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22/11/1990 | CANADA | N°[1990]_2_R.C.S._1421

Canada | R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421 (22 novembre 1990)


R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421

Jean‑Claude Garofoli Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

répertorié: r. c. garofoli

No du greffe: 21099.

1989: 3, 4 octobre; 1990: 22 novembre.

Présents: Le juge en chef Dickson*, le juge en chef Lamer** et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1988), 27 O.A.C. 1, 41 C.C.C. (3d) 97, 64 C.R. (3d) 193, 43 C.R.R. 252, rejetant l'appel de l'appelant contre s

a déclaration de culpabilité sur une accusation de complot en vue d'importer un stupéfiant. Pourvoi accueilli, l...

R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421

Jean‑Claude Garofoli Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

répertorié: r. c. garofoli

No du greffe: 21099.

1989: 3, 4 octobre; 1990: 22 novembre.

Présents: Le juge en chef Dickson*, le juge en chef Lamer** et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1988), 27 O.A.C. 1, 41 C.C.C. (3d) 97, 64 C.R. (3d) 193, 43 C.R.R. 252, rejetant l'appel de l'appelant contre sa déclaration de culpabilité sur une accusation de complot en vue d'importer un stupéfiant. Pourvoi accueilli, les juges L'Heureux‑Dubé et McLachlin sont dissidentes.

Keith E. Wright et Marc Rosenberg, pour l'appelant.

J. E. Thompson et R. W. Hubbard, pour l'intimée.

//Le juge Sopinka//

Version française du jugement du juge en chef Dickson, du juge en chef Lamer et des juges La Forest, Sopinka et Gonthier rendu par

LE JUGE SOPINKA — Ce pourvoi s'inscrit dans une série de pourvois que la Cour a entendus ensemble et qui portent sur divers aspects du droit applicable à l'interception de communications privées (ci‑après "l'écoute électronique"). Les autres affaires sont les pourvois Dersch c. Canada (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 000; R. c. Lachance, [1990] 2 R.C.S. 000; R. c. Zito, [1990] 2 R.C.S. 000. Le présent pourvoi tranche plusieurs questions découlant de l'ouverture du paquet scellé. Les principales visent les moyens de contestation de la validité des autorisations, la révision convenable des affidavits en matière d'écoute électronique et le contre‑interrogatoire sur l'affidavit invoqué à l'appui d'une autorisation.

Les faits

L'appelant et quatre autres personnes (Scibetta, Criminisi, Vanderkooy et Allen) ont été accusés de complot en vue d'importer un stupéfiant (cocaïne). Les principaux éléments de preuve étaient les suivants: a) l'interception de communications privées, dont plusieurs entre Garofoli à Hamilton et Frank Savasta en Floride; b) le témoignage d'Earl Smith, embauché par Savasta pour transporter trois kilos de cocaïne de la Floride à Hamilton en novembre 1983; c) le témoignage de Biebuyck, concernant l'achat d'une quantité de cocaïne par Vanderkooy en novembre ou décembre 1983, sa vente ultérieure et la remise d'une partie des profits à Scibetta; et d) la preuve confirmant la présence à Hamilton de Smith en novembre 1983 et de Savasta en janvier 1984.

La Cour d'appel a décidé que le jury serait justifié de conclure à l'existence des faits suivants. À Hamilton, Garofoli s'est entendu avec Savasta, en Floride, pour acheter trois kilos de cocaïne. Le 20 novembre 1983, Criminisi et Allen sont allés en Floride en avion et ont versé à Savasta 20 000 $ du prix total de 61 000 $ pour trois kilos de cocaïne. Criminisi a loué une voiture et la cocaïne a été placée dans la roue de secours. Smith et Allen se sont rendus en voiture à Buffalo où Smith devait recevoir le solde du prix d'achat. Smith et Allen ont pris une chambre d'hôtel à Buffalo et Scibetta est venu les y rejoindre. Il a été décidé que Smith traverserait la frontière avec la voiture. Après avoir passé la frontière, Smith et Allen ont pris une chambre à un hôtel de Hamilton tôt le matin du 23 novembre. Plus tard dans la matinée, Criminisi et Scibetta les ont rejoints à l'hôtel. Scibetta a retiré la roue de secours du coffre arrière de la voiture louée, l'a mise dans sa voiture et est parti. Smith, Criminisi et Allen sont allés au M & R Auto Body Shop et y ont retrouvé Garofoli et d'autres. Ils ont remisé la voiture à cet endroit et ont retiré les plaques de la Floride.

Smith est resté à Hamilton pour tenter de percevoir le solde du prix d'achat. Vers le 27 novembre, Criminisi lui a versé 10 000 $ de plus. Quelques jours plus tard, Smith, Criminisi et Allen sont allés au domicile de Garofoli pour discuter du solde. Ils ont téléphoné au bureau de Savasta en Floride d'une cabine téléphonique voisine. Criminisi s'est d'abord entretenu avec Savasta. Garofoli a ensuite parlé à Savasta, lui disant qu'on pouvait lui faire confiance qu'il paierait le solde. Alors qu'il parlait à Savasta, il a remis 4 790 $ à Criminisi qui les a remis à Smith. Smith a ensuite parlé à Savasta qui lui a dit de revenir en Floride.

À la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre 1983, Vanderkooy et Biebuyck se sont rendus en voiture au M & R Body Shop. Vanderkooy est entré dans l'établissement, en est sorti avec Scibetta et a montré sa voiture du doigt. Vanderkooy et Biebuyck sont repartis et revenus environ une demi‑heure plus tard. Vanderkooy est encore entré dans l'établissement, il en est ressorti et s'est rendu en voiture au domicile de Biebuyck où il a retiré du coffre de sa voiture un paquet contenant un kilo de cocaïne. La cocaïne a été partagée en paquets d'une once chacun. La plupart ont été vendus et une partie des profits a été remise à Scibetta.

Après le retour de Smith en Floride, Savasta a téléphoné plusieurs fois à Garofoli concernant le paiement de la somme. En janvier 1984, Savasta est venu à Hamilton où il a rencontré Garofoli.

Au cours de l'enquête, quatre ordonnances autorisant l'interception de communications privées ont été rendues. Elles ont été accordées les 26 septembre, 29 septembre, 21 novembre et 30 décembre 1983 par des juges de la Haute Cour de justice de la Cour suprême de l'Ontario. La preuve de la participation de Garofoli dans le complot provient en grande partie des communications privées interceptées en vertu de ces autorisations. Il s'agit notamment de conversations téléphoniques au cours desquelles il était ostensiblement question de l'importation de diverses automobiles et de bijoux, qu'on a demandé au jury de considérer comme des références à la cocaïne.

À la fin d'un voir‑dire sur la recevabilité des communications interceptées, le juge du procès a refusé d'ordonner l'ouverture des paquets scellés contenant les affidavits sur la foi desquels les ordonnances avaient été rendues et il a statué que la preuve obtenue par écoute électronique était recevable. L'appelant n'a pas comparu à l'audience le jour suivant. On a ajourné le procès pour tenter de savoir où il se trouvait. Lorsqu'on a compris qu'aucune explication ne justifiait son absence, le juge saisi de l'affaire a décerné un mandat d'arrestation. Conformément à l'art. 431.1 du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, le juge du procès a conclu qu'il s'était esquivé et il a ordonné que le procès se poursuive en son absence. On a permis alors à l'avocat de l'appelant de se retirer du dossier.

L'appelant a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité et de la sentence en invoquant de multiples moyens en Cour d'appel de l'Ontario. Celle‑ci a rejeté l'appel de la déclaration de culpabilité mais a accueilli l'appel de la sentence.

Les décisions des juridictions inférieures

La Cour d'appel (1988), 41 C.C.C. (3d) 97

Le juge Martin avec l'appui du juge Cory

Le premier moyen d'appel examiné par la cour était de savoir si le juge du procès avait commis une erreur en refusant à l'appelant l'accès aux affidavits en vertu desquels les autorisations avaient été accordées. Le juge du procès avait décidé que l'appelant n'avait pas présenté les éléments de preuve nécessaires pour obtenir un droit d'accès, ni établi que le refus de l'accès contrevenait à l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le juge du procès a rendu sa décision avant le dépôt de l'arrêt R. v. Playford (1987), 40 C.C.C. (3d) 142 (C.A. Ont.), qui décidait qu'un accusé peut généralement avoir accès, de plein droit, au paquet scellé. La Cour d'appel a elle‑même ouvert les paquets scellés en application de l'al. 610(1)a) du Code criminel pour déterminer s'il y avait eu erreur judiciaire grave. Les affidavits ont été révisés comme le demandait le substitut du procureur général pour protéger les informateurs et ont ensuite été remis à l'appelant.

Il y avait une contradiction dans les dates contenues dans les documents relatifs à l'autorisation du 21 novembre. La Cour d'appel, conformément à l'al. 610(1)b) du Code criminel, a entendu le témoignage de Roderick Flaherty, le fonctionnaire désigné par le solliciteur général pour demander l'autorisation, et du commissaire à l'assermentation. Flaherty a été contre‑interrogé par l'avocat de l'appelant. La Cour d'appel était convaincue que cette contradiction dans les dates résultait d'une erreur d'écriture.

Le juge Martin a ensuite examiné le droit applicable à la révision des ordonnances autorisant l'interception de communications privées. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, a décidé qu'une autorisation qui n'a pas été infirmée ne peut faire l'objet d'une attaque indirecte, mais doit recevoir son plein effet. Une autorisation peut être annulée s'il y a fraude, non‑divulgation importante, déclaration trompeuse ou découverte de nouveaux éléments de preuve qui démontrent que les faits réels sont différents de ceux en vertu desquels l'autorisation a été accordée. La demande d'annulation de l'autorisation (une "demande de type Wilson") doit être présentée devant le tribunal qui a autorisé les interceptions, mais pas nécessairement devant le même juge. Le juge Martin a souligné que la décision rendue en vertu d'une demande de type Wilson ne peut faire l'objet d'un appel direct. Il a cependant indiqué qu'il y aurait lieu de conserver un dossier concernant la demande de type Wilson qui pourrait être produit devant le juge du procès. Le ministère public ou l'accusé pourrait alors porter en appel la décision rendue sur la demande de type Wilson dans le cadre d'un appel de l'acquittement ou de la déclaration de culpabilité.

Le juge Martin a ensuite examiné l'effet de la Charte sur la révision des autorisations d'écoute électronique. À son avis, la Charte n'étend pas les moyens, formulés dans l'arrêt Wilson, qui peuvent fonder une ordonnance portant annulation d'une autorisation. Cependant, la Charte modifie le pouvoir d'un juge du procès de vérifier le bien fondé de l'autorisation. Si, au procès, l'accusé allègue que l'autorisation constitue une perquisition ou une saisie abusive et contrevient donc à l'art. 8 de la Charte, le juge du procès doit entendre les arguments ou recevoir les éléments de preuve sur ce point et se prononcer sur la légalité de l'interception. Le juge du procès n'a pas nécessairement le pouvoir d'annuler une autorisation lorsque, par exemple, les conditions formulées dans l'arrêt Wilson ne sont pas respectées. Mais il peut, sans annuler l'ordonnance, décider que les conditions légales nécessaires pour accorder l'autorisation n'ont pas été respectées et que l'interception constitue une perquisition ou une saisie abusive en violation de l'art. 8.

Toutefois la conclusion que l'interception constitue une perquisition abusive n'aura pas nécessairement pour effet l'exclusion des éléments de preuve. Si l'autorisation n'a pas été annulée par suite d'une demande de type Wilson, les éléments de preuve ne peuvent être écartés que si le juge du procès décide, en vertu du par. 24(2) de la Charte, que l'utilisation de la preuve serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Le juge Martin ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si le par. 24(1) pourrait être invoqué pour annuler une autorisation.

Le juge Martin a ensuite examiné le droit américain en matière de demandes d'autorisation de surveillance électronique. En vertu du Titre III de l'Omnibus Crime Control and Safe Streets Act, 18 U.S.C. {SS} {SS} 2510 à 2520 (1988), un juge du procès peut supprimer le contenu de toute communication électronique ou orale interceptée pour le motif notamment que la communication a été interceptée illégalement. Quant à l'examen de la conformité des affidavits avec le Code criminel pour déterminer le caractère raisonnable d'une perquisition et d'une saisie en vertu de l'art. 8 de la Charte, il a exprimé son accord sur deux décisions américaines en particulier. Premièrement, l'arrêt United States v. Tufaro, 593 F. Supp. 476 (S.D.N.Y. 1983) a décidé qu'une ordonnance d'interception comporte une présomption de validité. On en défère à la décision du juge qui a ordonné l'interception en ce qu'on exige seulement un [TRADUCTION] "fondement solide" à la conclusion qu'il existe un motif probable. Deuxièmement, l'arrêt People v. Baris, 500 N.Y.S. 2d 572 (A.D. 4 Dept. 1986), a décidé que, pour démontrer la nécessité de la surveillance électronique (semblable à l'exigence des al. 178.12(1)g) et 178.13(1)b)), il faut partir du principe, inspiré par le bon sens, que l'écoute de communications privées ne devrait pas devenir une première étape de routine dans les enquêtes de police mais que les policiers ne devraient pas non plus être tenus d'établir qu'il s'agit d'un moyen de dernier ressort.

Le juge Martin s'est également dit d'accord avec le droit américain quant à la vérification de l'affidavit pour contester la véracité des affirmations qu'il contient. La Cour suprême des États‑Unis dans Franks v. Delaware, 438 U.S. 154 (1978), a décidé que le Quatrième amendement exige une audition de la preuve si l'accusé apporte une solide démonstration préliminaire que le déposant a fait une fausse déclaration volontairement ou inconsidérément sans aucun égard à la vérité et que la déclaration était nécessaire pour conclure à l'existence d'un motif probable. Si à l'audition on fait la preuve du parjure ou du caractère inconsidéré de la déclaration, par la prépondérance de la preuve, et que le reste de l'affidavit est insuffisant pour établir un motif probable, le mandat doit alors être jugé nul et les résultats de la recherche doivent être écartés. Le juge Martin a souligné que la Cour suprême des États‑Unis a statué que, dans ce contexte, la véracité n'est pas équivalente à l'exactitude. Un mandat peut être fondé sur du ouï‑dire, des déclarations d'informateurs, etc. L'affidavit doit seulement être véridique en ce sens que le déposant a cru ou a correctement accepté comme vrais les renseignements présentés.

Appliquant ces conclusions aux faits en l'espèce, le juge Martin a décidé quant à la suffisance apparente des affidavits que (1) la révision des affidavits n'avait pas compromis la capacité de l'avocat d'évaluer leur contenu pour se prononcer sur leur validité apparente; (2) les affidavits donnaient suffisamment d'indications de la fiabilité d'un informateur dont les déclarations constituaient certains des faits exposés dans l'affidavit; et (3) les affidavits présentaient largement assez de faits pour satisfaire aux exigences constitutionnelles d'une perquisition et d'une saisie raisonnables.

Quant à la véracité des affidavits, le juge Martin a décidé que l'appelant n'avait aucunement démontré de façon préliminaire que le déposant avait fait volontairement, intentionnellement ou inconsidérément, une fausse déclaration dans son affidavit à l'appui des autorisations. Dans sa demande de contre‑interrogatoire du déposant, l'appelant avait contesté dans les affidavits la véracité des déclarations fournies par un informateur. Nous y reviendrons plus en détail ci‑après. Le juge Martin a décidé que l'appelant n'avait pas établi les éléments nécessaires pour donner ouverture à enquête. Même si l'informateur avait fait erreur ou menti, rien n'indiquait que l'agent Campbell avait fait une fausse déclaration sciemment et intentionnellement ou inconsidérément sans égard à la vérité. L'appelant n'a donc pu contre‑interroger l'agent Campbell.

Le juge Martin a conclu que le refus du juge du procès de permettre à l'appelant d'avoir accès aux affidavits ne constituait pas une erreur judiciaire grave.

Parmi les autres questions soulevées par l'appelant, on trouve l'argument selon lequel les directives du juge étaient insuffisantes quant à l'appréciation du témoignage des témoins Smith et Biebuyck. Le juge du procès a souligné qu'il était pertinent de tenir compte de leur casier judiciaire pour évaluer leur crédibilité, qu'ils étaient coauteurs de complots et qu'il serait prudent d'avoir des éléments de preuve confirmatifs. Il a dit plus tard que leur crédibilité était cruciale à la thèse du ministère public et que même s'ils témoignaient dans leur propre intérêt il était d'avis qu'ils ne mentaient pas. Il a ensuite détaillé les éléments de preuve indépendants qui confirmaient la majeure partie du témoignage de Smith.

Le juge Martin a conclu qu'il aurait été préférable que le juge du procès n'affirme pas catégoriquement qu'à son avis Smith et Biebuyck ne mentaient pas. Mais il a décidé que cela ne constituait pas une erreur donnant lieu à révision compte tenu de l'abondance des éléments de preuve indépendants et confirmatifs.

Une autre question soulevée était de savoir s'il y avait suffisamment de preuve que l'appelant s'était esquivé au sens de l'art. 431.1 du Code criminel. Le juge Martin a décidé que s'esquiver signifie s'absenter volontairement d'un procès en vue d'en retarder le déroulement ou d'en éviter les conséquences. Il a décidé en outre que le juge du procès ne s'était pas trompé à cet égard. Il était évident qu'il appartenait au ministère public d'établir que l'appelant s'était esquivé bien qu'il n'ait pas été clair s'il fallait en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités ou hors de tout doute raisonnable. Le juge Martin a décidé que, même en supposant qu'il faille en faire la preuve hors de tout doute raisonnable, la preuve non contestée était largement suffisante pour satisfaire à ce critère. Le juge Martin a souligné l'importance du moment précis de la disparition de l'appelant (immédiatement après que la preuve de l'écoute électronique eut été jugée recevable) et le fait que, au moment de la détermination de la peine, son avocat avait reconnu que l'appelant s'était esquivé.

