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04/10/1990 | CANADA | N°[1990]_2_R.C.S._1029

Canada | Banque nationale de grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029 (4 octobre 1990)


Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029

Antonio Panzera, Giuseppe Valiante,

Francesco Tatta et Andréa Barbiero Appelants

c.

Simcoe & Érié Compagnie d'assurance, General

Accident Insurance et Balboa Insurance Company Intimées

répertorié: banque nationale de grèce (canada) c. katsikonouris

No du greffe: 21341.

1990: 20 mars; 1990: 4 octobre.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre u

n arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1989] R.D.I. 46, [1989] R.R.A. 145, 20 Q.A.C. 226, 36 C.C.L.I. 296, qui a infirmé un ju...

Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029

Antonio Panzera, Giuseppe Valiante,

Francesco Tatta et Andréa Barbiero Appelants

c.

Simcoe & Érié Compagnie d'assurance, General

Accident Insurance et Balboa Insurance Company Intimées

répertorié: banque nationale de grèce (canada) c. katsikonouris

No du greffe: 21341.

1990: 20 mars; 1990: 4 octobre.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1989] R.D.I. 46, [1989] R.R.A. 145, 20 Q.A.C. 226, 36 C.C.L.I. 296, qui a infirmé un jugement de la Cour supérieure, [1985] C.S. 1263, 16 C.C.L.I. 126. Pourvoi accueilli, les juges L'Heureux‑Dubé et Gonthier sont dissidents.

Jacques Fournier, pour les appelants.

Émile Colas, c.r., pour les intimées.

//Le juge La Forest//

Le jugement des juges La Forest, Cory et McLachlin a été rendu par

LE JUGE LA FOREST — J'ai eu l'avantage de lire les motifs de ma collègue le juge L'Heureux‑Dubé. Elle a très bien exposé les faits et l'historique judiciaire de l'affaire et je n'ai pas à les reprendre. Toutefois, en toute déférence, je ne puis souscrire à ses conclusions pour les motifs suivants.

Dans l'arrêt Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d'assurance contre l'incendie de la Vallée du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 000 (ci‑après Caisse populaire), rendu en même temps que celui‑ci, notre Cour a expliqué le fonctionnement de la clause hypothécaire type selon les principes de droit civil. Pour des motifs de commodité, voici les versions française et anglaise de la clause figurant dans la police délivrée par les assureurs intimés:

IT IS HEREBY PROVIDED AND AGREED THAT:

1.This insurance and every documented renewal thereof -‑ AS TO THE INTEREST OF THE MORTGAGEE ONLY THEREIN -‑ is and shall be in force notwithstanding any act, neglect, omission or misrepresentation attributable to the mortgagor, owner or occupant of the property insured, including transfer of interest, any vacancy or non‑occupancy, or the occupation of the property for purposes more hazardous that specified in the description of the risk.

VIOLATIONS DU CONTRAT

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés, notamment en ce qui concerne les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées.

La clause, qui à quelques variantes près est utilisée partout en Amérique du Nord, était évidemment destinée à avoir le même effet dans les ressorts de common law et dans ceux de droit civil, et je mentionnerai la jurisprudence des deux systèmes juridiques. Pour éviter toute confusion sur le plan terminologique, j'ai, conformément à la clause elle‑même, utilisé le mot "mortgage" et les expressions connexes que l'on trouve dans la version anglaise des présents motifs de manière à englober la notion d'"hypothèque" et ses notions connexes.

Dans l'arrêt Caisse populaire, notre Cour a conclu que, selon les modalités de cette clause, le débiteur hypothécaire qui assure son propre intérêt dans le bien a également le mandat de souscrire un contrat d'assurance séparé et distinct pour assurer l'intérêt du créancier hypothécaire dans le bien grevé d'une hypothèque. Le présent pourvoi soulève maintenant l'importante question de savoir si l'assureur peut refuser de respecter ce contrat indépendant au profit du créancier hypothécaire lorsqu'il découvre que son contrat conclu avec le débiteur hypothécaire a été souscrit sur le fondement de déclarations fausses ou d'omissions de sorte qu'il était nul ab initio. Contrairement à ma collègue, je suis d'avis que la nature et le texte de la clause hypothécaire type ainsi que des considérations historiques et politiques irrésistibles militent contre cette conclusion.

La nature et l'interprétation de la clause hypothécaire

Dans les motifs qu'elle a rédigés dans l'affaire Caisse populaire, à la p. 000, le juge L'Heureux‑Dubé a souligné le fait que l'explication donnée par le droit civil au sujet du fonctionnement de la clause hypothécaire type s'harmonise avec l'interprétation qui ressort de la jurisprudence de common law. Ma collègue a souligné que la clause hypothécaire type a été utilisée pour la première fois aux États‑Unis. Un examen de la doctrine et de la jurisprudence américaine révèle un consensus presque universel à l'égard du fait que cette clause témoigne de l'existence d'un contrat indépendant entre l'assureur et le créancier hypothécaire. Ma collègue a également fait remarquer que la théorie des "deux contrats" est maintenant bien ancrée dans la jurisprudence canadienne. Particulièrement dans l'arrêt London and Midland General Insurance Co. c. Bonser, [1973] R.C.S. 10, un arrêt de common law, notre Cour a approuvé la théorie des deux contrats et plusieurs décisions récentes de tribunaux d'instance inférieure ont également adopté cette position relativement au fonctionnement de la clause hypothécaire type; voir Caisse populaire, à la p. 000.

Il convient également de souligner que la jurisprudence américaine qui traite de la question restreinte soulevée par le présent pourvoi est presque unanime pour conclure qu'en vertu de la théorie des deux contrats, l'assurance du créancier hypothécaire ne peut être invalidée par les actes ou négligences du débiteur hypothécaire, que ce soit à l'établissement de la police ou après qu'elle a été souscrite; voir Couch, Couch on Insurance (2e éd. 1982), vol. 10A, no 42:736. Par conséquent, la très grande majorité des décisions sont essentiellement d'accord avec l'interprétation de la clause qui semblerait s'être dégagée pour la première fois dans l'arrêt de la Cour d'appel de New York Hastings v. Westchester Fire Insurance Co., 73 N.Y. 141 (1878). Dans cet arrêt, le juge Rapallo a dit, à la p. 153:

[TRADUCTION] Toute autre conclusion aurait, à mon avis, pour effet de contrecarrer l'objet voulu et de priver les créanciers hypothécaires de la protection sur laquelle ils ont le droit de se fonder. Bien que la clause puisse être interprétée de manière à exclure les créanciers hypothécaires seulement à l'égard des conséquences des actes des propriétaires accomplis après la conclusion de l'entente, je ne suis pas d'avis, compte tenu de son objet apparent, qu'une telle distinction était voulue.

Je remarque que ma collègue qui cite un grand nombre d'arrêts qui ont suivi la voie adoptée dans l'arrêt Hastings ne peut citer d'autres arrêts depuis Imperial Building & Loan Ass'n v. Aetna Ins. Co., 166 S.E. 841 (W. Va. 1932), qui a rejeté cette position.

À mon avis, l'interprétation contraire, selon laquelle la clause ne protège le créancier hypothécaire que contre les fautes du débiteur hypothécaire survenues après la naissance d'un contrat valide entre ce dernier et l'assureur, déforme le sens clair et ordinaire des termes utilisés dans la clause type.

Dans l'arrêt Syndicate Ins. Co. v. Bohn, 65 F. 165 (1894), la Cour d'appel du Huitième Circuit des États‑Unis devait interpréter la clause hypothécaire type suivante: [TRADUCTION] "la présente assurance, portant sur les intérêts du [. . .] créancier hypothécaire [. . .] seulement, ne doit pas être invalidée par un acte ou une négligence du débiteur hypothécaire ou du propriétaire du bien assuré", un texte qui est essentiellement du même genre que celui qui est en cause en l'espèce. Je suis entièrement d'accord avec l'analyse du juge Sanborn qui conclut, aux pp. 176 et 177:

[TRADUCTION] Le contrat prévoyait‑il que l'indemnisation du créancier hypothécaire ne devrait pas être protégée contre tout acte ou négligence préalable des débiteurs hypothécaires? Il n'y a aucune restriction de ce genre dans le contrat. Il prévoit que l'intérêt du créancier hypothécaire ne devrait pas être invalidé par les actes ou négligences des débiteurs hypothécaires, par la vacance ou l'inoccupation ou par toute modification du titre ou de la possession des lieux, à la condition que le créancier hypothécaire avise la compagnie d'assurances de tout changement de propriété ou d'affectation des lieux à des fins plus dangereuses dont il peut avoir connaissance, qu'il obtienne une telle permission qui soit inscrite sur la police et qu'il en paie le coût. [. . .] Quels termes plus appropriés pourraient être choisis pour créer une assurance distincte couvrant l'intérêt du créancier hypothécaire, pour libérer cette assurance de toute influence possible d'un acte ou d'une négligence des débiteurs hypothécaires et pour faire en sorte qu'elle dépende uniquement de ce qui survient entre le créancier hypothécaire et la compagnie d'assurances? Nous n'en voyons pas. [Je souligne.]

Ces observations me rappellent qu'il est important dans l'interprétation d'un contrat d'assurance d'accorder aux termes leur sens ordinaire. Dans le texte de la clause hypothécaire type examinée en l'espèce, aucune distinction n'est faite entre les "actes", "négligences" ou "déclarations" ("omission or misrepresentation") qu'un débiteur hypothécaire pourrait commettre ou faire, selon le cas. La clause précise simplement, en des termes simples et non techniques, que l'assurance, relativement à l'intérêt du créancier hypothécaire, est et doit être en vigueur nonobstant les actes, négligences, ou déclarations du débiteur hypothécaire. Compte tenu de cette affirmation non équivoque, je ne puis voir clairement pourquoi une personne peut chercher à limiter le sens de l'article "les" qui, évidemment, est habituellement interprété comme signifiant "tout ou toute" ("any"). En toute déférence, je partage la conclusion du juge Lamb de première instance qui dit:

[TRADUCTION] Par conséquent, la renonciation expresse des assureurs doit être interprétée comme visant la nullité absolue ou relative, en l'absence de tout terme imposant une distinction restrictive entre les deux.

([1985] C.S. 1263, à la p. 1269.)

La Cour d'appel, [1989] R.D.I. 46, se fondant en grande partie sur son arrêt antérieur Madill c. Lirette, [1987] R.J.Q. 993, a minimisé l'importance du fait que la clause n'établissait pas expressément de distinction entre les "actes", "négligences" et "déclarations". Elle a accordé une grande importance au fait que les déclarations mentionnées expressément dans la clause se rapportaient toutes à des actes que seul le débiteur hypothécaire était en mesure d'accomplir après la naissance d'un contrat valide. Comme le dit le juge Desmeules (ad hoc), à la p. 50:

Le texte de la clause de garantie hypothécaire actuelle en vigueur depuis 1972 réfère à certaines situations telles que les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées, et elle fait obligation aux créanciers hypothécaires d'aviser l'assureur dès qu'il est (sic) au courant de telles situations.

Il s'agit là d'événements subséquents à l'émission de la police d'assurance, et ceci m'amène à conclure que ce sont de telles situations que les assureurs ont voulu prévoir dans leur clause de garantie hypothécaire.

Dans ses motifs concordants, le juge Beauregard ajoute, à la p. 47:

Malgré l'utilisation de l'adverbe "notamment", il faut conclure en appliquant la "règle" d'interprétation noscitur a sociis ou la "règle" ejusdem generis que "les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés" sont des "actes, négligences ou déclarations" qui ont lieu ou qui sont faits après l'établissement de la police, comme "les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées".

Je ne puis souscrire à l'opinion de la Cour d'appel selon laquelle il est clair, en appliquant la règle ejusdem generis, que le renvoi aux "déclarations", dans la clause, doit être interprété comme limité aux déclarations postérieures à l'établissement de la police. Je suis d'avis que cette règle d'interprétation ne s'applique pas dans le contexte de la clause hypothécaire type.

Le professeur Driedger, à la p. 111 de son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), souligne la définition de la règle énoncée par le lord chancelier Halsbury dans l'arrêt Thames and Mersey Marine Insurance Co. v. Hamilton, Fraser & Co. (1887), 12 App. Cas. 484, à la p. 490. Le lord chancelier Halsbury fait remarquer que la règle est fondée sur la notion selon laquelle [TRADUCTION] "les termes généraux peuvent être limités au même genre que les termes précis qui les ont précédés". Il convient également de citer une illustration du fonctionnement de la règle donnée par le professeur Côté dans son ouvrage Interprétation des lois (1982), à la p. 372. Le professeur Côté cite les remarques du juge Turgeon dans l'arrêt Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1980] C.A. 370, à la p. 372. Les observations vont dans le même sens que celles du lord chancelier Halsbury, bien que j'attire l'attention sur la remarque importante du juge Turgeon:

Autrement dit, pour que la règle s'applique, il faut absolument que l'on retrouve une classe ou une catégorie précédant les termes généraux, si l'on veut les restreindre à cette classe ou cette catégorie. [Je souligne.]

En l'espèce, évidemment, cette condition préalable à l'application de la règle n'est pas remplie car, dans la clause visée, les termes généraux précèdent l'énumération précise au lieu de la suivre. La clause indique que la protection relative à l'intérêt du créancier hypothécaire est valide nonobstant les "déclarations" et ensuite fournit des exemples de celles‑ci. La justification rationnelle de l'application de la règle ejusdem generis est donc absente. Quel que soit le document particulier qui est interprété, lorsque l'on trouve une clause qui énonce une liste de termes précis suivie d'un terme général, il conviendra normalement de limiter le terme général au genre de l'énumération restreinte qui le précède. Toutefois, il serait illogique de procéder de la même manière lorsqu'un terme général précède une énumération d'exemples précis. Dans ce cas, il est logique de déduire que l'énumération d'exemples précis tirés d'une vaste catégorie générale a pour but d'écarter toute ambiguïté relativement à la question de savoir si ces exemples sont en fait compris dans la catégorie. Il serait contraire à l'intention du rédacteur du document de considérer les illustrations précises comme une définition exhaustive de la catégorie plus vaste dont elles font partie.

Qui plus est, en l'espèce, le texte même utilisé pour présenter la liste des déclarations confirme qu'il serait erroné de les considérer comme exhaustives. Dans le texte anglais de la clause, le terme "including" précède la liste des exemples de déclarations alors que le terme "notamment" est utilisé dans la version française. Je remarque que le Concise Oxford Dictionary (7e éd. 1982) définit le terme "include" comme [TRADUCTION] "comprendre ou englober (une chose, etc.) comme partie d'un tout", alors que le Petit Robert 1 (1987) dit du terme "notamment" qu'il "sert le plus souvent à attirer l'attention sur un ou plusieurs objets particuliers faisant partie d'un ensemble précédemment désigné ou sous‑entendu". Cette définition est également confirmée dans les lexiques juridiques: les articles inscrits sous la rubrique "include" et "including" dans le Stroud's Judicial Dictionary (5e éd. 1986), pour ne citer qu'un seul exemple, illustrent clairement encore une fois que ces termes sont des termes d'extension, destinés à élargir le sens des termes précédents, et non de les limiter.

