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22/11/1990 | CANADA | N°[1990]_3_R.C.S._74

Canada | R. c. Kirkness, [1990] 3 R.C.S. 74 (22 novembre 1990)


R. c. Kirkness, [1990] 3 R.C.S. 74

Mark Walter KirknessAppelant

c.

Sa Majesté la ReineIntimée

répertorié: r. c. kirkness

No du greffe: 21720.

1990: 3 mai; 1990: 22 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer* et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel du manitoba

Droit criminel -- Homicide -- Principe de l'affaire unique — Principe découlant de la catégorie des meurtres du premier degré -- Le principe de l'affaire unique s'étend‑il à l'homicide involontaire

coupable? — Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 214(5).

Droit criminel -- Tentatives -- Partie à une infractio...

R. c. Kirkness, [1990] 3 R.C.S. 74

Mark Walter KirknessAppelant

c.

Sa Majesté la ReineIntimée

répertorié: r. c. kirkness

No du greffe: 21720.

1990: 3 mai; 1990: 22 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer* et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel du manitoba

Droit criminel -- Homicide -- Principe de l'affaire unique — Principe découlant de la catégorie des meurtres du premier degré -- Le principe de l'affaire unique s'étend‑il à l'homicide involontaire coupable? — Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 214(5).

Droit criminel -- Tentatives -- Partie à une infraction -- Intention commune -- Entente sur l'introduction par effraction — Agression sexuelle et meurtre commis par une partie -- L'accusé a demandé à son compagnon de ne pas étrangler la victime, mais sans l'en empêcher autrement ni s'en dissocier -- L'accusé a‑t‑il aidé ou encouragé la perpétration de l'infraction d'homicide involontaire coupable? -- Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 21(1), (2).

L'appelant et un ami, Snowbird, avaient consommé de l'alcool lorsqu'ils ont convenu d'entrer par effraction dans un domicile, à la suggestion de Snowbird. L'appelant est entré par une fenêtre qu'il a ouverte avec le manche d'un outil de jardin, il a ouvert la porte à Snowbird et lui a remis le manche brisé comme arme. Snowbird a agressé sexuellement et tué une femme de 83 ans qui vivait dans cette maison. L'appelant, suivant les directives de Snowbird, a quitté la chambre au début de l'agression et est demeuré dans le corridor pendant le déroulement de l'agression. Il a placé une chaise contre la porte d'entrée de la maison et s'est occupé en volant divers objets dans la maison. Snowbird a traîné sa victime inconsciente dans le corridor et a commencé à l'étrangler. L'appelant lui a dit "de ne pas faire cela parce qu'il (Snowbird) allait la tuer". Snowbird a ensuite étouffé la victime.

Le juge du procès a présenté deux options au jury: il pouvait soit conclure que Snowbird et l'appelant étaient coupables de meurtre ou de l'infraction moindre et incluse d'homicide involontaire coupable, soit conclure que la mort avait été causée par l'étouffement de la victime par Snowbird. Le juge du procès n'a pas fait d'exposé au jury sur le par. 214(5) du Code criminel.

Snowbird a été déclaré coupable de meurtre au premier degré. L'appelant a été acquitté mais la Cour d'appel a écarté le verdict et a ordonné un nouveau procès sur l'accusation d'homicide involontaire coupable.

Les questions en litige sont les suivantes: (1) y a‑t‑il lieu d'appliquer le principe "l'affaire unique" issue de la catégorie des meurtres au premier degré décrite au par. 214(5) pour fonder une ordonnance de nouveau procès sur une accusation d'homicide involontaire coupable? et (2) le juge du procès a‑t‑il convenablement exposé au jury la question de la responsabilité de la partie à une infraction, en ce qui concernait la responsabilité de l'accusé dans l'homicide et l'application de l'art. 21 du Code.

Arrêt (les juges Wilson et L'Heureux‑Dubé sont dissidentes): Le pourvoi est accueilli.

Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Gonthier et Cory: L'analyse fondée sur l'affaire unique devrait être limitée aux cas où le meurtre est classé dans la catégorie des meurtres au premier ou au deuxième degré en vertu du par. 214(5). L'analyse fondée sur l'affaire unique exige que la poursuite démontre d'abord que l'accusé a commis l'infraction sous‑jacente et qu'il a également commis le meurtre. De même, en ce qui a trait aux infractions perpétrées à titre de participant, la poursuite doit d'abord établir que l'accusé était partie aux deux infractions. Ce n'est qu'après cela que le tribunal peut examiner la question de savoir si les deux infractions étaient suffisamment rapprochées dans le temps pour permettre que le meurtre soit qualifié de meurtre au premier degré. L'infraction d'homicide involontaire coupable n'est pas divisé en catégories et s'applique à une vaste gamme de circonstances. Par conséquent, l'analyse fondée sur l'affaire unique ne peut être utilisée pour ordonner la tenue d'un nouveau procès sur l'accusation d'homicide involontaire coupable. Compte tenu de l'accusation, de l'exposé, des options décrites au jury et de la déclaration de culpabilité de Snowbird pour meurtre au premier degré, l'appelant ne peut être partie à "une affaire unique" qui a entraîné le décès de la victime.

L'appelant ne pouvait être impliqué, aux termes de l'art. 21 du Code, qu'à titre de participant à l'agression sexuelle. Celui qui aide ou qui encourage une personne à commettre le crime doit avoir l'intention que la mort s'ensuive ou avoir l'intention que l'auteur du crime ou lui‑même cause des lésions corporelles de nature à entraîner la mort et qu'il lui soit indifférent que la mort s'ensuive ou non. Si l'intention de la partie qui aide est insuffisante pour justifier une déclaration de culpabilité de meurtre, alors cette partie peut toujours être déclarée coupable d'homicide involontaire coupable si elle savait que l'acte illégal auquel elle a fourni de l'aide ou un encouragement était de nature à causer des blessures mais non la mort. Aucune intention de ce genre n'a été démontrée en l'espèce en ce qui concerne l'appelant.

L'appelant, qui a formé l'intention commune avec Snowbird de s'introduire par effraction, ne savait pas avant d'entrer que Snowbird commettrait une agression sexuelle ou tuerait la victime. L'appelant n'a pas participé à l'étouffement de la victime et il a, en réalité, donné un "avis opportun" à Snowbird que dès lors il agissait seul. Le principe de l'affaire unique ne s'applique pas en l'absence de preuve reliant l'appelant à l'étouffement.

Le juge du procès a fait un exposé adéquat au jury concernant les infractions (y compris l'homicide involontaire coupable), le droit relatif aux participants aux infractions et la preuve impliquant l'appelant, par rapport au droit applicable. Le jury ne pouvait arriver à un verdict d'homicide involontaire coupable que s'il concluait que l'appelant avait participé à l'agression sexuelle et que la mort résultait de celle‑ci. La possibilité d'arriver à un tel verdict n'a pas été enlevée au jury.

Les juges Wilson et L'Heureux‑Dubé (dissidentes): Le principe de l'affaire unique traité dans l'arrêt R. c. Paré. La question est de savoir si le juge du procès a donné des directives appropriées au jury concernant la responsabilité possible de l'appelant comme participant à l'homicide, aux termes de l'art. 21 du Code criminel.

Dans le contexte du meurtre, le jury peut déclarer un accusé coupable de l'infraction moindre et comprise d'homicide involontaire coupable lorsqu'il a aidé ou encouragé la personne qui est déclarée coupable de meurtre. Dans les crimes de violence contre la personne, celui qui a aidé à la perpétration du crime aura souvent la mens rea d'homicide involontaire coupable. La possibilité de déclarer un complice coupable d'homicide involontaire coupable par opposition au meurtre aurait dû être expliquée au jury en l'espèce.

L'élément moral de l'infraction d'aide et d'encouragement dans la perpétration d'une infraction criminelle est d'accomplir un acte en vue d'aider l'auteur dans la perpétration de l'infraction. Dans le contexte de la responsabilité à titre de participant, les éléments essentiels de l'infraction prennent une forme un peu différente de la forme qu'ils présentent dans le cas des auteurs principaux parce que les actes et l'intention d'un participant doivent être examinés par rapport aux actes et à l'intention de l'auteur principal. La présence au moment de la perpétration d'une infraction peut constituer une preuve d'aide et d'encouragement si elle est accompagnée d'autres facteurs, comme la connaissance préalable de l'intention de l'auteur de perpétrer l'infraction, ou si elle a pour but l'incitation. Il est souvent difficile d'établir une distinction entre les actes qui équivalent à un "simple acquiescement" et les actes qui équivalent à une "incitation". Celui qui aide ou encourage doit avoir l'état d'esprit nécessaire et la preuve doit permettre de déduire que l'accusé avait la connaissance préalable du crime envisagé et que ce dernier était essentiellement semblable au crime commis.

L'accusé n'a ni aidé ni encouragé le meurtre parce qu'il n'avait pas l'intention précise d'aider à causer la mort de la victime. Sa responsabilité relativement au décès de la victime dépend uniquement de la question de savoir s'il a fourni l'aide ou un encouragement à la perpétration de l'agression sexuelle. La preuve étaye une telle conclusion. Ses actes équivalaient à plus qu'un "simple acquiescement"; ils étaient semblables à ceux d'un "guetteur" et pouvaient donc être considérés comme aidant et encourageant Snowbird dans la perpétration de l'agression sexuelle qu'il savait avoir lieu.

Le crime commis par Snowbird était d'un genre semblable à celui auquel l'accusé croyait apporter de l'aide et de l'encouragement. Il peut être quelque peu artificiel de tirer une ligne de démarcation précise entre l'acte de l'agression sexuelle et l'acte d'étouffement lorsque la violence inhérente à l'agression sexuelle s'est intensifiée de façon maniaque jusqu'à la violence qui a accompagné l'étouffement. L'agression sexuelle et l'étouffement peuvent être considérés comme des infractions du même genre dans le sens que, ensemble, elles se complètent pour former les infractions interdites par les art. 246.2 ou 246.3 du Code. En outre, il s'agit d'infractions qui pourraient causer des lésions corporelles sans causer la mort. Même si l'appelant avait eu seulement l'intention d'aider à la perpétration d'une agression sexuelle simple, il serait loisible au jury de conclure que, en droit, il a aidé et encouragé un crime d'un genre comportant de la violence contre la personne et donc un risque de lésions corporelles mais non la mort.

La règle de l'objet commun (codifiée au par. 21(2)) a été précisément conçue pour déterminer la responsabilité dans le genre de situation présentée en l'espèce. Premièrement, il faut démontrer que l'accusé avait formé avec d'autres personnes le projet de poursuivre une fin illégale et de les aider à réaliser cette fin. La fin commune est habituellement déduite des faits. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit planifiée d'avance et peut prendre naissance juste avant la perpétration de l'infraction ou au moment de celle‑ci. En l'espèce, l'appelant et Snowbird avaient initialement formé le projet commun de s'introduire par effraction dans un domicile.

La nature de la fin commune sera souvent déterminante pour répondre à la question de savoir si un accusé sera tenu responsable des actes subséquents de l'auteur principal. Pour déterminer les limites de la fin commune, il est pertinent d'examiner la tendance à la violence de chacune des personnes qui ont formé ensemble le projet. En l'espèce, il y avait preuve qu'on pouvait recourir à la violence pour poursuivre la fin commune.

Si le jury décidait que la fin commune ne visait que l'introduction par effraction, il serait difficile de justifier la conclusion selon laquelle la mort de l'occupante était une conséquence probable de cette fin. Toutefois, si le jury déterminait que la fin commune visait également des actes de violence physique contre l'occupante, alors la voie à suivre pour déterminer la responsabilité à titre de participant serait beaucoup plus claire. La violence accompagne si souvent les crimes d'ordre sexuel qu'il est implicite dans la nature même de l'infraction que certaines blessures, sinon la mort, sont probables, surtout lorsque le projet commun envisage un acte physique contre une personne. Évidemment, il peut y avoir des situations dans lesquelles le niveau de violence physique envisagée est tellement minime, même dans certaines agressions de nature sexuelle, que des lésions corporelles graves sont une simple possibilité plutôt qu'une probabilité. Il appartenait au jury de trancher la question de savoir si l'infliction de lésions corporelles sans causer la mort était une conséquence probable de l'infraction sexuelle.

Un accusé peut se dégager de la responsabilité criminelle à l'égard des actes de l'auteur principal s'il peut démontrer qu'il a renoncé au projet de l'aider à perpétrer une infraction criminelle. La norme varie selon le degré de participation de l'accusé au crime. La considération principale est la qualité du retrait relativement à l'infraction et le genre de participation criminelle adoptée par le participant. Le juge du procès a aussi commis une erreur en n'expliquant pas au jury le moyen de défense fondé sur la renonciation.

Le juge du procès n'a pas donné au jury des directives adéquates sur la possibilité de déclarer l'appelant coupable d'homicide involontaire coupable. Les directives étaient confuses, erronées et trompeuses quant à l'application de l'article sur l'intention commune. En disant qu'il s'agissait de savoir si l'agression sexuelle avait causé le décès, le juge du procès a incorrectement sous‑entendu que si l'appelant n'avait pas directement aidé à l'étouffement alors il ne pouvait pas être tenu responsable de la mort de la victime. La question à laquelle le jury devait répondre n'a jamais été de savoir si l'agression sexuelle a causé la mort, mais plutôt si l'appelant avait aidé ou encouragé Snowbird à commettre un crime qui était du genre qui aurait pu causer des lésions corporelles ou de savoir si des lésions corporelles auraient pu résulter comme conséquence de l'agression sexuelle. Le jury n'a pu apprécier ce point fondamentalement important en raison des directives erronées du juge du procès.

