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06/12/1990 | CANADA | N°[1990]_3_R.C.S._451

Canada | Harrison c. Université de la colombie-britannique, [1990] 3 R.C.S. 451 (6 décembre 1990)


Harrison c. Université de la Colombie‑Britannique, [1990] 3 R.C.S. 451

Université de la Colombie‑BritanniqueAppelante, Intimée dans le pourvoi incident

c.

John R. ConnellIntimé, Appelant dans le pourvoi incident

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario,

le procureur général de la Nouvelle‑Écosse et

le procureur général de la Colombie‑Britannique Intervenants

et entre

Université de la Colombie‑BritanniqueAppelante, Intimée dans le pourvoi incident

c.

Robert Ca

meron HarrisonIntimé, Appelant dans le pourvoi incident

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario,

le procureur g...

Harrison c. Université de la Colombie‑Britannique, [1990] 3 R.C.S. 451

Université de la Colombie‑BritanniqueAppelante, Intimée dans le pourvoi incident

c.

John R. ConnellIntimé, Appelant dans le pourvoi incident

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario,

le procureur général de la Nouvelle‑Écosse et

le procureur général de la Colombie‑Britannique Intervenants

et entre

Université de la Colombie‑BritanniqueAppelante, Intimée dans le pourvoi incident

c.

Robert Cameron HarrisonIntimé, Appelant dans le pourvoi incident

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario,

le procureur général de la Nouvelle‑Écosse et

le procureur général de la Colombie‑Britannique Intervenants

répertorié: harrison c. université de la colombie‑britannique

No du greffe: 20785.

1989: 17, 18 mai; 1990: 6 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson* et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1988), 21 B.C.L.R. (2d) 145, 49 D.L.R. (4th) 687, [1988] 2 W.W.R. 688, 40 C.R.R. 205, qui a accueilli les appels d'un jugement du juge Taylor (1986), 30 D.L.R. (4th) 206, 34 B.L.R. 57, [1986] 6 W.W.R. 7, 25 C.R.R. 1, 14 C.C.E.L. 90, dans la mesure où il déclarait que le par. 8(1) de la Human Rights Act violait le par. 15(1) de la Charte et n'était justifié ni par l'article premier ni par le par. 15(2) et qui a confirmé que la Charte ne s'appliquait pas à l'université. Pourvoi accueilli (les juges Wilson et L'Heureux‑Dubé sont dissidentes) et pourvoi incident rejeté (le juge Wilson est dissidente).

D. M. M. Goldie, c.r., et P. R. Sheen, pour l'appelante et l'intimée dans le pourvoi incident.

Peter A. Gall, Donald J. Jordan, c.r., Robin Elliot et Susan P. Arnold, pour l'intimé et l'appelant dans le pourvoi incident John R. Connell.

F. Andrew Schroeder et Cheryl L. Vickers, pour l'intimé et l'appelant dans le pourvoi incident Robert Cameron Harrison.

Duff Friesen, c.r., et Virginia McRae Lajeunesse, pour l'intervenant le procureur général du Canada.

Janet E. Minor et Robert E. Charney, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.

Alison W. Scott, pour l'intervenant le procureur général de la Nouvelle‑Écosse.

E. R. A. Edwards, c.r., et George H. Copley, pour l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

//Le juge La Forest//

Version française du jugement du juge en chef Dickson et des juges La Forest et Gonthier rendu par

LE JUGE LA FOREST — La grande question que soulèvent ces pourvois est de savoir si la politique de retraite obligatoire de l'appelante, l'Université de la Colombie‑Britannique, applicable aux membres de son corps professoral et de son personnel administratif peut être maintenue compte tenu de la Charte canadienne des droits et libertés. Plus précisément, les pourvois soulèvent les mêmes questions que celles qui ont été examinées dans l'arrêt McKinney c. l'Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000, et découlent de faits semblables.

Les faits

L'université a établi sa politique de retraite obligatoire en 1939. La politique faisait partie des conditions d'emploi des intimés Harrison, un professeur permanent, et Connell, un agent administratif non syndiqué. Conformément à cette entente, les intimés ont dû prendre leur retraite à l'âge de 65 ans.

Les intimés ont demandé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique de rendre un jugement déclaratoire portant que la politique de retraite obligatoire de l'université viole le par. 15(1) de la Charte parce qu'elle est discriminatoire à leur endroit en raison de l'âge. Ils ont également demandé un jugement déclaratoire portant que la définition du terme [TRADUCTION] "âge" à l'article premier de la Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, qui restreint la portée de l'interdiction générale contre toute discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi contenue au par. 8(1) de la Loi à ceux qui ont entre 45 et 65 ans, est également contraire au par. 15(1) de la Charte. L'article 8 de la Human Rights Act se lit ainsi:

[TRADUCTION] 8. (1) Nul ne doit, de son propre chef ou en sa qualité de mandataire,

a)refuser d'employer ou de continuer d'employer une personne;

b)défavoriser une personne relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi;

du fait de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son lieu d'origine, de sa religion, de son état matrimonial, de ses déficiences mentales ou physiques, de son sexe, de son âge ou en raison de sa déclaration de culpabilité à l'égard d'une infraction criminelle ou d'une infraction punissable par procédure sommaire qui n'ont aucun rapport avec l'emploi actuel ou envisagé de la personne en question.

(2) Aucun bureau de placement ne doit refuser de recommander une personne à un employeur pour une raison mentionnée au paragraphe (1).

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas

a)en ce qui concerne l'âge, à un régime d'ancienneté justifié;

b)en ce qui concerne l'état matrimonial, les déficiences physiques ou mentales, le sexe ou l'âge, à l'application d'un régime de retraite ou de pension justifié ou à un régime d'assurance de groupe ou d'employés justifié.

(4) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas à un refus, une limite, une spécification ou une préférence fondés sur une exigence professionnelle réelle.

Le terme [TRADUCTION] "âge" est ainsi défini à l'article premier de la Loi:

[TRADUCTION] 1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente Loi.

"âge" quarante‑cinq ans ou plus et moins de soixante‑cinq ans.

En vertu de la University Act, R.S.B.C. 1979, ch. 419, la gestion, l'administration et le contrôle des biens, des revenus et des affaires de l'université relèvent d'un conseil des gouverneurs composé de 15 membres. Huit membres sont nommés par le lieutenant‑gouverneur en conseil, mais deux de ceux‑ci doivent être désignés par l'association des anciens étudiants. Par conséquent, le gouvernement provincial a le pouvoir de nommer la majorité des membres du conseil des gouverneurs, mais il n'a pas le pouvoir de choisir la majorité. Les décisions de l'université en matière d'enseignement sont prises par le sénat et seule une minorité de ses membres sont nommés par le lieutenant‑gouverneur.