Comme je l'ai souligné, il est naturel de déduire que le rédacteur donnera une illustration précise d'un sous‑ensemble d'une catégorie de choses donnée pour montrer clairement que cette catégorie comprend des choses dont, par ailleurs, on pourrait s'attendre à ce qu'elles n'en fassent pas partie. À mon avis, c'est précisément ce raisonnement qui explique le renvoi à des déclarations précises dans la clause hypothécaire type. La Cour d'appel a eu raison de souligner que les exemples précis de déclarations dans la police se rapportent tous à des fautes que le débiteur hypothécaire n'est en mesure de commettre qu'après la conclusion d'un contrat valide. Toutefois, il est important de se rappeler que ces modalités se trouvent dans une clause où l'assureur énumère les fautes du débiteur hypothécaire que l'assureur affirme ne pas vouloir invoquer pour refuser d'indemniser le créancier hypothécaire. Lorsqu'on tient compte dûment de ce fait, il devient évident que l'assureur, loin de vouloir dire au créancier hypothécaire que seules les déclarations faites par le débiteur hypothécaire après la conclusion d'un contrat valide n'annuleront pas la protection, essaie plutôt de dire clairement que même les déclarations de cette nature n'annuleront pas la protection du créancier hypothécaire. Du point de vue de l'assureur, les déclarations que peut faire le débiteur hypothécaire après la conclusion d'un contrat valide représentent précisément et de loin le plus grand risque. Dans son article, "L'opposabilité des exceptions à différents intéressés dans un contrat d'assurance" (1987), 47 R. du B. 933, le professeur Bergeron présente la question de manière convaincante lorsqu'il soutient, à la p. 988:

Quand on y réfléchit attentivement on réalise que, dans cette énumération, il y a une exception, le transfert d'intérêt, beaucoup plus menaçante pour l'assureur que les nullités pour fausse déclaration. En effet, dans le premier cas le cessionnaire est un nouvel assuré inconnu de l'assureur auprès duquel il n'a pu enquêter afin de faire une appréciation du risque. Il est donc encore plus rationnel de rendre inopposables les fausses déclarations de l'assuré duquel l'assureur a eu le loisir de prendre toutes les informations pertinentes. [En italique dans l'original.]

Évidemment, on pourrait dire la même chose en ce qui a trait à l'affectation d'un bien à des fins plus dangereuses que celles déclarées. Si le débiteur hypothécaire conclut un contrat valide et ensuite, à l'insu de l'assureur, transforme le bien en entrepôt de liquides inflammables, l'omission de communiquer cette modification de l'affectation du bien peut causer infiniment plus de préjudice à l'assureur qu'une simple fausse déclaration au moment de la conclusion du contrat.

En définitive, des considérations pratiques de nature commerciale militent fortement contre l'interprétation proposée par la Cour d'appel. Il n'est pas logique de présumer que l'assureur conviendrait de ne pas annuler la protection du créancier hypothécaire en ce qui a trait aux déclarations du débiteur hypothécaire qui sont susceptibles de modifier très radicalement le risque qu'il a convenu d'assumer, tout en se réservant le droit d'annuler la protection en ce qui a trait aux déclarations qu'il a eu raisonnablement l'occasion d'examiner avant d'accepter de délivrer une police.

En toute déférence, je conclus que la Cour d'appel a mal interprété le renvoi à des déclarations précises dans la clause hypothécaire type. L'interprétation de la Cour d'appel fait abstraction des détails pratiques en matière commerciale et donne un sens forcé et anormal aux termes utilisés.

De plus, je suis d'avis qu'adopter l'interprétation de la Cour d'appel reviendrait à ignorer le principe bien reconnu qu'il est nécessaire d'interpréter les contrats d'assurance de la manière dont ils seraient compris par la personne ordinaire qui fait une demande d'assurance et non de la manière dont ils pourraient être perçus par des personnes versées dans les subtilités du droit des assurances. J'ai examiné (dans une opinion dissidente) ce principe en détail dans l'affaire Scott c. Wawanesa Mutual Insurance Co., [1989] 1 R.C.S. 1445, aux pp. 1454 et 1455. En l'espèce, en l'absence d'un texte clair et explicite qui confère un sens différent à la police elle‑même, je n'arrive pas à voir comment on pourrait s'attendre à ce que les créanciers hypothécaires, qui prennent une assurance contre l'incendie assortie d'une clause qui dit qu'on ne refusera pas de les indemniser pour "les" déclarations de leur débiteur hypothécaire, n'acceptent pas cette clause telle qu'elle est. Si, en fait, l'assureur se réservait le droit d'annuler la protection du créancier hypothécaire par suite de certaines déclarations du débiteur hypothécaire (c.-à-d. celles faites à la naissance du contrat entre l'assureur et le débiteur hypothécaire), je conclurais qu'il incombait à l'assureur, en rédigeant son formulaire d'assurance, de le dire en des termes clairs, exprès et faciles à comprendre. On peut difficilement s'attendre à ce qu'un créancier hypothécaire déduise, en se basant sur le genre d'analyse subtile qu'a faite la Cour d'appel, que l'assureur, malgré qu'il ait dit de façon expresse que la protection ne serait pas refusée pour "les" déclarations du débiteur hypothécaire, a, en fait, voulu dire que cette protection ne serait pas refusée en raison de "certaines" déclarations.

Bref, il ne m'est pas difficile de comprendre pourquoi la très grande majorité des décisions américaines rejette la notion que la clause hypothécaire type établit une distinction entre les actes et les négligences du débiteur hypothécaire commis à l'établissement de la police et les actes et les négligences commis après qu'elle a été souscrite. La clause hypothécaire type est rédigée en termes clairs et non techniques et indique simplement que l'assurance du créancier hypothécaire ne sera pas annulée en raison d'un acte quelconque du débiteur hypothécaire. Selon mon interprétation, devant cette affirmation non équivoque, les tribunaux ont hésité à créer des subtilités d'interprétation alors qu'il n'en existait aucune. En un mot, les tribunaux américains ont appliqué le principe selon lequel lorsque le contrat n'est pas ambigu et que son sens est clair, il n'y a pas de motif à interprétation; voir 43 Am. Jur. 2d Insurance no 271 (1982).

Il est vrai que la clause examinée en l'espèce est quelque peu différente de celle qui faisait l'objet des décisions américaines. Toutefois, compte tenu de l'essence des différences, je conclus que, si elles ont un effet, elles ne font qu'appuyer l'adoption de l'interprétation de la clause hypothécaire type proposée dans la très grande majorité des décisions américaines.

Pour faciliter la comparaison, voici la partie pertinente de la clause américaine:

[TRADUCTION] . . . et la présente assurance ne doit pas être annulée par tout acte ou toute négligence de la part du débiteur hypothécaire ou du propriétaire du bien ici décrit . . .

et, encore une fois, sa contrepartie utilisée au Canada:

IT IS HEREBY PROVIDED AND AGREED THAT:

1.This insurance and every documented renewal thereof -‑ AS TO THE INTEREST OF THE MORTGAGEE ONLY THEREIN ‑- is and shall be in force notwithstanding any act, neglect, omission or misrepresentation attributable to the mortgagor, owner or occupant of the property insured, including transfer of interest, any vacancy or non‑occupancy, or the occupation of the property for purposes more hazardous that specified in the description of the risk.

VIOLATIONS DU CONTRAT

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés, notamment en ce qui concerne les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées.

Il est clair que l'essentiel de la différence entre les versions canadienne et américaine de la clause réside dans le fait que le texte utilisé au Canada comporte une mention distincte et précise des "déclarations" du débiteur hypothécaire en plus de la mention des "actes" et "négligences".

J'ai déjà souligné le fait que, de nos jours, la jurisprudence américaine est presque unanimement d'avis que la protection d'un créancier hypothécaire qui assure son intérêt au moyen d'une clause hypothécaire type ne sera pas refusée en raison d'un acte que peut commettre son débiteur hypothécaire à la naissance du contrat ou après sa conclusion. Par conséquent, il est clair que les tribunaux américains sont partis de l'idée que les termes "actes" et "négligences" dans la clause comprennent les inobservations de la garantie ou les dissimulations frauduleuses que peuvent commettre les débiteurs hypothécaires lorsqu'ils souscrivent leur police. Je suis fermement d'avis que cette interprétation particulière est bien fondée compte tenu de la portée générale des termes utilisés dans la clause. Il est difficile de comprendre en vertu de quoi on pourrait soutenir que des déclarations (omissions or misrepresentations) ne sont pas comprises dans le sens des termes généraux "actes" et "négligences". Toutefois, quelle que puisse être l'opinion à ce sujet, l'adjonction dans la clause visée en l'espèce a pour effet de rendre la question théorique, car dans cette clause l'assureur s'est engagé de façon expresse à ne pas refuser la protection en se fondant sur les déclarations du débiteur hypothécaire. En effet, l'adjonction dans la version canadienne de la clause rend encore plus impérieuse la thèse portant qu'il y a lieu de suivre les tribunaux américains et de conclure qu'en vertu de la clause hypothécaire type l'assureur dit au créancier hypothécaire que le contrat conclu entre eux ne doit pas être touché par quoi que le débiteur hypothécaire pourrait faire avant ou après l'établissement des polices. En effet, il serait paradoxal de comparer les versions canadienne et américaine de la clause pour ensuite conclure qu'en l'espèce l'assureur réduit en réalité la portée de la protection accordée au créancier hypothécaire parce qu'il a ajouté des termes qui allongent de façon explicite la liste des actions du débiteur hypothécaire qui ne sont pas susceptibles d'annuler l'assurance du créancier hypothécaire.

En résumé, lorsque la clause hypothécaire type est interprétée en fonction des principes établis qui régissent l'interprétation des contrats d'assurance, il ne peut y avoir de doute que l'assureur, en vertu de cette clause, dit au créancier hypothécaire qu'un contrat séparé et distinct existe entre eux, et que la validité de ce contrat indépendant est fonction uniquement de ce qui survient entre le créancier hypothécaire et l'assureur. De plus, même si le texte de la clause était ambigu, l'art. 2499 C.c.B.-C. nous rappelle qu'il serait nécessaire de régler cette ambiguïté au détriment de l'assureur. Aucun créancier hypothécaire ne voudrait que la validité de son contrat "séparé et distinct" conclu avec l'assureur repose sur la question de savoir si le débiteur hypothécaire a traité de bonne foi en obtenant la couverture de son intérêt assurable (celui du débiteur hypothécaire). Du point de vue du créancier hypothécaire, cela reviendrait à contrecarrer l'objet même qu'il vise en se fondant d'abord sur la clause hypothécaire type.

Je conclus donc que l'adoption de l'interprétation de la clause hypothécaire type proposée par la Cour d'appel transformerait la clause en une sorte de piège pour le créancier hypothécaire. En disant apparemment au créancier hypothécaire que la validité de son contrat d'assurance n'a pas été touchée par ce qui est survenu entre le débiteur hypothécaire et l'assureur, la clause inciterait le créancier hypothécaire à se fonder sur la clause hypothécaire type seulement pour démentir cette attente dans le cas où une perte s'est produite et que l'assureur a découvert qu'en réalité le débiteur hypothécaire avait fait une fausse déclaration lorsqu'il a souscrit sa police. Dans l'arrêt Scott c. Wawanesa Mutual Insurance Co., précité, à la p. 1459, j'ai fait allusion au fardeau qui incombe à l'assureur lorsqu'il offre une assurance selon des modalités dont on peut raisonnablement supposer qu'elles contrecarrent l'objectif même de la protection recherchée par l'acheteur de l'assurance. Si on applique ce principe, il est clair que l'assureur, en l'espèce, n'a pas utilisé le degré de clarté requis s'il a réellement voulu faire savoir aux créanciers hypothécaires qui ont choisi de se fonder sur la clause hypothécaire type que leur protection pouvait en fait être annulée, dans certaines circonstances, uniquement en raison des actes du débiteur hypothécaire.

L'historique

J'examine maintenant d'autres facteurs qui militent contre la conclusion que l'assureur peut refuser d'accorder une indemnité à un créancier hypothécaire qui a assuré son intérêt au moyen de la clause hypothécaire type uniquement à cause de la conduite du débiteur hypothécaire. Je débute par un bref aperçu historique de l'élaboration de la clause hypothécaire type et par un examen des premières réactions judiciaires à celle‑ci.

Comme ma collègue l'a fait remarquer, les compagnies d'assurances semblent avoir d'abord incorporé la clause hypothécaire type dans leurs polices dans l'État de New York au cours des années 1860. Depuis ce temps, la clause est devenue, comme son nom l'indique, le moyen normal par lequel les créanciers hypothécaires assurent leur intérêt dans les biens grevés. Toutefois, il est important pour les fins de l'espèce de se rappeler que la clause hypothécaire type, en prenant cet essor, a éclipsé l'utilisation de la clause connue sous le nom de clause d'"indemnité payable" ("loss payable") ou d'"indemnité payable au créancier suivant son intérêt" ("open mortgage"). Comme l'explique Couch, op. cit., au no 42:702, aux termes de cette dernière clause, il n'existe aucun lien de droit contractuel entre l'assureur et le créancier hypothécaire: celui‑ci est simplement désigné comme la personne qui doit être payée en cas de perte. En conséquence, il existe un consensus presque universel dans la doctrine et dans la jurisprudence, selon lequel le créancier hypothécaire, à titre de simple bénéficiaire, peut recevoir des indemnités uniquement aux mêmes conditions que le débiteur hypothécaire. Par conséquent, si le débiteur hypothécaire ne peut recevoir d'indemnités en vertu de la police en raison du non‑respect de ses conditions, ce non‑respect empêchera également le créancier hypothécaire de recevoir des indemnités.

C'est précisément cette caractéristique de la clause d'"indemnité payable" ou d'"indemnité payable au créancier suivant son intérêt" qui a entraîné sa désuétude. Comme l'expliquent Dwyer et Barney dans leur étude intitulée "Analysis of Standard Mortgage Clause and Selected Provisions of the New York Standard Fire Policy" (1984), 19 Forum 639, à la p. 640:

[TRADUCTION] Étant donné que la clause d'indemnité payable ne protégeait pas adéquatement l'intérêt du créancier hypothécaire dans le bien assuré, l'utilisation de la clause hypothécaire type ou dite "union mortgage clause" s'est répandue avec le temps. Par opposition à la simple clause d'indemnité payable, la clause hypothécaire type a généralement été interprétée par les tribunaux comme un contrat d'assurance distinct entre l'assureur et le créancier hypothécaire. La conséquence la plus importante de l'interprétation de la clause hypothécaire type comme une assurance indépendante de l'intérêt du créancier hypothécaire est que le créancier hypothécaire protégé par cette clause, par opposition à un créancier hypothécaire désigné dans une clause d'indemnité payable, ne perdra pas ses droits aux indemnités aux termes d'une police d'assurance contre l'incendie uniquement en raison des actes du débiteur hypothécaire.