Jurisprudence

Citée par le juge Cory

Distinction d'avec l'arrêt: R. c. Paré, [1987] 2 R.C.S. 618; arrêts mentionnés: R. v. Stevens (1984), 11 C.C.C. (3d) 518; R. v. Whitehouse, [1941] 1 D.L.R. 683; Miller c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680.

Citée par le juge Wilson (dissidente)

R. c. Paré, [1987] 2 R.C.S. 618; R. v. Kent, Sinclair and Gode (1986), 40 Man. R. (2d) 160; R. v. Hartford and Frigon (1979), 51 C.C.C. (2d) 426; R. v. Trudeau and Toulouse (1985), 12 O.A.C. 189; Murray v. The Queen, [1962] Tas. S.R. 170; Dunlop et Sylvester c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 881; R. v. Cunningham (1937), 68 C.C.C. 176; R. v. Lloyd (1890), 19 O.R. 352; R. v. Black, [1970] 4 C.C.C. 251; R. v. Cosgrove (1975), 29 C.C.C. (2d) 169; R. v. Clarkson, [1971] 3 All E.R. 344; R. v. Salajko (1970), 9 C.R.N.S. 145; R. v. Yanover and Gerol (1985), 20 C.C.C. (3d) 300; Director of Public Prosecutions for Northern Ireland v. Maxwell, [1978] 1 W.L.R. 1350; R. v. Stevenson (1984), 11 C.C.C. (3d) 443; Lord Dacre's Case (1543), 1 Hale H.P.C. 439; Plummer's Case, Kel J. 109, 84 E.R. 1103; R. v. Rice (1902), 5 C.C.C. 509, autorisation de pourvoi refusée (1902), 5 C.C.C. 529; R. v. Govedarov, Popovic and Askov (1974), 16 C.C.C. (2d) 238; R. v. Viger (1985), 36 C.C.C. (3d) 18; Henderson v. The King, [1948] R.C.S. 226; Rex v. Whitehouse (1940), 55 B.C.R. 420; Miller c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680; R. v. Becerra and Cooper (1975), 62 Cr. App. R. 212; R. c. Simpson, [1988] 1 R.C.S. 3.

Lois et règlements cités

Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 21, 212, 214(5) (abr. & rempl. S.C. 1980-81-82-83, ch. 125, art. 16; mod. S.C. 1985, ch. 19, art. 41(2) (item 3); mod. S.C. 1985, ch. 19, art. 185 (item 8)), 246.1, 246.2, 246.3.

Doctrine citée

Foster, Sir Michael. Foster's Crown Law. London: 1809.

Gillies, Peter. Criminal Law. Sydney: Law Book Co., 1985.

Hale, Sir Matthew. Historia Placitorum Coronae. The History of the Pleas of the Crown, vol. 1. London: Nutt & Gosling, 1736.

Lanham, David. "Accomplices and Withdrawal" (1981), 97 L.Q. Rev. 575.

Manson, A. "Re‑codifying Attempts, Parties, and Abandoned Intentions" (1989), 14 Queen's L.J. 85.

Rose, V. Gordon. Parties To An Offence. Toronto: Carswells, 1982.

Stuart, Don. Canadian Criminal Law: A Treatise. Toronto: Carswells, 1982.

Wasik, Martin. "Abandoning Criminal Intent", [1980] Crim. L. Rev. 785.

Williams, Glanville. Textbook of Criminal Law, 2nd ed. London: Stevens & Sons, 1983.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1989), 61 Man. R. (2d) 167, 51 C.C.C. (3d) 444, qui a écarté l'acquittement prononcé par le juge Scollin siégeant avec jury. Pourvoi accueilli, les juges Wilson et L'Heureux‑Dubé sont dissidentes.

Timothy J. Preston, pour l'appelant.

Stuart J. Whitley, c.r., pour l'intimée.

//Le juge Cory//

Version française du jugement du juge en chef Lamer et des juges La Forest, Sopinka, Gonthier et Cory rendu par

LE JUGE CORY — Il faut répondre à deux questions dans le présent pourvoi. Premièrement, y a‑t‑il lieu d'appliquer le principe de l'"affaire unique" qui découle de la catégorie de meurtres du premier degré décrite au par. 214(5) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34 (maintenant L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 231(5)) pour fonder une ordonnance de nouveau procès sur une accusation d'homicide involontaire coupable? Deuxièmement, le juge du procès, par ses directives, a‑t‑il enlevé au jury la possibilité de rendre un verdict d'homicide involontaire coupable?

Les faits

L'appelant et son ami, Alexander Snowbird, venaient de God's Lake Narrows. Le 31 décembre 1987, ils étaient à Winnipeg. Ce soir‑là, ils sont allés dans plusieurs bars et, de toute évidence, ont beaucoup bu. Très tôt le matin du Jour de l'An, Snowbird a amené l'appelant dans une ruelle située à l'arrière de la résidence d'Elizabeth Johnson et a proposé qu'ils entrent par effraction dans sa maison. L'appelant a accepté d'emblée. Ils ont ouvert une fenêtre, l'appelant est entré et est allé ouvrir à Snowbird la porte de derrière.

Elizabeth Johnson était une femme mince et frêle âgée de 83 ans. Elle dormait dans son lit lorsque les deux hommes sont entrés dans sa maison. Snowbird l'a vue et il est entré dans sa chambre à coucher, lui a enlevé ses vêtements et l'a agressée sexuellement. L'appelant, suivant les instructions de Snowbird, est resté à l'extérieur. Pendant que Snowbird agressait sexuellement Mme Johnson dans la chambre à coucher, l'appelant est resté assis un certain temps sur une chaise dans le corridor, de l'autre côté de la porte de la chambre, s'est occupé à voler divers objets dans la maison et a également placé une chaise contre la porte d'entrée de la maison. Dans la déclaration longue et détaillée que l'appelant a faite aux policiers, il a expliqué qu'il avait fait cela parce qu'il pensait que quelqu'un pourrait entrer dans la maison pendant que Snowbird et lui‑même s'y trouvaient.

Après l'agression sexuelle, Alexander Snowbird a traîné Elizabeth Johnson hors de la chambre dans le corridor où, selon l'appelant, elle est "simplement restée étendue par terre". L'appelant est ensuite entré dans la chambre et y a volé divers objets. Lorsqu'il est sorti de la chambre, l'appelant a vu Snowbird qui commençait à étrangler la victime. L'appelant a dit à Snowbird [TRADUCTION] "de ne pas faire cela parce qu'il (Snowbird) allait la tuer". Selon l'appelant, Snowbird a ensuite placé un sac de plastique sur la tête d'Elizabeth Johnson, l'a traînée dans la salle de bain, l'a jetée dans la baignoire et a ouvert le robinet d'eau chaude.

Dans toutes les déclarations qu'il a faites aux policiers l'appelant a nié avoir jamais touché Elizabeth Johnson ou avoir participé à l'agression sexuelle, à la strangulation ou à l'étouffement de la victime.

Le pathologiste a dit que, à son avis, le décès était dû à un étouffement. Aucun élément de preuve matériel ou médico‑légal ne reliait l'appelant à l'agression sexuelle ou à l'étouffement de la victime. Le seul élément de preuve matériel contre l'appelant était une tache de sang sur ses sous‑vêtements. Il a confirmé qu'il s'agissait des sous‑vêtements qu'il portait au moment de l'introduction par effraction. Toutefois, il a dit qu'un jour ou deux après l'entrée dans la maison de Mme Johnson, il avait été impliqué dans une bagarre et avait reçu des coups au point d'avoir dû être hospitalisé deux jours avant son arrestation. De plus, il convient de souligner qu'il était impossible de déterminer le type de sang sur la tache ou même de déterminer s'il s'agissait de sang humain.

L'appelant et Snowbird ont été accusés de meurtre au premier degré. Snowbird a été déclaré coupable de ce crime et l'appelant a été acquitté.

Observations concernant les faits

Les faits de l'espèce sont extrêmement déprimants et sordides. Leur simple narration fait naître des sentiments de colère et de dégoût total. Ce sentiment de dégoût ne manquera pas de renforcer la tendance très naturelle d'associer étroitement l'appelant à l'auteur de ce crime particulièrement ignoble. Le résultat presque inévitable est de penser que l'appelant doit être coupable en raison de son association avec Snowbird. Néanmoins, les principes de droit pénal et d'équité exigent que la culpabilité ou l'innocence de Kirkness soit déterminée uniquement d'après la preuve qui l'implique dans le meurtre de la victime. La culpabilité ou l'innocence des personnes, qu'elles soient abjectes ou respectables, doit être déterminée sur le seul fondement de la preuve relative au crime dont elles sont accusées.

Il convient de rappeler que les douze membres du jury ont entendu toute la preuve et, pendant plusieurs jours, ont été plongés dans cette histoire de violence brutale et d'insensibilité cruelle. En fait, le substitut du procureur général les a félicités de l'attention qu'ils avaient accordée à tous les témoins pendant le procès. Ils ont écouté et, de toute évidence, évalué la déclaration longue et détaillée faite par Kirkness aux policiers. À la fin du procès, les jurés, en leur qualité de juges des faits, ont acquitté l'appelant. Ils sont parvenus à cette décision comme représentants de leur collectivité, portant sans doute en eux toute la sympathie naturelle de cette collectivité pour une dame âgée, frêle et sans défense, brutalement assassinée dans sa propre maison. Le verdict du jury constitue, d'une manière très réelle, le verdict de la collectivité. Le procès par jury dans les affaires pénales est un processus qui fonctionne extrêmement bien et constitue un aspect fondamentalement important de notre société démocratique. Ce ne sont pas les juges mais plutôt les membres du jury, siégeant à titre de membres de la collectivité, qui tranchent la question de la culpabilité ou de l'innocence, une décision d'importance vitale pour l'accusé et la collectivité.

En l'espèce, les jurés étaient manifestement d'avis que la preuve ne les avait pas convaincus hors de tout doute raisonnable que l'appelant était coupable de meurtre ou d'homicide involontaire coupable. C'était spécifiquement le rôle du jury d'arriver à une telle conclusion en se fondant sur l'ensemble de la preuve présentée. On ne prétend pas qu'un élément de preuve pertinent a été exclu à tort ou qu'un élément de preuve non pertinent a été admis à tort. Il en résulte que le verdict d'acquittement du jury ne peut être annulé que si une erreur importante a été commise par le juge du procès dans son exposé.

Arrêt de la Cour d'appel (1989), 61 Man. R. (2d) 167

La Cour d'appel du Manitoba a annulé le verdict d'acquittement et a ordonné la tenue d'un nouveau procès de l'appelant sur l'accusation d'homicide involontaire coupable. Le juge en chef Monnin, qui a rédigé l'opinion de la Cour, a fondé ses motifs sur deux éléments.

Premièrement, il était d'avis que l'appelant était clairement un participant à l'agression sexuelle de la victime. Il a fait observer que l'appelant savait qu'une agression sexuelle avait lieu dans la chambre à coucher. Parce qu'il a placé la chaise contre la porte d'entrée, il a aidé Snowbird à commettre impunément cette agression et, par conséquent, il a participé à l'agression sexuelle. Le juge Monnin a en outre dit que, à son avis, l'agression sexuelle ne pouvait être isolée des autres incidents et que finalement [TRADUCTION] "elle a entraîné le décès de la victime par étouffement". Voici ce qu'il dit, à la p. 171:

[TRADUCTION] L'ensemble des événements au cours de toute cette affaire entraîne inévitablement la conclusion que ce qui a débuté par une introduction par effraction s'est terminé par le meurtre de cette dame. Il s'agit d'une séquence complète qui ne peut être fragmentée en composantes ou en une demi‑douzaine d'incidents distincts et séparés ou de crimes séparés et différents.

Il a déclaré qu'il appliquait le raisonnement suivi par notre Cour dans l'arrêt R. c. Paré, [1987] 2 R.C.S. 618.

Deuxièmement, la Cour d'appel a conclu que le juge du procès avait enlevé au jury la possibilité de rendre un verdict d'homicide involontaire coupable. Le juge en chef Monnin s'est exprimé ainsi, à la p. 172:

[TRADUCTION] À mon avis, le juge Scollin a commis une erreur lorsqu'il a dit que si Kirkness "s'est simplement promené dans la maison, en volant des objets et en se servant dans le réfrigérateur ou en faisant ce qu'il dit avoir fait; si vous acceptez que c'est ce qui s'est produit, alors Kirkness n'est responsable d'aucun acte criminel qui vous est présenté". Par conséquent, le juge Scollin a enlevé au jury la possibilité de rendre un verdict d'homicide involontaire coupable alors que, dans les circonstances de cette affaire, le jury aurait dû sérieusement envisager la possibilité de rendre un verdict d'homicide involontaire coupable.

Toutefois, le juge en chef Monnin a également fait remarquer que l'homicide involontaire coupable était la seule infraction à laquelle pouvait conclure le jury en raison de l'état d'intoxication de l'appelant. Par conséquent, il a annulé le verdict d'acquittement et a ordonné un nouveau procès uniquement sur l'accusation d'homicide involontaire coupable.

Le principe de l'"affaire unique" peut‑il s'appliquer à une accusation d'homicide involontaire coupable?

