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04/10/1990 | CANADA | N°[1990]_2_R.C.S._865

Canada | R. c. Penno, [1990] 2 R.C.S. 865 (4 octobre 1990)


R. c. Penno, [1990] 2 R.C.S. 865

Stanley Penno Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

répertorié: r. c. penno

No du greffe: 20234.

1990: 31 janvier; 1990: 4 octobre.

Présents: Le juge en chef Lamer* et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1986), 30 C.C.C. (3d) 553, 45 M.V.R. 28, 18 O.A.C. 31, qui a accueilli l'appel interjeté par le ministère public contre l'acquittement de l'accusé

relativement à une accusation d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés ét...

R. c. Penno, [1990] 2 R.C.S. 865

Stanley Penno Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

répertorié: r. c. penno

No du greffe: 20234.

1990: 31 janvier; 1990: 4 octobre.

Présents: Le juge en chef Lamer* et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1986), 30 C.C.C. (3d) 553, 45 M.V.R. 28, 18 O.A.C. 31, qui a accueilli l'appel interjeté par le ministère public contre l'acquittement de l'accusé relativement à une accusation d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies, contrairement à l'art. 234 du Code criminel. Pourvoi rejeté.

Melvyn Green, pour l'appelant.

Jeff Casey et Susan Chapman, pour l'intimée.

//Le juge en chef Lamer//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE EN CHEF LAMER — Le présent pourvoi soulève la question de savoir si une personne accusée en vertu de l'art. 234 (aujourd'hui l'art. 253) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies et à laquelle l'art. 237 (aujourd'hui l'art. 258) du Code criminel s'applique peut invoquer l'intoxication comme moyen de défense.

I - Les faits

Deux personnes non identifiées ont volé une automobile aux petites heures du matin, le 27 avril 1985, dans le canton de Michipicoten, en Ontario. Environ vingt minutes plus tard, les policiers ont retrouvé le véhicule dans lequel ils ont découvert l'appelant à la place du conducteur et une autre personne assise à ses côtés. L'agent qui a procédé à l'enquête n'est pas sûr que le véhicule était en mouvement quand il l'a retracé. Cependant, il a témoigné qu'au moment de sortir de la voiture de patrouille et de s'approcher du véhicule il a vu l'appelant faire un geste comme pour mettre le véhicule en marche arrière et il a constaté que le véhicule a reculé d'environ un pied. Les clés étaient dans le contact et le moteur tournait. Le passager avait en sa possession un autre jeu de clés qui se trouvait dans sa poche. L'appelant et le passager ont tout de suite été mis en état d'arrestation.

Il est reconnu que l'accusé avait consommé une grande quantité d'alcool dans les heures qui ont précédé son arrestation. L'accusé a témoigné qu'il ne se souvenait pas des événements qui se sont déroulés entre minuit et son réveil, en cellule, tard dans la matinée.

L'appelant a été acquitté des quatre chefs d'accusation portés contre lui: celui de vol qualifié en contravention avec l'art. 303 du Code, celui de vol d'une voiture en contravention avec l'al. 294a) du Code, celui de possession de cette voiture en contravention avec l'al. 312(1)a) du Code et celui d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies en contravention avec l'art. 234 du Code. Le ministère public a interjeté appel seulement de l'acquittement concernant le chef relatif à l'art. 234, c'est‑à‑dire celui d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que les facultés de l'accusé étaient affaiblies.

II - Les décisions des tribunaux d'instance inférieure

Le juge du procès a conclu que l'appelant était très intoxiqué. Il a acquitté l'appelant relativement aux quatre chefs d'accusation parce qu'à son avis, l'état d'intoxication dans lequel était l'appelant l'a empêché de former l'élément moral nécessaire à l'égard des infractions dont il était accusé. Le juge du procès n'a cependant pas procédé à l'analyse des éléments de l'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies et il n'a donc pas établi le lien entre l'effet du moyen de défense fondé sur l'intoxication et l'un ou l'autre de ces éléments.

Le seul moyen d'appel invoqué par le ministère public devant la Cour d'appel de l'Ontario a été que l'accusé ne peut opposer le moyen de défense fondé sur l'intoxication volontaire à une accusation d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies. La Cour d'appel a conclu que l'intention de conduire n'est pas un élément essentiel de l'infraction définie à l'art. 234. Le ministère public n'a qu'à prouver que l'accusé avait la garde ou le contrôle du véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies. L'infraction a été considérée comme une infraction d'intention générale, pour laquelle la poursuite n'a pas besoin de prouver que le fait d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule était motivée par une intention particulière. Elle a aussi statué que non seulement l'intoxication volontaire ne pouvait servir de moyen de défense à un crime d'intention générale, mais aussi qu'elle pouvait constituer la mens rea d'une telle infraction. La Cour d'appel a donc accueilli l'appel, annulé l'acquittement et inscrit un verdict de culpabilité: (1986), 30 C.C.C. (3d) 533, 45 M.V.R. 28, 18 O.A.C. 31.

III - Les dispositions législatives pertinentes

Le présent pourvoi porte sur l'art. 234 du Code qui définit l'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies et sur la présomption créée en vertu de l'art. 237 du Code. Ces articles sont ainsi rédigés:

234. (1) Quiconque, à un moment où sa capacité de conduire un véhicule à moteur est affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue, conduit un véhicule à moteur ou en a la garde ou le contrôle, que ce véhicule soit en mouvement ou non, est coupable d'un acte criminel ou d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, et passible,

a) pour la première infraction, d'une amende de cinquante à deux mille dollars et d'un emprisonnement de six mois, ou de l'une des peines;

b) pour la deuxième infraction, d'un emprisonnement de quatorze jours à un an; et

c) pour chaque infraction subséquente, d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.

237. (1) Dans toutes procédures en vertu de l'article 234 ou 236,

a) lorsqu'il est prouvé que le prévenu occupait la place ordinairement occupée par le conducteur d'un véhicule à moteur, il est réputé avoir eu la garde ou le contrôle du véhicule, à moins qu'il n'établisse qu'il n'avait pas pris place dans ou sur le véhicule afin de le mettre en marche;

IV - Analyse

L'appelant soutient que le crime consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies est un crime d'intention spécifique en ce sens que l'al. 234(1)a) exige un dessein additionnel outre la simple intention [TRADUCTION] "de se servir du véhicule ou de ses accessoires". Il soutient que l'intention spécifique en cause est celle d'utiliser la voiture ou ses accessoires dans le but de se servir de la voiture comme véhicule à moteur par opposition à celle de s'en servir comme endroit pour dormir, par exemple. L'importance de qualifier un crime de crime d'intention spécifique plutôt que de crime d'intention générale tient à la possibilité d'opposer l'intoxication comme moyen de défense dans le cas des crimes d'intention spécifique.

Les crimes d'intention générale et ceux d'intention spécifique en regard de la possibilité d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense

Notre Cour a déjà entrepris la tâche difficile d'établir une distinction utile entre les crimes d'intention spécifique et ceux d'intention générale dans l'arrêt R. v. George, [1960] R.C.S. 871, où le juge Fauteux explique, à la p. 877:

[TRADUCTION] En étudiant la question de la mens rea, il y a lieu d'établir une distinction entre (i) l'intention qui s'applique aux actes en fonction des buts visés et (ii) l'intention qui s'applique aux actes indépendamment des buts visés. Dans certain cas, l'intention générale de perpétrer l'acte suffit pour qu'il y ait crime alors que dans d'autres cas, il doit y avoir, outre l'intention générale, une intention spécifique de commettre l'acte.

Récemment, dans l'arrêt R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833, notre Cour a, à la majorité, confirmé l'à‑propos de conserver la distinction entre les crimes d'intention générale et ceux d'intention spécifique et les conséquences qui en découlent sur la possibilité d'opposer le moyen de défense fondé sur l'intoxication pour réfuter la mens rea. Le juge McIntyre explique la distinction dans les termes suivants, à la p. 863:

L'infraction d'intention générale est celle pour laquelle l'intention se rapporte uniquement à l'accomplissement de l'acte en question, sans qu'il y ait d'autre intention ou dessein. [. . .] Une infraction d'intention spécifique se caractérise par la perpétration de l'actus reus assortie d'une intention ou d'un dessein qui ne se limite pas à l'accomplissement de l'acte en question.

Dans le même arrêt, le juge Wilson exprime l'avis que, pour prouver la mens rea des crimes d'intention générale, il suffit de faire la preuve d'une intention minimale et que, dans ces cas, il faut opposer "intentionnel et volontaire" à "accidentel et involontaire" (p. 883).

Il est inutile de reprendre ici l'analyse complète à laquelle ont procédé certains juges de notre Cour dans l'arrêt Bernard sur l'opportunité de la distinction, puisque l'arrêt Bernard la confirme tout comme il confirme les conséquences qui en découlent. La question se résume donc à savoir si l'al. 234(1)a) est une infraction d'intention spécifique ou d'intention générale.

L'arrêt Ford c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 231, confirme que l'intention de mettre le véhicule en marche n'est pas un élément de l'intention d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que la capacité de conduire est affaiblie. La preuve de l'absence d'intention de mettre le véhicule en marche joue seulement pour empêcher le ministère public de bénéficier de la présomption de l'al. 237(1)a). Notre Cour a récemment confirmé ces conclusions dans les arrêts R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119, et R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3.

L'arrêt Toews a examiné les questions de la mens rea et de l'actus reus de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que la capacité de conduire est affaiblie et a conclu ceci, à la p. 124:

De même, la mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire. [Je souligne.]

L'élément moral de cette infraction se trouve donc défini par renvoi direct à l'actus reus. Aucune autre intention n'est requise sauf celle d'accomplir l'actus reus, ce qui indique fortement que cette infraction tombe dans la catégorie des infractions d'intention générale. Le juge en chef Dickson, s'exprimant au nom de la Cour dans l'arrêt Whyte, a affirmé que l'intention requise pour cette infraction est une intention minimale. Cet arrêt portait sur la constitutionnalité de la présomption de garde ou de contrôle contenue à l'al. 237(1)a) compte tenu de l'al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge en chef Dickson dit ceci, à la p. 22:

À mon avis, nous devons reconnaître que la définition des infractions en matière d'alcool au volant constitue une tâche difficile pour le législateur. Le fait même que la consommation d'alcool constitue un élément de ces infractions soulève un problème en ce qui a trait à l'élément de l'intention. La justice empêche qu'on se fie indûment à la responsabilité stricte ou absolue. La protection de la société empêche qu'on mette indûment l'accent sur l'élément moral de ces infractions. Le législateur a décidé de définir l'infraction en fonction de "la garde ou du contrôle". Comme je l'ai déjà mentionné, cette Cour a conclu que le ministère public n'a pas besoin de démontrer que l'accusé avait l'intention de conduire ni de mettre le véhicule en marche pour entraîner une déclaration de culpabilité en matière de "garde ou contrôle". L'exigence de la mens rea pour l'infraction de garde ou de contrôle est minimale et on n'a pas soutenu en l'espèce que cela constitue une dérogation aux exigences de l'art. 7 ou de l'al. 11d) de la Charte. [Je souligne.]

