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21/06/1990 | CANADA | N°[1990]_2_R.C.S._85

Canada | Mitchell c. Bande indienne peguis, [1990] 2 R.C.S. 85 (21 juin 1990)


Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85

Donald George Mitchell

et Milton Management Ltd. Appelants

c.

La bande indienne Peguis, Louis J. Stevenson,

Albert Thompson, Oliver Sutherland, Ronald

Williams et Robert Sutherland, respectivement

chef et conseillers de la bande Intimés

répertorié: mitchell c. bande indienne peguis

No du greffe: 19439.

1989: 24 février; 1990: 21 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Lamer, Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka et Gonthier.

en appe

l de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1983), 39 Man. R. (2d) 180, [1986] 2 ...

Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85

Donald George Mitchell

et Milton Management Ltd. Appelants

c.

La bande indienne Peguis, Louis J. Stevenson,

Albert Thompson, Oliver Sutherland, Ronald

Williams et Robert Sutherland, respectivement

chef et conseillers de la bande Intimés

répertorié: mitchell c. bande indienne peguis

No du greffe: 19439.

1989: 24 février; 1990: 21 juin.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Lamer, Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka et Gonthier.

en appel de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1983), 39 Man. R. (2d) 180, [1986] 2 W.W.R. 477, [1985] 2 C.N.L.R. 90, qui a rejeté l'appel d'une décision du juge Morse (1983), 22 Man. R. (2d) 286, [1983] 5 W.W.R. 117, [1983] 4 C.N.L.R. 50, qui avait conclu que les sommes n'étaient pas assujetties à l'ordonnance de saisie‑arrêt rendue par l'arbitre Richardson. Pourvoi rejeté.

Paul R. Anderson et Kenneth G. Houston, c.r., pour les appelants.

Paul B. Forsyth, pour les intimés.

//Le Juge en chef//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE EN CHEF — La question au c{oe}ur de ce pourvoi porte sur la qualification de certaines sommes que le gouvernement du Manitoba a consenti à verser à 54 bandes indiennes et qui ont fait l'objet d'une saisie‑arrêt avant jugement par les appelants, M. Mitchell et Milton Management Ltd., à savoir s'il s'agit de "biens [. . .] personnels [. . .] d'une bande situés sur une réserve" au sens du par. 89(1) de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑6 (la Loi), qui ne peuvent donc faire l'objet d'une saisie. Le paragraphe 89(1) se lit ainsi:

89. (1) Sous réserve de la présente loi, les biens réels et personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve ne peuvent pas faire l'objet d'un privilège, d'un nantissement, d'une hypothèque, d'une opposition, d'une réquisition, d'une saisie ou d'une exécution en faveur ou à la demande d'une personne autre qu'un Indien.

L'article suivant de la Loi comporte une présomption qui est essentielle à la résolution du présent pourvoi:

90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89, les biens personnels qui ont été

a) achetés par Sa Majesté avec des deniers des Indiens ou des fonds votés par le Parlement à l'usage et au profit d'Indiens ou de bandes, ou

b) donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté,

sont toujours tenus pour situés sur une réserve.

Peut‑on affirmer que les sommes saisies‑arrêtées sont des "biens personnels qui ont été [. . .] donnés [. . .] à une bande en vertu d'un [. . .] accord entre une bande et Sa Majesté"? Cette question soulève celle de savoir si les termes "Sa Majesté" contenus à l'al. 90(1)b) de la Loi peuvent comprendre la Couronne provinciale ou s'ils ne se rapportent qu'à la Couronne fédérale. Si l'on conclu que les sommes en question sont des "biens personnels" au sens de l'al. 90(1)b), elles seraient réputées situées sur une réserve et donc ne pouvoir faire l'objet d'une saisie‑arrêt en vertu du par. 89(1).

I Les faits

Dans leur déclaration, les appelants allèguent ceci: (i) la First Nations Confederacy Inc., à titre de représentant des bandes qui en sont membres, a mandaté M. Mitchell pour négocier avec le gouvernement du Manitoba un remboursement de la taxe de vente payée à la Manitoba Hydro par les bandes au cours de plusieurs années; (ii) selon une modalité de l'accord, M. Mitchell percevrait des honoraires équivalant à 20 pour 100 du montant de taxe de vente récupéré et cette somme, moins les sommes reçues du ministère fédéral des Affaires indiennes à titre d'honoraires, serait répartie au prorata parmi les bandes; (iii) M. Mitchell, par l'intermédiaire de Milton Management Ltd., a négocié avec le gouvernement du Manitoba le remboursement de la taxe de vente de l'Hydro et, à l'automne 1982, le gouvernement du Manitoba a consenti à rembourser aux bandes indiennes un montant de taxe de vente de 953 432 $, ce qui permettait à M. Mitchell de toucher des honoraires de 190 668 $. Le ministère fédéral des Affaires indiennes a versé 5 493 $ à M. Mitchell pour ses honoraires, ce qui laissait un solde de 185 175 $ à réclamer aux bandes.

Dans leur défense, les bandes intimées nient avoir à payer les honoraires. Elles prétendent que c'est de sa propre initiative, et non par suite des efforts des appelants, que le gouvernement du Manitoba a décidé de rembourser aux bandes indiennes du Manitoba certaines taxes qui avaient été perçues irrégulièrement. Elles affirment que les honoraires sont tellement oppressifs et excessifs qu'ils sont inadmissibles et, finalement, que M. Mitchell est membre de l'Institute of Chartered Accountants of Manitoba et qu'à ce titre il ne peut exiger d'honoraires calculés en fonction des résultats de ses services professionnels.

Le 9 mars 1983, le lieutenant‑gouverneur en conseil du Manitoba a adopté le décret no 253 à la demande du ministre des Finances, lequel se lit en partie ainsi:

[TRADUCTION] ET ATTENDU que le Ministre a reçu avis d'un conseiller juridique du gouvernement que les taxes versées en vertu de The Revenue Act 1964 par les Indiens et bandes indiennes ont été perçues sans droit puisque l'article 87 de la Loi sur les Indiens interdit aux provinces de taxer l'électricité qui est fournie aux Indiens et aux bandes indiennes et que ceux‑ci consomment sur une réserve indienne;

ET ATTENDU que s'élève à 994 840 $ la somme fixée par le personnel de son ministère et acceptée par les représentants de ces Indiens et bandes indiennes à titre de règlement pour la période du 1er décembre 1964, date d'entrée en vigueur de la partie I de The Revenue Act 1964, qui imposait la taxe sur l'électricité, au 20 mars 1980 inclusivement, date à laquelle la Manitoba Hydro a exempté de la taxe les comptes des Indiens et des bandes indiennes pour lesquels aucune taxe n'était exigible en vertu de cette loi, y compris les intérêts.

ET ATTENDU que l'on juge préférable d'établir une fiducie pour le règlement des réclamations des bandes indiennes en ce qui concerne les taxes payées pour l'électricité et de pourvoir à l'administration de cette fiducie;

. . . le Ministre recommande:

QUE la somme de 994 840 $ soit transférée dans les comptes du gouvernement, par prélèvement sur le crédit (VII)(Finance) (4) (Taxation Division) (c) (Mining & Use Taxes Branch) (3) (Refunds), à un compte en fiducie détenu par le ministre des Finances au nom des Indiens et des bandes indiennes décrits à l'annexe "A" et versée à leurs organisations respectives lorsque chaque bande indienne remettra au Ministre les renonciations et cessions satisfaisantes de leurs réclamations;

QUE le Ministre effectue une retenue de garantie de 3 pour 100 du montant payable à l'annexe "A" sur tout paiement effectué conformément à ce qui précède pour une période de six ans à compter du 9 mars 1983 pour répondre le cas échéant à toute autre demande d'indemnisation présentée par des Indiens ou des bandes indiennes quant au paiement de taxes d'électricité au cours de la période décrite précédemment;

La réclamation des appelants n'a pas encore procédé au mérite. Comme je l'ai indiqué, le présent pourvoi porte plutôt sur les procédures de saisie‑arrêt avant jugement. Après avoir accepté la déchéance d'une première ordonnance de saisie‑arrêt (obtenue le 10 janvier 1983) parce qu'elle avait pour effet de geler d'importantes sommes destinées à des fins sociales, les appelants ont obtenu (le 10 mars 1983, le lendemain de l'établissement d'un compte en fiducie par décret) une deuxième ordonnance de saisie‑arrêt avant jugement des sommes relatives au remboursement des taxes détenues en fiducie par le gouvernement jusqu'à concurrence du montant des honoraires réclamés par les appelants, c'est‑à‑dire 185 175 $. Conformément à l'ordonnance de saisie‑arrêt, le gouvernement tiers saisi a consigné la somme au greffe du tribunal. Les intimés ont demandé l'annulation de l'ordonnance de saisie‑arrêt et le retrait des sommes du greffe de la cour parce qu'une telle ordonnance était incompatible avec le par. 89(1) et l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens. Selon la prétention des intimés, l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt du Manitoba, L.R.M. 1970, ch. G20, C.P.L.M., ch. G20, qui autorise la saisie‑arrêt de sommes entre les mains du gouvernement du Manitoba, n'est pas une disposition législative provinciale applicable aux Indiens au sens de l'art. 88 de la Loi sur les Indiens. L'article 88 de la Loi sur les Indiens se lit ainsi:

88. Sous réserve des dispositions de quelque traité et de quelque autre loi du Parlement du Canada, toutes lois d'application générale et en vigueur, à l'occasion, dans une province sont applicables aux Indiens qui s'y trouvent et à leur égard, sauf dans la mesure où lesdites lois sont incompatibles avec la présente loi ou quelque arrêté, ordonnance, règle, règlement ou statut administratif établi sous son régime, et sauf dans la mesure où ces lois contiennent des dispositions sur toute question prévue par la présente loi ou y ressortissant.

En outre, à l'appui de leur demande d'annulation de l'ordonnance de saisie‑arrêt, les intimés prétendent que la somme visée par le décret est une dette dont ils peuvent exiger le règlement et, à ce titre, constitue au sens de l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens des "biens personnels qui ont été [. . .] donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté". Par conséquent, on affirme que la dette est réputée située sur une réserve en vertu de l'al. 90(1)b), et ne peut donc, en vertu du par. 89(1), faire l'objet d'une saisie à la demande d'un non‑Indien. Les intimés ont eu gain de cause devant le juge Morse ([1983] 5 W.W.R. 117 (B.R. Man.)) Les appelants se pourvoient maintenant contre l'arrêt de la Cour d'appel du Manitoba ([1986] 2 W.W.R. 477) qui a confirmé la décision du juge Morse.

II Les jugements

La Cour du Banc de la Reine du Manitoba — le juge Morse

Le juge Morse de première instance a d'abord conclu que l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt s'applique aux sommes dues aux bandes comme "sommes dues [. . .] aux personnes [. . .] payées par le gouvernement". Il a poursuivi en concluant qu'en l'absence de la présomption créée par l'al. 90(1)b), la somme due aux intimés serait susceptible d'être saisie‑arrêtée parce que le situs de la dette était à l'extérieur de la réserve puisque le domicile du débiteur était situé à l'extérieur de la réserve. S'appuyant sur l'al. 90(1)b), le juge Morse a conclu que la dette pouvait être réputée située sur la réserve et, par conséquent, ne pouvait faire l'objet d'une saisie.

Le juge Morse a interprété l'al. 90(1)b) en décomposant la phrase "biens personnels [. . .] donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté" en ses éléments constitutifs. Le juge Morse a d'abord rejeté l'argument que l'expression "biens personnels" à l'art. 90 devait recevoir un sens uniforme dans les deux alinéas. Par conséquent, aux fins de l'al. 90(1)b), les termes pouvaient comprendre des biens immatériels comme une dette même s'il fallait accorder un sens plus restreint à ces termes aux fins de l'al. 90(1)a). Deuxièmement, il a conclu qu'il ne fallait pas appliquer la règle ejusdem generis au terme "accord" lorsqu'il est rapproché du terme "traité", qui se trouve également à l'al. 90(1)b); il a également écarté l'idée que les intimés et le gouvernement du Manitoba étaient liés par une simple affectation de crédit plutôt que par un accord. Troisièmement, il a conclu que l'expression "Sa Majesté" devait être interprétée comme si elle se rapportait non seulement à Sa Majesté du chef du Canada mais également à Sa Majesté du chef de la province du Manitoba. Enfin, le juge Morse a conclu que l'emploi du temps passé dans l'expression "ont été donnés" ne signifiait pas que la somme devait avoir été donnée aux intimés; au contraire, puisque les biens personnels en question représentaient le droit de recevoir une somme et non la somme elle‑même, les intimés avaient obtenu ce droit avant la saisie‑arrêt.

Ayant conclu que la dette exigible des intimés n'était pas susceptible de saisie‑arrêt, le juge Morse a prolongé la validité de l'ordonnance de saisie‑arrêt de trente jours pour permettre aux appelants de trouver des sommes non protégées par la Loi sur les Indiens qui pouvaient être saisies‑arrêtées, délai à l'expiration duquel l'ordonnance devait être annulée.

La Cour d'appel du Manitoba — les juges Matas, O'Sullivan et Philp

Le juge O'Sullivan a confirmé, au nom de la cour, la décision du juge de première instance. La Cour d'appel a semblé considérer que la seule véritable question était de savoir si la Couronne provinciale était visée par l'expression "Sa Majesté" au sens de l'al. 90(1)b). La cour a conclu que puisqu'il n'existe qu'une Souveraine au sens d'une seule Reine, la Souveraine ou la Couronne au Canada est indivisible et, par conséquent, la mention de "Sa Majesté" devait comprendre la Couronne du chef du Canada et la Couronne du chef du Manitoba.

III Les règles d'interprétation applicables

Je dois reconnaître au départ que les motifs et le raisonnement du juge Morse m'apparaissent convaincants. En particulier, c'est à bon droit qu'il a fait appel à la règle formulée par notre Cour dans l'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 36, lorsqu'il a jugé nécessaire de résoudre les problèmes d'interprétation. Dans l'arrêt Nowegijick, voici ce que la Cour a dit:

Selon un principe bien établi, pour être valide, toute exemption d'impôts doit être clairement exprimée. Il me semble toutefois que les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui, suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une exemption d'impôts, il faut, selon moi, préférer cette interprétation à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée pour refuser l'exemption. Dans l'affaire Jones v. Meehan, 175 U.S. 1 (1899), on a conclu que les traités avec les Indiens [TRADUCTION] "doivent [. . .] être interprétés non pas selon le sens strict de [leur] langage [. . .] mais selon ce qui serait, pour les Indiens, le sens naturel de ce langage".

Il est possible de dégager deux éléments d'interprétation libérale dans ce passage: (1) les ambiguïtés dans l'interprétation des traités et des lois visant les Indiens doivent profiter aux Indiens, et (2) la compréhension qu'ont les autochtones des termes et des concepts juridiques correspondants contenus dans les traités avec les Indiens doit être préférée aux interprétations plus strictes et formalistes. Dans certains cas, les deux éléments ne peuvent être distingués, mais dans d'autres cas l'interprète ne pourra percevoir une ambiguïté qu'en invoquant d'abord le deuxième élément.

Les appelants soutiennent que la règle de l'arrêt Nowegijick ne devrait pas régir le présent pourvoi. On affirme au contraire que la règle normale selon laquelle les dérogations aux droits civils d'un créancier devraient être interprétées restrictivement est applicable. Les appelants tentent de distinguer l'arrêt Nowegijick en affirmant notamment que cet arrêt portait sur la résolution d'un conflit entre l'État et un Indien, auquel cas il était approprié de résoudre l'ambiguïté contre l'auteur du doute. En réalité, les appelants soutiennent que l'arrêt Nowegijick ne s'applique pas lorsque c'est un citoyen ou une autre partie civile et non l'État (l'auteur du doute ou de l'ambiguïté) qui échouera si la Loi est interprétée en faveur des parties autochtones.

Je ne puis accepter que les observations faites dans l'arrêt Nowegijick étaient implicitement restreintes de cette façon. Les règles formulées dans cet arrêt doivent être saisies dans le contexte du fait que notre Cour est consciente du statut historique et permanent des peuples autochtones dans la société canadienne. L'extrait reproduit plus haut porte clairement sur l'interprétation d'une loi ou d'un traité relativement aux personnes qui y sont assujetties, les Indiens, et non sur l'interprétation d'une loi au profit des Indiens pour la seule raison que l'autre partie intéressée est l'État. C'est la société canadienne dans son ensemble qui porte le fardeau historique de la situation actuelle des peuples autochtones et, par conséquent, l'interprétation libérale s'applique à toute loi visant les Indiens, même si les rapports touchés par ce moyen sont de nature privée. L'arrêt Nowegijick se fonde sur la reconnaissance de la responsabilité de la société et le souci de remédier aux désavantages, ne serait‑ce que dans le contexte quelque peu marginal de l'interprétation des traités et des lois.

Dans leur plaidoirie, les appelants ont également tenté de distinguer l'arrêt Nowegijick en affirmant qu'il ne portait que sur les lois qui visent le statut ou les qualités particuliers des Indiens, ce qui apporte une justification de principe à la règle d'interprétation. L'arrêt Nowegijick portait sur les exemptions d'impôt en vertu de l'art. 87 de la Loi, alors que la présente espèce porte sur les exemptions de saisies‑arrêts ("saisie") en vertu de l'art. 89. Les deux dispositions traduisent le principe de la Loi selon lequel les Indiens devraient être exemptés de l'application de lois qui autrement pourraient permettre aux Indiens d'être dépouillés de leurs biens. Dans l'arrêt Nowegijick, la Cour s'intéressait à la question de savoir si une loi provinciale s'appliquait aux Indiens en tant que loi d'application générale (Loi sur les Indiens, art. 88). La seule restriction apportée au principe énoncé dans l'arrêt Nowegijick était que les traités ou lois devaient "vis[er] les Indiens" pour que la règle d'interprétation libérale s'applique. La Loi sur les Indiens est la loi par excellence qui vise les Indiens et l'interprétation de toutes ses dispositions est donc assujettie à la règle de l'arrêt Nowegijick.