De toute évidence, les deux clauses sont des créatures différentes et la seule chose à laquelle on pouvait s'attendre était qu'une période de transition serait nécessaire pour qu'il soit universellement reconnu qu'aux termes de la nouvelle clause le créancier hypothécaire ne pourrait plus être assimilé à un simple bénéficiaire du débiteur hypothécaire. Cette situation est confirmée par la lecture de la première réaction judiciaire à la clause. L'arrêt Hanover Fire Ins. Co. v. National Exchange Bank, 34 S.W. 333 (Tex. Civ. App. 1896), qui peut être considéré comme la source du maigre courant jurisprudentiel qui a rejeté le point de vue proposé dans l'arrêt Hastings, précité, fournit un exemple pratique des problèmes rencontrés par les tribunaux dans leurs efforts pour composer avec l'objet de la clause hypothécaire type et pour apprécier la différence frappante entre celle‑ci et la clause d'"indemnité payable". Les extraits suivants de cet arrêt soulignent clairement que la cour a essentiellement considéré la clause hypothécaire type de la même manière que la clause d'"indemnité payable" et qu'elle n'était pas prête à admettre que la clause hypothécaire type est elle‑même un moyen pour le créancier hypothécaire d'obtenir un contrat d'assurance séparé et distinct avec l'assureur. C'est ainsi que le juge en chef Lightfoot affirme, à la p. 334:

[TRADUCTION] La doctrine est bien établie dans cet État que A., pour une contrepartie qu'il paye, peut conclure un contrat avec B., à l'avantage de C., et ce dernier aura un droit d'action pour le faire exécuter. [. . .] Toutefois, si le contrat a été obtenu par un acte frauduleux de A., la personne pour le bénéfice de qui il l'a obtenu frauduleusement ne peut acquérir un droit supérieur à celui de A. et si le contrat est nul à son égard, il est nul à l'égard de son bénéficiaire.

À la page 335, le juge en chef Lightfoot poursuit en faisant cette concession révélatrice:

[TRADUCTION] Nous pouvons facilement constater qu'il pourrait y avoir une différence dans le cas où la société hypothécaire, pour son propre compte et pour une contrepartie distincte, obtient une police d'assurance à son propre avantage, qui n'est pas touchée par un acte ou une dissimulation de la part du propriétaire du bien.

Un examen des premières décisions canadiennes révèle également que les tribunaux sont restés liés par l'opinion traditionnelle que le créancier hypothécaire était le bénéficiaire du débiteur hypothécaire. Ainsi, dans l'une des premières décisions canadiennes traitant du problème de la nullité ab initio du contrat du débiteur hypothécaire, l'arrêt Omnium Securities Co. v. Canada Fire and Mutual Insurance Co. (1882), 1 O.R. 494, la Cour du Banc de la Reine de l'Ontario a expressément rejeté la théorie des deux contrats comme explication du fonctionnement de la clause hypothécaire type et a de nouveau choisi de considérer le créancier hypothécaire comme le bénéficiaire du débiteur hypothécaire. Le juge en chef Hagarty affirme, à la p. 496:

[TRADUCTION] Il reste à examiner la très grave question de savoir si les défendeurs ont le droit de démontrer que la police a été obtenue par fraude de la part [du débiteur hypothécaire]. Je dois la considérer comme son assurance à l'égard de son propre intérêt et bien que la perte soit payable aux créanciers hypothécaires, elle ne devient pas ainsi l'assurance d'un simple intérêt hypothécaire.

Les demandeurs soutiennent que l'entente entre les parties à cette clause de subrogation, à laquelle [le débiteur hypothécaire] n'était pas partie, avait pour effet, en réalité, de créer une nouvelle assurance entre eux et les assureurs et que ces derniers l'ont adoptée et l'ont confirmée définitivement comme telle, indépendamment de toute fraude commise par [le débiteur hypothécaire]. Je ne crois pas que la clause subséquente renforce cette opinion.

Sans entrer dans le sujet de la "subrogation" qui n'est pas très clair, nous pouvons le traiter d'une manière compréhensible comme une affaire spéciale conclue, après que [le débiteur hypothécaire] eut assuré ses locaux, avec ses créanciers hypothécaires qu'il avait désignés pour recevoir l'indemnité payable.

Dans l'arrêt Liverpool and London and Globe Insurance Co. v. Agricultural Savings and Loan Co. (1903), 33 R.C.S. 94, notre Cour était saisie d'un autre cas où, comme en l'espèce, le contrat avec le débiteur hypothécaire avait été jugé nul ab initio. Comme ma collègue l'a souligné à la p. 000 des motifs qu'elle a rédigés dans l'affaire Caisse populaire, bien que la Cour d'appel ait dit que la clause hypothécaire type représentait un contrat distinct entre l'assureur et le créancier hypothécaire, notre Cour s'est montrée hésitante à examiner de façon détaillée le fonctionnement de la clause. Cela ressort de façon particulièrement claire des remarques incidentes suivantes du juge Davis à la p. 110:

[TRADUCTION] J'ai déjà dit qu'il n'était pas nécessaire dans le présent pourvoi de déterminer, et nous ne le faisons pas, si une telle clause hypothécaire qui a été inscrite dans la police accorde aux créanciers hypothécaires un tel droit et un tel intérêt à titre de bénéficiaires ou constitue un contrat direct entre les créanciers hypothécaires et la compagnie d'assurances qui permettrait à ceux‑ci de poursuivre en leur propre nom seulement et sans tenir compte du [débiteur hypothécaire]. Toutefois, nous sommes tous d'avis, qu'il y ait ou non un tel contrat direct, qu'il ne visait pas les déclarations ou les omissions du requérant, [le débiteur hypothécaire], dans sa demande d'assurance . . .

Étant donné que la Cour a tranché la question qui lui était présentée en fonction d'autres motifs et qu'elle a expressément refusé d'examiner les conséquences qui découlent de l'interprétation de la clause hypothécaire comme prévoyant la création d'un contrat séparé et distinct entre le créancier hypothécaire et l'assureur, par opposition à la désignation du créancier hypothécaire comme un simple bénéficiaire du débiteur hypothécaire, cet arrêt devient essentiellement sans rapport avec l'espèce. Notre Cour a, d'abord dans l'arrêt London and Midland General Insurance Co. c. Bonser, précité, et ensuite dans l'arrêt Caisse populaire approuvé la théorie des deux contrats comme explication du fonctionnement de la clause hypothécaire type. Maintenant, devant le problème de l'évaluation des conséquences qui découlent de l'adoption de cette position, la Cour doit en conséquence traiter la question même qu'elle a refusé d'examiner dans l'arrêt Liverpool and London, précité.

Si l'on s'éloigne de cet examen des problèmes conceptuels qu'ont éprouvés les tribunaux dans leurs premières tentatives de comprendre la nature de la clause hypothécaire type, je remarque qu'il ressort clairement d'un aperçu historique de l'introduction de la clause hypothécaire type qu'elle est devenue une caractéristique presque universelle des polices d'assurance contre l'incendie précisément parce qu'elle a été perçue comme prévoyant la création d'un contrat d'assurance séparé et indépendant entre le créancier hypothécaire et l'assureur. Pour reprendre la formulation du juge Sanborn dans l'arrêt Syndicate Insurance Co. v. Bohn, précité à la p. 178, les créanciers hypothécaires ont renoncé à l'utilisation de la clause d'"indemnité payable" et ont choisi de se fonder sur la clause hypothécaire type parce que cette clause a été perçue comme constituant une affirmation par l'assureur au créancier hypothécaire que ses intérêts étaient assurés dans un contrat distinct de ceux du débiteur hypothécaire, que la validité de l'assurance du créancier hypothécaire ne dépendait que de ce qui surviendrait entre la compagnie d'assurances et le créancier hypothécaire et, par conséquent, ne serait pas touchée par un acte ou une négligence du débiteur hypothécaire que le créancier hypothécaire ignorerait.

Les avantages du recours à la clause hypothécaire type

Les avantages pour toutes les parties que présente l'assurance au moyen de la clause hypothécaire type sont évidents. D'abord, cette clause épargne du temps et donc de l'argent. L'assureur n'a pas à délivrer deux polices distinctes: par le simple moyen de la clause hypothécaire type, l'assureur dit au créancier hypothécaire que la seule police qu'il délivre en faveur du débiteur hypothécaire représente en fait deux contrats distincts, que celui conclu entre le créancier hypothécaire et l'assureur est "greffé" à celui conclu entre le débiteur hypothécaire et l'assureur, pour reprendre le terme approprié qu'on trouve dans Couch, op. cit., au no 42:728. En outre, comme l'a expliqué le professeur Bergeron, loc. cit., à la p. 975, l'assureur en tire d'autres avantages:

L'assureur est probablement le plus grand gagnant à procéder par le débiteur. En effet, il est dans son intérêt de mesurer le risque le plus précisément possible en ayant comme vis‑à‑vis la personne en relation directe avec les biens à assurer: or cette personne, c'est le propriétaire, débiteur hypothécaire. Sinon, l'assureur multiplie les personnes auprès desquelles il doit faire enquête, augmentant du même coup ses frais et les délais.

Évidemment, c'est à la demande de l'assureur que les créanciers hypothécaires obtiennent leur protection au moyen de la clause hypothécaire type et je partage les conclusions du professeur Bergeron quant aux avantages qu'a l'assureur à procéder de cette manière. Il semble qu'il s'agisse d'une stratégie commerciale bien calculée pour permettre aux compagnies d'assurances de se fonder, de la manière la plus efficace et la plus économique possible, sur leur grande expertise en matière d'appréciation du risque présenté par une demande d'assurance donnée.

L'expertise des prêteurs est différente: ils se préoccupent d'évaluer la solvabilité de leurs emprunteurs et non leur assurabilité. Cela étant, en toute déférence, j'accorde peu de valeur à l'idée que les créanciers hypothécaires, lorsqu'ils accordent une hypothèque, devraient assumer le fardeau de garantir l'assurabilité de leurs débiteurs hypothécaires et que, par conséquent, l'assureur devrait avoir le droit de faire valoir contre le créancier hypothécaire toute déclaration (omission or misrepresentation) faite par le débiteur hypothécaire au moment d'obtenir son propre contrat d'assurance; voir les observations du juge Bisson dans l'arrêt Madill c. Lirette, précité, à la p. 1002. À mon avis, il s'agirait d'une délégation de responsabilité injuste de la part des assureurs, d'autant plus que c'est l'assureur qui dit au créancier hypothécaire qu'il veut assurer à la fois le créancier hypothécaire et le débiteur hypothécaire par l'entremise de ce dernier. Je partage les réserves exprimées par le professeur Bergeron, loc. cit., à la p. 988:

Nous avouons notre surprise et le milieu des affaires, y compris celui de l'entreprise du risque, doit la partager. Il est en effet étonnant que l'on confie, si l'expression nous est permise, aux spécialistes de la solvabilité, la tâche revenant tout naturellement aux spécialistes du risque.

La clause hypothécaire type a subi avec succès l'épreuve du temps et je n'ai aucun doute qu'elle représente le moyen le plus économique, rationnel et juste d'assurer l'intérêt des créanciers hypothécaires. Sa présence presque universelle dans les polices d'assurance contre l'incendie témoigne également du fait que son utilisation ne réduit pas d'une manière injuste les profits que les assureurs tirent de la vente d'assurance contre l'incendie. Qui plus est, l'expérience américaine confirme que ce n'est pas moins vrai si l'on présume que la clause hypothécaire type constitue une affirmation de l'assureur au créancier hypothécaire que la validité de sa police ne sera pas touchée par les actes, négligences et déclarations que le débiteur hypothécaire commet ou fait, selon le cas, à la naissance de son contrat distinct ou après sa conclusion. Bref, lorsqu'on admet qu'au moyen de la clause hypothécaire type deux contrats séparés et distincts sont conclus dans une seule police, il en découle que toute autre solution de rechange à l'utilisation de la clause semblerait simplement vouée au même résultat final (c.‑à‑d., un contrat distinct pour le créancier hypothécaire et un autre pour le débiteur hypothécaire), mais au prix de délais inutiles, d'une avalanche de documents et d'un grand nombre d'activités finalement stériles.

Sur ce point, il convient de souligner que la jurisprudence qui a refusé de suivre l'arrêt Hastings, précité, et qui a donc rejeté la thèse que la clause hypothécaire type est destinée à étendre la protection au créancier hypothécaire à l'égard des déclarations (omissions or misrepresentations) faites par le débiteur hypothécaire à la naissance du contrat est presque unanime pour recommander que le débiteur hypothécaire, lorsqu'il assure son intérêt, adopte cette autre ligne de conduite et obtienne une police distincte sur un document distinct. Ainsi, le juge Galligan dans l'arrêt Chenier v. Madill (1973), 2 O.R. (2d) 361 (H.C.), fait remarquer, à la p. 365:

[TRADUCTION] . . . il convient de remarquer qu'il n'y a rien qui empêche un créancier hypothécaire d'obtenir sa propre assurance pour protéger sa garantie. Si un créancier hypothécaire se fonde sur l'assurance obtenue par le débiteur hypothécaire, il s'expose au risque qu'une telle police soit annulable si le débiteur hypothécaire a violé la première condition légale de la police.

Comme nous l'avons déjà vu, le juge en chef Lightfoot, dans l'arrêt Hanover, précité, à la p. 335, a également fait remarquer que la situation serait entièrement différente si le créancier hypothécaire avait obtenu une police d'assurance séparée et indépendante pour protéger son propre intérêt. L'affirmation suivante du juge Bisson dans l'arrêt Madill c. Lirette, précité, à la p. 1002, va dans le même sens:

Si le créancier hypothécaire n'a pas confiance dans les gestes et dires de son assuré avant l'émission de la police, il n'a qu'à prendre une police distincte, à son bénéfice.

La doctrine fait également écho à ce courant de pensée. Dans son article "La faute intentionnelle de l'assuré et la clause de garantie hypothécaire" (1987), 21 R.J.T. 335, Simard adopte explicitement le point de vue exprimé par le juge Bisson.

J'estime toutefois que la notion selon laquelle les créanciers hypothécaires qui ont refusé de se fonder sur la clause hypothécaire type et qui ont assuré leur intérêt au moyen d'une police distincte bénéficieraient d'une mesure de protection supplémentaire par rapport à la protection accordée par la clause hypothécaire type, ne peut faire autrement qu'être inutile une fois établi que cette clause démontre elle-même l'existence de deux contrats d'assurance séparés et distincts, l'un conclu entre le débiteur hypothécaire et l'assureur et l'autre (greffé au premier contrat), entre le créancier hypothécaire et l'assureur. En dernière analyse, la doctrine et la jurisprudence que je viens d'examiner rejettent le point de vue adopté dans l'arrêt Hastings parce qu'encore une fois elles ont choisi de considérer le créancier hypothécaire dont l'intérêt est assuré par une clause hypothécaire type de la même manière qu'un simple bénéficiaire du débiteur hypothécaire. (Je remarque que le juge Galligan, dans l'arrêt Chenier v. Madill, précité, se fonde sur l'arrêt Omnium Securities, précité, qui, comme nous l'avons vu, n'a pas adopté la théorie des deux contrats.) Si l'on écarte ce point de vue, et si on reconnaît que le créancier hypothécaire dont l'intérêt est assuré par la clause hypothécaire type est, en fait, une partie à un contrat séparé et distinct conclu avec l'assureur, la question de savoir de quelle manière le créancier hypothécaire obtient ce contrat séparé et distinct doit, à mon avis, relever de la forme et non du fond.

Telle est l'opinion que le juge L'Heureux‑Dubé exprime à la p. 000 des motifs qu'elle a rédigés dans l'affaire Caisse populaire. Elle fait remarquer:

Il ne paraît pas y avoir de motifs valables de distinguer entre une police souscrite personnellement par le créancier hypothécaire et une autre souscrite par ce dernier par l'entremise d'un mandataire, en la personne du débiteur hypothécaire. L'une comme l'autre constituent des contrats d'assurance séparés dans lesquels l'assuré est le créancier hypothécaire.