Le juge Martin a rejeté l'argument que la majeure partie de la preuve à cet égard était du ouï‑dire et qu'il n'y avait donc aucun fondement en preuve à la conclusion du juge du procès. Citant McCormick on Evidence (3e éd. 1984), aux pp. 743 et 744, il a conclu que les résultats négatifs des enquêtes comme celles menées en l'espèce sont considérés ne pas constituer du ouï‑dire et que, quoi qu'il en soit, la preuve recevable était largement suffisante pour conclure que l'appelant s'était esquivé. Le juge Martin a décidé que, ayant correctement conclu que l'appelant s'était esquivé, le juge du procès n'avait pas commis d'erreur en invitant le jury à tirer une conclusion préjudiciable à l'accusé. Le juge du procès n'avait pas commis d'erreur non plus en exerçant son pouvoir discrétionnaire pour continuer le procès en l'absence de l'appelant et de son avocat, qui s'était régulièrement retiré du dossier.

Je ne traite pas de l'analyse qu'a faite le juge Martin des neuf autres moyens d'appel.

Le juge Finlayson (souscrivant aux motifs du juge Martin)

Le juge Finlayson a ajouté quelques commentaires sur les demandes de type Wilson. À son avis, l'arrêt Wilson ajoute peu à la compétence inhérente d'un tribunal de réviser ses ordonnances ex parte pour éviter d'être mis au service d'une fraude ou d'un abus de procédures judiciaires. La question est donc de savoir s'il est approprié d'exercer cette compétence inhérente lorsqu'un accusé visé par les communications interceptées dispose d'une réparation au procès en vertu de l'art. 8 et du par. 24(2) de la Charte.

Dans presque tous les litiges, la seule question d'intérêt pratique est la recevabilité au procès des communications privées interceptées. Pour éviter une double révision judiciaire et des décisions contradictoires, il est préférable que le juge qui entend les requêtes renvoie la demande de type Wilson au juge du procès. En matière civile, la pratique est d'ordonner enquête et audition de la question dans le cadre d'une requête quand des faits importants sont controversés. De même, en matière d'écoute électronique, le procès est le forum approprié pour l'audition de toutes les questions relatives à l'interception de communications privées, pour que ces questions puissent être pleinement traitées et décidées de façon définitive.

La législation pertinente

La Charte canadienne des droits et libertés, art. 7 et 8 et par. 24(1) et 24(2):

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

Le Code criminel

La partie IV.1 du Code criminel s'intitule "Atteintes à la vie privée". L'article 178.1 définit certains termes. Aux fins de la Partie IV.1, la définition du terme "infraction" est restreinte à une liste d'infractions graves prévues par le Code criminel, la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur les douanes, la Loi sur l'accise, la Loi sur la faillite, et la Loi sur les secrets officiels. Sont également visées les infractions prévues au Code criminel qui comportent une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus et les infractions prévues aux art. 3 à 20 de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, lorsqu'il y a des motifs de croire que des activités criminelles d'un type particulier sont pratiquées de concert par des personnes. Les dispositions pertinentes du Code sont les suivantes:

178.11 [maintenant 184] (1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de cinq ans, quiconque, au moyen d'un dispositif électromagnétique, acoustique, mécanique ou autre, intercepte volontairement une communication privée.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas

a) à une personne qui a obtenu, de l'auteur de la communication privée ou de la personne à laquelle son auteur la destine, son consentement exprès ou tacite à l'interception;

b) à une personne qui intercepte une communication privée en conformité d'une autorisation ni à une personne qui, de bonne foi, aide de quelque façon une autre personne qu'elle croit, en se fondant sur des motifs raisonnables et probables, agir en conformité d'une telle autorisation;

. . .

178.12 [maintenant 185] (1) Une demande d'autorisation doit être présentée ex parte et par écrit à un juge d'une cour supérieure de juridiction criminelle, ou à un juge défini à l'article 482 [maintenant 552], et être signée par le procureur général de la province où la demande est présentée ou par le solliciteur général du Canada ou par un mandataire spécialement désigné par écrit aux fins du présent article par

a) le solliciteur général du Canada lui‑même, si l'infraction faisant l'objet de l'enquête est une infraction pour laquelle des poursuites peuvent, le cas échéant, être engagées sur l'instance du gouvernement du Canada et conduites par le procureur général du Canada ou en son nom, ou

b) le procureur général d'une province lui‑même, pour toute autre infraction se situant dans cette province,

et il doit y être joint une déclaration assermentée d'un agent de la paix ou d'un fonctionnaire public pouvant être faite sur la foi de renseignements tenus pour véridiques et indiquant ce qui suit:

c) les faits sur lesquels le déclarant se fonde pour justifier qu'à son avis il y a lieu d'accorder une autorisation, ainsi que les détails relatifs à l'infraction;

d) le genre de communication privée que l'on se propose d'intercepter;

e) les noms, adresses et professions, s'ils sont connus de toutes les personnes dont les communications privées devraient être interceptées du fait qu'on a des motifs raisonnables et probables de croire que cette interception pourra être utile à l'enquête relative à l'infraction et une description générale de la nature et de la situation du lieu, s'il est connu, où l'on se propose d'intercepter des communications privées et une description générale de la façon dont on se propose de procéder à cette interception;

e.1) [maintenant 185(1)f)] le nombre de cas, s'il y a lieu, où une demande a été faite en vertu du présent article au sujet de l'infraction ou de la personne nommée dans la déclaration assermentée conformément à l'alinéa e) et où la demande a été retirée ou aucune autorisation n'a été accordée, la date de chacune de ces demandes et le nom du juge auquel chacune a été présentée;

f) [maintenant 185(1)g)] la période pour laquelle l'autorisation est demandée; et

g) si d'autres méthodes d'enquête ont ou non été essayées, si elles ont ou non échoué, ou pourquoi elles paraissent avoir peu de chance de succès, ou si, étant donné l'urgence de l'affaire, il ne serait pas pratique de mener l'enquête relative à l'infraction en n'utilisant que les autres méthodes d'enquête.

. . .

178.13 [maintenant 186] (1) Une autorisation peut être donnée si le juge auquel la demande est présentée est convaincu

a) que l'octroi de cette autorisation servirait au mieux l'administration de la justice; et

b) que d'autres méthodes d'enquête ont été essayées et ont échoué, ou ont peu de chance de succès, ou que l'urgence de l'affaire est telle qu'il ne serait pas pratique de mener l'enquête relative à l'infraction en n'utilisant que les autres méthodes d'enquête.

(1.1) [maintenant 186(2)] Le juge auquel est faite une demande d'autorisation en vue d'intercepter des communications privées au bureau ou à la résidence d'un avocat, ou à tout autre endroit qui sert ordinairement à l'avocat ou à d'autres avocats pour la tenue de consultations avec des clients, doit refuser de l'accorder à moins qu'il ne soit convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'avocat, un autre avocat qui exerce le droit avec lui, un de ses employés, un employé de cet autre avocat ou une personne qui habite sa résidence est partie à l'infraction ou s'apprête à le devenir.

(1.2) [maintenant 186(3)] Le juge qui accorde l'autorisation d'intercepter des communications privées à un endroit décrit au paragraphe (1.1) doit y inclure les modalités qu'il estime opportunes pour protéger les communications sous le sceau du secret professionnel entre l'avocat et son client.

(2) [maintenant 186(4)] Une autorisation doit

a) indiquer l'infraction relativement à laquelle des communications privées pourront être interceptées;

b) indiquer le genre de communication privée qui pourra être interceptée;

c) indiquer, si elle est connue, l'identité des personnes dont les communications privées doivent être interceptées, décrire de façon générale le lieu où les communications privées pourront être interceptées, s'il est possible de donner une description générale de ce lieu, et une description générale de la façon dont les communications pourront être interceptées;

d) énoncer les modalités que le juge estime opportunes dans l'intérêt public; et

e) être valide pour la période de soixante jours au plus qui y est indiquée.

(2.1) [maintenant 186(5)] Le solliciteur général du Canada ou le procureur général, selon le cas, peut désigner une ou plusieurs personnes qui pourront intercepter des communications privées aux termes d'autorisations.

Les paragraphes (3) et (4) [maintenant 185(6) et (7)] traitent du renouvellement des autorisations.

178.14 [maintenant 187] (1) Tous les documents relatifs à une demande faite en application de l'article 178.12 ou des paragraphes 178.13(3) ou 178.23(3) sont confidentiels et, à l'exception de l'autorisation, doivent être placés dans un paquet scellé par le juge auquel la demande est faite dès qu'une décision est prise au sujet de cette demande; ce paquet doit être gardé par le tribunal, en un lieu auquel le public n'a pas accès ou en tout autre lieu que le juge peut autoriser et il ne doit pas

a) être ouvert et son contenu ne doit pas être enlevé, si ce n'est

(i) pour traiter d'une demande de renouvellement de l'autorisation, ou

(ii) en application d'une ordonnance d'un juge d'une cour supérieure de juridiction criminelle ou d'un juge défini à l'article 482; ni

b) être détruit, si ce n'est en application d'une ordonnance d'un juge mentionné au sous‑alinéa a)(ii).

(2) Une ordonnance prévue au paragraphe (1) ne peut être rendue qu'après que le procureur général ou le solliciteur général qui a demandé l'autorisation à laquelle les documents visés par l'ordonnance se rapportent, ou sur l'ordre de qui cette demande a été faite, a eu la possibilité de se faire entendre.

L'article 178.15 [maintenant 188] traite des autorisations accordées en cas d'urgence.

178.16 [maintenant 189] (1) Une communication privée qui a été interceptée est inadmissible en preuve contre son auteur ou la personne à laquelle son auteur la destinait à moins

a) que l'interception n'ait été faite légalement, ou

b) que l'auteur de la communication privée ou la personne à laquelle son auteur la destinait n'ait expressément consenti à ce qu'elle soit admise en preuve,

toutefois les preuves découlant directement ou indirectement de l'interception d'une communication privée ne sont pas inadmissibles du seul fait que celle‑ci l'est.

(2) Par dérogation au paragraphe (1), le juge ou le magistrat qui préside à une instance quelconque peut refuser d'admettre en preuve des preuves découlant directement ou indirectement de l'interception d'une communication privée qui est elle‑même inadmissible s'il est d'avis que leur admission en preuve ternirait l'image de la justice.

(3) Par dérogation au paragraphe (1), le juge ou magistrat qui préside à une instance quelconque peut déclarer admissible en preuve une communication privée qui serait irrecevable en vertu du paragraphe (1), s'il estime

a) qu'elle concerne un des points en litige; et

b) que l'irrecevabilité tient non pas au fond mais uniquement à un vice de forme ou de procédure dans la demande d'interception ou dans l'autorisation qui a été accordée à cet effet.

(3.1) [maintenant 189(4)] Les communications privées qui ont été interceptées et qui sont admissibles en preuve peuvent être admises dans toutes procédures civiles ou criminelles ou dans toute autre affaire qui relève de la compétence du Parlement du Canada que ces procédures ou affaires soient reliées ou non à l'infraction décrite dans l'autorisation qui a donné lieu à l'interception.

(4) [maintenant 189(5)] Une communication privée qui a été légalement interceptée ne doit être admise en preuve que si la partie qui a l'intention de la produire a donné au prévenu un préavis raisonnable de son intention de ce faire accompagné

a) d'une transcription de la communication privée, lorsqu'elle sera produite sous forme d'enregistrement, ou d'une déclaration donnant tous les détails de la communication privée, lorsque la preuve de cette communication sera donnée de vive voix; et

b) d'une déclaration relative à l'heure, à la date et au lieu de la communication privée et aux personnes y ayant pris part, si elles sont connues.

(5) [maintenant 189(6)] Tout renseignement obtenu par une interception et pour lequel, si ce n'était l'interception, il y aurait eu exemption de communication, demeure couvert par cette exemption et n'est pas admissible en preuve sans le consentement de la personne jouissant de l'exemption.

L'article 178.17 [maintenant 190] prévoit qu'un juge du tribunal devant lequel se tient ou doit se tenir le procès peut ordonner que des détails complémentaires soient fournis de la communication privée à mettre en preuve. L'article 178.18 [maintenant 191] prévoit que quiconque possède, vend ou achète un dispositif principalement utile à l'interception clandestine de communications privées est coupable d'une infraction, et prévoit des exceptions à l'utilisation de ces dispositifs en matière d'application de la loi. L'article 178.19 [maintenant 192] prévoit la confiscation du dispositif d'interception en plus de toute peine imposée à la suite d'une déclaration de culpabilité en vertu des art. 178.11 ou 178.18. L'article 178.2 [maintenant 192] prévoit que l'utilisation ou la divulgation volontaire du contenu des communications interceptées sans le consentement de l'auteur ou de la personne à qui l'auteur les destinait constitue une infraction, sauf dans des situations précises en matière de procédure judiciaire et d'application de la loi. L'article 178.21 [maintenant 194] permet au tribunal qui a déclaré un accusé coupable en vertu des art. 178.11 ou 178.2 de payer des dommages‑intérêts punitifs à la personne lésée qui en fait la demande. L'article 178.22 prévoit que le solliciteur général du Canada établit chaque année un rapport statistique des autorisations obtenues pour l'année. L'article 178.23 [maintenant 196] établit des exigences en matière d'avis qui s'ajoutent à celles du par. 178.16(4), de sorte qu'à l'intérieur d'une certaine période qui suit celle pour laquelle l'autorisation a été donnée ou renouvelée ou après qu'une enquête est terminée, les personnes dont les communications privées ont été interceptées sont avisées de cette interception.

Les questions en litige

L'appelant formule douze questions mais elles peuvent être résumées de la façon suivante:

1. Quels sont les droits d'un accusé à l'égard du paquet scellé?

2. Quels moyens un accusé peut‑il invoquer pour contester une autorisation d'écoute électronique et devant quel tribunal?

3. Quelle est la réparation appropriée?

4. Quelles exigences spéciales sont applicables lorsqu'on se fonde sur des renseignements d'informateurs pour obtenir une autorisation?

5. Quels sont les principes et les procédures applicables à la révision du contenu d'un paquet scellé?

6. L'accusé peut‑il contre‑interroger l'auteur de l'affidavit produit auprès du juge qui a accordé l'autorisation?

7. L'omission du juge qui a accordé l'autorisation de prévoir une clause de minimisation a‑t‑elle donné lieu à une perquisition et saisie abusives en contravention de l'art. 8 de la Charte?

8. L'accusé s'est‑il esquivé?

9. Le juge du procès a‑t‑il fait au jury une mise en garde appropriée concernant le témoignage des complices?

Les questions 2, 3 et 4 portent toutes sur le caractère suffisant des affidavits par rapport aux exigences requises pour obtenir une autorisation valide.

1. Quels sont les droits d'un accusé à l'égard du paquet scellé?

Le juge du procès a refusé d'ordonner l'accès compte tenu des décisions qui restreignent l'accès. Pour les motifs que j'ai exposés dans l'arrêt Dersch, ces décisions ne s'appliquent plus en raison des art. 7 et 8 de la Charte. L'accusé a droit à ce que le paquet soit ouvert et, sous réserve d'une révision, à ce que son contenu soit produit pour lui permettre de préparer une défense pleine et entière. La Cour d'appel a donc eu raison d'ouvrir les paquets scellés.

2. Quels moyens un accusé peut‑il invoquer pour contester une autorisation d'écoute électronique et devant quel tribunal?

Les exigences légales et constitutionnelles minimales

Le paragraphe 178.13(1) énonce les conditions légales qui doivent être établies avant qu'un juge accorde une autorisation:

178.13 (1) Une autorisation peut être donnée si le juge auquel la demande est présentée est convaincu

a) que l'octroi de cette autorisation servirait au mieux l'administration de la justice; et

b) que d'autres méthodes d'enquête ont été essayées et ont échoué, ou ont peu de chance de succès, ou que l'urgence de l'affaire est telle qu'il ne serait pas pratique de mener l'enquête relative à l'infraction en n'utilisant que les autres méthodes d'enquête.

Dans l'arrêt R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, notre Cour à la majorité a décidé que l'écoute électronique constitue une perquisition et une saisie au sens de l'art. 8 de la Charte. Les dispositions législatives qui les autorisent doivent donc se conformer aux exigences constitutionnelles minimales de l'art. 8. Le juge Dickson (avant d'être Juge en chef) les a formulées dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, comme "l'existence de motifs raisonnables et probables, établie sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition" (p. 168). Puisque l'écoute électronique est considérée porter davantage atteinte à la vie privée des personnes que la perquisition des lieux, il n'y a aucune raison d'envisager de lui appliquer des exigences moins sévères. En outre, le requérant doit satisfaire aux exigences de l'al. 178.13(1)b) quant aux autres méthodes d'enquête.

Dans l'arrêt R. v. Finlay and Grellette (1985), 23 C.C.C. (3d) 48 (C.A. Ont.), l'art. 178.13 a été contesté parce que ses conditions préalables n'étaient pas conformes aux exigences de l'art. 8. Le juge Martin de la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que l'article était constitutionnel et satisfaisait aux exigences de l'art. 8.

Cette conclusion a été confirmée par le juge La Forest dans l'arrêt R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30. Voici ce qu'il dit au nom de la majorité, à la p. 45:

[TRADUCTION] En effet, le juge doit être convaincu que d'autres méthodes d'enquête échoueraient certainement ou vraisemblablement et que l'autorisation est le meilleur moyen de servir l'administration de la justice. Comme le juge Martin dans l'affaire R. v. Finlay and Grellette, précitée, aux pp. 70 et suiv., j'estime que cette dernière condition comporte tout au moins l'exigence que le juge donnant l'autorisation soit convaincu de l'existence de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise ou est en voie de l'être et que l'autorisation sollicitée permettra d'obtenir une preuve de sa perpétration. Je tiens pour évident que les dispositions et les sauvegardes que comporte la Partie IV.1 du Code ont été conçues pour empêcher les organes de l'État d'intercepter des communications privées sur la foi d'un simple soupçon.

Le Parlement, à mon avis, a donc réussi à établir un juste équilibre. En assujettissant le pouvoir de l'État d'enregistrer nos communications privées à des restrictions externes et en exigeant que l'exercice de ce pouvoir soit justifié par l'application d'un critère objectif, le législateur a su satisfaire à la norme élevée fixée par la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.

Il en résulte que les exigences de l'al. 178.13(1)a) sont identiques aux exigences constitutionnelles. Le juge qui accorde l'autorisation doit donc être convaincu, au vu de la preuve par affidavit, que ces conditions ont été remplies.