Finalement, je tiens à souligner que même si l'on acceptait l'argument des appelants selon lequel la Cour ne devrait pas établir de privilège contre une partie privée lorsque le Parlement ne l'a pas fait expressément, cet argument ne leur serait d'aucune utilité en l'espèce. Le paragraphe 89(1) prévoit que, dans certaines circonstances, un non‑Indien ne peut saisir des biens personnels d'un Indien. Il prévoit clairement que les Indiens seront favorisés face aux non‑Indiens. Par conséquent, il serait incompatible avec l'arrêt Nowegijick d'interpréter d'une manière restrictive l'art. 90 qui étend la protection de l'art. 89.

IVLa première question préliminaire: l'applicabilité de la Loi sur la saisie‑arrêt

À titre de question préliminaire, il est nécessaire de déterminer si les appelants peuvent invoquer l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt. L'article se lit ainsi:

3 Il peut être procédé à des saisies‑arrêts entre les mains du gouvernement du Manitoba sous le régime des lois de la Législature tout comme il peut l'être dans le cas de particuliers, en ce qui concerne les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement.

Le juge Morse a retenu une interprétation large qui répondrait le mieux à l'objet de la Loi sur la saisie‑arrêt et de cette disposition particulière, soit permettre et faciliter la saisie‑arrêt entre les mains du gouvernement. Les intimés n'ont pas contesté cette interprétation du juge Morse et je vais donc présumer, sans le décider, que cette interprétation est valide aux fins du présent pourvoi.

V La deuxième question préliminaire: Le situs d'une dette

Toutes les parties semblent admettre qu'en l'absence de l'art. 90 les intimés n'auraient pas gain de cause puisque le situs d'une dette se trouve au domicile du débiteur qui, en l'espèce, est à l'extérieur de la réserve: voir les auteurs et la jurisprudence cités par le juge Morse, précité, à la p. 122. Les parties n'ayant présenté aucun argument à cet égard, cette règle est présumée valide pour les fins du présent pourvoi.

VI La question principale — le sens de l'expression "Sa Majesté"

Comme je l'ai souligné, la question principale est de savoir si les critères énumérés à l'al. 90(1)b) ont été respectés de sorte que la dette soit réputée située sur les réserves des intimés et donc insaisissable en vertu du par. 89(1). Je vais procéder de la même façon que le juge Morse et décomposer l'alinéa en ses éléments constitutifs. L'élément qui de loin est le plus litigieux et auquel est consacrée la quasi‑totalité de chacun des mémoires concerne la question de savoir si l'expression "Sa Majesté" employée à l'al. 90(1)b) est restreinte à la Couronne fédérale ou si elle comprend également les Couronnes provinciales, dont celle du Manitoba.

À cet égard, le juge Morse a commencé par dire ce qui suit, à la p. 127:

[TRADUCTION] À part le fait que la Loi sur les Indiens est une loi fédérale, je ne vois aucune raison sérieuse pour laquelle ces mots devraient se rapporter seulement à Sa Majesté du chef du Canada. À mon avis, aucun obstacle de nature constitutionnelle ou autre n'empêche le Parlement fédéral de prévoir que les biens personnels donnés à un Indien ou à une bande en vertu d'un accord entre la bande et un gouvernement provincial devraient être réputés situés sur une réserve.

La Cour d'appel s'est appuyée sur l'idée que la Couronne est indivisible pour conclure que l'expression "Sa Majesté" doit s'appliquer aux deux paliers de gouvernement. En toute déférence, je ne puis souscrire à ce point de vue. L'interprétation de la Cour d'appel semble reposer sur la notion qu'il ne peut y avoir [TRADUCTION] "deux Reines". Comme le professeur Hogg le note brièvement dans son ouvrage Constitutional Law of Canada, 2e éd., à la p. 216, la divisibilité de la Couronne au Canada ne signifie pas qu'il y a onze Reines ou onze Souveraines mais, exprime plutôt la notion (à la p. 217) [TRADUCTION] ". . . d'une seule Reine reconnue par plusieurs ressorts distincts." La divisibilité de la Couronne reconnaît l'existence d'un partage du pouvoir législatif et d'un partage parallèle du pouvoir exécutif. S'il faut faire appel à une autorité judiciaire supérieure pour confirmer la validité d'un principe aussi fondamental, il est possible de remonter jusqu'à l'arrêt du Conseil privé Maritime Bank of Canada (Liquidators of) v. Receiver-General of New Brunswick, [1892] A.C. 437, dans lequel lord Watson affirme, aux pp. 441 et 442:

[TRADUCTION] Le but de l'Acte [de l'Amérique du Nord britannique de 1867] n'était pas de fusionner les provinces en une seule ni de subordonner les gouvernements provinciaux à une autorité centrale, mais de créer un gouvernement fédéral dans lequel elles seraient toutes représentées et auquel serait confiée de façon exclusive l'administration des affaires dans lesquelles elles avaient un intérêt commun, chaque province conservant son indépendance et son autonomie. Ce but fut atteint par la répartition, entre le Dominion et les provinces, de tous les pouvoirs exécutifs et législatifs, ainsi que de tous les biens et revenus publics qui avaient jusque‑là appartenu aux provinces; . . .

Voir également les exposés détaillés sur la divisibilité de la Couronne, tant dans les pays du Commonwealth qu'au Canada, par le maître des rôles lord Denning, le lord juge May et le lord juge Kerr dans l'arrêt récent R. v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, Ex parte Indian Association of Alberta, [1982] 1 Q.B. 892; et Hogg, op. cit., aux pp. 215 à 217.

La notion de divisibilité de la Couronne au sens que l'on vient de mentionner ne permet pas de déterminer quelle interprétation il faut donner à l'expression "Sa Majesté". Même si sur le plan constitutionnel la Cour d'appel avait eu raison en ce qui concerne l'indivisibilité de la Couronne, cela n'aurait pas forcément déterminé l'interprétation législative appropriée de l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b): par exemple, voir l'arrêt Nickel Rim Mines Ltd. v. Attorney General for Ontario, [1967] R.C.S. 672, dans lequel le juge Spence (en chambre) a interprété l'expression "Sa Majesté" à l'art. 105 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1952, ch. 259, en affirmant qu'elle comprenait les Couronnes fédérale et provinciales malgré sa prémisse constitutionnelle que [TRADUCTION] "[i]l n'y a qu'une seule Couronne bien qu'il y ait deux portefeuilles législatifs distincts" (à la p. 674). Au contraire, l'interprétation du juge Morse s'impose d'elle‑même sous tous les rapports pertinents (aux pp. 127 et 128):

[TRADUCTION] Dans la Loi d'interprétation du Canada (art. 28), il est dit que ""Sa Majesté", "la Reine", "le Roi" ou "la Couronne" désigne le souverain du Royaume‑Uni, du Canada et de Ses autres royaumes et territoires, et chef du Commonwealth". Dans l'arrêt A.G. Que. v. Nipissing Central Ry. Co., [1926] A.C. 715 [. . .], le Conseil privé a conclu que l'art. 189 de la Loi des chemins de fer, 1919 (Can.), ch. 68, qui habilitait une compagnie de chemin de fer, avec le consentement du gouverneur général, à prendre pour l'usage de son chemin de fer les terres de la Couronne, s'appliquait tant aux terres de la Couronne provinciale qu'aux terres de la Couronne du Dominion. On a également conclu que la Loi était constitutionnelle en raison de la compétence législative exclusive dont jouissait le Parlement fédéral en matière de chemins de fer interprovinciaux en vertu des par. 91(29) et 92(10) de l'A.A.N.B., 1867 (maintenant la Loi constitutionnelle de 1867).

Donnant une interprétation libérale à l'expression "Sa Majesté" et reconnaissant que toute ambiguïté doit profiter aux défendeurs, j'estime que l'expression comprend Sa Majesté du chef de la province du Manitoba.

À mon avis, le juge de première instance a adopté le bon point de vue. L'expression "Sa Majesté" peut se rapporter à la province; la question est de savoir si elle le fait.

Premièrement, le juge Morse a eu raison de conclure que l'expression "Sa Majesté" dans une loi fédérale ne se restreint pas nécessairement à la Couronne du chef du Canada. L'expression "Sa Majesté" n'est définie nulle part dans la Loi sur les Indiens, mais se trouve plutôt définie à l'art. 28 de la Loi d'interprétation fédérale, S.R.C. 1970, ch. I‑23:

28. Dans chaque texte législatif

. . .

"royaumes et territoires de Sa Majesté" désigne tous les royaumes et territoires sous la souveraineté de Sa Majesté;

"Sa Majesté", "la Reine", "le Roi" ou "la Couronne" désigne le souverain du Royaume‑Uni, du Canada et de Ses autres royaumes et territoires, et chef du Commonwealth;

Cette définition non limitative ne permet pas de savoir si cette expression comprend les deux Couronnes dans un contexte législatif donné. Dans l'arrêt Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 2 R.C.S. 225, voici ce que notre Cour a dit récemment au sujet de l'art. 16 de la Loi d'interprétation, quant à l'immunité de la Couronne (aux pp. 271 et 272):

L'article 16 actuel de la Loi d'interprétation provient de la modification apportée en 1967‑68:

16. Nul texte législatif de quelque façon que ce soit ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet à l'égard de Sa Majesté ou sur les droits et prérogatives de Sa Majesté, sauf dans la mesure y mentionnée ou prévue.

Il s'agit donc de savoir si la mention de "Sa Majesté" dans une loi fédérale visant à faciliter l'interprétation d'autres lois fédérales doit s'entendre de la Couronne du chef du Canada seulement ou de la Couronne du chef d'une province également. La définition de "Sa Majesté" que l'on trouve à l'art. 28 de la Loi d'interprétation et qui est rendue applicable à l'interprétation de l'art. 16 en vertu du par. 3(2) de la même loi ne nous éclaire pas beaucoup quant à savoir si elle vise la Couronne du chef d'une province . . .

. . .

Dans l'affaire PWA, le juge en chef Laskin fait la remarque suivante au sujet de la définition de "Sa Majesté" contenue à l'art. 28, aux pp. 70 et 71:

Bien que la définition précitée se réfère au "Canada", il faut la replacer dans le contexte des termes employés dans la Loi sur la désignation et les titres royaux, S.R.C. 1970, c. R‑12. Je ne crois pas que la définition elle‑même limite l'expression "Sa Majesté" à la seule Couronne du chef du Canada. Si c'était le cas, ce serait en raison de l'organisation constitutionnelle de notre système fédéral.

Le juge en chef Laskin conclut ceci, aux pp. 75 et 76:

J'estime inutile en l'espèce de décider si la définition des termes "Sa Majesté" à l'art. 28 de la Loi d'interprétation fédérale ne devrait désigner, pour des motifs d'ordre constitutionnel, que la Couronne du chef du Canada. Je me contenterai de suivre l'opinion traditionnelle selon laquelle la définition s'applique à la Couronne dans tous les domaines où elle peut être assujettie à une loi fédérale. [Souligné par le juge en chef Dickson dans l'arrêt Alberta Government Telephones.]

Dans l'arrêt Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), la Cour a conclu, suivant en cela une doctrine et une jurisprudence bien établies, que l'expression "Sa Majesté" contenue à l'art. 16 de la Loi d'interprétation fédérale comprend les Couronnes provinciales.

Si l'on accepte que l'expression est clairement susceptible de comprendre la Couronne provinciale, dans quelle direction cette interprétation de la Loi sur les Indiens nous conduit‑elle? On pourrait certainement prétendre que l'expression "Sa Majesté" ne vise que la Couronne fédérale en interprétant l'art. 90 en fonction des autres dispositions de la Loi. Il y a de nombreuses mentions de "Sa Majesté" dans la Loi sur les Indiens: voir les art. 4(3), 15, 16(2), (3), 18, 31(3), 34(2), 35(1), 36, 37, 39, 41, 48(8), 53(3), 59a), 67, 72, 90(1), 103(3), 104(1) et 114(1). Le paragraphe 35(1) mentionne expressément "Sa Majesté du chef d'une province", alors que le par. 114(1) oppose "Sa Majesté" au "gouvernement d'une province" et le par. 4(3) parle de "terres qui appartiennent à Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province". À partir de ces dispositions et des autres dans lesquelles il est clair que l'expression "Sa Majesté" se rapporte seulement à la Couronne fédérale de peur que la responsabilité constitutionnelle du Parlement à l'égard des Indiens et des terres indiennes ne soit remise en question (voir, par exemple, les art. 18 et 37 à 41), on pourrait prétendre que l'emploi dans la Loi sur les Indiens de l'expression "Sa Majesté", y compris à l'al. 90(1)b), ne se rapporte qu'à la Couronne fédérale. Cette interprétation serait conforme au fait que la Loi représente le principal instrument législatif découlant de la compétence conférée au par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. L'alinéa 90(1)b) lui‑même parle des biens personnels "donnés [. . .] en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté", ce qui est conforme au fait que la cession de droits indiens s'est historiquement effectuée par voie de traité ou d'accord avec la Couronne fédérale. Une autre indication que le sens de l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) est limité à la Couronne fédérale se trouve à l'al. 90(1)a) qui le précède immédiatement et qui parle de "Sa Majesté" et de "fonds votés par le Parlement" dans la même disposition.

Cet argument fondé sur le contexte est cependant loin d'être concluant et il se présente donc une ambiguïté dans l'interprétation. Des indications semblables contenues dans les arrêts Attorney‑General for Quebec v. Nipissing Central Railway Co., [1926] A.C. 715 (C.P.), et Nickel Rim Mines Ltd., précité, ont été jugées insuffisantes pour restreindre la mention de l'expression "Sa Majesté" dans une loi fédérale à la Couronne fédérale.

Dans l'arrêt Nipissing, il s'agissait de déterminer si l'art. 189 de la Loi des chemins de fer, 1919, S.C. 1919, ch. 68, permettait à une compagnie de chemin de fer de prendre des terres de la Couronne provinciale. L'article 189 se lisait en partie comme suit:

189. (1) Nulle compagnie ne peut s'approprier, utiliser ou occuper des terres qui appartiennent à la Couronne, sans le consentement du Gouverneur en conseil.

(2) Avec ce consentement, une compagnie de chemin de fer peut, aux conditions prescrites par le Gouverneur en conseil, prendre et s'approprier, pour l'usage de son chemin de fer et de ses ouvrages, toute partie des terres de la Couronne, sur la ligne du chemin de fer, qui n'a pas encore été vendue ou concédée et qui est nécessaire à ce chemin de fer, . . .

. . .

(4) Chaque fois que ces terres sont attribuées à la Couronne pour un objet spécial ou subordonnément à une fiducie, le Gouverneur en conseil doit appliquer au même objet, ou à l'exécution de cette fiducie, l'indemnité que la compagnie paie pour ces terres.

Le rôle du gouverneur en conseil fédéral, qui comportait même le fait de recevoir des indemnités versées à l'égard des terres de la Couronne, tel qu'il est établi expressément dans le même article, et d'ailleurs dans le même paragraphe, laissait entendre que la mention de la Couronne se rapportait seulement à la Couronne fédérale. Cependant, le Conseil privé [TRADUCTION] "n'a pas hésité à conclure" (à la p. 720) que les termes "terres de la Couronne" comprenaient tant les terres de la Couronne provinciale que celles de la Couronne fédérale. Il semble que le Conseil privé en ait été principalement convaincu par le fait que l'art. 189 tirait son origine d'une loi de la Province du Canada antérieure à la Confédération, dans laquelle on ne pouvait donc avoir voulu établir de distinction entre les terres du Dominion et celles de la Couronne provinciale. C'est donc dire que parce que la Couronne n'était pas divisée, du moins selon les mêmes critères, avant 1867, il fallait comprendre que la mention de la Couronne dans la loi postérieure à la Confédération qui reproduisait dans une certaine mesure le texte antérieur à 1867 se rapportait, en matière d'interprétation législative, à une Couronne non divisée à l'égard du sujet en question.

Dans l'arrêt Nickel Rim Mines Ltd., précité, le juge Spence a conclu que des mentions contextuelles semblables ne portent pas atteinte à l'interprétation de l'expression "Sa Majesté" à l'art. 105 de la Loi sur la Cour suprême, précité, qui se lit ainsi:

105. Dans toute procédure à laquelle Sa Majesté est partie, qu'elle soit représentée par le procureur général du Canada ou d'une autre manière, les frais adjugés à Sa Majesté ne doivent pas être refusés ni réduits lors de la taxation, uniquement parce que l'avocat ou le conseil qui a gagné ces frais, ou pour les services duquel les frais sont imposés, était un officier rétribué de la Couronne, exécutant lesdits services dans l'accomplissement de son devoir et rémunéré en conséquence par son traitement, ou non admis, pour cette raison ou pour toute autre à recouvrer des frais de la Couronne en ce qui concerne les services ainsi rendus; et les frais recouvrés par Sa Majesté ou en son nom en pareil cas doivent être versés au Fonds du revenu consolidé.

Sans égard à la mention du "Fonds du revenu consolidé", le juge Spence (en chambre) a conclu que l'expression "Sa Majesté" comprenait Sa Majesté du chef d'une province. Pour surmonter les difficultés que ces mentions contextuelles soulevaient, il paraît s'être fortement appuyé sur la règle de l'interprétation réparatrice établie à l'art. 15 de la Loi d'interprétation fédérale, S.R.C. 1952, ch. 158.

L'arrêt Nowegijick oblige les tribunaux à interpréter toute "ambiguïté" en faveur des Indiens lorsqu'il existe plus d'une interprétation raisonnable. Je n'ai aucun doute qu'il est tout à fait conforme aux arrêts Nipissing et Nickel Rim Mines Ltd. de recourir à la règle de l'arrêt Nowegijick en l'espèce, étant donné l'ambiguïté qui existe. Dans chacun de ces cas, on a jugé nécessaire de faire appel à d'autres arguments allant au‑delà du texte lui‑même pour résoudre le litige. Compte tenu des arrêts Nipissing et Nickel Rim Mines Ltd., je suis d'avis de recourir à l'arrêt Nowegijick pour résoudre l'ambiguïté en l'espèce et, par conséquent, de choisir une interprétation qui profite aux Indiens. Je conclus donc que l'expression "Sa Majesté" comprend la Couronne provinciale.

