé avait une activité criminelle en matière de drogues. L'informateur a plutôt révélé les circonstances principales du marché de drogues à venir, notamment l'endroit où il devait se produire. L'informateur a dit à Gutteridge que l'intimé se rendrait chez Carpenter pour réaliser sa part du marché de drogues. L'enquête de la police a permis de constater que la voiture de l'intimé était arrivée chez Carpenter et qu'au moins un de ses occupants était entré dans la maison. Deux hommes et deux femmes sont sortis de la maison peu de temps après, sont montés dans la voiture de l'intimé et ont quitté les lieux dans la voiture. De plus, l'informateur avait déjà établi sa crédibilité par les renseignements qu'il avait fournis auparavant à la police.

[. . .]

De plus, le sergent Briscoe a indiqué à l'agent Birs que le Ford Bronco appartenant à DeBot, immatriculé KP 7409, quittait la maison de Carpenter.

Citant l'arrêt de notre Cour Eccles c. Bourque, [1975] 2 R.C.S. 739, le juge Martin a souligné que les renseignements communiqués à l'agent Birs pouvaient constituer une cause probable même s'il s'agissait de ouï‑dire de la part d'un autre agent. Le juge Martin a aussi conclu, à la p. 220, que le fait d'avoir la réputation de consommateur et de trafiquant de drogues [TRADUCTION] "peut être un facteur pertinent dans l'ensemble des circonstances qui amènent quelqu'un à croire de bonne foi qu'un suspect a une drogue prohibée sur lui", même si cette réputation ne constitue pas en elle‑même un motif raisonnable. La règle de principe qui fait écarter ces éléments de preuve au procès ne s'applique pas, selon lui, pour déterminer ce qui constitue des motifs raisonnables de procéder à une arrestation ou à une fouille.

Le juge Martin a aussi conclu que même si l'agent Birs n'avait personnellement aucun renseignement établissant un motif raisonnable de procéder à la fouille, il pouvait s'en remettre aux ordres d'un officier supérieur pour contredire l'allégation d'acte arbitraire pour autant que l'officier supérieur avait des motifs raisonnables de croire que le suspect avait une drogue prohibée en sa possession. Il ne serait ni réaliste ni pratique, dit le juge Martin, d'exiger qu'un agent de police obtienne de son supérieur tous les renseignements qui justifient d'ordonner la fouille d'une personne soupçonnée d'un acte criminel, surtout quand le suspect s'apprête à prendre la fuite.

Le juge Martin a aussi statué qu'une automobile est un "endroit" au sens de l'al. 37(1)a) de la Loi sur les aliments et drogues et que l'accusé a été "trouvé" dans la voiture au sens de l'al. 37(1)b), même s'il était sorti de la voiture quand l'agent Birs l'a intercepté. Citant l'arrêt antérieur de la Cour d'appel R. v. Rao (1984), 12 C.C.C. (3d) 97, à la p. 125, (autorisation de pourvoi à la Cour suprême refusée [1984] 2 R.C.S. ix), le juge Martin dit, à la p. 222, que [TRADUCTION] "la perquisition faite sans mandat d'un véhicule, d'un navire ou d'un aéronef, qui peuvent s'éloigner rapidement, peut être raisonnable s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'ils contiennent un stupéfiant".

Le juge Martin n'était pas d'accord non plus avec la conclusion du juge du procès selon laquelle la fouille n'était pas accessoire à une arrestation valide parce que la fouille avait précédé l'arrestation et parce que l'agent a dit qu'en réalité il n'aurait pas arrêté l'accusé si la fouille n'avait pas permis de trouver une drogue prohibée. Le juge Martin a rejeté l'argument qu'il s'agissait d'une conclusion de fait du juge du procès. À son avis, la question de savoir si une fouille est accessoire à une arrestation est une question de droit. Dès lors que l'agent de police a une cause probable justifiant l'arrestation du suspect, le fait qu'il remette sa décision jusqu'après la fouille n'entraîne pas la nullité de celle‑ci. Il en est ainsi parce que le motif raisonnable de croire qu'un suspect a commis l'infraction d'avoir une drogue prohibée en sa possession peut se révéler erroné. Par ailleurs, l'agent de police peut encore avoir des motifs raisonnables de procéder à l'arrestation, mais conclure qu'il aurait peu de chances d'obtenir une déclaration de culpabilité sans obtenir cette preuve. Dans ces circonstances, l'arrestation serait inutile.

Le juge du procès n'a pas examiné l'argument fondé sur l'al. 10b) puisqu'il a acquitté l'accusé en se fondant sur l'art. 8. La Cour d'appel a statué que l'accusé avait été "détenu" par la police quand le véhicule avait été intercepté et [TRADUCTION] "quand il avait reçu l'ordre de se placer face au mur et d'y poser les mains et qu'il s'était soumis à la fouille". Il avait été avisé de son droit à l'assistance d'un avocat dès son arrestation, mais la question était de savoir s'il avait droit à l'assistance d'un avocat avant la fouille. Sur cette question, le juge Martin a suivi la règle formulée par le juge Morden dans l'arrêt R. v. Kelly (1985), 17 C.C.C. (3d) 419 que le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat "sans délai" ne signifiait pas "immédiatement". Le juge Morden avait souligné de plus que le droit garanti en vertu de l'al. 10b) était celui [TRADUCTION] "de ne pas compromettre sa situation juridique en disant ou en faisant quelque chose sans avoir, au minimum, l'avantage d'un avis juridique". Le juge Martin a conclu que la fouille effectuée sur place n'avait pas compromis le droit garanti à l'accusé en vertu de l'al. 10b) de la Charte. Non seulement serait‑il dangereux de retarder la fouille jusqu'à ce qu'un suspect puisse consulter un avocat (par exemple si le suspect porte une arme), mais retarder la fouille jusqu'à l'arrivée d'un avocat, quand on recherche des drogues, obligerait les policiers à maintenir le suspect sous garde constante et sous surveillance étroite dans l'intervalle. Le juge Martin dit, à la p. 228:

[TRADUCTION] Ce serait nécessaire pour s'assurer qu'il ou elle ne se débarrasse pas de quelque drogue prohibée. Cette méthode ne pourrait rien apporter à l'intimé et pourrait être beaucoup plus envahissante qu'une fouille sur place comme celle qui a été pratiquée en l'espèce. Si elle n'avait pas permis de constater qu'il avait une drogue en sa possession, la fouille sur place aurait permis de relâcher DeBot immédiatement.

Le juge Martin a aussi suivi l'opinion formulée par la Cour d'appel du Manitoba dans l'arrêt R. v. Guberman (1985), 23 C.C.C. (3d) 406, qu'une fouille pratiquée par la police, à la recherche de preuves matérielles, se distingue du cas où un accusé est amené à s'incriminer lui‑même, par des paroles ou par un échantillon d'haleine comme dans l'arrêt R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613. Le juge Martin exprime son accord avec le passage suivant de l'arrêt R. v. Guberman, à la p. 229:

[TRADUCTION] La fouille entrait dans le cadre d'une enquête visant à découvrir des preuves matérielles. Aucune option n'était offerte à l'accusé de demander conseil à un avocat avant de se soumettre à la fouille. On ne lui demandait pas de fournir des éléments de preuve incriminants comme une déclaration ou un échantillon d'haleine. L'avis urgent dont il avait besoin avait trait à sa remise en liberté et au moyen de l'obtenir.

Sous ces derniers aspects, l'espèce diffère beaucoup des affaires d'alcootest comme l'arrêt R. c. Therens [. . .] Dans les affaires d'alcootest, l'accusé a la possibilité de décider de se soumettre au test ou non et il a droit à un avis sur les moyens à invoquer pour refuser et sur les conséquences d'un refus [. . .] Le droit garanti par la Charte d'avoir recours à l'assistance d'un avocat doit s'interpréter d'une manière compatible avec son objet, c'est‑à‑dire permettre à un accusé d'obtenir des conseils sur ses droits dans la situation où il se trouve et l'assistance voulue pour exercer ces droits. Ce droit ne s'applique pas aux cas comme la fouille à la recherche de stupéfiants à laquelle l'accusé est obligé de se soumettre et que tous les avis et toute l'assistance possibles ne peuvent écarter. [Je souligne.]