Le débiteur hypothécaire en sa qualité de mandataire du créancier hypothécaire

J'ai fait remarquer précédemment qu'aux termes de la clause hypothécaire type le débiteur hypothécaire, lorsqu'il assure son propre intérêt dans le bien, accepte le mandat d'obtenir un contrat d'assurance distinct pour assurer l'intérêt du créancier hypothécaire. Se pose alors la question de savoir si l'on peut soutenir que, parce que le débiteur hypothécaire agit à titre de mandataire du créancier hypothécaire lorsqu'il assure l'intérêt de celui‑ci, il s'ensuit alors que toute fausse déclaration faite par le débiteur hypothécaire dans l'exécution de son mandat devrait être considérée comme celle du créancier hypothécaire. Selon cette logique, la nullité du contrat du débiteur hypothécaire entraînerait également la nullité du contrat du créancier hypothécaire.

Je ne vois pas de quelle manière on peut raisonnablement déduire que le droit relatif au mandat s'applique de manière à avoir cet effet dans le contexte de la clause hypothécaire type. Cette déduction serait contraire à ce qui doit être considéré comme étant ce qu'ont compris les parties lorsqu'elles ont convenu de conclure un contrat d'assurance au moyen de la clause hypothécaire type, car, comme je l'ai expliqué précédemment, c'est précisément parce que la clause hypothécaire type énonçait la promesse que l'assurance du créancier hypothécaire dépendrait uniquement de ce qui surviendrait entre celui‑ci et la compagnie d'assurances qu'elle a remplacé la clause d'"indemnité payable au créancier suivant son intérêt" dans le secteur de l'assurance. Comme l'a dit le juge Miller dans l'arrêt Hastings, précité, à la p. 150:

[TRADUCTION] La clause hypothécaire a été acceptée à cette fin précise et a créé un contrat indépendant et nouveau qui soustrait les créanciers hypothécaires au contrôle ou à l'effet de tout acte ou de toute négligence de la part du propriétaire du bien et fait de ces créanciers hypothécaires des parties qui ont un intérêt séparé et distinct de celui du propriétaire, qui est visé dans un autre contrat différent.

En conséquence, conclure que le droit relatif au mandat aurait le résultat mentionné précédemment contrecarrait l'objet même de la clause en subordonnant le droit du créancier hypothécaire de recevoir des indemnités en vertu de sa police au droit du débiteur hypothécaire, dans la mesure seulement où l'assureur pourrait établir que le débiteur hypothécaire a fait des déclarations (omissions or misrepresentations) en obtenant la protection de son intérêt séparé.

En analysant les principes qui régissent l'interprétation des contrats d'assurance dans l'arrêt Scott c. Wawanesa Mutual Insurance Co., précité, à la p. 1454, j'ai fait allusion à la position adoptée par notre Cour dans l'arrêt Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888. Dans cet arrêt, on a clairement établi que, dans l'examen d'un contrat d'assurance, un tribunal doit chercher l'interprétation qui traduit le plus justement ce qui peut raisonnablement avoir été l'intention des parties lorsqu'elles ont conclu le contrat. Appliquant ces principes à l'espèce, je ne puis que conclure que la notion selon laquelle l'assureur devrait être libre de refuser d'indemniser le créancier hypothécaire en raison d'une fausse déclaration faite par le débiteur hypothécaire lorsqu'il a assuré son intérêt irait contre la perception raisonnable que se fait le créancier hypothécaire de l'objet même de la clause hypothécaire type.

Comme je l'ai indiqué précédemment, il n'est que conforme au bon sens que les créanciers hypothécaires désirent obtenir de l'assurance à l'égard de leur intérêt assurable de manière à faire en sorte que la validité de leur contrat conclu avec l'assureur ne soit pas touchée par un acte que pourrait accomplir le débiteur hypothécaire et, comme nous l'avons vu, le créancier hypothécaire a clairement le choix s'il le désire d'obtenir une telle protection au moyen d'une police distincte attestée par un document distinct. Évidemment, c'est à la demande de l'assureur que les créanciers hypothécaires ne se rendent pas chez lui pour obtenir des polices indépendantes attestées par des documents distincts. En effet, l'assureur dit aux créanciers hypothécaires qu'ils peuvent s'éviter cette peine puisque l'assureur "greffera" ce contrat séparé et distinct à la police du débiteur hypothécaire. Compte tenu de cette affirmation de la part de l'assureur, il n'est que juste de conclure que les créanciers hypothécaires présumeront que l'assurance au moyen de la clause hypothécaire type offre tous les avantages d'un contrat séparé et distinct attesté par un document distinct (le contrat séparé et distinct que tous les arrêts qui ont rejeté l'arrêt Hastings recommandent aux créanciers hypothécaires d'obtenir), mais sans ses inconvénients, c.‑à‑d. la peine d'avoir à obtenir et à examiner ce document distinct.

Comme l'a fait remarquer le professeur Bergeron, loc. cit., à la p. 974, il n'est pas possible que les créanciers hypothécaires acceptent d'obtenir de l'assurance au moyen de la clause hypothécaire type parce qu'ils souhaitent "par là moins protéger leur intérêt". Conclure ainsi reviendrait à considérer les créanciers hypothécaires comme des simples d'esprit; cela reviendrait à supposer que les créanciers hypothécaires, en acceptant d'obtenir de l'assurance au moyen de la clause hypothécaire type, étaient en quelque sorte résignés à accepter une couverture de deuxième ordre, c.‑à‑d., une couverture qui n'offre pas la même protection que le contrat séparé et distinct qu'ils pourraient obtenir sans se fonder sur la clause hypothécaire type. C'est évidemment le contraire qui doit être vrai, car il est manifeste que, si les créanciers hypothécaires choisissent d'obtenir de l'assurance au moyen de la clause hypothécaire type, ils ne peuvent le faire que parce qu'ils s'attendent raisonnablement à ce que leurs intérêts soient protégés de la même manière que s'ils avaient conclu un contrat indépendant attesté par un document distinct.

De plus, comme il a été démontré précédemment, rien dans le texte de la clause hypothécaire type ne permet de conclure que l'assureur agit en fonction de quelque autre condition. Le texte n'indique nullement une intention manifeste et sans équivoque de la part de l'assureur d'offrir de l'assurance à la condition que la protection du créancier hypothécaire dépende de quelque manière que ce soit de ce qui survient entre l'assureur et le débiteur hypothécaire. Le texte a plutôt l'effet contraire: il indique en des termes simples et non ambigus que l'assurance du créancier hypothécaire ne sera pas annulée par une faute du débiteur hypothécaire. À mon avis, les termes utilisés pour faire cette affirmation sont si clairs qu'il n'est pas nécessaire d'invoquer le principe qu'il est nécessaire de résoudre toute ambiguïté sur ce point en faveur de l'assuré. J'ai déjà attiré l'attention sur le fait que les assureurs ne peuvent se fonder sur autre chose que le texte le plus clair lorsqu'ils offrent une protection à des conditions qui décevraient les attentes légitimes quant à la protection de ceux qui achètent la police.

Je conclus qu'aux termes de la clause hypothécaire type l'assureur a indiqué au créancier hypothécaire qu'il ne fera pas valoir contre lui les déclarations (omissions or misrepresentations) qu'a faites le débiteur hypothécaire en obtenant la protection du créancier hypothécaire et qui, par l'application ordinaire du droit relatif au mandat, pourraient par ailleurs être imputées au créancier hypothécaire. À mon avis, toute autre interprétation ne serait pas conforme aux attentes raisonnables des parties quant à la protection offerte par la clause hypothécaire type et, en fait, en rendant l'assurance du créancier hypothécaire subordonnée dans une certaine mesure à ce qui survient entre le débiteur hypothécaire et l'assureur, elle porterait atteinte à la raison d'être même de la clause hypothécaire type.

Dispositif

Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi avec dépens dans toutes les cours, d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel et de rétablir la décision du juge de première instance.

//Le juge L'Heureux-Dubé//

Les motifs des juges L'Heureux-Dubé et Gonthier ont été rendus par

LE JUGE L'HEUREUX‑DUBÉ (dissidente) -- Le présent pourvoi a été entendu en même temps que l'appel Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d'assurance contre l'incendie de la Vallée du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 000 (ci‑après Caisse populaire), jugement rendu concurremment. Dans Caisse populaire, la question était de déterminer la relation de droit entre un assureur et un créancier hypothécaire dont le débiteur a souscrit un contrat d'assurance comprenant une clause hypothécaire et commis une faute intentionnelle. Dans le présent pourvoi, la question qui se pose est celle de l'opposabilité au créancier hypothécaire de la nullité ab initio de la police d'assurance, suite à de fausses représentations du débiteur hypothécaire lors de la souscription de la police.

Faits

En 1977, un dénommé Dimitrios (Jimmy) Katsikonouris a emprunté les sommes de 80 000 $ de la National Bank of Greece (Canada) et 21 800 $ des appelants, qui faisaient affaires en société sous le nom de Tava Enregistré. En garantie de ces emprunts, Katsikonouris a consenti une hypothèque de premier rang à la National Bank of Greece (Canada) et une de second rang aux appelants, sur les immeubles lui appartenant situés aux numéros civiques 2100‑2102‑2104, rue Bélanger est, à Montréal.

Au cours des années qui suivirent, six incendies d'importance variable eurent lieu dans les immeubles faisant l'objet des hypothèques, immeubles couverts par une police d'assurance émise par des assureurs antérieurs. Le 24 janvier 1983, suite à l'avis d'annulation de sa police, Katsikonouris souscrit auprès des intimées une police d'assurance‑incendie. Lors de la souscription de cette police, le courtier agissant pour Katsikonouris répondit par la négative aux trois questions suivantes:

1. Le proposant a‑t‑il d'autres assurances?

2. Y a‑t‑il eu des sinistres au cours des trois dernières années?

3. Y a‑t‑il eu un refus ou une annulation d'un assureur au cours des trois dernières années?

La police d'assurance émise par les intimées, offrant une couverture de 350 000 $, contenait une clause hypothécaire approuvée par le Bureau d'assurance du Canada et utilisée dans les polices d'assurance‑incendie émises au Québec et dans le reste du Canada.

Suite à un incendie d'origine criminelle qui détruisit entièrement les immeubles en question le 25 juin 1983, les intimées refusèrent de verser l'indemnité aux créanciers hypothécaires, alléguant la nullité ab initio de la police en raison de fausses représentations de la part de Katsikonouris lors de la souscription de la police. Les appelants et la National Bank of Greece (Canada) intentèrent des recours contre les assureurs de Katsikonouris afin d'obtenir paiement de l'indemnité.

Dans un jugement sur les actions des créanciers hypothécaires, réunies pour enquête et audition, le premier juge a décidé, en regard de la preuve qui lui était soumise, que la police émise par les intimées était nulle ab initio suite aux fausses représentations et omissions faites par l'assuré ou son représentant. Il a cependant conclu que la clause hypothécaire empêchait les intimées de se prévaloir de cette nullité ab initio à l'encontre des créanciers hypothécaires, et donc que ceux‑ci avaient droit au paiement de l'indemnité d'assurance. Il a fait droit à leur action en conséquence. La Cour d'appel a accueilli l'appel, infirmé le jugement de la Cour supérieure et rejeté les actions des créanciers hypothécaires, ici appelants (la demanderesse en Cour supérieure National Bank of Greece (Canada) n'est pas partie au pourvoi devant notre Cour).

Jugements

Cour supérieure, [1985] C.S. 1263 (le juge Lamb)

Le juge de première instance constate d'abord que le débiteur hypothécaire a, par l'entremise de son courtier, fait de nombreuses fausses représentations aux intimées, de manière à leur dissimuler l'annulation d'une police d'assurance précédente et l'existence de nombreux incendies d'origine criminelle à la propriété assurée. Il considère ces fausses représentations comme étant de nature à entraîner la nullité ab initio du contrat d'assurance liant le débiteur hypothécaire aux intimées.

Considérant ensuite la prétention des compagnies d'assurances, qui tentent d'opposer aux créanciers hypothécaires la nullité de la police, le juge écrit (aux pp. 1268 et 1269):

[TRADUCTION] Le texte du paragraphe 1 de la clause hypothécaire suivante:

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés . . .

est tellement général qu'il ne peut être interprété que comme une renonciation claire et non restreinte par les assureurs de leur droit de soulever contre les créanciers hypothécaires une défense de nullité résultant d'un acte ou d'une négligence de l'assuré, qu'il en résulte une nullité ab initio ou une nullité résultant d'une cause qui a pris naissance après l'entrée en vigueur de la police. Rien dans la clause ne veut de façon précise limiter ou restreindre l'application du terme "les". Par conséquent, la renonciation expresse des assureurs doit être interprétée comme visant la nullité absolue ou relative, en l'absence de tout terme imposant une distinction restrictive entre les deux.

Le sens de la clause hypothéciare n'est pas ambigu mais si d'autres éléments de preuve sont nécessaires pour démontrer l'intention des assureurs de renoncer à leur droit d'invoquer contre les créanciers hypothécaires la nullité absolue ou relative, ces éléments de preuve se dégagent de l'inclusion dans la clause du terme "déclarations", terme qui vise clairement la nullité ab initio ainsi que la nullité relative. [En italique dans l'original.]

En ce qui concerne la nature du lien contractuel unissant les assureurs et les créanciers hypothécaires, il ajoute (à la p. 1269):

[TRADUCTION] Qui plus est, le texte de la clause hypothécaire est tel qu'il peut seulement être considéré comme un contrat distinct entre les assureurs et les créanciers hypothécaires, absolument pas touché, comme en fait ses modalités l'expriment clairement, par la nullité absolue ou relative de la police à l'égard de l'assuré.

C'est la conclusion à laquelle est arrivé le juge Laflamme dans la décision Lirette c. Great American Insurance Co., [1982] C.S. 49, et par le juge Biron dans la décision Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d'assurance contre l'incendie de la Vallée du Richelieu, [1984] C.S. 1180. Il s'agit de deux décisions soigneusement motivées auxquelles souscrit notre Cour. Bien qu'elles visent l'effet qui doit être accordé au deuxième paragraphe de l'art. 2563 C.C. et par conséquent ne portent pas sur la question de la nullité ab initio, le principe du contrat distinct que ces décisions appuient s'applique néanmoins à l'espèce.

Il conclut donc à la responsabilité des assureurs face aux créanciers hypothécaires et accueille les recours des appelants et de la National Bank of Greece (Canada).

Cour d'appel, [1989] R.D.I. 46 (les juges Monet, Beauregard et Desmeules (ad hoc))

Le juge Desmeules (ad hoc)

Le juge Desmeules, avec l'accord de ses deux collègues, constate que le juge de première instance s'est appuyé entre autres sur la décision de la Cour supérieure, dans l'affaire Lirette c. Great American Insurance Co., [1982] C.S. 49, infirmée par la Cour d'appel depuis le prononcé du jugement a quo [1987] R.J.Q. 993 (sub nom. Madill c. Lirette). Comme le texte de la clause hypothécaire étudiée par la Cour d'appel dans l'affaire Madill était le même que celui faisant l'objet du litige devant la cour, le juge Desmeules s'en remet à cette décision, dont il cite de larges extraits. Dans cette affaire, le juge Bisson avait décidé au nom de la majorité que la nullité ab initio de la police obtenue par l'assuré entraînait la déchéance des bénéfices consentis au créancier hypothécaire (à la p. 49):

J'estime qu'une clause de garantie hypothécaire, comme celle apparaissant à la police P‑4, ne protège le créancier qu'une fois que le contrat a pris naissance et, à partir de ce moment, pour les actes, négligences ou déclarations postérieurs des propriétaires des biens assurés.