Cette interprétation est également étayée par le deuxième aspect de la règle de l'arrêt Nowegijick, c'est‑à‑dire que la compréhension qu'ont les autochtones des termes et des concepts juridiques correspondants contenus dans les traités avec les Indiens doit être préférée aux interprétations plus strictes et formalistes. Ce souci du point de vue des autochtones, quoique dans un contexte différent, a conduit la majorité de notre Cour dans l'arrêt Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, à qualifier le droit qu'ont les Indiens sur leurs terres de droit sui generis dont la nature ne peut être parfaitement saisie dans un lexique dérivé des systèmes juridiques européens.

Bien que le présent pourvoi ne comporte pas l'interprétation d'un traité, je juge utile de considérer le point de vue des autochtones en illustrant l'ambiguïté de l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b). L'arrêt Nowegijick prescrit l'adoption d'une interprétation généreuse et libérale. À mon avis, la mention de la notion "compréhension qu'ont les autochtones", qui respecte la culture et l'histoire uniques des peuples autochtones du Canada, est un élément approprié de cette interprétation. Dans le contexte du présent pourvoi, la compréhension qu'ont les autochtones des expressions "la Couronne" ou "Sa Majesté" prend sa source dans les réalités antérieures à la Confédération. L'arrêt Guerin rendu récemment part de la prémisse fondamentale de la "nature unique à la fois du droit des Indiens sur leurs terres et de leurs rapports historiques avec Sa Majesté". (À la page 387, je souligne.) Ces rapports remontent avant la Confédération, lorsque des contacts ont été établis avec les premiers occupants des terres de l'Amérique du Nord (les peuples autochtones) et les colonisateurs européens (depuis 1763, "la Couronne"), et ce sont ces rapports entre les peuples autochtones et la Couronne qui sont à l'origine de l'obligation fiduciaire distincte de la Couronne. D'après ces faits, l'arrêt Guerin ne portait que sur l'obligation de la Couronne fédérale découlant d'une cession de terres par les Indiens et il est vrai que depuis 1867 le rôle de la Couronne a toujours été joué, en raison de l'attribution des compétences au fédéral, par Sa Majesté du chef du Canada et la Loi sur les Indiens vient confirmer la responsabilité historique de la Couronne à l'égard du bien‑être et des intérêts de ces peuples. Cependant, les rapports des Indiens avec la Couronne ou le souverain n'ont jamais été fonction des représentants particuliers de la Couronne visée. Du point de vue des autochtones, toute division fédérale‑provinciale que la Couronne s'est imposée à elle‑même est interne et ne modifie aucunement la structure fondamentale des rapports entre le souverain et les Indiens. Cela ne veut pas dire que les peuples autochtones échappent à la souveraineté de la Couronne, ni que le partage des compétences en ce qui concerne les peuples autochtones dans le Canada fédéral est remis en question.

On peut surestimer la mesure dans laquelle les peuples autochtones ne sont touchés que par les décisions et les actes de la Couronne fédérale. Fait partie du partage des compétences la théorie des effets accessoires suivant laquelle une règle de droit relative à un chef de compétence d'un palier de gouvernement peut validement toucher un chef de compétence de l'autre palier; comme on l'a affirmé récemment à la p. 275 de l'arrêt Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), précité, "Le fédéralisme canadien a évolué de façon à tolérer à plusieurs égards le chevauchement des lois fédérales et provinciales . . ." Tant que les Indiens ne sont pas touchés en tant qu'Indiens, une loi provinciale peut les viser, et même de façon significative dans la vie de tous les jours. L'article 88 de la Loi sur les Indiens augmente considérablement la mesure dans laquelle les provinces peuvent toucher les Indiens en reconnaissant la validité des lois d'application générale, à moins qu'elles ne soient supplantées par des traités ou des lois fédérales. Ce chevauchement des responsabilités de part et d'autre de la ligne de partage des compétences est tout à fait conforme au fait que le nouvel art. 35 enchâssé dans la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique à tous les paliers de gouvernement au Canada.

Par conséquent, je conclus que l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens doit être interprétée comme se rapportant à la fois à la Couronne fédérale et à la Couronne provinciale.

VII Les questions secondaires

Comme je l'ai déjà mentionné, le pourvoi des appelants repose presque entièrement sur l'interprétation de l'expression "Sa Majesté". C'est la seule question sur laquelle la Cour d'appel s'est penchée. Il existe cependant d'autres points que les parties ont soumis dans leur plaidoirie devant notre Cour. Ils portent sur la question de savoir s'il y a eu respect des critères "biens personnels", "ont été donnés" et "accord" que l'on trouve à l'al. 90(1)b). Je suis tout à fait d'accord avec les conclusions du juge de première instance sur tous ces points et je ne puis ajouter que peu de choses à son examen. Je vais m'en tenir à un bref examen de chaque point.

a) "Biens personnels"

L'arrêt Nowegijick portait sur le sens de l'expression "biens personnels" que l'on trouve à l'art. 87 de la Loi sur les Indiens. On a conclu que le revenu imposable, une forme de bien immatériel, était visé par l'expression "biens personnels" de cet article de la Loi. Voir également l'arrêt du juge McLachlin (maintenant juge de notre Cour), Metlakatla Ferry Service Ltd. v. B.C. (Gov't) (1987), 12 B.C.L.R. 308 (C.A.), dans lequel elle s'appuie en partie sur l'arrêt Nowegijick pour conclure qu'un bail et qu'une dette exigible en vertu de celui‑ci constituent des "biens personnels" au sens de l'art. 87 et souligne que l'art. 87 vise les biens personnels tant matériels qu'immatériels; et voir l'arrêt Brown v. The Queen in Right of British Columbia, [1979] 3 C.N.L.R. 67 (C.A.C.‑B.), dans lequel on a conclu que l'électricité fournie aux Indiens sur une réserve constituait un "bien personnel" au sens de l'art. 87. Je suis d'avis de retenir l'affirmation suivante du juge Morse, précité, à la p. 121:

[TRADUCTION] Si des biens immatériels comme l'électricité et le revenu imposable sont des biens personnels, il est clair que le droit des défendeurs au paiement des sommes que le gouvernement du Manitoba a convenu de verser doit être considéré comme un bien personnel et il me semble qu'il n'y a aucune raison valable de donner aux termes "biens personnels situés sur une réserve", que l'on trouve à l'art. 89, un sens différent des mêmes termes figurant à l'art. 87.

Il est évident que la dette exigible du gouvernement du Manitoba doit également constituer un "bien personnel" au sens de l'al. 90(1)b) pour que les intimés aient gain de cause. Selon l'argument des appelants, l'expression "biens personnels", qui ne figure qu'une seule fois dans la disposition introductive du par. 90(1) et qui s'applique aux deux alinéas suivants, doit recevoir un sens identique applicable aux deux al. 90(1)a) et b). Toujours selon cet argument, puisque l'al. 90(1)a) limite le sens de l'expression aux biens matériels et, de même, puisque le par. 90(3) parle de destruction de biens personnels, l'expression "biens personnels" à l'al. 90(1)b) doit donc être de même restreinte aux biens matériels. Deux décisions s'appuient sur ce raisonnement pour conclure que l'al. 90(1)b) est restreint aux biens matériels: Kuhn v. Starr, le juge Ferg, B.R. Man., décision inédite rendue le 28 octobre 1976, et Mintuck v. Valley River Band 63A, [1978] 2 W.W.R. 159 (B.R. Man.) (qui a suivi la décision Kuhn, précitée). Il n'est pas évident d'après les faits que le juge Ferg devait se prononcer sur la portée de l'al. 90(1)b) dans cette affaire, mais il est néanmoins clair que son raisonnement est le seul exposé judiciaire qui propose une interprétation restrictive de l'expression "biens personnels" à l'al. 90(1)b). Avant que le juge Morse ne rende sa décision, il avait été décidé une seule fois que les termes de l'al. 90(1)b) comprennent des biens immatériels (une bourse d'études étant le bien en question), sans que le tribunal n'examine cependant explicitement la question: Greyeyes c. La Reine, [1978] 2 C.F. 385 (D.P.I.), le juge Mahoney. Peu de temps après, le juge en chef adjoint Thurlow a conclu que l'expression "biens personnels" à l'al. 90(1)a) ne peut comprendre le droit à un traitement en raison de l'effet des termes "achetés par Sa Majesté" qui se trouvent plus loin dans l'alinéa: La Reine c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103 (D.P.I.), à la p. 108. Le juge en chef adjoint Thurlow a cependant conclu implicitement que l'expression "biens personnels" à l'al. 90(1)b) pouvait recevoir une interprétation différente en raison de la nuance apportée dans le reste de cet alinéa; cela découle de son opinion que l'arrêt Greyeyes est bien fondé en droit (à la p. 108). Depuis la décision du juge Morse, deux arrêts ont explicitement adopté son raisonnement sur ce point: Fricke and Seaton Timber Ltd. v. Mitchell (1985), 67 B.C.L.R. 227 (C.S.C.‑B.), et Fayerman Bros. Ltd. v. Peter Ballantyne Indian Band, [1986] 1 C.N.L.R. 6 (B.R. Sask.) Dans une troisième décision, le tribunal a également retenu implicitement l'opinion du juge Morse bien qu'il n'ait pas examiné explicitement la question: Williams v. Canada, [1989] 1 C.N.L.R. 184 (C.F.D.P.I.) (prestations d'assurance‑chômage versées à un travailleur en vertu d'un projet créateur d'emplois). À mon avis, on a eu raison de conclure, dans ces décisions, que l'expression "biens personnels" à l'al. 90(1)b) comprend des biens immatériels comme le droit au paiement d'une somme dont il est question en l'espèce. Encore une fois, je fais mien le raisonnement du jugement Morse, précité, à la p. 125:

[TRADUCTION] Avec égards, je ne puis arriver à la même conclusion que le juge Ferg, J.L.B.R., quant au sens de l'expression "biens personnels" au par. 90(1). À mon avis, il n'y a aucune raison sérieuse de donner à l'expression "biens personnels" le même sens aux al. b) et a). L'article a pour but d'élargir le sens des termes "biens personnels situés sur une réserve". L'alinéa 90(1)a) utilise les termes "biens personnels [. . .] achetés", alors que l'al. 90(1)b) utilise les termes "biens personnels [. . .] donnés", et les deux alinéas sont séparés par la conjonction disjonctive "ou". Il est vrai, comme le souligne le juge local Ferg, que le par. 90(3) se rapporte à des biens personnels matériels, mais je ne vois pas pourquoi l'infraction que constitue la destruction de biens restreint nécessairement le sens de l'expression "biens personnels" au par. 90(1). Quant au par. 90(2), j'estime qu'il est suffisamment général pour viser non seulement les biens personnels matériels mais aussi les biens personnels immatériels comme une dette ou le droit à un paiement.

. . .

. . . j'estime qu'il est possible de donner une interprétation libérale à l'expression "biens personnels" à l'art. 90. À mon avis, on doit conclure en l'espèce que le droit des défendeurs au paiement de la somme que le gouvernement du Manitoba a convenu de leur verser devrait constituer un bien personnel au sens du par. 90(1).

b) "ont été . . . donnés"

Les appelants prétendent que puisque la somme due n'a pas été effectivement donnée aux divers intimés, les biens personnels n'ont pas été "donnés". Cet argument est manifestement mal fondé. Le bien personnel en question est une dette et non de l'argent en tant que tel. Comme le juge Morse, précité, l'explique brièvement à la p. 128, [TRADUCTION] "on a donné aux défendeurs des biens personnels parce qu'on leur a donné le droit d'être payés. Ce droit ou cette dette existait lorsque l'ordonnance de saisie‑arrêt a été rendue. À mon avis, il n'est pas nécessaire qu'une somme soit effectivement versée aux défendeurs pour que l'al. 90(1)b) s'applique."

c) "accord"

Enfin, on a soutenu devant le juge Morse, mais pas de façon explicite devant notre Cour, qu'il fallait appliquer la règle ejusdem generis à l'interprétation du terme "accord" de l'al. 90(1)b) lorsqu'il est rapproché du terme "traité" qui figure au même alinéa; parce que les traités ne peuvent être conclus qu'avec le gouvernement fédéral, cet accord doit être de même nature qu'un traité avec le gouvernement fédéral. Jusqu'à ce jour, toutes les décisions dans lesquelles les tribunaux ont conclu à l'existence d'un accord au sens de l'al. 90(1)b) ont effectivement porté sur des accords avec le gouvernement fédéral: voir l'arrêt Greyeyes, précité (bourse d'études accordée conformément à un accord conclu en vue d'aider les membres des bandes à poursuivre leurs études en application d'obligations découlant d'un traité), Fayerman, précité (somme versée à une banque en application d'un accord conclu entre le ministère des Affaires indiennes et une bande), Fricke, précité (un accord semblable à celui de l'arrêt Fayerman), et Williams, précité (un accord entre une bande et le gouvernement fédéral établissant un projet créateur d'emplois en vertu duquel des prestations étaient versées).

À moins de vouloir contester indirectement le sens de l'expression "Sa Majesté", une question sur laquelle je me suis déjà prononcé, je ne vois pas pourquoi la règle d'interprétation ejusdem generis, si tant est qu'elle s'applique, devrait avoir prépondérance sur la règle de l'arrêt Nowegijick selon laquelle les ambiguïtés doivent profiter aux Indiens. Je n'ai aucune difficulté à reconnaître qu'il y a eu accord prévoyant le remboursement de la taxe en échange de la signature des renonciations par les 54 bandes indiennes concernées; voir le décret no 253. D'ailleurs, l'action même qui a été intentée par les appelants contre les intimés est fondée sur l'existence d'un accord que les appelants prétendent avoir négocié au nom des intimés; le paragraphe 65 de la déclaration modifiée des appelants se lit en partie comme suit: [TRADUCTION] "À l'automne 1982, le gouvernement du Manitoba, par suite des efforts des demandeurs, a convenu de rembourser aux bandes indiennes défenderesses les montants de taxe de vente ci‑après décrits." (Je souligne.)

Je tiens à souligner que les appelants soutiennent également qu'il faut combiner l'interprétation des termes "ont été donnés" avec le terme "accord" et proposent qu'aucun accord ne doit être assorti d'une contrepartie (en l'espèce, les renonciations des bandes) parce qu'il aurait alors l'allure d'un marché et non d'un don. Cette interprétation constituerait l'antithèse d'une interprétation libérale et ne saurait être retenue.

Un autre point en faveur des intimés est que les sommes en question constituent un remboursement de taxe. On ne peut que présumer que cette taxe n'aurait jamais dû être perçue à l'origine (l'art. 87 de la Loi sur les Indiens) et que cette somme n'aurait jamais dû quitter les réserves indiennes. Il serait absurde que cette somme puisse être saisie‑arrêtée au moment où on s'apprête à la retourner à ceux qui n'auraient jamais dû la verser.

VIII Conclusion

Je conclus que l'arrêt de la Cour d'appel, en l'espèce, est bien fondé et que le raisonnement du juge de première instance ainsi que son interprétation des éléments de l'al. 90(1)b) sont justes. L'expression "Sa Majesté", à l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens, vise à la fois la Couronne fédérale et les Couronnes provinciales. En conséquence, les sommes en question ne peuvent être saisies‑arrêtées en vertu du par. 89(1) de la Loi. L'étendue de cette protection est définie selon les termes de la Loi. Les opérations commerciales générales auxquelles participent des Indiens ne sont pas censées être limitées par cette interprétation. En l'espèce, la réclamation des appelants n'a pas fait l'objet d'une décision sur le fond et il est nettement loisible aux appelants de poursuivre leur action en justice. Dans les circonstances toutefois, il leur est interdit de saisir‑arrêter les sommes dues aux intimés par la Couronne provinciale.

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens devant cette Cour et les deux tribunaux d'instance inférieure.

//Le juge Wilson//

Version française des motifs des juges Lamer, Wilson et L'Heureux-Dubé rendus par

LE JUGE WILSON — Hydro Manitoba a irrégulièrement imposé une taxe aux Indiens Peguis relativement à la vente d'électricité sur une réserve. Le gouvernement du Manitoba a par la suite réglé la réclamation des Indiens en remboursement des taxes payées et il s'agit en l'espèce de déterminer si les avocats appelants peuvent saisir‑arrêter le produit de ce règlement en paiement des honoraires qu'ils avaient exigés pour représenter les Indiens dans la négociation du règlement.

Comme le soulignent le Juge en chef et le juge La Forest, le juge de première instance et la Cour d'appel ont tous deux conclu que les sommes ne peuvent être saisies‑arrêtées. Leur conclusion est fondée sur leur interprétation de l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑6. Mes collègues interprètent différemment cette disposition, mais ils arrivent au même résultat, savoir que les appelants ne peuvent saisir‑arrêter les sommes.

Je suis d'accord avec l'interprétation de l'al. 90(1)b) que donne mon collègue le juge La Forest et ma seule préoccupation porte sur l'application de la Loi sur la saisie‑arrêt, L.R.M. 1970, ch. G20, C.P.L.M., ch. G20, aux sommes qui, suivant l'interprétation de mon collègue, ne sont pas situées sur une réserve ni réputées y être situées. Sur quel fondement alors sont‑elles exemptes de saisie?

Je dois dire dès le départ que je ne suis pas en désaccord avec mon collègue pour dire qu'en ce qui concerne le gouvernement du Manitoba et les Indiens, ces derniers ont droit aux sommes pour les motifs qu'il donne. Ma préoccupation porte sur la réclamation d'un tiers visant le produit en transition, si ce produit n'est pas protégé par la Loi sur les Indiens. À cette fin, je tiens pour acquis que la réclamation des appelants est une réclamation tout à fait valide de la part d'un tiers.