Le juge Martin conclut, à la p. 229, que l'al. 10b) de la Charte ne vise pas l'exercice du droit à l'assistance d'un avocat [TRADUCTION] "avant une fouille légale sur place, accessoire à une arrestation légale".

Vu sa conclusion au sujet de l'art. 8 et de l'al. 10b), le juge Martin a abordé très brièvement l'exclusion des éléments de preuve en application du par. 24(2). Il a corrigé la conclusion du juge quant au fardeau de la preuve en disant qu' [TRADUCTION] "il incombe à celui qui cherche à obtenir l'exclusion des éléments de preuve d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que leur utilisation risquerait de déconsidérer l'administration de la justice". Il a alors statué que, si les droits de l'accusé garantis par la Charte avaient été violés, cette violation n'exigeait pas l'exclusion des éléments de preuve.

4. Analyse

Dans l'arrêt R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, le juge Lamer a affirmé, à la p. 278, qu'une fouille est raisonnable "si elle est autorisée par la loi, si la loi elle même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive".

L'article 37 de la Loi des aliments et drogues autorise expressément une fouille sans mandat à la recherche de drogues contrôlées. L'appelant ne conteste pas la norme législative du motif raisonnable de croire énoncée dans cette disposition. Il soutient plutôt que la police n'a pas respecté cette norme en l'espèce et qu'en conséquence la fouille était abusive au sens de l'art. 8. Le ministère public intimé n'a pas soutenu que l'art. 37, par inférence nécessaire ou par les exigences de son application, était incompatible avec les droits garantis par l'art. 8 ou l'al. 10b) et qu'il constituait donc, à l'égard de ces droits, une restriction prescrite par une règle de droit au sens de l'article premier. En conséquence, notre Cour doit agir selon le principe que l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues est compatible avec l'art. 8 et l'al. 10b) de la Charte. Les questions que soulève l'art. 37 sont de savoir si l'agent de police avait des "motifs raisonnables de croire" que l'appelant avait une drogue contrôlée en sa possession et si la fouille avait été exécutée d'une manière qui n'était pas abusive. Pour faciliter l'analyse de l'effet d'une violation de l'al. 10b) sur le caractère raisonnable, je propose de commencer par traiter de la question du droit à l'assistance d'un avocat.

Le droit à l'assistance d'un avocat

Dans l'arrêt R. c. Therens, le juge Le Dain donne une définition du mot "détention" pour les fins de l'al. 10b), que notre Cour a retenue. Aux pages 641 et 642 de ses motifs, le juge Le Dain écrit:

Pour déterminer le sens à donner au terme «détention» employé à l'art. 10 de la Charte, il est nécessaire d'examiner l'objet de cet article. C'est cette façon d'aborder l'interprétation et l'application de la Charte qui a reçu l'approbation de cette Cour dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc. . . .

L'article 10 de la Charte vise à assurer que, dans certaines situations, une personne soit informée de son droit à l'assistance d'un avocat et qu'elle puisse obtenir cette assistance sans délai. Il est évident que les cas (l'arrestation et la détention) mentionnés expressément à l'art. 10 ne sont pas les seuls où une personne peut avoir raisonnablement besoin de l'assistance d'un avocat, mais qu'il s'agit de situations où l'entrave à la liberté pourrait, par ailleurs, avoir pour effet de rendre impossible l'accès à un avocat ou d'amener une personne à conclure qu'elle n'est pas en mesure d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. En utilisant le mot «détention», l'art. 10 de la Charte vise une entrave à la liberté autre qu'une arrestation par suite de laquelle une personne peut raisonnablement avoir besoin de l'assistance d'un avocat, mais pourrait, en l'absence de cette garantie constitutionnelle, être empêchée d'y avoir recours sans délai.

Outre le cas où il y a privation de liberté par contrainte physique, j'estime qu'il y a détention au sens de l'art. 10 de la Charte lorsqu'un policier ou un autre agent de l'État restreint la liberté d'action d'une personne au moyen d'une sommation ou d'un ordre qui peut entraîner des conséquences sérieuses sur le plan juridique et qui a pour effet d'empêcher l'accès à un avocat. [Je souligne.]

Il ressort clairement de l'arrêt R. c. Therens et d'autres arrêts subséquents de notre Cour que lorsqu'un agent intercepte une voiture et ordonne à l'un des ses occupants de se placer face au mur, bras et jambes écartés, il "détient" cette personne au sens de l'art. 10: R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495; R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548; R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980. Puisque les agents qui ont procédé à l'arrestation avaient reçu l'instruction, à l'avance, d'intercepter et de fouiller la voiture et ses occupants, je conclus que l'appelant a été détenu depuis le moment où l'agent Birs l'a interpellé.

Certains arrêts antérieurs de notre Cour qui ont conclu à la violation de l'al. 10b) ont traité du rôle que l'avocat aurait pu jouer si l'accusé avait été informé de son droit à l'assistance d'un avocat sans délai. Dans les arrêts R. c. Simmons et R. c. Jacoy, les accusés avaient été fouillés par des agents des douanes sans être avisés de leur droit de demander à un magistrat, à un juge de paix ou à un agent supérieur des douanes un deuxième avis sur le caractère raisonnable. Toutefois il ressort clairement des motifs que le Juge en chef a rédigés au nom de la majorité dans ces arrêts, que la possibilité pour un avocat d'aviser les accusés du choix que leur offrait l'art. 144 de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C‑40, n'était qu'un parmi plusieurs motifs de conclure que leur droit à l'assistance d'un avocat avait été violé. Dans l'arrêt R. c. Simmons, le Juge en chef dit ceci, aux pp. 530 et 531:

Ce qui est clair c'est que l'appelante n'était pas sûre des pouvoirs des agents. Bien qu'elle se soit rendue en tout temps à leurs sommations, à un moment donné au cours de la fouille elle a demandé si elle était vraiment tenue d'obtempérer.

Il ressort nettement de ce qui précède que le droit à l'assistance d'un avocat a un effet important sur l'exécution d'une fouille. Si l'appelante avait été informée de son droit à l'assistance d'un avocat au moment où elle était détenue, et si elle avait exercé ce droit, elle aurait alors bénéficié des conseils d'un avocat. Ce dernier aurait pu dissiper l'incertitude dans laquelle était plongée l'appelante quant à la procédure de fouille, en lui expliquant le contenu des art. 143 et 144 et en lui certifiant que les agents des douanes avaient le droit d'exiger qu'elle enlève ses vêtements. L'avocat aurait pu également s'assurer que l'on avait satisfait à la norme des motifs raisonnables de supposer fixée par la Loi et certifier à l'appelante qu'il existait des motifs légitimes de procéder à une fouille. [Je souligne.]

Dans ce passage de ses motifs, le Juge en chef souligne l'avantage essentiel de connaître ses droits et obligations et la valeur, pour l'accusé, de pouvoir bénéficier de conseils afin de dissiper son incertitude et l'assurer que les agents ont le droit d'exiger ce qu'ils demandent. Le rôle de l'avocat ne se borne donc pas à conseiller un suspect quant aux possibilités qui s'offrent à lui, s'il en est. Il va plus loin.

Un bon exemple de cette perspective plus large est fourni dans l'arrêt R. c. Strachan: les agents avaient exécuté un mandat de perquisition valide à l'égard de l'habitation de l'accusé, mais ne lui avaient pas permis de communiquer avec son avocat avant d'avoir procédé à la perquisition et de l'avoir amené au poste de police. La Cour, à la majorité, a jugé que le droit de l'accusé à l'assistance d'un avocat avait été violé depuis l'instant où les policiers avaient trouvé les armes à utilisation restreinte et déterminé qui étaient les inconnus dans le logement. Tout en souscrivant à l'avis de la majorité quant au résultat, j'estimais que la violation de l'al. 10b) avait commencé dès le moment où l'accusé avait été arrêté et empêché de communiquer avec son avocat. Le point à retenir cependant est que la Cour n'a pas estimé que la réponse à la question de savoir si l'avocat aurait pu empêcher la perquisition était déterminante quant à la question de savoir si le droit de l'accusé à l'assistance d'un avocat avait été violé ou non. En effet, la Cour a conclu à l'unanimité, dans l'arrêt R. c. Strachan, que la délivrance du mandat de perquisition était valide et que la police avait le droit de perquisitionner l'appartement. Elle a quand même conclu que le droit à l'assistance d'un avocat avait été violé. En conséquence, d'après moi, le fait que, de toute façon, l'avocat n'aurait pas pu empêcher la fouille ne permet pas de réfuter une allégation de violation de l'al. 10b).