De plus, la prétention de l'appelant qui soutient que l'intention applicable à l'infraction devrait être celle d'utiliser la voiture ou ses accessoires dans le dessein d'utiliser la voiture en tant que véhicule à moteur va à l'encontre d'une affirmation catégorique de notre Cour que l'intention de mettre le véhicule en marche n'est pas un élément de cette infraction. Utiliser un véhicule à moteur en tant que véhicule à moteur est une autre façon de dire utiliser le véhicule à moteur pour le mettre en marche, puisque ce qui distingue un véhicule à moteur d'un autre objet ou endroit est sa capacité de servir de moyen de transport, c.‑à‑d. d'être mis en marche. Accepter cette proposition reviendrait à accepter que l'appelant doit avoir eu l'intention de mettre le véhicule à moteur en marche pour contrevenir à l'al. 234(1)a) et l'arrêt Ford a déjà rejeté cette proposition.

Par contre, la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu'à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d'une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. En réalité, l'arrêt Toews consacre la règle que, lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus. Dans cette affaire, l'accusé a été acquitté parce qu'il dormait sur le siège avant, dans un sac de couchage, la tête près de la portière du côté du passager. Notre Cour n'a pas fondé sa décision sur l'absence de mens rea qui aurait découlé du dessein d'utiliser le véhicule autrement qu'à titre de véhicule à moteur, c'est‑à‑dire de l'utiliser comme endroit pour dormir. Elle a plutôt dit, à la p. 127:

Il n'a [. . .] pas été démontré que l'intimé a accompli des actes de garde ou de contrôle et il n'a donc pas accompli l'actus reus.

Pour ces motifs, je suis d'avis que l'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que la capacité de conduire est affaiblie est une infraction d'intention générale. Il en découle, comme notre Cour l'a statué à la majorité dans l'arrêt Bernard, que le moyen de défense fondé sur l'intoxication ne peut écarter la mens rea de cette infraction, bien qu'il ne soit pas encore déterminé si l'intoxication qui entraînerait un état d'aliénation mentale ou d'automatisme pourrait avoir ce résultat.

Le juge du procès a conclu que l'appelant était dans un état d'intoxication très avancé. Cependant, l'appelant n'a pas fait la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que son degré d'intoxication était élevé au point de constituer un état d'aliénation mentale ou d'automatisme et aucun des juges des tribunaux d'instance inférieure n'a conclu à l'existence d'un état d'aliénation mentale ou d'automatisme. Vu les faits de l'espèce, je ne vois pas la nécessité d'aborder la question de savoir si l'intoxication peut réfuter la mens rea quand elle approche de l'aliénation mentale ou de l'automatisme. Je conclus donc que le premier moyen de l'appelant doit échouer.

Les questions relatives à la Charte

Il nous reste donc à résoudre la question de savoir si la règle selon laquelle une personne accusée de violation de l'al. 234(1)a) ne peut invoquer l'intoxication comme moyen de défense ou comme facteur à considérer pour déterminer si tous les éléments constitutifs de l'infraction sont présents, est contraire à la Charte. L'appelant soutient plus précisément que cette règle viole l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte. Pour être juste envers le juge du procès et les juges des tribunaux d'instance inférieure qui n'ont pas examiné cette question, je dois souligner qu'on semble l'avoir soulevée, après coup et pour la première fois, devant notre Cour. En conséquence, nous n'avons pas eu l'avantage d'entendre des plaidoiries complètes sur ce point, ni celui de connaître les points de vue du juge du procès et des juges des tribunaux d'instance inférieure. À mon avis cependant, lorsqu'il s'agit de déterminer si l'infraction définie au par. 234(1)a) a été commise, la question de savoir s'il est constitutionnel de refuser le moyen de défense fondé sur l'intoxication ou de nier toute pertinence à l'intoxication est une question importante à laquelle notre Cour doit maintenant répondre.

La qualification d'une infraction d'infraction d'intention générale, jointe au retrait du moyen de défense fondé sur l'intoxication quand cette intoxication est volontaire, aura comme conséquence juridique que, dans certaines circonstances, le juge des faits n'aura pas d'autre choix que celui de déclarer l'accusé coupable même s'il a un doute raisonnable quant à savoir si, vu l'intoxication, l'acte de l'accusé a été volontaire. De même, le ministère public n'aurait plus l'obligation de prouver hors de tout doute raisonnable l'actus reus d'une infraction d'intention générale puisqu'un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l'acte en raison de l'intoxication échapperait dès le départ à tout examen. Je suis d'avis que le fait qu'il puisse y avoir déclaration de culpabilité en dépit de l'existence d'un doute raisonnable quant au caractère volontaire, qui est un élément essentiel de la perpétration de l'actus reus, est une restriction aux droits garantis à l'accusé par l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte.

Dans l'arrêt Bernard, le juge McIntyre s'est demandé si l'impossibilité d'avoir recours au moyen de défense d'intoxication viole l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte. Il a été d'avis que l'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense pour toutes les infractions d'intention générale ne viole ni l'une ni l'autre disposition. En toute déférence, je ne puis être d'accord.

Dans le même arrêt, le juge Wilson a aussi examiné les questions soulevées par la Charte qui résultent de l'affirmation qu'il est impossible d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense pour les infractions d'intention générale. Le juge Wilson a été d'avis que la preuve de l'intoxication ne devrait être soumise au juge des faits que dans les cas où il y a preuve d'intoxication extrême entraînant l'absence de conscience voisine de l'aliénation mentale ou de l'automatisme parce que ce n'est que dans ces cas que cette preuve d'intoxication est susceptible de soulever un doute raisonnable quant à l'existence de l'intention minimale exigée pour les infractions d'intention générale.

En toute déférence pour l'avis contraire, je trouve difficile de refuser de façon générale le recours au moyen de défense d'intoxication pour le motif qu'un tel recours ne réussira que très rarement à vraiment susciter un doute raisonnable dans l'esprit du juge des faits. Refuser la possibilité d'invoquer le moyen de défense d'intoxication dans les cas où un tel moyen de défense n'aurait pas réussi de toute façon à soulever un doute raisonnable quant à un élément de l'infraction n'a pas d'importance réelle et pratique pour l'accusé. Cependant, il s'agit d'un moyen de défense important et précieux pour l'accusé dans les cas où, en l'absence de règle l'empêchant de recourir au moyen de défense fondé sur l'intoxication, un tel moyen de défense aurait pu soulever un doute raisonnable quant à l'existence d'un des éléments de l'infraction.

Dans les cas où un doute raisonnable aurait été soulevé quant à l'existence de l'élément moral particulier de l'infraction en cause, le juge McIntyre, dans l'arrêt Bernard, aurait remplacé cet élément par l'état mental coupable qui découle de l'intoxication volontaire. Cependant, dans les cas où il aurait été nécessaire d'avoir recours à un substitut de la mens rea pour prouver le caractère blâmable, le juge Wilson a décidé de ne pas trancher la question de la constitutionnalité de l'exclusion du moyen de défense fondé sur l'intoxication. Elle dit même, à la p. 889:

J'estime qu'il n'est pas strictement nécessaire en l'espèce d'examiner la constitutionnalité de la substitution de l'intoxication volontaire à titre de mens rea relativement aux exigences minimales en matière de mens rea pour les infractions d'intention générale. Cette question ne se posera, à mon avis, que dans les rares cas où l'intoxication est si extrême que cela soulève des doutes quant à l'existence de l'intention minimale qui caractérise un comportement conscient et volontaire.

Dans une opinion incidente, ma collègue ajoute le commentaire suivant sur la question de savoir si l'utilisation d'une forme substituée de mens rea violerait l'al. 11d) de la Charte (à la p. 890):

Mon point de vue actuel me porte à dire qu'il est improbable que dans les affaires où il est nécessaire de recourir à l'intoxication volontaire comme élément substitué à l'intention minimale, la preuve de l'élément substitué entraîne "inexorablement" la conclusion que l'élément essentiel, soit l'intention minimale, existait au moment de la perpétration de l'acte criminel. Je préfère donc laisser cette question en suspens puisqu'il n'est pas nécessaire de la trancher afin de statuer sur ce pourvoi.

Je conclus donc que, dans l'arrêt Bernard, seule une minorité de juges a exprimé un avis sur la constitutionnalité de la règle qui interdit le recours au moyen de défense fondé sur l'intoxication pour toutes les infractions d'intention générale. Dans les cas où l'intoxication soulèverait un doute raisonnable quant à l'existence d'un élément de l'infraction d'intention générale, la question est, à mon avis, encore susceptible de décision par notre Cour.

Comme je l'ai déjà mentionné, je suis d'avis que l'impossibilité d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense à l'égard des infractions d'intention générale établie par nos cours de justice constitue une limite aux droits garantis à un accusé en vertu de l'art. 7 et de l'al. 11d) et que cette limite ne peut subsister que si elle résiste à une analyse fondée sur l'article premier.

Nous ne sommes pas en mesure de soumettre cette limite à une analyse fondée sur l'article premier dans le cas de toutes les infractions d'intention générale et, de toute façon, nous ne devons pas le faire non plus. Évidemment, si nous le faisions et si nous concluions que la limite en est une "dont la justification [peut] se démontrer", la question serait résolue. Je crois cependant qu'il est préférable de procéder article par article, l'espèce soulevant le problème de la limite relativement à l'art. 234.

En conséquence, pour les fins de la présente analyse, je vais présumer, sans le décider, qu'en règle générale l'article premier ne permet pas de sauvegarder la restriction aux droits fondamentaux qui résulte de la règle de droit prétorien portant qu'on ne peut recourir au moyen de défense fondé sur l'intoxication ou que l'intoxication ne constitue pas un facteur pertinent dans le cas d'une infraction d'intention générale. Cette hypothèse formulée, je suis néanmoins d'avis que, dans le contexte des infractions de conduite en état d'ébriété, la justification de cette limite peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Toute analyse visant à déterminer si une restriction aux droits garantis par l'art. 7 et l'al. 11d) est sauvegardée en vertu de l'article premier de la Charte fait intervenir l'application de l'arrêt de notre Cour R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. Malheureusement, les parties n'ont présenté aucune preuve et n'ont même pas invoqué l'article premier. Cependant, je crois que nous pouvons prendre connaissance d'office des dangers et des malheurs qui résultent de la conduite en état d'ébriété.