Mon collègue dit que, n'eût été l'omission du gouvernement du Manitoba de respecter les exigences de la Loi sur les Indiens, les sommes n'auraient jamais quitté la réserve. Il estime qu'il serait vraiment anormal que, suite à l'imposition d'une taxe inconstitutionnelle, l'application du droit provincial porte atteinte à la capacité des Indiens de se retrouver dans la situation même où ils se seraient trouvés, n'eût été la taxe irrégulière. La difficulté que j'éprouve est de savoir comment on arrive à ce résultat certes très souhaitable quand intervient une réclamation d'un tiers. Une fois établi que les sommes ne sont pas dans les faits situées sur la réserve ni réputées y être situées et qu'elles constituent bel et bien une dette, pourquoi cette dette ne pourrait‑elle pas faire l'objet d'une saisie‑arrêt entre les mains d'un tiers innocent? Je ne connais aucun principe juridique (sous réserve de ce que je dirai plus loin au sujet de l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt) suivant lequel la manière dont naît une dette peut avoir des répercussions sur le tiers innocent qui cherche à engager des procédures de saisie‑arrêt relativement à cette dette.

Le juge La Forest dit également que, s'il était nécessaire de trancher ce point, il conclurait que le juge Morse a mal interprété l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt lorsqu'il a conclu qu'il s'appliquait à l'accord en l'espèce. Bien que le droit dans ce domaine soit quelque peu anachronique, je suis d'accord avec mon collègue que la Loi sur la saisie‑arrêt ne s'applique pas vu les faits de l'espèce. Mais il me semble important d'expliquer pourquoi il en est ainsi, surtout parce que le législateur peut vouloir reconsidérer des aspects de la théorie de l'immunité de l'État qui amènent à cette conclusion.

La common law reconnaît depuis longtemps que l'État échappe à toute procédure de saisie‑arrêt. Le juge Duff (plus tard Juge en chef) a expliqué la raison de la position de la common law dans l'arrêt Canadian National Railway Co. v. Croteau, [1925] R.C.S. 384, à la p. 388:

[TRADUCTION] La vraie difficulté soulevée par la saisie de sommes payables par la Couronne à un tiers réside dans l'incapacité des tribunaux de rendre une ordonnance contre la Couronne.

Le juge en chef Duff a eu l'occasion de préciser ce point quelques années plus tard dans l'arrêt The King v. Central Railway Signal Co., [1933] R.C.S. 555, à la p. 563:

[TRADUCTION] Mis à part, cependant, les redressements dont dispose le citoyen par voie de pétition de droit et, dans certains cas particuliers, en vertu d'un texte de loi, il est une règle stricte que Sa Majesté ne peut être mise en cause devant aucun de ses tribunaux, et cette règle est tout aussi stricte dans le cas d'une action in rem dirigée contre un bien appartenant à Sa Majesté (The Scotia). Il est exact que, dans certains cas, la procédure moderne permet à un citoyen de demander une déclaration de droit contre le procureur général et que, dans d'autres cas, lorsque les intérêts de la Couronne paraissent en cause, le procureur général peut être joint comme partie (Dyson v. Attorney General; E. & N. Rly. Co. v. Wilson); mais il est une règle absolue selon laquelle aucune procédure tendant à des mesures d'exécution contre Sa Majesté elle‑même ou contre ses biens n'est du ressort des tribunaux de Sa Majesté.

Le juge en chef Duff a ensuite expliqué que Blackstone avait exposé la raison d'être de la position stricte de la common law dans son ouvrage Commentaries on the Laws of England ((1876), 1 Kerr, aux pp. 214 et 215):

[TRADUCTION] D'où la règle qu'aucune poursuite ou action ne peut être intentée contre le souverain, même en matière civile, parce qu'aucun tribunal ne peut avoir juridiction sur lui. Car toute juridiction sous‑entend pouvoir supérieur; la compétence de mettre en jugement serait vaine et inutile sans compétence pour corriger; et la sentence d'un tribunal pourrait être ignorée si ce tribunal n'avait pas le pouvoir d'en ordonner l'exécution; mais qui, dit Finch, peut commander au roi? D'où la règle que, en droit, la personne du souverain est sacrée, même si les mesures appliquées sous son règne sont tout à fait tyranniques et arbitraires; car aucune juridiction sur terre n'a le pouvoir de le mettre en jugement en matière criminelle; encore moins de lui infliger une peine.

L'immunité de l'État relativement aux procédures de saisie‑arrêt a été conservée dans les lois modernes régissant les procédures contre l'État. Au Manitoba, par exemple, le par. 16(6) de la Loi sur les procédures contre la Couronne, L.R.M. 1987, ch. P140, prévoit qu'"[u]n tribunal ne peut pas délivrer une procédure d'exécution ou de saisie ou une procédure de même nature afin de forcer la Couronne à payer les montants ou les dépens". Ce langage est le reflet de celui rencontré dans d'autres ressorts où l'État conserve son immunité relativement à des procédures de saisie‑arrêt (voir la Commission de réforme du droit de l'Ontario, Report on the Enforcement of Judgment Debts And Related Matters (1981), à la p. 146).

Une conséquence malheureuse de l'immunité de l'État relativement à une ordonnance de saisie‑arrêt était ordinairement que, lorsqu'un de ses fonctionnaires ne payait pas une dette constatée par jugement, le créancier titulaire du jugement ne pouvait pas saisir le salaire du fonctionnaire. Au cours des années des efforts ont été faits pour atténuer la sévérité de cette règle, en restreignant la portée de l'immunité de l'État en matière de saisie‑arrêt. Le professeur Hogg fait observer que, dans la plupart des ressorts, un texte de loi prévoit maintenant expressément que les salaires des employés de l'État peuvent faire l'objet d'une saisie‑arrêt, bien que ces lois soient rarement allées jusqu'à permettre la saisie‑arrêt de toutes les sommes dues par l'État (Hogg, Liability of the Crown (2e éd. 1989), à la p. 53). C'est ce genre de modification limitée que le législateur manitobain a cherché à réaliser quand il a adopté l'art. 3 de sa Loi sur la saisie‑arrêt:

3 Il peut être procédé à des saisies‑arrêts entre les mains du gouvernement du Manitoba sous le régime des lois de la Législature tout comme il peut l'être dans le cas de particuliers, en ce qui concerne les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement. [Je souligne.]

Je suis d'accord avec mon collègue le juge La Forest que les mots "les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement" se rapportent seulement aux dettes du gouvernement découlant d'ententes quant au travail ou à la fourniture de services. Je suis également d'accord que ces mots ne vont pas jusqu'à lever l'immunité du gouvernement relativement aux procédures de saisie‑arrêt que les appelants cherchent à engager.

Mais je crois important de mentionner que c'est précisément à cause de la nature très limitée des changements apportés par des dispositions comme l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt manitobaine que le droit relatif à l'immunité de l'État est devenu la cible de nombreuses critiques. Par exemple, le juge Dickson (maintenant Juge en chef) fait remarquer dans l'arrêt R. c. Eldorado Nucléaire Ltée, [1983] 2 R.C.S. 551, à la p. 558:

Il semble y avoir [dans la théorie de l'immunité de l'État] une contradiction avec les notions fondamentales de l'égalité devant la loi. Plus le gouvernement intervient dans les activités que l'on considérait autrefois réservées au secteur privé, plus il est difficile de comprendre pourquoi l'État doit être ou devrait être dans une situation différente de celle des citoyens.

Plus récemment, la Commission de réforme du droit de l'Ontario a réclamé une révision complète du droit relatif à l'immunité de l'État. Notant que [TRADUCTION] "le droit actuel en matière de responsabilité de l'État est un mélange disparate et incohérent de règles, de présomptions, de privilèges et d'immunités en grande partie fondées sur une justification historique anachronique, plutôt que sur un ensemble rationnel et soigneusement conçu de règles qui réponde aux notions contemporaines de droits du gouvernement et des citoyens", la Commission dit que [TRADUCTION] "dans la mesure où il accorde encore des privilèges et immunités dont ne bénéficie pas le citoyen ordinaire, le droit actuel régissant la responsabilité de l'État est incompatible avec les conceptions populaires et largement répandues de gouvernement" (Commission de réforme du droit, Report on the Liability of the Crown (1989), aux pp. 2 et 3).

La recommandation générale de la Commission mérite d'être citée (à la p. 6):

[TRADUCTION] Cependant, nous pensons qu'il est important d'indiquer ici, comme principe général, que nous croyons que l'État devrait être assujetti aux mêmes règles de droit que toute autre personne et que toute exception à cette règle générale devrait être clairement justifiée. Par conséquent, notre recommandation générale et principale est que les privilèges de l'État relatifs à la responsabilité civile et aux procédures en matière civile soient abolis et que l'État, ses employés, fonctionnaires et préposés soient assujettis à toutes les responsabilités civiles et règles de procédures applicables aux autres personnes majeures et capables. [Je souligne.]

La critique a également été spécifiquement dirigée contre le rôle de l'immunité de l'État dans le contexte des procédures de saisie‑arrêt. La Commission de réforme du droit de l'Ontario recommandait en 1981 que toutes les sommes dont l'État pouvait être redevable, non seulement les salaires payables par l'État, puissent être saisies‑arrêtées par un créancier titulaire d'un jugement (Report on the Enforcement of Judgment Debts and Related Matters, à la p. 147). La même recommandation a été faite par la Commission de réforme du droit de la Colombie‑Britannique (Report on Attachment of Debts Act (1978), à la p. 53) et par la Division de réforme du droit du ministère de la Justice du Nouveau‑Brunswick (Third Report of the Consumer Protection Project, vol. II, Legal Remedies of the Unsecured Creditor After Judgment (1976), à la p. 39).

Plus récemment, le professeur Hogg a fait observer qu'il est difficile de voir pourquoi l'État ne devrait pas faire l'objet d'une ordonnance de saisie‑arrêt. [TRADUCTION] "L'ordonnance a pour objet l'exécution d'une créance constatée par jugement dont un particulier, non pas l'État lui‑même, est débiteur. Aucun intérêt public ne semble compromis lorsqu'une somme due par l'État est saisie‑arrêtée, car cette situation a pour seule conséquence que l'État est tenu de payer la somme due au shérif plutôt qu'au créancier initial (maintenant un débiteur en défaut à l'égard d'un jugement)" (Hogg, Liability of the Crown (2e éd. 1989), aux pp. 52 et 53). La Commission de réforme du droit de l'Ontario a répété ces objections en 1989 et recommandé que l'Assemblée législative de l'Ontario supprime l'immunité résiduaire relative à la saisie‑arrêt de sommes dues par l'État (Report on the Liability of the Crown, à la p. 88).

Ces observations laissent fortement entendre que la théorie de l'immunité de l'État dans le contexte de procédures de saisie‑arrêt est un anachronisme lorsque l'État est le tiers saisi. Cependant, je pense qu'il est clair qu'il appartient au législateur d'apporter au droit relatif à l'immunité de l'État le genre de réformes fondamentales qui s'imposent de manière de plus en plus évidente. Parce que ces questions portent sur des aspects fondamentaux de la relation entre les tribunaux et le gouvernement, notre Cour est mal placée pour entreprendre la tâche délicate de reformuler le droit dans ce domaine. En règle générale, c'est par l'adoption de lois relatives aux procédures visant l'État et leurs modifications subséquentes qu'on a apporté des changements. À mon avis, cela demeure la bonne façon de faire évoluer le droit. Non seulement les tentatives ponctuelles de la part des tribunaux de reformuler le droit régissant l'immunité de l'État soulèvent‑elles des questions constitutionnelles délicates, mais elles risquent d'ajouter à la confusion plutôt que de produire l'ensemble rationnel et soigneusement conçu de règles qui réponde aux notions contemporaines de droits du gouvernement et des citoyens, que la Commission de réforme du droit de l'Ontario a réclamé.

Dispositif

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi pour le motif que la Loi sur la saisie‑arrêt ne s'applique pas à l'État de manière à autoriser les appelants à saisir‑arrêter les sommes dues par l'État aux Indiens en vertu du règlement intervenu.

//Le juge La Forest//

Version française du jugement des juges La Forest, Sopinka et Gonthier rendu par

LE JUGE LA FOREST -- J'ai eu l'avantage de lire les motifs du Juge en chef. Je partage la conclusion qu'il propose dans ce pourvoi, mais pour des raisons tout à fait différentes. En toute déférence, je ne puis souscrire à sa démarche ni, en particulier, à son adoption de l'interprétation, que donne le juge de première instance, de l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑6.

Le Juge en chef a résumé les faits et l'historique judiciaire et je n'ai pas à les reprendre ici. De façon générale, la question qu'il faut trancher porte sur des sommes que détient le gouvernement du Manitoba et que celui‑ci a accepté de verser aux Indiens intimés en règlement d'une demande de remboursement des taxes payées par les Indiens à la Manitoba Hydro concernant des ventes d'électricité sur les réserves. La question est de savoir si ces sommes peuvent être saisies‑arrêtées par les appelants qui ont intenté des poursuites contre les Indiens relativement aux honoraires exigés pour les représenter dans la négociation du règlement.

Le juge de première instance et la Cour d'appel ont conclu que les sommes ne pouvaient faire l'objet d'une saisie‑arrêt. Comme le Juge en chef l'a souligné, ces décisions sont fondées sur l'interprétation que ces tribunaux ont donnée à l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens. En toute déférence, j'estime que cette interprétation va non seulement au‑delà des termes et des objets clairs de la Loi, mais elle fait fi de l'histoire et comporte de graves incidences en matière de politique indienne qui sont néfastes tant à l'égard du gouvernement que des autochtones.

Les arguments fondés sur les textes

Je vais d'abord traiter des arguments fondés sur les textes. Le paragraphe 90(1) se lit ainsi:

90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89, les biens personnels qui ont été

a) achetés par Sa Majesté avec des deniers des Indiens ou des fonds votés par le Parlement à l'usage et au profit d'Indiens ou de bandes, ou

b) donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou accord entre une bande et Sa Majesté,

sont toujours tenus pour situés sur une réserve. [Je souligne.]

Pour bien saisir la portée de cette disposition, il faut évidemment mentionner l'art. 87, qui exempte de taxation les terres et les biens personnels situés sur une réserve, et l'art. 89, qui prévoit que les biens réels et personnels des Indiens situés sur une réserve ne peuvent faire l'objet d'une saisie. Pour indiquer la corrélation qui existe entre ces dispositions, il suffit que je reproduise ici seulement leur premier paragraphe. Ils se lisent ainsi:

87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation, savoir:

a) l'intérêt d'un Indien ou d'une bande dans une réserve ou des terres cédées; et

b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve; . . . [Je souligne.]

89. (1) Sous réserve de la présente loi, les biens réels et personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve ne peuvent pas faire l'objet d'un privilège, d'un nantissement, d'une hypothèque, d'une opposition, d'une réquisition, d'une saisie ou d'une exécution en faveur ou à la demande d'une personne autre qu'un Indien. [Je souligne.]

J'aurai cependant l'occasion de mentionner d'autres parties de ces articles ainsi que d'autres dispositions de la Loi sur les Indiens.

Je vais d'abord examiner le sens de l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) de la Loi qui, comme l'a souligné le Juge en chef, est au centre du litige exposé par les parties.

Le Juge en chef reconnaît dans ses motifs que, selon les principes traditionnels d'interprétation législative, on peut présenter des arguments convaincants en faveur de la restriction du sens de l'expression "Sa Majesté", que l'on trouve à l'al. 90(1)b), à Sa Majesté du chef du Canada. Cette reconnaissance s'appuie sur le fait qu'à la lecture de la Loi, dans son ensemble, on peut conclure que l'expression "Sa Majesté", à moins de précision, se rapporte seulement à la Couronne fédérale. Comme le Juge en chef le souligne, le partage constitutionnel des compétences empêche d'interpréter l'expression "Sa Majesté" comme comprenant les Couronnes provinciales dans plusieurs dispositions de la Loi. Par exemple, considérer que l'expression "Sa Majesté" comprend les Couronnes provinciales dans le contexte des art. 18 et 37 à 41 de la Loi serait nier l'entière responsabilité de la Couronne fédérale à l'égard des "terres réservées aux Indiens." En outre, des dispositions comme les par. 35(1) et 114(1) établissent également clairement que lorsque le Parlement a voulu inclure "Sa Majesté du chef d'une province", il a pris soin de le faire clairement en employant des termes explicites. En absence d'une telle précision, et ayant à l'esprit que la Loi sur les Indiens définit un domaine de responsabilité fédérale, il faut comprendre qu'une mention sans autre précision de "Sa Majesté" est restreinte à la Couronne fédérale.

Cet argument est d'autant plus convaincant dans le contexte de l'al. 90(1)b). La mention de "fonds votés par le Parlement" à l'al. 90(1)a) établit clairement qu'à cet alinéa l'expression "Sa Majesté" doit être restreinte à la Couronne fédérale. À mon avis, l'absence de mots précis pour élargir le sens de l'expression contenue à l'al. 90(1)b), indique fortement que le Parlement voulait que l'expression "Sa Majesté" ait le même sens dans tout l'art. 90. Il serait fort étrange qu'on doive donner différents sens aux mêmes termes dans une même phrase. La division en paragraphes constitue évidemment un moyen pratique de faciliter la compréhension.

De même, les traités conclus avec les Indiens relèvent du domaine fédéral et j'estime que les termes "traité" et "accord" à l'al. 90(1)b) déteignent l'un sur l'autre. Il faut se rappeler que les promesses contenues dans les traités sont souvent formulées en des termes très généraux et que des accords supplémentaires sont nécessaires pour préciser les engagements pris par la Couronne; voir l'exemple d'un tel accord dans la décision Greyeyes c. La Reine, [1978] 2 C.F. 385 (D.P.I.)

Enfin, l'emploi du terme "donnés" à l'al. 90(1)b) peut être considéré comme une mention distincte et significative du processus de cession des terres indiennes. Il est important d'avoir à l'esprit que la Couronne s'est souvent engagée à donner des biens personnels et à verser des rentes aux Indiens en échange de la cession de leurs terres traditionnelles. J'aurai l'occasion de reparler de ces versements plus loin, mais pour l'instant je me restreins à souligner que le choix du terme "donnés" est certainement malheureux si on a voulu que l'article s'applique à tout bien personnel que les bandes indiennes pourraient acquérir conformément à toute la gamme d'accords qui pourraient être conclus avec une Couronne provinciale. Si c'est là le sens que le Parlement a voulu accorder à l'article, il est difficile d'imaginer une façon plus compliquée et sibylline d'exprimer quelque chose qui pouvait être dit si facilement dans des termes clairs et directs.