En somme, rien dans l'analyse que notre Cour fait de l'al. 10b) ne permet de définir la détention en fonction d'une évaluation de l'utilité qu'aurait pu avoir l'avocat pour empêcher la découverte de preuves matérielles. Tout argument portant que l'appelant n'avait pas "raisonnablement besoin de l'assistance d'un avocat" (arrêt R. c. Therens) parce que, de toute façon, l'avocat n'aurait pas pu empêcher la fouille, doit donc être rejeté.

L'alinéa 10b) oblige aussi les agents de police à informer le détenu de ses droits à l'assistance d'un avocat, "sans délai". Comme je l'ai déjà dit dans d'autres arrêts, l'expression "sans délai" ne permet pas de restriction intrinsèque: R. c. Strachan; R. c. Simmons; R. c. Jacoy. Comme je l'ai souligné dans les arrêts R. c. Jacoy et R. c. Strachan, l'expression ne signifie ni "dès que possible", ni "jusqu'à ce que les agents `aient la situation bien en main'" ni même "sans délai excessif". J'ajouterais maintenant que "sans délai" ne signifie pas non plus "après que les agents ont eu l'occasion de fouiller le suspect". Dans l'arrêt R. c. Strachan, j'ai exprimé l'avis, à la p. 1013, qu'il peut y avoir "des circonstances où les policiers, en vue d'assurer leur propre sécurité, doivent agir dans le feu de l'action pour maîtriser le suspect et où ils peuvent être excusés de ne pas s'être arrêtés pour informer ce dernier de ses droits et lui permettre de les exercer . . ." Voir également l'arrêt R. c. Manninen, [1987] 1 R.C.S. 1233. À mon avis, le temps pris par les agents pour assurer leur protection n'est pas une sorte de "délai" qu'il faut justifier dans le cadre de l'al. 10b). Les agents de police ne retardent pas délibérément d'informer le suspect des droits que lui confère l'al. 10b) lorsqu'ils pourraient le faire. On n'exige pas d'eux qu'ils le fassent au risque de leur vie ou de leur sécurité. Cependant, il n'a pas été indiqué en l'espèce que les agents n'ont pas informé l'appelant de son droit à l'assistance d'un avocat dès sa détention, en raison d'un danger imminent. L'appelant n'était ni violent ni récalcitrant et apparemment les policiers ne pensaient pas qu'il était armé.

La Cour d'appel de l'Ontario a jugé que procéder à une fouille à la recherche de drogues avant d'aviser la personne détenue de son droit à l'assistance d'un avocat équivalait à procéder à une fouille à la recherche d'armes avant d'aviser un suspect de son droit à l'assistance d'un avocat. Avec égards, je crois que l'analogie est faible. Dans le second cas, les policiers ont un motif légitime, celui de leur sécurité et de leur protection. Dans le premier cas, le délai tient à ce que les policiers veulent conserver des éléments de preuve incriminants quand ils craignent que le suspect les détruise ou les cache. Je ne vois pas d'analogie entre ces deux raisons de ne pas informer une personne de ses droits dès sa détention. Il va de soi que les policiers ont le droit de prendre les mesures qu'ils jugent nécessaires pour empêcher un prévenu de détruire des éléments de preuve incriminants, mais ces mesures ne peuvent comporter la violation de droits garantis au suspect par la Charte.

Le juge Martin, à bon droit, a fait remarquer qu'il est facile de se débarrasser de drogues et que, si le droit à l'assistance d'un avocat doit être exercé avant une fouille à la recherche de drogues, les policiers peuvent devoir tenir le suspect qui veut exercer ses droits en vertu de l'al. 10b) "sous garde constante et sous surveillance étroite" jusqu'à ce qu'il communique avec un avocat. Je reconnais que cette pratique peut rendre plus difficile la tâche de la police et, en fin de compte, être plus gênante pour le suspect qu'une fouille sur place. Néanmoins ni les policiers ni la Cour d'ailleurs ne peuvent priver l'appelant d'un droit garanti en vertu de l'al. 10b); seul l'appelant lui‑même peut y renoncer.

S'il doit y avoir des limites au droit à l'assistance d'un avocat autres que les limites qu'impose la sécurité des policiers, c'est‑à‑dire des restrictions à apporter au sens des mots "sans délai" à l'al. 10b), elles doivent, à mon avis, être conformes à l'article premier de la Charte. Comme je l'ai déjà signalé, le ministère public intimé ne soutient pas que le libellé de l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues ou ses conditions d'application impliquent nécessairement une limite au droit à l'assistance d'un avocat: R. c. Therens (le juge Le Dain). Par conséquent, il n'est ni possible ni nécessaire que notre Cour décide en l'espèce si une fouille sur place à la recherche de drogues, avant d'aviser le suspect de son droit à l'assistance d'un avocat, constitue une limite raisonnable à l'al. 10b) prescrite "par une règle de droit" dont la justification peut se démontrer en vertu de l'article premier. Je conclus donc que l'appelant a été détenu et n'a pas été avisé sans délai de son droit à l'assistance d'un avocat, en contravention du texte explicite de l'al. 10b) de la Charte.

La fouille abusive

Comme je l'ai déjà mentionné, l'appelant ne conteste pas la constitutionnalité de l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues. Il soutient plutôt que la fouille a été exécutée de façon abusive parce que les policiers n'avaient pas de "motif raisonnable de croire" que l'appelant avait en sa possession une drogue contrôlée quand ils ont décidé de le fouiller. L'examen que le juge de première instance a fait de la preuve l'a amené à conclure qu'il n'existait pas de motif raisonnable justifiant la fouille. L'examen fait par le juge Martin a amené la Cour d'appel à la conclusion opposée.

Il est possible de trancher rapidement la question de la norme de preuve applicable pour déterminer s'il existe des motifs raisonnables justifiant la fouille. Je suis de l'avis du juge Martin que la norme de preuve applicable est la "probabilité raisonnable" plutôt que "la preuve hors de tout doute raisonnable" ou "la preuve prima facie". L'expression "croyance raisonnable" correspond également assez bien à la norme applicable.

Les faits de l'espèce posent aussi la question préliminaire de savoir qui précisément dans la police, le cas échéant, avait des motifs raisonnables justifiant la fouille. Le juge Martin a conclu que l'agent Birs, celui qui a lui‑même procédé à la fouille, avait des motifs raisonnables fondés sur les trois éléments de preuve suivants: (1) l'agent Gutteridge avait rapporté à l'agent Birs les renseignements obtenus de l'informateur; (2) l'agent Birs avait reçu la communication radio du sergent Briscoe signalant que le véhicule immatriculé KP 7409 venait de quitter la maison de Carpenter; et (3) l'agent Birs savait que l'appelant avait la réputation d'être un utilisateur et un trafiquant de drogues.

À la page 221, la Cour d'appel affirme que l'agent Birs aurait pu s'en remettre aux ordres de son supérieur, le sergent Briscoe, pour intercepter et fouiller l'appelant. À mon avis, l'agent Birs devait obligatoirement s'en remettre aux ordres du sergent Briscoe. Puisque c'est le sergent Briscoe et non l'agent Birs qui a pris la décision d'intercepter et de fouiller l'appelant, ce que l'agent Birs savait au moment d'exécuter l'ordre du sergent Briscoe n'est pas pertinent, selon moi. L'agent Birs ne faisait qu'exécuter les ordres, il n'avait pas de décision à prendre qui pouvait dépendre de ce qu'il savait ou croyait. La situation aurait été la même s'il n'avait rien su de l'affaire et s'il s'était simplement trouvé de service dans le secteur au moment propice.