À mon avis, le principe exprimé dans l'arrêt R. c. Paré, précité, ne s'applique tout simplement pas en l'espèce. Dans l'arrêt Paré, notre Cour traitait d'un meurtre qui s'était produit peu après une agression sexuelle. Le juge Wilson, au nom de la Cour, devait déterminer si le par. 214(5) du Code criminel s'appliquait et particulièrement quel était l'effet de l'expression "en commettant" dans une telle situation. Voici le texte de cet article:

214. (1) Il existe deux catégories de meurtres: ceux du premier degré et ceux du deuxième degré.

. . .

(5) Indépendamment de toute préméditation, commet un meurtre au premier degré quiconque cause la mort d'une personne en commettant ou tentant de commettre une infraction prévue à l'un des articles suivants:

a) article 76.1 (détournement d'aéronef);

b) article 246.1 (agression sexuelle);

c) article 246.2 (agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles);

d) article 246.3 (agression sexuelle grave);

e) article 247 (enlèvement et séquestration); ou

f) article 247.1 (prise d'otage).

Elle a conclu que l'expression "en commettant" n'exigeait pas une simultanéité parfaite du meurtre et de l'infraction sous‑jacente, mais exigeait l'existence d'un étroit lien temporel et causal entre les deux. Elle a adopté les motifs du juge Martin dans l'arrêt R. v. Stevens (1984), 11 C.C.C. (3d) 518 (C.A. Ont.), où il disait à la p. 541:

[TRADUCTION] Il paraît donc évident que, dans un cas où la mort est causée après la perpétration de l'infraction sous‑jacente et où l'acte qui cause la mort est accompli pour faciliter la fuite du délinquant, l'art. 213 et l'al. 214(5)b) ne s'appliquent pas de manière à en faire un meurtre au premier degré.

Je ne veux toutefois pas qu'on croie que je conclus que, lorsque l'acte causant la mort et les actes constituant le viol, la tentative de viol, l'attentat à la pudeur ou la tentative d'attentat à la pudeur, selon le cas, font tous partie d'une suite ininterrompue d'événements qui constituent une seule affaire, il ne s'agit pas à ce moment‑là d'une mort causée pendant la perpétration de l'infraction, même si on peut dire que l'infraction sous‑jacente visée par l'art. 213 était alors en quelque sorte complète.

Le juge Wilson a ensuite fait remarquer que le raisonnement adopté dans l'arrêt Stevens avait pour effet d'éliminer la nécessité d'établir des distinctions artificielles entre la perpétration et les suites d'un attentat à la pudeur et, en outre, d'éliminer tout l'arbitraire inhérent à la thèse de la simultanéité parfaite quant à l'interprétation de l'expression "en commettant."

Elle a expliqué que, suivant son interprétation, l'expression "en commettant" comprend une action unique dont la continuité est fondée sur la domination continue de la victime, domination qui se produit inévitablement dans les cas de viol, de tentative de viol, d'attentat à la pudeur ou de tentative d'attentat à la pudeur. Elle a fait remarquer que le meurtre qui a suivi représentait l'exploitation ultime de la position de force créée par l'infraction sous‑jacente et faisait de l'ensemble des actes qui constituaient la conduite en question "une seule affaire". Elle a conclu que c'était en raison de cette exploitation continue de la force que, pour des raisons de principe, le législateur avait décidé d'assimiler le meurtre perpétré "en commettant" ces actes à un meurtre au premier degré.

J'estime que l'analyse fondée sur l'affaire unique devrait être limitée aux cas où, aux termes du par. 214(5), le meurtre est classé dans la catégorie des meurtres au premier ou au deuxième degré. Avec égards, la Cour d'appel du Manitoba a commis une erreur en utilisant une telle analyse aux fins d'ordonner un nouveau procès sur une accusation d'homicide involontaire coupable. Le Code criminel n'établit pas de catégories d'homicide involontaire coupable. Tout décès d'un être humain résultant de l'acte illégal d'autrui peut constituer un crime d'homicide involontaire coupable. L'accusation peut s'appliquer à une vaste gamme de circonstances dont la plupart ne donneraient pas lieu à l'examen du principe de l'affaire unique. Par opposition, le par. 214(5) représente la décision de principe de qualifier de meurtre au premier degré le meurtre commis dans certaines situations précises.

L'arrêt Paré traduit et clarifie cette décision de principe en concluant que, lorsque le décès survient dans le cadre d'une affaire unique continue, au cours de la perpétration de crimes supposant la domination, il sera considéré comme un meurtre au premier degré. L'analyse fondée sur l'affaire unique, utilisée dans l'arrêt Paré, exige que la poursuite démontre d'abord que l'accusé a commis l'infraction sous‑jacente et qu'il a également commis le meurtre. De même en ce qui a trait aux infractions perpétrées à titre de participant, la poursuite doit d'abord établir que l'accusé était partie aux deux infractions avant que le par. 214(5) puisse s'appliquer. Ce n'est qu'après cela que le tribunal peut examiner la question de savoir si les deux infractions étaient suffisamment rapprochées dans le temps pour permettre que le meurtre soit qualifié de meurtre au premier degré. Cette méthode ne peut être utilisée dans le contexte de l'homicide involontaire coupable parce que le Code ne crée pas de catégories à l'égard de cette infraction. Il en découle que l'analyse utilisée dans l'arrêt Paré devrait se limiter à établir la catégorie de meurtre.

Pouvait‑on en l'espèce adopter la méthode fondée sur l'affaire unique?

En l'espèce, le juge du procès n'a pas donné de directives aux jurés sur le par. 214(5). Au lieu de cela, il a indiqué qu'ils avaient deux choix. Premièrement, ils pouvaient conclure que le décès s'était produit dans le cadre de l'agression sexuelle ou par suite de celle‑ci. Il leur a dit que s'ils parvenaient à cette conclusion, ils pouvaient conclure que Snowbird et l'appelant étaient coupables de meurtre ou, au moins, d'homicide involontaire coupable. Subsidiairement, il a dit aux jurés qu'ils pouvaient conclure que le décès résultait de l'étouffement causé par Snowbird. Toutefois, dans l'un ou l'autre cas le meurtre ne pouvait être un meurtre au premier degré que si le jury était convaincu qu'il y avait eu un certain degré de préméditation.

C'est sur le fondement de ces directives que Snowbird a été déclaré coupable de meurtre au premier degré et que l'appelant a été acquitté. Le jury devait donc être convaincu hors de tout doute raisonnable que le meurtre avait été prémédité étant donné que c'était le seul moyen pour eux de rendre un verdict de meurtre au premier degré. Plus important encore, le jury doit avoir conclu que le décès résultait de l'acte subséquent d'étouffement et non de l'agression sexuelle. Si le jury avait conclu que le décès avait résulté de l'agression sexuelle et que Kirkness avait participé à celle‑ci, les jurés auraient été tenus de le déclarer coupable de meurtre ou au moins d'homicide involontaire coupable, compte tenu des directives qui leur avaient été données sur cette question. Sur le fondement du verdict du jury, Kirkness ne peut donc pas être réputé avoir participé à une "affaire unique" qui a entraîné le décès de Mme Johnson.

Kirkness ne pouvait être impliqué, aux termes des dispositions de l'art. 21 du Code, qu'à titre de participant à l'agression sexuelle. Il n'était pas l'auteur principal du crime. Il n'a ni agressé sexuellement ni étranglé ni étouffé la victime. Dans le cas d'un accusé qui aide ou encourage une personne à en tuer une autre, l'intention requise que celui‑ci doit avoir pour être déclaré coupable de meurtre doit être la même que celle qui est exigée de la personne qui commet réellement le meurtre. Cela veut dire que celui qui aide ou qui encourage une personne à commettre le crime doit avoir l'intention que la mort s'ensuive ou avoir l'intention que l'auteur du crime ou lui‑même cause des lésions corporelles de nature à causer la mort et qu'il lui soit indifférent que la mort s'ensuive ou non. Si l'intention de la partie qui aide est insuffisante pour justifier une déclaration de culpabilité de meurtre, alors cette partie peut toujours être déclarée coupable d'homicide involontaire coupable si elle savait que l'acte illégal auquel elle a fourni de l'aide ou un encouragement était de nature à causer des blessures, mais non la mort. Aucune intention de ce genre n'a été démontrée en l'espèce en ce qui concerne l'appelant. Je souligne que la question constitutionnelle concernant le degré minimal de conscience ou d'intention nécessaire pour le crime d'homicide involontaire coupable n'est pas soulevée en l'espèce.

On ne peut dire non plus que l'appelant, qui a formé l'intention commune avec Snowbird de commettre l'acte illégal d'introduction par effraction, savait avant d'entrer que Snowbird commettrait une agression sexuelle ou tuerait la victime. Il convient de rappeler qu'en l'espèce, le seul élément de preuve contre l'appelant était sa déclaration selon laquelle, sachant qu'une agression sexuelle avait lieu dans la chambre à coucher, il avait placé une chaise contre la porte d'entrée. Rien n'indique qu'il savait que la mort ou des blessures risquant d'entraîner la mort pourraient résulter de l'agression sexuelle. Il n'est pas entré dans la chambre. En fait, il appert que la porte de la chambre avait été fermée pendant un certain temps et qu'il ne pouvait donc pas être au courant de tout ce qui s'y produisait. En outre, il ressort du verdict du jury, qui était de toute évidence fondé sur le témoignage de l'expert, que les blessures qui ont entraîné le décès résultaient de l'étouffement. La strangulation et l'étouffement de la victime se sont produits après l'agression sexuelle.

Aucun élément de preuve n'indique que l'appelant a participé à l'étouffement d'Elizabeth Johnson. Au contraire, il a dit à Snowbird de ne pas étrangler la victime car il allait la tuer. Sa déclaration indique clairement qu'il n'aidait ni n'encourageait Snowbird à étrangler ou étouffer Mme Johnson. Ces mots de l'appelant constituaient un "avis opportun" à Snowbird que, à partir de ce point, il agissait seul et que l'appelant n'était pas partie à la strangulation et à l'étouffement. Voir l'arrêt R. v. Whitehouse, [1941] 1 D.L.R. 683 (C.A.C.‑B.), cité et approuvé dans l'arrêt Miller c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680. Par conséquent, Snowbird agissait seul dans la perpétration de ces méfaits. Il en découle donc que, même si l'appelant pouvait être considéré comme partie à l'agression sexuelle, il s'était clairement retiré de toute entente ou de tout arrangement avec Snowbird, au moment de la tentative de strangulation, et qu'il n'était pas partie à l'étouffement de la victime.

Le principe de l'affaire unique ne s'applique tout simplement pas aux faits de l'espèce étant donné qu'aucun élément de preuve ne relie l'appelant à l'étouffement. Les éléments de preuve présentés fournissaient un fondement solide et raisonnable à la décision du jury d'acquitter l'appelant et aucun motif juridique ne permettait à la Cour d'appel de modifier cette décision sur ce fondement.

Le juge du procès a‑t‑il enlevé au jury la possibilité de rendre un verdict d'homicide involontaire coupable?

À mon avis, le jury a reçu des directives appropriées en ce qui concerne la possibilité de déclarer l'appelant coupable d'homicide involontaire coupable, bien que l'exposé en l'espèce ne respecte pas le modèle habituel. Le juge du procès a exprimé l'opinion qu'il ne voulait pas utiliser dans ses directives au jury ce qu'il a décrit comme l'exposé "standard". Si efficace que puisse être cette méthode, elle doit être appliquée avec soin et circonspection. Par exemple, en l'espèce, le juge du procès n'a donné des directives au jury sur le principe fondamental de la présomption d'innocence qu'à la conclusion de son exposé et après que l'avocat le lui eut rappelé. Bien que cette omission n'ait pu profiter qu'à la poursuite, elle sert à démontrer que, au moins, certains points de repère soigneusement préparés doivent être suivis pour assurer que tous les principes essentiels sont clairement exposés et que toutes les questions pertinentes sont examinées dans l'exposé au jury.

Pour décider si l'exposé sur la question de l'homicide involontaire coupable était adéquat, il faut examiner de nouveau la preuve. Là encore, l'appelant ne pouvait être déclaré coupable de meurtre ou d'homicide involontaire coupable que si l'on concluait qu'il était partie à l'agression sexuelle. Le seul élément de preuve qui l'impliquait dans l'agression sexuelle était contenu dans la partie de sa déclaration où il disait avoir placé une chaise contre la porte d'entrée de la maison alors qu'il savait que Snowbird agressait la victime dans sa chambre à coucher. Je tiens à souligner que cet acte aurait pu être considéré tout autant comme destiné à empêcher qu'on surprenne les deux accusés à voler des objets dans la maison que comme destiné à faciliter l'agression sexuelle commise par Snowbird. Néanmoins, il s'agissait d'un élément de preuve qui aurait pu permettre au jury de conclure que l'appelant avait participé au meurtre ou à l'homicide involontaire coupable par suite de sa participation à l'agression sexuelle si cette agression avait entraîné le décès de la victime.

Aucune preuve n'indique toutefois que l'appelant savait ou avait des raisons de croire que l'agression sexuelle était de nature à entraîner la mort, ni que la mort résulterait de l'agression sexuelle. Comme je l'ai mentionné précédemment, le jury doit plutôt avoir conclu que le décès avait résulté de la strangulation. Aucune preuve n'indique que l'appelant a participé à la strangulation ou à l'étouffement de Mme Johnson par Snowbird. Encore une fois, le seul élément de preuve était sa déclaration dans laquelle il a nié avoir participé à ces actes. Le fait qu'il ait dit à Snowbird d'arrêter quand il l'a vu en train d'étrangler la victime indique que, si l'appelant avait jamais été partie à des infractions, il s'était retiré à ce moment‑là de tout acte conjoint avec Snowbird qui comportait le meurtre de Mme Johnson.