La jurisprudence invoquée

Le Juge en chef estime que l'interprétation de l'al. 90(1)b), donnée par le juge de première instance, est justifiée par l'arrêt du Conseil privé Attorney‑General for Quebec v. Nipissing Central Railway Co., [1926] A.C. 715, et les motifs du juge Spence dans une requête présentée devant notre Cour dans l'affaire Nickel Rim Mines Ltd. v. Attorney General for Ontario, [1967] R.C.S. 672. Dans les deux cas, les tribunaux ont pu conclure qu'une mention sans autre précision de la "Couronne" ou de "Sa Majesté" dans une loi fédérale n'était pas nécessairement restreinte à "Sa Majesté du chef du Canada". En toute déférence, après lecture de ces décisions, je ne vois cependant pas comment elles favorisent la position des intimés dans ce pourvoi.

Dans l'arrêt Nipissing, le Conseil privé devait examiner le sens de l'art. 189 de la Loi des chemins de fer, 1919, S.C. 1919, ch. 68. Cet article prévoyait essentiellement que toute compagnie de chemin de fer pouvait, aux conditions prescrites par le gouverneur en conseil, prendre et s'approprier "toute partie des terres de la Couronne, sur la ligne du chemin de fer" nécessaire à ses fins (je souligne). Le Juge en chef émet l'opinion que le Conseil privé, en décidant que l'art. 189 de la Loi ne faisait aucune distinction entre les terres fédérales et provinciales, a été principalement influencé par le fait que l'art. 189 tirait son origine d'une loi de la Province du Canada antérieure à la Confédération et qu'on ne pouvait avoir voulu, dans cette loi, établir de distinction entre les deux catégories de terres. À mon avis, il ne s'agit pas d'une considération essentielle de l'opinion du juge. Lorsqu'on se rappelle que la plupart des terres du pays appartiennent aux provinces, il faut comprendre que l'arrêt du Conseil privé s'appuie sur la reconnaissance que restreindre la "Couronne" au gouvernement du Canada aurait, dans les faits, stérilisé le pouvoir du Canada de veiller à l'exploitation efficace des "ouvrages [. . .] à l'avantage général du Canada" constitués par les chemins de fer interprovinciaux. En donnant ce sens au mot "Couronne" à l'art. 189 de la Loi des chemins de fer, le Conseil privé ne faisait qu'interpréter la disposition de façon à réaliser l'objet clair de la Loi.

Quant à l'arrêt Nickel Rim Mines Ltd., précité, la question que devait trancher la Cour portait sur l'interprétation de l'art. 105 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1952, ch. 259, concernant la taxation des frais. L'article 105 apportait une modification à la règle de common law selon laquelle il est interdit, au moment de la taxation des frais en faveur de la Couronne, d'accorder des honoraires d'avocat à l'égard des services rendus par des fonctionnaires représentant la Couronne. Le juge Spence, siégeant en chambre, devait traiter de la question plus étroite de savoir si la mention sans autre précision de "Sa Majesté" à l'art. 105 de la Loi devait s'interpréter comme limitant l'application de cette modification à la Couronne du chef du Canada. Le litige soulevait donc une simple question de pratique et de procédure et, si je comprends bien le résultat, le juge Spence a abordé la question comme s'il s'agissait en fait d'un problème d'interprétation des règles de la Cour. Il a essentiellement considéré l'article de la Loi comme un guide dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour et, après avoir conclu que les principes d'adjudication des frais étaient identiques pour les Couronnes fédérale et provinciales, il a conclu que l'art. 105 s'appliquerait dans les deux cas. Il est difficile de voir quels motifs de principe pourraient justifier de conclure que le Parlement avait l'intention que la Couronne fédérale soit dans une position privilégiée quant à la taxation des frais qui lui sont accordés.

En résumé, les deux arrêts ne signifient vraiment rien de plus qu'une mention sans autre précision de "Sa Majesté" dans une loi fédérale peut effectivement se rapporter aux Couronnes provinciales lorsqu'une autre interprétation ne peut se justifier logiquement ou mène à un résultat invraisemblable. Mais cette conclusion n'a aucune incidence sur le problème d'interprétation que nous devons trancher dans ce pourvoi. On peut conclure sans difficulté ni invraisemblance sur le plan conceptuel que "Sa Majesté" a un sens uniforme dans tout l'art. 90 et on peut examiner la question en présumant que l'article s'applique seulement aux biens personnels que la Couronne fédérale accorde aux Indiens dans l'exécution de ses obligations envers les peuples autochtones, que ce soit conformément à ses engagements par traité ou à ses responsabilités découlant du par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. En effet, pour des raisons que j'exposerai plus loin, je suis d'avis qu'aucune autre interprétation n'est conforme à la teneur des obligations dont s'est historiquement acquittée la Couronne à l'égard des biens des peuples autochtones.

Le dossier historique: les articles 87 et 89

Les articles 87 et 89, auxquels s'applique la présomption de l'art. 90 de la Loi sur les Indiens, accordent une protection à certaines catégories de biens possédés par les Indiens. Un examen de l'historique de ces articles est révélateur, car il démontre que, bien que la Couronne ait traditionnellement reconnu l'obligation de protéger les biens des peuples autochtones, cette obligation a toujours été restreinte à certaines catégories de biens clairement définies. Bien que cela puisse sembler une façon quelque peu détournée d'aborder le problème, un examen de ce classement historique des biens clarifie considérablement le sens qu'il faut accorder à l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b). Je vais donc examiner chacun des articles auxquels la présomption de l'al. 90(1)b) s'applique.

Nous avons vu que l'art. 87 accorde une exemption de taxe aux Indiens quant à leur intérêt dans une réserve ou des terres cédées et à leurs biens personnels situés sur une réserve. Il est intéressant de souligner que ces exemptions de taxe sont antérieures à la Confédération. Dans sa monographie intitulée Indians and Taxation in Canada (2e éd. 1987), le professeur Bartlett retrace l'origine de ces exemptions de taxe législatives accordées aux autochtones dans une loi de la Province du Canada adoptée en 1850. L'article 4 de cette loi intitulée Acte pour protéger les sauvages dans le Haut Canada, contre la fraude, et les propriétés qu'ils occupent ou dont ils ont jouissance, contre tous empiétements et dommages, S.C. 1850, ch. 74, prévoit:

IV. Et qu'il soit statué, qu'aucune taxe ne sera imposée sur aucun sauvage ou aucune personne mariée avec un sauvage ou une sauvagesse, pour ou à l'égard d'aucune des terres appartenant à des sauvages, et aucune taxe ou cotisation quelconque ne sera prélevée ou imposée sur aucun sauvage ou personne mariée avec un sauvage, tant que la dite personne résidera sur les terres des sauvages non cédées à la couronne, ou qui, ayant ainsi été cédées, pourront avoir été mises à part par la couronne pour l'usage des sauvages.

Comme le souligne le professeur Bartlett, aucune modification n'a été apportée à cette exemption de taxe avant que le Canada adopte pour la première fois l'Acte des Sauvages, 1876, S.C. 1876, ch. 18. Dans cette loi, qui constitue une codification complète des lois relatives aux Indiens, le Parlement, dans des termes qui laissent présager la formulation actuelle de l'art. 87, prévoyait aux art. 64 et 65:

64. Nul Sauvage ou Sauvage sans traités ne pourra être taxé pour aucune propriété mobilière ou immobilière, à moins qu'il ne possède une terre à bail ou en pleine propriété, ou des biens‑meubles en dehors de la réserve ou réserve spéciale, auquel cas il pourra être taxé pour ces biens meubles ou immeubles, au même taux que les autres personnes de la localité où ils sont situés.

65. Toute terre attribuée à la Couronne, ou à quelque personne ou corporation, en fidéicommis pour un Sauvage ou un Sauvage sans traités, ou une bande ou une bande irrégulière de Sauvages ou de Sauvages sans traités, ou pour leur usage, sera exempte de taxe.

L'article 89 procure un autre élément de protection aux autochtones en soustrayant à l'application des règles ordinaires du droit civil les biens réels et personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve. En des termes qui nous rappellent ceux de l'article actuel, le Parlement a adopté en 1876 l'art. 66 du premier Acte des Sauvages:

66. Nul ne prendra de garantie ni n'obtiendra autrement aucun privilège ou droit, soit par hypothèque, jugement ou autrement, sur des biens mobiliers ou immobiliers d'un Sauvage ou d'un Sauvage sans traités en Canada, excepté sur les biens mobiliers ou immobiliers pouvant être taxés en vertu de la soixante‑quatrième section du présent acte; pourvu toujours que toute personne qui vendra quelque article à un Sauvage ou un Sauvage sans traités, pourra, nonobstant la présente section, prendre une garantie sur cet article pour toute partie du prix de vente qui n'en aura pas été payée. [Je souligne.]

Je tiens à souligner que l'art. 64, reproduit précédemment, prévoit que les Indiens qui possèdent des terres ou des biens personnels à titre de propriétaire à l'extérieur de la réserve possèdent ces biens comme tout autre possesseur de biens situés au même endroit.

L'article 90 est apparu pour la première fois sous sa forme actuelle dans la Loi sur les Indiens, S.C. 1951, ch. 29. Dans sa monographie, op. cit., à la p. 46, le professeur Bartlett souligne que les dispositions historiques antérieures de cet article se trouvent dans des lois indiennes anciennes qui prévoyaient l'insaisissabilité des "présents" et des "annuités" accordés aux Indiens. Ainsi, l'art. 69 de l'Acte des Sauvages, 1876 prévoit ce qui suit:

69. Les présents faits aux Sauvages ou Sauvages sans traités, ni aucune propriété acquise ou achetée au moyen des annuités ou d'une partie des annuités accordées aux Sauvages, ou de quelque autre manière que ce soit, et en possession d'une bande de ces Sauvages ou de quelque Sauvage d'une bande ou d'une bande irrégulière, ne pourront être pris, saisis ou vendus pour aucune dette, matière ou cause quelconque; ils ne pourront non plus, dans la province de la Colombie‑Britannique, la province de Manitoba, les territoires du Nord‑Ouest, ou le territoire de Kéwatin, être vendus, troqués, échangés ou donnés par une bande ou bande irrégulière de Sauvages ou par aucun Sauvage de pareille bande, à aucune personne ou Sauvage autre qu'à des Sauvages de cette bande; et toute telle vente, troc, échange ou don sera absolument nul et de nul effet, à moins qu'il n'ait lieu avec le consentement par écrit du Surintendant‑Général ou de son agent; et quiconque achètera ou autrement acquerra des présents ou propriétés achetés comme susdit, sans le consentement du Surintendant‑Général ou de son agent, sera coupable de délit (misdemeanor) et passible d'une amende n'excédant pas deux cents piastres, ou d'un emprisonnement n'excédant pas six mois dans tout lieu de détention autre qu'un pénitencier.

Des dispositions semblables se trouvent dans toutes les versions des lois sur les Indiens jusqu'en 1951 alors que l'art. 90 est apparu pour la première fois.

Les articles reproduits précédemment devraient être interprétés de concert avec les autres dispositions des anciennes lois sur les Indiens qui établissaient des restrictions importantes à l'aliénabilité des terres qui avaient été réservées à l'usage des Indiens. Par exemple, les art. 25 et suiv. de l'Acte des Sauvages, 1876, prévoient la cession de terres réservées à "l'usage des Sauvages" à des conditions qui sont essentiellement les mêmes que celles établies aux art. 37 et 39 de la loi actuelle. Selon ces conditions, l'aliénation, le louage ou toute autre disposition des terres réservées aux Indiens est conditionnelle au transfert qui doit d'abord être fait à "Sa Majesté" et à l'approbation du gouverneur en conseil.

Comme il ressort clairement des remarques du Juge en chef dans l'arrêt Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, à la p. 383, ces restrictions législatives à l'aliénabilité des terres des Indiens ne font que s'inscrire dans une politique qui a défini les relations entre les Indiens et les colons européens depuis l'époque de la Proclamation royale de 1763. D'après le dossier historique, il n'y a aucun doute que les peuples autochtones ont reconnu la souveraineté ultime de la Couronne britannique et ont accepté de céder leurs terres traditionnelles pourvu que la Couronne les protège par la suite dans leur possession et usage des terres qui leur étaient réservées; voir les remarques du professeur Slattery dans son article "Understanding Aboriginal Rights" (1987), 66 R. du B. can. 727, à la p. 753. Les articles de la Loi sur les Indiens relatifs à l'inaliénabilité des terres des Indiens visent à mettre en application cette protection en interposant la Couronne entre les Indiens et les forces du marché qui, en l'absence de contrôle, étaient susceptibles de miner le titre de propriété des Indiens sur ces terres réservées. Dans l'arrêt récent Canadien Pacifique Ltée c. Paul, [1988] 2 R.C.S. 654, notre Cour fait état de ce point lorsqu'elle souligne, à la p. 677, que le caractère inaliénable a été adopté pour protéger les Indiens contre des transactions irréfléchies.

À mon sens, il est évident que la protection accordée par les art. 87 et 89 de la Loi sur les Indiens contre la taxation et la saisie va de pair avec ces restrictions apportées à l'aliénabilité des terres. J'ai souligné précédemment que la Couronne, en contrepartie de la cession des terres des Indiens, s'est souvent engagée à offrir des biens et services aux autochtones intéressés. Pour ne citer qu'un exemple, en vertu des "traités numérotés" conclus entre les Indiens de la région des Prairies et d'une partie des territoires du Nord‑Ouest, la Couronne s'est engagée à aider les Indiens en matière d'éducation, de médecine et d'agriculture et à leur fournir les approvisionnements qu'ils pourraient utiliser dans la poursuite de leurs vocations traditionnelles de chasse, de pêche et de piégeage. Historiquement, les exemptions de taxe et de saisie ont protégé de deux façons la capacité des Indiens de profiter de cette propriété. Premièrement, elles empêchent qu'un palier de gouvernement, par l'imposition de taxes, puisse porter atteinte à l'intégrité des bénéfices accordés par le palier de gouvernement responsable du contrôle des affaires indiennes. Deuxièmement, la protection contre les saisies assure que l'exécution de jugements obtenus par des non‑Indiens en matière civile ne pourra entraver les Indiens dans la libre jouissance des avantages qu'ils ont acquis ou pourront acquérir conformément à l'exécution par la Couronne de ses obligations prévues par traité. Dans les faits, ces articles ont protégé les Indiens contre l'imposition d'obligations de nature civile qui pouvaient conduire, quoique indirectement, à l'aliénation de leurs terres à la suite de ventes forcées et par d'autres moyens semblables; voir l'examen par le juge Brennan du but des exemptions de taxe accordées aux Indiens en contexte américain dans l'arrêt Bryan v. Itasca County, 426 U.S. 373 (1976), à la p. 391.

En résumé, le dossier historique indique clairement que les art. 87 et 89 de la Loi sur les Indiens, auxquels s'applique la présomption de l'art. 90, font partie d'un ensemble législatif qui fait état d'une obligation envers les peuples autochtones, dont la Couronne a reconnu l'existence tout au moins depuis la signature de la Proclamation royale de 1763. Depuis ce temps, la Couronne a toujours reconnu qu'elle est tenue par l'honneur de protéger les Indiens de tous les efforts entrepris par des non‑Indiens pour les déposséder des biens qu'ils possèdent en tant qu'Indiens, c'est‑à‑dire leur territoire et les chatels qui y sont situés.

Il est également important de souligner la conséquence de la conclusion que je viens de tirer. Le fait que la loi contemporaine, comme sa contrepartie historique, prenne tant de soin pour souligner que les exemptions de taxe et de saisie ne s'appliquent que dans le cas des biens personnels situés sur des réserves démontre que l'objet de la Loi n'est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d'acquérir, de posséder et d'aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens. Un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l'extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens.

La jurisprudence

Ma façon d'aborder le litige est tout à fait conforme à la jurisprudence. Dans l'arrêt Francis v. The Queen, [1956] R.C.S. 618, notre Cour a expliqué clairement que les Indiens étaient responsables du paiement des droits de douane pour les marchandises transportées directement sur une réserve après avoir franchi la frontière internationale. La Cour a conclu que l'exemption de taxe accordée par l'art. 86 (maintenant l'art. 87) ne s'appliquait pas parce que la taxe d'accise était imposée à la frontière internationale et donc avant que le bien en question puisse devenir situé sur une réserve.

Il convient également de mentionner l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique Leonard v. R. in Right of British Columbia (1984), 52 B.C.L.R. 389, autorisation de pourvoi devant notre Cour refusée, [1984] 2 R.C.S. viii. Dans cet arrêt, la cour a conclu qu'on pouvait exiger des Indiens le paiement d'une taxe de vente provinciale à l'égard des acquisitions faites sur les parties de terres qu'ils avaient cédées conditionnellement à Sa Majesté du chef du Canada pour favoriser des baux commerciaux. En toute déférence, je suis d'accord avec l'observation suivante du juge Macfarlane de la Cour d'appel quant aux limites de l'al. 87b), à la p. 395:

[TRADUCTION] Il est raisonnable d'interpréter l'article en disant qu'une exemption de taxe sur un bien personnel d'un Indien sera restreinte à l'endroit où le possesseur de ce bien est censé l'avoir en sa possession, c'est‑à‑dire sur les terres qu'un Indien occupe en tant qu'Indien, la réserve. Les Indiens qui cèdent par bail leurs terres à des non‑Indiens renoncent au droit d'occupation et j'estime que, lorsqu'ils sont propriétaires de biens meubles ou en ont la possession sur ces terres cédées, ils ne sont pas dans une situation différente de celle de tout autre citoyen. [En italique dans l'original.]