L'agent de police qui doit avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'un suspect a une drogue contrôlée en sa possession est celui qui décide que le suspect doit être fouillé. L'agent peut procéder à la fouille lui‑même ou non. Si un autre agent procède à la fouille, cet autre agent est en droit de supposer que celui qui l'a ordonnée avait des motifs raisonnables et probables de le faire. Naturellement, cela ne prouve pas qu'il existait des motifs raisonnables, mais cela montre clairement que la question pertinente est de savoir si le sergent Briscoe, et non l'agent Birs, avait des motifs raisonnables et probables. Malheureusement, et c'est inexplicable, le sergent Briscoe n'a pas témoigné au procès de l'appelant. Le dossier fait seulement état de ce que lui ont dit ceux qui ont témoigné. Nous sommes dans la situation déplaisante de devoir reconstituer les motifs sur lesquels le sergent Briscoe a fondé sa décision, à partir des témoignages de ceux qui lui ont donné les renseignements pertinents.

Il appert que le seul élément de preuve fourni par le sergent Briscoe lui‑même est le fait que le numéro de plaque minéralogique du Ford Bronco stationné devant chez Carpenter correspondait à celui d'un véhicule immatriculé au nom de l'appelant. Les autres éléments de preuve provenaient d'autres agents. Les renseignements fournis par l'informateur ont été communiqués au sergent Briscoe par l'agent Gutteridge et la description du va‑et‑vient devant le domicile de Carpenter a été communiqué grâce à la radio de la police par l'agent MacLaughlin au sergent Briscoe. Puisque le sergent Briscoe n'a pas témoigné, on ne peut non plus présumer en quoi consistait sa connaissance directe de la réputation de l'appelant.

Dans l'arrêt de notre Cour Eccles c. Bourque, qui date d'avant la Charte, le juge Dickson (maintenant Juge en chef) a statué que des preuves par ouï‑dire rapportées par un agent à un autre peuvent servir à établir des motifs probables de croire. Notre Cour a appliqué le même principe plus récemment dans un arrêt relatif à la Charte, R. c. Collins. En l'espèce, pour le sergent Briscoe, le renseignement fourni par l'informateur constituait du ouï‑dire. Si le sergent Briscoe pouvait présumer que le compte rendu de la conversation entre l'agent Gutteridge et l'informateur était exact, la valeur de cette preuve pour établir un motif raisonnable et probable dépend aussi de la fiabilité de l'informateur, que le sergent Briscoe ait ou non personnellement su quelque chose au sujet de cet informateur.

À mon avis, il faut répondre à trois questions au moins pour évaluer les éléments de preuve qui ont amené les policiers à décider de procéder à une fouille sans mandat. Premièrement, les renseignements permettant de prévoir la perpétration d'une infraction criminelle étaient‑ils convaincants? Deuxièmement puisque ces renseignements reposaient sur un tuyau provenant d'une source extérieure à la police, cette source était‑elle fiable? Enfin, l'enquête de la police confirmait‑elle ces renseignements avant que les policiers décident de procéder à la fouille? Je n'affirme pas que chacune de ces questions constitue un critère distinct. Je me range plutôt à l'avis du juge Martin d'après lequel [TRADUCTION] "l'ensemble des circonstances" doit satisfaire au critère du caractère raisonnable. La valeur des renseignements sous deux aspects peut, dans une certaine mesure, compenser leur faiblesse sous le troisième.

Quant au premier, les policiers se sont fondés sur les données suivantes pour décider d'enquêter sur les activités de l'appelant: (1) l'agent Gutteridge avait été informé de la possibilité qu'un marché de drogues soit conclu par Carpenter, List et l'appelant, chez Carpenter, dans la soirée du 26 février 1985; (2) l'informateur prétendait tenir ces renseignements directement de l'une des parties au marché; (3) l'appelant avait déjà été déclaré coupable d'une infraction, quoique mineure, reliée à de la drogue; (4) les deux autres parties au marché avaient déjà été déclarées coupables d'infractions relatives à des stupéfiants; (5) les trois avaient la réputation d'être des utilisateurs et des trafiquants de drogues.

Je conclus que les renseignements communiqués à l'agent Gutteridge étaient assez précis pour justifier l'intérêt de la police. L'informateur avait fourni le nom des parties au marché et celui du livreur, mentionné le lieu de l'opération et précisé le moment du jour où elle devait avoir lieu. Il avait aussi fourni la source de ses renseignements, c'est‑à‑dire une conversation avec l'un des participants. Les renseignements ne se limitaient pas à de pures conclusions non étayées ou à [TRADUCTION] "de simples rumeurs ou racontars" selon l'expression du juge Martin, à la p. 219.

Le poids des antécédents de l'appelant et de sa réputation de même que les antécédents des autres participants pose un problème plus difficile. Il est indubitable que la réputation à elle seule ne peut jamais justifier une fouille. Cependant, l'appelant s'oppose tout à fait à ce qu'on tienne compte de la réputation. Il invoque l'arrêt américain Spinelli v. United States, 393 U.S. 410 (1969), pour affirmer qu'il est contraire à l'ordre public d'utiliser la réputation pour donner du poids à des allégations qui, par ailleurs, ne suffiraient pas pour constituer des motifs raisonnables de procéder à une fouille.

Je suis sensible à l'argument de l'avocat de l'appelant que la réputation d'un suspect ne doit pas servir à étayer une preuve insuffisante par ailleurs pour justifier la fouille. En même temps, j'ai de la difficulté à accepter que les antécédents d'un suspect soient sans pertinence. Comme le souligne le juge Martin dans ses motifs de jugement, aux pp. 220 et 221:

[TRADUCTION] On exclut la preuve de mauvaise réputation ou d'agissements criminels antérieurs d'un accusé à son procès, non parce que cette preuve manque de valeur probante, mais par principe, parce que l'effet préjudiciable de cette preuve l'emporte sur sa valeur probante.

Ces raisons de principe ont certainement moins d'importance à l'étape de l'enquête alors que la liberté de la personne n'est pas immédiatement en cause. De plus, je crois qu'il est assez artificiel de présumer qu'un seul élément, que ce soit la réputation ou autre chose, transforme des motifs "insuffisants" en motifs suffisants. Ceci dit, j'ajouterai la mise en garde suivante sur le recours à la réputation comme justification d'une fouille raisonnable. D'abord, la réputation du suspect doit avoir un rapport avec le motif apparent de la fouille. Des antécédents d'infractions en matière de conduite automobile, par exemple, n'ont rien à voir avec le trafic de stupéfiants. En deuxième lieu, si la réputation du suspect repose sur du ouï‑dire plutôt que sur la connaissance du suspect par la police, on ne saurait présumer de sa véracité. En l'espèce, il appert que les policiers se sont fiés aussi bien à leur expérience directe qu'au ouï‑dire. Lors de l'incident qui a abouti à la déclaration de culpabilité de l'appelant pour possession de marijuana, l'agent Gutteridge avait exécuté le mandat de perquisition au domicile de l'appelant dans lequel il avait trouvé, selon sa déposition, [TRADUCTION] "de la marijuana [. . .] une petite quantité d'amphétamines, des balances, des listes de débiteurs, des pipes, du matériel d'emballage, des petits sacs de plastique et des choses du même genre". Il a aussi mentionné qu'il avait trouvé le nom de l'appelant dans une liste de numéros de téléphone d'une autre personne dont la résidence avait fait l'objet d'une perquisition avec mandat et où on avait trouvé des drogues. L'agent Gutteridge a aussi affirmé qu'il avait eu des renseignements d'"autres sources confidentielles" d'après lesquelles l'appelant utilisait des amphétamines et en faisait le trafic. Le dossier ne comporte aucune indication sur la fiabilité des informateurs de police quant à la réputation de l'appelant; pour ce motif, je suis portée à accorder plus de crédit aux observations directes de l'agent Gutteridge.