Pour ce qui est de l'exposé au jury, il était important, vu la preuve présentée au procès que le juge du procès donne des directives sur le droit relatif aux participants aux infractions. Il devait également donner des directives au jury sur la preuve impliquant l'appelant, c'est‑à‑dire sa déclaration, et la rattacher au droit applicable. À mon avis, l'exposé était adéquat sur ces points. Il est révélateur que, ni au procès ni en appel, la poursuite ne s'est opposée aux directives sur le droit relatif aux participants aux infractions ou sur les renvois à la preuve pertinente à cette question. Le juge du procès a dit:

[TRADUCTION] Maintenant, M. Preston a mentionné un article du Code dont je traiterai dans quelques instants, qui porte sur l'intention commune et sur le fait d'aider etc. Vous pouvez accepter la version que Kirkness a donnée aux policiers mais vous n'êtes pas tenus de le faire. Vous pouvez considérer qu'il s'en dégage une impression raisonnable de vérité; elle a été donnée volontairement, sans la présence d'un avocat; elle s'inscrit très bien dans les faits qui sont connus: mais vous n'êtes pas tenus de l'accepter.

. . .

L'infraction en l'espèce est l'agression sexuelle et le meurtre. L'accusation vise le meurtre. Si chacun d'eux savait ou aurait dû savoir que la perpétration de l'infraction de meurtre serait une conséquence probable de la réalisation de la fin commune, chacun d'eux serait participant à part entière à l'infraction.

Je ne dis pas qu'il s'agit ici d'un tel cas. C'est à vous de déterminer quel était l'état d'esprit au moment où l'aide a été fournie. Le fait de bloquer la porte d'entrée constituait‑il de l'aide? Par exemple, cette aide a‑t‑elle été apportée pour permettre de continuer l'acte sexuel? Si c'était le cas, alors Kirkness n'est une partie que si le résultat ou le résultat probable était connu ou s'il pouvait le prévoir, le résultat étant que l'agression sexuelle entraînerait ou était de nature à entraîner le décès. Si ce n'était pas le cas, alors l'aide, par le fait de placer cette chaise — si vous décidez que c'est ce dont il s'agissait — se rapporte à l'agression sexuelle et non au meurtre. [Souligné dans l'original]

Par conséquent, le juge du procès a donné au jury des directives appropriées en ce qui concerne le droit relatif aux participants aux infractions et les dispositions de l'art. 21.

Si l'on examine spécifiquement les directives sur l'homicide involontaire coupable, le juge du procès a lu au jury les dispositions des sous‑al. 212a)(i) et (ii). Il a dit:

[TRADUCTION] Par souci de commodité, j'appellerais ce deuxième élément les blessures qui mettent la vie en danger.

Cette exigence, énoncée à l'article 212, constitue l'intention nécessaire pour faire de l'homicide coupable un meurtre. À moins que l'auteur de l'acte fatal n'ait cette intention, c'est‑à‑dire, qu'il veuille causer la mort ou qu'il veuille causer des blessures du genre de celles que je vous ai décrites et qu'il lui soit indifférent que la mort s'ensuive ou non, à moins que la personne n'ait cette intention en accomplissant l'acte, l'acte peut être illégal, la mort peut s'ensuivre mais l'acte ne sera pas un meurtre, il s'agira d'un homicide involontaire coupable. [Je souligne.]

Il s'agissait de la première mention de l'homicide involontaire coupable et le juge n'a commis aucune faute à cet égard. Le juge du procès a ensuite défini le meurtre au premier degré comme le "meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré" et a convenablement défini "avec préméditation" et "de propos délibéré".

Par la suite, il a de nouveau mentionné l'homicide involontaire coupable de la manière suivante:

[TRADUCTION] Dans le cas de chaque accusé, vous pouvez bien sûr acquitter entièrement l'accusé et le fait qu'il y a eu une introduction par effraction et une agression sexuelle, si l'un des accusés n'y a pas participé, alors vous l'acquitterez. Vous pourriez conclure qu'il a participé à l'acte illégal mais sans avoir eu l'intention nécessaire ni la préméditation et, dans ce cas, vous le déclarerez coupable d'homicide involontaire coupable. Si un accusé, l'un des accusés — en l'appliquant à chacun d'eux de manière distincte — a intentionnellement tué la femme, alors il s'agit d'un meurtre au deuxième degré. Si, en plus du meurtre intentionnel de la femme, il a planifié le moyen utilisé pour commettre le meurtre et y a réfléchi, alors vous devez le déclarer coupable de meurtre au premier degré. Vous avez ce choix de verdicts distincts à l'égard de chacun des deux accusés. [Je souligne.]

En réponse à une question du jury, le juge du procès a de nouveau donné des directives appropriées et raisonnablement détaillées sur l'art. 21. Il a dit:

[TRADUCTION] Alors vous devrez déterminer qu'elle était en l'espèce la cause du décès. La vieille dame est‑elle morte des suites des lésions corporelles subies au cours de l'agression sexuelle? Est‑elle décédée par suite de ces lésions corporelles? Alors est‑elle décédée, en raison de celles‑ci ou est‑elle décédée par étouffement parce qu'un sac a été placé sur sa tête, ou est‑elle morte de peur? Vous aurez à déterminer la cause du décès, mais la question à laquelle vous devrez répondre est, bien sûr, de savoir s'il a participé à l'agression sexuelle, s'il a agi dans un tel but. Maintenant, s'il est devenu un participant par son acte, examinez cet autre article. Est‑ce devenu une intention commune avec Snowbird? En participant à cet acte et en le commettant dans ce but, ces deux personnes avaient‑elles une intention commune de s'aider mutuellement dans la perpétration de l'agression sexuelle? Était‑ce le résultat final de cet acte? Était‑ce le résultat réel? Vous devrez vous poser cette question. Si c'est le cas alors la conséquence est la suivante:

"Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet . . ."

et il n'est pas nécessaire qu'il y ait un accord écrit, cela peut être fait par la conduite,

". . . de poursuivre une fin illégale . . ."

et en l'espèce la fin illégale, dans cette situation, est l'agression sexuelle commise par Snowbird. S'ils forment ensemble le projet de poursuivre cette fin illégale,

". . . et de s'y entraider . . ."

Est‑ce également implicite? -- vous tirez cette conclusion,

". . . et que l'une d'entre elles . . . en réalisant cette fin commune . . ."

d'agression sexuelle,

". . . commet une infraction . . ."

Maintenant, cela serait le cas si le décès résultait de l'agression sexuelle.

". . . commet une infraction . . ."

ou quoi que ce soit, meurtre au premier degré; au deuxième degré; ou homicide involontaire coupable. Si la mort résulte directement de cette agression sexuelle, Kirkness aurait‑il dû savoir, dans ces circonstances, que cet acte, qu'il s'agisse du meurtre au premier ou deuxième degré ou d'homicide involontaire coupable, serait une conséquence probable de l'agression sexuelle? S'il le savait et est devenu partie à l'infraction en bloquant la porte, alors il est devenu partie à l'infraction qui a, en fait, été commise, si vous concluez qu'elle a été commise.

J'ai dû citer assez longuement les mentions faites dans l'exposé de la conclusion possible que Kirkness était coupable d'homicide involontaire coupable. L'exposé, dans son ensemble, avec ces mentions, donne des directives adéquates au jury quant à ce qui pouvait servir de fondement à un verdict d'homicide involontaire coupable. D'après les faits, le jury ne pouvait arriver à un verdict d'homicide involontaire coupable que s'il concluait que l'appelant avait participé à l'agression sexuelle et que la mort résultait de celle‑ci. La possibilité d'arriver à un tel verdict n'a certainement pas été enlevée au jury. La Cour d'appel a commis une erreur en arrivant à une conclusion contraire.

Dispositif

En conséquence, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de rétablir l'acquittement.

//Le juge Wilson//

Version française des motifs des juges Wilson et L'Heureux-Dubé rendus par

LE JUGE WILSON (dissidente) — J'ai eu l'avantage de lire les motifs de mon collègue le juge Cory et je conviens avec lui que le principe de l'affaire unique, un principe exprimé au par. 214(5) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34 (maintenant L.R.C. (1985), ch. C-46, par. 231(5)), et expliqué dans l'arrêt de notre Cour R. c. Paré, [1987] 2 R.C.S. 618, ne s'applique pas en l'espèce. Toutefois, je ne puis convenir avec lui que cette situation détermine le résultat du présent pourvoi. La question qui est posée à la Cour est de savoir si, compte tenu de la preuve, le juge du procès a donné des directives appropriées au jury en ce qui concerne la responsabilité de Kirkness comme participant à l'homicide d'Elizabeth Johnson. Cette question doit être tranchée conformément à l'art. 21 du Code criminel. À mon avis, la Cour d'appel du Manitoba a conclu, à bon droit, que le juge du procès n'avait pas donné des directives claires et appropriées au jury sur la question complexe de la responsabilité des parties à une infraction. Il doit donc en résulter un nouveau procès pour l'accusé.

1. Responsabilité des participants à une infraction

À la fin du procès, le juge Scollin a refusé de prononcer ce qu'on appelle un exposé "standard". Mon collègue a souligné que, bien que cette pratique ne soit pas mauvaise en soi, les juges du procès doivent l'utiliser avec beaucoup de prudence. Lorsqu'un jury dépourvu de formation en droit doit traiter de règles juridiques extrêmement compliquées, je suis d'avis que le juge doit énoncer le droit de la manière la plus détaillée et la plus cohérente possible. Les règles concernant la responsabilité des participants à une infraction sont notoirement complexes. Par conséquent, je me propose d'énoncer ces règles et de traiter de leur application aux faits de l'espèce.

La notion de responsabilité de ceux qui aident à la perpétration d'un crime fait partie depuis longtemps de notre droit pénal. Cette notion découle de l'idée selon laquelle ceux qui aident d'autres personnes à commettre des crimes sont autant à blâmer que les auteurs réels des crimes.

Il s'est construit en common law un ensemble complexe de règles destinées à définir la complicité criminelle. Les participants à un crime ont été classés selon le moment de leur participation et leur présence ou leur absence au moment de la perpétration du crime par son auteur principal. Les catégories qui ont été élaborées comprenaient la complicité avant le fait, la complicité après le fait, les auteurs au premier degré et les auteurs au deuxième degré.

S'est développée également la théorie connexe de la responsabilité des complices que l'on a appelée la doctrine de la fin commune. La doctrine s'appliquait aux situations où l'auteur principal de l'infraction, ayant été aidé de quelque manière par une autre personne dans la perpétration d'une infraction convenue, avait dépassé les termes de l'entente et avait commis une autre infraction. Avec certaines restrictions, les complices et les auteurs principaux au deuxième degré ont été considérés aux yeux de la loi également responsables du crime qui avait été commis par la suite.

Ces règles de common law sont maintenant codifiées, avec quelques modifications, dans divers articles du Code criminel. Plus précisément, l'art. 21 du Code prévoit:

21. (1) Participent à une infraction:

a) quiconque la commet réellement;

b) quiconque accomplit ou omet d'accomplir quelque chose en vue d'aider quelqu'un à la commettre;

c) quiconque encourage quelqu'un à la commettre.

(2) Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illégale et de s'y entraider et que l'une d'entre elles commet une infraction en réalisant cette fin commune, chacune d'elles qui savait ou devait savoir que la réalisation de l'intention commune aurait pour conséquence probable la perpétration de l'infraction, participe à cette infraction.

Je suis d'avis que, avant d'examiner les éléments de la responsabilité aux termes des par. 21(1) et (2), il serait utile d'ajouter quelques remarques sur les complexités de la responsabilité des participants dans le contexte du meurtre.

2. Le meurtre et la responsabilité des participants

En common law, le complice ne pouvait être coupable que de la même infraction que l'auteur principal. Ce point de vue a changé de sorte que maintenant un participant peut être déclaré coupable d'une infraction plus grave que celle de l'auteur principal ou d'une infraction moins grave. En ce qui a trait particulièrement au deuxième cas, cette modification de la common law est la bienvenue.

Conformément à cet esprit de réforme, plusieurs tribunaux ont conclu qu'il était possible de déclarer un participant responsable d'une infraction moindre et comprise d'homicide involontaire coupable lorsque l'auteur principal avait commis un meurtre: voir R. v. Kent, Sinclair and Gode (1986), 40 Man. R. (2d) 160 (C.A. Man.); R. v. Hartford and Frigon (1979), 51 C.C.C. (2d) 462 (C.A.C.‑B.), et R. v. Trudeau and Toulouse (1985), 12 O.A.C. 189. D'autres juridictions de common law ont adopté la même position: voir Murray v. The Queen, [1962] Tas. S.R. 170 (C.C.A.).