Le juge Desmeules note que le juge Bisson en serait venu à une conclusion identique même en admettant l'existence de deux contrats distincts dans une police d'assurance comportant une clause de garantie hypothécaire. Il cite de plus la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Vallée du Richelieu, Compagnie mutuelle d'assurance de dommages c. Caisse populaire des Deux Rives, [1988] R.J.Q. 2355, où le juge Gendreau, qui avait participé à l'arrêt Madill, a cru bon de réitérer la position de la Cour d'appel (à la p. 50):

. . . c'est pourquoi nous avons décidé que la protection du créancier hypothécaire ne valait que si le contrat d'assurance s'était vraiment et réellement formé entre l'assuré qui l'avait effectivement requis et l'assureur qui s'apprêtait à le souscrire. En statuant à l'absence de la formation du contrat, à sa nullité ab initio, nous avions alors rejeté la reconnaissance de la garantie conférée par la clause hypothécaire.

La conclusion du juge Desmeules est conforme en tous points cette jurisprudence de la Cour d'appel (aux pp. 50 et 51):

Le texte de la clause de garantie hypothécaire actuelle en vigueur depuis 1972 réfère à certaines situations telles que les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées, et elle fait obligation aux créanciers d'aviser l'assureur dès qu'il est (sic) au courant de telles situations.

Il s'agit là d'événements subséquents à l'émission de la police d'assurance, et ceci m'amène à conclure que ce sont de telles situations que les assureurs ont voulu prévoir dans leur clause de garantie hypothécaire.

Avec respect, je suis d'opinion que la nullité ab initio de la police d'assurance, émise par les [intimées] a pour effet de rendre nulle également la garantie hypothécaire contenue à cette police et qu'il n'y a pas lieu d'aller à l'encontre de la jurisprudence actuelle.

Il accueille donc l'appel et nie aux appelants et à la National Bank of Greece (Canada) le droit à l'indemnité d'assurance.

Le juge Beauregard

Le juge Beauregard est également d'avis d'accueillir les pourvois. Le corps de ses brefs motifs se lit comme suit (à la p. 47):

Malgré l'utilisation de l'adverbe "notamment", il faut conclure en appliquant la "règle" d'interprétation noscitur a sociis ou la règle ejusdem generis que "les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés" sont des "actes, négligences ou déclarations" qui ont lieu ou qui sont faits après l'établissement de la police, comme "les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées".

Analyse

Tout comme dans le pourvoi Caisse populaire, précité, la présente affaire met en cause un contrat d'assurance souscrit par le débiteur hypothécaire, suite à un engagement pris en vertu de contrats de prêts hypothécaires de maintenir les biens hypothéqués assurés au bénéfice des créanciers hypothécaires. La police d'assurance souscrite auprès des intimées contient la clause hypothécaire standard approuvée par le Bureau d'assurance du Canada, reproduite plus loin.

Le jugement de notre Cour dans Caisse populaire, décide que la clause d'assurance du contrat de prêt hypothécaire constitue un contrat de mandat, en vertu duquel le débiteur hypothécaire s'engage à assurer au nom de son créancier hypothécaire les biens hypothéqués. La police d'assurance souscrite en conformité avec ce mandat contient une clause hypothécaire standard qui constate donc deux contrats d'assurance distincts, l'un entre le débiteur hypothécaire et l'assureur, et l'autre entre le créancier hypothécaire et l'assureur. Je réfère aux motifs que j'exprimais dans l'arrêt Caisse populaire à cet égard et je les adopte aux fins des présentes.

Ces prémisses posées, il faut, dans le présent pourvoi, examiner les conséquences des fausses représentations du débiteur hypothécaire, alléguées par les intimées, d'abord sur son contrat d'assurance, puis sur le contrat d'assurance liant les créanciers hypothécaires et les assureurs, compte tenu de la présence dans ce contrat d'une clause hypothécaire standard.

1. Nullité ab initio du contrat d'assurance du débiteur hypothécaire

Selon les art. 2485 et 2486 C.c.B.‑C., il revient au preneur d'un contrat d'assurance de dévoiler à l'assureur, avec la plus grande bonne foi, toutes les circonstances pertinentes à l'évaluation du risque, sous peine de voir le contrat annulé à la demande de l'assureur en vertu de l'art. 2487 C.c.B.‑C.:

2485. Le preneur, de même que l'assuré si l'assureur le demande, est tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur raisonnable dans l'établissement de la prime, l'appréciation du risque ou la décision de l'accepter.

2486. L'obligation relative aux déclarations est réputée remplie si les circonstances en cause sont en substance conformes aux déclarations et s'il n'y a pas de réticence importante.

Il n'est pas obligatoire de déclarer les circonstances que l'assureur connaît ou est présumé connaître en raison de leur notoriété, sauf en réponse aux questions posées.

Les fausses représentations ou réticences frauduleuses de la part de l'assureur sont dans tous les cas causes de nullité du contrat que la partie qui est de bonne foi peut invoquer.

2487. Sous réserve des articles 2510 à 2515, les fausses déclarations et les réticences, tant du preneur que de l'assuré, sur des circonstances visées aux articles 2485 et 2486 entraînent, à la demande de l'assureur, la nullité du contrat même en ce qui concerne les sinistres non rattachés aux risques ainsi dénaturés.

(Les articles 2510 à 2515 C.c.B.‑C. mentionnés à l'art. 2487 C.c.B.-C. concernent exclusivement l'assurance sur la vie et ne sont donc pas ici pertinents.)

Le débiteur hypothécaire ou son représentant, selon la preuve, n'ont pas dévoilé aux assureurs divers faits importants à l'évaluation du risque par les assureurs, ayant trait notamment à la couverture d'assurance préalable, à l'existence d'incendies criminels sur les lieux assurés, ainsi qu'au refus par les prédécesseurs des intimées de continuer à assurer l'immeuble. Cette non‑divulgation constitue en fait des fausses représentations, ainsi que l'a déterminé le premier juge (à la p. 1268):

[TRADUCTION] L'existence de la police Pelletier, Symons, la décision de cet assureur d'annuler cette police, et les incidents précédents, tous d'origine criminelle, qui se sont produits dans l'immeuble qui abritait le restaurant de l'assuré Athens by Night et dans l'immeuble de la rue Bélanger, étaient des faits connus par Katsikonouris et qui étaient importants quant à l'appréciation du risque. L'omission de Hofman [le courtier de Katsikonouris] de révéler ces faits annule donc le contrat ab initio entre l'assuré Katsikonouris et les assureurs défendeurs. [Je souligne.]

La conclusion du juge de la Cour supérieure à cet égard de même que la nullité en résultant du contrat d'assurance entre le débiteur hypothécaire et les assureurs, n'ont pas été contestées devant la Cour d'appel du Québec et ne sont pas l'objet de débats devant notre Cour.

Il apparaît donc clair que le contrat d'assurance du débiteur hypothécaire est nul ab initio en raison des fausses représentations de ce dernier lors de la souscription de la police.

2. Nullité du contrat d'assurance des créanciers hypothécaires

Les créanciers hypothécaires ont souscrit leur contrat d'assurance auprès des assureurs par l'entremise de leur mandataire, le débiteur hypothécaire. Le mandat, contenu à la clause d'assurance des contrats de prêts hypothécaires, prévoit que le débiteur hypothécaire doit maintenir assurés les biens hypothéqués au bénéfice des prêteurs. En souscrivant le contrat d'assurance, le débiteur hypothécaire a donc rempli son mandat conformément à son engagement.

En vertu de l'art. 1727 C.c.B.‑C., les mandants, en l'espèce les prêteurs, sont liés par les actes de leur mandataire dans l'accomplissement du mandat:

1727. Le mandant est responsable envers les tiers pour tous les actes de son mandataire faits dans l'exécution et les limites du mandat; excepté dans le cas de l'article 1738, et dans les cas où, par la convention ou les usages du commerce, le mandataire est le seul responsable.

Le mandant est aussi responsable des actes qui excèdent les limites du mandat, lorsqu'il les a ratifiés expressément ou tacitement. [Je souligne.]

Tel que le formule Rodière, "le mandataire ne [peut] être considéré comme un tiers vis‑à‑vis du mandant" (Encyclopédie juridique Dalloz: Répertoire de droit civil, t. 5, 2e éd., "Mandat", à la p. 26, no 337). Domenget (Du mandat, de la commission et de la gestion d'affaires, t. 1, Du mandat (1862)) mentionne spécifiquement le cas de la mauvaise foi du mandataire, la déclarant inopposable aux tiers (à la p. 257, no 405):

La mauvaise foi du mandataire ne pourrait même pas être opposée aux tiers par le mandant, si d'ailleurs ces tiers n'étaient pas de mauvaise foi, par application de la règle "qui mandavit ipse fecisse videtur."

Puisque le débiteur hypothécaire agissait conformément à son mandat en souscrivant le contrat d'assurance des créanciers hypothécaires, les fausses représentations qu'il a faites à ce moment doivent donc être considérées, aux fins de l'examen de la validité de ce contrat, comme des fausses représentations effectuées par les créanciers hypothécaires eux‑mêmes.

Ces fausses représentations du courtier auront, quant au contrat d'assurance entre les créanciers hypothécaires et les assureurs, des conséquences similaires à celles produites sur le contrat d'assurance personnel du débiteur hypothécaire. Ainsi, les fausses représentations du débiteur hypothécaire, agissant à titre de mandataire des créanciers hypothécaires, ont eu pour effet de dénaturer le risque aux yeux des assureurs et de vicier par le fait même son consentement au contrat d'assurance souscrit au nom des créanciers hypothécaires, au même titre que ces fausses représentations ont vicié le consentement des assureurs au contrat d'assurance du débiteur hypothécaire. Le contrat d'assurance liant les assureurs aux créanciers hypothécaires est donc également nul ab initio.

3. Opposabilité de la nullité ab initio aux créanciers hypothécaires

Les appelants soutiennent cependant que la nullité du contrat d'assurance des créanciers hypothécaires, fut‑elle ab initio, ne peut leur être opposée en raison des engagements souscrits par les assureurs et constatés à la clause hypothécaire de ce contrat d'assurance. Un examen du contenu de cette clause, qui se lit comme suit, s'impose donc:

(Å utiliser avec polices du Québec seulement)

CLAUSE TYPE RELATIVE AUX GARANTIES HYPOTHÉCAIRES

(Formule approuvée par le Bureau d'assurance du Canada)

VIOLATIONS DU CONTRAT

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés, notamment en ce qui concerne les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées.

Les créanciers hypothécaires sont tenus d'aviser l'Assureur (si ce dernier leur est connu) dès qu'ils sont au courant de toute inoccupation ou vacance de plus de trente jours consécutifs, de tout changement dans les droits de propriété ou de toute aggravation du risque, à charge pour eux d'acquitter, sur demande raisonnable, les surprimes afférentes aux aggravations dépassant les normes d'acceptation fixées par le présent contrat et cela au tarif établi à cet égard et pour la durée du contrat restant à courir à compter du début des aggravations en question.

SUBROGATION

À concurrence des indemnités versées par lui aux créanciers hypothécaires, l'Assureur est subrogé dans les droits de ces derniers contre les débiteurs ou propriétaires auxquels il se croit justifié d'opposer un motif de non‑garantie, les créanciers hypothécaires n'en demeurant pas moins en droit de recouvrer le solde de leurs créances avant que la subrogation ci‑dessus puisse être exercée. L'Assureur se réserve cependant le droit d'acquitter les créances intégralement, auquel cas il a droit au transfert de celles‑ci et de toutes les sûretés les garantissant.

PLURALITÉ D'ASSURANCES

Si d'autres assurances sont, à quelque titre que ce soit, acquises aux créanciers hypothécaires, les indemnités qu'ils peuvent en recevoir doivent être prises en ligne de compte pour la détermination des sommes qui leur sont payables.

PRÉSENTATION DES DEMANDES D'INDEMNITÉ

En cas d'absence ou incapacité de l'Assuré, ou s'il refuse ou néglige de présenter les déclarations de sinistre ou formulaires de demande d'indemnité exigées par le contrat, ces déclarations peuvent être faites par les créanciers hypothécaires dès qu'ils sont au courant des sinistres, les formulaires de demande devant dès lors être produits par eux dans les meilleurs délais.

CESSATION

Les effets de la présente clause prennent fin en même temps que le contrat, sous réserve des droits de résiliation dont l'Assureur peut se prévaloir aux termes de ce dernier, et à charge pour l'Assureur de se conformer aux dispositions des articles 2567 et 2568 du Code civil de la province de Québec, et de donner aux créanciers hypothécaires, par courrier recommandé, préavis de quinze jours de toute résiliation ou modification pouvant leur causer préjudice.

SAISIE

Si les créanciers hypothécaires ou leurs ayants droit acquièrent, par saisie ou autrement, les titres ou les droits de propriété des biens assurés, ils ont droit dès lors au bénéfice de la présente assurance tant qu'elle demeure en vigueur.

Aux conditions ci‑dessus (lesquelles doivent par ailleurs prévaloir en ce qui concerne les intérêts des créanciers hypothécaires contre toutes celles du contrat entrant en conflit avec elles), les sinistres sont payables directement aux créanciers hypothécaires ou à leurs ayants droit. [Je souligne.]

Cette clause se rapproche grandement de la formulation de celle étudiée dans le pourvoi Caisse populaire, précité.

Avant toutefois de procéder à l'analyse comme telle de cette clause, il peut être utile de jeter un coup d'{oe}il comparatiste sur l'interprétation dans d'autres juridictions de clauses dont le texte se rapproche de celui ici en cause, en ce qui concerne l'opposabilité au créancier hypothécaire de la nullité ab initio du contrat d'assurance en raison des fausses représentations du débiteur hypothécaire.

A. Analyse comparée

La clause hypothécaire dont il est ici question, est en effet dérivée des clauses du même type développées dans l'État de New York au cours des années 1860. Cette clause s'est répandue au fil des ans dans l'ensemble des États‑Unis, de même qu'au Canada, alors que si elle est connue en France, elle y est peu usitée.

(i) France

Les auteurs Picard et Besson donnent dans leur traité classique un exemple de clause hypothécaire en vertu de laquelle, selon eux, la nullité ab initio du contrat d'assurance suite aux fausses représentations du débiteur hypothécaire serait inopposable au créancier hypothécaire:

Cette clause — dite clause hypothécaire type -- est usitée couramment en Amérique depuis la fin du XIXe siècle. Elle est au contraire assez rare dans la pratique française. La garantie qu'elle confère aux créanciers varie évidemment suivant les polices. Voici un exemple de clause hypothécaire type:

"Sur demande de l'assuré, la Compagnie consent à ne pas se prévaloir, mais au regard seulement des créanciers hypothécaires inscrits sur l'immeuble suivant acte reçu par Me X. . ., notaire, de l'omission des déclarations prescrites par les conditions générales de la police, mais dans la mesure seulement où leurs créances viendraient en ordre utile sur l'indemnité à laquelle l'assuré aurait pu prétendre si sa situation avait été régulière. [. . .]"

Avec une clause de ce genre, les créanciers hypothécaires nominativement désignés à l'assureur ne peuvent pas se voir opposer les nullités ou déchéances encourues par l'assuré, spécialement en raison d'une déclaration irrégulière du risque, même s'ils ont eu connaissance avant le sinistre de ces irrégularités. [Je souligne.]

(Traité général des assurances terrestres en droit français, t. 2, Assurances de dommages -- Régles générales (1940), aux pp. 471 et 473.)