Selon le premier critère mentionné dans l'arrêt Oakes, il faut que l'objectif de la mesure qui restreint un droit ou une liberté garantis soit "suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution" (p. 138). Il importe, dans une analyse fondée sur l'article premier, de déterminer avec précision la mesure qui fait l'objet de l'examen et de se concentrer sur cette mesure pour déterminer si elle est justifiée "dans le cadre d'une société libre et démocratique". La mesure à examiner en l'espèce est le retrait du moyen de défense fondé sur l'intoxication et la non‑pertinence de l'intoxication quand il s'agit de déterminer si tous les éléments de l'infraction définie à l'al. 234(1)a) sont présents. En l'espèce, nous n'avons pas à soumettre l'al. 234(1)a) au test de l'article premier de la Charte.

Nous devons donc commencer par déterminer l'objectif de cette mesure. Le retrait du moyen de défense fondé sur l'intoxication vise à permettre de déclarer coupables les personnes qui seraient intoxiquées au point de pouvoir soulever un doute raisonnable quant au caractère volontaire de la garde ou du contrôle. En d'autres termes, cette mesure vise à faire en sorte que les conducteurs les plus ivres soient déclarés coupables. L'impossibilité d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense vise à faire en sorte que personne n'échappe à une déclaration de culpabilité pour avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie, dans la mesure où cette incapacité résulte d'une intoxication volontaire.

L'étape suivante consiste à vérifier si cet objectif a suffisamment d'importance pour justifier la suppression des droits garantis à l'art. 7 et à l'al. 11d). La mesure fait partie d'un régime établi par le législateur fédéral afin de garantir la sécurité du public et de protéger ses biens que mettent en danger les personnes dont la capacité de conduire est affaiblie, mais qui ont, en tout état de cause, la garde ou le contrôle d'une véhicule à moteur. Dans l'arrêt Saunders v. The Queen, [1967] R.C.S. 284, notre Cour a dit (à la p. 289):

[TRADUCTION] Manifestement, tous reconnaissent que le véritable but des art. 222 et 223 [une version antérieure de la définition des infractions de conduite avec facultés affaiblies ou de garde ou de contrôle] est de conjurer le danger et de protéger les personnes et la propriété contre le danger qui est inhérent à la conduite, à la garde ou au contrôle d'un véhicule à moteur par toute personne en état d'ivresse ou sous l'influence d'un narcotique ou dont la capacité de conduire est affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue.

Le problème social lié aux infractions de "conduite en état d'ébriété" est le grave danger pour la vie, la sécurité et les biens des personnes que présentent les conducteurs dont les facultés sont affaiblies et qui ont quand même la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur. Notre Cour a déjà reconnu la grande importance de ce problème dans les arrêts Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889, R. c. Hufsky, [1988] 1 R.C.S. 621, R. c. Thomsen, [1988] 1 R.C.S. 640, et dans l'arrêt Whyte, précité, à la p. 27. Personne ne conteste l'importance de l'objectif de la définition des infractions elles‑mêmes, lesquelles permettent de déclarer coupables les personnes qui ont la garde ou le contrôle d'un véhicule alors que leur capacité de conduire est affaiblie, même quand cette incapacité n'est pas extrême. À fortiori, une mesure qui permet de déclarer coupables les conducteurs les plus ivres et en conséquence ceux qui représentent le plus grand danger pour la sécurité du public a assez d'importance pour justifier de restreindre les droits garantis à l'art. 7 et à l'al. 11d). À mon avis, le premier critère formulé dans l'arrêt Oakes est donc rempli.

Le second critère énoncé dans l'arrêt Oakes exige que le moyen choisi pour atteindre l'objectif visé soit proportionnel ou propre à ces fins. Une mesure satisfait à ce critère si elle a un lien rationnel avec l'objectif qu'elle vise à atteindre, si elle porte le moins possible atteinte au droit fondamental ou à la liberté fondamentale en question et s'il y a proportionnalité entre les effets de la mesure qui limite ce droit ou cette liberté et l'objectif reconnu comme suffisamment important.

Il faut donc trouver un lien rationnel entre la restriction imposée au droit fondamental, c.-à-d. le retrait du moyen de défense fondé sur l'intoxication et l'objectif déjà mentionné. Manifestement, la déclaration de culpabilité de tous les conducteurs dont la capacité de conduire est affaiblie, qu'ils aient volontairement ou non assumé la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur, a un lien rationnel avec l'objectif d'assurer que les conducteurs dont la capacité de conduire est affaiblie soient tenus à l'écart de la route indépendamment de leur degré d'intoxication. La possibilité d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense irait à l'encontre de l'objectif du régime plus large mis en place par le législateur pour faire face au problème de l'alcool au volant. Le ministère public doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable de l'intoxication qui est la source de danger visée par l'art. 234. Mais cette même preuve pourrait contrecarrer la preuve du ministère public en faisant naître un doute raisonnable qui servirait de moyen de défense valide. Dans les cas d'intoxication grave, le ministère public aurait dès lors la tâche impossible. L'impossibilité d'invoquer le moyen de défense fondé sur l'intoxication est un élément logique et nécessaire de la suppression de tous les effets de l'intoxication au volant. Je conclus donc que le retrait du moyen de défense fondé sur l'intoxication satisfait au premier aspect du critère de proportionnalité.

Je suis aussi d'avis que l'impossibilité d'invoquer le moyen de défense d'intoxication ne représente pas une réaction trop vive, sous le rapport de la restriction imposée aux droits en cause, surtout si l'on tient compte de l'extrême gravité du problème engendré par les infractions de conduite en état d'ébriété. La règle n'exige pas la déclaration de culpabilité d'une personne trouvée en état d'ébriété alors qu'elle a la garde et le contrôle d'un véhicule, mais qui est complètement innocente: l'intoxication involontaire n'est pas punie, non plus que la prise involontaire de la garde ou du contrôle en raison de facteurs étrangers à l'intoxication. D'autre part, le législateur devait réagir à la menace grave que représentent les personnes qui ont la garde ou le contrôle d'un véhicule moteur alors que leur capacité de conduire est affaiblie. Il est raisonnable de tenir une personne responsable quand elle consomme volontairement des substances enivrantes et met la sécurité du public en danger en prenant la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur, qu'elle ait eu l'intention de le faire ou que l'intoxication l'ait empêchée de se rendre compte de ce qu'elle faisait. En prenant sa première consommation, une personne peut raisonnablement être tenue pour avoir assumé le risque que l'ébriété lui fasse faire quelque chose qu'elle n'aurait pas fait si elle avait été sobre. Je conclus donc que l'impossibilité d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense est une mesure qui est proportionnelle aux fins visées par l'al. 234(1)a).

V - Conclusion

En conséquence, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

//Le juge Wilson//

Version française des motifs des juges Wilson et L'Heureux-Dubé rendus par

LE JUGE WILSON — J'ai eu l'avantage de lire les motifs rédigés par mon collègue le juge en chef Lamer dans le présent pourvoi et je suis d'avis que l'affaiblissement des facultés, par opposition à l'absence d'affaiblissement des facultés, ne peut être invoqué comme moyen de défense dans le cas de l'infraction, prévue à l'art. 234 du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies. L'affaiblissement des facultés ne saurait constituer à la fois un élément essentiel de l'infraction et un moyen de défense opposable à une accusation d'avoir commis cette infraction.

Y a‑t‑il violation de la Constitution du fait que le législateur fédéral a exclu le recours à ce moyen de défense? C'est sur ce point que mes motifs et ceux de mon collègue divergent. À mon avis, l'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense dans le contexte de l'art. 234 ne porte nullement atteinte aux droits reconnus à un accusé par l'art. 7 et l'al. 11d).

Dans l'affaire R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833, notre Cour a dit que refuser le moyen de défense fondé sur l'intoxication dans le cas d'une infraction d'intention générale ne constitue pas une violation de la Charte canadienne des droits et libertés, du moins en ce qui concerne les affaires où il n'est pas question d'un "substitut" de la mens rea. Par conséquent, si ses motifs en l'espèce ne sont pas limités aux cas de "substituts" de la mens rea, et ils ne semblent pas l'être, le juge en chef Lamer remet apparemment en cause la question tranchée dans l'arrêt Bernard. Or, bien qu'il soit évidemment parfaitement en droit de le faire, je suis portée à penser que l'arrêt Bernard est juste. J'estime toujours que l'intoxication qui ne constitue ni aliénation mentale ni automatisme ne peut être alléguée comme moyen de défense relativement aux crimes d'intention générale. La défense d'intoxication peut bien entendu être invoquée à l'égard de crimes d'intention spécifique.

On n'aborde pas dans l'arrêt Bernard la question de savoir s'il y a violation de la Constitution lorsque le législateur fait de l'affaiblissement des facultés un élément de l'infraction. Cet arrêt traite uniquement de la possibilité d'invoquer l'intoxication comme moyen de défense pour réfuter la mens rea dans le contexte de la distinction que fait la common law entre les crimes d'intention générale et ceux d'intention spécifique. Dans cette affaire, le juge en chef Dickson (à l'avis duquel s'est rangé le juge Lamer (maintenant Juge en chef)) soustrait expressément à la portée de ses observations concernant l'inconstitutionnalité de l'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense pour les crimes d'intention générale les infractions dont un élément est l'intoxication. Il dit, à la p. 842:

Je tiens toutefois à préciser dès l'abord que rien dans les présents motifs ne doit s'appliquer aux questions tout à fait distinctes qui se posent dans le cas d'infractions comme la conduite avec facultés affaiblies, où l'ébriété ou la consommation d'alcool sont elles‑mêmes des éléments de l'infraction. La mens rea requise par ces infractions‑là pourra être examinée dans un autre contexte.

Cet autre contexte c'est le présent pourvoi.

Il me semble que le raisonnement qui sous‑tend l'arrêt Bernard s'applique plutôt mal à une situation où le législateur a fait de l'intoxication qui affaiblit les facultés un élément essentiel de l'infraction. Pour les motifs exposés ci‑après, je ne crois pas qu'il en résulte une violation de la Constitution.