La contestation de l'autorisation

L'état actuel du droit en matière de contestation de la recevabilité d'une preuve recueillie par écoute électronique est un fouillis procédural. Les diverses procédures existantes ont fini par prendre le nom de l'affaire dans laquelle elles ont été invoquées.

Il y a d'abord le "voir‑dire de type Parsons", selon l'arrêt R. v. Parsons (1977), 37 C.C.C. (2d) 497 (C.A. Ont.); conf. par [1980] 1 R.C.S. 785, sub nom. Charette c. La Reine. Le but de cette audience tenue devant le juge du procès est de répondre à des questions telles la validité apparente de l'autorisation, le respect par les policiers qui ont pratiqué l'interception des conditions de l'autorisation et le respect des exigences légales, comme l'avis raisonnable. La réparation est l'exclusion en vertu de l'art. 178.16. Le deuxième moyen de contestation est la "demande de type Wilson". Cette audience se tient devant le tribunal qui a accordé l'autorisation pour déterminer si l'affidavit est valide quant au fond. La réparation est l'annulation de l'autorisation. Le troisième moyen est une "audience de type Garofoli". Il s'agit d'une audience devant le juge du procès, qui a pour objet de déterminer si l'autorisation est conforme à l'art. 8 de la Charte. La réparation est une décision en vertu du par. 24(2) de la Charte. Le quatrième et dernier moyen est une "audience de type Vanweenan", selon le nom d'un des appelants dans l'arrêt R. c. Chesson, [1988] 2 R.C.S. 148. Il s'agit encore d'un voir‑dire tenu devant le juge du procès, mais en vue de déterminer si l'autorisation identifie toutes les personnes "connu[es]" comme l'exigent les al. 178.12(1)e) et 178.13(2)c). La réparation est encore une fois l'exclusion en vertu de l'art. 178.16.

La réunion des audiences de type Parsons, Garofoli et Vanweenan ne présente aucune difficulté et est conforme à l'opinion de notre Cour que toutes les questions qui portent sur la conduite du procès devraient relever du juge du procès. Une question plus difficile se pose quant aux demandes de type Wilson et Garofoli. Il serait très souhaitable qu'elles puissent relever du juge du procès de sorte que toutes les questions relatives à la recevabilité de la preuve recueillie en application d'une autorisation pourraient être traitées en même temps et au procès. Pour en déterminer la possibilité, il faut examiner l'arrêt Wilson c. La Reine, précité, de notre Cour et les effets de l'art. 8 de la Charte sur son application.

L'arrêt Wilson précité, portait sur des autorisations accordées par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba en apparence valides et pour lesquelles les paquets scellés n'avaient pas été ouverts. Le juge du procès (la Cour provinciale) avait décidé que les éléments de preuve recueillis par écoute électronique étaient irrecevables compte tenu du témoignage donné par l'auteur de l'affidavit en contre‑interrogatoire, qui entrait en conflit avec l'exigence légale d'établir que d'autres méthodes d'enquête avaient échoué ou avaient peu de chance de succès. La Cour d'appel avait ordonné la tenue d'un nouveau procès. La Cour suprême du Canada a confirmé cette décision. Notre Cour était unanime quant au résultat, mais le juge McIntyre (avec l'appui du juge en chef Laskin et du juge Estey) et le juge Dickson (avant d'être Juge en chef; avec l'appui du juge Chouinard) ont présenté des motifs assez différents.

Le juge McIntyre a conclu qu'une ordonnance judiciaire demeure valide à moins d'être infirmée en appel ou légalement annulée. En matière d'écoute électronique, le Code criminel n'accorde aucun droit d'appel et il n'y a aucune possibilité d'annuler l'ordonnance au moyen d'un bref de certiorari parce qu'il n'est pas question de la compétence. La règle générale est qu'une ordonnance judiciaire ne peut faire l'objet d'une attaque indirecte, c'est‑à‑dire une attaque dans une procédure autre que celle dont l'objet est de modifier l'ordonnance judiciaire. Dans cette affaire, la décision du juge du procès équivalait à une attaque indirecte contre l'ordonnance d'une cour (supérieure). La décision du juge du procès devrait se limiter aux vices ou irrégularités apparents de l'autorisation. Le contrôle de l'autorisation quant au fond doit être fait par le juge (ou le tribunal) qui a accordé l'ordonnance. Le juge McIntyre a justifié cette opinion en affirmant qu'en matière civile le tribunal qui a rendu l'ordonnance peut procéder à une révision inter partes de ses ordonnances ex parte. Dans un tel cas, le tribunal peut annuler l'ordonnance si les faits à l'appui desquels l'autorisation a été accordée sont différents des faits prouvés à l'occasion d'une révision inter partes.

Le juge Dickson a décidé que le juge du procès peut vérifier une autorisation en apparence valide, mais qu'en l'espèce le juge était intervenu de manière irrégulière parce qu'il n'avait pas accès au paquet scellé pour se prononcer sur la légalité de l'autorisation. Le juge Dickson a accepté la règle générale contre les attaques indirectes, mais a décidé que le Parlement l'avait modifiée en l'espèce par une disposition législative. Le paragraphe 178.16(1) prévoit qu'en l'absence de consentement la preuve d'une communication privée ne peut être admise que si elle est légale. L'alinéa 178.16(3)b) confère au juge du procès le pouvoir discrétionnaire d'admettre des interceptions illégales si le processus d'autorisation ne comporte pas de vice de fond. Le corollaire de cette affirmation est qu'il n'existe pas de pouvoir discrétionnaire quant aux vices de fond. Si l'ordonnance judiciaire était définitive, la disposition réparatrice 178.16(3)b) ne serait pas nécessaire; le juge du procès est donc légalement tenu d'examiner la validité de l'autorisation quant au fond. En statuant ainsi, le juge Dickson a réfuté les raisons de principe données pour restreindre l'examen du juge du procès à la validité apparente de l'autorisation. Il a soutenu que l'ordonnance d'une autre cour pourrait être déclarée illégale, sans manquer de respect envers cette cour, mais en mettant simplement en doute la preuve ayant servi de fondement à la décision de cette cour. Il a en outre exprimé l'avis que les préoccupations quant aux violations du caractère confidentiel des documents pouvaient être réglées par révision judiciaire des textes.

Le juge Dickson a conclu que, puisque le juge du procès doit vérifier le fond de l'autorisation, il sera nécessaire dans la plupart des cas d'ouvrir le paquet scellé. Le juge Dickson n'a fait aucune remarque sur les décisions qui imposent des conditions sévères à l'ouverture du paquet, car en l'espèce la preuve était largement suffisante pour établir l'existence de déclarations trompeuses. Il a conclu que le juge du procès ne pouvait convenablement décider si les interceptions avaient été faites légalement sans examiner le contenu des paquets. Le juge Dickson a également conclu que, conformément à un examen de fond de l'autorisation, l'accusé doit avoir la possibilité de contre‑interroger le déposant. L'interrogatoire doit porter sur la question de savoir si l'autorisation a été régulièrement obtenue, sans divulguer les renseignements qui doivent demeurer confidentiels.

Le juge Dickson a souligné que, dans cette affaire, le juge du procès ne faisait pas partie des catégories définies à l'art. 178.14 et n'était donc pas lui‑même autorisé à ouvrir le paquet. Dans un tel cas, le procès doit être ajourné pour permettre à l'accusé de demander au tribunal compétent d'ouvrir le paquet, ce qu'il peut à son tour accepter ou refuser de faire dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. L'examen au fond de l'autorisation relève toutefois du juge du procès.

Dans l'arrêt R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S 1764, on a récemment demandé à notre Cour de réexaminer l'arrêt Wilson, précité. Le juge McIntyre, au nom de notre Cour, a fait les remarques suivantes, à la p. 1771:

On a dit que cela avait suscité de la confusion et des retards et que le juge du procès, à titre de juge du procès et indépendamment de son statut, devrait avoir pleins pouvoirs pour ouvrir le paquet scellé et réviser l'ordonnance de la Haute Cour, et rendre toutes les décisions nécessaires. Il peut bien être exact que cette procédure accélèrerait le processus et dissiperait une certaine confusion. Ce n'est cependant pas une procédure prescrite par le Parlement et, sous réserve d'arguments relatifs à l'application de la Charte canadienne des droits et libertés, j'estime qu'il n'est pas loisible aux tribunaux de passer outre aux dispositions de la partie IV.1 du Code criminel. S'il y a confusion et retards dans ce domaine, ils résultent du Code criminel lui‑même et, sous réserve de ce que j'ai déjà dit, c'est au Parlement qu'il appartient d'apporter des modifications. [Je souligne.]

Dans l'extrait précité, le juge McIntyre reconnaît que l'application de la Charte peut avoir un effet sur la conclusion de l'arrêt Wilson. À mon avis, lorsqu'un accusé fait valoir qu'une écoute électronique contrevient à l'art. 8, une révision adéquate devient incompatible avec les restrictions apportées par l'arrêt Wilson. Le juge siégeant en révision doit entendre les témoins et les arguments pour déterminer si l'interception constitue une perquisition ou saisie abusive. Dans la mesure où la question porte sur la recevabilité de la preuve, elle peut être soulevée au procès. En vertu de l'art. 24 de la Charte, le juge du procès est un tribunal compétent. Dans l'arrêt Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863, le juge McIntyre, parlant des tribunaux ayant compétence en matière pénale autres que les cours supérieures, a affirmé, à la p. 955:

Ces tribunaux constitueront des tribunaux compétents chaque fois que la loi leur confère compétence à l'égard des infractions et des personnes en question et les autorise à rendre les ordonnances demandées. Il est à espérer que les juges du procès sauront, le cas échéant, faire preuve d'imagination en inventant des réparations adaptées aux besoins de chaque cas. Toutefois, ces réparations n'en demeurent pas moins assujetties aux restrictions imposées par la Constitution, c'est‑à‑dire qu'elles doivent relever du pouvoir en matière criminelle. Une demande de réparation en vertu du par. 24(1) présentée au cours du procès sera du ressort de ces tribunaux en tant qu'accessoire nécessaire du procès.

Une opposition à l'utilisation de la preuve constitue très certainement un accessoire nécessaire du procès. Le juge du procès devant qui une preuve recueillie par écoute électronique est présentée doit se prononcer sur une opposition qui allègue la violation des droits constitutionnels de l'accusé. Il a compétence et il ne peut refuser de statuer.

Il est vrai que la procédure d'une demande de type Wilson visait à combiner une demande d'ouverture du paquet et une demande de révision de son contenu pour établir la validité légale de l'autorisation. On a laissé entendre qu'il s'agissait de la procédure appropriée dans l'arrêt Wilson. Cependant, rien dans le sous‑al. 178.14(1)a)(ii) n'exige que l'examen du contenu du paquet scellé soit fait par le juge mentionné cette disposition. Celle‑ci porte exclusivement sur l'ouverture du paquet et ne vise pas à permettre la révision de son contenu. Le fondement de la révision dans l'arrêt Wilson était la compétence générale des tribunaux d'annuler leurs propres ordonnances, soit au moyen d'une action devant la Haute Cour soit au moyen d'une requête en annulation d'une ordonnance ex parte. Le recours à cette compétence comporte les restrictions inhérentes à son exercice tant en ce qui concerne les moyens disponibles qu'en ce qui concerne les attaques indirectes des ordonnances judiciaires. Ces restrictions sont expliquées en détail dans l'arrêt Wilson. La Charte présente clairement un autre fondement au recours judiciaire ainsi que les moyens appropriés pour déterminer s'il y a eu violation de l'art. 8.

Par conséquent, bien que les demandes d'ouverture du paquet doivent, en raison des termes explicites de l'article, être présentées à un juge mentionné dans la disposition, les demandes de révision devraient être présentées au juge du procès. Cela permettrait d'atteindre l'objectif souhaitable de laisser toutes les questions concernant la recevabilité de la preuve d'écoute électronique au juge du procès.

En outre, cela écarterait toute incertitude quant au droit d'appel contre une décision qui a écarté ou admis la preuve. Le juge Martin, dans ses motifs en l'espèce, s'est dit inquiet de l'absence de droit d'appel lorsque l'autorisation est annulée au cours d'une audience préliminaire. J'irais plus loin et je mettrais en doute le droit d'interjeter appel de la décision du juge du procès qui a admis ou écarté la preuve à la suite de l'ordonnance d'un juge dans le cadre d'une demande de type Wilson. Puisque le juge du procès ne peut remettre en question la décision rendue dans une demande de type Wilson, je ne vois pas comment on peut démontrer que le juge du procès a commis une erreur en l'acceptant. Le juge Martin mentionne les arrêts R. v. Bailey (1983), 4 C.C.C. (3d) 21 (C.A. Ont.), et R. v. Banas and Haverkamp (1982), 65 C.C.C. (2d) 224 (C.A. Ont.), pour justifier qu'un appel puisse être interjeté d'un acquittement. Ces arrêts ne portaient pas sur une demande de type Wilson et, dans chaque cas, le juge du procès avait rendu une décision quant à la recevabilité de la preuve qui était susceptible de contestation en raison d'une erreur de droit. Dans l'arrêt R. v. Bailey, précité, le juge Morden a formulé le critère applicable à l'appel d'un acquittement de la façon suivante, à la p. 24:

[TRADUCTION] Pour avoir gain de cause dans un appel interjeté contre l'acquittement en vertu du par. 613(4) du Code criminel, le ministère public doit convaincre la cour d'appel que le juge du procès a commis une erreur et que le résultat n'aurait pas nécessairement été le même s'il n'avait pas commis cette erreur: R. v. McMillan (1975), 23 C.C.C. (2d) 160, 7 O.R. (2d) 750, 20 C.R.N.S. 191, et Vezeau v. The Queen (1976), 28 C.C.C. (2d) 81, 66 D.L.R. (3d) 418, [1977] 2 R.C.S. 277.

Les termes de l'art. 178.14 (maintenant l'art. 187) vont continuer à exiger qu'une demande d'ouverture du paquet soit présentée devant un juge mentionné dans cette disposition. Dans certains cas, il ne s'agira pas du juge du procès. J'ai mentionné dans l'arrêt Dersch qu'il est souhaitable qu'une modification législative soit apportée pour permettre au juge du procès d'ordonner l'ouverture du paquet.

Les moyens de révision

Dans l'arrêt R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, le juge Lamer (aujourd'hui Juge en chef) a formulé le critère fondamental pour déterminer le caractère raisonnable d'une perquisition ou d'une fouille en vertu de l'art. 8 de la Charte. Il a affirmé, à la p. 278:

Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle‑même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été effectuée d'une manière abusive.

Dans l'arrêt Hunter c. Southam, précité, notre Cour a formulé les exigences fondamentales quant aux autorisations préalables. Dans l'arrêt Duarte, précité, notre Cour a décidé que l'al. 178.13(1)a) est conforme à ces normes et qu'avant d'accorder une autorisation un juge doit être convaincu par affidavit qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire que:

a) un crime particulier a été commis ou est commis;

b) l'interception de la communication privée en question en procurera une preuve.

Pour conclure que la perquisition ou la fouille est permise par la loi, le juge qui siège en révision doit donc conclure que ces conditions ont été respectées. S'il conclut qu'elles ne l'ont pas été, la perquisition ou la fouille n'est donc pas autorisée par la loi et elle est illégale. Par conséquent, pour que le juge qui siège en révision détermine, comme il est tenu de le faire, s'il y a eu violation de l'art. 8, il doit déterminer si les dispositions du Code ont été respectées. Cela résulte inévitablement de ce que les conditions légales sont identiques aux exigences de l'art. 8. L'arrêt Wilson ne permettait pas de réviser la décision du juge ayant accordé l'autorisation selon laquelle les conditions légales avaient été respectées, sauf lorsque étaient établis des moyens tels la fraude ou la découverte de nouveaux éléments de preuve; par contre, l'application de l'art. 8 exige la révision comme étape de la décision relative au caractère raisonnable de la fouille, de la perquisition et de la saisie.

Bien que le juge qui exerce ce pouvoir relativement nouveau ne soit pas tenu de se conformer au critère de l'arrêt Wilson, il ne devrait pas réviser l'autorisation de novo. La façon appropriée est établie dans les motifs du juge Martin en l'espèce. Il affirme, à la p. 119:

[TRADUCTION] Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la perquisition, la fouille ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non‑divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.

3. Quelle est la réparation appropriée?

Lorsque le juge siégeant en révision décide que l'interception n'a pas été faite légalement, il rend une décision selon les termes mêmes de l'al. 178.16(1)a), qui prévoit:

178.16 (1) Une communication privée qui a été interceptée est inadmissible en preuve contre son auteur ou la personne à laquelle son auteur la destinait à moins

a) que l'interception n'ait été faite légalement . . .

Avec égards, je ne partage pas l'opinion du juge Martin que le simple fait que l'autorisation ne soit pas annulée empêche la décision que l'interception n'a pas été faite légalement. Dans ses motifs, il décrit de la façon suivante la décision du juge qui siège en révision, à la p. 119:

[TRADUCTION] Le juge du procès, qu'il soit ou non un juge d'une cour supérieure, peut cependant, sans annuler l'autorisation, décider que les conditions légales préalables pour accorder l'autorisation n'ont pas été respectées et, par conséquent, que l'interception était illégale et a donné lieu à une perquisition ou saisie abusives au sens de l'art. 8 de la Charte. [Je souligne.]

Le simple fait que, techniquement, l'autorisation n'ait pas été annulée a peu d'importance lorsque son fondement juridique a disparu. Ce degré de respect envers le caractère sacré d'une ordonnance judiciaire ne peut être maintenu. La conclusion que la Charte a été violée et que l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice aura déjà assez discrédité l'autorisation pour enlever toute raison de préserver sa validité formelle uniquement par déférence envers les ordonnances judiciaires. Maintenir la validité d'ordonnances touchées par une déclaration judiciaire d'illégalité entraînerait le discrédit des ordonnances judiciaires.