Cette position est très bien fondée. Pour pouvoir être responsable à titre de participant, le complice doit également avoir le degré requis de prévision subjective. Les différents degrés de conscience que doit avoir une partie dans le contexte de l'homicide ont été décrits par le juge Twaddle dans l'arrêt Kent, précité, aux pp. 167 et 168:

[TRADUCTION] Dans le cas de celui qui aide ou qui encourage un autre à la perpétration d'un meurtre, l'intention nécessaire pour une déclaration de culpabilité de meurtre est la même que celle qui est exigée à l'égard de celui qui a réellement commis l'acte qui a entraîné la mort. La personne qui aide ou qui encourage quelqu'un à la perpétration du crime doit avoir l'intention que la mort s'ensuive ou que des lésions corporelles de nature à entraîner la mort soient causées sans se soucier que la mort en résulte ou non. Si l'intention de la personne qui aide ou qui encourage est insuffisante pour appuyer une déclaration de culpabilité de meurtre, elle peut toujours être déclarée coupable d'homicide involontaire coupable si elle sait que l'acte illégal qu'elle aide ou encourage à commettre causera vraisemblablement des blessures, mais non la mort.

Je conclus que, dans le contexte du meurtre, le jury peut déclarer un accusé coupable de l'infraction moindre et comprise d'homicide involontaire coupable lorsqu'il a aidé ou encouragé la personne qui est déclarée coupable de meurtre. Lorsqu'on traite de crimes de violence contre la personne, la personne qui a aidé à la perpétration du crime aura souvent la mens rea d'homicide involontaire coupable. Par conséquent, la possibilité de déclarer un complice coupable d'homicide involontaire coupable par opposition au meurtre doit être comprise dans l'analyse de notre Cour en l'espèce.

3. Aide et encouragement

Comme pour toute autre infraction criminelle, un accusé ne peut être déclaré criminellement responsable à moins que les éléments essentiels de l'infraction n'aient été démontrés par la poursuite. Dans le contexte de la responsabilité à titre de participant, ces éléments prennent une forme un peu différente de la forme qu'ils présentent dans le cas des auteurs principaux. La raison en est que les actes et l'intention d'un participant doivent être examinés par rapport aux actes et à l'intention de l'auteur principal.

L'arrêt qui fait autorité sur les éléments du par. 21(1) est l'arrêt de notre Cour Dunlop et Sylvester c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 881. Dans cette affaire, deux inculpés avaient été accusés du viol d'une adolescente. Ils étaient présents à une fête tenue par un club de motards dont ils étaient membres, lorsqu'un viol collectif a eu lieu. La victime avait dit dans son témoignage que les deux accusés avaient eu des rapports sexuels avec elle contre sa volonté, une accusation niée par les deux. Le juge du procès avait donné des directives au jury sur l'application des paragraphes (1) et (2) de l'art. 21.

Le juge Dickson (tel était alors son titre) a conclu qu'aucune preuve n'indiquait que Dunlop ou Sylvester avaient eu préalablement connaissance du projet de viol. À son avis, il était entièrement inopportun de la part du juge du procès d'avoir donné des directives au jury au sujet du par. 21(2). La question était plutôt de savoir si les accusés avaient aidé et encouragé la perpétration du viol au sens du par. 21(1). Il a traité des exigences du par. 21(1) de la manière suivante à la p. 896:

Dans la présente affaire, j'ai beaucoup de difficulté à déceler une preuve de quelque chose de plus que la simple présence et l'acquiescement passif. La présence au moment de la perpétration d'une infraction peut constituer une preuve d'aide et d'encouragement si elle est accompagnée d'autres facteurs, comme la connaissance préalable de l'intention de l'auteur de perpétrer l'infraction ou si elle a pour but l'incitation. Il n'y a aucune preuve qu'au cours de la perpétration de l'acte criminel, l'un ou l'autre des accusés ait fourni une aide, une assistance ou une incitation au viol de Brenda Ross. Il n'y a aucune preuve de quelque acte positif ou omission pour faciliter le dessein illicite.

Il est souvent difficile d'établir une distinction entre les actes qui équivalent à un "simple acquiescement" et les actes qui équivalent à une "incitation". En fait, dans l'arrêt Dunlop et Sylvester, il y avait une grande divergence d'opinions sur la question de savoir si les accusés avaient en réalité incité d'autres personnes à commettre le viol. Les quatre juges de la majorité ont conclu que la preuve n'appuyait pas la conclusion que les accusés avaient incité au viol. Deux membres de la Cour se sont abstenus d'exprimer une opinion sur la question. La dissidence du juge Martland, appuyée par les juges Ritchie et Pigeon, tenait à ce que, selon lui, il appartenait entièrement au jury de déterminer si la preuve relative au par. 21(1) était suffisante.

Il peut être utile de mentionner d'autres circonstances dans lesquelles des tribunaux et des jurys ont eu à faire ce choix difficile. Par exemple, dans l'arrêt R. v. Cunningham (1937), 68 C.C.C. 176 (C.A. Ont.), l'accusé a été déclaré coupable à titre de partie à l'infraction de tenue d'une maison de désordre. La maison servait d'établissement de jeu et l'accusé agissait à titre de "guetteur". La Cour d'appel de l'Ontario a conclu que le poste de l'accusé à l'entrée de la maison servait non seulement à avertir les tenanciers de l'arrivée des policiers de manière qu'ils puissent éviter d'être arrêtés, mais également à avertir les tenanciers pour leur donner suffisamment de temps pour détruire ou cacher des éléments de preuve du genre d'activités exercées par les occupants de la maison. Compte tenu de ces fonctions, la participation au crime par le guetteur satisfaisait aux critères de l'aide ou de l'encouragement. Voir également R. v. Lloyd (1890), 19 O.R. 352 (C.A.).

Dans l'arrêt R. v. Black, [1970] 4 C.C.C. 251, on a jugé que l'absence de participation active à l'activité criminelle d'autres personnes (peu différente de celle de l'espèce) était suffisante. Dans cette affaire, l'accusé avait ri et crié à la tête de la victime d'un attentat à la pudeur commis par un groupe d'hommes. La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a jugé que Black avait aidé et encouragé la perpétration de l'infraction parce que sa "simple" présence réduisait en fait toute possibilité réelle de fuite de la victime et avait ainsi permis que se poursuivent les infractions contre elle.

Dans l'arrêt R. v. Cosgrove (1975), 29 C.C.C. (2d) 169 (C.A. Ont.), l'accusé avait été déclaré coupable au procès d'avoir participé à un viol collectif. L'accusé et quatre de ses compagnons avaient conduit leur passagère à un endroit retiré, l'avaient traînée dans un champ de maïs et l'avaient violée à tour de rôle. Cosgrove avait prétendu être resté endormi dans la voiture pendant que l'agression avait lieu. Le juge du procès avait laissé au jury l'impression que Cosgrove était tenu d'empêcher la perpétration de l'infraction dont il avait connaissance. La Cour d'appel a infirmé la déclaration de culpabilité et a ordonné un nouveau procès sur le motif que l'exposé du juge du procès au jury était erroné et trompeur sur ce point.

De même, dans l'arrêt R. v. Clarkson, [1971] 3 All E.R. 344, le Tribunal d'appel des cours martiales a acquitté l'accusé qui avait été présent au viol collectif d'une jeune femme dans une caserne de l'armée. Sachant que le viol avait lieu, l'accusé et plusieurs autres personnes s'étaient entassés dans la pièce pour assister à l'agression. Étant donné que rien dans la preuve n'indiquait que l'accusé avait commis un acte matériel ou avait incité verbalement quelqu'un au viol, il n'y avait aucun fondement de responsabilité.

L'affaire qui est sans doute la plus troublante relativement à cette question est l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario R. v. Salajko (1970), 9 C.R.N.S. 145, dans lequel on a jugé que l'accusé n'avait aucune responsabilité criminelle dans un viol collectif auquel il assistait. L'accusé était présent et, le pantalon baissé, a été témoin du viol. L'arrêt Salajko a fait l'objet de certaines critiques de notre Cour. Dans l'arrêt Dunlop et Sylvester, précité, le juge Dickson a fait remarquer aux pp. 894 et 895: "Il est permis de penser que le jury aurait pu conclure qu'il y avait eu incitation par la conduite." Je suis d'accord avec la déclaration du professeur Stuart dans son ouvrage Canadian Criminal Law: A Treatise (Toronto 1982) selon laquelle [TRADUCTION] "C'est sûrement la meilleure opinion." (à la p. 493). J'ai de la difficulté à considérer un tel comportement comme un "acquiescement passif". À mon avis, l'arrêt Salajko est une anomalie et ne doit pas être suivi.

Pour être déclaré coupable d'avoir aidé ou encouragé le crime, il faut également avoir l'état d'esprit nécessaire. Le juge Dickson a également examiné cette question dans l'arrêt Dunlop et Sylvester. Il a conclu qu'il devait y avoir des éléments de preuve permettant de déduire que l'accusé savait au préalable qu'une infraction de ce genre était projetée.

Dans quelle mesure le crime prévu et le crime réel doivent‑ils être semblables pour satisfaire à l'élément moral requis? La jurisprudence à ce sujet semble indiquer que les deux crimes doivent être essentiellement semblables. Par exemple, dans l'arrêt R. v. Yanover and Gerol (1985), 20 C.C.C. (3d) 300, le juge Martin de la Cour d'appel de l'Ontario a dit à la p. 329:

[TRADUCTION] Pour qu'une responsabilité découle de l'al. 21(1)b) ou c) il n'est pas nécessaire que la personne qui fournit l'instrument pour la perpétration du crime projeté connaisse les détails précis du crime projeté, comme l'identité des lieux à faire sauter ou le moment précis de l'infraction, pourvu qu'elle soit au courant du genre de crime projeté.

Le juge Martin a fondé cette proposition sur l'arrêt Director of Public Prosecutions for Northern Ireland v. Maxwell, [1978] 1 W.L.R. 1350 (H.L.). Dans cette affaire, l'accusé était membre d'une organisation qui, avec des armes, attaquait des catholiques et leurs biens. On avait demandé à Maxwell de conduire sa voiture jusqu'à une auberge et, pendant le trajet, il s'était rendu compte qu'il servait de guide à un autre véhicule qui le suivait. D'après sa connaissance de l'organisation, Maxwell savait que, lorsqu'il servait de guide, il prenait part à une attaque armée. La Chambre des lords a conclu que, bien que la connaissance d'une intention criminelle générale ne soit pas suffisante pour établir la responsabilité à titre de participant, il pouvait y avoir une déclaration de culpabilité si l'infraction réellement commise était du genre de celle pour laquelle l'accusé avait fourni de l'aide ou un encouragement.

Cette position a été adoptée par d'autres auteurs et tribunaux canadiens. Par exemple, Rose dans son ouvrage sur les participants aux infractions (Parties To An Offence (Toronto 1982)) écrit aux pp. 10 et 11:

[TRADUCTION] L'un des faits qu'une personne doit connaître pour pouvoir être déclarée coupable du crime d'aide et d'encouragement est l'intention de l'auteur de commettre l'infraction. Toutefois il n'est pas essentiel de démontrer que la personne accusée d'avoir apporté une aide ou un encouragement savait quel crime précis serait commis; il suffit qu'elle ait su réellement que l'auteur projetait de commettre un certain genre d'infraction, qu'un crime de ce genre avait en fait été commis, et que l'accusé avait intentionnellement aidé ou encouragé quelqu'un à sa perpétration. [Italiques dans l'original]

La Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse s'est fondée sur ce passage dans l'arrêt R. v. Stevenson (1984), 11 C.C.C. (3d) 443. Dans cette affaire, le contrevenant principal avait été accusé et déclaré coupable d'avoir causé des lésions corporelles avec l'intention de blesser. Sa déclaration de culpabilité découlait d'une bagarre engagée avec un homme qui avait insulté son épouse. L'auteur de l'infraction avait demandé à l'accusé de venir avec lui à la bagarre pour empêcher les amis de la victime d'y participer. Le juge Macdonald, qui a rédigé l'arrêt au nom de la cour, a conclu qu'il n'était pas nécessaire que l'accusé sache que l'auteur ne commettrait que des voies de fait par opposition à des voies de fait causant des lésions corporelles. Il était suffisant qu'il sache qu'un "crime de violence contre la personne" serait commis.

Si l'on applique ces éléments à l'espèce, je suis d'accord avec mon collègue que l'accusé n'a ni aidé ni encouragé le meurtre d'Elizabeth Johnson. À mon avis, la responsabilité de Kirkness relativement au décès de la victime dépend uniquement de la question de savoir s'il a fourni de l'aide ou un encouragement à la perpétration de l'agression sexuelle contre cette femme. Par conséquent, la question est de savoir si la preuve peut appuyer une telle conclusion.

Kirkness a dit aux policiers que Snowbird et lui‑même étaient entrés dans la maison et avaient alors commencé à inspecter les lieux. Ils ont vu Elizabeth Johnson couchée sur son lit dans la chambre. Snowbird est entré dans la pièce et Kirkness regardait par l'embrasure de la porte. Snowbird a commencé à agresser la victime. Kirkness regardait. Snowbird a dit à Kirkness d'attendre à l'extérieur. Kirkness a alors placé une chaise sous la poignée de la porte bloquant ainsi l'accès à la maison, puis il s'est assis sur une chaise à l'extérieur de la chambre et a attendu. Il a encore une fois tenté de regarder dans la pièce et Snowbird lui a dit qu'il n'avait pas fini. Snowbird a alors traîné la victime nue à l'extérieur de la pièce dans le couloir.