L'intoxication a traditionnellement été considérée comme pertinente à la mens rea. C'était certainement le cas dans l'affaire Bernard où, ainsi que je l'ai déjà mentionné, il a été statué que l'intoxication comme moyen de défense ne pouvait être invoquée qu'à l'égard de crimes d'intention spécifique et non à l'égard de crimes d'intention générale. Cette conclusion avait pour fondement que l'intoxication pouvait influer sur la capacité d'une personne de prévoir les conséquences d'un acte, laquelle capacité est requise dans le cas de crimes d'intention spécifique, mais que, d'une manière générale, l'intoxication ne pouvait priver une personne de la capacité de savoir qu'elle commettait l'acte en question, ce qui représente l'exigence minimale des crimes d'intention générale.

Ce point de vue traditionnel tire son origine d'une appréciation du degré d'intoxication requis pour justifier le moyen de défense. Le même degré d'intoxication peut avoir pour effet d'établir l'inexistence de l'intention spécifique nécessaire pour justifier une déclaration de culpabilité de certaines infractions tout en étant insuffisant pour écarter l'intention générale requise par d'autres. Cela ne veut pas dire toutefois que des degrés plus élevés d'intoxication ne pourraient pas, dans certaines circonstances, faire naître un doute quant à savoir si les actes de l'accusé ont été motivés par cette intention générale. La common law n'admettait pas l'ivresse comme moyen de défense dans de telles circonstances et je crois que c'était pour des motifs de principe, car si elle avait été admise, il y aurait eu danger que des degrés moyens d'intoxication soient considérés comme opposables à titre de défense à un grand nombre de crimes.

Le caractère volontaire est un aspect de l'actus reus plutôt que de la mens rea d'une infraction. L'exigence minimale posée par le droit criminel est que des actes doivent être commis consciemment pour qu'ils soient tenus pour criminels. Un même acte peut en apparence être volontaire ou bien constituer un accident ou une erreur. Les conséquences juridiques sont cependant tout à fait différentes. Dans un sens, il peut sembler artificiel de faire une distinction entre volonté et intention et de dire que la première se rapporte à l'actus reus et la deuxième à la mens rea de l'infraction. Il pourrait sembler plus logique de dire que l'accomplissement conscient d'un acte comprend l'intention de l'accomplir et constitue donc la mens rea minimale requise pour les infractions d'intention générale. S'il s'agit d'un acte accidentel, la volonté n'y est pas, de sorte que l'actus reus n'est pas établi. En même temps, l'intention est absente également, si bien que la mens rea n'est pas établie non plus. Dans ni l'un ni l'autre cas, l'acte ne peut satisfaire aux critères à remplir pour qu'il soit criminel.

Le droit criminel fait toutefois une distinction entre les actes purement matériels et ceux qui sont assortis d'une démarche mentale et il considère les actes volontaires comme purement matériels. Pour établir l'actus reus, le ministère public n'est pas obligé de prouver l'intention d'accomplir l'acte; il doit simplement établir que l'accusé savait qu'il le commettait. En d'autres termes, on considère en droit criminel que si les actes intentionnels sont nécessairement volontaires, les actes volontaires ne sont pas forcément intentionnels. L'exemple classique est celui de la femme qui tire sur une personne qu'elle prend pour un intrus et qui découvre par la suite que c'est son mari revenu plus tôt que prévu. Son acte, indubitablement volontaire, a résulté d'une erreur. Elle n'avait nullement l'intention de faire feu sur son mari.

À l'instar du juge en chef Lamer, j'estime que l'infraction visée à l'art. 234 du Code est une infraction d'intention générale qui ne nécessite qu'une mens rea minimale. Je ne partage toutefois pas son opinion qu'une déclaration de culpabilité peut être fondée sur cet article malgré l'existence d'un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l'acte de l'accusé. C'est l'acte qui consiste à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies et non pas le simple acte consistant à en avoir la garde ou le contrôle qui doit être volontaire pour que soit établi l'actus reus de cette infraction. Je suis d'accord avec mon collègue que si ce qui nous intéressait était le simple fait d'avoir la garde ou le contrôle, il serait peut‑être possible de prouver qu'il ne s'agissait pas là d'un acte volontaire si l'accusé était en état d'extrême ébriété. Il se pourrait alors qu'en raison des effets de l'alcool, il n'ait vraiment pas su ce qu'il faisait. Mais quand une personne consomme volontairement de l'alcool au point de s'affaiblir les facultés et qu'elle a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'elle est dans cet état, il me semble que le caractère volontaire de l'affaiblissement de ses facultés ne fait aucun doute. On parle ici de l'intoxication volontaire allant jusqu'à l'affaiblissement des facultés. Un accusé ne saurait alléguer que, par suite de l'affaiblissement de ses facultés, il ne se rendait pas compte que ses facultés étaient affaiblies quand il avait la garde ou le contrôle du véhicule à moteur. L'affaiblissement des facultés de l'accusé constitue l'élément essentiel de l'infraction prévue au par. 234(1). Et c'est cet affaiblissement des facultés qui, selon moi, doit résulter d'un acte volontaire. Point n'est besoin d'ailleurs de recourir dans de telles circonstances au concept douteux du "substitut" de la mens rea. L'acte consistant à avoir la garde ou le contrôle et l'état d'affaiblissement volontaire des facultés doivent certainement coïncider aux fins de la disposition en cause.

Il me semble en outre que si mon collègue évoque un degré d'affaiblissement des facultés susceptible d'enlever à l'acte de l'accusé son caractère volontaire, il doit vouloir parler d'un état d'affaiblissement extrême des facultés confinant à l'automatisme et, tout au plus, l'article en question ne violerait la Charte que dans la mesure où il priverait un accusé qui se trouvait dans cet état de la possibilité d'invoquer le moyen de défense fondé sur l'absence de volonté. Voilà qui concorderait avec le point de vue que j'ai exprimé dans l'affaire Bernard, selon lequel un degré aussi extrême d'intoxication pourrait également écarter l'élément moral minimal requis.

Le problème que pose en common law l'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense pour toutes les infractions d'intention générale est que l'accusé se voit ainsi privé de la possibilité de faire naître un doute raisonnable quant à l'existence de l'élément moral de l'infraction. D'après les motifs de notre Cour dans l'affaire R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3, cette exclusion constitue une violation de l'al. 11d) de la Charte. Dans l'affaire Bernard, l'actus reus revêtait la forme d'une agression de nature sexuelle causant des lésions corporelles. L'intoxication n'était pertinente que relativement à l'existence ou à l'inexistence de la mens rea, c.‑à‑d. l'intention de commettre l'agression. J'ai exprimé, dans cette affaire, de sérieuses réserves quant à la possibilité de substituer l'intoxication volontaire à l'intention qui doit exister au moment de la perpétration de l'infraction. Je n'avais pas à trancher cette question vu ma conclusion que la mens rea requise pour qu'il y ait agression sexuelle pouvait facilement s'inférer de l'acte de l'accusé. Dans d'autres circonstances, cependant, un accusé peut être ivre au point d'être incapable de former même l'intention minimale de commettre l'acte, c.‑à‑d. lorsque son état mental s'apparente à l'aliénation mentale ou à l'automatisme. J'ai conclu que ce ne serait que dans ces circonstances et non dans le cas de l'ivresse ordinaire que l'exclusion du moyen de défense fondé sur l'intoxication pourrait entraîner la violation des droits constitutionnels de l'accusé.

La question de savoir si l'exigence de l'affaiblissement des facultés posée par l'art. 234 du Code constitue un aspect de l'actus reus de l'infraction ou bien de la mens rea me semble pertinente dans toute détermination de la constitutionnalité de cet article. Je ne crois pas que mon collègue se soit prononcé d'une façon non équivoque sur cette question qui peut pourtant s'avérer importante compte tenu de l'état actuel de la jurisprudence.

La mens rea et l'actus reus de l'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies sont définis par notre Cour dans l'arrêt R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119, à la p. 124:

. . . la mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire.

Suivant cette définition, l'élément moral de l'infraction prévue au par. 234(1) comprend la consommation volontaire d'alcool, mais l'actus reus exige la consommation volontaire d'alcool jusqu'à l'affaiblissement des facultés. Cette distinction paraît logique en ce sens que la consommation d'alcool jusqu'à l'affaiblissement des facultés pourrait bien établir l'absence d'intention d'avoir la garde ou le contrôle du véhicule à moteur et résulter en l'absence de mens rea tandis que la simple consommation ne le ferait peut‑être pas. L'actus reus nécessite l'affaiblissement des facultés par l'alcool et non pas seulement la consommation préalable d'alcool. En faisant de l'exigence de l'affaiblissement des facultés un élément de l'actus reus plutôt que de la mens rea de l'infraction, le législateur a su éviter le cercle vicieux qui aurait autrement été inhérent à l'infraction.

Étant donné la façon dont le législateur a formulé l'art. 234 du Code, il me semble que la question de savoir si l'application de cet article viole la Constitution demeure entière. De toute évidence, pour obtenir une déclaration de culpabilité, le ministère public doit prouver que l'accusé avait la garde ou le contrôle du véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l'alcool ou une drogue. La mens rea de l'infraction est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle du véhicule après la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue. Quels sont donc les moyens de défense pouvant être invoqués par l'accusé? Ils consistent, me semble‑t‑il, à affirmer qu'il n'avait pas la garde ou le contrôle du véhicule à moteur ou que, s'il l'avait, ses facultés n'étaient pas affaiblies à ce moment‑là. L'accusé pourrait également chercher à se défendre en alléguant qu'avant d'assumer la garde ou le contrôle du véhicule il n'avait pas consommé assez d'alcool pour que ses facultés soient affaiblies, mais qu'il en avait consommé suffisamment pour se rendre incapable de former l'intention nécessaire pour assumer cette garde ou ce contrôle. Il me semble toutefois que, si j'ai raison de qualifier d'infraction d'intention générale l'infraction prévue au par. 234(1), ce moyen de défense ne saurait être retenu.

En toute déférence pour les tenants d'un point de vue différent, je suis d'avis que le par. 234(1) n'exclut aucun moyen de défense valable pouvant être opposé à une accusation fondée sur cette disposition. Conclure autrement reviendrait à dire que le législateur commet une violation de la Charte lorsqu'il prétend que le fait de se livrer à un certain type de conduite alors qu'on a les facultés affaiblies constitue une infraction au Code criminel et qu'il doit justifier en vertu de l'article premier la création d'une telle infraction. C'est là un résultat que je ne puis accepter. Je crois en effet que c'est avec raison que le juge en chef Dickson dit dans l'arrêt Bernard que les crimes dont l'intoxication constitue un élément, c.‑à‑d. qu'elle fait partie de l'actus reus, se situent dans une catégorie différente de celle des crimes où l'intoxication n'est pertinente que relativement à l'élément moral. Je ne vois aucune inconstitutionnalité dans la création du premier type d'infractions.