L'historique judiciaire

La Cour suprême de la Colombie‑Britannique (1986), 30 D.L.R. (4th) 206

Le juge Taylor a rejeté les demandes des intimés. Il a conclu que la distinction fondée sur l'âge n'était pas déraisonnable ou injuste au point de constituer de la discrimination au sens du par. 15(1) de la Charte. Il a fondé sa conclusion sur le fait que le régime de retraite était une condition connue des contrats en matière d'emploi et qu'il était associé à des ententes en matière de retraite et d'autres avantages. Le régime de retraite répondait également à des objectifs raisonnables en matière d'emploi. Enfin, l'abolition du régime de retraite aurait un [TRADUCTION] "effet vraisemblablement plus sévère envers d'autres personnes moins fortunées dont les intérêts doivent être mis en balance avec ceux des plaignants dans l'appréciation du caractère "raisonnable" du régime" (à la p. 215).

Le juge Taylor a également conclu que la Charte ne s'appliquait pas à la politique de retraite obligatoire de l'université. Il a conclu que les contrats en matière d'emploi étaient essentiellement de nature privée et que leur contenu ne reflétait pas une politique gouvernementale. Il a souligné que l'université n'était pas engagée dans l'exercice d'un pouvoir gouvernemental, ne fournissait pas de services gouvernementaux et ne remplissait pas une fonction du gouvernement en fixant ses politiques d'emploi.

Dans l'examen de la portée du par. 15(1) de la Charte, le juge Taylor a souligné que cette disposition précise que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit au même bénéfice de la loi sans aucune discrimination. Il a conclu que les pratiques de l'université en matière de retraite n'étaient fondées sur aucune loi. Il n'était pas non plus convaincu que les plaignants avaient été privés de la protection ou du bénéfice de la loi au sens du par. 15(1). Ainsi, de l'avis du juge Taylor, non seulement la Charte ne s'appliquait‑elle pas, mais le par. 15(1) n'aurait pu en aucun cas apporter de redressement en l'espèce.

Le juge Taylor a cru en outre qu'il ne serait pas approprié de conclure, à partir d'un examen de l'art. 15 de la Charte et des art. 1 et 8 de la Human Rights Act, [TRADUCTION] "à l'existence d'une interdiction d'application générale dans cette province de la retraite obligatoire lorsque ce résultat est contraire aux intentions des rédacteurs tant de la Charte que de la loi provinciale" (à la p. 219). Il a souligné que la protection accordée contre la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi à ceux qui ont moins de 65 ans ne constitue pas une discrimination fondée sur l'âge contre ceux qui ont 65 ans et plus. Il s'agit plutôt, selon lui, [TRADUCTION] "de l'exercice du pouvoir discrétionnaire que la Constitution confère au législateur de décider lui‑même s'il va légiférer dans ce domaine et, le cas échéant, quand et comment il le fera", à la p. 219.

La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1988), 21 B.C.L.R. (2d) 145

La Cour d'appel a accueilli les appels dans la mesure où elle a déclaré que le par. 8(1) de la Human Rights Act violait le par. 15(1) de la Charte et n'était justifié ni par l'article premier ni par le par. 15(2) de la Charte. Cependant, elle a confirmé la décision du juge de première instance en ce qui concerne l'application de la Charte aux universités.

Sur la question de l'applicabilité de la Charte, la cour, utilisant le critère élaboré dans l'arrêt SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, a conclu à la p. 150 que la question en l'espèce était de savoir s'il y avait [TRADUCTION] "un tel "lien direct et défini" entre le gouvernement et les actions de l'université dont on dit qu'elles violent la Charte, de sorte que ces actions puissent être considérées comme l'exercice du pouvoir gouvernemental". La cour a d'abord examiné la question de savoir si le gouvernement [TRADUCTION] "contrôlait" l'université suffisamment pour que l'action de l'université, lorsqu'elle a établi sa politique de retraite, soit assimilable à une action du gouvernement. Elle a conclu que le gouvernement ne contrôlait pas les fonctions essentielles de l'université et qu'on ne pouvait donc pas affirmer que la politique de retraite obligatoire de l'université était imposée ou contrôlée par le gouvernement.

La cour a ensuite examiné la question de savoir si en déléguant à l'université l'obligation de fournir un enseignement post‑secondaire le gouvernement a établi un "lien direct et défini" entre le gouvernement et la politique de retraite obligatoire permettant de voir dans cette politique l'exercice du pouvoir du gouvernement. Sur cette question, la cour a conclu à la p. 153 que ce que l'on prétendait entrer en conflit avec la Charte, c'était les contrats privés de l'université en matière d'emploi et [TRADUCTION] "non ses fonctions publiques déléguées". Enfin, la cour a souligné que le simple fait que l'université était en grande partie subventionnée par le gouvernement ne faisait pas de ses actes des actes gouvernementaux.

La Cour d'appel était donc incapable de conclure à l'existence d'un lien suffisant entre la politique de retraite obligatoire de l'université et le gouvernement. Elle a conclu que les contrats en matière d'emploi étaient de nature privée et ne relevaient pas de la portée de la Charte.

Examinant alors la question de savoir si l'art. 8 de la Human Rights Act violait le par. 15(1) de la Charte, la cour a suivi son arrêt Re Andrews and Law Society of British Columbia (1986), 27 D.L.R. (4th) 600, dans lequel elle avait décidé qu'il fallait d'abord déterminer si une classification législative était [TRADUCTION] "déraisonnable" ou [TRADUCTION] "injuste" avant de pouvoir conclure à la violation du par. 15(1). La cour a conclu que priver les personnes de plus de 65 ans de la protection contre la discrimination en matière d'emploi constituait prima facie une discrimination contraire au par. 15(1). À son avis, la preuve présentée ne permettait pas de conclure que la discrimination en matière d'emploi créée par la politique de retraite obligatoire envers les personnes de plus de 65 ans était juste et raisonnable. Au contraire, elle a conclu que l'exclusion de toute protection contre cette discrimination était injuste. Je dois souligner ici qu'en confirmant l'arrêt Andrews, notre Cour a rejeté la distinction entre une discrimination raisonnable et déraisonnable lorsqu'elle a conclu que la discrimination visée par le par. 15(1) doit être justifiée en vertu de l'article premier ou du par. 15(2); voir [1989] 1 R.C.S. 143, à la p. 182.