À mon avis, il était loisible au jury de conclure que les actes de l'accusé pendant qu'il était dans la maison de la victime équivalaient à plus qu'un "simple acquiescement". La présence initiale de Kirkness dans la pièce au moment où a commencé l'agression sexuelle s'est transformée en participation active lorsqu'il a placé la chaise sous la poignée de la porte et lorsqu'il a quitté la pièce parce que Snowbird le lui demandait. Ces actes sont différents de ceux des accusés dans les arrêts Dunlop et Sylvester et Cosgrove. Kirkness n'a pas dormi pendant l'agression et il n'est pas simplement resté pour regarder le spectacle du viol d'une femme de quatre‑vingt‑trois ans. Par conséquent, ses actes pourraient être considérés comme semblables à ceux d'un "guetteur" et donc comme aidant et encourageant Snowbird dans son comportement.

Qui plus est, Kirkness peut être considéré comme ayant continué à encourager et à aider Snowbird après l'agression sexuelle dans la chambre. Lorsque la victime a été traînée dans le couloir et étranglée, Kirkness était témoin de ce qui se produisait. Même s'il savait que le niveau de violence dans la maison augmentait, l'appelant n'a pas beaucoup modifié son comportement. Il est resté dans la maison. Il n'a pas enlevé la chaise placée sous la poignée de la porte. Il a poursuivi son projet d'effectuer un vol dans la maison. Ces actes peuvent‑ils être décrits comme un acquiescement passif?

Si l'on examine l'état d'esprit de l'accusé pendant cette période, Kirkness a indiqué aux policiers qu'il avait dit à Snowbird d'arrêter d'étrangler la victime parce qu'il pourrait la tuer. Cette déclaration est entièrement incompatible avec toute intention de fournir de l'aide à la perpétration du meurtre. Étant donné que l'accusé n'avait pas l'intention précise d'aider à causer la mort de la victime, il est impossible de le déclarer coupable de meurtre par aide ou encouragement.

Toutefois, l'absence d'intention d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte dans le but de causer la mort ne met pas fin à l'examen de la responsabilité de Kirkness aux termes du par. (1). Comme je l'ai indiqué précédemment, un accusé peut encore être tenu criminellement responsable d'homicide involontaire coupable pour le décès de la victime lorsqu'il n'a pas été démontré qu'il avait l'intention requise pour le meurtre.

À mon avis, les actes de l'accusé peuvent appuyer l'inférence qu'il avait l'intention d'aider Snowbird dans la perpétration de l'agression sexuelle dont il avait connaissance. Personnellement, je trouve qu'il est difficile d'admettre son argument selon lequel ses actes ont été accomplis uniquement dans le but de se protéger. Lorsque les policiers l'ont interrogé au sujet de la chaise, il a répondu:

[TRADUCTION] Oui, je l'ai fait parce que je pensais que quelqu'un pouvait entrer pendant que nous étions dans la maison. Alex était en train de [l'agresser sexuellement] dans la chambre à coucher pendant que je faisais cela.

Toutefois, c'est au jury de se prononcer sur cette question.

L'élément moral de l'infraction d'aide et d'encouragement dans la perpétration d'une infraction criminelle est d'accomplir un acte en vue d'aider l'auteur dans la perpétration de l'infraction. La question devient donc de savoir si Kirkness a placé la chaise sous la poignée de la porte précisément en vue d'aider à la perpétration du crime d'agression sexuelle ou en vue d'aider de manière plus générale à la perpétration d'un crime de violence contre la personne. En d'autres termes, le crime commis par Snowbird était‑il d'un genre semblable à celui auquel l'accusé croyait apporter de l'aide et de l'encouragement?

On pensait, à une certaine époque, que le droit n'accordait pas une importance suffisante à l'aspect violent du crime de viol. Le Code criminel a été modifié pour refléter l'idée nouvelle que le viol est essentiellement un crime de violence. En conséquence, l'infraction est maintenant connue comme le crime d'agression sexuelle et non le crime de viol. Cette reformulation du droit a eu une influence importante sur la manière dont les tribunaux ont considéré les crimes de violence sexuelle.

Le droit reconnaît maintenant que l'agression sexuelle est souvent accompagnée d'autres formes de violence. Ainsi, le Code criminel contient un certain nombre d'infractions de violence sexuelle dont la gravité dépend du degré de violence qui accompagne l'agression sexuelle. L'échelle de gravité par ordre ascendant va de l'agression sexuelle (art. 246.1, maintenant art. 271) à l'agression sexuelle armée, à l'agression sexuelle avec menaces de lésions corporelles et l'agression sexuelle avec infliction de lésions corporelles (art. 246.2, maintenant art. 272), et finalement à l'agression sexuelle grave (art. 246.3 maintenant art. 273).

Compte tenu de cet historique et des modifications législatives qui en ont résulté, il peut être quelque peu artificiel de tracer une ligne de démarcation précise entre l'acte d'agression sexuelle et l'acte d'étouffement dans une affaire comme l'espèce, où la violence inhérente à l'agression sexuelle s'est intensifiée de façon maniaque jusqu'à la violence qui a accompagné l'étouffement. L'agression sexuelle et l'étouffement peuvent être considérés comme des infractions du même genre dans le sens que, ensemble, elles se complètent pour former les infractions prévues aux art. 246.2 ou 246.3 du Code. En outre, il s'agit d'infractions qui pourraient causer des lésions corporelles sans causer la mort. Même si l'appelant avait eu seulement l'intention d'aider à la perpétration d'une agression sexuelle simple, il serait loisible au jury de conclure que, en droit, il a aidé et encouragé un crime d'un genre comportant de la violence contre la personne et donc un risque de lésions corporelles, mais non la mort.

Si j'applique chacun de ces éléments au comportement de Kirkness j'arrive à la conclusion qu'il y avait des éléments de preuve en vertu desquels un jury ayant reçu des directives appropriées aurait pu le déclarer coupable d'homicide involontaire coupable. Avant d'examiner si le juge du procès a donné des directives appropriées au jury sur l'application du par. 21(1) dans les circonstances de l'espèce, je suis d'avis qu'il sera utile d'examiner l'application du par. 21(2).

4. L'intention commune

La common law foisonne d'exemples de personnes qui, ayant aidé une autre personne à la perpétration d'un crime, sont tenues criminellement responsables des actes criminels des personnes qu'elles ont aidées. Selon Rose [TRADUCTION] "Les dispositions du droit pénal relatives à l'intention commune de commettre un acte illégal semblent s'être développées en common law dans la théorie du meurtre par imputation — une sorte "d'aide et d'encouragement implicites" dans des affaires de meurtre." (Voir Rose, précité, à la p. 64). L'imposition de responsabilité par la loi dans de telles circonstances remonte au moins à l'époque de Hale. Il a remarqué que dans l'arrêt Lord Dacre's Case (1543), 1 Hale H.P.C. 439:

[TRADUCTION] Le seigneur Dacre et diverses autres personnes sont venus braconner des cerfs dans le parc d'un nommé Pelham, Rayden l'un des membres de la compagnie a tué le gardien du parc, le seigneur Dacre et le reste de la compagnie étant dans d'autres parties du parc, on a jugé qu'ils étaient tous coupables de meurtre et ils ont été exécutés en expiation de ce crime.

Foster écrivait en 1809 que l'intention spécifique exigée pour le meurtre était relâchée dans certains cas. À la p. 351 de l'ouvrage Foster's Crown Law (London 1809), il a dit:

[TRADUCTION] Mais si un fait équivalent à un meurtre devait être commis dans la poursuite d'une certaine fin illégale, même s'il ne s'agissait que d'une simple entrée non autorisée, à laquelle A. dans l'affaire mentionnée précédemment a consenti et qu'il a accompli dans le but de fournir de l'aide, le cas échéant, pour la perpétration du crime, cette situation équivaudrait à un meurtre de sa part, et de la part de chaque personne présente qui était avec lui . . .

Il est vrai qu'en l'espèce, il se peut qu'il n'y ait aucune intention malicieuse spéciale contre la victime, ni d'intention délibérée de lui faire du mal; mais si le fait a été commis dans la poursuite de la fin initiale, qui était illégale, l'ensemble du groupe sera impliqué dans la culpabilité de celui qui a porté le coup. Car dans des actions de ce genre, le coup mortel, même s'il a été porté par l'un des membres du groupe, est considéré aux yeux de la loi et également pour des motifs bien fondés, comme s'il avait été porté par chaque personne présente et qui donne son encouragement. [Italiques dans l'original]

La règle de l'objet commun a une très large portée en termes de responsabilité du complice. Afin d'atténuer la rigueur de la règle, la common law a élaboré certaines restrictions à ce principe étendu. En vue d'établir la responsabilité pour le crime qui a été perpétré par opposition au crime qui a été envisagé, celui qui a été perpétré doit avoir été considéré par le complice comme une conséquence possible de l'acte projeté.

Ce principe restrictif remonte à l'affaire Plummer's Case, Kel J. 109; 84 E.R. 1103, dans laquelle une bande avait entrepris de transporter illégalement de la laine en France. Ils avaient été arrêtés par la police et il y avait eu une bagarre. Un coup de feu tiré par un des membres de la bande avait tué non pas un policier mais un autre membre de la bande. La question était de savoir si les autres membres de la bande étaient coupables du meurtre d'un des leurs.

La cour était d'avis que si un policier avait été tué par le coup de feu tous les membres de la bande auraient été coupables de meurtre. De même, si le coup de feu avait été destiné à un policier mais que, par accident, un membre de la bande avait été touché, chaque membre de la bande aurait également été coupable de meurtre. Toutefois, d'après les faits, le coup de feu n'avait pas été tiré pour servir la fin pour laquelle la bande était rassemblée. On avait déduit au contraire que le coup de feu avait été tiré sur la victime parce qu'on croyait qu'il avait informé la police du projet.

À mon avis, la règle de l'objet commun a été précisément conçue pour déterminer la responsabilité dans le genre de situation qui est présentée à la Cour dans le présent pourvoi. Si l'on applique chacune des composantes du par. 21(2) à l'espèce, on arrive, à mon avis, à la conclusion que le jury pouvait conclure que Kirkness était partie à l'homicide coupable de la victime.

a)L'intention commune

Pour établir la responsabilité aux termes du par. 21(2), la première étape est de démontrer que l'accusé avait formé avec d'autres personnes le projet de poursuivre une fin illégale et de les aider à réaliser cette fin. Il n'est pas nécessaire que cette fin commune soit planifiée d'avance. Il suffit, et la jurisprudence appuie cette position, que l'intention prenne naissance juste avant la perpétration de l'infraction ou au moment de celle‑ci. En réalité, la fin commune est habituellement déduite des faits. Par exemple, dans l'arrêt R. v. Rice (1902), 5 C.C.C 509 (C.A. Ont.), dont l'autorisation de pourvoi a été refusée (1902), 5 C.C.C. 529, les accusés étaient transportés par taxi du palais de justice à la prison pendant leur procès sur des accusations de cambriolage. Un inconnu a lancé dans le taxi un colis qui contenait au moins deux revolvers. Il y a eu une bagarre et un des prisonniers a tiré sur un agent de police et l'a tué. En maintenant la conclusion du jury selon laquelle l'accusé était coupable de meurtre à titre de participant, le juge Osler a fait remarquer à la p. 523:

[TRADUCTION] Le projet commun a certainement pu être formé dès que les prisonniers se sont rendu compte qu'ils avaient en leur possession des armes qui pouvaient leur permettre de s'évader; et la preuve, mentionnée dans le dossier, appuie l'argument selon lequel il y avait un projet commun de poursuivre une fin illégale de façon violente.

À mon avis, on ne peut douter que Snowbird et Kirkness avaient formé ensemble un projet en l'espèce. Lorsque l'un d'eux a aidé ou encouragé l'autre à la perpétration d'une infraction, il n'y a aucun doute qu'il existait une intention commune de poursuivre une fin illégale. En l'espèce, Kirkness était l'auteur principal de l'introduction par effraction. De son propre aveu, Snowbird lui a demandé de participer au projet de cambrioler la maison. Il a accepté. De plus, c'est lui qui a effectué l'introduction par effraction en ouvrant une fenêtre à l'arrière de la maison avec le manche d'un outil de jardinage. C'est lui qui est entré le premier et qui a fait entrer Snowbird par la porte de derrière. Il n'existe pas la moindre preuve que l'accusé n'avait pas formé de projet avec Snowbird. À mon avis, la question la plus difficile porte sur la nature de la fin illégale dont ils avaient convenu.

b)La fin illégale

La nature de la fin illégale sera souvent déterminante pour répondre à la question de savoir si un accusé doit être tenu responsable des actes subséquents de l'auteur principal. Supposons, par exemple, que la fin illégale initiale convenue par les personnes qui ont formé le projet était le vol d'un magasin, sans violence ni arme. À l'insu des autres, l'auteur principal sort un pistolet et tue le commerçant. Lorsque le juge des faits doit déterminer si le meurtre du commerçant était une conséquence probable du vol que les présumés complices connaissaient ou auraient dû connaître, le projet initial de ne pas employer de violence est de toute évidence très important.

Pour déterminer les limites de la fin illégale, il est pertinent d'examiner la tendance à la violence de chacune des personnes qui ont formé ensemble le projet. Dans l'arrêt R. v. Govedarov, Popovic and Askov (1974), 16 C.C.C. (2d) 238 (C.A. Ont.), le juge Martin a indiqué que, si pendant un vol l'un des participants est informé qu'un autre des participants est une personne extrêmement violente, le fait que la première personne ne se retire pas peut être considéré comme une indication qu'elle était d'avis que le recours à la violence, si nécessaire, faisait partie de la fin illégale projetée. Voir également: R. v. Viger (1985), 36 C.C.C. (3d) 18 (H.C.).