À supposer toutefois que je me trompe dans ma façon d'aborder le point constitutionnel, je ne conclurais à la violation que dans des cas d'extrême ébriété confinant à l'automatisme et tiendrais cette violation pour justifiée en vertu de l'article premier de la Charte pour les motifs exposés par mon collègue. Je tiens cependant à ajouter une dernière observation.

Certains commentateurs ont prétendu que la création d'une infraction d'"intoxication dangereuse" résoudrait le problème constitutionnel posé par les contrevenants aux facultés affaiblies parce que les éléments de cette infraction s'accorderaient davantage avec les principes fondamentaux reçus en matière de responsabilité criminelle. Je ne suis pas certaine qu'une infraction aussi générale permette d'obtenir le résultat souhaité. Je crois que les tribunaux auraient encore à déterminer si l'on a agi constitutionnellement en privant l'accusé de la possibilité de mettre en doute l'existence d'un élément essentiel de l'infraction dans différents contextes. Le législateur, selon moi, a tenté de résoudre le problème que pose l'art. 234 par la création de l'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies. En d'autres termes, le législateur a criminalisé l'acte consistant à s'affaiblir les facultés dans une situation déterminée, c.‑à‑d. lorsqu'on a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur. Je pense qu'il était loisible au législateur de créer en réalité une infraction qui s'apparente à "l'intoxication dangereuse" mais qui se limite au cas où l'on a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur. C'est peut‑être là en fait le meilleur parti à prendre. Les maux sociaux résultant de l'affaiblissement des facultés diffèrent selon le contexte. À mon avis, non seulement il est loisible au législateur, mais il lui incombe peut‑être même, de tenir compte de ces différences et de concevoir des infractions en fonction de besoins sociaux précis.

Pour les motifs que je viens d'exposer, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

//Le juge La Forest//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE LA FOREST — J'ai eu l'avantage de lire les motifs de mes collègues le juge en chef Lamer et les juges Wilson et McLachlin. Je suis moi aussi d'avis de rejeter le pourvoi, et ce, pour les motifs qui suivent.

Le paragraphe 234(1) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, interdit l'acte qui consiste à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que les facultés de l'auteur de cet acte sont affaiblies par l'alcool ou une drogue. La mens rea est l'intention d'accomplir cet acte, c.‑à‑d. d'assumer la garde ou le contrôle du véhicule. La jurisprudence exige également que l'affaiblissement des facultés soit volontaire (R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119, à la p. 124). J'arrive à ma conclusion sur la mens rea de l'infraction en me fondant sur l'interprétation du texte de loi et non sur une théorie élargie de l'intention générale. Puisque le Parlement a prévu que l'acte qu'accomplit une personne alors que ses facultés sont affaiblies constitue une infraction, il serait illogique, comme le fait observer le juge McLachlin, qu'il ait également envisagé que l'affaiblissement des facultés (y compris l'intoxication) puisse servir de moyen de défense.

Il s'agit alors de savoir si, compte tenu de l'art. 7 et de l'al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, le Parlement peut créer une infraction criminelle qui interdit le recours à l'intoxication comme moyen de défense. En ce qui concerne l'al. 11d), j'aurais pensé que l'arrêt de notre Cour R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3, a reconnu de manière définitive la constitutionnalité du par. 234(1) assorti de la réserve prévue au par. 237(1). Reste la question de savoir si le par. 234(1) viole l'art. 7. J'estime que non. Premièrement, je rappelle qu'une personne ne peut être visée par le par. 234(1) que si son intoxication est volontaire; voir R. c. Toews, précité, à la p. 124. Il s'ensuit que le par. 234(1) n'aura d'application que lorsqu'on peut vraiment affirmer que le fait pour l'accusé d'avoir assumé la garde ou le contrôle d'un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies est ultimement sa responsabilité, même s'il y a doute quant à savoir si, à cause de l'intoxication, il était capable de former l'intention requise au moment où il a vraiment assumé la garde ou le contrôle. Cela calme une bonne partie des inquiétudes que je pourrais par ailleurs avoir éprouvées quant à savoir si une déclaration de culpabilité fondée sur le par. 234(1) viole un principe de "justice fondamentale". Comme le souligne ma collègue le juge McLachlin, l'infraction vise dans un sens à réprimer l'ivresse dans une situation dangereuse.

Deuxièmement, on conclura rarement qu'une personne qui a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est intoxiquée au point d'être incapable d'avoir la mens rea très faible exigée par le par. 234(1) (voir R. c. Whyte, précité, aux pp. 22 à 27). Il faut une exigence très faible quant à l'élément moral si le Parlement doit pouvoir créer des infractions efficaces en matière de conduite sous l'influence de l'alcool ou de drogues. Et puisque, comme l'ont démontré mes collègues, il est évidemment dans l'intérêt public que le Parlement crée ces infractions, j'ai peu de difficulté à conclure que le par. 234(1) est compatible avec les "principes de justice fondamentale". Sur ce point, je renvoie à ce qui a été dit dans d'autres arrêts concernant la nécessité de reconnaître que les "principes de justice fondamentale" englobent l'intérêt du public, représenté par l'État, ainsi que les intérêts de l'accusé; voir R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, aux pp. 327 et 329, R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, aux pp. 403 à 405, mes motifs dans R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670, à la p. 745 (dissident sur un autre point), mes motifs (auxquels ont souscrit le juge en chef Dickson et le juge Lamer) dans R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284, à la p. 304, et mes motifs dans Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, à la p. 539.

Vu la façon dont j'interprète la disposition, je suis d'avis que le par. 234(1) ne viole ni l'art. 7 ni l'al. 11d) de la Charte. Il devient donc inutile d'examiner l'application de l'article premier de la Charte.

//Le juge McLachlin//

Version française des motifs des juges Sopinka, Gonthier et McLachlin rendus par

LE JUGE MCLACHLIN — Cette affaire soulève la question de la constitutionnalité de l'art. 234 du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34. Contrairement à mon collègue le juge en chef Lamer, dont j'ai eu l'occasion de lire les motifs de jugement, je suis d'avis que l'art. 234 ne viole ni l'art. 7 ni l'al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Les questions en litige

Les policiers ont déclaré avoir aperçu l'accusé au volant d'un véhicule à moteur qui a reculé quelque peu, alors que l'accusé paraissait en avoir le contrôle. L'accusé était en état d'ébriété à ce moment‑là. Il a témoigné qu'il était tellement ivre qu'il ne se rappelait plus rien de ce qui s'était passé au cours de la soirée en question. Il s'agit donc de savoir si son état d'ébriété peut servir de moyen de défense relativement à une accusation, portée en vertu du par. 234(1) du Code criminel, d'avoir eu "la garde ou le contrôle" d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies.

Le substitut du procureur général a soutenu que l'état d'ébriété ne pouvait servir de moyen de défense en raison de la présomption créée par l'al. 237(1)a) du Code. Je ne puis retenir ce moyen parce que le ministère public a choisi de ne pas invoquer cette présomption au procès, mais de se fonder uniquement sur la preuve établissant que l'accusé avait eu la garde ou le contrôle au sens de l'al. 234(1)a) du Code. Permettre au ministère public d'invoquer la présomption en appel aurait pour effet de priver l'accusé de la possibilité de présenter une défense pleine et entière, ce qu'il aurait pu faire si la présomption avait été invoquée au procès. L'intention de mettre le véhicule en marche est pertinente relativement à l'al. 237(1)a); elle ne l'est pas relativement au par. 234(1): R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3, R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119, et Ford c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 231. Si le ministère public avait invoqué l'al. 237(1)a) au procès, l'accusé aurait pu choisir de produire des éléments de preuve établissant l'absence d'intention de mettre le véhicule en marche. Il s'ensuit que permettre au ministère public de faire valoir l'applicabilité de l'al. 237(1)a) pour la première fois dans le cadre d'un appel violerait le droit, garanti à l'accusé par l'art. 7, d'avoir un procès équitable et de présenter une défense pleine et entière.

Reste donc l'argumentation fondée sur le par. 234(1). L'appelant soumet un argument à deux volets. Il soutient d'abord que l'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on est en état d'ébriété constitue une infraction d'intention spécifique à laquelle peut être opposé le moyen de défense fondé sur l'ivresse. Subsidiairement, l'appelant soutient que s'il s'agit d'une infraction d'intention générale, à laquelle l'ivresse comme moyen de défense ne s'applique pas, elle viole l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte et ne peut être sauvegardée en vertu de l'article premier.

Vu la conclusion à laquelle j'arrive sur la seconde question, il est inutile que j'aborde la première, mais si j'avais à le faire, je partagerais l'avis du juge en chef Lamer qu'il s'agit d'une infraction d'intention générale.

Réponse brève

Je conclus que le législateur a stipulé que l'intoxication ne peut être opposée comme moyen de défense à une accusation portée en vertu du par. 234(1) du Code, rendant ainsi non pertinente la question de l'intention générale et de l'intention spécifique. Cette exclusion de l'intoxication comme moyen de défense ne constitue cependant pas une limite au droit qu'a l'accusé de présenter une défense pleine et entière en vertu de l'art. 7 et de l'al. 11d) de la Charte, puisque la mens rea de l'infraction réside non pas dans l'intention d'assumer la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur, mais dans le fait de s'intoxiquer volontairement.

Analyse

L'exclusion de l'intoxication comme facteur à prendre en considération relativement à la question de l'existence de l'élément moral d'une infraction va‑t‑elle à l'encontre de l'art. 7 ou de l'al. 11d) de la Charte?

a) Les dispositions applicables de la Charte

Est soulevée en l'espèce la question de la relation entre l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte. L'article 7 porte que nul ne doit être privé de la vie, de la liberté et de la sécurité de sa personne, si ce n'est en conformité avec les "principes de justice fondamentale". Ces "principes" comprennent l'exigence de la preuve d'une intention coupable à titre d'élément essentiel d'une infraction: Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486. Aux termes de l'al. 11d), un accusé est présumé innocent "tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi", de sorte que le juge des faits doit être convaincu de l'existence de tous les éléments essentiels de l'infraction. Ces éléments essentiels sont non seulement ceux que le législateur énonce dans la disposition qui crée l'infraction, mais aussi ceux qu'exige l'art. 7 de la Charte: R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636. L'argument selon lequel il ne devrait pas y avoir de déclaration de culpabilité s'il subsiste un doute sur l'élément moral de l'infraction peut s'appuyer aussi bien sur l'art. 7 que sur l'al. 11d). Ce double fondement n'a rien de surprenant, vu le rapport étroit entre les garanties générales de l'art. 7 et les garanties plus précises qui le suivent: Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., précité.