En conclusion, la décision que l'interception est illégale fait intervenir les termes péremptoires de l'art. 178.16 et la preuve est irrecevable. Le paragraphe 24(2) ne peut avoir l'effet de rendre la preuve recevable même si son utilisation n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Le paragraphe 24(2) est une règle d'exclusion et non d'inclusion. Il vise à écarter des éléments de preuve, qui seraient par ailleurs recevables, lorsque leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. On ne peut utiliser une preuve irrecevable en raison d'une autre règle d'exclusion en invoquant le par. 24(2). Par conséquent, un accusé qui invoque l'art. 24 et établit, comme l'exige un examen en vertu de la Charte, que l'interception a été faite illégalement est fondé à bénéficier des dispositions de l'art. 178.16 pour que les éléments de preuve soient écartés.

4. Quelles exigences spéciales sont applicables lorsqu'on se fonde sur des renseignements d'informateurs pour obtenir une autorisation?

L'appelant soutient que pour établir l'existence de motifs raisonnables et probables justifiant une perquisition, il faut respecter une série de conditions détaillées relatives à l'utilisation des renseignements obtenus d'informateurs. Il prétend que pour conclure que les affidavits en l'espèce étaient suffisants la Cour d'appel a dû appliquer le critère de "l'ensemble des circonstances" établi dans l'arrêt Illinois v. Gates, 462 U.S. 213 (1983). Le passage pertinent de cet arrêt se lit ainsi, à la p. 238:

[TRADUCTION] La tâche du magistrat qui accorde l'autorisation est simplement de rendre une décision pratique et logique quant à savoir si, compte tenu de toutes les circonstances établies dans l'affidavit qui lui est présenté, y compris la "fiabilité" et "les sources" des personnes qui présentent des renseignements par ouï‑dire, il existe une probabilité raisonnable que des preuves relatives à la contrebande ou à un crime seront trouvées en un lieu particulier.

La condition générale à laquelle doit se conformer le juge qui accorde l'autorisation a déjà été mentionnée dans ces motifs. Il doit être convaincu que les conditions légales ont été respectées. Le juge qui siège en révision ne devrait pas annuler cette décision à moins d'être convaincu, vu l'ensemble des renseignements présentés, qu'il n'y avait aucun fondement justifiant l'autorisation. Il s'agit de la directive générale donnée aux juges mais des problèmes particuliers se présentent quant à l'utilisation des renseignements fournis par les informateurs. Il est donc souhaitable d'examiner les exigences particulières, s'il en est, qu'il faudrait formuler pour permettre aux juges d'appliquer la directive générale de manière à trouver un équilibre juste entre les nécessités de l'application de la loi et la protection des droits à la vie privée.

Notre Cour a déjà examiné cette question en ce qui concerne l'utilisation des renseignements d'un informateur pour justifier une perquisition ou une saisie sans mandat.

Dans l'affaire R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140, des policiers, agissant sur la foi des renseignements d'un informateur, ont intercepté le véhicule de l'appelant et, sans mandat, fouillé le véhicule ainsi que l'appelant et des tiers. Pour évaluer l'importance à accorder à la preuve invoquée par le policier, le juge Wilson a utilisé la norme de "l'ensemble des circonstances" appliquée par le juge Martin en Cour d'appel. Le juge Wilson a ainsi conclu qu'il existait des motifs raisonnables et probables justifiant la fouille. Les autres membres de la Cour ont souscrit à cette conclusion.

Dans l'arrêt R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755, le ministère public a reconnu que l'examen rectal pratiqué dans cette affaire constituait une violation des art. 8 et 10 de la Charte. Les parties ne s'accordaient pas sur la gravité de la violation aux fins d'une décision sur la recevabilité en vertu du par. 24(2). Selon le juge Lamer (maintenant Juge en chef), "la différence fondamentale tient à savoir si les policiers avaient des motifs raisonnables et probables de croire que l'appelant avait un stupéfiant illégal en sa possession et qu'il tentait, en conséquence, de l'importer au Canada" (p. 788).

La seule preuve au dossier était le témoignage selon lequel en raison des "renseignements confidentiels reçus et d'une enquête sur les antécédents", le policier avait "des motifs de croire qu'il [Greffe] serait en possession d'une quantité indéterminée d'héroïne". Le juge Lamer a conclu que le juge du procès avait commis une erreur en décidant que les policiers disposaient de renseignements confidentiels et dignes de foi en raison de la découverte ultérieure de l'héroïne. Il écrit, à la p. 790:

Le ministère public avait l'obligation de prouver au procès, s'il le pouvait, la raison pour laquelle les policiers soutenaient avoir des motifs raisonnables et probables de croire que l'appelant avait de l'héroïne en sa possession. Cette preuve aurait été faite sous forme d'examen de la source et de la fiabilité des "renseignements confidentiels" que la police détenait.

. . .

Ce qui aurait dû se produire c'est que les policiers auraient dû être interrogés, lors du procès, au sujet des renseignements confidentiels afin de déterminer si, compte tenu de l'ensemble des circonstances, il existait des motifs raisonnables et probables de croire que l'accusé transportait l'héroïne. [Je souligne.]

Le juge Lamer a également cité en l'approuvant l'extrait suivant des motifs du juge Martin dans l'arrêt R. v. Debot (1986), 30 C.C.C. (3d) 207 (C.A. Ont.), aux pp. 218 et 219, quant au critère d'évaluation des renseignements confidentiels de l'informateur:

[TRADUCTION] Je suis d'avis que la simple affirmation non étayée par un informateur à un agent de police ne constitue pas un motif raisonnable de procéder à une fouille sans mandat [. . .] Parmi les questions très pertinentes [. . .] il y a celles de savoir si le renseignement communiqué par l'informateur comporte suffisamment de détails pour assurer qu'il s'appuie sur quelque chose de plus que de simples rumeurs ou racontars, si l'informateur a révélé la source ou l'origine des renseignements et s'il y a des indices de fiabilité de l'informateur, comme le fait d'avoir fourni, dans le passé, des renseignements sûrs ou la confirmation d'une partie de ses renseignements par la surveillance policière.

Bien que l'arrêt Greffe concerne la recevabilité de la preuve en vertu du par. 24(2), j'estime que l'analyse a des incidences sur le type de renseignements qui doivent être présentés devant un juge qui accorde une autorisation d'écoute électronique. Je ne vois aucune différence entre la preuve de la fiabilité d'un informateur présentée en vue d'établir l'existence de motifs raisonnables et probables de justifier une fouille sans mandat (les questions dans les arrêts cités par le juge Lamer) et la preuve de la fiabilité d'un informateur présentée en vue d'établir des motifs similaires en matière d'autorisation d'écoute électronique. En outre, je conclus que notre Cour dans les arrêts Debot et Greffe a accepté les propositions suivantes:

(i) Les déclarations d'un informateur qui constituent du ouï‑dire peuvent établir l'existence de motifs raisonnables et probables justifiant une fouille ou une perquisition. Cependant, en soi, la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante pour établir l'existence de motifs raisonnables et probables.

(ii) La fiabilité du renseignement doit être évaluée en fonction de "l'ensemble des circonstances". Il n'existe pas de formule structurée pour le faire. Au lieu de cela, la cour doit examiner divers facteurs dont:

a) le niveau de détail du renseignement;

b) les sources de l'informateur;

c) les indices de la fiabilité de l'informateur, comme son expérience antérieure ou la confirmation des renseignements par d'autres sources.

(iii) Les résultats d'une fouille ou d'une perquisition ne peuvent, ex post facto, apporter la preuve de la fiabilité des renseignements.

Conclusion sur les questions 2, 3 et 4

Bien que mon opinion soit quelque peu différente des motifs du juge Martin quant aux questions 2 et 3, je partage son opinion quant au résultat que les affidavits étaient en apparence suffisants. Il conclut ses motifs de la façon suivante, aux pp. 129 et 130:

[TRADUCTION] Je suis convaincu que les affidavits énoncent des faits amplement suffisants pour que le juge qui a accordé l'autorisation ait été convaincu qu'il existait des motifs raisonnables de croire que des infractions particulières étaient ou avaient été commises, que les interceptions demandées apporteraient la preuve de ces infractions, que les autres méthodes d'enquête avaient peu de chance de réussir et que l'octroi des autorisations servirait au mieux l'administration de la justice.

5. Quels principes et procédures s'appliquent à la révision du contenu du paquet scellé?

L'appelant ne conteste pas le pouvoir exercé par la Cour d'appel de réviser l'affidavit pour protéger l'identité des informateurs. Son principal argument est qu'on devrait lui remettre des résumés approuvés par la cour des mots et des phrases écartés pendant la révision des documents.

Le pouvoir de révision des documents existe clairement et provient du pouvoir de contrôle et de protection qu'un tribunal possède à l'égard de ses propres dossiers: Procureur général (Nouvelle‑Écosse) c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, à la p. 189.

Pour déterminer la procédure à suivre dans la révision des documents contenus dans le paquet, il faut tenir compte des intérêts opposés que sont, d'une part, l'application de la loi, et en particulier la protection de l'identité des informateurs et des techniques d'enquête, et, d'autre part, le droit de l'accusé à une défense pleine et entière. Les remarques suivantes du juge Dickson dans l'arrêt MacIntyre, précité, aux pp. 180 et 184, sont pertinentes:

Comme il arrive souvent dans une société libre, il y a ici deux aspects de l'intérêt public qui s'affrontent. Le premier ressortit aux libertés fondamentales et à la protection de la personne contre toute atteinte à la jouissance de ses biens. Il y a un avantage public manifeste et important à éviter les perquisitions arbitraires et les saisies illégales. L'autre aspect concurrent de l'intérêt public tient à la détection et à la preuve efficaces du crime ainsi qu'à l'arrestation et à la condamnation rapides des délinquants. L'utilisation à bon escient de mandats de perquisition renforce la protection qu'assure au public l'application efficace de la loi.

. . .

En bref, ce qu'il faut viser, c'est le maximum de responsabilité et d'accessibilité, sans aller jusqu'à causer un tort à un innocent ou à réduire l'efficacité du mandat de perquisition comme arme dans la lutte continue de la société contre le crime.

La révision judiciaire des documents paraît être la règle dans toutes les provinces à l'exception de la Colombie‑Britannique. Dans l'arrêt Dercsh v. Canada (Attorney General) (1987), 17 B.C.L.R. (2d) 145, le juge Esson a exprimé l'avis que la révision constituait du droit prétorien. C'est dans le cadre de ses motifs à l'appui d'un droit d'accès restreint au contenu du paquet scellé qu'il a fait cette affirmation. Dans l'arrêt Dersch, j'ai décidé que la jurisprudence en faveur d'un droit d'accès restreint n'est plus fondée. La révision des documents est donc essentielle quand l'affidavit produit à l'appui d'une demande d'autorisation contient des renseignements confidentiels. Pour déterminer ce qu'il doit écarter, le juge tiendra compte de la règle interdisant la divulgation de l'identité des indicateurs de la police. L'arrêt le plus récent dans lequel notre Cour expose cette règle est l'arrêt Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60. Le juge Beetz affirme, à la p. 93:

Il ressort de ces motifs qu'en common law le principe du secret relatif à l'identité des indicateurs de police s'est manifesté principalement par des règles de preuve que dicte l'intérêt public et qui excluent la divulgation judiciaire de l'identité des indicateurs de police par des agents de la paix qui ont appris l'identité de ces indicateurs dans l'exercice de leurs fonctions. On ne peut non plus contraindre un témoin à dire s'il est lui‑même un indicateur de police. Le principe a pris naissance en matière criminelle, dans des procès pour haute trahison semble‑t‑il, mais il vaut également en matière civile et il a été reconnu dans un cas comme dans l'autre pour des motifs qui ont trait à l'efficacité essentielle du droit criminel. Ce principe ne souffre qu'une exception imposée par la nécessité de démontrer l'innocence de l'accusé. Il ne connaît aucune exception en matière autre que criminelle. Son application ne relève en rien de la discrétion du juge car c'est une règle juridique d'ordre public qui s'impose au juge.

L'identité des informateurs n'est généralement pas pertinente. Lorsque le juge du procès procède à la révision des documents, il doit examiner l'exception concernant la démonstration de l'innocence de l'accusé. Dans l'arrêt Re Rideout and The Queen (1986), 31 C.C.C. (2d) 211 (C.S.T.‑N.), le juge Goodridge s'est exprimé de la façon suivante au sujet de l'exception, à la p. 220:

[TRADUCTION] La règle interdisant l'identification des informateurs de la police n'existe que parce que, dans la plupart des cas, elle n'est pas pertinente . . . Lorsqu'elle est pertinente, elle est admise parce qu'il s'agit de la seule exception mentionnée par le juge Beetz dans l'extrait précité — là où la divulgation de l'identité est requise pour démontrer l'innocence de l'accusé.

Dans l'arrêt Roviaro v. United States, 353 U.S. 53 (7th Cir. 1957), le juge Burton a écrit, aux pp. 60 et 61:

[TRADUCTION] Lorsque la divulgation de l'identité d'un informateur, ou du contenu de sa communication, est pertinente et peut servir à la défense d'un accusé ou est essentielle à un procès équitable, le privilège doit être écarté. Dans ces situations, le juge du procès peut ordonner la divulgation et, si le gouvernement retient les renseignements, rejeter l'action.

Dans l'arrêt Re Chambers and The Queen (1985), 20 C.C.C. (3d) 440 (C.A. Ont.), le juge Martin a souligné que l'exception [TRADUCTION] "était plus susceptible de s'appliquer lorsque l'informateur était un témoin de faits importants" (p. 451).

Dans chaque cas, cette décision exige qu'on soupèse l'importance de l'identité de l'informateur pour la thèse de l'accusé et le préjudice que causerait la divulgation à l'informateur et à l'intérêt public en matière d'application de la loi. La question ne se pose pas en l'espèce puisqu'on ne prétend pas que l'identité de l'informateur est pertinente. Il est donc inutile de s'attarder plus longtemps sur la réconciliation de ces intérêts contradictoires à pour décider si on a fait la preuve d'une exception. Il suffit de dire qu'une telle décision revient essentiellement au juge du procès.

Il reste à examiner la portée de la révision des documents et la procédure à suivre. Puisqu'il y a plus d'une façon de trouver l'équilibre approprié entre les intérêts de l'application de la loi et ceux du droit à une défense pleine et entière, je ne veux pas paralyser les juges du procès en formulant des règles rigides quant à la révision des documents. Pour décider des éléments à supprimer, les facteurs suivants mentionnés par le juge Watt dans l'arrêt R. v. Parmar (1987), 34 C.C.C. (3d) 260 (H.C. Ont.), aux pp. 281 et 282 s'imposent:

[TRADUCTION]

a) l'identité des informateurs confidentiels de la police, et donc leur vie et leur sécurité, peuvent‑elles être compromises, sachant que la divulgation peut résulter tout autant de la mention de la nature des renseignements fournis par la source confidentielle que par la révélation de son nom?

b) la nature et l'étendue des enquêtes en cours seraient‑elles ainsi compromises?

c) la divulgation révélerait‑elle des techniques secrètes d'obtention de renseignements, mettant ainsi en danger ceux qui les pratiquent et compromettant la tenue d'enquêtes ultérieures sur des crimes semblables et l'intérêt public en matière d'application de la loi et de détection des crimes?

d) la divulgation porterait‑elle préjudice aux intérêts d'innocents?

J'ai examiné la procédure suivie dans l'arrêt Parmar, approuvée dans l'arrêt R. v. Rowbotham (1988), 41 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.), et la procédure suivie par la Cour d'appel en l'espèce. J'estime qu'il convient de procéder de la manière suivante, quoique la liste des étapes mentionnées ne soit ni exclusive ni exhaustive:

1. Au moment d'ouvrir le paquet, si le ministère public s'oppose à la divulgation de l'une ou l'autre des pièces, il devrait, dans une demande, indiquer la nature des éléments à supprimer et les raisons de le faire. Seul le substitut du procureur général aura l'affidavit à cette étape.

2. Le juge du procès devrait ensuite réviser l'affidavit comme l'a proposé le substitut du procureur de la Couronne et fournir une copie ainsi préparée à l'avocat de l'accusé. Il faudrait ensuite entendre les arguments de l'avocat de l'accusé. Si le juge du procès est d'avis que l'avocat de l'accusé ne sera pas en mesure d'apprécier la nature des éléments supprimés selon les recommandations du substitut du procureur général et l'affidavit ainsi produit, une sorte de résumé judiciaire quant à la nature générale des éléments supprimés devrait être fournie.

3. Après avoir entendu les arguments de l'avocat de l'accusé et la réponse du ministère public, le juge du procès devrait prendre une décision finale quant à la révision des documents, sans oublier qu'il faut la limiter au minimum et appliquer les facteurs précités.

4. Une fois la décision prise selon l'étape (3), les pièces du paquet devraient être remises à l'accusé.

5. Si le ministère public peut justifier l'autorisation sur le fondement des pièces révisées, l'autorisation est confirmée.

6. Cependant, si le texte révisé ne permet plus de justifier l'autorisation, le ministère public peut alors demander au juge du procès de tenir compte des éléments supprimés dans la mesure nécessaire pour justifier l'autorisation. Le juge du procès ne devrait accéder à cette demande que s'il est convaincu que l'accusé est suffisamment conscient de la nature des éléments écartés pour les contester dans sa plaidoirie ou par la preuve. À cet égard, un résumé judiciaire des éléments écartés devrait être fourni s'il peut remplir cette fonction. Il va sans dire que si le ministère public est en désaccord sur l'étendue de la divulgation et estime que l'intérêt public en subira un préjudice, il peut retirer la preuve recueillie par l'écoute électronique.

En l'espèce, la Cour d'appel s'est en grande partie conformée à la procédure précitée. Elle s'est arrêtée après la cinquième étape. Il ne peut être question de contester la procédure suivie.