En l'espèce, y avait‑il une indication d'un recours possible à la violence dans la poursuite de la fin illégale? À mon avis, il y en avait. Premièrement, Kirkness a dit aux policiers qu'il était entré dans la maison de Mme Johnson en utilisant un manche d'outil de jardinage. Kirkness a emporté avec lui dans la maison le manche brisé et l'a donné à Snowbird lorsqu'il l'a fait entrer. Le fait d'avoir gardé cette arme fournit une certaine indication que ces deux hommes pouvaient avoir envisagé d'avoir recours à la violence.

Le comportement de Snowbird lui‑même est également pertinent sur ce point. Ce qui avait débuté comme une "simple" introduction par effraction s'est immédiatement transformé en crime de violence contre la personne dès que Snowbird a découvert une femme dans la maison. Si Kirkness n'avait pas au départ imaginé le comportement horrible de Snowbird au début de l'introduction par effraction, il a certainement compris dès qu'il a commencé qu'il faisait partie de la fin illégale globale. Pour les motifs que j'ai déjà analysés, on peut soutenir que Kirkness n'a pas seulement acquiescé, mais a aidé à la perpétration de ce crime. Bien qu'il appartienne évidemment au jury de se prononcer sur la question, il semble difficile de croire que la perpétration d'actes de violence physique ne faisait pas partie de la fin illégale dans l'esprit des deux accusés.

c)Savait ou devait savoir que l'infraction serait probablement commise

Le paragraphe 21(2) du Code présume qu'une partie est criminellement responsable des actes de l'auteur principal lorsque l'accusé savait ou devait savoir que les actes qui constituent l'infraction seraient probablement perpétrés. Il y a deux éléments dans ce dernier volet du par. 21(2): (i) la perpétration de l'infraction finale était probable; et (ii) l'accusé savait ou aurait dû savoir que cette probabilité existait.

La première question à poser est de savoir si le décès de la victime était une conséquence probable de la fin illégale. Si le jury décidait que la fin illégale ne visait que l'introduction par effraction il serait difficile de justifier la conclusion que la mort de l'occupante était une conséquence probable de cette fin. Toutefois, si le jury décidait que la fin illégale visait également des actes de violence physique contre l'occupante, alors la voie à suivre pour déterminer la responsabilité de Kirkness comme participant à l'infraction serait beaucoup plus claire. Outre les circonstances particulières entourant cette série d'événements, il me semble que la violence accompagne si souvent les crimes d'ordre sexuel qu'il est implicite dans la nature même de l'infraction que des blessures, sinon la mort, sont probables. À mon avis, c'est le cas lorsque le projet de fin illégale envisage un acte physique contre une personne. Évidemment, il peut y avoir des situations dans lesquelles le niveau de violence physique envisagée est tellement minime que des lésions corporelles graves sont une simple possibilité plutôt qu'une probabilité. Et en fait il se peut que cette remarque soit vraie même dans certaines situations où la fin illégale est une agression de nature sexuelle. Bien que personnellement je ne penserais pas que ce qui ressort de cette affaire soit l'un de ces cas, il appartenait au jury de trancher la question de savoir si l'infliction de lésions corporelles susceptibles d'entraîner la mort était une conséquence probable de l'infraction sexuelle commise contre Elizabeth Johnson.

L'accusé Kirkness savait‑il ou devait‑il savoir que cette conséquence des lésions corporelles était probable? Étant donné que l'accusé n'a pas témoigné, il faut répondre à la question d'après ses actes. Si l'on écarte la norme de prévisibilité objective, la question devient celle de savoir si Kirkness ne savait pas que Elizabeth Johnson subirait des lésions corporelles par suite de l'agression. Bien qu'il se soit opposé à la strangulation de la victime par Snowbird, il n'a pas paru choqué ni consterné par le spectacle. Il a simplement indiqué que l'agression était allée trop loin. Son comportement à cet égard, ajouté au fait qu'il savait que la victime était âgée et fragile, laisse au jury le soin de répondre à la question de savoir si ce volet du critère du par. 21(2) a été satisfait.

5. La renonciation à l'intention

Comme dans le cas d'autres infractions criminelles, l'accusé dont la responsabilité est démontrée aux termes des dispositions applicables aux participants à une infraction aura encore à sa disposition un certain nombre de moyens de défense. Toutefois, dans le contexte de la responsabilité de complice, le moyen de défense de la renonciation est particulièrement important. Selon ce moyen de défense, un accusé peut se dégager de la responsabilité criminelle à l'égard des actes de l'auteur principal s'il peut démontrer qu'il a abandonné le projet de l'aider à commettre une infraction criminelle. En raison de ma conclusion sur la façon de trancher le présent pourvoi, j'ajoute ici une analyse des éléments de ce moyen de défense.

Bien qu'une personne inculpée aux termes du par. (1) ou (2) puisse invoquer le moyen de défense de la renonciation, ce moyen a été appliqué habituellement au Canada à la disposition relative à la fin commune. Par exemple, notre Cour a examiné la possibilité d'invoquer ce moyen de défense dans l'arrêt Henderson v. The King, [1948] R.C.S. 226. Dans cette affaire, le juge du procès n'avait pas exposé de façon adéquate au jury le moyen de défense de la renonciation de l'accusé et un nouveau procès sur l'accusation de meurtre avait été ordonné. Dans ses motifs, le juge Taschereau a mentionné le critère de la renonciation invoqué par le juge Sloan dans l'arrêt R. v. Whitehouse (1940), 55 B.C.R. 420, à la p. 425:

[TRADUCTION] Lorsqu'un crime a été commis et avant qu'un jury puisse conclure à la renonciation préalable à l'entreprise commune, il doit y avoir, à mon avis, en l'absence de circonstances exceptionnelles, quelque chose de plus que le changement mental de l'intention et que le changement physique d'endroit de la part des associés qui veulent se dissocier des conséquences de leur aide volontaire jusqu'au moment de la perpétration réelle de ce crime. Je ne suis pas d'avis de tenter de définir de manière trop précise ce qui doit être fait dans des affaires criminelles concernant la participation à une fin illégale commune pour briser le lien de causalité et de responsabilité. Cela doit dépendre des circonstances de chaque cas mais il me semble qu'un élément essentiel devrait être établi dans un cas de ce genre: lorsque cela est possible et raisonnable, ceux qui désirent se dissocier du crime envisagé doivent communiquer en temps utile leur intention d'abandonner la fin commune à ceux qui désirent continuer dans sa réalisation. Ce qui constituerait une communication "en temps utile" doit être déterminée par les faits de chaque cas mais lorsque c'est possible et raisonnable cette communication doit être verbale ou autre et servira d'avis non équivoque à l'autre partie à la fin illégale commune que si elle continue dans la réalisation de celle‑ci, elle le fera sans autre aide et appui de ceux qui se retirent. La fin illégale de celui qui continue seul lui revient alors entièrement et n'est pas commune a ceux qui désormais n'y participent plus et ne sont donc plus responsables de ses conséquences finales.

Dans cette affaire, trois jeunes hommes avaient pris des dispositions pour voler un certain Ingram, un marchand local. L'un des hommes s'était approché de Ingram avec un tuyau de fer couvert d'un boyau. Lorsqu'il s'était approché de lui les deux autres jeunes hommes s'étaient sauvés. Plus tard, on a trouvé le tuyau maculé de sang humain. Ingram est mort quelque temps plus tard. Au procès, le juge a exposé au jury qu'il ne devait tenir compte que de deux éléments pour conclure à la renonciation: (1) un changement mental d'intention; et (2) le fait de quitter le lieu du crime avant qu'il soit perpétré. Le juge Sloan a conclu que le juge du procès avait commis une erreur pour les motifs que j'ai cités précédemment.

L'arrêt Whitehouse a été suivi par notre Cour dans l'arrêt Miller c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680, où deux accusés avaient été inculpés du meurtre d'un policier. Ils avaient bu, discuté de leurs différends avec les policiers et avaient parlé d'abattre un policier. Ils avaient ensuite quitté la taverne avec un fusil chargé et avaient cherché à attirer l'attention des policiers en conduisant d'une façon désordonnée. Miller était au volant. Cockriell avait lancé une bouteille de bière sur le palais de justice local. Par la suite, les deux hommes avaient été interpelés par les policiers. Comme un agent s'approchait de la voiture, Cockriell avait appuyé sur la gâchette du fusil qui se trouvait sur les genoux de Miller.

La Cour a conclu qu'aucun élément de preuve n'appuyait le moyen de défense de la renonciation. Le juge Ritchie a suivi les propos du juge Sloan dans l'arrêt Whitehouse et a conclu qu'aucune preuve n'indiquait clairement que l'intention de renoncer à la fin commune avait été communiquée. Le juge Ritchie a également mentionné et approuvé l'arrêt de la Court of Criminal Appeal R. v. Becerra and Cooper (1975), 62 Cr. App. R. 212. Dans cette affaire, l'appelant était entré dans une maison avec deux autres hommes. Lorsqu'ils étaient entrés dans la maison, Becerra avait un couteau. Cooper, l'un des autres accusés, le savait. Il le lui avait emprunté pour couper les fils du téléphone de la maison. Les trois hommes étaient entrés par la fenêtre. La personne qui se trouvait dans la maison, une dame âgée, a commencé à faire clignoter la lumière de la chambre, vraisemblablement pour attirer l'attention et obtenir du secours. Cooper l'a frappée et lui a couvert la tête avec un oreiller. Becerra a coupé les fils du téléphone près du lit.

Cooper a ensuite pris le couteau et est allé dans la cuisine. M. Lewis, un voisin, a entendu l'agitation à l'étage inférieur et est descendu. Becerra et le troisième homme l'ont entendu, et se sont enfuis par la fenêtre. Il s'ensuivit une bagarre entre Cooper et Lewis. Lewis a été poignardé quatre fois et est mort par la suite. Becerra a été accusé du meurtre de Lewis et a été déclaré coupable. Il a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité pour le motif que le juge du procès avait commis une erreur en ne donnant pas de directives appropriées au jury sur le moyen de défense de la renonciation. Son reproche portait essentiellement sur le fait que le juge du procès avait exposé au jury que le moyen de défense ne pouvait pas être invoqué par un accusé qui, ayant fourni une arme qu'il savait pouvoir servir au moins à causer des lésions corporelles, quitte simplement le lieu du crime. En fait, le juge du procès était allé plus loin et avait laissé entendre que Becerra avait une certaine obligation d'intervenir physiquement pour se dissocier de l'acte de Cooper.

La Cour d'appel, à l'unanimité, a maintenu la déclaration de culpabilité de Becerra. Sur le fondement des termes du juge Sloan dans l'arrêt Whitehouse, la cour a conclu que Becerra était légalement responsable des actes de Cooper. La Cour d'appel n'a pas jugé nécessaire de répondre à la question de savoir si l'accusé devait intervenir physiquement. Le lord juge Roskill a dit à la p. 219:

[TRADUCTION] D'après les faits de l'espèce, dans ces circonstances, le couteau ayant déjà été utilisé et étant conservé pour un usage ultérieur lorsqu'il a été confié par Becerra à Cooper dans le but d'éviter (si nécessaire) par des moyens violents les risques de l'identification, si Becerra avait voulu se retirer à ce moment‑là, il aurait dû donner un "contre‑ordre", pour employer un terme qui est utilisé dans certains arrêts, ou "se repentir", pour employer un autre terme qui est utilisé, ce qui est très différent et beaucoup plus efficace que simplement dire "allons, partons" et sortir par la fenêtre.

Les auteurs qui ont étudié le moyen de défense de la renonciation paraissent convenir qu'un défendeur sera tenu de satisfaire à une norme différente selon son degré de participation au crime. Glanville Williams a laissé entendre que lorsqu'un défendeur a fait quelque chose pour aider quelqu'un à perpétrer un crime, au‑delà de la simple incitation et du simple encouragement, il doit faire son possible pour empêcher la perpétration du crime afin de ne pas en être tenu responsable. Il a dit que le défendeur doit avertir la victime ou accomplir un geste qui n'irait peut‑être pas jusqu'à se rendre à la police. Il soutient que cette limite au droit de se retirer est une exception à l'exigence habituelle selon laquelle la mens rea et l'actus reus doivent être simultanés. [TRADUCTION] "En réalité, le défendeur est tenu responsable de la négligence à prévenir le crime." (Textbook of Criminal Law (London 1983) à la p. 364. Cette distinction a également été reconnue par le professeur Lanham ("Accomplices and Withdrawal" (1981), 97 L.Q. Rev. 575). Il a également affirmé à titre de principe que [TRADUCTION] "Lorsque l'acte de participation va plus loin que l'encouragement, il se peut qu'un simple contre‑ordre ne soit pas suffisant pour disculper l'accusé" (à la p. 591).

Certains facteurs ont été reconnus comme pertinents pour répondre à la question de savoir si un accusé a légalement renoncé à son intention. Le professeur Lanham énumère les points à considérer par le tribunal de la manière suivante à la p. 575:

[TRADUCTION] 1. Le retrait doit‑il être volontaire?

2.Un contre‑ordre est‑il nécessaire?

3.Le contre‑ordre est‑il suffisant?

4.Le contre‑ordre doit‑il être exprès?

5.Le retrait doit‑il être fait en temps utile?

6.Une tentative de retrait est‑elle suffisante?

7.Le contre‑ordre doit‑il être communiqué à tous les auteurs principaux?