Il n'y a pas de doute que l'accusation met en cause la liberté et la sécurité de la personne de l'accusé. La question véritable est de savoir si l'impossibilité d'invoquer l'ivresse comme moyen de défense prive l'accusé de "la liberté et [de] la sécurité de sa personne" d'une manière qui contrevient aux "principes de justice fondamentale" et qui, par conséquent, viole la présomption d'innocence.

b) Délimitation du problème

Le principe fondamental soulevé par mon collègue le juge en chef Lamer est celui du droit d'une personne de n'être déclarée coupable d'un crime que si elle a eu l'intention de le commettre. Ce principe existe depuis longtemps. Voilà longtemps en effet qu'on reconnaît qu'il est contraire à la justice de déclarer une personne coupable d'une infraction criminelle si l'élément de mens rea ou d'intention coupable n'est pas prouvé. La reconnaissance de ce principe constitue le fondement de l'arrêt Vaillancourt, précité, de notre Cour.

Le juge en chef Lamer perçoit la question en litige en l'espèce comme une contradiction entre le principe fondamental voulant que nul ne puisse être déclaré coupable d'un crime en l'absence d'une intention coupable et la règle de droit prétorien selon laquelle l'intoxication volontaire qui peut en réalité influer sur cette intention coupable ne peut être prise en considération que dans le cas des crimes d'"intention spécifique".

Pour ma part, je perçois le litige différemment. Selon moi, l'espèce ne met pas en cause la constitutionnalité de la règle de droit prétorien qui déclare non pertinente relativement aux infractions d'"intention générale" la preuve de l'affaiblissement des facultés. L'unique question en litige devant notre Cour est plutôt celle de la constitutionnalité de l'al. 234(1) du Code criminel — l'infraction communément appelée conduite avec facultés affaiblies. J'interprète cet article comme écartant le moyen de défense fondé sur l'affaiblissement des facultés. La règle de droit prétorien relative à l'"intention générale" n'entre jamais en jeu parce que le législateur fédéral a établi sa propre règle spécifique concernant la possibilité d'invoquer le moyen de défense fondé sur l'affaiblissement des facultés, laquelle règle s'applique uniquement à la conduite avec facultés affaiblies. En conséquence, j'estime que la seule question qui se pose est de savoir si le législateur a violé la Charte en excluant l'affaiblissement des facultés comme moyen de défense dans le cas de conduite avec facultés affaiblies.

Ma conclusion que le législateur a édicté l'impossibilité d'invoquer l'affaiblissement des facultés comme moyen de défense dans le cas de conduite avec facultés affaiblies repose sur la façon dont je comprends l'infraction définie au par. 234(1) du Code criminel.

L'argument peut se résumer ainsi: selon le par. 234(1), commet une infraction celui qui conduit un véhicule à moteur ou en a la garde ou le contrôle alors que ses facultés sont affaiblies par l'alcool ou une drogue. L'affaiblissement des facultés étant un élément essentiel du crime, il serait illogique et contradictoire de supposer que le législateur a voulu que son but exprès de rendre criminel cet affaiblissement des facultés puisse être contrecarré par une règle inexprimée de droit suivant laquelle ce même affaiblissement des facultés peut servir de moyen de défense efficace.

Notre droit criminel repose sur ce principe que le ministère public doit prouver tous les éléments d'une infraction hors de tout doute raisonnable. Si l'accusé n'est pas tenu de prouver quoi que ce soit, il peut cependant soulever des moyens de défense — c'est‑à‑dire des circonstances qui, peu importe qu'elles soient établies par le ministère public ou par l'accusé lui‑même, font naître un doute raisonnable quant à savoir si l'infraction a été prouvée. Essentiellement, un moyen de défense comme celui invoqué en l'espèce nie l'existence d'un élément de l'infraction. Il porte que ce qui doit être prouvé pour établir la perpétration de l'infraction ne l'a pas été. Parce qu'un moyen de défense est l'opposé ou le contraire d'un aspect de l'infraction, il est impossible de parler d'un moyen de défense qui constitue aussi un élément de l'infraction, car cela revient à définir une infraction intrinsèquement contradictoire et à déformer gravement le sens qu'ont les termes "infraction" et "moyen de défense" en droit criminel.

L'affaiblissement des facultés est l'un des éléments essentiels de l'infraction consistant à conduire un véhicule à moteur ou à en avoir la garde ou le contrôle alors qu'on a les facultés affaiblies. Le ministère public doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable de l'affaiblissement des facultés. Il est illogique de penser que le même affaiblissement des facultés qui constitue un élément essentiel de l'infraction puisse aussi servir de moyen de défense. Le législateur a dit que c'est un crime que d'avoir les facultés affaiblies et de conduire un véhicule à moteur ou d'en assumer la garde ou le contrôle. Alors comment peut‑on soutenir qu'il a du même coup, pour ainsi dire, prévu que conduire un véhicule à moteur ou en assumer la garde ou le contrôle peut ne pas être un crime (l'effet du moyen de défense) parce qu'on a les facultés affaiblies? Quand l'affaiblissement des facultés n'est pas un élément essentiel d'une infraction, il n'y a pas de contradiction à dire qu'il se peut que l'intention nécessaire pour qu'il y ait culpabilité en droit criminel n'ait pas été établie hors de tout doute raisonnable à cause de l'affaiblissement des facultés. Par contre, quand le législateur fait de l'affaiblissement des facultés un élément essentiel de l'infraction, il faut supposer qu'il a écarté la possibilité d'invoquer un moyen de défense d'absence d'intention fondé sur ce même affaiblissement des facultés qui l'a rendu coupable.

Ne pas reconnaître la contradiction intrinsèque qu'il y a à soutenir qu'un élément essentiel de l'infraction peut aussi servir de moyen de défense aboutit à l'absurdité. Cela mène, par exemple, à la conclusion que plus une personne a les facultés affaiblies, plus il est probable qu'elle sera acquittée relativement à l'infraction d'avoir conduit avec les facultés affaiblies. Qu'une personne puisse avoir les facultés trop affaiblies pour être reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies, voilà une proposition qui paraît ridicule aux yeux de la plupart des gens. Bref, il y a contradiction dans les termes.

De plus, ne pas reconnaître la contradiction intrinsèque qu'il y a à dire qu'un élément essentiel d'une infraction peut aussi servir de moyen de défense va à l'encontre de nos notions fondamentales sur la nature du procès criminel. C'est mettre le ministère public dans la situation où il a à prouver à la fois l'infraction et le moyen de défense. Du point de vue de la partie adverse, cela implique des moyens de défense contradictoires. L'absence d'affaiblissement des facultés constitue manifestement un moyen de défense, mais l'affaiblissement des facultés en est également un.

Je conclus que permettre que l'affaiblissement des facultés puisse être opposé comme moyen de défense à une accusation portée en vertu du par. 234(1) du Code criminel revient à établir une infraction marquée d'une contradiction intrinsèque et impossible d'un genre inconnu en droit criminel. Comme le législateur n'a pas indiqué qu'un tel moyen de défense peut être invoqué, il faut conclure qu'il l'a écarté puisqu'il ne peut logiquement coexister avec l'infraction. Comme l'affirme le juge en chef Dickson dans l'arrêt R. c. Whyte, précité, à la p. 22: "Le fait même que la consommation d'alcool constitue un élément de ces infractions soulève un problème en ce qui a trait à l'élément de l'intention." Vu cette observation, il n'est pas surprenant que, dans l'arrêt R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833, le juge en chef Dickson (dissident) ait expressément exclu les infractions dont l'intoxication constitue un élément de ses motifs déclarant inconstitutionnelle la règle de common law qui interdit de tenir compte de l'affaiblissement des facultés, si ce n'est pour les infractions d'intention spécifique.

Jusqu'ici, j'ai voulu donner à l'infraction consistant à conduire un véhicule à moteur ou à en avoir la garde ou le contrôle alors qu'on a les facultés affaiblies la définition que, d'après moi, le législateur a dû vouloir lui donner, mon but étant de montrer que la question présentement en litige n'est pas la question générale de la constitutionnalité de l'élimination du moyen de défense fondé sur l'affaiblissement des facultés pour tous les crimes sauf ceux d'intention spécifique, mais bien celle de la constitutionnalité de l'exclusion par le législateur du moyen de défense fondé sur l'affaiblissement des facultés dans le cas d'un crime qui comporte l'affaiblissement des facultés comme l'un de ses éléments essentiels. La question qui se pose est donc de savoir si la création d'une telle infraction viole la Charte parce que, de par sa nature même, elle écarte l'affaiblissement des facultés comme moyen de défense et peut ainsi permettre une déclaration de culpabilité alors qu'il existe un doute raisonnable quant à l'intention de l'accusé de conduire ou de prendre la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur.

Vu globalement, le problème des contrevenants en état d'ébriété met en cause deux valeurs qui s'opposent et qui sont toutes les deux reconnues par notre système de justice, savoir le droit de ne pas être déclaré coupable sans preuve de l'intention de commettre le crime et l'intérêt qu'a le public à ce que les auteurs de crimes n'échappent pas en raison de l'ivresse volontaire aux conséquences criminelles de leurs actes. En adoptant le par. 234(1) du Code, le législateur fait de l'affaiblissement des facultés lui‑même un élément de l'infraction malgré l'absence possible d'intention criminelle, privilégiant ainsi l'intérêt public.

Il y a trois solutions juridiques possibles au problème du contrevenant en état d'intoxication: voir C. N. Mitchell, "The Intoxicated Offender — Refuting the Legal and Medical Myths" (1988), 11 Int. J.L. Psychiatry 77, aux pp. 77 et 78. La première est celle retenue actuellement au Canada, en Angleterre et aux États‑Unis, suivant laquelle le droit refuse, absolument ou en partie, de reconnaître un rôle atténuant à l'intoxication même si l'élément moral de l'infraction peut être absent par suite de la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue.