L'informateur dont la crédibilité est la plus déterminante est évidemment celui qui a fourni les renseignements sur le marché qui devait avoir lieu. Au procès, l'agent Gutteridge a mentionné que l'informateur n'avait pas reçu d'argent pour ses renseignements et qu'il ne faisait l'objet d'aucune accusation ni d'aucune enquête. L'agent a dit qu'il avait déjà reçu, du même informateur, des renseignements sur les activités de trafiquants dans la région de Wallaceburg, renseignements que la surveillance de la police avait permis de confirmer. Des renseignements de cet informateur avaient déjà déterminé l'exécution d'un mandat de perquisition dans un appartement où on avait trouvé des amphétamines (moins que prévu) et de la marijuana, en plus de balances et de listes de clients. De plus, l'agent Gutteridge a témoigné qu'il avait vu l'informateur et Carpenter ensemble à trois ou quatre occasions au moins, ce qui tend à confirmer la prétention de l'informateur qu'il tenait de Carpenter lui‑même les renseignements sur le marché à venir. Ces éléments de preuve tendent à justifier la décision de considérer l'informateur comme fiable. Il va de soi que d'autres considérations s'appliquent quand la police doit décider en fonction d'un renseignement anonyme ou fourni par un informateur qui n'a pas fait ses preuves. Dans ces circonstances, la qualité des renseignements et des preuves corroborantes doit être suffisante pour suppléer à l'impossibilité d'évaluer la crédibilité de la source des renseignements.

Quant aux éléments de preuve tirés de la surveillance policière, il appert que les policiers ont pu confirmer l'arrivée du véhicule de l'appelant à l'endroit où le marché devait avoir lieu (l'habitation de Carpenter) le soir prévu. Les policiers ont aussi observé ce qu'ils ont cru pouvoir être un marché de drogues entre un homme qui avait quitté la maison de Carpenter et une femme, dans un bar.

La principale faille dans le fond de preuve a été l'impossibilité pour la police de repérer celui qui devait livrer les drogues. Les policiers n'ont pas non plus réussi à trouver Gerry List, le troisième acteur du marché prévu, bien qu'on ait vu son véhicule dans la région de Wallaceburg (il semble qu'il habitait Chatham). L'avocat de l'appelant a aussi signalé l'absence d'un autre élément de preuve, c'est‑à‑dire l'absence d'identification de l'appelant parmi ceux qui sont entrés chez Carpenter et en sont repartis, bien qu'il soit acquis que le Ford Bronco qui y est venu et en est reparti lui appartenait.

Pour ce qui est de ce dernier point, je n'hésite pas à conclure que, dans les circonstances de l'espèce, les policiers étaient autorisés à penser que l'appelant occupait son propre véhicule quand celui‑ci a été intercepté. Par contre, j'attache peu d'importance au témoignage des agents Birs et L'Heureux pour ce qui a trait à la possibilité de conclusion d'un marché de drogues dans le bar. Leurs conclusions sont très hypothétiques et ont peu de valeur probante, surtout en raison du fait qu'aucune des parties au marché prétendument conclu n'a pu être identifiée comme étant le livreur et que ce marché ne faisait pas partie de la série d'événements prévus. De plus, rien dans les témoignage n'indique qu'ils ont fait part de leurs impressions au sergent Briscoe, de sorte qu'il est impossible de savoir si le sergent Briscoe en a tenu compte dans sa décision.

L'impossibilité pour la police de repérer le livreur est la faille la plus grave des éléments de corroboration dont disposaient les policiers. À mon avis, il n'est pas nécessaire que la police confirme tous les détails des renseignements fournis par l'informateur quand le déroulement des événements observés correspond assez bien à la séquence prévue pour écarter la possibilité d'une coïncidence fortuite. Comme je l'ai déjà signalé toutefois, le niveau de vérification peut être plus élevé quand les policiers agissent sur la foi de renseignements d'un informateur dont ils ne peuvent évaluer la crédibilité ou s'ils ont moins de détails et que le risque de coïncidence fortuite est plus grand. Compte tenu de la qualité des renseignements et de la fiabilité de l'informateur en l'espèce, je suis convaincue que la surveillance policière a produit suffisamment d'éléments de corroboration pour les justifier de croire qu'un marché de drogues venait de se produire. En dehors de toute considération de l'effet de la violation de l'al. 10b) sur le caractère raisonnable du déroulement de la fouille, je conclurais que les policiers avaient des motifs raisonnables et probables de procéder à la fouille de l'appelant en vertu du pouvoir que leur conférait l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues.

Compte tenu de cette conclusion, il est inutile de décider si la fouille pouvait se justifier comme une fouille accessoire à une arrestation valide.

L'interaction de l'al. 10b) et de l'art. 8

J'ai déjà dit, dans d'autres arrêts, que je doute qu'une fouille menée en contravention de la Charte puisse ne pas être une fouille abusive: R. c. Simmons; R. c. Jacoy; R. c. Strachan. Je me propose de préciser ma pensée sur ce que, dans l'arrêt R. c. Jacoy, j'ai appelé le renforcement mutuel du droit à l'assistance d'un avocat et de celui d'être protégé contre les fouilles abusives.

Je commencerai par affirmer qu'un monopole sur le recours à certains types de pouvoirs est une qualité intrinsèque attachée à un gouvernement légitime et à ses agents. Sous réserve de quelques exceptions, seul l'État peut détenir des personnes contre leur gré, pénétrer dans les habitations sans permission, soumettre des personnes par la force à une fouille et incarcérer des personnes. Il ne faut pas sous‑estimer la nature envahissante et coercitive de ces procédures. Les garanties juridiques de la Charte visent notamment à contenir les pouvoirs de coercition de l'État dans les limites de la justice et de l'équité pour la personne. Ce sont les recours les plus puissants que la personne puisse exercer contre les abus de pouvoir de l'État.

Cependant, on ne doit pas supposer que la personne en état de détention connaît parfaitement tous les droits que la Charte lui confère à l'instant déterminant. À défaut de connaître ses droits, une personne détenue peut ne pas les exercer ou, par ailleurs, tenter de résister à une arrestation parce que la personne croit, à tort, que la police agit de manière illégale. Il va de soi que les policiers sont mal placés pour donner un avis juridique sur la légalité de leur propres actes. Une personne doit pouvoir avoir recours à l'assistance d'un avocat pour obtenir ces renseignements essentiels. Il est significatif que le seul droit garanti par la Charte dont les policiers sont tenus d'informer une personne détenue ou en état d'arrestation est le droit à l'assistance d'un avocat. Dès que ce droit est exercé, il appartient à l'avocat de faire connaître à la personne ses autres droits et obligations dans les circonstances et de la conseiller. Ainsi le droit à l'assistance d'un avocat est, pour le suspect, la clef qui ouvre la porte à tous ses autres droits. J'ai dit, dans l'arrêt R. c. Jacoy, à la p. 563, que "Le droit à l'assistance d'un avocat est certainement, pour le citoyen, la principale garantie que ses autres droits seront respectés."

En l'espèce, la garantie juridique qui nous occupe est le droit d'être protégé contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives. À mon avis, pour déterminer si la négation du droit à l'assistance d'un avocat rend la fouille abusive, il faut tenir compte de deux facteurs: (1) la source du pouvoir juridique de procéder à la fouille, et (2) le caractère envahissant de la fouille.

Dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., notre Cour a examiné pour la première fois le sens de l'art. 8 de la Charte. Le juge en chef Dickson dit au nom de la Cour, à la p. 160, que l'art. 8 a pour but de "protéger les particuliers contre les intrusions injustifiées de l'État dans leur vie privée". À cette fin, le meilleur moyen de prévenir les fouilles abusives est, d'après cet arrêt, une autorisation préalable sous forme d'un mandat délivré par une personne "en mesure d'agir de façon judiciaire" qui peut évaluer les intérêts opposés de l'État et de la personne "d'une manière neutre et impartiale". Manifestement, il n'est pas toujours possible d'obtenir un mandat avant la fouille. Par conséquent, dans un nombre limité de situations, les policiers ont le droit de procéder à une fouille sans mandat quand ils remplissent les conditions établies en vertu des lois et de la Constitution. La fouille à la recherche de drogues contrôlées autorisée par l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues en est un exemple.

On ne peut cependant ne pas tenir compte du risque qu'il y a à permettre aux policiers de soupeser leur propre intérêt en regard de ceux de l'individu quand il leur faut décider de procéder à une fouille. Le droit à l'assistance d'un avocat est certainement plus important quand la décision des policiers de procéder à la fouille n'a pas été examinée par un arbitre indépendant. Dans cette situation, il y a plus de risques que les droits de l'individu à sa vie privée ne soient pas appréciés pleinement. En conséquence, l'omission d'informer la personne de son droit à l'assistance d'un avocat pèse plus lourd dans l'évaluation du caractère raisonnable d'une fouille sans mandat que dans le cas d'une fouille soumise à une autorisation préalable.