En outre, la Cour d'appel était d'avis que la définition du terme [TRADUCTION] "âge" dans la Human Rights Act ne constitue pas un programme de promotion sociale au sens du par. 15(2) de la Charte puisqu'elle n'a pas pour objet d'améliorer les conditions d'un groupe désavantagé. Aucune preuve n'indique que les personnes de 45 à 65 ans constituait un groupe désavantagé et que la définition avait pour but d'améliorer le sort de ce groupe désavantagé.

La cour a également conclu que la violation de la Charte n'était pas justifiée par l'article premier de la Charte, car elle ne satisfaisait pas au critère formulé dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. Les mesures choisies par le législateur pour protéger comme il le souhaitait les travailleurs plus âgés contre toute discrimination en matière d'emploi n'étaient pas raisonnables et on ne pouvait en démontrer la justification. Au contraire, elles étaient arbitraires et supprimaient de façon injustifiable [TRADUCTION] "le droit du travailleur de plus de 65 ans de ne pas faire l'objet de discrimination en matière d'emploi". Elle estimait que la disposition législative contestée ne satisfaisait pas non plus au critère de proportionnalité.

La Cour d'appel, appliquant le critère formulé dans l'arrêt Attorney‑General for Alberta v. Attorney‑General for Canada, [1947] A.C. 503, a alors conclu qu'elle devrait supprimer la définition contestée du terme âge à l'art. 1 de la Loi.

L'université a demandé avec succès l'autorisation de pourvoi devant notre Cour sur les questions concernant la Human Rights Act. Les intimés ont interjeté un pourvoi incident sur les questions concernant l'application du par. 15(1) de la Charte à la politique de retraite obligatoire de l'université. Le Juge en chef a alors formulé les questions constitutionnelles reproduites un peu plus loin et le procureur général du Canada ainsi que ceux de l'Ontario, de la Nouvelle‑Écosse et de la Colombie-Britannique sont intervenus.

Dispositif

Les faits, les points en litige et les questions constitutionnelles étant semblables à ceux examinés dans l'arrêt McKinney c. Université de Guelph, précité, il s'ensuit que les présents pourvois sont régis par cet arrêt. Par conséquent, pour les motifs formulés dans l'arrêt McKinney, les pourvois devraient être accueillis et les pourvois incidents rejetés. Les différences plutôt mineures entre les faits des deux affaires n'ont pas d'incidence dans celle qui nous occupe. Le fait qu'en l'espèce le lieutenant‑gouverneur désigne une majorité des membres du conseil des gouverneurs de l'université ou que le ministre de l'Éducation puisse exiger que l'université soumette des rapports ou d'autres sortes de renseignements n'impose pas la conclusion que les politiques contestées de retraite obligatoire constituent un acte du gouvernement. Je veux bien reconnaître que ces faits suggèrent un contrôle gouvernemental plus grand que celui en cause dans l'arrêt McKinney, mais je ne crois pas que l'on puisse y voir la sorte de contrôle qui justifierait l'application de la Charte. À cet égard, je renverrais à la distinction que j'ai établie dans le pourvoi complémentaire Stoffman c. Vancouver General Hospital, [1990] 3 R.C.S. 000, publié en même temps que celui‑ci, entre le contrôle absolu ou extraordinaire et le contrôle routinier ou régulier; voir p. 000. Les intimés ont aussi tenté d'établir l'existence d'un contrôle du gouvernement sur l'université au moyen de la Financial Administration Act, S.B.C. 1981, ch. 15, de l'Auditor General Act, R.S.B.C. 1979, ch. 24, et de la Compensation Stabilization Act, S.B.C. 1982, ch. 32 (abrogé par l'art. 69 de l'Industrial Relations Reform Act, S.B.C. 1987, ch. 24). Il ne fait aucun doute que ces lois s'appliquent à l'université en ce qu'elles régissent et réglementent les dépenses des fonds publics que l'université reçoit. Cependant, je partage l'avis de la Cour d'appel, à la p. 152, que [TRADUCTION] "le fait que ces lois rendent l'université responsable sur le plan fiscal n'établit pas que le gouvernement exerce un contrôle ou une influence sur les fonctions essentielles de l'université et, en particulier, sur les politiques et les contrats dont il est question en l'espèce".

Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir les pourvois avec dépens devant notre Cour d'appel et de rejeter les pourvois incidents avec dépens. Je suis d'avis de répondre aux questions constitutionnelles de la façon suivante:

1.La Charte canadienne des droits et libertés s'applique‑t‑elle à l'Université de la Colombie‑Britannique appelante et à sa politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans?

Non.

2.Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans de l'Université de la Colombie‑Britannique appelante enfreint‑elle le par. 15(1) de la Charte?

Si la Charte s'appliquait, la politique enfreindrait le par. 15(1).

3.Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans de l'Université de la Colombie‑Britannique appelante est‑elle justifiable en vertu de l'article premier de la Charte?

Si la Charte s'appliquait, la politique serait justifiée en vertu de l'article premier.

4.La disposition, qui limite aux personnes âgées de 45 à 64 ans la protection quant à l'âge accordée par le par. 8(1) de la Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, viole‑t‑elle le par. 15(1) de la Charte?

.Oui.

5.Dans l'affirmative, cette disposition n'est‑elle pas a) permise par le par. 15(2) de la Charte ou b) justifiable en vertu de l'article premier de la Charte?

La disposition est justifiée en vertu de l'article premier de la Charte. Il n'est pas nécessaire d'examiner le par. 15(2).

//Le juge Wilson//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE WILSON (dissidente) — J'ai eu l'avantage de lire les motifs de mes collègues, les juges La Forest et L'Heureux‑Dubé, et pour les motifs que j'ai donnés dans l'arrêt McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000, je ne saurais me ranger à leur opinion selon laquelle la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas à l'Université de la Colombie‑Britannique. À mon avis, la Charte s'applique à cette université, et conséquemment la politique de retraite obligatoire de l'appelante est inconstitutionnelle. J'estime également que l'art. 1 de la Human Rights Act de la Colombie‑Britannique, S.B.C. 1984, ch. 22, viole la Charte et ne peut se justifier en vertu de l'article premier. Bien que les questions soulevées par ces pourvois soient généralement semblables à celles sur lesquelles cette Cour s'est prononcée dans l'affaire McKinney, il existe néanmoins certaines différences importantes dont je veux traiter.

I.La Charte s'applique‑t‑elle à l'Université de la Colombie‑Britannique?

Dans l'arrêt McKinney, j'ai dégagé les critères qui me semblaient pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer si une entité est visée par la Charte en vertu de l'art. 32. J'ai dit ce qui suit à la p. 000:

. . . je favoriserais une méthode qui soulève les questions suivantes quant aux entités dont il n'est pas évident en soi qu'elles font partie des branches législative, exécutive ou administrative du gouvernement:

1.La branche législative, exécutive ou administrative du gouvernement exerce‑t‑elle un contrôle général sur l'entité en question?