Dans un autre arrêt récent, Leighton v. B.C. (Gov't), [1989] 3 C.N.L.R. 136, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a encore eu l'occasion d'examiner le sens de l'expression "situés sur une réserve" à l'al. 87b) de la Loi sur les Indiens. En utilisant une méthode que j'estime judicieuse, le juge Lambert de la Cour d'appel a conclu que, pour décider si des biens personnels tangibles appartenant à des Indiens peuvent être exemptés de taxation en vertu de l'art. 87, il est approprié d'examiner le genre d'usage et de garde du bien pour déterminer si l'emplacement prépondérant du bien est vraiment situé sur une réserve. Je ne doute pas qu'il sera normalement approprié d'aborder de façon juste et libérale la question de savoir si l'emplacement prépondérant du bien tangible ou du droit d'action est situé sur une réserve; voir l'arrêt Metlakatla Ferry Service Ltd. v. B.C. (Gov't) (1987), 12 B.C.L.R. (2d) 308 (C.A.) Mais je répéterais qu'en l'absence d'un lien discernable entre le bien en question et l'occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien, les protections et privilèges des art. 87 et 89 ne s'appliquent pas.

J'attire l'attention sur ces décisions pour souligner encore une fois qu'il faut éviter d'accorder une portée trop large aux art. 87 et 89. Ces dispositions n'ont pas pour but d'accorder des privilèges aux Indiens à l'égard de tous les biens qu'ils peuvent acquérir et posséder, peu importe l'endroit où ils sont situés. Leur but est plutôt simplement de protéger des ingérences et des entraves de la société en général les droits de propriété des Indiens sur leurs terres réservées pour veiller à ce que ceux‑ci ne soient pas dépouillés de leurs droits. La Cour d'appel de l'Alberta dans l'arrêt Bank of Nova Scotia v. Blood, [1990] 1 C.N.L.R. 16, saisit l'essence du problème lorsqu'elle affirme, à la p. 18, au sujet de l'art. 87 que: [TRADUCTION] "D'après ses termes, l'article a pour objet d'empêcher qu'on porte atteinte aux biens des Indiens sur une réserve".

Si d'autres éléments de preuve sont nécessaires pour confirmer cette conclusion, on peut les trouver en examinant le par. 89(2). D'après les termes de ce paragraphe, les biens personnels vendus à un Indien peuvent toujours faire l'objet d'une saisie, même lorsqu'ils sont situés sur une réserve, en ce sens qu'une personne qui vend un bien à un Indien en vertu d'un contrat de vente conditionnelle conserve son droit de propriété jusqu'à exécution complète du contrat. On ne pourrait trouver d'exemple plus clair du fait que l'art. 89 n'a pas pour but de conférer aux Indiens des privilèges qu'ils peuvent exercer en acquérant et en aliénant des biens sur le marché général, mais qu'il vise plutôt à empêcher les non‑Indiens de porter atteinte à la capacité des Indiens de jouir de ces biens acquis en bonne et due forme tant qu'ils demeurent sur leur réserve. Cela explique évidemment pourquoi l'art. 89 n'impose aucune restriction à la capacité des Indiens de grever, de mettre en gage ou d'hypothéquer des biens entre eux.

La présomption de l'art. 90

La question suivante à laquelle il faut répondre est de savoir comment la présomption de l'al. 90(1)b) complète ce régime de protection des biens des autochtones. Comme nous l'avons vu, les art. 87 et 89 protègent les biens personnels des Indiens contre la taxation et la saisie pourvu que ces biens soient situés sur une réserve. L'alinéa 90(1)b) rajoute une autre forme de protection à une sous‑catégorie de biens personnels possédés par les Indiens. Par application du situs fictif prévu à l'al. 90(1)b), les biens personnels donnés aux Indiens par "Sa Majesté" conformément à un "traité ou accord" sont toujours tenus pour situés sur une réserve et sont donc protégés sans égard à leur véritable situs. L'éventail des biens ainsi protégés variera considérablement selon que l'on interprète l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) comme se rapportant seulement à la Couronne fédérale ou comme comprenant également les Couronnes provinciales. Je vais examiner tour à tour les ramifications de chaque interprétation.

Si, comme je le crois, l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) est limitée à la Couronne fédérale, il s'ensuit que les exemptions et privilèges des art. 87 et 89 s'appliqueront seulement, sans égard au situs, aux biens que la Couronne fédérale donne aux Indiens en s'acquittant de ses responsabilités conformément aux traités et à leurs accords accessoires. Cette interprétation est conforme aux antécédents historiques de l'article dans la mesure où j'interprète les termes "présents" et "annuités" dans ces articles comme renvoyant aux sommes que la Couronne s'est engagée à donner aux Indiens par suite de la cession de leurs terres ancestrales.

La raison pour laquelle le Parlement aurait voulu protéger ces biens personnels sans égard à l'endroit où ils sont situés est évidente. Tout simplement, s'il faut donner aux promesses contenues dans les traités ce qui, peut‑on présumer, a été le sens naturel compris par les Indiens, on est porté à conclure que les Indiens qui ont signé les traités auront tenu pour acquis que les biens qui leur étaient donnés par traité seraient protégés sans égard au situs. Dans le cas des chatels, je ne dispose d'aucun élément de preuve historique qui laisserait entendre que les Indiens ont déjà envisagé que leur capacité de profiter pleinement de ces biens pourrait être compromise en raison du pouvoir des non‑Indiens d'imposer des privilèges ou des taxes chaque fois qu'il était nécessaire de sortir ce bien de la réserve. De même, lorsque la Couronne s'acquitte de ses obligations prévues par traités et accords accessoires en versant des sommes à titre d'aide en matière d'éducation, de logement, de santé et de bien‑être notamment, on ne peut accepter que les Indiens aient déjà cru que ces droits conférés par traité pourraient être compromis en raison d'arguments juridiques subtils portant que les biens en question, bien qu'il ne fasse pas de doute qu'il s'agit de biens auxquels les Indiens avaient droit conformément à un accord que la Couronne était tenue par honneur de respecter, étaient fictivement situés à l'extérieur de la réserve et donc susceptibles d'être taxés ou saisis. Il serait très étrange que la Couronne, compte tenu de la teneur de ses engagements par traités, ait pu, en imposant des taxes, diminuer sensiblement la valeur apparente des avantages accordés.

Je crois que c'est précisément ce raisonnement qui a incité la Section de première instance de la Cour fédérale dans la décision Greyeyes c. La Reine, précitée, à conclure qu'une bourse d'étude versée à une étudiante indienne conformément à un accord établissant les détails de la promesse du gouvernement fédéral dans le traité no 6 de fournir assistance en matière d'éducation devrait être tenue pour située sur une réserve par application de l'al. 90(1)b).

À l'appui de mon avis que les Indiens ont compris que les avantages prévus par traités leur ont été accordés de façon inconditionnelle, je soulignerais l'extrait suivant du rapport des commissaires chargés de négocier le traité no 8. Le passage témoigne de façon éloquente que les peuples autochtones craignaient que l'imposition de taxes compromette sérieusement leur capacité de conserver leur mode de vie traditionnel sur les terres réservées à leur usage et, de plus, il ne laisse planer aucun doute qu'on avait promis aux Indiens que leurs droits seraient exemptés de taxation:

Ils exprimèrent partout la crainte que la signature du traité ne fut suivie d'une restriction des privilèges de chasse et de pêche, et plusieurs étaient convaincus que le traité conduisait à la taxation et au service militaire obligatoire.

. . .

Nous les assurâmes que le traité ne mènerait à aucune intervention forcée dans leur manière de vivre, qu'il n'ouvrait aucune voie pour l'imposition de taxes, et qu'ils n'avaient pas à craindre le service militaire obligatoire. [Traité no 8, 1899 (Imprimeur de la Reine, Ottawa), aux pp. 5 et 6.]

En résumé, je conclus qu'une interprétation de l'al. 90(1)b), qui considère que son seul objet est d'empêcher les non‑Indiens de gêner les Indiens dans leur pleine jouissance des biens personnels promis par traités et par accords accessoires, est tout à fait conforme à la teneur des obligations que la Couronne s'est toujours engagée à respecter à l'égard de la protection des biens des autochtones.

L'alinéa 90(1)b) et l'inclusion des Couronnes provinciales

J'examine maintenant la deuxième façon d'interpréter l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b). Si on a voulu que cette expression inclue les Couronnes provinciales, les exemptions et privilèges des art. 87 et 89 s'appliqueront à un éventail beaucoup plus large de biens personnels. En fait, il s'ensuivrait inexorablement que le situs fictif prévu à l'al. 90(1)b) étendrait ces protections à tous les biens personnels qui pourraient échoir aux Indiens en vertu de toute la gamme d'accords qui pourraient être conclus entre une bande indienne et Sa Majesté du chef d'une province.

À mon avis, si on doit rejeter l'interprétation proposée plus haut, selon laquelle l'al. 90(1)b) ne vise que les biens que les Indiens obtienne de la Couronne fédérale en vertu des traités et des accords accessoires, il est illogique de supposer en outre que la disposition envisage certains traités mais non pas tous les traités conclus entre les bandes indiennes et une Couronne provinciale. L'alinéa 90(1)b) ne qualifie pas le mot "accord" et si on interprète l'expression "Sa Majesté" comme incluant la Couronne provinciale, il doit s'ensuivre normalement que l'al. 90(1)b) englobe tous les accords qui pouvaient être conclus entre une bande indienne et une Couronne provinciale.

Il s'ensuit inexorablement que si une bande indienne, conformément à un accord purement commercial avec une Couronne provinciale, acquiert des biens personnels, ces biens seront exemptés de taxation et de saisie sans égard à leur situs. En outre, les protections des art. 87 et 89 s'appliqueraient à toute opération ultérieure effectuée par la bande indienne à l'égard de ces biens, même si cette opération était restreinte à des questions commerciales ordinaires. Il en découlerait des ramifications importantes et je ne puis accepter l'idée que le Parlement, en s'acquittant de sa responsabilité constitutionnelle en matière d'affaires indiennes, a voulu que la protection des art. 87 et 89 s'applique sur une si grande échelle.

Ma conclusion s'appuie sur le fait qu'un tel résultat est incompatible avec la portée des protections que la Couronne a traditionnellement accordées aux biens des autochtones. Comme je l'ai déjà dit, un examen des obligations assumées par la Couronne dans ce domaine indique qu'elle a tout simplement tenté de protéger des atteintes portées par les non‑Indiens les biens des Indiens qui ont un lien direct et discernable avec l'occupation d'une réserve. La loi a toujours établi une distinction entre les biens situés sur des réserves et les biens que les Indiens possèdent à l'extérieur des réserves. Il n'existe tout simplement pas de preuve que la Couronne a déjà affirmé qu'elle doit protéger ces biens simplement parce que ceux‑ci sont possédés par un Indien par opposition à un non‑Indien.

En effet, à moins de prétendre qu'il existe deux droits des contrats, l'un s'appliquant aux Indiens et l'autre aux non‑Indiens, il serait difficile d'expliquer un résultat où les exemptions de taxe et de saisie s'appliquent à l'égard des biens simplement parce qu'il se trouve que la personne qui les acquiert est un Indien. Mais, comme je l'ai déjà indiqué, l'interprétation de l'al. 90(1)b), proposée par le juge de première instance et confirmée par le Juge en chef, doit, en toute logique, conduire précisément à ce résultat.

Lorsque les bandes indiennes s'engagent dans le marché commercial, il faut s'attendre à ce qu'elles puissent parfois conclure des accords purement commerciaux avec les Couronnes provinciales de la même façon qu'avec des parties privées. Après tout, les Couronnes provinciales sont des acteurs importants sur le marché. Donc, si une bande indienne conclut une opération commerciale ordinaire, que ce soit avec une Couronne provinciale ou une société privée, et acquiert des biens personnels, que ce soit sous forme de chatels ou de titres de créances, comment doit‑on qualifier les biens en question? À mon avis, il est illogique de les comparer aux biens qui échoient aux Indiens conformément aux traités et à leurs accords accessoires. Les Indiens ont un droit absolu à ces biens; ils leur sont dus en tant qu'Indiens. La situation des biens personnels acquis par des Indiens au cours d'opérations commerciales ordinaires est nettement différente; il s'agit simplement de biens que toute autre personne aurait pu acquérir et je ne vois aucune raison pour laquelle dans ces circonstances les Indiens ne devraient pas être traités de la même façon que toute autre personne.

À la lecture de l'al. 90(1)b), il ne fait aucun doute que cette disposition ne s'appliquerait pas aux biens personnels qu'une bande indienne pourrait acquérir par suite d'un accord commercial ordinaire conclu avec un particulier. Les biens de cette nature ne seront protégés que lorsqu'il sera démontré qu'ils sont situés sur une réserve. Par conséquent, toute opération effectuée sur le marché commercial relativement aux biens acquis de cette façon sera régie par les lois d'application générale. Les Indiens ne profiteront d'aucune exemption de taxe à l'égard de ces biens et seront libres de les aliéner de la même manière que tout autre citoyen. De plus, pourvu que les biens ne soient pas situés sur une réserve, les tiers seront libres de les saisir. J'estime qu'il serait vraiment paradoxal qu'il en soit autrement. Comme le Juge en chef l'a souligné dans l'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 36:

Les Indiens possèdent la citoyenneté canadienne et, dans les affaires qui ne sont régies ni par des traités ni par la Loi sur les Indiens, ils ont les mêmes responsabilités, dont le paiement d'impôts, que les autres citoyens canadiens.

Mais, à mon avis, les incidences de l'interprétation que le juge de première instance propose de donner à l'al. 90(1)b) vont à l'encontre de cette affirmation, car comme je l'ai déjà souligné, cette interprétation aurait pour conséquence logique que chaque fois que les Indiens acquerraient des biens personnels dans le cadre d'un accord avec une Couronne provinciale, même un accord de nature purement commerciale, les exemptions et protections des art. 87 et 89 s'appliqueraient à ces biens, sans égard à leur situs.

Il s'ensuivrait que, si une bande indienne concluait un accord purement commercial avec un particulier, les protections des art. 87 et 89 ne s'appliqueraient pas à l'égard des biens acquis conformément à cet accord, sous réserve évidemment du cas où les biens seraient situés sur une réserve. Il faut se rappeler que les protections des art. 87 et 89 s'appliqueront toujours aux biens situés sur une réserve. Mais les protections des art. 87 et 89 s'appliqueraient, sans égard au situs, si la même bande concluait un accord commercial similaire et acquérait les mêmes biens aux mêmes fins commerciales, mais se trouvait à conclure l'accord avec une Couronne provinciale dans l'exécution de fonctions purement commerciales. En d'autres termes, l'application du situs fictif prévu à l'al. 90(1)b) serait fonction de la question de savoir si une bande indienne a conclu un accord purement commercial avec une partie par opposition à une autre. À mon avis, ce résultat défie toute explication raisonnable.

Je crois qu'on peut constater que toute interprétation de l'al. 90(1)b) selon laquelle cette disposition n'a pas seulement pour objet d'empêcher les non‑Indiens de porter atteinte aux biens qui échoient aux Indiens par suite des obligations qui incombent à la Couronne en vertu de traités et d'accords accessoires confère une extension nouvelle et sans précédent aux protections qui ont jusqu'à maintenant été accordées par la Couronne aux biens des Indiens. Les biens acquis conformément aux accords conclus entre une Couronne provinciale et une bande indienne devront être protégés, sans égard à leur situs, simplement parce qu'ils ont été acquis par un Indien par opposition à un citoyen non‑indien. La question de savoir si l'emplacement prépondérant des biens se situe sur une réserve ou s'il s'agit de biens auxquels les Indiens ont droit en tant qu'Indiens ne sera pas pertinente. À mon avis, si le Parlement avait eu l'intention d'écarter ces limites traditionnelles imposées aux obligations de la Couronne de protéger les biens des Indiens, il l'aurait exprimé clairement. Je répugne à conclure qu'on puisse faire reposer ce résultat sur une prétendue ambiguïté de l'al. 90(1)b) qui, comme je l'ai déjà dit, peut seulement sembler constituer une ambiguïté si on ferme les yeux face aux arguments convaincants fondés sur l'histoire et sur les textes.

Pour reprendre ce que j'ai dit, je suis tout simplement incapable de concilier les répercussions qui découlent de l'interprétation de l'al. 90(1)b) selon laquelle l'expression "Sa Majesté" comprend les Couronnes provinciales avec la portée des protections que la Couronne a accordées aux biens des Indiens jusqu'à maintenant. Le dossier historique qui fait ressortir si clairement une justification convaincante de la protection des biens personnels qui échoient aux Indiens par suite de l'exécution des obligations prévues par traités sans égard au situs, est silencieux quant aux raisons pour lesquelles les biens personnels que les bandes indiennes acquièrent des Couronnes provinciales devraient bénéficier du même niveau extraordinaire de protection. En outre, un examen du par. 90(2) confirme qu'il est fallacieux d'interpréter l'al. 90(1)b) comme s'il avait pour but d'étendre la portée des protections que la Couronne a traditionnellement assurées quant aux biens des autochtones.

Le paragraphe 90(2) prévoit que le ministre des Affaires indiennes doit approuver toute opération visant à transférer la propriété d'un bien auquel l'art. 90(1)b) s'applique, ou un droit sur celui‑ci:

90. . . .

(2) Toute opération tendant à transporter le titre à un bien considéré, selon le présent article, comme situé sur une réserve, ou tout intérêt dans un semblable bien, est nulle à moins qu'elle n'ait lieu avec le consentement du Ministre ou ne soit conclue entre des membres d'une bande ou entre une bande et l'un de ses membres.

La lecture de la Loi sur les Indiens indique que ce paragraphe n'est qu'une des nombreuses dispositions qui tentent de protéger les biens auxquels les Indiens peuvent prétendre avoir droit en vertu de leur droit d'occupation des terres réservées à leur usage. En plus des protections relatives aux terres indiennes auxquelles j'ai déjà fait allusion, l'éventail des biens protégés s'étend des cultures pratiquées sur les réserves aux dépôts de minéraux; voir les art. 32, 91, 92 et 93. En exigeant que le Ministre donne son consentement à toutes les opérations qui s'y rapportent, ces articles restreignent la capacité d'un non‑Indien d'acquérir le bien particulier en question. Comme dans le cas des restrictions à l'aliénabilité auxquelles j'ai fait allusion plus tôt, le but de ces articles est d'éviter que les Indiens soient victimes d'opérations peu scrupuleuses de la part de non‑Indiens et dépossédés de leurs droits.