Cette clause est évidemment spécifique et prévoit que la déclaration initiale inexacte du risque n'invalidera pas le droit du créancier hypothécaire à l'indemnisation. Il est intéressant de noter que, dans ce cas, on a jugé nécessaire d'utiliser une formulation très spécifique afin de couvrir la nullité du contrat en raison de l'absence de consentement de l'une des parties. La clause hypothécaire ici en cause est différente et ne contient pas de mention spécifique à une "déclaration irrégulière du risque".

(ii) États‑Unis

La clause hypothécaire utilisée dans les polices d'assurance aux États‑Unis se lit habituellement comme suit, en ce qui concerne la renonciation à opposer au créancier hypothécaire les agissements du débiteur hypothécaire:

[TRADUCTION] Il est particulièrement convenu que la présente assurance, en ce qui a trait à l'intérêt du créancier hypothécaire seulement, ne doit pas être annulée par un acte ou une négligence du débiteur hypothécaire ou du propriétaire du bien assuré, ni par l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées. [Je souligne.]

Contrairement à ce qu'il en était de l'existence d'un second contrat distinct dans une même police contenant une clause hypothécaire, discutée dans le pourvoi Caisse populaire, le problème précis de l'opposabilité au créancier hypothécaire de la nullité ab initio du contrat d'assurance en raison des fausses représentations du débiteur hypothécaire n'a pas fait l'objet d'arrêts de la Cour suprême des États‑Unis. On peut, par ailleurs, discerner parmi la pléthore d'arrêts de divers états concernant cette question, deux courants divergents: l'un, majoritaire, déclarant telle nullité inopposable au créancier hypothécaire, et l'autre, minoritaire, autorisant au contraire l'opposabilité.

Le premier arrêt du courant majoritaire est probablement la décision de la Cour d'appel de New York Hastings v. Westchester Fire Insurance Co., 73 N.Y. 141 (1878). Le débiteur hypothécaire avait dans cette affaire souscrit l'assurance en question, dont l'une des conditions était que toute autre assurance devait être déclarée à l'assureur, sans révéler qu'il possédait en fait une autre assurance. La faute du débiteur hypothécaire se situait donc au moment même de la souscription de la police. La Cour d'appel de New York a déclaré cette police nulle quant au débiteur hypothécaire, mais a rejeté la défense de l'assureur selon laquelle cette nullité entraînait celle de la clause hypothécaire. Dans son jugement, le juge Rapallo constate la présence de deux contrats d'assurance distincts dans la police et ajoute (à la p. 153):

[TRADUCTION] Toute autre conclusion aurait, à mon avis, pour effet de contrecarrer l'objet voulu et de priver les créanciers hypothécaires de la protection sur laquelle ils ont le droit de se fonder. Bien que la clause puisse être interprétée de manière à exclure les créanciers hypothécaires seulement à l'égard des conséquences des actes des propriétaires accomplis après la conclusion de l'entente, je ne suis pas d'avis, compte tenu de son objet apparent, qu'une telle distinction était voulue. [Je souligne.]

Cet arrêt fut suivi par une longue lignée de décisions de divers tribunaux, où l'on justifie l'inopposabilité au créancier hypothécaire de la nullité ab initio du contrat d'assurance soit en s'en remettant à l'intention des parties, soit en interprétant la clause hypothécaire comme une renonciation suffisamment explicite de la part de l'assureur à invoquer la nullité: Syndicate Ins. Co. v. Bohn, 65 F. 165 (8th Cir. 1894); Reed v. Firemen's Insurance Co. of Newark, 35 L.R.A. (N.S.) 343 (N.J. 1911); Federal Land Bank of Columbia v. Atlas Assur. Co., 125 S.E. 631 (N.C. 1924); Collins v. Michigan Commercial Underwriters, 6 Tenn. App. 528 (1928); Fayetteville Building & Loan Ass'n v. Mutual Fire Ins. Co. of West Virginia, 141 S.E. 634 (W. Va. 1928); National Union Fire Ins. Co. v. Short, 32 F.2d 631 (6th Cir. 1929); Stockton v. Atlantic Fire Ins. Co., 175 S.E. 695 (N.C. 1934); National Fire Ins. Co. of Hartford, Conn. v. Dallas Joint Stock Land Bank of Dallas, 50 P.2d 326 (Okla. 1935); Western Assur. Co. v. Hughes, 66 P.2d 1056 (Okla. 1937); Great American Insurance Co. of New York v. Southwestern Finance Co., 297 P.2d 403 (Okla. 1956); Northwestern National Insurance Co. v. Mildenberger, 359 S.W.2d 380 (Mo. Ct. App. 1962); Equality Savings and Loan Association v. Missouri Property Insurance Placement Facility, 537 S.W.2d 440 (Mo. Ct. App. 1976); Meade v. North County Co‑Operative Insurance Co., 487 N.Y.S.2d 983 (Sup. Ct. 1985).

Malgré cette jurisprudence, un autre courant, moins important il est vrai, adopte l'interprétation contraire et refuse au créancier hypothécaire le droit d'être indemnisé face à de fausses représentations du débiteur hypothécaire avant ou lors de la souscription de la police entraînant sa nullité ab initio. On peut concrétiser ce courant dans l'arrêt Hanover Fire Ins. Co. v. National Exchange Bank, 34 S.W. 333 (Tex. Civ. App. 1896). Dans cette affaire, la police d'assurance était viciée ab initio en raison d'une fraude commise lors de sa souscription. Le tribunal de première instance, conformément à l'arrêt Hastings, a reconnu au créancier hypothécaire le droit de se faire indemniser en vertu de la clause hypothécaire `standard'. La Cour d'appel accueille l'appel en ces termes (le juge en chef Lightfoot au nom de la cour, à la p. 334):

[TRADUCTION] La non‑divulgation frauduleuse d'un fait important relativement à l'appréciation du risque lui‑même, fait qui était expressément prévu sur la police et dont la connaissance aurait arrêté la délivrance de la police, l'a empêché de devenir un contrat valide en faveur de l'assuré, ou de la partie à qui la garantie est accordée. La doctrine est bien établie dans cet État que A., pour une contrepartie qu'il paye, peut conclure un contrat avec B., à l'avantage de C., et ce dernier aura un droit d'action pour le faire exécuter. [. . .] Toutefois, si le contrat a été obtenu par un acte frauduleux de A., la personne pour le bénéfice de qui il l'a obtenu frauduleusement ne peut acquérir un droit supérieur à celui de A. et si le contrat est nul à son égard, il est nul à l'égard de son bénéficiaire. [Je souligne.]

Le tribunal interprète donc la formation du second contrat comme l'exécution d'un mandat entre le créancier et le débiteur hypothécaire. Il rejette explicitement par la suite l'applicabilité de l'arrêt Hastings, pour conclure que le créancier hypothécaire ne peut validement prétendre à la fois jouir des avantages du mandat et être immunisé contre ses inconvénients. La cour en conclut que, dans un cas de fraude lors de la souscription elle‑même de la police (à la p. 335): [TRADUCTION] "Dans un tel cas, le contrat doit être confirmé ou annulé dans son ensemble" (voir au même effet: Graham v. Fireman's Insurance Co., 87 N.Y. 69 (1881); Young Men's Lyceum of Tarrytown v. National Ben Franklin Fire Ins. Co. of Pittsburg, 163 N.Y.S. 226 (Sup. Ct., App. Div. 1917); Imperial Building & Loan Ass'n v. Aetna Ins. Co., 166 S.E. 841 (W. Va. 1932).)

Face à cette jurisprudence divisée, à l'absence d'arrêt de la Cour suprême des États‑Unis, et vu la clause dont le texte diffère de celle en jeu dans le présent pourvoi sur un élément critique, la jurisprudence américaine ne jette qu'un éclairage limité sur la question.

(iii) Canada (common law)

Les tribunaux des juridictions de common law du Canada, y compris notre Cour, se sont à quelques reprises penchés sur la question de l'opposabilité au créancier hypothécaire de la nullité ab initio du contrat d'assurance, suite aux fausses représentations du débiteur hypothécaire lors de la souscription.

Dans l'arrêt Omnium Securities Co. v. Canada Fire and Mutual Insurance Co. (1882), 1 O.R. 494, la Cour du Banc de la Reine de l'Ontario rejette la solution avancée quatre ans plus tôt aux États‑Unis dans l'arrêt Hastings. Le juge en chef Hagarty écrit (aux pp. 496 et 497):

[TRADUCTION] Il me semble que cette disposition ne vise que l'avenir, et qu'il n'est par conséquent pas interdit aux assureurs d'établir que l'assurance a été souscrite au moyen de la fraude.

. . .

Je ne crois pas qu'ils [les assureurs] lui [le créancier hypothécaire] garantissent ainsi que son débiteur hypothécaire n'a pas commis une telle fraude à leur égard en obtenant l'assurance — ils ne garantissent pas qu'il s'agit d'un risque incontestable.

. . .

Je le répète, je ne vois pas de quelle manière les assureurs peuvent être tenus de fermer les yeux sur une fraude dissimulée, ou de garantir que la police est définitivement obligatoire au moment de cette convention, pas plus qu'ils ne peuvent insister sur le fait que les créanciers hypothécaires ont garanti la validité de l'hypothèque quant à son type, à sa valeur, etc. [Je souligne.]

La clause hypothécaire en cause dans cette affaire était en tout point similaire à celle utilisée aux États‑Unis à ce moment. Le juge rejette donc à la fois l'argument fondé sur l'intention apparente des parties et celui portant que, en présentant au créancier hypothécaire le contrat d'assurance contenu dans la clause hypothécaire, l'assureur se portait garant de la validité de la police souscrite par le débiteur hypothécaire.

Était en cause cette même clause dans l'arrêt de notre Cour, Liverpool and London and Globe Insurance Co. v. Agricultural Savings and Loan Co. (1903), 33 R.C.S. 94. La police avait été trouvée nulle ab initio, nullité qui fut considérée comme opposable au créancier hypothécaire par le juge Davies, auquel la majorité de la Cour se rallie (à la p. 110):

[TRADUCTION] J'ai déjà dit qu'il n'était pas nécessaire dans le présent pourvoi de déterminer, et nous ne le faisons pas, si une telle clause hypothécaire qui a été inscrite dans la police accorde aux créanciers hypothécaires un tel droit et un tel intérêt à titre de bénéficiaires ou constitue un contrat direct entre les créanciers hypothécaires et la compagnie d'assurances qui permettrait à ceux‑ci de poursuivre en leur propre nom seulement et sans tenir compte du [débiteur hypothécaire]. Toutefois, nous sommes tous d'avis, qu'il y ait ou non un tel contrat direct, qu'il ne visait pas les déclarations ou les omissions du requérant, [le débiteur hypothécaire], dans sa demande d'assurance et qui constituaient expressément

le fondement de la responsabilité de la société ainsi qu'une partie et une condition du contrat d'assurance.

À notre avis la disposition de la clause hypothécaire que j'ai déjà citée selon laquelle

l'assurance ne pouvait être invalidé par un acte ou une négligence du débiteur hypothécaire ou du propriétaire du bien assuré, etc.

visait la négligence ou les actes subséquents du débiteur hypothécaire et ne s'appliquait pas à sa demande d'assurance ou aux déclarations ou omissions qu'elle contenait. [Je souligne.]

Cette interprétation fut adoptée encore récemment par la Haute Cour de l'Ontario dans Chenier v. Madill (1973), 2 O.R. (2d) 361, où le juge Galligan, citant la décision Omnium Securities, précitée, note (à la p. 365):

[TRADUCTION] Il est évident que la clause hypothécaire ne vise que les actes qu'accomplira l'assuré dans l'avenir. Elle n'a aucun rapport à l'égard des fausses représentations ou les omissions frauduleuses faites par l'assuré qui ont un effet sur la validité du contrat d'assurance. [. . .] En conséquence, s'il est fait droit à l'un ou l'autre des moyens de défense de fausses déclarations ou d'omissions frauduleuses de révéler des circonstances importantes relativement à l'appréciation du risque, le défendeur [l'assureur] serait justifié de nier sa responsabilité envers les créanciers hypothécaires. [Je souligne.]

Le jugement de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique Canadian Imperial Bank of Commerce v. Dominion of Canada General Insurance Co. (1987), 29 C.C.L.I. 313 est à l'effet contraire. Le juge Huddart, dans une courte décision orale sur une requête, considère inopposable au créancier hypothécaire la nullité ab initio de la police (à la p. 316):

[TRADUCTION] À mon avis, la seule interprétation raisonnable de la clause hypothécaire est celle que propose M. Dley. En vertu de celle‑ci, les assureurs concluent en fait un contrat distinct avec le créancier hypothécaire à titre d'assuré, un contrat dont la validité ne tient pas compte des actes ou des omissions du propriétaire.

Tout comme la jurisprudence américaine, la grande partie des décisions canadiennes sur cette question porte sur des clauses hypothécaires dont le libellé n'est pas en tous points identique à celui ici en cause. En particulier on n'y retrouve pas le terme "déclarations" (en anglais "omission or misrepresentation"), présent dans le libellé de la clause en l'espèce. Il apparaît tout de même intéressant de noter que, presque unanimement, ces décisions déclarent opposable au créancier hypothécaire la nullité ab initio découlant des fausses représentations du débiteur hypothécaire au moment de la souscription du contrat d'assurance.

Cette toile de fond ne nous dispense cependant pas d'examiner le texte de la clause hypothécaire en cause dans le présent pourvoi afin d'en déterminer la portée véritable.

B.Analyse du terme "déclarations" à la clause hypothécaire: le texte et le contexte

La clause hypothécaire contenue au contrat d'assurance entre les assureurs et les créanciers hypothécaires est, comme je l'ai déjà mentionné, la formule type approuvée par le Bureau d'assurance du Canada, que l'on retrouve dans un grand nombre de contrats d'assurance dans tout le pays. Le contrat contient d'ailleurs à la fois une version française et une version anglaise de cette clause.

Le n{oe}ud du problème est de définir la signification précise du terme "déclarations" au premier paragraphe de la clause hypothécaire, au moyen d'une analyse, d'abord du terme lui‑même et ensuite de son contexte.

(i) Le texte

Les appelants s'appuient particulièrement sur le premier paragraphe de la clause hypothécaire, qui déclare inopposables aux créanciers hypothécaires les "déclarations" (dans la version anglaise "omission or misrepresentation") du propriétaire des biens assurés. Pour des considérations pratiques, je reproduis ci‑dessous les textes français et anglais du premier alinéa du premier paragraphe de la clause hypothécaire:

VIOLATIONS DU CONTRAT

Ne sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés, notamment en ce qui concerne les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées.

BREACH OF CONDITIONS BY MORTGAGOR, OWNER OR OCCUPANT

This insurance and every documented renewal thereof -- AS TO THE INTEREST OF THE MORTGAGEE ONLY THEREIN -- is and shall be in force notwithstanding any act, neglect, omission or misrepresentation attributable to the mortgagor, owner or occupant of the property insured, including transfer of interest, any vacancy or non‑occupancy, or the occupation of the property for purposes more hazardous than specified in the description of the risk. [Je souligne.]