2.L'entité exerce‑t‑elle une fonction gouvernementale traditionnelle bien établie ou une fonction qui, de nos jours, est considérée comme faisant partie des obligations de l'État?

3.L'entité agit‑elle conformément au pouvoir que la loi lui a expressément conféré en vue d'atteindre un objectif que le gouvernement cherche à promouvoir dans le plus grand intérêt public?

À mon sens, l'application de ce critère en trois volets dans les présents pourvois impose la conclusion que la Charte s'applique à l'Université de la Colombie‑Britannique. En effet, dans ces pourvois, les éléments de preuve sont substantiellement les mêmes que ceux qui se rapportaient aux universités ontariennes en cause dans l'arrêt McKinney pour ce qui est du rôle du gouvernement dans la prestation de l'instruction et du système général par l'entremise duquel il a choisi de remplir cette fonction. Je conclus donc, pour les motifs que j'ai donnés dans l'arrêt McKinney, que sont satisfaits le critère de la fonction gouvernementale et celui de l'entité gouvernementale. Toutefois, comme dans l'arrêt McKinney, je ne serais pas disposée à conclure que la Charte s'applique à l'Université de la Colombie‑Britannique uniquement en raison de ces deux facteurs. La question reste donc de savoir si le gouvernement exerce sur l'appelante un contrôle suffisant pour en faire une entité gouvernementale aux fins du par. 32(1).

L'étude des divers rapports entre la province et l'Université de la Colombie‑Britannique me porte à conclure que le gouvernement provincial exerce un contrôle considérable sur l'appelante. Ce contrôle s'est exercé dans trois domaines distincts mais étroitement liés entre eux: (1) l'organisation interne; (2) la politique; et (3) le financement.

Pour ce qui est tout d'abord du contrôle exercé sur l'organisation interne de l'université, la University Act, R.S.B.C. 1979, ch. 419, modifiée par les S.B.C. 1987, ch. 48, énonce les fonctions et les pouvoirs de l'université et leurs éléments constitutifs. L'article 2 prévoit que le lieutenant‑gouverneur en conseil est le visiteur de l'université et qu'il a [TRADUCTION] "l'autorité de faire tous les actes propres aux Visiteurs." Le paragraphe 3(2) dit que l'université se compose d'un chancelier, d'une assemblée délibérante, d'un conseil des gouverneurs, d'un sénat et de facultés. L'autorité suprême en matière d'enseignement appartient au sénat. Bien que la taille du sénat soit fonction constante du nombre des facultés de l'université, quatre de ses membres sont nommés par le lieutenant‑gouverneur (al. 34(2)j)). On trouve l'indice d'un contrôle gouvernemental encore plus grand dans la composition du conseil des gouverneurs, le corps à qui est confiée en grande partie la direction de l'université. L'article 19 prévoit que ce conseil se compose de 15 membres, dont 8 sont nommés par le lieutenant‑gouverneur en conseil. Comme l'a souligné la Cour d'appel, deux de ces derniers membres doivent être choisis parmi les personnes nommées par l'association des anciens diplômés de l'université. Ainsi donc, le lieutenant‑gouverneur exerce un pouvoir majoritaire pour ce qui est des nominations mais non pas en ce qui concerne le choix des personnes nommées. D'autre part, en vertu du par. 22(1) de la Loi, le lieutenant‑gouverneur [TRADUCTION] "peut, en tout temps, destituer un membre nommé au conseil des gouverneurs."

L'autorité du conseil des gouverneurs, exposée à la Partie 6 de la Loi, est grande et variée. Plus particulièrement le conseil exerce, en vertu de l'art. 27, une autorité générale sur [TRADUCTION] "la gestion, l'administration et le contrôle des biens, des revenus, des opérations et des activités de l'université". L'université jouit à plusieurs égards de pouvoirs spéciaux ressemblant à ceux du gouvernement, et leur exercice relèverait probablement de la compétence du conseil des gouverneurs. Ainsi, elle a le pouvoir d'exproprier des biens en vertu de l'art. 48, mais ses propres biens sont à l'abri de l'expropriation en vertu de l'art. 50. Elle échappe à la taxation en vertu de l'art. 51. Le conseil des gouverneurs peut aussi emprunter de l'argent pour voir aux dépenses de l'université (art. 30) et nommer des conseils consultatifs pour les fins qu'il considère indiquées (art. 33). L'université ne peut aliéner ses biens sans l'approbation du lieutenant‑gouverneur (par. 47(2)).

Les pouvoirs du conseil des gouverneurs étaient autrefois assujettis à l'autorité d'un Conseil de l'université, corps constitué par l'art. 64 de la Loi non modifiée. Ce Conseil se composait de 11 membres, tous nommés par le lieutenant‑gouverneur. Le Conseil pouvait tenir des séances publiques et à huis clos (art. 71), conclure des ententes avec divers paliers de gouvernement (art. 72), agir en qualité de commissaire et interroger les témoins sous serment (art. 74). Le Conseil était tenu de soumettre un rapport annuel au ministre, énonçant de façon détaillée les aspects financiers des opérations de l'université. La plus grande partie de ses pouvoirs, qui étaient dans une grande mesure des pouvoirs de surveillance, était énumérée à l'art. 69 de la Loi. L'examen attentif de la liste des matières sur lesquelles s'exerçait l'autorité du Conseil révèle que ses pouvoirs étaient pratiquement illimités.

Il ressort de l'examen des pouvoirs du Conseil que ce dernier avait pour vocation principale d'agir en qualité d'organisme gouvernemental spécialisé ayant pour objet de servir d'intermédiaire entre l'université et le ministre. Après l'introduction des actions en cause dans ces pourvois, la législature de la Colombie‑Britannique a modifié la législation et a dissout le Conseil. Il semble que l'on ait jugé indiqué l'exercice d'un contrôle gouvernemental plus direct sur l'université, car plusieurs des pouvoirs autrefois accordés au Conseil sont désormais exercés directement par le ministre. Par exemple, l'université doit fournir, à la demande du ministre, des rapports et d'autres renseignements que le ministre considère nécessaires à l'exécution de son mandat (art. 46.2).