Le second facteur que j'ai mentionné parmi les facteurs pertinents est le caractère envahissant de la fouille. Toute fouille forcée entreprise par l'État est coercitive. Cependant, les fouilles portent plus ou moins atteinte à la vie privée des personnes. Par exemple, il est évident que la fouille d'une cavité corporelle est beaucoup plus envahissante que la fouille d'une automobile. Plus la fouille est envahissante, plus l'atteinte à la dignité de la personne est grande. Dans la mesure où un avocat peut rassurer et conseiller une personne exposée à une fouille très envahissante ou même prévenir une fouille injustifiée, sa présence peut réduire les conséquence de l'atteinte à l'intégrité physique ou psychologique de la personne.

En l'espèce, l'appelant a été soumis à une fouille par palpation sans mandat. Le fait que l'appelant ait été privé du droit que lui confère l'al. 10b) à l'assistance d'un avocat avant de subir une fouille sans mandat est un élément qui milite contre le caractère raisonnable de la fouille. Par contre, une fouille par palpation est probablement la manière la moins envahissante de fouiller une personne. On n'a pas soutenu en l'espèce que la fouille était accompagnée de mauvais traitements ou d'usage indu de force de la part des policiers.

À mon avis, les considérations que j'ai mentionnées sont très pertinentes dans l'évaluation, en vertu de l'art. 8 de la Charte, du caractère raisonnable d'une fouille, surtout parce qu'elles se rattachent à un autre droit distinct conféré par la Charte, le droit à l'assistance d'un avocat. Dans un tel cas, il faut tenir compte de l'interaction des deux dispositions. Comme je l'ai déjà dit, les deux dispositions "se renforcent mutuellement". Néanmoins, les deux facteurs que j'estime pertinents pour déterminer si la négation du droit à l'assistance d'un avocat rend une fouille abusive ont des effets contraires en l'espèce. Alors que la négation du droit conféré à l'appelant par l'al. 10b) va dans le sens de la fouille abusive, la faible intrusion dans la vie privée de l'appelant occasionnée par la fouille par palpation va dans le sens de la fouille raisonnable. Tout bien pesé, je conclus que la prise en compte de ces facteurs confirme mon impression première qu'en l'espèce, la fouille de l'appelant ne constitue pas une violation de l'art. 8 de la Charte.

Le paragraphe 24(2) de la Charte

Ayant conclu que le droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) à l'appelant a été violé, j'examinerai maintenant l'autre question soulevée par le présent pourvoi, celle de savoir si l'appelant peut satisfaire au fardeau qui lui incombe de prouver que les éléments de preuve auraient dû être écartés en vertu du par. 24(2) de la Charte.

Dans l'arrêt R. c. Collins, le juge Lamer a défini les facteurs à considérer pour décider si l'utilisation d'éléments de preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Notre Cour a appliqué ces facteurs à plusieurs reprises: R. c. Simmons; R. c. Jacoy; R. c. Strachan. Dans l'arrêt R. c. Jacoy, le Juge en chef les a résumés, aux pp. 558 et 559, comme suit:

Pour rappeler brièvement les critères énoncés dans l'arrêt Collins, disons que le juge Lamer, s'exprimant au nom de la Cour à la majorité, a réparti en trois groupes les facteurs utiles pour trancher cette question. Premièrement, la cour doit se demander si l'utilisation de la preuve portera atteinte à l'équité du procès. Dans l'affirmative, "l'utilisation de la preuve [. . .] tendrait à déconsidérer l'administration de la justice et, sous réserve de la considération des autres facteurs, la preuve devrait généralement être écartée" (p. 284). L'un des facteurs pertinents pour déterminer cela est la nature de la preuve: s'il s'agit d'une preuve matérielle qui existait indépendamment de la violation de la Charte, son utilisation rendra rarement le procès inéquitable.

Le second groupe de facteurs a trait à la gravité de la violation. Ainsi, il y a lieu de se demander si la violation a été commise de bonne foi, si elle a été commise par inadvertance ou s'il s'agissait d'une simple irrégularité, si elle a eu lieu dans une situation d'urgence ou pour prévenir la perte des éléments de preuve, et si ces derniers auraient pu être obtenus sans violation de la Charte.

Finalement, la cour doit prendre en considération les facteurs qui se rapportent à l'effet de l'exclusion de la preuve. L'administration de la justice est susceptible d'être déconsidérée par l'exclusion d'éléments de preuve essentiels pour justifier l'accusation, lorsque la violation de la Charte est anodine. Bien que cette considération soit particulièrement importante lorsque l'infraction commise est grave, il reste que si l'utilisation de la preuve devait entraîner un procès inéquitable, la gravité de l'infraction ne saurait rendre cette preuve admissible.

L'élément de preuve recueilli à la suite de la violation du droit garanti à l'appelant par l'al. 10b) consistait en une once environ d'amphétamines. Il s'agissait d'une preuve matérielle dont l'existence n'avait absolument aucun rapport avec la violation de la Charte. À la différence des déclarations incriminantes, il n'est pas venu au jour parce qu'on a embrigadé l'appelant contre lui‑même. Son utilisation ne rendrait pas le procès inéquitable.

Quant au deuxième groupe de considérations, rien dans la preuve n'indique que les policiers ont agi de mauvaise foi en pensant qu'ils n'étaient pas tenus, avant de fouiller l'appelant, de l'informer des droits qu'il avait en vertu de l'al. 10b). L'agent Birs a informé l'appelant de son droit à l'assistance d'un avocat immédiatement après l'avoir arrêté et de nouveau à leur arrivée au poste de police. J'accepte l'argument du ministère public que la fouille de l'appelant sur place était motivée par le fait qu'il est facile de se défaire de drogues et que la preuve aurait pu être détruite si l'appelant n'avait pas été fouillé sur le champ. Que les policiers aient eu raison ou tort de conclure qu'il s'agissait d'une raison valable de ne pas aviser l'appelant de ses droits "sans délai" ne change rien à la question de leur bonne foi.

Je conclus également que l'utilisation de la preuve en l'espèce n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Bien que la négation du droit de l'appelant à l'assistance d'un avocat ne soit pas anodine, il me semble que l'intérêt de la vérité et "l'intégrité du système judiciaire" dont parle le Juge en chef dans l'arrêt R. c. Simmons, à la p. 534, seraient mieux servis par l'utilisation de la preuve que par son exclusion.

Pour tous ces motifs, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

//Le juge Sopinka//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE SOPINKA -- J'ai lu les motifs de jugement de mes collègues les juges Lamer et Wilson. Je souscris à leur façon de disposer du pourvoi. Avec les réserves exprimées dans les motifs du juge Lamer, je souscris à la conclusion du juge Wilson qu'il n'y a pas eu de violation de l'art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés en l'espèce.

Au sujet de la violation alléguée de l'al. 10b), le juge Wilson conclut qu'il y a eu violation, mais qu'il est impossible d'avoir recours à l'article premier parce que le ministère public n'a pas invoqué cette disposition. Le juge Lamer est d'avis que, même si l'appelant avait le droit d'être informé de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, les policiers n'étaient pas tenus de suspendre la fouille jusqu'à ce qu'on lui ait donné la possibilité d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. À mon avis, en l'espèce, les policiers n'étaient pas tenus d'aviser l'appelant de son droit à l'assistance d'un avocat avant d'effectuer la fouille par palpation. Même si en pratique, mon opinion et celle du juge Lamer ont comme conséquence que la fouille peut avoir lieu sur le champ, il y a une différence importante entre les deux. Selon moi, il n'y a pas de violation de la Charte alors que, selon lui, il y en a une. S'il y avait une violation de l'al. 10b), il faudrait prendre en considération le redressement prévu par le par. 24(2).