La deuxième solution consiste à permettre de soupeser la preuve de l'intoxication en fonction des autres éléments de preuve afin de déterminer si l'intoxication a vraiment éliminé ou compromis l'élément moral requis. C'est là la solution adoptée en Australie et en Nouvelle‑Zélande et celle qu'ont préconisée en notre Cour le juge Dickson, dissident, dans l'affaire Leary c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 29, et le juge en chef Dickson et les juges Lamer et La Forest dans l'affaire Bernard, précitée.

La troisième solution avancée dans la doctrine est la solution législative. Celle‑ci est souvent considérée comme comportant l'adoption de dispositions législatives qui permettent de tenir compte de l'intoxication relativement à la question de l'intention criminelle, tout en créant une nouvelle infraction du type "intoxication dangereuse". En Angleterre, le rapport Butler, intitulé Report of the Committee on Mentally Abnormal Offenders (Cmnd 6244 (1975)), et les professeurs Glanville Williams et J. C. Smith, dans leurs recommandations minoritaires dans le Criminal Law Revision Committee Fourteenth Report: Defences against the Person (Cmnd 7844 (1980)), préconisent cette solution. Une infraction de ce genre est prévue depuis de nombreuses années au sous-al. 323a)(i) du Code criminel allemand (Strafgesetzbuch): voir J. Herrmann, "Causing the Conditions of One's Own Defense: The Multifaceted Approach of German Law", [1986] B.Y.U. L. Rev. 747. Dans le ressort de common law de Bophuthatswana, la Criminal Law Amendment Act 14 of 1984 à l'art. 1, analysé dans l'article d'A. St. Q. Skeen intitulé "Intoxication is No Longer a Complete Defence in Bophuthatswana: Will South Africa Follow Suit" (1984), 101 S.A.L.J. 707, a suivi d'assez près la disposition allemande et, en adoptant la Criminal Law Amendment Act 1 of 1988, la législature d'Afrique du Sud en a fait autant quatre ans plus tard: voir A. Paizes, "Intoxication Through the Looking‑Glass" (1988), 105 S.A.L.J. 776.

De nombreuses propositions de réforme recommandent que le Canada établisse une infraction d'intoxication dangereuse afin de remédier aux anomalies inhérentes à la façon actuelle d'envisager le recours à l'ivresse comme moyen de défense: voir P. B. Schabas, "Intoxication and Culpability: Towards an Offence of Criminal Intoxication" (1984), 42 U.T. Fac. L. Rev. 147, T. Quigley, "Reform of the Intoxication Defence" (1987), 33 R.D. McGill 1.

En l'espèce, il s'agit d'une tentative législative de réprimer une forme précise d'affaiblissement dangereux des facultés. Parce que le Parlement a déjà légiféré, les deux premières solutions ne sont plus possibles. La mesure législative se limite à l'infraction de conduite avec facultés affaiblies et elle ne prévoit aucun élément d'insouciance. Cependant, dans le cadre limité de ses dispositions, l'art. 234 peut être considéré comme une tentative de la part du législateur de créer une infraction du type "ivresse dangereuse" assez semblable à celle qu'envisage la troisième solution. La question qui se pose maintenant est de savoir si cette tentative viole l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte.

c) Y a‑t‑il violation de l'art. 7 et de l'al. 11d) de la Charte?

Si l'élément moral d'une infraction est compatible avec l'exclusion du moyen de défense fondé sur l'affaiblissement des facultés, alors l'absence de ce moyen de défense ne va nullement à l'encontre de la Charte. Si, par contre, le moyen de défense fondé sur l'affaiblissement des facultés pouvait être pertinent relativement à l'élément moral de l'infraction, l'absence de ce moyen de défense constituerait une violation de la Charte. La question est de savoir dans laquelle de ces deux catégories tombe le par. 234(1).

Dans l'arrêt R. v. King, [1962] R.C.S. 746, on a jugé que l'élément moral de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies était l'intoxication volontaire. C'était là ce qui constituait l'intention coupable indispensable à l'infraction. Dans cette optique, l'impossibilité d'invoquer l'ivresse comme moyen de défense ne saurait constituer une violation du droit de l'accusé de présenter une défense pleine et entière. Même si l'accusé est trop ivre pour savoir qu'il assume la garde et le contrôle du véhicule à moteur, cela n'importe pas puisque l'élément moral de l'infraction réside dans le fait de s'intoxiquer volontairement. Cette interprétation reconnaît que l'intoxication est exclue comme moyen de défense opposable à la conduite avec facultés affaiblies étant donné qu'elle constitue le véritable élément essentiel de l'infraction.

Toutefois, on fait valoir que l'arrêt Toews, précité, de notre Cour est venu changer cet état du droit. Je ne puis retenir cet argument. On n'a pas statué, dans l'arrêt Toews, que l'intoxication volontaire pourrait servir de moyen de défense opposable à une infraction de conduite avec facultés affaiblies. Dans cet arrêt, on a seulement jugé que dans des circonstances où un accusé a été trouvé endormi dans un sac de couchage sur le siège avant d'un véhicule, la tête appuyée du côté du passager, "[i]l n'a [. . .] pas été démontré que l'[accusé] a accompli des actes de garde ou de contrôle et il n'a donc pas accompli l'actus reus" (p. 127). Les faits de l'arrêt Toews n'exigent pas une interprétation plus large que celle‑ci et j'estime que la logique nous interdit de le faire étant donné que l'affaiblissement des facultés est un élément spécifique de l'infraction définie à l'art. 234 du Code criminel. Je ne puis conclure que notre Cour, dans l'arrêt Toews, a voulu modifier le principe établi depuis longtemps selon lequel l'élément moral de l'infraction définie à l'art. 234 du Code réside dans le fait de s'intoxiquer volontairement et non dans la connaissance que l'on assume la garde et le contrôle d'un véhicule à moteur, laquelle est susceptible d'être annihilée par l'affaiblissement des facultés même qui constitue l'élément essentiel de l'infraction.

Pour ces motifs, je conclus qu'il n'y a pas eu de violation des droits reconnus à l'accusé en vertu de l'art. 7 et de l'al. 11d) de la Charte.

Conclusion

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l'appelant: Ruby & Edwardh, Toronto.

Procureur de l'intimée: Le procureur général de l'Ontario, Toronto.

* Juge en chef à la date du jugement.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Moyens de défense - Intoxication -- Garde ou contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies - L'affaiblissement des facultés est un élément de l'infraction - L'intoxication constitue‑t‑elle un moyen de défense opposable à une accusation? - Infraction d'intention spécifique ou générale - Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 234(1), 237(1)a).

Droit constitutionnel - Charte des droits - Justice fondamentale - Garde ou contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies - L'affaiblissement des facultés est un élément de l'infraction - Exclusion de l'intoxication comme moyen de défense - L'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense viole‑t‑elle l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés? - La violation peut‑elle être justifiée en vertu de l'article premier de la Charte? - Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 234(1).

Droit constitutionnel - Charte des droits - Présomption d'innocence - Garde ou contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies - L'affaiblissement des facultés est un élément de l'infraction - Exclusion de l'intoxication comme moyen de défense - L'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense viole‑t‑elle l'art. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés? - La violation peut‑elle être justifiée en vertu de l'article premier de la Charte? - Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 234(1).

L'accusé a été inculpé de quatre infractions, notamment d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies, contrairement au par. 234(1) du Code criminel. Au procès, les policiers ont témoigné avoir découvert l'accusé au volant d'une automobile volée, qui a reculé quelque peu alors qu'il en avait le contrôle. En défense, l'accusé a témoigné qu'il était tellement ivre qu'il ne se rappelait plus rien de ce qui s'était passé au cours de la soirée en question. Le juge du procès a acquitté l'accusé relativement aux quatre accusations pour le motif qu'il était intoxiqué au point d'être incapable de former l'intention requise pour commettre les infractions. Le ministère public a interjeté appel de l'acquittement à l'égard de l'accusation fondée sur le par. 234(1). La Cour d'appel a infirmé l'acquittement et inscrit un verdict de culpabilité. Le présent pourvoi vise à déterminer (1) si l'intoxication constitue un moyen de défense opposable à une accusation d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on avait les facultés affaiblies, (2) à supposer que le moyen de défense soit exclu, si cette exclusion viole l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, et, dans l'affirmative, (3) si la violation peut être justifiée en vertu de l'article premier de la Charte.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Les juges Sopinka, Gonthier et McLachlin: Il faut rejeter l'argument du ministère public selon lequel l'état d'ébriété ne peut servir de moyen de défense à une accusation portée en vertu du par. 234(1) du Code, à cause de la présomption créée par l'al. 237(1)a). Parce que le ministère public a choisi de ne pas invoquer la présomption au procès, mais de se fonder uniquement sur la preuve établissant que l'accusé avait eu la garde ou le contrôle au sens de l'art. 234(1)a), on ne saurait lui permettre d'invoquer cette présomption en appel. Lui permettre de le faire aurait pour effet de priver l'accusé de la possibilité de présenter une défense pleine et entière, ce qu'il aurait pu faire si la présomption avait été invoquée au procès. L'intention de mettre le véhicule en marche est pertinente relativement à l'al. 237(1)a); elle ne l'est pas relativement au par. 234(1).

L'intoxication ne peut servir de moyen de défense à une accusation portée en vertu du par. 234(1) du Code. En adoptant le par. 234(1), le législateur a fait de l'affaiblissement des facultés un élément essentiel de l'infraction et il faut supposer qu'il a écarté la possibilité d'invoquer un moyen de défense d'absence d'intention fondé sur ce même affaiblissement des facultés qui l'a rendu coupable. Il est impossible de parler d'un moyen de défense qui constitue aussi un élément de l'infraction. L'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense rend non pertinente la question de l'intention générale et de l'intention spécifique.

Même si l'accusé est trop ivre pour savoir qu'il assume la garde et le contrôle d'un véhicule à moteur, l'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense ne constitue pas une limite au droit qu'a l'accusé de présenter une défense pleine et entière en vertu de l'art. 7 et de l'al. 11d) de la Charte, puisque la mens rea de l'infraction réside non pas dans l'intention d'assumer la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur, mais dans le fait de s'intoxiquer volontairement. Cette interprétation reconnaît que l'intoxication est exclue comme moyen de défense opposable à la conduite avec facultés affaiblies étant donné qu'elle constitue le véritable élément essentiel de l'infraction. L'arrêt Toews de notre Cour n'est pas venu changer cet état du droit.