Pour ce qui est de la politique appliquée par l'université, j'estime que la province exerce à cet égard un contrôle considérable. En qualité d'organisme créé par la loi, l'Université de la Colombie‑Britannique a l'obligation légale d'accomplir certaines fonctions. Ces obligations sont énumérées à la Partie 10 de la Loi. L'article 46 prévoit ce qui suit:

[TRADUCTION] 46. Chaque université doit dans la pleine mesure où ses ressources le lui permettent, et sous réserve de la partie 12,

a)établir et soutenir des collèges, des écoles, des instituts, des facultés, des départements, des chaires et des programmes d'instruction;

b)dispenser un enseignement dans tous les domaines;

c)établir des facultés pour la poursuite de la recherche authentique dans tous les domaines;

d)établir des bourses universitaires, des bourses d'études, des prix, des récompenses académiques et une assistance pécuniaire et autre assistance pour favoriser et encourager la compétence dans les matières enseignées à l'université et la recherche authentique dans tous les domaines;

e)offrir un programme d'éducation permanente dans tous les domaines universitaires et culturels dans toute la province; et

f)de façon générale, favoriser et réaliser sa vocation universitaire dans toutes ses branches, au moyen des efforts conjugués de son conseil, de son sénat et de ses autres parties constitutives.

Le ministre exerce un pouvoir de surveillance sur l'université dans l'exercice du mandat que lui a confié la loi. Le paragraphe 46.1(2) est libellé comme suit:

[TRADUCTION] 46.1 . . .

(2) Par dérogation au paragraphe (1), une université ne doit pas établir un nouveau programme de licence sans l'approbation du ministre.

Le conseil des gouverneurs exerce un contrôle moins direct sur les questions touchant la politique en matière d'enseignement. Comme je l'ai déjà noté, la University Act prévoit que le sénat a la responsabilité principale de l'enseignement dispensé par l'université. Mais les décisions du sénat sont en réalité contrôlées par le conseil des gouverneurs pour ce qui est de certaines questions importantes. Ainsi, le sénat fait des recommandations au conseil des gouverneurs relativement à la révision des programmes d'études, d'instruction et d'enseignement dans tous les départements et facultés (al. 36f)). Il est interdit au sénat de conclure des ententes avec d'autres organismes légalement autorisés à prescrire des examens d'entrée sans l'approbation du conseil des gouverneurs (al. 36q)). Finalement, toute résolution passée par le sénat qui vise l'établissement ou la dissolution d'une faculté, d'un département, d'un programme d'enseignement, d'une chaire, d'une bourse quelconque ou d'un prix (al. 36i)), aussi bien que les questions internes des facultés et les conditions d'affiliation avec les autres universités, est nulle et non avenue sans l'approbation du conseil des gouverneurs (art. 37). C'est donc le conseil des gouverneurs, dominé par le gouvernement, qui exerce le véritable contrôle sur nombre de questions de politique qui relèvent de la compétence préliminaire du sénat de l'université.

En dernier lieu, pour ce qui est du financement de l'université, il ressort de la preuve qu'environ 80 pour cent des frais de fonctionnement de l'université sont assumés par la province. On a aussi établi que le gouvernement a affecté des fonds spéciaux au soutien des universités non seulement en tant qu'établissements financièrement viables mais en qualité d'excellents établissements d'enseignement supérieur. Par exemple, en 1986 la législature a adopté la Education Excellence Appropriation Act, S.B.C. 1986, ch. 6, en vertu de laquelle une somme globale de quelque 600 $ millions devait être prise sur le fonds du revenu consolidé aux fins, notamment, d'améliorer la qualité de l'enseignement et de la recherche éducationnels.

En plus de leur fournir de façon générale des capitaux de fonctionnement et d'établir des fonds spécialisés, le gouvernement a assisté financièrement les universités d'autres façons. En vertu de la University Foundations Act, S.B.C. 1987, ch. 50, un certain nombre de fondations constituées ont été établies par la loi (art. 1) en qualité de mandataires de l'État (art. 2) pour les fins exposées comme suit à l'art. 4:

[TRADUCTION] 4. (1) Les objets de chacune des sociétés sont les suivants:

a)développer, favoriser et encourager la notoriété de l'université concernée auprès du public et faire connaître à ce dernier les avantages qu'elle offre à la population de la province;

b)encourager, faciliter et mettre en {oe}uvre des programmes et des activités qui augmenteront directement ou indirectement l'assistance financière de la société ou lui conféreront des avantages en vue de soutenir l'université concernée et les programmes que celle‑ci met en {oe}uvre;

c)recevoir, gérer et investir des fonds et des biens de toutes sortes de quelque source que ce soit en vue de l'établissement, du fonctionnement et du maintien de la société et de la poursuite de ses objectifs.

Les cinq membres des sociétés sont tous nommés par le lieutenant‑gouverneur, ce qui indique qu'elles sont des organismes gouvernementaux.

L'aide que la province apporte aux universités s'étend aussi au soutien financier des étudiants. En effet, la province se porte garant des prêts contractés par l'Université de la Colombie‑Britannique pour financer un fonds d'aide aux prêts aux étudiants. Selon l'art. 77 de la University Act, le fonds est géré et administré par un comité de quatre membres, qui sont tous désignés par le lieutenant‑gouverneur.

L'assistance économique fournie par le gouvernement va de pair avec la responsabilité financière qu'il exige. Il ne fait aucun doute que les opérations financières des universités sont strictement contrôlées. La Cour d'appel l'a souligné, ainsi que mon collègue le juge La Forest. L'université a été traitée comme un organisme gouvernemental en vertu de la Financial Administration Act, S.B.C. 1981, ch. 15, comme un organisme public sous le régime de la Auditor General Act, R.S.B.C. 1979, ch. 24, et comme un employeur du secteur public aux termes de la Compensation Stabilization Act, S.B.C. 1982, ch. 32 (abrogée par l'art. 69 de la Industrial Relations Reform Act, S.B.C. 1987, ch. 24).

Avant son abrogation, la Compensation Stabilization Act prévoyait qu'un commissaire nommé par le gouvernement surveillait et réglementait les pratiques des employeurs du secteur public à l'égard de l'indemnisation de leurs employés. La Cour d'appel a conclu que la sorte de contrôle établie par cette Loi ne satisfaisait pas aux exigences du par. 32(1) parce qu'elle ne visait pas expressément la disposition contractuelle en cause dans ces appels. Elle a en outre conclu que les autres lois que j'ai mentionnées ne suffisaient pas davantage à établir la présence d'un contrôle gouvernemental parce qu'elles ne traitaient pas des fonctions essentielles de l'université. Mon collègue le juge La Forest est d'accord avec la Cour d'appel pour affirmer que le fait que l'université est responsable sur le plan fiscal n'établit pas l'existence d'un contrôle gouvernemental sur les questions visant l'enseignement.