6. L'accusé peut‑il contre‑interroger l'auteur de l'affidavit produit auprès du juge qui a accordé l'autorisation?

L'appelant fait valoir le droit de contre‑interroger l'auteur des affidavits produits à l'appui de l'autorisation. Plus précisément, il veut contester l'affirmation du déposant selon laquelle ce dernier a reçu des renseignements d'un informateur, qui s'était révélé digne de foi antérieurement, qu'au mois de décembre 1982 Garofoli et Criminisi avaient abordé . . . (omis) pour lui offrir deux kilos de cocaïne à vendre pour eux. Il a déposé deux affidavits, le sien et celui de son ancien avocat. Dans ses motifs, le juge Martin décrit le contenu des affidavits de la façon suivante, à la p. 130:

[TRADUCTION] L'affidavit de Garofoli dit qu'il a vécu en Floride de septembre 1977 à août 1983, date à laquelle il est retourné vivre à Hamilton. Il a été accusé à Hamilton de diverses infractions de fraude et de complot de fraude et il affirme dans son affidavit que les seules occasions où il a été à Hamilton, ou même en Ontario, avant de retourner vivre à Hamilton en août 1983, se rapportent aux comparutions au tribunal à l'égard de ces accusations. Il affirme que les seules occasions où il était à Hamilton vers la fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983 se rapportaient aux comparutions au tribunal le 3 novembre 1982, le 14 janvier 1983 et certains jours du mois de février, de mars, d'avril et de mai 1983. Il affirme que l'allégation contenue dans l'affidavit de l'agent Campbell, en date du 29 septembre 1983, que Garofoli et Criminisi ont abordé une certaine personne en décembre 1982 pour lui proposer de vendre de la cocaïne pour eux, est tout à fait fausse, qu'il n'était pas à Hamilton en décembre 1982 et qu'il n'a ni vu ni rencontré Criminisi au cours de ses visites à Hamilton concernant ces comparutions au tribunal. Il affirme en outre que le fonctionnaire chargé du dossier de fraude et de complot savait qu'il vivait en Floride et ne venait à Hamilton que pour comparaître devant le tribunal et que, si l'agent Campbell s'était informé, il aurait vite appris qu'il vivait en Floride en décembre 1982.

La Cour d'appel a refusé le contre‑interrogatoire parce que, même si ces affidavits étaient exacts, ils n'établissaient pas que le déposant Campbell avait [TRADUCTION] "fait une fausse déclaration dans son affidavit, volontairement et sciemment ou inconsidérément sans égard à la vérité".

Ces conditions préalables au contre‑interrogatoire du déposant sont essentiellement fondées sur la décision américaine Franks v. Delaware, précitée. La Cour d'appel les a retenues dans l'arrêt Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449 (et dans Rowbotham, précité). Plus récemment, le juge Watt les a confirmées dans l'arrêt R. v. Parmar (1987), 37 C.C.C. (3d) 300, précité, en les décrivant de la façon suivante, à la p. 344:

[TRADUCTION]

(i) il doit y avoir des allégations précises de déclarations délibérément fausses ou de déclarations inconsidérées sur des aspects précis de l'affidavit;

(ii) le requérant doit apporter, de manière admissible, une preuve prima facie de la teneur de ce qu'on prétend contredire ces aspects précis de l'affidavit;

(iii) il faut montrer que, si les pièces que l'on prétend fausses ou totalement étrangères à la vérité sont annulées, ce qui reste est insuffisant pour justifier la délivrance de l'ordonnance contestée en vertu du par. 178.13(1) ou 178.13(4), selon le cas.

À mon avis, ces conditions préalables peuvent faire l'objet des mêmes critiques que celles qui ont été avancées à l'égard des conditions préalables imposées par la jurisprudence en faveur d'un accès restreint au contenu du paquet scellé. Dans l'arrêt R. v. Playford, précité, le juge Goodman a affirmé, à la p. 178:

[TRADUCTION] . . . il ne peut avoir accès à l'affidavit sans faire la preuve prima facie des raisons pour lesquelles il devrait y avoir accès et il ne peut faire la preuve de ces raisons sans y avoir accès.

Et dans l'arrêt Finlay and Grellette, précité, le juge Martin a affirmé, à la p. 77:

[TRADUCTION] L'avocat des appelants a affirmé que, par suite de la restriction imposée au droit d'accès de l'accusé au contenu du paquet scellé, l'accusé se trouve dans une situation impossible. Pour établir s'il y a eu fraude ou non‑divulgation, il doit avoir accès au contenu du paquet scellé, mais il ne peut y avoir accès à moins de prouver la fraude ou la non‑divulgation.

Si on applique cette affirmation en l'espèce, l'appelant ne peut contre‑interroger le déposant à moins d'établir l'existence d'une fausse déclaration faite délibérément ou au mépris total de la vérité, ce qu'il ne peut faire à moins de contre‑interroger le déposant.

En outre, je mets en doute l'utilité du contre‑interrogatoire si l'accusé peut établir, même par une preuve prima facie, que la déclaration était délibérément fausse ou faite au mépris total de la vérité. Sauf à la télévision, les personnes qui font des contre‑interrogatoires considéreraient avoir merveilleusement réussi si leur contre‑interrogatoire donnait lieu à une preuve prima facie que la déclaration du déposant était délibérément fausse ou avait été faite au mépris total de la vérité. Si on peut en faire la preuve ab extra, il n'est pas nécessaire de contre‑interroger.

Notre Cour a toujours eu pour principe de maintenir le droit au contre‑interrogatoire. Dans l'arrêt Innisfil (Municipalité du canton) c. Municipalité du canton de Vespra, [1981] 2 R.C.S. 145, le droit a été confirmé quant à la preuve de la politique du gouvernement devant un tribunal administratif. Voir également l'arrêt R. c. Potvin, [1989] 1 R.C.S. 525. Dans l'arrêt Wilson, précité, le juge Dickson, avec l'appui du juge Chouinard, a approuvé le droit de contre‑interroger l'auteur d'un affidavit déposé à l'appui d'une autorisation. Il a affirmé, à la p. 624:

Il ne sert à rien à l'avocat de la défense d'avoir un principe de droit portant qu'une autorisation peut être jugée invalide si, par exemple, elle a été obtenue par suite de la non‑divulgation de faits pertinents, et qu'il lui soit ensuite interdit de poser des questions tendant à démontrer qu'il y a eu effectivement non‑divulgation.

Bien que le juge McIntyre n'ait pas expressément traité ce point, il ne s'est pas opposé à cette affirmation. En outre, en acceptant la jurisprudence et la doctrine en matière de révision d'ordonnances ex parte, il doit avoir retenu le droit de contre‑interroger qui est inhérent à la révision. Par exemple, dans l'arrêt Gulf Islands Navigation Ltd. v. Seafarers' International Union of North America (Canadian District) (1959), 18 D.L.R. (2d) 625 (C.A.C.‑B.), la cour a affirmé: [TRADUCTION] "si le second juge entend la requête, il doit en reprendre l'audition au complet à la fois sur le plan du droit et celui des faits en cause" (p. 627).

À mon avis, les conditions préalables de l'arrêt Franks v. Delaware, précité, sont trop sévères. J'estime qu'elles sont incompatibles avec la conception que nous avons retenue au Canada quant au droit de contre‑interroger. En outre, sous réserve de la protection de l'identité des informateurs et de la préoccupation relative à la prolongation des procédures, je ne vois aucune raison de restreindre si sévèrement ce droit. Je pense que l'on peut tenir compte de ces préoccupations sans imposer de restrictions aussi contraignantes que celles de l'arrêt Franks v. Delaware. En ce qui concerne les informateurs, il n'existe aucun droit de les contre‑interroger. L'informateur n'est pas un témoin et ne peut être identifié à moins qu'il s'agisse de l'exception relative à la démonstration de l'innocence de l'accusé.

Quant à l'argument de la longueur du contre‑interrogatoire, je suis en faveur de limites raisonnables. Il faut obtenir l'autorisation de contre‑interroger. Cette autorisation relève de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès et devrait être accordée lorsqu'il est convaincu que le contre‑interrogatoire est nécessaire pour permettre à l'accusé de préparer une défense complète. L'accusé doit démontrer qu'il y a des motifs de penser que le contre‑interrogatoire apportera un témoignage tendant à réfuter la présence d'une des conditions préalables à l'autorisation, dont par exemple l'existence de motifs raisonnables et probables.

Une fois autorisé, le contre‑interrogatoire devrait être limité par le juge du procès aux questions qui visent à établir qu'il n'y avait aucun fondement justifiant la délivrance de l'autorisation. Il conviendrait de ne pas intervenir en appel dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire du juge du procès, sauf dans les cas où il n'a pas été exercé de façon judiciaire. Bien que l'autorisation de contre‑interroger ne soit pas la règle générale, elle est justifiée dans ces circonstances pour prévenir un abus de ce qui équivaut essentiellement à une décision sur la recevabilité de la preuve.

À mon avis, l'appelant a justifié son droit au contre‑interrogatoire en l'espèce. Compte tenu de l'importance donnée par les policiers à l'informateur en l'espèce, si celui‑ci est discrédité, le fondement factuel de l'autorisation est vicié. Si on concluait que l'informateur a menti, on pourrait alors en déduire que les policiers savaient ou auraient dû savoir qu'il avait menti. Si les policiers n'étaient pas justifiés de croire que les renseignements étaient vrais, leur raison de croire qu'un crime allait être commis n'existait donc pas. Par conséquent, l'appelant aurait dû être autorisé à contre‑interroger. Le contre‑interrogatoire ayant été refusé, il doit y avoir un nouveau procès.

7. L'omission du juge qui a accordé l'autorisation de prévoir une clause de minimisation a‑t‑elle donné lieu à une perquisition et à une saisie abusives en contravention de l'art. 8 de la Charte?

Cette question n'a pas été soulevée devant la Cour d'appel et nous ne bénéficions pas de sa décision sur ce point. L'argumentation de l'appelant devant notre Cour s'appuie sur le fait que l'affidavit en date du 23 novembre indique qu'en vertu de l'autorisation antérieure 1 000 appels avaient été interceptés sur la ligne téléphonique de l'appelant, dont 49 avaient été jugés pertinents. Il soutient que les responsables savaient donc que de nombreuses interceptions de communications privées étaient sans pertinence. Il prétend donc que l'omission d'imposer des conditions minimisant l'interception de communications non pertinentes était déraisonnable et rendait l'autorisation invalide.

La question de la minimisation est examinée en détail dans mes motifs de l'arrêt R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 000. L'autorisation du 21 novembre est dans les limites décrites dans cet arrêt. Les aspects pertinents de l'autorisation sont les suivants. Le paragraphe 3 identifie 13 personnes dont les communications privées peuvent être interceptées. Le paragraphe 4 établit deux catégories d'autres personnes dont les communications privées peuvent être interceptées: a) d'autres personnes se trouvant dans les lieux décrits aux al. 6a) à g), et b) les personnes plaçant des appels reçus par les personnes mentionnées au par. 3 et à l'al. 4a). Le paragraphe 6 décrit les lieux où les communications privées peuvent être interceptées. Il s'agit des sept adresses précises mentionnées aux al. a) à g) (chacun des lieux étant relié à des personnes nommées au par. 3) et l'al. h) énumère des lieux que, suivant des motifs raisonnables et probables, on croit fréquentés par les personnes mentionnées au par. 3. L'alinéa 6h) prévoit que les interceptions à des téléphones publics devront se faire sous surveillance visuelle afin de s'assurer que l'une des personnes nommées au par. 3 utilise le téléphone public.

L'autorisation ne permet pas d'intercepter les communications privées de n'importe qui n'importe où. L'énumération se limite à treize personnes identifiées, à leurs interlocuteurs et à des personnes à sept adresses ayant des liens avec les personnes nommées. Les lieux sont limités à sept adresses identifiées et aux endroits fréquentés par les personnes nommées.

En l'espèce, ce n'est pas tellement les conditions particulières de l'autorisation que l'appelant conteste, mais l'absence de conditions de minimisation compte tenu du nombre élevé d'interceptions non pertinentes réalisées en vertu de l'autorisation du 29 septembre. Dans l'arrêt Thompson, j'ai reconnu qu'en matière d'autorisation d'écoute électronique, il peut arriver de porter atteinte aux droits de tiers innocents. C'est malheureusement le coût de la surveillance électronique, mais le Parlement l'a jugé nécessaire dans les circonstances appropriées d'une enquête sur un crime grave. De même, l'interception de conversations non pertinentes, avec pour résultat l'atteinte au droit à la vie privée de cibles et de tiers, fait malheureusement partie du coût de la surveillance électronique. La question est de savoir: le coût est‑il si élevé qu'il rend l'autorisation abusive?

En l'espèce, quelque 950 appels téléphoniques non pertinents ont été interceptés à partir du domicile de Garofoli en vertu de l'autorisation du 29 septembre. Cette atteinte à la vie privée est regrettable mais elle est au moins limitée dans son effet aux personnes en visite au domicile de Garofoli. Cette situation peut, par exemple, être opposée au téléphone public payant où le droit à la vie privée d'un grand nombre de personnes est menacé. Il me semble que la seule façon possible d'éliminer l'enregistrement d'appels non pertinents sur la ligne téléphonique de Garofoli aurait été d'imposer une surveillance réelle. Cette méthode peut même être inefficace, car on ne peut nécessairement déterminer avec certitude la pertinence d'une conversation téléphonique donnée avant que son contenu soit examiné avec les autres renseignements recueillis au cours de l'enquête. En outre, la pertinence ne peut pas toujours être établie avec certitude par l'écoute, par exemple, des premiers mots d'une conversation. Il serait encore nécessaire d'écouter les conversations suffisamment longtemps pour établir que les appels sont sans pertinence.

Dans l'arrêt Thompson, j'ai retenu la position du juge Martin dans l'arrêt R. v. Finlay and Grellette, précité, que l'obligation absolue d'une surveillance réelle dans tous les cas imposerait un fardeau trop lourd aux responsables de l'application des lois canadiennes. À mon avis, bien que l'obligation d'une surveillance réelle ou visuelle soit généralement appropriée lorsque les appels téléphoniques que l'on se propose d'intercepter proviennent de téléphones publics payants, les mêmes considérations ne s'appliquent pas à la résidence privée d'une personne nommée dans une autorisation, à moins qu'il existe des circonstances particulières exigeant une surveillance réelle. Il faut rappeler que la surveillance réelle constante peut également être une intrusion importante dans la vie privée.

La présence de circonstances particulières doit être déterminée en fonction de ce qui permettra à la police d'obtenir la preuve avec une atteinte minimale à la vie privée. En conséquence, si les renseignements que la police détient indique que la personne visée n'est sur les lieux qu'occasionnellement et pour de courtes durées, ce fait devrait être reflété dans la portée de la surveillance électronique. Il peut être nécessaire de recourir à la surveillance directe pour s'assurer de la présence de la cible et cela peut également être prévu comme condition de l'autorisation. L'interception de toutes les communications provenant ou à destination de la résidence dans ces circonstances risquerait d'être jugée constituer une fouille et une saisie abusives. Par contre, si la cible est un occupant de la maison et y est ordinairement présent, d'autres considérations entrent en jeu. Ces renseignements peuvent initialement manquer mais seront souvent disponibles après une certaine période de surveillance électronique exercée en vertu d'une autorisation valide. Au moment du renouvellement, ou de la demande d'une nouvelle autorisation, ces renseignements doivent être utilisés pour réduire au minimum l'atteinte à la vie privée.

L'appelant n'a pas convaincu la Cour qu'il existait des circonstances particulières en l'espèce. Je conclus donc que l'autorisation ne devient pas abusive en raison de l'absence de conditions de minimisation. Le pourvoi quant à ce moyen doit échouer.

8. L'accusé s'est‑il esquivé?

Je rejetterais le pourvoi sur ce moyen pour les motifs donnés par le juge Martin.

9. Le juge du procès a‑t‑il fait au jury une mise en garde appropriée concernant le témoignage des complices?

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi sur ce moyen pour les motifs exposés par le juge Martin.

Dispositif

J'ai conclu qu'aucun des moyens soulevés, sous réserve de la question du contre‑interrogatoire, ne peut réussir. Cependant, j'estime que l'appelant aurait dû être autorisé à contre‑interroger l'auteur des affidavits et qu'il doit donc y avoir un nouveau procès.

Version française des motifs des juges L'Heureux-Dubé et McLachlin rendus par

LE JUGE MCLACHLIN — J'ai lu les motifs de jugement rédigés par le juge Sopinka dans le présent pourvoi et les pourvois connexes Dersch c. Canada (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 000; R. c. Lachance, [1990] 2 R.C.S. 000; et R. c. Zito, [1990] 2 R.C.S. 000. Mon interprétation de la partie IV.1 du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, m'amène à une conclusion différente sur un certain nombre de questions soulevées par ces pourvois — une conclusion dans l'ensemble conforme à l'avis du juge Martin de la Cour d'appel en l'espèce: (1988), 41 C.C.C. (3d) 97.

Le présent pourvoi et les pourvois connexes concernent la question de savoir devant quels tribunaux et selon quelles procédures contester les ordonnances judiciaires autorisant l'interception électronique de conversations privées. Ils concernent à la fois le Code criminel et la Charte canadienne des droits et libertés et mettent en cause les valeurs consacrées par l'un et l'autre. En conséquence, avant d'aborder le sujet, je ferai des observations sur l'application de la partie IV.1 du Code criminel et sur ses rapports avec la Charte.

I. La partie IV.1 du Code criminel et la Charte canadienne des droits et libertés

La partie IV.1 du Code criminel est la source principale des directives législatives sur l'écoute électronique. Il reflète une tentative de concilier l'intérêt de la société en matière de détection des crimes et de bonne administration de la justice, d'une part, et le droit des personnes à leur vie privée et à un procès équitable, d'autre part. Puisque l'écoute électronique pratiquée par l'État touche également au respect des libertés individuelles, la Charte a aussi une influence sur la réglementation de l'interception électronique des communications privées.

L'objet de la partie IV.1 ressort clairement de son libellé. Elle vise à protéger le droit des personnes à leur vie privée contre la surveillance électronique tout en préservant le droit des policiers d'intercepter des communications quand ils ont des motifs de croire qu'un crime a été commis ou risque de l'être et quand l'interception des communications est raisonnablement nécessaire. Son premier objet, protéger le droit des personnes à leur vie privée, ressort de l'interdiction que comporte le par. 178.11(1) (aujourd'hui par. 184(1)) de procéder à l'interception de communications privées par des moyens électromagnétiques, acoustiques ou mécaniques. Son second objet, protéger la bonne administration de la justice, ressort du paragraphe suivant qui soustrait à cette interdiction les communications dont l'interception a été autorisée ou dont l'interception a reçu le consentement d'une partie. Ce souci de préserver la bonne administration de la justice a deux volets. Le premier est l'intérêt de la société à ce que les coupables soient traduits en justice et condamnés. Cependant, la disposition législative consacre aussi l'importance de l'équité envers les accusés en prescrivant que seules les communications interceptées légalement sont recevables en preuve.