Si l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) est interprétée comme je le propose, il est facile d'expliquer la présence du par. 90(2). Il est tout à fait conforme à la teneur des engagements pris par la Couronne envers les Indiens au cours des siècles, que celle‑ci cherche à protéger les paiements de biens dus aux Indiens, conformément à ses obligations prévues par traités, exactement de la même façon qu'elle protège tous les autres biens auxquels les Indiens peuvent prétendre en vertu de leur statut d'Indiens.

Par contre, si l'expression "Sa Majesté" doit avoir le sens large qui découle inexorablement de l'interprétation que lui donnerait le juge de première instance, je suis incapable de trouver une raison convaincante pour laquelle le Parlement ferait intervenir la protection de la Couronne fédérale de cette manière. Il me semble surprenant d'affirmer que des bandes indiennes qui concluent des opérations commerciales ordinaires sur le marché avec les Couronnes provinciales seraient ensuite empêchées d'agir librement à l'égard des biens personnels leur revenant par suite de ces accords. Mais si on interprète le par. 90(2) selon son sens clair, il reviendrait au Ministre de contrôler toute opération commerciale visant à transférer un droit à l'égard des biens réputés situés sur une réserve en vertu de l'al. 90(1)b). En effet, selon le par. 90(3), une personne qui conclut une telle opération sans le consentement du Ministre commet effectivement une infraction.

Mon examen des par. 90(2) et (3) ne fait que renforcer ma conclusion que souscrire à l'interprétation de l'al. 90(1)b) que donne le juge de première instance et considérer cet alinéa comme une disposition qui est plus qu'une mesure de protection ayant spécifiquement et seulement pour objet d'assurer que des non‑Indiens ne dépossèdent pas les Indiens des droits qui leur échoient par application de leurs traités et accords accessoires, revient à préférer une interprétation abstruse et forcée de l'article à une interprétation simple et ordinaire tout à fait justifiée par le dossier historique.

Je conclus que le situs fictif prévu à l'al. 90(1)b) est censé ne s'étendre qu'aux biens personnels qui échoient aux Indiens par suite de l'exécution par "Sa Majesté" des obligations que lui impose un traité ou un accord accessoire. Conformément au par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, c'est évidemment "Sa Majesté" du chef du Canada qui a l'entière responsabilité d'accorder ces biens aux Indiens, et je limiterais donc l'application de l'expression "Sa Majesté" employée à l'al. 90(1)b) à la Couronne fédérale.

L'arrêt Nowegijick c. La Reine

Bien que les arguments fondés sur les textes et sur l'histoire que l'on avance pour restreindre le sens de l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) à la Couronne fédérale me paraissent irréfragables, je reconnais qu'il est nécessaire de se demander si les principes d'interprétation applicables à l'interprétation des lois relatives aux Indiens modifient ce résultat. Ces principes sont évidemment ceux formulés par le Juge en chef dans l'arrêt Nowegijick, précité, à la p. 36.

Je souligne au départ que je ne conteste pas le principe que les traités et les lois visant les Indiens devraient recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté devrait profiter aux Indiens. Dans le cas des traités, ce principe se justifie par le fait que la Couronne jouissait d'un pouvoir de négociation supérieur au moment de la négociation des traités avec les peuples autochtones. Du point de vue des Indiens, les traités ont été rédigés dans une langue étrangère et faisaient appel à des concepts juridiques d'un système de droit qui leur était inconnu. Dans l'interprétation de ces documents, il est donc tout simplement juste que les tribunaux tentent d'interpréter les diverses dispositions selon ce que les Indiens ont pu en avoir compris.

Mais selon ma conception de l'affaire, des considérations quelque peu différentes doivent s'appliquer dans le cas des lois visant les Indiens. Alors qu'un traité est le produit d'une négociation entre deux parties contractantes, les lois relatives aux Indiens sont l'expression de la volonté du Parlement. Cela étant, je ne crois pas qu'il soit particulièrement utile d'essayer de déterminer comment les Indiens peuvent comprendre une disposition particulière. Je pense que nous devons plutôt interpréter la loi visée en tentant de déterminer ce que le Parlement voulait réaliser en adoptant l'article en question. Ce point de vue ne constitue pas un rejet de la méthode d'interprétation libérale. Comme je l'ai déjà dit, il est clair que dans l'interprétation d'une loi relative aux Indiens, et particulièrement de la Loi sur les Indiens, il convient d'interpréter de façon large les dispositions qui visent à maintenir les droits des Indiens et d'interpréter de façon restrictive les dispositions visant à les restreindre ou à les abroger. Donc si la loi porte sur des promesses contenues dans un traité, les tribunaux vont toujours s'efforcer de rejeter une interprétation qui a pour effet de nier les engagements pris par la Couronne; voir l'arrêt United States v. Powers, 305 U.S. 527 (1939), à la p. 533.

En même temps, je n'accepte pas que cette règle salutaire portant que les ambiguïtés législatives doivent profiter aux Indiens revienne à accepter automatiquement une interprétation donnée pour la simple raison qu'il peut être vraisemblable que les Indiens la préférerait à toute autre interprétation différente. Il est également nécessaire de concilier toute interprétation donnée avec les politiques que la Loi tente de promouvoir.

C'est l'examen de ce facteur qui m'amène à rejeter l'interprétation que le juge de première instance donnerait à l'al. 90(1)b). Les Couronnes provinciales n'ont aucune responsabilité en matière de santé et de protection des peuples autochtones et je ne suis pas prêt à accepter que le Parlement, en adoptant l'al. 90(1)b), a voulu que les privilèges des art. 87 et 89 soustraient les bandes indiennes à la taxation et à l'application des règles du droit civil à l'égard de tous les biens personnels qu'ils peuvent acquérir conformément à tous les accords conclus avec ce palier de gouvernement, sans égard au lieu où ces biens sont situés. Cette interprétation est tout simplement trop large. Comme j'ai tenté de le démontrer, elle viserait tout accord relatif à des opérations purement commerciales que les bandes indiennes pourraient conclure avec les Couronnes provinciales lorsqu'elles entrent en concurrence sur le marché. À mon avis, cette interprétation nous mène au‑delà de l'interprétation libérale et généreuse et modifie la nature même des engagements historiques pris par la Couronne à l'égard de la protection des biens des autochtones. J'ai déjà affirmé que je ne trouve aucune preuve dans le dossier historique que la Couronne se soit déjà engagée à protéger les biens des autochtones sans égard à la question de savoir si on peut dire que l'"emplacement prépondérant" de ces biens est situé sur une réserve ou si les biens en question échoient aux Indiens en raison de leur statut.

En concluant que le juge de première instance a eu raison d'interpréter l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) comme incluant les Couronnes provinciales, le Juge en chef attache une importance considérable à ce qu'il estime être la perception qu'ont les autochtones de l'expression "Sa Majesté". En toute déférence, je mets en doute sa conclusion qu'il est réaliste, à notre époque, de supposer que, du point de vue des autochtones, toute division fédérale‑provinciale que la Couronne a pu s'imposer est simplement interne de sorte que la Couronne peut être considérée comme ce qu'on pourrait appeler une "entité indivisible". Mais même en acceptant cette supposition, il ne s'ensuit pas que l'équité nous oblige à reconnaître que les Indiens seraient justifiés de conclure que tous les biens qu'ils peuvent acquérir conformément aux accords conclus avec cette "entité indivisible" devraient être automatiquement protégés, sans égard à leur situs, par les exemptions et privilèges conférés par les art. 87 et 89 de la Loi sur les Indiens. Je suis certain que les Indiens sont tout à fait conscients que les opérations commerciales ordinaires font partie des "choses de la vie" et ne doivent pas être régies par leurs traités ou par la Loi sur les Indiens. J'estime que les Indiens, lorsqu'ils se livrent au jeu d'attaques et de ripostes des opérations commerciales sur le marché, ne s'imaginent pas qu'ils jouissent, sur le plan de la concurrence, d'une situation privilégiée par rapport à leurs concitoyens canadiens. Il est juste de dire que cette distinction sera faite chaque fois que les Indiens feront affaires à l'extérieur de leurs réserves. Le professeur Slattery l'affirme clairement lorsqu'il souligne, op. cit., à la p. 776, que les achats faits par les Indiens dans une pharmacie ordinaire sont régis par les lois d'application générale.

Je conclus qu'il est tout à fait raisonnable de s'attendre à ce que les Indiens, lorsqu'ils acquièrent des biens personnels conformément à un accord conclu avec cette "entité indivisible" qu'est la Couronne, reconnaissent que la réponse à la question de savoir si les exemptions des art. 87 et 89 devraient s'appliquer à l'égard de ces biens, sans égards à leur situs, doit dépendre de la nature des biens en question. S'il s'agit simplement de biens que les Indiens ont acquis de la même manière que tout autre Canadien aurait pu le faire, je suis incapable d'expliquer pourquoi les Indiens devraient s'attendre à ce que le situs fictif prévu à l'al. 90(1)b) s'applique à l'égard de ces biens. En d'autres termes, même si les Indiens perçoivent la Couronne comme étant "indivisible", je ne vois pas comment ils pourraient prétendre que l'al. 90(1)b) a pour but d'étendre les protections des art. 87 et 89 d'une manière "indivisible" à tous les biens qu'ils ont acquis conformément aux accords conclus avec cette entité, sans égard au lieu où ces biens sont possédés. Qu'en est‑il si les biens en question sont possédés à l'extérieur de la réserve et ont été acquis par la bande indienne en question en vue simplement d'effectuer d'autres opérations commerciales sur le marché?

Ces propos me ramènent à l'objection que j'ai formulée antérieurement selon laquelle, d'après l'interprétation de l'al. 90(1)b) que propose le juge de première instance, il doit s'ensuivre en toute logique qu'on a voulu que l'alinéa s'applique à toute la gamme d'accords pouvant être conclus entre des bandes indiennes et des Couronnes provinciales. Si on accepte l'hypothèse que l'expression "Sa Majesté" inclut les Couronnes provinciales, prétendre que l'on est en mesure de choisir parmi toute la gamme d'accords qui peuvent être conclus entre une bande indienne et une Couronne provinciale, pour conclure que le Parlement a voulu que l'al. 90(1)b) s'applique dans un cas mais non dans l'autre, relèverait davantage de la divination que de l'interprétation législative rationnelle. Je conclus qu'en englobant nécessairement les opérations purement commerciales, l'interprétation large, que propose le juge de première instance, fausserait la perception même qu'on peut s'attendre, en toute justice, à ce que les Indiens eux‑mêmes aient des limites de la protection extraordinaire conférée par l'al. 90(1)b).

De plus, je mettrais en doute la conclusion qu'interpréter l'expression "Sa Majesté" comme incluant les Couronnes provinciales dans le contexte de l'al. 90(1)b) revient à résoudre l'ambiguïté du sens de cette expression en faveur des Indiens. Comme je l'ai déjà démontré, les art. 87 et 89 ont été conçus pour faire obstacle aux non‑Indiens qui voudraient déposséder les Indiens de leurs biens personnels situés sur une réserve. Mais lorsque les Indiens font des affaires sur le marché en général, les protections accordées par ces articles peuvent devenir des obstacles majeurs à leur réalisation d'opérations commerciales réussies. L'obtention de crédit est essentielle dans le commerce et je trouve très difficile de croire que les Indiens verraient un avantage, lorsqu'ils veulent obtenir du crédit, à être empêchés de mettre en gage des biens qu'ils peuvent acquérir de Couronnes provinciales. J'aurais cru que les Indiens auraient préféré davantage avoir les mains libres pour mener leurs affaires comme tout autre concitoyen lorsqu'ils font affaires sur le marché commercial.

Pour préciser davantage, si les Indiens ne peuvent mettre en gage ou hypothéquer les biens personnels qu'ils acquièrent par suite d'accords avec les Couronnes provinciales, les gens d'affaires seront fortement incités à ne pas traiter avec eux. Il en est ainsi simplement parce que le fait que les Indiens puissent faire l'objet d'une saisie à l'égard de certaines catégories de biens, mais non à l'égard d'autres catégories, fera en sorte que les opérations commerciales avec les Indiens atteindront un niveau de complexité qui n'existe pas dans les autres opérations. Je ne pense pas me tromper en affirmant que les gens d'affaires accordent beaucoup d'importance à l'élément de certitude dans leurs opérations commerciales et que, par conséquent, ce qui les inciterait le plus à faire affaires avec les Indiens serait de savoir que les affaires peuvent se dérouler avec eux de la même façon qu'avec toute autre personne. Toutes considérations spéciales, protections ou exemptions extraordinaires que les Indiens apportent avec eux sur le marché suscitent des complications et sembleraient à coup sûr éloigner des partenaires commerciaux éventuels.

En résumé, bien que j'approuve évidemment l'applicabilité des principes d'interprétation formulés dans l'arrêt Nowegijick, j'estime, en toute déférence, que l'interprétation proposée dans la présente affaire nous conduit au‑delà de ce qui est juste, large et libéral et peut, en fait, sembler résoudre une prétendue ambiguïté d'une façon qui soit des plus défavorables aux droits des Indiens.

L'applicabilité de la Loi sur la saisie‑arrêt

Il découle de la conclusion que l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) est restreinte à la Couronne fédérale, que cette disposition ne s'applique pas à l'accord conclu entre le gouvernement du Manitoba et les intimés. Il reste cependant à déterminer s'il était approprié dans les circonstances de saisir‑arrêter les sommes en question.

Il convient de rappeler que les sommes en question constituent le produit d'une taxe de vente qui, en raison de l'art. 87 de la Loi sur les Indiens, a été perçue irrégulièrement par le gouvernement du Manitoba du fait qu'elle se rapportait à des "biens personnels" d'un Indien ou d'une bande "situés sur une réserve". En fait, n'eût été l'omission de respecter les conditions de la Loi sur les Indiens, ces sommes n'auraient jamais dû quitter la réserve pour se retrouver dans les coffres de la province. En outre, compte tenu des conditions de l'accord entre les parties, il est clair que les sommes auraient été retournées intégralement aux intimés n'eût été de l'application de la Loi sur la saisie‑arrêt, L.R.M. 1970, ch. G20, C.P.L.M., ch. G20.

Le juge de première instance a refusé de toucher à l'ordonnance de saisie‑arrêt parce qu'il jugeait nécessaire d'interpréter la Loi sur la saisie‑arrêt d'une manière [TRADUCTION] "juste, large et libérale". Bien que je ne conteste pas cela comme proposition générale, je ne puis souscrire à l'opinion que la Loi sur la saisie‑arrêt peut s'appliquer de façon à saisir des sommes qui proviennent précisément de l'endroit décrit précédemment. L'article 88 de la Loi sur les Indiens énonce clairement que les lois d'application générale sont applicables aux Indiens sauf dans la mesure où elles sont incompatibles avec les dispositions de la Loi sur les Indiens. L'objet de l'al. 87b) de cette loi est de soustraire les biens personnels des Indiens à la taxation de manière à empêcher les Couronnes provinciales ou fédérale de porter atteinte à leur capacité de posséder ces biens et d'en jouir. Compte tenu de l'objectif social général qui sous‑tend cette exemption, il serait vraiment anormal que, par suite de l'imposition d'une taxe inconstitutionnelle, l'application du droit provincial porte atteinte à la capacité des Indiens de se retrouver dans la situation même où ils auraient dû être n'eût été la taxe irrégulière. En d'autres termes, je pense qu'il est absurde de présumer que le Parlement a voulu dire aux Indiens [TRADUCTION] "Nous vous protégerons contre toute taxe imposée sur des biens personnels situés sur une réserve, mais si vous êtes taxés de façon irrégulière, cette taxe illégale pourra faire l'objet d'une saisie". À mon avis, cela reviendrait à permettre au droit provincial de faire par un moyen détourné et indirect ce que l'art. 89 de la Loi sur les Indiens interdit explicitement de faire directement, c'est‑à‑dire saisir les biens personnels des Indiens situés sur une réserve. À mon avis, ce résultat serait incompatible avec l'application de la Loi sur les Indiens, et je conclus donc que l'ordonnance de saisie‑arrêt n'aurait pas dû être rendue.

De plus, s'il était nécessaire de trancher l'affaire sur ce point, j'affirmerais que le juge Morse a mal interprété le sens clair de l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt lorsqu'il a conclu qu'il s'appliquerait à l'accord en question. Cet article prévoit:

3 Il peut être procédé à des saisies‑arrêts entre les mains du gouvernement du Manitoba sous le régime des lois de la Législature tout comme il peut l'être dans le cas de particuliers, en ce qui concerne les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement.

À mon avis, on peut considérer que les termes "les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement" à l'art. 3 de cette loi se rapportent seulement aux dettes du gouvernement découlant des accords relatifs au travail ou à la fourniture de services. Il est clair qu'on ne peut affirmer que la nature de l'obligation existant entre le gouvernement du Manitoba et les intimés en l'espèce trouve son origine dans un accord de cet ordre.

Dispositif

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelants: Houston & MacIver, Winnipeg.

Procureurs des intimés: Skwark, Myers, Kussin, Weinstein, Winnipeg.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Indiens - Biens personnels situés sur une réserve donnés en vertu d'un accord entre la bande et Sa Majesté - Biens ne pouvant faire l'objet d'une saisie à la demande d'un non‑Indien - Consentement du gouvernement provincial de rembourser aux bandes indiennes le montant de la taxe de vente provinciale - Action en cours du négociateur mandaté par les bandes visant à obtenir le paiement d'honoraires calculés en fonction de l'issue de l'affaire - Ordonnance de saisie‑arrêt avant jugement accordée - La somme due par la province est‑elle un bien personnel situé sur une réserve? - L'expression "Sa Majesté" s'étend‑elle à la Couronne du chef de la province? - Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑6, art. 89(1), 90(1)b).