Je conviens que le gouvernement ne voit pas directement à formuler et à mettre en {oe}uvre la politique de retraite obligatoire contestée en l'espèce. Je reconnais également que le contrôle fiscal n'implique pas le contrôle sur les questions universitaires mettant directement en jeu le principe de la liberté académique. Cependant, pour les motifs que j'ai exprimés dans l'arrêt McKinney, je ne crois pas qu'il soit nécessaire que le gouvernement contrôle un organe subordonné à tous égards pour nous permettre d'établir qu'il "contrôle" cet organe dans un sens constitutionnellement pertinent. Des circonstances peuvent fort bien se présenter où il est dans l'intérêt du gouvernement d'exercer sur un organisme simplement un contrôle général et de le laisser libre de s'occuper de certaines questions de la façon qu'il estime la plus conforme à ses propres objectifs. En ce qui concerne les universités, j'estime que l'absence de contrôle gouvernemental sur la politique de retraite obligatoire en cause en l'espèce et sur les questions qui visent expressément le principe de la liberté académique ne justifie pas la conclusion que la Charte ne s'applique pas aux universités.

Pour terminer, je statuerais que le fait que l'Université de la Colombie‑Britannique est si largement financée et réglementée par le gouvernement, joint au fait qu'elle accomplit en application de la loi et pour le compte de la province une fonction qui appartient traditionnellement au gouvernement, m'amènent à conclure que l'université fait partie du "gouvernement" aux fins de l'art. 32. La politique de l'université en matière de retraite obligatoire est donc susceptible d'être examinée à la lumière de la Charte.

II.Constitutionnalité de la retraite obligatoire à l'Université de la Colombie‑Britannique

On trouve à l'art. 27 de la University Act le pouvoir qu'a l'université de mettre ses employés à la retraite. L'alinéa f) lui accorde notamment l'autorité de retenir par contrat les services des membres du corps enseignant et du personnel:

[TRADUCTION] 27. . . . le conseil peut

f)nommer les [. . .] professeurs, professeurs associés, professeurs adjoints, chargés de cours, moniteurs et les autres membres du corps enseignant de l'université, ainsi que les dirigeants et employés qu'il estime nécessaires pour la réalisation des objets de l'université, fixer leur traitement ou leur rémunération, et préciser leurs obligations et leur mandat ou leurs fonctions, qu'ils exercent, sauf mention contraire, à titre amovible . . . .

Comme c'était le cas dans l'arrêt McKinney, je n'ai pas à déterminer si le par. 15(1) s'appliquerait en l'absence d'une disposition législative prescrivant ou autorisant l'acte discriminatoire contesté. Dans le contexte de ces pourvois, il est évident que le pouvoir de mise à la retraite découle de l'al. 27f).

Pour les motifs que j'ai exprimés dans l'arrêt McKinney, je conclus que la politique de retraite obligatoire adoptée par l'Université de la Colombie‑Britannique viole l'art. 15 parce qu'elle établit à l'égard des appelants une discrimination fondée sur l'âge. Je conclus également que la limite d'âge inscrite dans la politique, bien qu'elle soit conforme à "une règle de droit" au sens de l'article premier, n'est pas une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

III.Constitutionnalité de l'art. 1 de la Loi sur les droits de la personne

Voici le libellé des articles pertinents de la Human Rights Act:

[TRADUCTION] 1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

"âge" Quarante‑cinq ans ou plus et moins de soixante‑cinq ans.

8.(1) Nul ne doit, de son propre chef ou en sa qualité de mandataire,

a)refuser d'employer ou de continuer d'employer une personne;

b)défavoriser une personne relativement à son emploi ou aux modalités de son emploi;

du fait de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son lieu d'origine, de sa religion, de son état matrimonial, de ses déficiences mentales ou physiques, de son sexe, de son âge ou en raison de sa déclaration de culpabilité à l'égard d'une infraction criminelle ou d'une infraction punissable par procédure sommaire qui n'ont aucun rapport avec l'emploi actuel ou envisagé de la personne en question.

À deux exceptions près, le procureur général de la Colombie‑Britannique a fait valoir à l'appui de la constitutionnalité de l'art. 8 les mêmes arguments avancés par le procureur général à l'appui du Code des droits de la personne, 1981 de l'Ontario, S.O. 1981, ch. 53, dans l'affaire McKinney, et à mon sens, ces arguments doivent être rejetés pour les mêmes motifs. En l'espèce, cependant, le procureur général maintient aussi que l'article de la Loi définissant l'âge devrait être interprété comme un programme de promotion sociale au sens du par. 15(2) de la Charte, et que par conséquent aucune violation du par. 15(1) n'a été établie. On soutient également que la Human Rights Act de la Colombie‑Britannique contient des dispositions exceptionnelles qui exigent une approche différente de la constitutionnalité de la définition de l'âge à l'art. 1.

Traitant tout d'abord de la question de savoir si l'on peut qualifier l'art. 1 de programme de promotion sociale, le procureur général soutient que les travailleurs âgés qui ont moins de 65 ans sont désavantagés par rapport à leurs pendants plus âgés. En effet, ceux qui ont au moins 65 ans peuvent jouir d'un certain nombre d'avantages et de privilèges offerts aux personnes qui ont atteint "l'âge d'or", comme les prestations de pension, les prestations de la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, et ainsi de suite. Naturellement, les personnes qui n'ont pas atteint 65 ans ne sont pas admissibles à ces avantages spéciaux. Le procureur général de la Colombie‑Britannique affirme que [TRADUCTION] "pour rétablir l'équilibre entre les personnes âgées de plus de 65 ans et leurs cadets, l'assemblée législative a édicté l'interdiction de discrimination fondée sur l'âge, égalisant de la sorte dans une certaine mesure les possibilités de revenu des personnes âgées de moins de 65 ans et celles de leurs aînés."

La limite d'âge dont il est question à l'article premier de la Loi est‑elle le genre de programme de promotion sociale envisagé au par. 15(2) de la Charte? À mon sens, tel n'est pas le cas.

L'article 15 prévoit ce qui suit:

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

Cette Cour n'a pas encore eu l'occasion d'étudier la portée et le sens du par. 15(2). Il me semble clair, cependant, que pour le moins cet article a pour objet d'inscrire dans la Charte la notion de la pertinence, et même de la nécessité, des mesures destinées à corriger les graves effets de la discrimination. Par ses termes mêmes, le par. 15(2) nous assure de la constitutionnalité des mesures destinées à améliorer la situation de ceux qui sont défavorisés en raison de caractéristiques personnelles telles leur race, leur sexe ou leur âge (en d'autres termes, ceux qui ont été victimes de la discrimination). De cette façon le par. (2) renforce la notion adoptée par cette Cour dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, selon laquelle la garantie d'égalité vise essentiellement à protéger contre la discrimination. Il s'ensuit, à mon humble avis, que pour qu'une mesure soit qualifiée de programme de "promotion sociale" au sens du par. 15(2), on doit tout d'abord établir que cette mesure est destinée à amoindrir les effets de la discrimination contre un groupe défavorisé.