L'intention du législateur est donc claire. Le droit à la vie privée doit être protégé, mais il doit céder le pas à l'intérêt plus important qu'est la bonne administration de la justice, quand les conditions qui justifient une autorisation existent. L'équité du procès est sauvegardée parce que les éléments de preuve obtenus illégalement sont irrecevables. Tel est le principe fondamental qui doit guider les tribunaux dans leurs décisions relatives à l'interception électronique de communications privées.

Étant donné que l'interception électronique de communications privées soulève des questions au sujet du droit des personnes à leur vie privée et du droit à un procès équitable, la Charte intervient aussi dans la réglementation de l'utilisation par l'État de l'écoute électronique. Les pouvoirs conférés aux tribunaux par la partie IV.1 doivent être exercés conformément aux principes constitutionnalisés dans la Charte. Ces principes englobent la protection du droit des personnes à leur vie privée et le droit à un procès équitable, y compris celui de présenter une défense pleine et entière — qui sont des valeurs complémentaires aux intérêts qui inspirent la partie IV.1 du Code.

Après cet énoncé de la philosophie qui anime la partie IV.1 du Code et les dispositions correspondantes de la Charte, j'aborderai les dispositions précises du Code. L'intérêt de la société à la prévention et à la détection du crime est très directement servi par la création d'un mécanisme permettant aux organismes chargés d'appliquer les lois d'obtenir une autorisation judiciaire pour intercepter des communications privées. Le paragraphe 178.13(1) fixe les conditions préalables à l'octroi de l'autorisation par un juge saisi d'une demande à cette fin. Pour accorder l'autorisation, le juge doit être convaincu qu'il est dans le meilleur intérêt de l'administration de la justice de l'accorder et que les autres moyens d'enquête sont inefficaces dans les circonstances. Le pouvoir que cet article confère à un juge doit être exercé conformément à la Charte. Comme le juge Sopinka, je suis de l'avis du juge Martin de la Cour d'appel de l'Ontario, qui a dit dans l'arrêt R. v. Finlay and Grelette (1985), 23 C.C.C. (3d) 48, qu'il faut voir dans l'al. 178.13(1)a) la condition que le juge qui accorde une autorisation soit convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'infraction reprochée a été commise ou est en train de l'être et que l'écoute demandée en fournira une preuve.

Outre cette restriction à la capacité d'un juge d'autoriser la surveillance électronique, la protection directe des personnes découle de deux sources: l'al. 178.16(1)a) du Code criminel, qui précise que, pour que la communication soit recevable à titre de preuve, il faut que l'interception ait été faite légalement, et le par. 24(2) de la Charte, qui prescrit l'exclusion de la preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte à un droit garanti par la Charte et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Vus dans leur juste perspective, ces deux mécanismes, appliqués séparément et ensemble, servent les intérêts de la personne tant à l'égard du droit à la vie privée qu'à l'égard du droit à un procès équitable.

La protection de ces droits donne lieu à trois différentes demandes:

(1) une demande d'ouverture du paquet;

(2) une demande d'annulation de l'autorisation (demande de type Wilson);

(3) une demande d'irrecevabilité en preuve de l'interception

(i) pour le motif que l'autorisation est apparemment nulle ou que l'interception n'a pas été réalisée conformément aux conditions mentionnées dans l'autorisation (voir dire de type Parsons);

(ii) pour le motif que l'autorisation ne donne pas les noms, s'ils sont connus, de toutes les personnes, comme l'exigent les al. 178.12(1)e) et 178.13(2)c) du Code (demande de type Vanweenan);

(iii) pour le motif que l'autorisation ne respecte pas les conditions nécessaires d'une fouille ou saisie raisonnable au sens de l'art. 8 de la Charte (demande de type Garofoli).

Selon la pratique actuelle, la première demande (l'ouverture du paquet) doit être présentée au juge désigné en vertu de la Partie IV.1 du Code (un juge d'une cour supérieure); la deuxième (la demande d'annulation) doit être présentée à la cour qui a délivré l'ordonnance (aussi une cour supérieure); et la troisième (la demande d'irrecevabilité en preuve) doit être présentée au juge du procès (qui peut être un juge d'une cour provinciale).

L'espèce soulève certaines questions concernant les demandes de type (1), (2) et (3)(iii). La première vise les rapports entre la catégorie (2), la demande de type Wilson, et la catégorie (3)(iii), la demande de type Garofoli fondée sur la Charte. Puisque l'une et l'autre portent, en définitive, sur la recevabilité d'éléments de preuve obtenus par écoute électronique, peuvent‑elles être réunies de sorte que le juge du procès puisse trancher les deux? La deuxième est la manière dont la cour qui entend finalement la cause doit exercer ses pouvoirs en vertu de la partie IV.1 du Code. Quand faut‑il ouvrir le paquet contenant les pièces justificatives de l'autorisation? Si celui‑ci est ouvert, est‑il permis d'en censurer le contenu? Quand est‑il permis de contre‑interroger les auteurs des affidavits contenus dans le paquet?

J'aborderai ces questions à tour de rôle.

II. Contestation d'une interception de communications autorisée par un juge ‑- À qui faut‑il la présenter?

Outre les vices de forme, qui font l'objet de demandes de type Parsons ou de type Vanweenan, la jurisprudence actuelle offre deux recours à l'accusé qui cherche à empêcher l'utilisation au procès des preuves obtenues par écoute électronique — un fondé sur le Code et un autre sur la Charte, un devant un juge de la cour supérieure qui a rendu l'ordonnance et un autre devant le juge du procès. Mon collègue le juge Sopinka est d'avis qu'il est possible de réunir les deux demandes, de sorte que le juge du procès, quelle que soit la cour à laquelle il préside, puisse entendre l'une et l'autre. Je ne puis être d'accord. Malgré les avantages de cette solution du point de vue de la procédure, je ne crois pas que notre Cour ait la faculté de l'imposer.

Je commencerai par examiner la demande de type Wilson qui vise à faire annuler l'autorisation. Comme le juge Martin de la Cour d'appel de l'Ontario l'explique dans ses motifs en l'espèce, pour qu'un accusé ait gain de cause sur une demande de type Wilson, il doit apporter la preuve d'une fraude, d'une non‑divulgation importante, d'une déclaration trompeuse ou de nouveaux éléments de preuve qui démontrent que les faits réels sont différents de ceux sur lesquels l'autorisation a été accordée en vertu de l'art. 178.13. Une demande de type Wilson a pour effet, si elle est acceptée, d'annuler l'autorisation, comme si celle‑ci n'avait jamais existé, de sorte que toute interception de communications faite en vertu de celle‑ci est illégale et qu'aucune preuve ainsi recueillie n'est recevable en vertu de l'al. 178.16(1)a) du Code.

Le Code ne prévoit pas expressément la demande de type Wilson, bien qu'il envisage que les autorisations judiciaires puissent être annulées. La demande de type Wilson est plutôt fondée sur la règle de common law selon laquelle un tribunal qui rend une ordonnance peut aussi l'annuler. Aucune autre cour, sauf une cour d'appel autorisée par la loi, ne peut annuler une telle ordonnance. C'est ce qu'on a appelé la règle interdisant la contestation indirecte. Appliquée à l'espèce, cette règle écarte la proposition qu'un juge de cour provinciale puisse annuler une autorisation accordée en vertu de la partie IV.1 (demande de type Wilson). Seul un juge de la cour supérieure qui a accordé l'autorisation peut l'annuler.

Telle est la logique que notre Cour a suivie dans l'arrêt Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, lorsque la majorité a jugé qu'une autorisation qui n'a pas été annulée ne peut faire l'objet d'une contestation indirecte, mais qu'elle doit s'appliquer totalement selon sa teneur. C'est aussi le raisonnement suivi par notre Cour pour confirmer l'arrêt Wilson à l'unanimité dans l'arrêt R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764. Il est fondé sur des principes solides et, à mon avis, inattaquables. En conséquence, je suis obligée de conclure qu'une demande d'annulation d'une autorisation d'écoute électronique ne peut être présentée qu'à un juge d'une cour supérieure au sens de la partie IV.1 du Code et qu'elle ne peut l'être au juge du procès d'une autre cour.

La deuxième source de protection des intérêts de la personne en matière d'écoute électronique découle de la Charte. La demande de révision de type Garofoli, d'après l'appellation qu'on lui a donnée à la suite des motifs du juge Martin en l'espèce, concerne la recevabilité d'éléments de preuve recueillis par écoute électronique, en fonction de l'art. 8 de la Charte. L'article 8 entre en jeu ici en raison du raisonnement suivi dans l'arrêt R. v. Finlay and Grelette, précité, qui a statué que l'interception électronique de communications privées est "une fouille ou une saisie" au sens de l'art. 8 de la Charte. Étant donné que l'art. 8 est considéré comme réglant au moins des préoccupations concernant le droit à la vie privée, son application offre ici un deuxième niveau de protection du droit à la vie privée qui s'ajoute à celui déjà offert en vertu du Code criminel. Pour respecter cet article, une fouille ou une saisie doit être raisonnable, c'est‑à‑dire qu'elle doit respecter les conditions minimales fixées dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. En vertu de la Charte, le juge du procès, même s'il ne s'agit pas d'un juge d'une cour supérieure, a le pouvoir de décider si la preuve a été obtenue en contravention de l'art. 8, ce qui signifie, dans un cas comme celui‑ci, de décider si l'autorisation a été accordée conformément aux conditions préalables fixées par le Code. Comme le juge Martin l'explique, la constatation que les conditions préalables fixées par le Code n'ont pas été respectées confère au juge le pouvoir discrétionnaire, par application du par. 24(2) de la Charte, d'écarter la preuve qui contrevient à son art. 8.

Il ressort de cette analyse des deux recours généraux qui permettent l'exclusion de la preuve obtenue par écoute électronique qu'il est impossible de réunir conceptuellement ces deux recours et de les présenter au juge du procès à moins que celui‑ci n'appartienne à la cour supérieure même qui a accordé l'autorisation. L'accusé a un droit strict de s'adresser à la cour qui a rendu l'ordonnance d'autorisation d'écoute électronique et notre Cour ne peut le priver de ce droit. Notre Cour ne peut pas non plus habiliter un juge d'une autre cour à entendre cette demande, car ce serait aller à l'encontre de la règle interdisant les contestations indirectes. Une demande de type Wilson visant l'annulation d'une autorisation et une demande de type Garofoli visant l'exclusion de preuves par application de la Charte sont distinctes sur le plan des concepts et de la jurisprudence, et notre Cour ne peut rien y changer.

Je suis donc de l'avis de la Cour d'appel de l'Ontario qu'un accusé qui cherche à faire écarter des éléments de preuve obtenus par écoute électronique a deux recours: (1) une demande de type Wilson, présentée à une cour supérieure, pour faire annuler l'autorisation, de sorte que l'interception n'est plus "faite légalement" au sens de l'al. 178.16(1)a); et (2) une demande de type Garofoli, au juge du procès (souvent un juge de cour provinciale), pour faire exclure les éléments de preuve pour le motif que leur interception est une fouille ou saisie abusive au sens de l'art. 8 de la Charte et que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice au sens du par. 24(2) de la Charte. La demande de type Wilson comporte un fardeau de preuve plus onéreux, mais ce désavantage est compensé par le fait que la réparation est automatique si le requérant a gain de cause: la preuve obtenue par l'interception des communications est irrecevable. En vertu de la Charte, l'accusé a un fardeau de preuve moins lourd à satisfaire, mais la réparation n'est pas automatique: elle dépend du par. 24(2) de la Charte qui est nécessairement souple puisqu'il s'applique à une grande diversité de circonstances.

Il faut ajouter une remarque sur ce qu'est l'interception "faite légalement" selon l'al. 178.16(1)a), car cela détermine l'admissibilité de la preuve à l'occasion d'une demande de type Wilson. Il y a deux avis à cet égard. Le premier est celui du juge Martin en cour d'appel en l'espèce, qui estime que toute preuve recueillie par une interception autorisée, qui n'a pas été annulée, est légalement obtenue et donc recevable en vertu de la partie IV.1. Elle peut cependant être écartée, en vertu du par. 24(2) de la Charte, si elle a été obtenue en violation de droits garantis à l'accusé par l'art. 8 de la Charte et que son utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Le second est celui du juge Sopinka qui estime qu'une interception autorisée peut être illégale si la preuve est obtenue dans des circonstances où l'autorisation n'aurait pas dû être accordée.

À mon avis, la considération déterminante doit être l'intention du législateur. Qu'a‑t‑il voulu dire par "faite légalement"? Je partage l'avis du juge Martin que le législateur a voulu dire une interception faite en vertu d'une autorisation dont la validité subsiste. Soutenir que des actes expressément autorisés par une ordonnance judiciaire sont illégaux contredit les notions les plus fondamentales de la légalité. Si une personne munie d'une telle autorisation ne peut présumer qu'elle agit légalement qui le peut?

L'ordonnance autorisant l'interception peut, par la suite, être jugée nulle. Si cela arrive, l'ordonnance peut alors être annulée ce qui rend l'interception nulle ab initio, ou encore la preuve obtenue grâce à l'autorisation peut être écartée en application du par. 24(2) de la Charte. La question de maintenir la validité formelle de l'ordonnance uniquement par déférence pour les ordonnances judiciaires ne se pose ni dans un cas ni dans l'autre. Dans le premier cas, la partie IV.1 prévoit expressément l'annulation de l'ordonnance. Dans le second, la réparation accordée en vertu du par. 24(2) de la Charte se limite à l'exclusion de la preuve. Bien qu'on puisse soutenir qu'il existe un pouvoir, en vertu du par. 24(1), d'annuler une ordonnance obtenue de manière irrégulière, on voit difficilement à quoi ce pouvoir servirait.

J'ai une dernière remarque à faire sur ce sujet. Bien que je ne sois pas de l'avis du juge Sopinka qui estime possible de réunir des demandes de type Garofoli et de type Wilson, je ne conteste pas que les modalités actuelles créent des problèmes inutiles. Le droit criminel et la procédure criminelle devraient être simples et faciles à comprendre. La complexité venant de ce que deux cours différentes tranchent essentiellement la même question, celle de la recevabilité de preuves, pèche contre cette règle. La question de l'appel d'une décision sur une demande de type Wilson présente une difficulté particulière. Bien que le juge Martin propose en l'espèce une solution temporaire au problème de l'appel, il appartient au législateur de fournir la solution définitive à la confusion engendrée par l'application concomitante de la législation actuelle et de la Charte. À ce sujet, je reprends la demande insistante formulée par le juge McIntyre dans l'arrêt R. c. Meltzer, précité, que le Parlement corrige la confusion et les retards qui découlent de la façon dont le Code criminel traite de l'écoute électronique.

III. La portée d'un contrôle judiciaire des autorisations

J'aborde maintenant la deuxième grande question soulevée par le présent pourvoi — la façon dont les cours de justice devraient procéder pour résoudre certaines questions que le Code criminel ne tranche pas, mais qui se présentent à l'occasion du contrôle des autorisations d'écoute électronique. Je parle de la question de savoir si jamais ou quand il convient d'ordonner l'ouverture du paquet; la question connexe de la révision des documents contenus dans le paquet, s'il est ouvert, et la question de la portée du contre‑interrogatoire des auteurs des affidavits contenus dans le paquet à autoriser par le juge.

La partie IV.1 du Code criminel édicte que les documents qui justifient l'autorisation sont confidentiels, mais que le paquet peut être ouvert sur ordonnance d'un juge. Il édicte également que les preuves obtenues par l'interception illégale de communications sont irrecevables à moins que le vice soit uniquement de nature procédurale. Le Code ne dit rien au sujet des droits d'une personne visée par la communication de contre‑interroger des témoins ou de présenter des éléments de preuve à l'appui d'une demande visant à écarter les preuves obtenues par l'interception de la communication. La loi prévoit donc que l'on peut demander deux choses au juge: (1) d'autoriser l'ouverture du paquet et (2) d'écarter des éléments de preuve obtenus par une interception de communications. La question est de savoir en vertu de quels critères le juge doit prendre sa décision sur ces questions, vu le silence du Code.

Quand des dispositions législatives confèrent un pouvoir aux cours de justice, mais ne précisent pas la façon d'exercer ce pouvoir, les tribunaux n'ont d'autre choix que de définir eux‑mêmes les critères non mentionnés. Dans le cas de la partie IV.1, il en est résulté une abondance d'opinions judiciaires divergentes, reflétant toute une gamme de philosophies judiciaires. On chercherait, dans cette mer d'incertitude, un rocher sur lequel fonder un avis plus objectif. Ce rocher c'est, à mon avis, l'intention du législateur, qu'on peut déduire des fins des dispositions législatives et des valeurs qu'elles consacrent.

J'ai affirmé au début des présents motifs que la partie VI.1 du Code criminel avait pour objet de protéger le droit à la vie privée contre l'intrusion que constitue la surveillance électronique tout en préservant le pouvoir des corps de police d'intercepter des communications lorsqu'ils ont des motifs de croire qu'une infraction a été commise ou risque de l'être et que l'interception des communications est raisonnablement nécessaire. Comme on pourra facilement le constater, selon moi, la réponse aux questions de savoir quand ordonner l'ouverture du paquet, quelle révision justifier et quand permettre le contre‑interrogatoire, exige que soient soupesés les intérêts du ministère public et ceux de la société dans l'administration de la justice, d'une part, et les intérêts des personnes dont la liberté est en jeu, d'autre part.

A. La demande d'ouverture du paquet

Vu ce contexte, j'aborde maintenant les considérations qui doivent guider le juge saisi d'une demande d'ouverture du paquet en vertu du par. 178.14(1).

Mon collègue le juge Sopinka est d'avis qu'il y a lieu d'ouvrir le paquet dans tous les cas. Je suis aussi d'avis qu'il y a lieu de le faire dans la plupart des cas. Cependant, j'aborde le sujet un peu différemment. Selon moi, la solution relève du pouvoir discrétionnaire du juge saisi de la demande. Il doit décider s'il faut ou non ouvrir le paquet en se demandant si l'intérêt de la société dans l'administration de la justice l'emporte sur le droit de l'accusé d'obtenir l'ouverture du paquet.