J'estime que la différence est suffisamment importante pour que j'explique brièvement sur quoi je fonde mon opinion. Je vois difficilement l'utilité d'aviser un détenu d'un droit alors que ce droit est immédiatement suspendu pendant que les policiers procèdent à une fouille. Les raisons qui justifient que l'on reporte à plus tard l'obligation d'accorder à une personne détenue la possibilité d'avoir recours à l'assistance d'un avocat valent également pour l'obligation de l'aviser de ce droit. Je fais mien l'avis du juge Martin de la Cour d'appel ((1986), 30 C.C.C. (3d) 207, à la p. 227) selon lequel:

[TRADUCTION] Il s'ensuit nécessairement que lorsque l'obligation d'informer une personne de son droit à l'assistance d'un avocat s'applique, celle de donner à cette personne la possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat, si la personne le demande, s'applique aussi.

Si les circonstances d'une fouille accessoire à une arrestation ne se prêtent pas aux délais qu'entraîne le recours à l'assistance d'un avocat, elles ne se prêtent pas non plus à une lecture des droits selon des formules inscrites sur une carte et à la discussion qui en découle presque inévitablement.

Notre Cour a admis que, pour la protection des policiers, il y a lieu de ne pas appliquer les droits prévus à l'al. 10b) quand il est possible qu'il y ait des armes. Voir R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980. La remise de l'exercice des droits conférés par l'al. 10b) pendant l'administration de tests de coordination à un conducteur a été jugée valable quand il s'agissait de déterminer s'il y avait des motifs raisonnables d'exiger un alcootest. Voir R. v. Saunders (1988), 41 C.C.C. (3d) 532, et R. v. Bonin (1989), 47 C.C.C. (3d) 230. Dans cette dernière affaire, notre Cour a refusé l'autorisation de pourvoi (19 octobre 1989, Bulletin des procédures, p. 2435). Il est donc admis que le droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat n'est pas absolu. Je ne vois pas pourquoi il faudrait traiter autrement le droit d'être informé de ce droit.

De surcroît, s'il est possible de violer le droit d'être informé du droit à l'assistance d'un avocat alors que ce dernier droit est suspendu, quel redressement peut-on accorder? Quelles conséquences peut avoir sur l'administration de la justice le fait de ne pas être informé d'un droit qu'on ne peut exercer? En l'absence d'objet apparent au fait d'aviser l'appelant d'un droit dont il ne peut se prévaloir, l'application de l'al. 10b) proposée par le juge Lamer ne me semble pas conforme à la méthode d'interprétation constitutionnelle fondée sur l'objet que nous avons adoptée.

Je partage donc l'avis du juge Martin, qu'il n'y a pas eu de violation de l'al. 10b) et je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l'appelant: Kerekes, Collins, Toronto.

Procureur de l'intimée: John C. Tait, Ottawa.


Synthèse
Référence neutre : [1989] 2 R.C.S. 1140 ?
Date de la décision : 07/12/1989
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Caractère raisonnable d'une fouille - Droit à l'assistance d'un avocat - Recevabilité d'éléments de preuve obtenus dans des circonstances qui violent des droits garantis par la Charte - Appelant fouillé sans mandat, à la recherche de drogue - Fouille ordonnée par suite de renseignements obtenus d'un informateur fiable - Découverte de drogue et arrestation de l'appelant - Appelant avisé dès son arrestation de ses droits en vertu de la Charte, y compris le droit à l'assistance d'un avocat - La fouille était‑elle abusive? - Y a‑t‑il eu violation du droit à l'assistance d'un avocat? - Faut‑il écarter les preuves matérielles obtenues par la fouille? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 8, 10b), 24(2) - Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F‑27, art. 37(1)a), b).

Droit criminel - Fouilles - Appelant fouillé sans mandat, à la recherche de drogue - Fouille ordonnée par suite de renseignements obtenus d'un informateur fiable - Fouille permise s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise - Les policiers avaient‑ils des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction avait été commise? - Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F‑27, art. 37(1)a), b).

Un informateur fiable a avisé les policiers que l'appelant et deux autres personnes devaient se rencontrer pour conclure un marché de drogues illégales et prendre livraison d'une quantité importante d'amphétamines apportées dans la région par un fournisseur. L'informateur avait obtenu ces renseignements au cours d'une conversation avec l'une des parties au marché. Toutes les personnes en cause étaient connues de la police pour avoir déjà été impliquées dans des affaires de drogues.

Deux agents, sur l'ordre d'un sergent de la GRC, ont intercepté et fouillé le véhicule de l'appelant peu de temps après que le véhicule eut quitté la maison où le marché devait avoir lieu. Un agent a avisé l'appelant qu'il avait des motifs raisonnables et probables de croire que l'appelant avait des amphétamines sur lui et l'a fouillé sans mandat comme le permet le par. 37(1) de la Loi des aliments et drogues. L'appelant a reçu l'ordre de se tenir bras et jambes écartées et de vider ses poches. On a trouvé une certaine quantité d'amphétamines. L'agent a mis l'appelant en état d'arrestation et l'a avisé de son droit à l'assistance d'un avocat en vertu de la Charte.

Le juge du procès a acquitté l'accusé. Il a conclu que la fouille avait été abusive, en violation de l'art. 8 de la Charte, et il a écarté les éléments de preuve en vertu du par. 24(2). La Cour d'appel, à l'unanimité, a accueilli l'appel du ministère public et ordonné un nouveau procès. Les circonstances de la fouille soulèvent les questions du caractère abusif de la fouille, du droit à l'assistance d'un avocat et de l'exclusion des éléments de preuve en vertu de l'art. 8, de l'al. 10b) et du par. 24(2) de la Charte.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Dickson et les juges Lamer et Cory: Le droit de procéder à une fouille accessoire à une arrestation découle du fait de l'arrestation ou de la détention de la personne. Le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat découle de l'arrestation ou de la détention, non du fait de la fouille. Donc, dès qu'il y a détention, la personne détenue a le droit d'être informée de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. Cependant, les policiers ne sont pas tenus de suspendre la fouille accessoire à l'arrestation jusqu'à ce que la personne détenue ait eu la possibilité d'avoir recours à l'assistance d'un avocat.

La négation du droit à l'assistance d'un avocat ne donne un caractère abusif à une fouille, au sens de l'art. 8 de la Charte, que dans des circonstances exceptionnelles. Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle‑même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive. La négation du droit à l'assistance d'un avocat ne modifie pas la "manière" dont une fouille est exécutée. La "manière" dont une fouille est exécutée a trait au déroulement matériel de la fouille et ne devrait pas englober des restrictions à d'autres droits déjà garantis en vertu de la Charte.

Les éléments de preuve obtenus grâce à une fouille raisonnable mais accompagnée d'une violation de l'al. 10b) de la Charte ne seront pas nécessairement admis en vertu du par. 24(2). Les éléments de preuve seront écartés s'il existe un lien temporel entre la violation de la Charte et la découverte des éléments de preuve et si l'utilisation de ces éléments de preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

En l'espèce, la fouille par palpation autorisée par l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues a eu lieu en même temps qu'une violation du droit garanti à l'appelant en vertu de l'al. 10b) de la Charte. Toutefois les éléments de preuve obtenus consistaient en une preuve matérielle dont l'existence n'avait aucun rapport avec la violation de la Charte. L'utilisation de ces éléments de preuve n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

Le juge Wilson: Une fouille est raisonnable si elle est autorisée par la loi, si la loi elle même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive. On n'a pas soulevé la question de savoir si l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues, par inférence nécessaire ou par les exigences de son application, est incompatible avec l'art. 8 ou l'al. 10b) de la Charte et constitue donc une restriction prescrite par une règle de droit au sens de l'article premier. Il fallait donc respecter les droits de l'appelant en vertu de la Charte.

Quand un policier ordonne à quelqu'un de se tenir bras et jambes écartés face à un mur, il "détient" cette personne au sens de l'art. 10. Puisque les agents qui ont procédé à l'arrestation avaient reçu l'instruction, à l'avance, d'intercepter et de fouiller la voiture et ses occupants, l'appelant a été détenu dès le moment où l'agent l'a interpellé.

Le rôle de l'avocat ne se borne pas à conseiller un suspect quant aux possibilités qui s'offrent à lui, s'il en est. Le suspect a le droit de connaître ses droits et obligations et de pouvoir bénéficier de conseils afin de dissiper son incertitude et l'assurer que les agents ont le droit d'exiger ce qu'ils demandent. Le droit à l'assistance d'un avocat ne dépend pas de l'évaluation de l'utilité qu'aurait pu avoir l'avocat dans les circonstances.