Hydro Manitoba a irrégulièrement imposé une taxe aux Indiens Peguis relativement à la vente d'électricité sur une réserve. Le gouvernement du Manitoba a par la suite réglé la réclamation des Indiens visant à obtenir le remboursement des taxes payées. Les appelants ont obtenu une ordonnance de saisie‑arrêt applicable contre le règlement pour le montant des honoraires exigés pour représenter les Indiens dans la négociation du règlement. Les intimés ont demandé l'annulation de l'ordonnance de saisie‑arrêt pour le motif que les biens personnels donnés en vertu d'un traité et tenus pour situés sur une réserve ne peuvent faire l'objet d'une saisie par un non‑Indien. Le juge de première instance et la Cour d'appel ont tous deux conclu que la somme ne peut être saisie‑arrêtée. Leur conclusion est fondée sur leur interprétation de l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens.

Les tribunaux d'instance inférieure ont statué que la somme saisie‑arrêtée constitue un bien personnel donné à une bande en vertu d'un accord entre une bande et Sa Majesté et que l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) comprend non seulement la Couronne fédérale mais aussi la Couronne provinciale. Ces tribunaux ont conclu que la somme en question est un "bien personnel" au sens de l'al. 90(1)b) et qu'elle est, par conséquent, réputée située sur une réserve et donc ne pouvoir faire l'objet d'une saisie‑arrêt en vertu du par. 89(1).

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Les juges La Forest, Sopinka et Gonthier: L'alinéa 90(1)b) ne sert pas à soustraire à la saisie‑arrêt les biens détenus par la province. L'expression "Sa Majesté", sans autre précision, dans la Loi sur les Indiens se rapporte à la Couronne fédérale. La Loi définit un domaine de responsabilité fédérale et la formulation de l'al. 90(1)a) indique que l'expression "Sa Majesté" doit être restreinte à la Couronne fédérale. Aucun mot précis ne vient élargir le sens de l'expression contenue à l'al. 90(1)b). De même, les traités conclus avec les Indiens relèvent du domaine fédéral et les termes "traité" et "accord" à l'al. 90(1)b) déteignent l'un sur l'autre. Enfin, le terme "donnés" utilisé à l'al. 90(1)b) est une mention distincte et significative du processus de cession des terres indiennes.

L'expression "Sa Majesté" a un sens uniforme dans tout l'art. 90. L'article s'applique seulement aux biens personnels que la Couronne fédérale accorde aux Indiens dans l'exécution de ses obligations envers les peuples autochtones, que ce soit conformément à ses engagements par traité ou à ses responsabilités découlant du par. 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Aucune autre interprétation n'est conforme à la teneur des obligations dont s'est historiquement acquittée la Couronne à l'égard des biens des peuples autochtones.

L'article 90 doit être interprété conjointement avec les art. 87 et 89. Il faut éviter d'accorder une portée trop large à ces dispositions. Elles n'ont pas pour but d'accorder des privilèges aux Indiens à l'égard des biens qu'ils peuvent acquérir et posséder, peu importe l'endroit où ils sont situés. Leur but est plutôt de protéger des ingérences et des entraves de la société en général les droits de propriété des Indiens sur leurs terres réservées pour veiller à ce que ceux‑ci ne soient pas dépouillés de leurs droits.

Le situs fictif prévu à l'al. 90(1)b) a pour effet de protéger les biens personnels donnés aux Indiens par "Sa Majesté", conformément à un "traité ou accord", de la même manière que les biens situés sur une réserve sans égard à leur véritable situs. Puisque l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) est restreinte à la Couronne fédérale, les exemptions et privilèges des art. 87 et 89 s'appliquent seulement aux biens que la Couronne fédérale donne aux Indiens en s'acquittant de ses responsabilités conformément aux traités et à leurs accords accessoires. Cette interprétation de l'al. 90(1)b) est conforme à la teneur des obligations que la Couronne s'est toujours engagée à respecter à l'égard de la protection des biens des autochtones.

Toute interprétation de l'al. 90(1)b) selon laquelle cette disposition n'a pas seulement pour objet d'empêcher les non‑Indiens de porter atteinte aux biens qui échoient aux Indiens par suite des obligations qui incombant à la Couronne en vertu de traités et d'accords accessoires confère une extension nouvelle et sans précédent aux protections qui ont jusqu'à maintenant été accordées par la Couronne aux biens des Indiens. Si le Parlement avait eu l'intention d'écarter ces limites traditionnelles, il l'aurait exprimé clairement.

Les traités et les lois visant les Indiens devraient recevoir une interprétation libérale et toute ambiguïté devrait profiter aux Indiens. Cependant, des considérations quelque peu différentes s'appliquent aux traités par rapport aux lois. La Couronne jouissait d'un pouvoir de négociation supérieur au moment de la négociation des traités avec les peuples autochtones et ces traités doivent s'interpréter selon ce que les Indiens en auraient compris. Les lois relatives aux Indiens sont cependant l'expression de la volonté du Parlement et font intervenir des considérations différentes. La règle salutaire portant que les ambiguïtés législatives doivent profiter aux Indiens ne revient pas à accepter automatiquement une interprétation donnée pour la simple raison qu'il peut être vraisemblable que les Indiens la préféreraient à toute autre interprétation différente. Il est nécessaire de concilier toute interprétation donnée avec les politiques que la Loi tente de promouvoir.

En adoptant l'al. 90(1)b), le Parlement n'a pas voulu que les privilèges des art. 87 et 89 soustraient les bandes indiennes à la taxation et à l'application des règles du droit civil à l'égard de tous les biens personnels qu'ils peuvent acquérir conformément à tous les accords conclus avec ce palier de gouvernement, sans égard au lieu où ces biens sont situés. Puisque l'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) est restreinte à la Couronne fédérale, cette disposition ne s'applique pas à l'accord conclu entre le gouvernement du Manitoba et les intimés.

Bien que l'al. 90(1)a) ne protège pas les Indiens contre la saisie‑arrêt, une telle saisie est par ailleurs incompatible avec l'application de la Loi sur les indiens. Compte tenu de l'objectif général de l'al. 87b), qui est de soustraire à la taxation les biens des Indiens situés sur une réserve, il serait vraiment anormal que la province puisse le faire illégalement pour ensuite autoriser la saisie des montants de taxe, une procédure qui reviendrait à permettre au droit provincial de faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement, c'est‑à‑dire saisir les biens personnels des Indiens situés sur une réserve.

De plus, les termes "les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement" à l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt se rapportent seulement aux dettes du gouvernement découlant des accords relatifs au travail ou à la fourniture de services.

Les juges Lamer, Wilson et L'Heureux‑Dubé: On partage l'interprétation de l'al. 90(1)b) que donne le juge La Forest et sa conclusion qu'en ce qui concerne le gouvernement du Manitoba et les Indiens, ces derniers ont droit aux sommes.

Une fois établi que les sommes ne sont pas dans les faits situées sur la réserve ni réputées y être situées et qu'elles constituent bel et bien une dette, cette dette peut faire l'objet d'une saisie‑arrêt entre les mains d'un tiers innocent. La manière dont naît une dette n'a pas de répercussions sur le tiers innocent qui cherche à engager des procédures de saisie‑arrêt relativement à cette dette.

La Loi sur la saisie‑arrêt ne s'applique pas à la Couronne de façon à permettre aux appelants de saisir‑arrêter les sommes que la Couronne doit aux Indiens en vertu du règlement. Les mots "les sommes dues ou à échoir aux personnes employées ou payées par le gouvernement", que l'on trouve à l'art. 3 de la Loi sur la saisie‑arrêt, se rapportent seulement aux dettes du gouvernement découlant d'ententes quant au travail ou à la fourniture de services. Ces mots ne vont pas jusqu'à lever l'immunité du gouvernement relativement aux procédures de saisie‑arrêt que les appelants cherchent à engager.

Le juge en chef Dickson: Selon la règle formulée dans l'arrêt Nowegijick, les ambiguïtés dans l'interprétation des traités et des lois visant les Indiens doivent profiter aux Indiens et la compréhension qu'ont les autochtones des termes et des concepts juridiques correspondants contenus dans les traités avec les Indiens doit être préférée aux interprétations plus strictes et formalistes. Cette règle porte sur l'interprétation d'une loi ou d'un traité relativement aux personnes qui y sont assujetties, les Indiens, et non sur l'interprétation d'une loi au profit des Indiens pour la seule raison que l'autre partie intéressée est l'État.

La règle de l'arrêt Nowegijick s'applique même si c'est une partie civile autre que l'État qui échouera. La société canadienne dans son ensemble doit porter le fardeau historique de la situation actuelle des peuples autochtones. Le paragraphe 89(1) prévoit explicitement que, dans certaines circonstances, un non‑Indien ne peut saisir les biens personnels d'un Indien et il prévoit que les Indiens seront favorisés face aux non‑Indiens. Par conséquent, il serait incompatible avec l'arrêt Nowegijick d'interpréter d'une manière restrictive l'art. 90 (qui étend la protection de l'art. 89).

On présume, sans le décider, qu'une interprétation large de la Loi sur la saisie‑arrêt et de la disposition particulière qui permet et facilite la saisie‑arrêt entre les mains du gouvernement est valide aux fins du présent pourvoi. En l'absence de l'art. 90, le situs de la dette se trouverait au domicile du débiteur, c'est‑à‑dire à l'extérieur de la réserve.

La définition de "Sa Majesté" contenue dans la Loi d'interprétation comprend les Couronnes provinciales et la question de savoir si les deux Couronnes sont visées dépend du contexte de la loi. L'expression "Sa Majesté" dans une loi fédérale n'est pas nécessairement restreinte à la Couronne du chef du Canada: elle peut se rapporter à la province. En l'espèce, l'ambiguïté découle de la question de savoir si, en réalité, elle le fait.

L'expression "Sa Majesté" à l'al. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens se rapporte tant à la Couronne fédérale qu'à la Couronne provinciale. L'application de la règle de l'arrêt Nowegijick justifie cette conclusion. (Les arguments contextuels selon lesquels l'expression ne se rapporte qu'à la Couronne fédérale ne sont pas convaincants et, par conséquent, il se présente une ambiguïté.) En outre, du point de vue des autochtones, la Couronne est indivisible et toute division que la Couronne s'est imposée à elle‑même, comme la Couronne fédérale et la Couronne provinciale, est interne et ne modifie aucunement la structure fondamentale des rapports entre le souverain et les Indiens.

On peut surestimer la mesure dans laquelle les peuples autochtones ne sont touchés que par les décisions et les actes de la Couronne fédérale. Fait partie du partage des compétences la théorie des effets accessoires suivant laquelle une règle de droit relative à un chef de compétence d'un palier de gouvernement peut validement toucher un chef de compétence de l'autre palier. Tant que les Indiens ne sont pas touchés en tant qu'Indiens, une loi provinciale peut les viser, et même de façon significative, dans la vie de tous les jours. L'article 88 de la Loi sur les Indiens augmente considérablement la mesure dans laquelle les provinces peuvent toucher les Indiens en reconnaissant la validité des lois d'application générale, à moins qu'elles ne soient supplantées par des traités ou des lois fédérales. Ce chevauchement des responsabilités de part et d'autre de la ligne de partage des compétences est tout à fait conforme au fait que le nouvel art. 35 enchâssé dans la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique à tous les paliers de gouvernement au Canada.

L'expression "biens personnels" à l'al. 90(1)b) comprend des biens immatériels comme le droit au paiement d'une somme. Il n'y a aucune raison sérieuse de donner à l'expression "biens personnels" un sens identique applicable aux deux al. 90(1)a) et b). Le sens de l'expression à l'al. 90(1)b) ne se limite pas aux biens matériels du fait que le sens à l'al. 90(1)a) est ainsi limité.

Le bien personnel en question est une dette et non de l'argent en tant que tel, et on a donné aux intimés le droit d'être payés. Ce droit ou cette dette existait lorsque l'ordonnance de saisie‑arrêt a été rendue. Il n'était pas nécessaire qu'une somme soit effectivement versée pour que l'al. 90(1)b) devienne applicable.

La règle ejusdem generis ne s'applique pas à l'interprétation du terme "accord" de l'al. 90(1)b) lorsqu'il est rapproché du terme "traité". En l'espèce, il y avait un accord avec la province prévoyant le remboursement de la taxe en échange de la signature des renonciations par les bandes indiennes concernées. En supposant que la règle ejusdem generis s'applique, il n'y a aucune raison pour laquelle elle devrait avoir prépondérance sur la règle de l'arrêt Nowegijick portant que les ambiguïtés doivent profiter aux Indiens.


Parties
Demandeurs : Mitchell
Défendeurs : Bande indienne peguis

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge La Forest
Distinction d'avec les arrêts: Attorney‑General for Quebec v. Nipissing Central Railway Co., [1926] A.C. 715
Nickel Rim Mines Ltd. v. Attorney General for Ontario, [1967] R.C.S. 672
arrêts mentionnés: Greyeyes c. La Reine, [1978] 2 C.F. 385 (S.P.I.)
Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335
Canadien Pacifique Ltée c. Paul, [1988] 2 R.C.S. 654
Bryan v. Itasca County, 426 U.S. 373 (1976)
Francis v. The Queen, [1956] R.C.S. 618
Leonard v. R. in Right of British Columbia (1984), 52 B.C.L.R. 389, autorisation de pourvoi refusée, [1984] 2 R.C.S. viii
Leighton v. B.C. (Gov't), [1989] 3 C.N.L.R. 136
Metlakatla Ferry Service Ltd. v. B.C. (Gov't) (1987), 12 B.C.L.R. (2d) 308 (C.A.)
Bank of Nova Scotia v. Blood, [1990] 1 C.N.L.R. 16
Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29
United States v. Powers, 305 U.S. 527 (1939).
Citée par le juge Wilson
Arrêts mentionnés: Canadian National Railways Co. v. Croteau, [1925] R.C.S. 384
The King v. Central Railway Signal Co., [1933] R.C.S. 555
R. c. Eldorado Nucléaire Ltée, [1983] 2 R.C.S. 551.
Citée par le juge en chef Dickson
Arrêt appliqué: Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29
arrêts examinés: Nickel Rim Mines Ltd. v. Attorney General for Ontario, [1967] R.C.S. 672
Attorney‑General for Quebec v. Nipissing Central Railway Co., [1926] A.C. 715 (C.P.)
Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335
arrêts mentionnés: Maritime Bank of Canada (Liquidations of) v. Receiver-General of New Brunswick, [1892] A.C. 437
R. v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, Ex parte Indian Association of Alberta, [1982] 1 Q.B. 802
Alberta Government Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 2 R.C.S. 225
Metlakatla Ferry Service Ltd. v. B.C. (Gov't) (1987), 12 B.C.L.R. 308 (C.A.)
Brown v. The Queen in Right of British Columbia, [1979] 3 C.N.L.R. 67 (C.A.C.‑B.)
Kuhn v. Starr, (le juge Ferg, B.R. Man., décision inédite rendue le 28 octobre 1976)
Mintuck v. Valley River Band 63A, [1978] 2 W.W.R. 159 (B.R. Man.)
Greyeyes c. La Reine, [1978] 2 C.F. 385 (S.P.I.)
La Reine c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103 (S.P.I.)
Fricke and Seaton Timber Ltd. v. Mitchell (1985), 67 B.C.L.R. 227 (C.S.C.‑B.)
Fayerman Bros. Ltd. v. Peter Ballantyne Indian Band, [1986] 1 C.N.L.R. 6 (B.R. Sask.)
Williams v. Canada, [1989] 1 C.N.L.R. 184 (C.F.S.P.I.)
Lois et règlements cités
Acte des Sauvages, 1876, S.C. 1876, ch. 18, art. 25 et suiv., 64, 65, 66, 69.
Acte pour protéger les sauvages dans le Haut Canada, contre la fraude, et les propriétés qu'ils occupent ou dont ils ont jouissance, contre tous empiétements et dommages, S.C. 1850, ch. 74, art. 4.
Décret no 253 (Manitoba), 9 mars 1983.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(24).
Loi constitutionnelle de 1982, art. 35.
Loi des chemins de fer, 1919, S.C. 1919, ch. 68, art. 189.
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, ch. I‑23, art. 16, 28.
Loi d'interprétation, S.R.C. 1952, ch. 158.
Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1952, ch. 259, art. 105.
Loi sur la saisie‑arrêt, L.R.M. 1970, ch. G20, C.P.L.M., ch. G20, art. 3.
Loi sur les Indiens, S.C. 1951, ch. 29, art. 90.
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I‑6, art. 4(3), 15, 16(2), (3), 18, 31(3), 32, 34(2), 35(1), 36, 37, 38, 39, 40, 41, 48(8), 53(3), 59a), 67, 72, 87a), b), 88, 89(1), (2), 90(1)a), b), (2), (3), 91, 92, 93, 103(3), 104(1), 114(1).
Loi sur les procédures contre la Couronne, L.R.M. 1987, ch. P140, art. 16(6).
Proclamation royale de 1763, S.R.C. 1970, app. II, no 1.
Doctrine citée
Bartlett, Richard Hamilton. Indians and Taxation in Canada, 2nd ed. Saskatoon: University of Saskatchewan, Native Law Centre, 1987.
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Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 2nd ed. Toronto: Carswells, 1985.
Hogg, Peter W. Liability of the Crown, 2nd ed. Toronto: Carswells, 1989.
Nouveau‑Brunswick. Division de réforme du droit du ministère de la Justice. Third Report of the Consumer Protection Project, vol. II. Legal Remedies of the Unsecured Creditor After Judgment. Fredericton: 1976.
Ontario. Commission de réforme du droit. Report on the Enforcement of Judgment Debts and Related Matters. Toronto: 1981.
Ontario. Commission de réforme du droit. Report on the Liability of the Crown. Toronto: 1989.
Slattery, Brian. "Understanding Aboriginal Rights" (1987), 66 R. du B. can. 727.

Proposition de citation de la décision: Mitchell c. Bande indienne peguis, [1990] 2 R.C.S. 85 (21 juin 1990)


Origine de la décision
Date de la décision : 21/06/1990
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1990] 2 R.C.S. 85 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-06-21;.1990..2.r.c.s..85 ?
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