L'analyse de la question doit partir du texte du par. 178.14(1):

178.14 (1) Tous les documents relatifs à une demande faite en application de l'article 178.12 ou des paragraphes 178.13(3) ou 178.23(3) sont confidentiels et, à l'exception de l'autorisation, doivent être placés dans un paquet scellé par le juge auquel la demande est faite dès qu'une décision est prise au sujet de cette demande; ce paquet doit être gardé par le tribunal, en un lieu auquel le public n'a pas accès ou en tout autre lieu que le juge peut autoriser et il ne doit pas

a) être ouvert et son contenu ne doit pas être enlevé, si ce n'est

(i) pour traiter d'une demande de renouvellement de l'autorisation, ou

(ii) en application d'une ordonnance d'un juge d'une cour supérieure de juridiction criminelle ou d'un juge défini à l'article 482; ni

b) être détruit, si ce n'est en application d'une ordonnance d'un juge mentionné au sous‑alinéa a)(ii).

Le texte de l'article dit clairement qu'il n'existe pas de droit de consulter les documents en vertu desquels l'autorisation a été accordée. L'intention principale du législateur était de préserver le caractère confidentiel des documents; il ne peuvent être divulgués qu'à l'occasion d'une demande de renouvellement ou sur ordonnance d'un juge. Il reste uniquement à déterminer quand le juge devrait ordonner leur divulgation. On peut comparer cette situation et celle qui prévaut aux États‑Unis où les dispositions législatives exigent que le contenu du paquet soit remis à l'accusé dix jours avant la tenue du procès: Omnibus Crime Control and Safe Streets Act, 18 U.S.C. {SS} {SS} 2510 à 2520 (1988).

Un juge devrait‑il normalement ordonner la divulgation du paquet avant le procès? Un juge devrait‑il le faire seulement dans des circonstances qui font supposer que le droit à la vie privée de l'accusé a été violé d'une façon que la partie VI.1 interdit? En vertu des règles d'interprétation des lois, la première proposition est insoutenable. Si le législateur avait voulu que tous les accusés aient accès au paquet, sans autre formalité, il aurait adopté une disposition semblable à celle qui existe aux États‑Unis. Par ailleurs, le refus systématique de communiquer le contenu du paquet met en doute la capacité de l'accusé de présenter une défense pleine et entière, droit que le par. 577(3) (maintenant par. 650(3)) du Code criminel lui reconnaît.

La question suivante est celle des conséquences de la Charte sur cette situation. La Charte garantit à un accusé le droit à un procès équitable et celui d'y présenter une défense pleine et entière. On soutient que le droit à un procès équitable englobe celui de contester tout élément de preuve qui peut être irrecevable. On affirme aussi qu'un accusé ne peut contester l'interception s'il n'a pas accès au paquet. En conséquence, selon la logique de l'argumentation, faute d'avoir accès au paquet, l'accusé est privé du droit à un procès équitable. On affirme encore que, dans ce cas, le juge devrait exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par la partie VI.1 du Code pour appliquer la Charte et accorder l'accès au paquet dans tous les cas. La divulgation deviendrait la règle.

Dans l'arrêt Dersch (1987), 17 B.C.L.R. (2d) 145, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, par la voix du juge Esson (tel était alors son titre), a rejeté la deuxième proposition selon laquelle le droit à un procès équitable englobe le droit de contester efficacement les éléments de preuve obtenus par l'application de la partie VI.1 du Code — parce que les motifs susceptibles de justifier l'exclusion d'éléments de preuve se limitent à des questions de forme. Il dit ceci, à la p. 151:

[TRADUCTION] Il s'ensuit, à mon avis, que le refus de la possibilité de démontrer un vice dans la procédure qui a mené à l'autorisation ne touche pas le droit de préparer une défense pleine et entière ni le droit à un procès équitable. Il prive simplement l'accusé de la possibilité d'obtenir l'exclusion d'un élément de preuve pertinent pour un motif de forme. Cette possibilité n'est pas un droit protégé par la Constitution.

Cela soulève la question de savoir ce que les expressions "procès équitable" et "défense pleine et entière" veulent dire. Avant la Charte les éléments de preuve pertinents et fiables étaient normalement utilisés même s'ils avaient été obtenus illégalement: voir R. c. Wray, [1971] R.C.S. 272. Cependant, depuis l'avènement de la Charte du moins, notre Cour a souligné que le droit de présenter une défense pleine et entière est "une pierre angulaire du système de justice" et que ce droit ne devrait pas être miné à la légère: voir l'arrêt Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863, le juge Wilson (dissidente pour d'autres motifs), à la p. 969. L'expression "défense pleine et entière" autorise l'accusé à faire valoir tous les moyens de défense, qu'il s'agisse de questions de forme ou non. À vrai dire, les qualificatifs "pleine et entière" n'autorisent pas d'autre solution. Le droit de présenter une défense pleine et entière ne peut être réduit à celui de faire valoir des moyens de défense autres que des questions de forme. Pour ces motifs, je dois rejeter le raisonnement de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique.

Mais je n'adopte pas pour autant l'avis qu'il existe dans tous les cas un droit automatique de prendre connaissance du contenu du paquet. Comme d'autres droits garantis par la Charte, celui de présenter une défense pleine et entière peut entrer en conflit avec d'autres droits ou d'autres valeurs. Il peut être nécessaire de soupeser ces intérêts en regard du droit de présenter une défense pleine et entière.

La question de la révision des documents illustre ce problème. Comme le juge Sopinka, je suis d'avis qu'un juge peut ne pas divulguer certaines parties du paquet pour le motif, par exemple, que ces parties révèlent l'identité d'un informateur de la police. Le refus de communiquer ces renseignements peut amener un accusé à se plaindre d'être privé du droit de présenter une défense pleine et entière. Néanmoins, il faut permettre la révision des documents parce l'intérêt du public dans l'administration de la justice l'emporte sur l'intérêt de l'accusé à obtenir l'identité de l'indicateur. Comme le juge Sopinka, je suis aussi d'avis que les documents ainsi révisés peuvent servir à déterminer si l'autorisation est bien fondée.

Selon la méthode de conciliation que je propose, l'accusé doit d'abord démontrer que son intérêt en matière de droit à la vie privée ou de droit à un procès équitable justifie l'ouverture du paquet. Cette démonstration ne sera pas difficile à faire dans la majorité des cas, puisque, comme la Cour d'appel en l'espèce et le juge Sopinka le soulignent, il est ordinairement presque impossible à un accusé de contester des éléments de preuve qui ont été recueillis d'une façon qui peut se révéler illégale, sans pouvoir prendre connaissance des pièces en vertu desquelles l'autorisation a été accordée.

La question suivante est de savoir s'il existe des intérêts opposés qui l'emportent sur celui de l'accusé à prendre connaissance du contenu du paquet. Dans la majorité des cas, il n'y en aura pas beaucoup, pourvu que les documents soient bien révisés. En conséquence, on peut prévoir que, dans la plupart des cas, on accordera à l'accusé l'accès au paquet.

En résumé, je suis d'avis que le droit de l'accusé de présenter une défense pleine et entière impose au juge d'autoriser l'accusé, qui en fait la demande, à prendre connaissance du paquet, sous réserve d'intérêts prédominants en matière d'administration de la justice. Bien que l'accusé ait le fardeau de prouver que son intérêt à la communication du paquet l'emporte sur les motifs de bonne administration de la justice, on peut prévoir que, dans la majorité des cas, il en résultera une divulgation assez complète du contenu du paquet puisque, dans la majorité des cas, l'intérêt de l'accusé est manifeste et que la divulgation n'entrave pas notablement l'administration de la justice.

B. Le droit de contre‑interroger

Je passe maintenant à la question de savoir si, après avoir obtenu l'accès aux paquets, l'accusé devrait être autorisé à contre‑interroger les auteurs des affidavits ainsi communiqués dans le but de faire déclarer irrecevable la preuve obtenue par écoute électronique. Dans quelles circonstances l'accusé aura‑t‑il le droit à une audition avec enquête?

Un contre‑interrogatoire peut être indiqué à l'occasion soit d'une demande en vertu de la partie IV.1 soit d'une demande visant à faire écarter, en vertu du par. 24(2) de la Charte, la preuve obtenue par écoute électronique pour le motif que celle‑ci était une fouille et une saisie abusives au sens de l'art. 8 de la Charte. Puisque ni le Code ni la Charte ne mentionnent le droit de contre‑interroger à l'occasion de ces demandes, la question relève entièrement du pouvoir discrétionnaire du juge.

Mon collègue le juge Sopinka rejette la méthode suivie par la Cour d'appel en l'espèce, qui se modelait sur la règle dégagée de l'arrêt américain Franks v. Delaware, 438 U.S. 154 (1978). Selon cette règle, il faut d'abord montrer l'existence de déclarations fausses faites délibérément ou inconsidérément et apporter une preuve prima facie contestant les affidavits et donc l'existence de motifs justifiant l'autorisation. Le juge Sopinka écarte l'imposition de telles conditions parce qu'elles pourraient entraver le droit de présenter une défense pleine et entière. Il exigerait que l'autorisation soit laissée à la discrétion du juge et il propose que "l'accusé [doive] démontrer qu'il y a des motifs de penser que le contre‑interrogatoire apportera un témoignage tendant à réfuter la présence d'une des conditions préalables à l'autorisation, dont par exemple l'existence des motifs raisonnables et probables qui sont une condition préalable à l'autorisation", mais il est manifeste qu'il estime que le droit de contre‑interroger est étendu et a une large portée. Cela ressort même du refus de sa part de confirmer la conclusion de la Cour d'appel selon laquelle le droit de contre‑interroger n'avait pas été établi. Par contre, je considère, quant à moi, que le droit de contre‑interroger à l'occasion d'une demande fondée sur la partie IV.1, est fonction de l'évaluation des intérêts opposés de l'accusé et du public, évaluation qui, à mon avis, amènera assez souvent le juge à refuser la possibilité de contre‑interroger les auteurs d'affidavits produits au soutien de l'autorisation.

J'aborderais ce problème de la même manière que la question de l'ouverture du paquet. Pour établir son droit à une audition avec enquête et son droit de contre‑interroger, l'accusé doit démontrer qu'ils sont nécessaires. Dans le cas d'une demande d'annulation de l'autorisation, il doit démontrer que le contre‑interrogatoire pourrait l'aider à prouver que les conditions nécessaires à une autorisation n'étaient pas réalisées. Dans le cas d'une demande visant à écarter des éléments de preuve parce qu'il y a eu violation de la Charte, l'accusé doit démontrer que le contre‑interrogatoire pourrait l'aider à prouver la violation et que ce contre‑interrogatoire est, en conséquence, nécessaire pour lui permettre de présenter une réponse et une défense complètes. En regard de ces éléments, le juge doit évaluer les intérêts opposés, dont l'intérêt de la société à la bonne administration de la justice.

L'audition avec enquête et le contre‑interrogatoire des déposants peuvent nuire beaucoup plus à l'administration de la justice que l'ouverture du paquet. La divulgation de détails sur les activités d'enquête et sur l'identité d'informateurs est beaucoup plus probable en contre‑interrogatoire que dans des affidavits, qu'on peut soigneusement rédiger dans le but d'éviter ces écueils. Comment peut‑on contre‑interroger un agent sur la crédibilité d'un informateur sans scruter des détails qui peuvent révéler son identité, par exemple? Quand une réponse préjudiciable a été donnée au cours d'un contre‑interrogatoire, il est impossible de la censurer. Les limites que l'on tente de fixer à la portée d'un contre‑interrogatoire sont reconnus pour leur faiblesse. Puisque l'efficacité du contre‑interrogatoire dépend ordinairement de la grande latitude laissée quant aux questions, un contre‑interrogatoire limité peut se révéler peu utile. De plus, il est souvent difficile de prévoir quand une question précise suscitera une réponse qui déborde sur les sujets interdits. Enfin, les contre‑interrogatoires peuvent allonger indûment les procès sur des questions accessoires relatives à la preuve.

De l'autre côté, le contre‑interrogatoire peut avoir moins d'importance pour la défense que l'ouverture du paquet. La question à trancher dans le cadre d'une demande d'annulation de l'autorisation ou d'exclusion de preuves en raison d'une violation de la Charte, n'est pas de savoir si les renseignements étaient vrais, mais s'ils justifiaient de croire qu'un crime avait été commis ou était sur le point de l'être. Donc le contre‑interrogatoire doit faire plus que démontrer que certaines assertions pouvaient être fausses ou, par exemple, que l'indicateur a menti à l'auteur de l'affidavit — il doit démontrer que les allégations ne pouvaient pas justifier le déposant d'arriver raisonnablement à cette conclusion. On a mentionné que le contre‑interrogatoire est un outil puissant pour faire ressortir la vérité; mais ce qui est raisonnable, par opposition à ce qui est vrai, peut se découvrir à l'examen des pièces tout aussi bien que par contre‑interrogatoire dans bien des cas. Dans ces conditions, il peut être difficile d'arriver à la conclusion que le contre‑interrogatoire est indispensable pour prouver que les conditions nécessaires à l'autorisation n'étaient pas réalisées ou pour présenter défense pleine et entière.

En résumé, le contre‑interrogatoire peut poser plus de problèmes pour la bonne administration de la justice et avoir moins d'importance du point de vue de l'équité du procès que l'accès au paquet. En conséquence, on peut penser que l'intérêt de la société dans la bonne administration de la justice l'emportera plus souvent sur l'intérêt de l'accusé en matière de droit à la vie privée ou de capacité de fournir une défense pleine et entière.

C'est dans ce contexte qu'il faut considérer le critère de l'arrêt Franks adopté par la cour d'instance inférieure. Compte tenu de la faiblesse du lien entre le contre‑interrogatoire et le caractère raisonnable de la conviction et compte tenu des conséquences que peut avoir, pour l'administration de la justice, la permission de contre‑interroger et des difficultés qu'il y a de contrôler la portée du contre‑interrogatoire, il ne me paraît pas déraisonnable d'exiger de l'accusé qu'il apporte une démonstration préliminaire solide qu'une déclaration de l'affidavit est fausse et qu'elle a été faite sciemment ou inconsidérément. Le rôle du juge, à l'occasion d'une demande d'autorisation de contre‑interroger, doit consister à déterminer si l'accusé a fait valoir un droit qui a plus de poids que des considérations relatives à la bonne administration de la justice. En règle générale, il faudra que l'accusé démontre d'abord que de fausses déclarations de l'affidavit en cause ont été faites sciemment ou inconsidérément et que, sans ces déclarations, il n'y aurait pas eu suffisamment de motifs d'accorder l'autorisation et autoriser ainsi la perquisition ou saisie que représente l'interception de communications. C'est seulement une fois cela établi que le contre‑interrogatoire peut avoir une valeur quelconque pour l'accusé. Si les déclarations étaient vraies, il n'y a pas lieu à contre‑interrogatoire. De plus, même si elles étaient fausses, mais crues, faites de bonne foi et considérément, le contre‑interrogatoire ne saurait prévaloir puisque la croyance raisonnable requise pour valider la perquisition ou la saisie ou l'interception de communications exigée par le Code existe. Donc, à moins de faire une démonstration prima facie que l'affidavit comporte de fausses déclarations faites sciemment ou inconsidérément, l'accusé n'a pas établi qu'il peut vraiment se prévaloir du contre‑interrogatoire. En résumé, il n'a pas fait la preuve de l'intérêt qu'il aurait à contre‑interroger. Dans ces circonstances, l'intérêt de la société à préserver le secret des dénonciations faites à la police et à éviter la prolongation inutile des procès l'emportera inévitablement ou presque sur l'intérêt pour l'accusé de contre‑interroger. En émettant cet avis, je ne dis pas que le critère de l'arrêt Franks doit automatiquement s'appliquer au Canada et je n'écarte pas la possibilité que de nombreuses erreurs manifestes suffisent à elles seules à apporter la preuve préliminaire de déclarations inconsidérées.

Il ressort de ce qui précède que je propose le même critère pour une demande de type Wilson fondée sur le Code que pour une demande de type Garofoli fondée sur la Charte. À mon avis, cela est justifié puisque les mêmes considérations s'appliquent aux deux types de demandes, celle fondée sur le Code et celle fondée sur la Charte. Autant en vertu du Code qu'en vertu de la Charte, il est nécessaire de se demander s'il existait des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction avait été commise ou était en train de l'être. De même, l'existence d'autres formes d'enquête est pertinente en vertu du Code, qui le dit explicitement, et en vertu de la Charte quand il faut déterminer s'il convient d'écarter les éléments de preuve en vertu du par. 24(2). De plus, la question ultime à trancher est la même dans les deux cas — faut‑il ou non exclure les éléments de preuve obtenus par écoute électronique?

C. Application à l'espèce

Je résumerai ainsi mes conclusions sur la question de l'ouverture du paquet et sur le contre‑interrogatoire concernant les affidavits qu'il contient. Les considérations fondamentales sont, dans les deux cas, d'une part, l'intérêt de l'accusé dans la protection de son droit à la vie privée et de son droit à un procès équitable, dont celui de présenter une défense pleine et entière et, d'autre part, l'intérêt de la société dans la bonne administration de la justice. En exerçant le pouvoir discrétionnaire qu'il possède, le juge doit soupeser ces considérations. À l'occasion d'une demande d'ouverture du paquet, la balance penchera ordinairement en faveur de l'ouverture du paquet, sous réserve de la révision des documents et de la prise en compte des questions relatives à la bonne administration de la justice qui peuvent se poser dans des cas particuliers. À l'occasion d'une demande d'autorisation de contre‑interroger l'auteur des affidavits, la balance penchera généralement en faveur du refus à moins que l'accusé puisse faire la démonstration préliminaire de l'utilité particulière du contre‑interrogatoire.

Pour ce qui est de l'espèce, la Cour d'appel a conclu qu'il aurait fallu ordonner l'ouverture du paquet, sous réserve de la révision de son contenu. Je reconnais que l'évaluation relative des intérêts de l'accusé et de ceux de la société dans l'administration de la justice impose cette conclusion.