Les appelants avancent d'abord que le terme "déclarations" ne peut que viser les déclarations du preneur de la police au moment de la souscription. Avec égard, il n'est pas évident que ce terme ait une portée aussi large à cet égard. En effet, si ce terme peut effectivement s'appliquer à la déclaration initiale du risque (art. 2485 et 2486 C.c.B.‑C. et condition 1 du contrat d'assurance), il peut tout aussi bien avoir trait à d'autres instances: le propriétaire (ou locataire ou occupant) des biens assurés a l'obligation de déclarer à l'assureur toute aggravation du risque (art. 2566 C.c.B.‑C.), ainsi que tout sinistre affectant ces biens (art. 2572 et 2573 C.c.B.‑C.). En particulier, dans le cas de la déclaration de sinistre, la partie du Code civil du Bas‑Canada qui en traite s'intitule "De la déclaration de sinistre". De plus, la clause ne fait pas mention de la notion de "réticence", terme utilisé à l'art. 2487 C.c.B.‑C. en rapport avec la dissimulation d'information lors de la souscription, soit l'un des comportements reprochés au débiteur hypothécaire en l'espèce. Ainsi, le simple terme "déclarations" en soi ne saurait en définir nettement la portée. Face à ce terme imprécis, il est nécessaire d'examiner le contexte dans lequel s'insère le mot "déclarations", afin d'en préciser la signification au moyen d'une exégèse des autres dispositions du contrat d'assurance.

(ii) Le contexte

Les appelants tirent un argument de l'utilisation, dans le texte anglais de la clause hypothécaire, des temps présent et futur du verbe être ("is and shall be in force"), pour conclure que le contrat d'assurance est déclaré valide au moment même de la souscription. Selon les appelants, cette validation immédiate et concurrente à la formation du contrat d'assurance a pour objet spécifique de couvrir toute fausse déclaration de la part du preneur de la police. Cet argument est toutefois quelque peu circulaire, puisque la police ne saurait être confirmée que si elle est déjà en existence. Ainsi, le temps présent dans le contrat viserait des agissements simultanés à sa formation, donc ultérieurs à la souscription qui précède la formation du contrat. Cet argument ne paraît donc pas avoir le poids que lui accordent les appelants.

On trouve au texte du premier paragraphe de la clause hypothécaire une énumération de faits qui ne porteront pas atteinte aux droits des créanciers hypothécaires. Si cette énumération n'est en rien exhaustive, comme le souligne l'adverbe "notamment", elle indique par ailleurs le genre d'actes que les parties avaient l'intention d'inclure dans l'expression "les actes, négligences ou déclarations". Tous les éléments contenus à cette énumération ("les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées") ne peuvent prendre place qu'après la souscription de la police. On sait que, par application de la règle d'interprétation noscitur a sociis et de son application particulière, la règle ejusdem generis, la généralité d'un terme peut être restreinte par une suite de termes plus spécifiques qui le précèdent ou le suivent. Le professeur Côté écrit à ce sujet (Interprétation des lois (1982), à la p. 263):

La règle noscitur a sociis est utile dans la mesure où elle attire l'attention de l'interprète sur le fait qu'un mot peut avoir, en raison du contexte formel, un sens plus restreint que son "sens du dictionnaire".

Le professeur Côté cite ce passage de l'arrêt Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1980] C.A. 370, quant à la règle ejusdem generis (à la p. 372 de cet arrêt, par le juge Turgeon au nom de la cour):

La règle ejusdem generis signifie que le terme générique ou collectif qui complète une énumération se restreint à des choses de même genre que celles qui sont énumérées, même si, de par sa nature, ce terme générique ou collectif, cette expression générale, est susceptible d'embrasser beaucoup plus.

Il y apporte toutefois ce caveat (aux pp. 265 à 267):

Pour que la règle ejusdem generis proprement dite soit applicable, certaines conditions doivent être réunies. Premièrement, il faudrait, selon certains arrêts, que l'expression générale soit précédée de plusieurs termes spécifiques sinon il n'y aurait pas de genus dont on puisse s'autoriser pour limiter la portée de l'expression générale. Cette condition d'application n'est pas uniformément respectée et il y a lieu de croire que le sens d'une expression générale peut être restreint en raison d'un seul terme plus spécifique qui la précède: si ce n'est pas en vertu de la règle ejusdem generis proprement dite, on pourra alors sans doute invoquer la règle noscitur a sociis. Il est vrai que l'on peut trouver plusieurs arrêts où les tribunaux ont refusé d'appliquer la règle ejusdem generis au cas d'une expression générale précédée d'un seul terme spécifique. Dans ces cas, cependant, la décision se fonde sur les principes généraux d'interprétation et non simplement sur le fait qu'un seul terme spécifique précédait le terme général.

Comme seconde condition d'application de la règle, il faudrait, selon certains arrêts, que le terme général vienne à la suite des termes spécifiques et non qu'il les précède. Ces décisions ne doivent pas s'interpréter cependant comme écartant la possibilité qu'un terme général soit entendu dans un sens restreint en raison de termes moins généraux qui lui feraient suite: peut‑être ne pourrait‑on pas invoquer dans ce cas la règle ejusdem generis au sens strict, mais le principe général de l'interprétation contextuelle, tel qu'il est consacré dans la règle noscitur a sociis en particulier, serait néanmoins applicable.

Troisième condition d'application: il faut que les termes spécifiques aient en commun une caractéristique significative, qu'on puisse les considérer comme des espèces d'une catégorie de choses. Sans caractéristique commune, la règle ejusdem generis est inapplicable. [Références omises. Je souligne.]

En l'espèce, les faits énumérés à la suite du terme général, tel que mentionné plus haut, constituent un groupe homogène ayant comme trait commun leur postériorité à la souscription du contrat. À cet égard, j'adopte le raisonnement du juge Beauregard en Cour d'appel lorsqu'il écrit (à la p. 47):

Malgré l'utilisation de l'adverbe "notamment", il faut conclure en appl­iquant la "règle" d'interprétation noscitur a sociis ou la règle ejusdem generis que "les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés" sont des "actes, négligences ou déclarations" qui ont lieu ou qui sont faits après l'établissement de la police comme "les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées".

Selon cette interprétation, le mot "déclarations" ne viserait donc que les déclarations postérieures à la formation d'un contrat d'assurance valide entre le créancier hypothécaire et l'assureur.

Cette interprétation me semble confirmée par le texte du second alinéa du premier paragraphe de la clause hypothécaire, où il est prévu que le créancier hypothécaire sera tenu des surprimes résultant des aggravations du risque. On doit opposer à cet égard l'aggravation du risque au risque différent suite aux fausses représentations du preneur de l'assurance. Dans le cas de fausses représentations lors de la déclaration initiale du risque, il n'y a pas nécessairement aggravation du risque puisque l'assureur peut refuser d'assurer le risque tout simplement. Par ailleurs, lorsque ces fausses représentations, aggravant le risque, sont par la suite découvertes, une surprime pourrait être due à l'assureur afin de refléter le risque réellement assuré. La couverture d'un risque différent n'est cependant pas une situation visée par le second alinéa du premier paragraphe de la clause hypothécaire, qui rend le créancier hypothécaire responsable des surprimes exigibles en raison de l'aggravation du risque, mais qui ne saurait s'appliquer à un risque différent. Il s'agit‑là d'un indice supplémentaire venant renforcer la conclusion que seules les déclarations postérieures à la souscription sont visées par la clause hypothécaire.

La généralité apparente du terme "déclarations" se trouve donc en réalité restreinte par ce qui suit le premier alinéa du premier paragraphe de la clause hypothécaire. Ceci semble indiquer que les parties n'ont pas entendu couvrir le vice de consentement des assureurs causé par les fausses déclarations du débiteur hypothécaire lors de la souscription du contrat d'assurance au nom des créanciers hypothécaires.

Le terme "any" au texte anglais, sur lequel le juge de première instance s'est appuyé, n'est qu'un qualificatif des termes "act, neglect" et sa portée sera plus ou moins étendue dépendant de la définition et portée des termes "act, neglect" au texte anglais ou "déclarations" au texte français, de sorte qu'on ne saurait en tirer un argument décisif. En effet, si les "déclarations" ou les "act[s], neglect[s]" ne portent que sur les déclarations subséquentes ou "act[s]" postérieurs à un contrat valide, le terme "any" ne saurait avoir la portée que lui attribue le juge de première instance. De même, les mots "is and shall be" ne me paraissent sceller le sort de la portée de la clause hypothécaire que si on tient pour acquis que les parties ont entendu cautionner une assurance nulle ab initio, ce que je ne crois pas.

L'intention des parties, à partir de l'examen du texte et du contexte de la clause hypothécaire, me paraît d'autant plus claire que la logique du système veut que le mandant soit lié par les fausses représentations de son mandataire qui, lui, a souscrit la police d'assurance distincte avec les assureurs au nom des créanciers hypothécaires. Dans un tel cas, le deuxième contrat d'assurance ainsi intervenu est en principe nul ab initio. Si tel est le cas, il m'apparaît que des termes beaucoup plus spécifiques que ceux de la clause hypothécaire en question seraient nécessaires pour conclure que les parties ont entendu couvrir cette nullité ab initio, comme c'est le cas par exemple en France.

Par ailleurs, nous rappelant que le droit de l'assurance au Québec s'inspire du "génie de la langue française" et de la "pratique nord‑américaine" (Faribault, "Du papillon à la chrysalide ou l'étrange métamorphose de l'assurance de responsabilité" (1987), 55 Assurances 300, à la p. 308) conformément d'ailleurs à l'opinion des codificateurs (voir Caisse populaire), il serait surprenant que la clause hypothécaire standard, ici en cause, puisse recevoir une interprétation différente ici, s'agissant purement de l'application de règles d'interprétation des contrats dans l'un ou l'autre système, règles qui se rapprochent grandement. Une telle clause, même si non textuellement similaire, est en usage partout au Canada, et a été interprétée massivement dans les provinces de common law jusqu'ici comme niant aux créanciers hypothécaires la protection du contrat d'assurance nul ab initio. Si l'intention des parties était de contrecarrer cette jurisprudence, qui n'est pas récente, elles auraient pu facilement adopter une formulation précise à cet égard. À cet égard, l'ajout des simples termes, non autrement qualifiés, "déclarations" en français et "omission or misrepresentation" en anglais, n'avait pas pour objet, à mon avis, de rendre inopposables au créancier hypothécaire les déclarations, "omission" ou "misrepresentation" lors de la souscription de la police. J'interpréterais plutôt cet ajout comme ayant pour unique but de combler une lacune possible dans la clause hypothécaire antérieure, dont les termes pouvaient laisser supposer que les déclarations du débiteur hypothécaire au cours de la vie du contrat étaient opposables au créancier hypothécaire. Il ne faut pas oublier que, dans notre droit, la volonté des parties fait loi et il était donc loisible aux contractants d'indiquer de façon claire leur commune intention de couvrir la nullité ab initio du contrat d'assurance envers le créancier hypothécaire si tant est qu'elles aient pu le faire légalement. Étant donné le texte et le contexte de la clause hypothécaire, j'estime que cette intention n'a pas été établie.

Ce résultat est d'ailleurs conforme à celui auquel en arrive unanimement la jurisprudence de la Cour d'appel du Québec: Duchesneau v. Great American Insurance Co., [1955] B.R. 120; Madill c. Lirette, précité; Amin c. Cie d'assurance American Home, [1989] R.R.A. 151; Veilleux c. Victoria Insurance Co., [1989] R.J.Q. 1075. Ce résultat est aussi en accord avec la présomption de bonne foi, implicite dans tout contrat (art. 1024 C.c.B.‑C.), selon laquelle le contrat d'assurance, comme tout autre contrat, a été conclu. Présumant, comme il en a le droit, de la bonne foi de son assuré lors de la formation du contrat d'assurance, l'assureur ne saurait entretenir de réserve quant au second contrat y greffé en faveur du créancier hypothécaire de l'assuré. Il y a lieu de se demander si, en l'absence de cette bonne foi de l'assuré, l'assureur aurait assumé le risque envers le créancier hypothécaire, risque que précisément il acceptait de courir en raison de la bonne foi présumée de son assuré. En d'autres termes, au plan pratique, j'ai peine à imaginer qu'un assureur, au courant avant l'émission de la police des faits non déclarés ou faussement représentés ici par l'assuré, aurait conclu un contrat d'assurance avec cet assuré. Ce contrat a d'ailleurs, pour cette raison, été déclaré nul ab initio. Le second contrat, greffé à celui intervenu entre le débiteur hypothécaire et l'assureur en vertu du mandat conféré par le créancier hypothécaire, ne serait donc pas intervenu dans ces circonstances. La situation du créancier hypothécaire n'est donc pas différente ici qu'elle ne l'aurait été là.

Certes, si les parties entendaient faire bénéficier le créancier hypothécaire de la protection de la police, même dans un cas où l'assureur aurait refusé d'émettre une police en faveur du débiteur hypothécaire, libre à elles d'en convenir sous réserve, évidemment, de la validité d'une telle convention. Il m'apparaît toutefois qu'une telle convention, qui aurait pour conséquence de mettre à néant vis‑à‑vis le créancier hypothécaire les stipulations de la police (et les dispositions de la loi) visant les fausses déclarations initiales du débiteur hypothécaire assuré, doit être rédigée en termes clairs et explicites. À mon avis, la clause hypothécaire ici en cause ne répond pas à ces impératifs.

Par ailleurs, l'avantage évident tant pour l'assureur et l'assuré que pour le créancier hypothécaire de couvrir le risque assuré par le biais d'une seule police au lieu de recourir à deux contrats séparés ne me paraît pas menacé par les conclusions auxquelles j'en arrive. D'une part, rien ne permet d'affirmer, en effet, qu'un second contrat, entre le créancier hypothécaire et l'assureur celui‑là, n'aurait pas comporté de restrictions relativement aux déclarations initiales de l'assuré de nature à rendre la police nulle ab initio en ce qui regarde la protection du créancier hypothécaire. D'autre part, la clause hypothécaire greffée à la police émise en faveur du débiteur hypothécaire conserve toute sa valeur sans nécessité de recourir au mécanisme d'un second contrat si tant est que les parties soient explicites quant à l'étendue du risque que la clause hypothécaire entend couvrir.

Ayant déterminé que la signification de la clause hypothécaire est dénuée d'ambiguïté, il n'est pas nécessaire de s'en remettre à la règle d'interprétation de l'art. 2499 C.c.B.‑C.

Conclusion

Je conclus donc que la nullité ab initio du contrat d'assurance intervenu entre les appelants et les intimées, suite aux fausses représentations du débiteur hypothécaire lors de la souscription de ce contrat, n'est pas visée par le libellé de cette clause. Cette conclusion tirée de l'analyse de la clause elle‑même et de son contexte s'harmonise avec les interprétations majoritaires données aux diverses versions de la clause hypothécaire par la jurisprudence de notre Cour et celle de la Cour d'appel du Québec.

Si toutefois on devait conclure, à l'opposé, que l'intention des parties était que les assureurs, par le biais de la clause hypothécaire, renoncent à demander la nullité ab initio du contrat d'assurance, il faudrait alors examiner la validité d'une telle renonciation (à ce sujet on peut consulter en particulier: Bouzat, "De la clause par laquelle une partie dans une convention s'engage à ne pas en demander la nullité" (1934), 54 Rev. crit. lég. et jur. 350). Cependant, vu la conclusion à laquelle j'en arrive, il n'est pas nécessaire de discuter ici de cette question.

En conséquence, pour tous ces motifs, je suis d'avis de confirmer l'arrêt de la Cour d'appel du Québec et de rejeter le pourvoi, le tout avec dépens en toutes les cours.

Pourvoi accueilli, les juges L'HEUREUX‑DUBÉ et GONTHIER sont dissidents.

Procureurs des appelants: Mondor, Fournier, Montréal.

Procureurs des intimées: Colas & Associés, Montréal.