Quel est le sens du mot "discrimination"? Dans l'arrêt Andrews, précité, le juge McIntyre a dit aux pp. 180 et 181:

. . . l'analyse de la discrimination doit se faire en fonction des motifs énumérés et de ceux qui leur sont analogues. L'expression "indépendamment de toute discrimination" exige davantage qu'une simple constatation de distinction dans le traitement de groupes ou d'individus. Cette expression est une forme de réserve incorporée dans l'art. 15 lui‑même qui limite les distinctions prohibées par la disposition à celles qui entraînent un préjudice ou un désavantage. [Je souligne.]

En l'espèce, se peut‑il que les travailleurs âgés qui n'ont pas encore atteint l'âge d'admissibilité aux avantages sociaux se trouvent être un groupe désavantagé? Et plus particulièrement, les travailleurs âgés qui n'ont pas encore 65 ans sont‑ils victimes d'un préjudice et d'un stéréotype parce qu'ils ne sont pas admissibles à ces avantages en raison de leur âge? Je ne le crois pas. Il n'est aucunement discriminatoire, selon la définition que cette Cour a donnée à ce mot dans l'arrêt Andrews, précité, de refuser ces avantages spéciaux à ceux qui ont moins de 65 ans. Ce refus ne sert pas à créer ou à perpétuer un stéréotype ni un préjudice contre les personnes de moins de 65 ans. Comme je l'ai dit dans l'arrêt R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, à la p. 1333, "Il serait inutile de chercher des signes de discrimination tel que des stéréotypes, des désavantages historiques ou de la vulnérabilité à des préjugés politiques ou sociaux en l'espèce". Ainsi donc, puisque les travailleurs âgés qui n'ont pas encore atteint l'âge de 65 ans n'ont pas été victimes de discrimination, le par. 8(1) ne peut s'interpréter comme étant un programme de promotion sociale destiné à obvier aux effets de ce déni d'égalité. Je rejetterais par conséquent l'argument du procureur général fondé sur ce moyen.

Les intimés ont aussi fait état de la structure particulière de la Human Rights Act de la Colombie‑Britannique. L'université avance notamment que l'al. 8(3)b) de la Loi a pour effet de soustraire la retraite obligatoire à l'interdiction de la discrimination, indépendamment de la définition du mot âge au par. 8(1). L'alinéa 8(3)b) dispose comme suit:

[TRADUCTION] 8. . . .

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas

a) en ce qui concerne l'âge, à un régime légitime établi selon l'ancienneté.

b) en ce qui concerne l'état matrimonial, les déficiences physiques ou mentales, le sexe ou l'âge, à l'application d'un régime légitime de retraite ou de pension ou à un régime légitime d'assurance de groupe ou d'employés.

À mon avis, l'al. 8(3)b) n'est d'aucune utilité aux intimés. Je note que l'alinéa mentionne non seulement les régimes de retraite mais aussi les régimes de pension. Je note également que l'exception à l'al. 8(3)b) s'étend non seulement aux distinctions fondées sur l'âge mais aussi à celles qui se fondent sur le sexe, l'état matrimonial et les déficiences mentales ou physiques. À mon sens, ces deux aspects de l'article donnent des indices importants sur l'effet qu'on a voulu lui donner. Il me semble que ce que cet alinéa entendait accomplir, c'était de soustraire à l'interdiction du par. (1) les régimes qui se fondent sur l'âge et d'autres particularités pour satisfaire à leurs exigences actuarielles. Il vise, en d'autres termes, la conception et l'administration de ces régimes dans la mesure où ils se fondent sur ce qui serait par ailleurs des distinctions interdites. Il est bien connu que les actuaires s'en rapportent typiquement aux statistiques relatives à l'espérance de vie des hommes comparativement à celle des femmes lorsqu'il s'agit de formuler les régimes d'avantages sociaux des employés. Voilà le genre de considérations, je crois, que l'al. 8(3)b) entendait exempter de l'application du par. 8(1). L'article ne vise cependant pas l'application de ces régimes pour justifier la retraite obligatoire. Il se peut que l'al. 8(3)b) viole l'art. 15 de la Charte pour d'autres motifs. Toutefois, l'alinéa en cause n'a tout simplement pas trait à la question litigieuse en cause, à savoir si une personne peut être mise à la retraite contre son gré.

Pour conclure, je statue que l'art. 1 de la Loi viole l'art. 15 et ne peut se justifier en vertu de l'article premier de la Charte. Je suis d'accord avec ma collègue le juge L'Heureux‑Dubé pour dire que la définition de l'âge dans la Loi doit être radiée; cependant, comme nous ne traitons dans ces pourvois que de la limite d'âge mentionnée à l'art. 1, je ne radierais que les mots "et moins de soixante‑cinq ans".

IV. Dispositif

Je rejetterais le pourvoi de l'université avec dépens. J'accueillerais l'appel incident des intimés au motif que la Charte s'applique à l'Université de la Colombie‑Britannique, que la politique de retraite obligatoire de cette dernière viole l'art. 15 de la Charte et qu'elle ne peut se justifier en vertu de l'article premier. J'accorderais aux intimés les frais de l'appel incident aussi bien devant nous que devant les tribunaux d'instance inférieure.

Pour ce qui est de la réparation recherchée par Connell et Harrison dans leurs déclarations, je rendrais un jugement déclaratoire portant que l'université a agi de façon incompatible avec la Charte, et j'ordonnerais à l'université de rétablir ces personnes dans leurs anciennes fonctions. J'accorderais aux intimés des dommages‑intérêts au montant que fixera le juge du procès, ainsi que des intérêts sur cette somme conformément à la Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1979, ch. 76.

Je répondrais comme suit aux questions constitutionnelles posées par le Juge en chef:

1.La Charte canadienne des droits et libertés s'applique‑t‑elle à l'Université de la Colombie‑Britannique appelante et à sa politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans?

Oui.

2.Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans de l'Université de la Colombie‑Britannique appelante enfreint‑elle le par. 15(1) de la Charte?

Oui.

3.Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans de l'Université de la Colombie‑Britannique appelante est‑elle justifiable en vertu de l'article premier de la Charte?

Non.

4.La disposition, qui limite aux personnes âgées de 45 à 64 ans la protection quant à l'âge accordée par le par. 8(1) de la Human Right Act, S.B.C. 1984, ch. 22, viole‑t‑elle le par. 15(1) de la Charte?

Oui.