L'obligation faite aux policiers à l'al. 10b) d'aviser "sans délai" un détenu de son droit à l'assistance d'un avocat ne permet pas de restriction intrinsèque. Toute limite au droit à l'assistance d'un avocat autre que les limites qu'impose la sécurité des policiers doit être conforme à l'article premier de la Charte s'il s'agit d'une restriction prescrite "par une règle de droit", ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Les policiers avaient des motifs raisonnables et probables de fouiller l'appelant en vertu du pouvoir conféré par l'art. 37 de la Loi des aliments et drogues. La norme de preuve applicable est celle de la "probabilité raisonnable" plutôt que celle de la "preuve hors de tout doute raisonnable" ou de la "preuve prima facie". L'expression "croyance raisonnable" correspond également assez bien à la norme applicable.

L'agent de police qui décide que le suspect doit être fouillé est la personne qui doit avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'un suspect a commis une infraction. L'agent peut procéder à la fouille lui‑même ou non. Si un autre agent procède à la fouille il a le droit de supposer que l'agent qui a ordonné la fouille avait des motifs raisonnables et probables de le faire.

Il faut répondre à trois questions au moins pour évaluer si les éléments de preuve dont disposaient les policiers justifiaient une fouille sans mandat. Premièrement, les renseignements permettant de prévoir la perpétration d'une infraction criminelle étaient‑ils convaincants? Deuxièmement, la source extérieure à la police d'où provenait les renseignements était‑elle fiable? Enfin, l'enquête de la police confirmait‑elle ces renseignements avant que les policiers décident de procéder à la fouille? Chacune de ces question ne constitue pas un critère distinct. C'est plutôt "l'ensemble des circonstances" qui doit satisfaire au critère du caractère raisonnable. La valeur des renseignements sous deux aspects peut dans une certaine mesure compenser leur faiblesse sous le troisième.

Les renseignements communiqués à la police étaient convaincants. Ils étaient assez précis pour justifier l'intérêt des policiers; il ne s'agissait pas d'affirmations non étayées ou de simples "rumeurs ou racontars". Il faut faire deux mises en garde sur le recours à la réputation comme justification d'une fouille raisonnable. D'abord, la réputation du suspect doit avoir un rapport avec le motif apparent de la fouille. Deuxièmement, si la réputation du suspect repose sur du ouï‑dire, plutôt que sur la connaissance du suspect par la police, on ne saurait présumer de sa véracité. En l'espèce, il appert que les policiers se sont fiés aussi bien à leur expérience directe qu'au ouï‑dire.

L'informateur dont la crédibilité est la plus déterminante est celui qui a fourni les renseignements sur le marché qui devait avoir lieu. La preuve de rapports antérieurs avec l'informateur en l'espèce tend à justifier la décision de considérer l'informateur comme crédible. Quand la police s'appuie sur un renseignement anonyme ou fourni par un informateur qui n'a pas fait ses preuves, la qualité des renseignements et la valeur probante des preuves corroborantes doit suppléer à l'impossibilité d'évaluer la crédibilité de la source des renseignements.

Il n'est pas nécessaire que la police confirme tous les détails des renseignements fournis par l'informateur quand le déroulement des événements observés correspond assez bien à la séquence prévue pour écarter la possibilité d'une coïncidence fortuite. Le niveau de vérification peut être plus élevé cependant quand les policiers agissent sur la foi de renseignements d'un informateur dont ils ne peuvent évaluer la crédibilité ou s'ils ont moins de détails et que le risque de coïncidence fortuite est plus grand. Compte tenu de la qualité des renseignements et de la fiabilité de l'informateur en l'espèce, la surveillance policière a produit suffisamment d'éléments de corroboration pour les justifier de croire qu'un marché de drogue venait de se produire.

On ne doit pas supposer que la personne en état de détention connaît parfaitement tous les droits que la Charte lui confère à l'instant déterminant. À défaut de connaître ses droits, elle peut ne pas les exercer ou, par ailleurs, tenter de résister parce qu'elle croit, à tort, que la police agit de manière illégale. Les policiers sont mal placés pour donner des avis juridiques sur la légalité de leurs propres actes. Une personne doit pouvoir avoir recours à un avocat pour lui fournir ces renseignements essentiels.

Pour déterminer si la négation du droit à l'assistance d'un avocat rend la fouille abusive, il faut tenir compte de deux facteurs: (1) la source du pouvoir juridique de procéder à la fouille et (2) le caractère envahissant de la fouille. L'omission d'informer la personne de son droit à l'assistance d'un avocat pèse plus lourd dans l'évaluation du caractère raisonnable d'une fouille sans mandat que dans le cas d'une fouille autorisée par un mandat. Plus la fouille est envahissante, plus l'atteinte à la dignité de la personne est grande. Dans la mesure où un avocat peut rassurer et conseiller une personne exposée à une fouille très envahissante ou même prévenir une fouille injustifiée, sa présence peut réduire les conséquences de l'atteinte à l'intégrité physique ou psychologique de la personne. En l'espèce, le fait d'avoir privé l'appelant du droit que lui conférait l'al. 10b) est un élément qui milite contre le caractère raisonnable de la fouille sans mandat alors que le caractère peu envahissant de la fouille par palpation est un élément qui milite en faveur de son caractère raisonnable.

Il y a lieu d'utiliser la preuve malgré la violation de la Charte. La fouille qui a suivi la violation du droit garanti à l'appelant en vertu de l'al. 10b) a fait découvrir des preuves matérielles dont l'existence n'avait aucun rapport avec la violation de la Charte. Leur utilisation ne rendrait pas le procès inéquitable. Les policiers n'ont pas agi de mauvaise foi en pensant qu'ils n'étaient pas tenus, avant de le fouiller, d'aviser l'appelant de ses droits en vertu de l'al. 10b). La violation du droit de l'appelant n'était pas anodine, mais "l'intérêt de la vérité" et "l'intégrité du système judiciaire" seraient mieux servis par l'utilisation de la preuve que par son exclusion.

Le juge Sopinka: Les policiers n'étaient pas tenus d'aviser l'appelant de son droit à l'assistance d'un avocat avant d'effectuer la fouille par palpation. Quand il y a obligation d'aviser une personne de son droit à l'assistance d'un avocat, il y a obligation d'accorder à cette personne une possibilité raisonnable d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. Si les circonstances d'une fouille accessoire à une arrestation ne se prêtent pas aux délais qu'entraîne le recours à l'assistance d'un avocat, elles ne se prêtent pas non plus à une lecture de ses droits. Notre Cour a reconnu que le droit à l'assistance immédiate d'un avocat n'est pas absolu. Il n'y a pas lieu de traiter autrement le droit d'être informé de ce droit.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Debot

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Lamer
Arrêt appliqué: R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980
arrêts mentionnés: R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3
R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495
R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265
R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548.
Citée par le juge Wilson
Arrêts examinés: R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613
R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495
R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980
arrêts mentionnés: Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
Eccles c. Bourque, [1975] 2 R.C.S. 739
R. v. Rao (1984), 12 C.C.C. (3d) 97, autorisation de pourvoi refusée [1984] 2 R.C.S. ix
R. v. Kelly (1985), 17 C.C.C. (3d) 419
R. v. Guberman (1985), 23 C.C.C. (3d) 406
R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548
R. c. Manninen, [1987] 1 R.C.S. 1233
Spinelli v. United States, 393 U.S. 410 (1969).
Citée par le juge Sopinka
Arrêts mentionnés: R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980
R. v. Saunders (1988), 41 C.C.C. (3d) 532
R. v. Bonin (1989), 47 C.C.C. (3d) 230, autorisation de pourvoi refusée, le 19 octobre 1989, Bulletin des procédures, p. 2435.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 8, 10b), 24(1), 24(2).
Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F‑27, art. 37(1).
Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C‑40, art. 144.
Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N‑1.

Proposition de citation de la décision: R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140 (7 décembre 1989)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1989-12-07;.1989..2.r.c.s..1140 ?
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