Synthèse
Référence neutre : [1990] 2 R.C.S. 1029 ?
Date de la décision : 04/10/1990
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Assurance - Assurance‑incendie - Nature et effet de la clause hypothécaire - Fausses représentations du débiteur hypothécaire lors de la souscription de la police d'assurance - La nullité ab initio de la police d'assurance est‑elle opposable aux créanciers hypothécaires?.

Un homme d'affaires a obtenu un prêt de la part des appelants et a hypothéqué un de ses immeubles pour en garantir le remboursement. L'acte de prêt hypothécaire prévoit que le débiteur s'engage à assurer le bien hypothéqué au bénéfice des appelants et c'est en exécution de cette obligation que le débiteur a plus tard souscrit auprès des assureurs intimés une police d'assurance‑incendie. Cette police contient une clause hypothécaire type qui stipule que ne "sont pas opposables aux créanciers hypothécaires les actes, négligences ou déclarations des propriétaires, locataires ou occupants des biens assurés, notamment en ce qui concerne les transferts d'intérêts, la vacance ou l'inoccupation, ou l'affectation des lieux à des fins plus dangereuses que celles déclarées". L'immeuble du débiteur a été détruit par un incendie et les assureurs ont refusé de payer l'indemnité aux appelants alléguant la nullité ab initio de la police en raison de fausses représentations de la part du débiteur lors de la souscription de la police. Ce dernier n'aurait pas dévoilé l'existence d'incendies criminels sur les lieux assurés ainsi que le refus de l'assureur antérieur de continuer à assurer l'immeuble. Invoquant la clause hypothécaire, les appelants ont alors intenté une action contre les assureurs afin d'obtenir paiement de l'indemnité. La Cour supérieure a accueilli l'action mais la Cour d'appel a infirmé ce jugement. Le présent pourvoi vise à déterminer si la nullité ab initio de la police d'assurance, suite aux fausses représentations du débiteur hypothécaire lors de la souscription de cette police, est opposable aux créanciers hypothécaires.

Arrêt (les juges L'Heureux‑Dubé et Gonthier sont dissidents): Le pourvoi est accueilli.

Les juges La Forest, Cory et McLachlin: En assurant son propre intérêt dans le bien, le débiteur hypothécaire avait également le mandat de souscrire un contrat d'assurance séparé et distinct pour assurer l'intérêt des créanciers hypothécaires dans le bien grevé d'une hypothèque. Les assureurs ne peuvent refuser de respecter ce contrat indépendant (la clause hypothécaire type) au profit des créanciers hypothécaires lorsqu'ils découvrent que leur contrat conclu avec le débiteur hypothécaire a été souscrit sur le fondement de déclarations fausses ou d'omissions de sorte qu'il était nul ab initio. La clause hypothécaire type n'établit aucune distinction entre les actes et les négligences du débiteur hypothécaire commis à l'établissement de la police et les actes et les négligences commis après qu'elle a été souscrite. La clause est rédigée en termes clairs et non techniques et indique simplement que l'assurance des créanciers hypothécaires ne sera pas annulée par les déclarations (omission or misrepresentation) du débiteur hypothécaire. Devant cette affirmation non équivoque, les tribunaux ne devraient pas créer des subtilités d'interprétation alors qu'il n'en existe aucune. Lorsque le contrat n'est pas ambigu et que son sens est clair, il n'y a pas de motif à interprétation. L'assurance des créanciers hypothécaires ne peut donc être invalidée par les actes ou négligences du débiteur hypothécaire, que ce soit à l'établissement de la police, ou après qu'elle a été souscrite. La validité de ce contrat indépendant est fonction uniquement de ce qui survient entre les créanciers hypothécaires et les assureurs. Toute autre conclusion déformerait le sens clair et ordinaire des termes utilisés dans la clause.

La règle ejusdem generis ne s'applique pas dans le contexte de la clause hypothécaire type. La condition préalable à l'application de la règle n'est pas remplie car, dans la clause visée, les termes généraux précèdent l'énumération précise au lieu de la suivre. La justification rationnelle de l'application de la règle est donc absente. De plus, bien que les exemples précis de déclarations dans la police se rapportent tous à des fautes que le débiteur hypothécaire n'est en mesure de commettre qu'après la conclusion d'un contrat valide, ces modalités se trouvent dans une clause où l'assureur énumère les fautes du débiteur hypothécaire que l'assureur affirme ne pas vouloir invoquer pour refuser d'indemniser le créancier hypothécaire. Loin de vouloir dire au créancier hypothécaire que seules les déclarations faites par le débiteur hypothécaire après la conclusion d'un contrat valide n'annuleront pas la protection, l'assureur dit clairement que même les déclarations de cette nature n'annuleront pas la protection du créancier hypothécaire.

En outre, les contrats d'assurance doivent être interprétés de la manière dont ils seraient compris par la personne ordinaire qui fait une demande d'assurance et non de la manière dont ils pourraient être perçus par des personnes versées dans les subtilités du droit des assurances. Si l'assureur se réservait le droit d'annuler la protection du créancier hypothécaire par suite de certaines déclarations du débiteur hypothécaire, il incombait à l'assureur, en rédigeant son formulaire d'assurance, de le dire en des termes clairs, exprès et faciles à comprendre.

Finalement, même si le débiteur hypothécaire agit à titre de mandataire du créancier hypothécaire lorsqu'il assure l'intérêt de celui‑ci, il ne s'ensuit pas que toute fausse déclaration faite par le débiteur hypothécaire dans l'exécution de son mandat devrait être considérée comme celle du créancier hypothécaire. Le droit relatif au mandat ne s'applique pas de manière à avoir cet effet dans le contexte de la clause hypothécaire type. Cette déduction serait contraire à ce qui doit être considéré comme étant ce qu'ont compris les parties. Lorsqu'un créancier hypothécaire choisit d'obtenir de l'assurance au moyen de la clause hypothécaire type, il le fait parce qu'il s'attend raisonnablement à ce que son intérêt soit protégé de la même manière que s'il avait conclu un contrat indépendant attesté par un document distinct et rien dans le texte de la clause ne permet de conclure que l'assureur agit en fonction de quelque autre condition. Rendre l'assurance du créancier hypothécaire subordonnée dans une certaine mesure à ce qui survient entre le débiteur hypothécaire et l'assureur porterait atteinte à la raison d'être même de la clause hypothécaire type.

Les juges L'Heureux‑Dubé et Gonthier (dissidents): La clause d'assurance du contrat de prêt hypothécaire constitue un contrat de mandat, en vertu duquel le débiteur hypothécaire s'engage à assurer au nom de son créancier hypothécaire les biens hypothéqués. En conformité avec ce mandat, le débiteur hypothécaire a souscrit une police d'assurance contenant une clause hypothécaire type. Cette police constate donc l'existence de deux contrats d'assurance distincts, l'un entre le débiteur hypothécaire et les assureurs, et l'autre entre les créanciers hypothécaires et les assureurs. Toutefois le contrat d'assurance du débiteur hypothécaire est nul ab initio en raison des fausses représentations de ce dernier lors de la souscription de la police. Puisque le débiteur agissait conformément à son mandat en souscrivant le contrat d'assurance des créanciers hypothécaires, les fausses représentations qu'il a faites à ce moment doivent être considérées, aux fins de l'examen de la validité de ce contrat, comme des fausses représentations effectuées par les créanciers hypothécaires eux‑mêmes. Ces fausses représentations ont, quant au contrat d'assurance entre les créanciers hypothécaires et les assureurs, des conséquences similaires à celles produites sur le contrat d'assurance personnel du débiteur hypothécaire. Elles ont pour effet de dénaturer le risque aux yeux des assureurs et de vicier par le fait même leur consentement au contrat d'assurance souscrit au nom des créanciers hypothécaires, au même titre que ces fausses représentations ont vicié le consentement des assureurs au contrat d'assurance du débiteur hypothécaire. Le contrat d'assurance liant les assureurs aux créanciers hypothécaires est donc également nul ab initio.

L'analyse des termes de la clause hypothécaire et son contexte démontrent que la nullité ab initio du contrat d'assurance découlant des fausses représentations du débiteur hypothécaire au moment de la souscription du contrat est opposable aux créanciers hypothécaires. Les exemples énumérés dans la clause ne sont pas exhaustifs mais indiquent clairement le genre d'actes que les parties avaient l'intention d'inclure dans l'expression "les actes, négligences ou déclarations". Tous ces exemples constituent un groupe homogène ayant comme trait commun leur postériorité à la souscription de la police. Il faut donc conclure, en appliquant la règle d'interprétation noscitur a sociis ou la règle ejusdem generis, que seules les déclarations postérieures à la souscription sont visées par la clause hypothécaire. De plus, le contrat d'assurance, comme tout autre contrat, repose sur la bonne foi présumée des parties. Si les parties désiraient couvrir le risque visé en l'espèce, elles devaient le faire dans des termes clairs et explicites, ce qui n'est pas le cas dans la clause hypothécaire ici en litige.


Parties
Demandeurs : Banque nationale de grèce (Canada)
Défendeurs : Katsikonouris

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge La Forest
Arrêts suivis: Hastings v. Westchester Fire Insurance Co., 73 N.Y. 141 (1878)
Syndicate Ins. Co. v. Bohn, 65 F. 165 (1894)
Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d'assurance contre l'incendie de la Vallée du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 000
arrêts non suivis: Imperial Building & Loan Ass'n v. Aetna Ins. Co., 166 S.E. 841 (1932)
Hanover Fire Ins. Co. v. National Exchange Bank, 34 S.W. 333 (1896)
Omnium Securities Co. v. Canada Fire and Mutual Insurance Co. (1882), 1 O.R. 494
Chenier v. Madill (1973), 2 O.R. (2d) 361
distinction d'avec l'arrêt: Liverpool and London and Globe Insurance Co. v. Agricultural Savings and Loan Co. (1903), 33 R.C.S. 94
arrêts mentionnés: London and Midland General Insurance Co. c. Bonser, [1973] R.C.S. 10
Madill c. Lirette, [1987] R.J.Q. 993
Thames and Mersey Marine Insurance Co. v. Hamilton, Fraser & Co. (1887), 12 App. Cas. 484
Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1980] C.A. 370
Scott c. Wawanesa Mutual Insurance Co., [1989] 1 R.C.S. 1445
Exportations Consolidated Bathurst Export Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888.
Citée par le juge L'Heureux‑Dubé (dissidente)
Caisse populaire des Deux Rives c. Société mutuelle d'assurance contre l'incendie de la Vallée du Richelieu, [1990] 2 R.C.S. 000, conf. [1988] R.J.Q. 2355 (C.A.)
Madill c. Lirette, [1987] R.J.Q. 993 (C.A.), inf. [1982] C.S. 49 (sub nom. Great American Insurance Co. c. Lirette)
Hastings v. Westchester Fire Insurance Co., 73 N.Y. 141 (1878)
Syndicate Ins. Co. v. Bohn, 65 F. 165 (1894)
Reed v. Firemen's Insurance Co. of Newark, 35 L.R.A. (N.S.) 343 (1911)
Federal Land Bank of Columbia v. Atlas Assur. Co., 125 S.E. 631 (1924)
Collins v. Michigan Commercial Underwriters, 6 Tenn. App. 528 (1928)
Fayetteville Building & Loan Ass'n v. Mutual Fire Ins. Co. of West Virginia, 141 S.E. 634 (1928)
National Union Fire Ins. Co. v. Short, 32 F.2d 631 (1929)
Stockton v. Atlantic Fire Ins. Co., 175 S.E. 695 (1934)
National Fire Ins. Co. of Hartford, Conn. v. Dallas Joint Stock Land Bank of Dallas, 50 P.2d 326 (1935)
Western Assur. Co. v. Hughes, 66 P.2d 1056 (1937)
Great American Insurance Co. of New York v. Southwestern Finance Co., 297 P.2d 403 (1956)
Northwestern National Insurance Co. v. Mildenberger, 359 S.W.2d 380 (1962)
Equality Savings and Loan Association v. Missouri Property Insurance Placement Facility, 537 S.W.2d 440 (1976)
Meade v. North Country Co‑Operative Insurance Co., 487 N.Y.S.2d 983 (1985)
Hanover Fire Ins. Co. v. National Exchange Bank, 34 S.W. 333 (1896)
Graham v. Fireman's Insurance Co., 87 N.Y. 69 (1881)
Young Men's Lyceum of Tarrytown v. National Ben Franklin Fire Ins. Co. of Pittsburg, 163 N.Y.S. 226 (1917)
Imperial Building & Loan Ass'n v. Aetna Ins. Co., 166 S.E. 841 (1932)
Omnium Securities Co. v. Canada Fire and Mutual Insurance Co. (1882), 1 O.R. 494
Liverpool and London and Globe Insurance Co. v. Agricultural Savings and Loan Co. (1903), 33 R.C.S. 94
Chenier v. Madill (1973), 2 O.R. (2d) 361
Canadian Imperial Bank of Commerce v. Dominion of Canada General Insurance Co. (1987), 29 C.C.L.I. 313
Renault c. Bell Asbestos Mines Ltd., [1980] C.A. 370
Duchesneau v. Great American Insurance Co., [1955] B.R. 120
Amin c. Cie d'assurance American Home, [1989] R.R.A. 151
Veilleux c. Victoria Insurance Co., [1989] R.J.Q. 1075.
Lois et règlements cités
Code civil du Bas‑Canada [mod. 1974, ch. 70, art. 2], art. 1024, 1727, 2485 [mod. 1979, ch. 33, art. 44], 2486 [mod. idem, art. 45], 2487, 2499, 2510 à 2515, 2566 [mod. idem, art. 48], 2572, 2573.
Doctrine citée
American Jurisprudence, vol. 43, 2nd ed. Rochester, N.Y.: Lawyers Co‑operative Publishing Co., 1982.
Bergeron, Jean‑Guy. "L'opposabilité des exceptions à différents intéressés dans un contrat d'assurance" (1987), 47 R. du B. 933.
Bouzat, Pierre. "De la clause par laquelle une partie dans une convention s'engage à ne pas en demander la nullité" (1934), 54 Rev. crit. lég. et jur. 350.
Concise Oxford Dictionary, 7th ed. By J. B. Sykes. Oxford: Clarendon Press, 1982, "include".
Côté, Pierre‑André. Interprétation des lois. Cowansville: Yvon Blais Inc., 1982.
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Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto: Butterworths, 1983.
Dwyer, James R. and Carey S. Barney. "Analysis of Standard Mortgage Clause and Selected Provisions of the New York Standard Fire Policy" (1984), 19 Forum 639.
Encyclopédie juridique Dalloz: Répertoire de droit civil, t. 5, 2e éd. "Mandat", par René Rodière.
Faribault, Bernard. "Du papillon à la chrysalide ou l'étrange métamorphose de l'assurance de responsabilité" (1987), 55 Assurances 300.
Petit Robert 1. Par Paul Robert. Paris: Le Robert, 1987, "notamment".
Picard, Maurice et André Besson. Traité général des assurances terrestres en droit français, t. 2. Paris: L.G.D.J., 1940.
Simard Jr., François‑Xavier. "La faute intentionnelle de l'assuré et la clause de garantie hypothécaire" (1987), 21 R.J.T. 335.
Stroud's Judicial Dictionary, vol. 3, 5th ed. By John S. James. London: Sweet & Maxwell, 1986, "include", "including".

Proposition de citation de la décision: Banque nationale de grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029 (4 octobre 1990)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-10-04;.1990..2.r.c.s..1029 ?
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