En bref, comme l'a dit le professeur Manson, la question est la qualité du retrait. Dans l'article "Re‑codifying Attempts, Parties, and Abandoned Intentions" (1989), 14 Queen's L.J. 85, il a présenté la question de la manière suivante, à la p. 95:

[TRADUCTION] Si l'on examine le moyen de défense de l'intention abandonnée à l'égard des participants, les questions principales concernent la qualité du retrait du projet initial et la question de savoir s'il faut davantage pour se disculper. Ces questions ont une signification différente selon la forme considérée de responsabilité à titre de complice et les circonstances particulières d'une affaire.

Je suis d'accord qu'il serait non seulement impossible mais également inopportun pour le tribunal de tenter d'établir de manière précise ce qui devrait être exigé d'un accusé pour démontrer qu'il s'est retiré en tant que complice à une infraction. Je souscris à l'opinion du professeur Manson selon laquelle la question concerne la qualité du retrait relativement à l'infraction et au genre de participation criminelle adoptée par le participant. Évidemment, lors de la détermination de la peine, on pourra toujours tenir compte des tentatives faites pour arrêter ou empêcher la perpétration d'un crime qui sont néanmoins insuffisantes pour disculper un accusé: voir Wasik, "Abandoning Criminal Intent", [1980] Crim L. Rev. 785.

En l'espèce, le jury pouvait conclure que la participation de Kirkness allait plus loin que le simple encouragement. Il avait matériellement placé une chaise devant la porte pour empêcher qu'on découvre leurs activités dans la maison. Sur quel élément de preuve le jury aurait‑il pu se fonder pour conclure qu'il s'était effectivement retiré? Kirkness n'a rien fait pour enlever la chaise ou pour intervenir de quelque manière relativement à la domination de la victime par Snowbird. Le seul acte sur lequel l'accusé se fonde pour démontrer sa renonciation est le fait qu'il ait dit à Snowbird, "arrête, tu vas la tuer". La question posée au jury est de savoir si cette déclaration, si on y accorde foi, est suffisante pour écarter la participation de Kirkness dans le crime.

6. Distinction entre le par. 21(1) et le par. 21(2)

Le résumé qui précède relativement au droit pertinent indique, à mon avis, que le jury pouvait arriver de deux façons à la conclusion que Kirkness était responsable en droit du décès d'Elizabeth Johnson. Je désire ajouter quelques observations concernant la différence qui existe entre le par. (1) et le par. (2).

Selon Gillies dans Criminal Law (Sydney 1985) à la p. 140, la règle des personnes qui forment un projet en commun a été élaborée pour simplifier les règles de responsabilité des complices pour les jurys et n'a pas été créée comme moyen additionnel d'établir la responsabilité criminelle. Par ailleurs, notre Cour a dit que les par. (1) et (2) de l'art. 21 énoncent des concepts distincts. Le juge McIntyre a expliqué quelle était la différence essentielle entre eux, dans les motifs qu'il a rédigé au nom de la Cour dans l'arrêt R. c. Simpson, [1988] 1 R.C.S. 3. Il a dit à la p. 15:

Les deux paragraphes de l'art. 21 traitent de circonstances différentes. Le paragraphe (1) s'applique de façon à rendre partie à une infraction quiconque la commet ou aide ou encourage à la commettre. Le paragraphe (2) s'applique au cas où, bien qu'il n'y ait ni aide ni encouragement, une personne peut devenir partie à l'infraction commise par quelqu'un d'autre lorsqu'elle sait ou aurait dû savoir que l'infraction serait une conséquence probable de la poursuite d'une fin commune illégale avec celui qui l'a effectivement perpétrée.

Rose énonce la question d'une manière semblable à la p. 65:

[TRADUCTION] [Le paragraphe 22(2)] est de toute évidence destiné à prévoir la responsabilité dans le cas d'infractions résultantes que l'accusé n'a ni commises ni aidées ni encouragées mais qui résultaient de la poursuite de l'infraction initiale . . . [Italiques dans l'original]

À mon avis, puisque les personnes qui aident et qui encouragent ont été traitées par le législateur de manière différente de celles qui forment ensemble un projet commun, il faut reconnaître une certaine différence entre ces deux paragraphes.

Par ailleurs, il peut sans doute survenir des circonstances dans lesquelles il sera difficile d'établir une distinction entre l'applicabilité des deux paragraphes. Lorsqu'un accusé a aidé ou encouragé une autre personne à perpétrer un certain crime, il est tenu responsable à titre de participant au terme du par. (1) lorsque le crime finalement commis est du même genre que celui auquel l'accusé a fourni de l'aide. Aux termes du par. (2), par ailleurs, la responsabilité à titre de participant découle de la conclusion que l'accusé savait ou devait savoir que l'infraction réellement commise serait une conséquence probable de la perpétration de l'infraction projetée à laquelle il a apporté son aide. La tâche difficile qui incombe au jury dans de tels cas est d'établir une distinction entre le cas où le crime qui a réellement été commis est d'un genre semblable à celui qui était envisagé et le cas où le crime réellement commis est une conséquence probable du crime projeté.

À mon avis, la différence entre les deux tient à ce que la théorie du caractère similaire n'était pas destinée à viser les situations où l'auteur principal a commis une autre infraction, même si elle était probable, de manière à dissimuler son crime ou à faciliter son évasion. Je crois que, aux fins du par. 21(1), pour être "du même genre", il faut que l'infraction commise soit non seulement semblable à l'infraction envisagée mais aussi suffisamment contemporaine. Le paragraphe 21(2) est, à mon avis, réservé aux cas où il y a eu une rupture temporelle entre les deux infractions et où l'infraction réellement commise suit la première, mais comme conséquence de l'infraction initialement projetée.

7. Le juge du procès a‑t‑il commis une erreur dans son exposé?

Contrairement à l'opinion exprimée par mon collègue le juge Cory, je ne crois pas que le juge du procès ait donné au jury des directives adéquates sur la possibilité de déclarer l'appelant coupable d'homicide involontaire coupable. À mon avis, la meilleure preuve en est que le jury a demandé deux fois des précisions sur l'exposé. De toute évidence, il y avait la confusion.

Outre la confusion évidente du jury, je suis également d'avis que les directives étaient trompeuses. Comme j'espère l'avoir démontré, l'appelant pouvait être tenu responsable du décès de la victime de deux manières. En expliquant ces fondements de la responsabilité, le juge du procès a fait plusieurs erreurs fondamentales.

Premièrement, en ce qui a trait à l'application du par. 21(1), le juge du procès a dit:

[TRADUCTION] Maintenant, je vous donne comme directive que vous pouvez, mais ne devez pas nécessairement, mais que vous pouvez tenir compte de cet acte [placer la chaise sous la poignée de porte] comme un acte destiné à aider Snowbird dans la perpétration de l'infraction d'agression sexuelle contre cette dame âgée. Vous devrez alors continuer et examiner si Kirkness avait une connaissance suffisante pour savoir que le décès en découlerait. S'il ne l'avait pas, l'acte n'équivaudrait pas à fournir de l'aide dans la perpétration du meurtre ou de l'homicide involontaire coupable. [Je souligne.]

C'est tout ce que dit l'exposé du juge Scollin sur l'application du par. 21(1). Bien que, comme le juge Cory, j'estime que le juge du procès a donné des directives adéquates au jury sur la distinction qui existe entre le meurtre au premier degré, le meurtre au deuxième degré et l'homicide involontaire coupable ailleurs dans son exposé, la partie de l'exposé que j'ai citée était non seulement inadéquate mais clairement erronée. Premièrement, il aurait été préférable que le juge Scollin définisse le sens juridique de l'aide et de l'encouragement. Deuxièmement, le juge du procès n'a nullement mentionné la règle sur le "genre d'infraction" que j'ai énoncée. Troisièmement, et plus important encore, si le jury a conclu que Kirkness avait aidé à la perpétration de l'agression sexuelle, la question à laquelle il devait répondre n'était pas de savoir si Kirkness savait que le décès en découlerait, mais plutôt s'il savait que des lésions corporelles en résulteraient. À mon avis, le juge Scollin a mal expliqué l'élément moral à établir pour parvenir à une déclaration de culpabilité d'homicide involontaire coupable. Je crois que, sans ces erreurs et ces omissions, le verdict n'aurait pas nécessairement été le même.

En ce qui a trait à l'application de l'article sur l'intention commune, je suis également d'avis que les directives étaient erronées et trompeuses. Mon collègue a énoncé la partie de l'exposé qui traite de l'application du par. 21(2) si le jury devait conclure que le projet commun consistait uniquement en l'introduction par effraction. Je ne le conteste pas. Toutefois, un peu plus tard pendant le procès, le jury a demandé des explications. Il y a eu discussion entre les avocats et le juge. Deux questions ont été abordées.

Premièrement, on a parlé de la défense de renonciation. Le juge Scollin a exprimé son désaccord avec l'argument du ministère public selon lequel si Kirkness était un participant à l'agression sexuelle alors il avait une certaine obligation juridique de s'en dégager. Le juge du procès a refusé de présenter la question au jury. Bien que je ne sois pas disposée à poser la question en termes d'obligation juridique imposée à Kirkness, je suis d'avis que le moyen de défense de la renonciation devait être expliqué au jury et que le juge du procès a commis une erreur en omettant de le faire.

La deuxième question était celle de l'intention commune. La question de savoir si le projet commun était l'agression sexuelle par opposition à l'introduction par effraction seulement a fait l'objet d'une discussion avec les avocats. Le jury a été rappelé et le juge Scollin lui a donné les directives suivantes:

. . . ces deux personnes avaient‑elles une intention commune de s'aider mutuellement dans la perpétration de l'agression sexuelle? Était‑ce le résultat final de cet acte? Était‑ce le résultat réel? Vous devrez vous poser cette question. Si c'est le cas, alors la conséquence est la suivante:

"Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet . . ."

et il n'est pas nécessaire qu'il y ait un accord écrit, cela peut être fait par la conduite,

". . . de poursuivre une fin illégale . . ."

et, en l'espèce, la fin illégale, dans cette situation, est l'agression sexuelle commise par Snowbird. S'ils forment ensemble le projet de poursuivre cette fin illégale,

". . . et de s'y entraider . . ."

Est‑ce également implicite? Vous tirez cette conclusion,

". . . et que l'une d'entre elles . . . en réalisant cette fin commune . . ."

d'agression sexuelle,

". . . commet une infraction . . ."

Maintenant, cela serait le cas si le décès résultait de l'agression sexuelle.

". . . commet une infraction . . ."

ou quoi que ce soit, meurtre au premier degré; au deuxième degré; ou homicide involontaire coupable. Si la mort résulte directement de cette agression sexuelle, Kirkness aurait‑il dû savoir, dans ces circonstances, que cet acte, . . . serait une conséquence probable de l'agression sexuelle?

. . .

Si vous écartez l'agression sexuelle, elle‑même, que les lésions corporelles s'appliquaient à ce point, si vous l'écartez comme cause du décès, si vous n'êtes pas convaincus hors de tout doute raisonnable que c'est de cette manière que le décès s'est produit mais qu'il s'est produit ultérieurement en raison de l'étouffement, alors si vous l'écartez comme cause du décès, l'agression sexuelle réelle, elle‑même, alors Kirkness ne peut pas être tenu responsable du meurtre ni d'homicide involontaire coupable simplement parce qu'il a placé une chaise contre la porte. [Je souligne.]

La responsabilité prévue au par. 21(2) n'exige pas que l'accusé aide directement à la perpétration de l'acte qui a entraîné le décès. Il suffit, avec certaines restrictions, que l'homicide involontaire coupable ait été une conséquence probable de l'infraction à l'égard de laquelle l'accusé a fourni de l'aide ou de l'encouragement. En disant qu'il s'agissait de savoir si l'agression sexuelle avait causé le décès, le juge du procès a incorrectement sous‑entendu que si Kirkness n'avait pas directement aidé à la perpétration de l'acte qui a causé la mort de la victime, c'est‑à‑dire l'étouffement, alors il ne pouvait pas être tenu responsable de la mort de la victime.

Mon collègue paraît souscrire à cette opinion. Je ne puis le faire. À mon humble avis, la question à laquelle devait répondre le jury n'a jamais été de savoir si l'agression sexuelle avait causé le décès. La question était plutôt de savoir si Kirkness avait aidé ou encouragé Snowbird à commettre un crime qui était du genre qui aurait pu causer des lésions corporelles, ou de savoir si des lésions corporelles auraient pu résulter comme conséquence de l'agression sexuelle. Il s'agit d'un point fondamentalement important que, à mon avis, le jury n'a pu apprécier en raison des directives erronées du juge du procès.

8. Dispositif

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi et de confirmer l'ordonnance de la Cour d'appel relativement au nouveau procès de l'accusé sur une accusation d'homicide involontaire coupable.

Pourvoi accueilli, les juges WILSON et L'HEUREUX‑DUBÉ sont dissidentes.

Procureurs de l'appelant: Kaufman, Cassidy, Winnipeg.

Procureur de l'intimée: Le procureur général du Manitoba, Winnipeg.

*Juge en chef à la date du jugement.


Synthèse
Référence neutre : [1990] 3 R.C.S. 74 ?
Date de la décision : 22/11/1990

Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Kirkness
Proposition de citation de la décision: R. c. Kirkness, [1990] 3 R.C.S. 74 (22 novembre 1990)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-11-22;.1990..3.r.c.s..74 ?
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