Les juges Wilson et L'Heureux‑Dubé: L'affaiblissement des facultés ne peut être invoqué comme moyen de défense dans le cas de l'infraction, prévue au par. 234(1) du Code criminel, consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies. L'affaiblissement des facultés, par opposition à l'absence d'affaiblissement des facultés, ne saurait constituer à la fois un élément essentiel de l'infraction et un moyen de défense opposable à une accusation d'avoir commis cette infraction.

L'exclusion du moyen de défense fondé sur l'intoxication dans le contexte du par. 234(1) ne constitue pas une violation de l'art. 7 et de l'al. 11d) de la Charte. Lorsque l'intoxication qui affaiblit les facultés est un élément essentiel d'une infraction d'intention générale, c.‑à‑d. qu'elle fait partie de l'actus reus, l'exclusion du moyen de défense d'intoxication relativement à cette infraction ne donne pas lieu à une violation de la Constitution. L'infraction visée au par. 234(1) du Code est une infraction d'intention générale qui ne nécessite qu'une mens rea minimale — l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir consommé volontairement de l'alcool ou une drogue. L'exigence de l'affaiblissement des facultés est un élément de l'actus reus. Le paragraphe 234(1) n'exclut aucun moyen de défense valable pouvant être opposé à une accusation fondée sur cette disposition et aucune déclaration de culpabilité ne peut être fondée sur cet article malgré l'existence d'un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l'acte de l'accusé. C'est l'acte qui consiste à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies et non pas le simple acte consistant à en avoir la garde ou le contrôle qui doit être volontaire pour que soit établi l'actus reus de cette infraction. Pour établir l'actus reus, le ministère public n'est pas obligé de prouver l'intention d'accomplir l'acte; il doit simplement établir que l'accusé savait qu'il le commettait. L'accomplissement conscient d'un acte comprend l'intention de l'accomplir et constitue la mens rea minimale requise pour les infractions d'intention générale. Quand une personne consomme volontairement de l'alcool au point de s'affaiblir les facultés et qu'elle a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'elle est dans cet état, le caractère volontaire de l'affaiblissement de ses facultés ne fait aucun doute. L'affaiblissement des facultés de l'accusé constitue l'élément essentiel de l'infraction prévue au par. 234(1) et c'est cet affaiblissement des facultés qui doit résulter d'un acte volontaire. Aux fins de la disposition en cause, l'acte consistant à avoir la garde ou le contrôle et l'état d'affaiblissement volontaire des facultés doivent certainement coïncider.

Les crimes dont l'intoxication constitue un élément de l'actus reus se situent donc dans une catégorie différente de celle des crimes où l'intoxication n'est pertinente que relativement à l'élément moral. Il n'y a aucune inconstitutionnalité dans la création du premier type d'infractions. Cependant, si l'exclusion de l'intoxication comme moyen de défense devait constituer une violation des droits que la Constitution reconnaît à un accusé, ce ne serait que dans des cas d'extrême ébriété confinant à l'automatisme et cette violation serait justifiée en vertu de l'article premier de la Charte.

Le juge La Forest: Le paragraphe 234(1) du Code interdit l'acte qui consiste à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que les facultés de l'auteur de cet acte sont affaiblies. La mens rea de l'infraction est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle du véhicule. La jurisprudence exige également que l'affaiblissement des facultés soit volontaire. Puisque le Parlement a prévu que l'acte qu'accomplit une personne alors que ses facultés sont affaiblies constitue une infraction, il serait illogique qu'il ait également envisagé que l'affaiblissement des facultés (y compris l'intoxication) puisse servir de moyen de défense.

Le paragraphe 234(1) ne viole ni l'art. 7 ni l'al. 11d) de la Charte. En ce qui concerne l'al. 11d), l'arrêt Whyte de notre Cour a reconnu la constitutionnalité du par. 234(1) assorti de la réserve prévue au par. 237(1) du Code. Quant à l'art. 7, une personne ne peut être visée par le par. 234(1) que si son intoxication est volontaire. Il s'ensuit que le par. 234(1) n'aura d'application que lorsqu'on peut vraiment affirmer que le fait pour l'accusé d'avoir assumé la garde ou le contrôle d'un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies est ultimement sa responsabilité, même s'il y a doute quant à savoir si, à cause de l'intoxication, il était capable de former l'intention requise au moment où il a vraiment assumé la garde ou le contrôle. De plus, la mens rea exigée par le par. 234(1) est très faible. On conclura rarement qu'une personne qui a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur est intoxiquée au point d'être incapable d'avoir la mens rea très faible exigée par le par. 234(1). Cette exigence très faible quant à l'élément moral est nécessaire si l'on veut que le Parlement puisse créer des infractions efficaces en matière de conduite avec facultés affaiblies. La création de telles infractions est manifestement conforme à l'intérêt public, lequel est englobé par les "principes de justice fondamentale" mentionnés à l'art. 7 de la Charte.

Le juge en chef Lamer: L'infraction consistant à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors qu'on a les facultés affaiblies, en contravention avec le par. 234(1) du Code, est une infraction d'intention générale qui ne nécessite qu'une mens rea minimale. Une infraction d'intention générale est celle pour laquelle l'intention se rapporte uniquement à l'accomplissement de l'acte en question, sans qu'il y ait d'autre intention ou dessein. L'élément moral de l'infraction définie au par. 234(1), c'est‑à‑dire l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue, est défini par renvoi direct à l'actus reus. Aucune autre intention n'est requise sauf celle d'accomplir l'actus reus. Puisque l'infraction en est une d'intention générale, il s'ensuit que le moyen de défense fondé sur l'intoxication ne peut écarter la mens rea de l'infraction. Il n'est pas encore déterminé cependant si l'intoxication qui entraînerait un état d'aliénation mentale ou d'automatisme pourrait écarter la mens rea de cette infraction. Il n'est pas nécessaire de trancher cette question ici.

L'impossibilité d'avoir recours au moyen de défense fondé sur l'intoxication pour les infractions d'intention générale est une restriction aux droits que garantissent à un accusé l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte. Ce moyen de défense est important et précieux pour l'accusé dans les cas où, en l'absence de règle l'empêchant d'y recourir, un tel moyen de défense aurait pu soulever un doute raisonnable quant au caractère volontaire qui est un élément essentiel de la perpétration de l'actus reus. La restriction aux droits fondamentaux de l'accusé résulte de la règle de droit prétorien portant qu'on ne peut recourir au moyen de défense fondé sur l'intoxication ou que l'intoxication ne constitue pas un facteur pertinent dans le cas d'une infraction d'intention générale. Dans le contexte des infractions de conduite en état d'ébriété, la justification de cette limite peut se démontrer en vertu de l'article premier de la Charte. Premièrement, l'objectif de l'exclusion du moyen de défense fondé sur l'intoxication est suffisamment important pour justifier la restriction des droits garantis à l'art. 7 et à l'al. 11d). La mesure fait partie d'un régime établi par le législateur fédéral afin de garantir la sécurité du public et de protéger ses biens et elle vise à permettre de déclarer coupables les personnes aux facultés affaiblies qui ont la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur. Deuxièmement, la mesure est proportionnelle aux fins visées par l'al. 234(1)a). Il existe un lien rationnel entre la restriction imposée aux droits fondamentaux et l'objectif visé. L'impossibilité d'invoquer le moyen de défense fondé sur l'intoxication est un élément logique et nécessaire de la suppression de tous les effets de l'intoxication au volant. De plus, la mesure ne représente pas une réaction trop vive. La règle n'exige pas la déclaration de culpabilité d'une personne trouvée en état d'ébriété alors qu'elle a la garde ou le contrôle d'un véhicule, mais qui est complètement innocente. L'intoxication involontaire n'est pas punie, non plus que la prise involontaire de la garde ou du contrô1e en raison de facteurs étrangers à l'intoxication.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Penno

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge McLachlin
Arrêts mentionnés: R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3
R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119
Ford c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 231
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486
R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636
R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833
Leary c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 29
R. v. King, [1962] R.C.S. 746.
Citée par le juge Wilson
Arrêt examiné: R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833
arrêts mentionnés: R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3
R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119.
Citée par le juge La Forest
Arrêt appliqué: R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3
arrêts mentionnés: R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119
R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309
R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387
R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670
R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284
Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425.
Citée par le juge en chef Lamer
Arrêt examiné: R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833
arrêts mentionnés: R. v. George, [1960] R.C.S. 871
Ford c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 231
R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119
R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103
Saunders v. The Queen, [1967] R.C.S. 284
Curr c. La Reine, [1972] R.C.S. 889
R. c. Hufsky, [1988] 1 R.C.S. 621
R. c. Thomsen, [1988] 1 R.C.S. 640.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 7, 11d).
Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 234 [mod. 1974‑75‑76, ch. 93, art. 14], 237 [mod. 1972, ch. 13, art. 17
mod. 1974‑75‑76, ch. 93, art. 18], 294a) [abr. & rempl. 1972, ch. 13, art. 23
abr. & rempl. 1974‑75‑76, ch. 93, art. 25], 303 [mod. 1972, ch. 13, art. 70], 312(1)a) [abr. & rempl. 1974‑75‑76, ch. 93, art. 29
mod. 1984, ch. 40, art. 79, ann. V, no 6(4)].
Doctrine citée
Herrmann, Joachim. "Causing the Conditions of One's Own Defense: The Multifaceted Approach of German Law," [1986] B.Y.U. L. Rev. 747.
Mitchell, Chester N. "The Intoxicated Offender — Refuting the Legal and Medical Myths" (1988), 11 Int. J.L. Psychiatry 77.
Paizes, Andrew. "Intoxication Through the Looking‑Glass" (1988), 105 S.A.L.J. 776.
Quigley, Tim. "Reform of the Intoxication Defence" (1987), 33 R.D. McGill 1.
Schabas, Paul B. "Intoxication and Culpability: Towards an Offence of Criminal Intoxication" (1984), 42 U.T. Fac. L. Rev. 147.
Skeen, A. St. Q. "Intoxication is No Longer a Complete Defence in Bophuthatswana: Will South Africa Follow Suit" (1984), 101 S.A.L.J. 707.
United Kingdom. Criminal Law Revision Committee. Fourteenth Report: Offences against the Person, Cmnd 7844. London: H.M.S.O., 1980.
United Kingdom. Home Office. Department of Health and Social Security. Report of the Committee on Mentally Abnormal Offenders, Cmnd 6244. London: H.M.S.O., 1975.

Proposition de citation de la décision: R. c. Penno, [1990] 2 R.C.S. 865 (4 octobre 1990)


Origine de la décision
Date de la décision : 04/10/1990
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1990] 2 R.C.S. 865 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-10-04;.1990..2.r.c.s..865 ?
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