Au sujet de l'autorisation de contre‑interroger, la Cour d'appel a conclu que la démonstration n'a pas été faite et, après avoir examiné les allégations de l'accusé, a conclu que le contre‑interrogatoire proposé aurait peu d'utilité. Le juge Martin a écrit ceci, à la p. 131:

[TRADUCTION] Même si l'on présume que Garofoli dit la vérité quand il affirme qu'il n'était pas à Hamilton en décembre 1982, cela indique seulement que l'informateur peut s'être trompé sur la date de la prise de contact alléguée. De plus, même si l'informateur a menti à propos de cet événement, le fait n'établit pas qu'en faisant sa déclaration, l'agent Campbell a fait une déclaration fausse intentionnellement ou inconsidérément. De plus, même si l'informateur a menti en disant que Garofoli était la personne inconnue que les policiers ont observée le 25 juillet 1983, le fait n'établit pas que l'agent Campbell a fait une fausse déclaration intentionnellement et sciemment ou inconsidérément.

Je ne trouve pas d'erreur dans cette conclusion.

Il en résulte donc que l'accusé en l'espèce n'a pas réussi à démontrer que le contre‑interrogatoire était susceptible de l'aider à présenter défense pleine et entière. Par ailleurs, le contre‑interrogatoire risquait de provoquer la révélation de renseignements policiers confidentiels et de prolonger inutilement les procédures. Dans ces circonstances, l'évaluation des intérêts en jeu favorise le refus du droit de contre‑interroger.

IV. Dispositif

J'ai donné mon avis sur les questions 1 à 6 soulevées dans le présent pourvoi, selon le résumé qu'en a fait le juge Sopinka. Je souscris à l'avis du juge Sopinka au sujet de la question 7 et je conclus que l'absence d'une disposition de minimisation ne constitue pas en soi une violation de la Charte ou de la partie IV.1 du Code. Je suis aussi de son avis quant à savoir si la preuve a été faite que l'accusé s'était esquivé et si le juge du procès a adéquatement mis en garde le jury au sujet du témoignage des complices (questions 8 et 9).

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi accueilli, les juges L'HEUREUX‑DUBÉ et MCLACHLIN sont dissidentes.

Procureur de l'appelant: Keith E. Wright, Toronto.

Procureur de l'intimée: John C. Tait, Ottawa.

* Juge en chef à la date de l'audition.

** Juge en chef à la date du jugement.


Synthèse
Référence neutre : [1990] 2 R.C.S. 1421 ?
Date de la décision : 22/11/1990
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit criminel - Interception de communications privées - Accès au paquet scellé - Validité d'autorisations d'écoute électronique - Motifs de contestation des autorisations et recours appropriés - Protection de l'identité des informateurs - Révision des affidavits - Droit de l'accusé de contre‑interroger au sujet des affidavits - Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, partie IV.1.

Droit criminel - Interception de communications privées - Recevabilité de la preuve - Rapports entre l'art. 178.16 du Code criminel et l'art. 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Fouilles, perquisitions et saisies abusives - Interception de communications privées - Omission du juge d'inclure une clause de minimisation dans les autorisations d'écoute - Les autorisations violent‑elles l'art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés?.

L'appelant a été accusé de complot en vue d'importer un stupéfiant. La preuve contre lui provenait en grande partie de communications privées interceptées en vertu d'autorisations d'écoute électronique. À la fin d'un voir‑dire sur la recevabilité des communications interceptées, le juge du procès a refusé d'ordonner l'ouverture des paquets scellés contenant les affidavits sur la foi desquels les autorisations avaient été accordées et il a statué que la preuve obtenue par écoute électronique était recevable. Il a déclaré l'appelant coupable. Se fondant sur l'arrêt Playford, qu'elle avait rendu après la décision du juge de première instance, la Cour d'appel a jugé que l'appelant avait droit d'accès aux paquets scellés. Les affidavits ont été révisés pour protéger des informateurs et communiqués à l'appelant. La cour a conclu que la révision ne compromettait pas la capacité de l'avocat d'évaluer la validité apparente des affidavits, que les affidavits donnaient suffisamment d'indications de la fiabilité de l'informateur en cause et qu'ils présentaient largement assez de faits pour satisfaire aux exigences constitutionnelles d'une perquisition et d'une saisie raisonnables. Puisque l'appelant n'avait pas démontré que le déposant avait fait volontairement, intentionnellement ou inconsidérément une fausse déclaration, il n'avait pas le droit de le contre‑interroger. La cour a conclu que le refus du juge du procès de permettre à l'appelant d'avoir accès aux affidavits ne constituait pas une erreur judiciaire grave et elle a confirmé la déclaration de culpabilité. Les questions principales en l'espèce sont de savoir si: L'accusé a droit d'avoir accès aux documents du paquet scellé; de quelle manière un accusé peut contester une autorisation d'écoute; quelles exigences spéciales s'appliquent aux informateurs; quelle procédure s'applique à la révision des affidavits du paquet scellé; si l'accusé a le droit de contre‑interroger au sujet des affidavits; et si l'omission du juge qui a accordé l'autorisation d'inclure une clause de minimisation a donné lieu à une perquisition et saisie abusives en violation de l'art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Arrêt (Les juges L'Heureux‑Dubé et McLachlin sont dissidentes): Le pourvoi est accueilli.

Le juge en chef Dickson, le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka et Gonthier: La Cour d'appel a eu raison d'ouvrir les paquets scellés puisque l'accusé a droit à ce que le paquet soit ouvert et, sous réserve d'une révision, à ce que son contenu soit produit pour lui permettre de préparer une défense pleine et entière.

Puisque l'écoute électronique constitue une perquisition ou une saisie, les dispositions législatives en vertu desquelles elle est autorisée doivent se conformer aux exigences constitutionnelles minimales de l'art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge qui accorde l'autorisation doit être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise, ou est en train de l'être, et que l'autorisation demandée fournira des éléments de preuve de la perpétration de cette infraction.

Les procédures auxquelles on peut avoir recours pour contester une autorisation d'écoute électronique sont: (1) un voir‑dire de type Parsons, devant le juge du procès pour examiner la validité apparente de l'autorisation, la réparation étant l'exclusion en vertu de l'art. 178.16 du Code; (2) une demande de type Wilson devant le tribunal qui a accordé l'autorisation pour déterminer si l'affidavit est valide quant au fond, la réparation étant l'annulation de l'autorisation; (3) une audience de type Garofoli devant le juge du procès pour déterminer si l'autorisation est conforme à l'art. 8 de la Charte, la réparation étant une décision, rendue en vertu du par. 24(2) de la Charte, concernant l'exclusion de la preuve; et (4) une audience de type Vanweenan tenue devant le juge du procès en vue de déterminer si l'autorisation identifie toutes les personnes "connues" comme l'exigent les al. 178.12(1)e) et 178.13(2)c) du Code, la réparation étant l'exclusion en vertu de l'art. 178.16.

Quand un accusé soutient que l'écoute électronique enfreint l'art. 8 de la Charte, la demande d'examen doit être présentée au juge du procès, même si les demandes d'ouverture du paquet scellé doivent être soumises à un juge désigné à l'al. 178.14(1)a)(ii) du Code, qui dans certains cas ne sera pas le juge du procès. Pour déterminer si la perquisition ou fouille est raisonnable en vertu de l'art. 8 de la Charte, le juge qui siège en révision doit déterminer si les dispositions du Code ont été respectées, puisque les conditions légales sont identiques aux exigences de l'art. 8. Alors que l'arrêt Wilson empêchait la révision de la décision du juge qui a accordé l'autorisation selon laquelle les conditions imposées par la loi avaient été respectées, sauf s'il y avait eu fraude ou découverte de nouveaux éléments de preuve, l'application de l'art. 8 exige de réviser cette décision comme étape de la décision relative au caractère raisonnable de la fouille, de la perquisition et de la saisie. Si, compte tenu du dossier, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. La conclusion que l'interception est illégale fait intervenir les termes péremptoires de l'art. 178.16 et la preuve est irrecevable. Le paragraphe 24(2) de la Charte ne peut avoir l'effet de rendre la preuve recevable même si son utilisation n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Par conséquent, un accusé qui invoque l'art. 24 et établit que l'interception a été faite illégalement est fondé à bénéficier des dispositions de l'art. 178.16.

Les déclarations d'informateurs qui sont du ouï‑dire peuvent fournir des motifs raisonnables et probables justifiant une fouille, mais la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante en soi pour établir l'existence de motifs raisonnables et probables. La fiabilité du renseignement doit être évaluée en fonction de l'ensemble des circonstances. Les résultats d'une fouille ne peuvent ex post facto apporter la preuve de la fiabilité des renseignements.

Les cours ont manifestement le pouvoir de réviser les documents en vertu du pouvoir de contrôle et de protection qu'elles possèdent à l'égard de leurs propres dossiers. Pour déterminer ce qu'il doit écarter, le juge tiendra compte de la règle interdisant la divulgation de l'identité des indicateurs de police, sous réserve de l'exception concernant la démonstration de l'innocence de l'accusé. Dans chaque cas, cette décision exige qu'on soupèse l'importance de l'identité de l'informateur pour la thèse de l'accusé et le préjudice que la divulgation causerait à l'informateur et à l'intérêt public en matière d'application de la loi.

Les conditions préalables au contre‑interrogatoire de l'auteur de l'affidavit imposée par la Cour d'appel, largement fondées sur l'arrêt américain Franks v. Delaware, sont trop restrictives. Notre Cour a pour principe de maintenir le droit au contre‑interrogatoire. On peut tenir compte des préoccupations relatives à la protection de l'identité des informateurs et à la prolongation des procédures sans restreindre le droit si sévèrement. Il n'existe aucun droit de contre‑interroger les informateurs puisqu'ils ne sont pas des témoins et ils ne peuvent être identifiés à moins que l'accusé n'invoque l'exception relative à la démonstration de son innocence. Le juge du procès devrait accorder l'autorisation de contre‑interroger, conformément au pouvoir discrétionnaire qu'il possède, s'il est convaincu que le contre‑interrogatoire est nécessaire pour permettre à l'accusé de présenter une défense pleine et entière. L'accusé doit démontrer qu'il y a des raisons de penser que le contre‑interrogatoire mettra en doute l'existence d'une des conditions préalables à l'autorisation.

En l'espèce, l'appelant a justifié son droit au contre‑interrogatoire. Compte tenu de l'importance donnée par les policiers à l'informateur en l'espèce, si celui‑ci est discrédité, le fondement factuel de l'autorisation est vicié. Le contre‑interrogatoire ayant été refusé, il doit y avoir un nouveau procès.

L'omission du juge qui a accordé l'autorisation d'imposer des conditions minimisant l'interception de communications non pertinentes n'a pas donné lieu à une perquisition et à une saisie abusives en contravention de l'art. 8 de la Charte. L'obligation d'une surveillance réelle dans tous les cas imposerait un fardeau trop lourd aux responsables de l'application des lois canadiennes. L'imposition d'une surveillance réelle ou visuelle conviendrait d'ordinaire à l'interception des appels de téléphones publics payants, mais les mêmes considérations ne s'appliquent pas à l'égard de la résidence privée de personnes nommées dans une autorisation à moins qu'il existe des circonstances particulières exigeant une surveillance réelle. L'appelant n'a pas convaincu la Cour qu'il existait des circonstances particulières en l'espèce.

Les juges L'Heureux‑Dubé et McLachlin (dissidentes): Puisque le pouvoir que possède un juge d'autoriser l'interception de communications aux conditions fixées par le par. 178.13(1) du Code doit être exercé conformément à la Charte, il faut voir dans cet article la condition que le juge soit convaincu qu'il y a des motifs raisonnables de croire que l'infraction précisée a été commise ou qu'elle est en train de l'être et que l'interception demandée en fournira une preuve. Outre cette restriction à la capacité d'un juge d'autoriser la surveillance électronique, la protection directe des personnes découle de deux sources: l'al. 178.16(1)a) du Code qui précise que, pour que la communication soit recevable, il faut que l'interception ait été "faite légalement", et le par. 24(2) de la Charte, qui prescrit l'exclusion de la preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte à un droit garanti par la Charte et dont l'utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Un accusé qui cherche à faire exclure des preuves obtenues par écoute électronique a deux recours: (1) une demande de type Wilson à une cour supérieure pour faire annuler l'autorisation, de sorte que l'autorisation n'est plus "faite légalement" au sens de l'al. 178.16(1)a); et (2) une demande de type Garofoli au juge du procès (souvent un juge d'une cour provinciale) pour faire exclure les éléments de preuve pour le motif que leur interception est une fouille ou saisie abusive au sens de l'art. 8 de la Charte et que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice au sens du par. 24(2) de la Charte.

La question de savoir si le paquet devrait être ouvert relève du pouvoir discrétionnaire du juge saisi de la demande, qui doit soupeser, d'une part, les droits de l'accusé à la protection de sa vie privée et à un procès équitable, dont le droit de présenter une défense pleine et entière, et, d'autre part, l'intérêt du public dans la bonne administration de la justice. Vu l'importance du droit de l'accusé à une défense pleine et entière, la balance penchera généralement en faveur de l'ouverture du paquet, sous réserve de la révision des textes et de considérations spéciales en matière d'administration de la justice qui peuvent se présenter dans des cas particuliers. En l'espèce, la Cour d'appel a conclu qu'il aurait fallu ouvrir le paquet, sous réserve de la révision de son contenu, et l'évaluation relative des intérêts en jeu impose cette conclusion.

En décidant si l'accusé peut contre‑interroger l'auteur de l'affidavit, le juge doit de nouveau soupeser les droits de l'accusé et l'intérêt du public dans l'administration de la justice. Vu que le contre‑interrogatoire, par rapport à l'accès au paquet, peut présenter des problèmes plus grands en matière d'administration de la justice et avoir moins d'importance, du point de vue de la tenue d'un procès équitable, la balance penchera généralement en faveur du rejet de la demande à moins que l'accusé puisse prouver au préalable la pertinence particulière du contre‑interrogatoire. En l'espèce, l'appelant n'a pas réussi à démontrer que le contre‑interrogatoire était susceptible de l'aider à présenter une défense pleine et entière et, par ailleurs, le contre‑interrogatoire risquait de provoquer la révélation de renseignements policiers confidentiels et de prolonger inutilement les procédures. Dans ces circonstances, l'évaluation des intérêts en jeu favorise nettement le refus du droit de contre‑interroger.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Garofoli

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Sopinka
Arrêt considéré: Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594
R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755
arrêt non suivi: Franks v. Delaware, 438 U.S. 154 (1978)
arrêts mentionnés: R. v. Playford (1987), 40 C.C.C. (3d) 142
United States v. Tufaro, 593 F. Supp. 476 (1983)
People v. Baris, 500 N.Y.S. 2d 572
R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30
Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
R. v. Finlay and Grellette (1985), 23 C.C.C. (3d) 48
R. v. Parsons (1977), 37 C.C.C. (2d) 497, conf. par [1980] 1 R.C.S. 785 (sub nom. Charette c. La Reine)
R. c. Chesson, [1988] 2 R.C.S. 148
R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764
Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863
R. v. Bailey (1983), 4 C.C.C. (3d) 21
R. v. Banas and Haverkamp (1982), 65 C.C.C. (2d) 224
R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265
Illinois v. Gates, 462 U.S. 213 (1983)
R. v. Debot (1986), 30 C.C.C. (3d) 207, aff'd [1989] 2 R.C.S. 1140
Procureur général de la Nouvelle‑Écosse c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175
Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60
Re Rideout and The Queen (1986), 31 C.C.C. (3d) 211
Roviaro v. United States, 353 U.S. 53 (1957)
Re Chambers and The Queen (1985), 20 C.C.C. (3d) 440
R. v. Parmar (1987), 34 C.C.C. (3d) 260
R. v. Rowbotham (1988), 41 C.C.C. (3d) 1
Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449
R. v. Parmar (1987), 37 C.C.C. (3d) 300
Innisfil (Municipalité du canton) c. Municipalité du canton de Vespra, [1981] 2 R.C.S. 145
R. c. Potvin, [1989] 1 R.C.S. 525
Gulf Islands Navigation Ltd. v. Seafarers' International Union of North America (Canadian District) (1959), 18 D.L.R. (2d) 625
R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 000
Dersch c. Canada (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 000, inf. (1987) 17 B.C.L.R. (2d) 145
R. c. Lachance, [1990] 2 R.C.S. 000
R. c. Zito, [1990] 2 R.C.S. 000.
Citée par le juge McLachlin (dissidente)
Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594
R. v. Finlay and Grellette (1985), 23 C.C.C. (3d) 48
R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764
Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
R. c. Wray, [1971] R.C.S. 272
Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863
Franks v. Delaware, 438 U.S. 154 (1978)
Dersch c. Canada (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 000, inf. (1987), 17 B.C.L.R. (2d) 145
R. c. Lachance, [1990] 2 R.C.S. 000
R. c. Zito, [1990] 2 R.C.S. 000.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, 8, 24(1), (2).
Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34 [mod. 1973‑74, ch. 50, art. 2], art. 178.1 [mod. 1976‑77, ch. 53, art. 7
1980‑81‑82‑83, ch. 125, art. 10
1984, ch. 21, art. 76], 178.2, 178.11, 178.12 [mod. 1976‑77, ch. 53, art. 8], 178.13 [mod. idem, art. 9], 178.14 [mod. 1985, ch. 19, art. 24], 178.16 [mod. 1976‑77, ch. 53, art. 10], 178.17, 178.18, 178.19, 178.2, 178.21, 178.22 [mod. 1976‑77, ch. 53, art. 11.1
1985, ch. 19, art. 27], 178.23 [mod. 1976‑77, ch. 53, art. 12], 431.1 [aj. 1974‑75‑76, ch. 93, art. 39], 577(3), 610(1)a), b).
18 U.S.C. {SS} {SS} 2510 à 2520 (1988).
Doctrine citée
McCormick on Evidence, 3rd ed., St. Paul, Minn.: West Publishing Co., 1984.

Proposition de citation de la décision: R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421 (22 novembre 1990)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-11-22;.1990..2.r.c.s..1421 ?
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