5.Dans l'affirmative, cette disposition n'est‑elle pas a) permise par le par. 15(2) de la Charte ou b) justifiable en vertu de l'article premier de la Charte?

a) Non.

b) Non.

//Le juge L'Heureux-Dubé//

Les motifs suivants ont été rendus par

LE JUGE L'HEUREUX‑DUBÉ (dissidente dans le pourvoi seulement) — J'ai eu le bénéfice des opinions de mes collègues les juges La Forest et Wilson. Avec déférence, je dois inscrire ma dissidence partielle à l'égard de chacune de ces opinions. Pour les motifs que j'ai exposés dans l'arrêt McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000, et contrairement à ma collègue le juge Wilson, je suis d'avis que l'appelante n'est pas le "gouvernement" aux fins de l'art. 32 de la Charte. Sur ce point, je suis d'accord avec le juge La Forest pour les motifs qu'il expose.

Je partage l'opinion de la Cour d'appel ainsi que celle de mes deux collègues que les dispositions ici contestées de la Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, quant à la limite d'âge violent le par. 15(1). Cependant, essentiellement pour les mêmes motifs que j'ai exprimés dans l'arrêt McKinney, ainsi que ceux du juge Wilson dans la présente instance, je suis d'avis que cette violation de la Charte ne peut pas être justifiée en vertu de l'article premier de la Charte. J'adopterais à cet égard la conclusion à laquelle en est arrivée ma collègue le juge Wilson.

Par conséquent, je suis d'avis de rejeter le pourvoi de l'université avec dépens.

Le pourvoi incident

Les intimés ont formé un pourvoi incident dans lequel ils demandent à notre Cour d'infirmer les conclusions des tribunaux d'instance inférieure portant que la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas aux activités universitaires en cause en l'espèce. Ils demandent en outre que les mesures de réparation suivantes soient accordées:

[TRADUCTION]

2. Une ordonnance portant que les intimés soient réintégrés dans leur poste auprès de l'appelante.

3. Une déclaration portant que l'intimé a droit à des dommages‑intérêts, représentant les pertes de salaire et des avantages sociaux depuis [le 1er décembre 1985 (Connell), et le 1er janvier 1986 (Harrison)], moins la somme représentant la limitation du préjudice, ce qui ne comprend pas les prestations de retraite reçues ou auxquelles l'intimé avait droit, et les intérêts.

4. Une ordonnance renvoyant la question de la détermination du montant des dommages‑intérêts et des intérêts au savant juge de première instance.

Le juge de première instance, (1986), 30 D.L.R. (4th) 206, et la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1988), 21 B.C.L.R. (2d) 145 n'ont pas jugé à propos d'examiner ces demandes une fois décidé que les activités de l'université ne relevaient pas d'un examen fondé sur la Charte. Ces demandes présupposent que toutes les activités de l'université et, subsidiairement, que la politique de retraite obligatoire de l'université, sont assujetties à l'application de la Charte canadienne des droits et libertés. Pour les motifs exposés dans l'arrêt McKinney, toutefois, j'estime que les tribunaux d'instance inférieure ont eu raison de conclure que si certaines fonctions de l'université peuvent justifier l'application de la Charte, l'Université de la Colombie‑Britannique n'est pas assimilable au gouvernement aux fins de la présente analyse fondée sur la Charte. Le juge La Forest l'a démontré dans son opinion. En première instance, le juge Taylor a conclu, à la p. 216, que:

[TRADUCTION] . . . l'Université de la Colombie‑Britannique n'est pas engagée dans l'exercice d'un pouvoir gouvernemental et ne fournit pas de services gouvernementaux, pas plus qu'elle n'exécute d'obligations du gouvernement en fixant ses politiques d'emploi. Les contrats en matière d'emploi de l'université [. . .] sont essentiellement des contrats privés.

Je partage cette opinion et je suis donc d'avis de rejeter le pourvoi incident, avec dépens.

La réparation

Compte tenu de ces conclusions, le par. 24(1) de la Charte ne peut s'appliquer pour accorder réparation aux intimés en l'espèce. Ceux‑ci peuvent, s'ils le désirent, s'adresser au forum approprié pour obtenir réparation vu la conclusion à l'effet que la Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, de la Colombie‑Britannique viole la Charte et que ses dispositions restrictives relatives à l'âge, ici en débat, doivent être supprimées.

Conclusion

Par conséquent, je suis d'avis de rejeter, avec dépens, tant le pourvoi principal que le pourvoi incident, et de répondre aux questions constitutionnelles de la façon suivante:

1.La Charte canadienne des droits et libertés s'applique‑t‑elle à l'Université de la Colombie‑Britannique appelante et à sa politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans?

Non.

2.Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans de l'Université de la Colombie‑Britannique appelante enfreint‑elle le par. 15(1) de la Charte?

Il n'est pas nécessaire de répondre à cette question.

3.Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire à l'âge de 65 ans de l'Université de la Colombie‑Britannique appelante est‑elle justifiable en vertu de l'article premier de la Charte?

Il n'est pas nécessaire de répondre à cette question.

4.La disposition, qui limite aux personnes âgées de 45 à 64 ans la protection accordée quant à l'âge par le par. 8(1) de la Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, viole‑t‑elle le par. 15(1) de la Charte?

Oui.

5.Dans l'affirmative, cette position n'est‑elle pas a) permise par le par. 15(2) de la Charte ou b) justifiable en vertu de l'article premier de la Charte?

a)Non.

b)Non.

//Le juge Sopinka//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE SOPINKA — Pour les motifs que j'ai exposés dans l'arrêt McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000, que celui‑ci, je partage les conclusions et les motifs du juge La Forest relativement à toutes les questions en litige à l'exception de celle de savoir si la politique de retraite obligatoire de l'université est une "loi" au sens du par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, que je préfère ne pas trancher sur le fondement hypothétique que l'université fait partie du gouvernement.

//Le juge Cory//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE CORY — Je partage les motifs de ma collègue le juge Wilson quant aux critères qu'elle propose pour déterminer si les entités qui ne font pas de toute évidence partie des branches législative, exécutive ou administrative du gouvernement font néanmoins partie du gouvernement visé par la Charte canadienne des droits et libertés.

De même, je partage ses conclusions que l'Université de la Colombie‑Britannique fait partie du "gouvernement" aux fins de l'art. 32 de la Charte et, par conséquent, que sa politique de retraite obligatoire est assujettie à un examen fondé sur l'art. 15 et que ces politiques établissent une discrimination fondée sur l'âge et contreviennent donc à l'art. 15.

Je partage toutefois la conclusion de mon collègue le juge La Forest que la politique de retraite obligatoire de l'université relève de la portée de l'article premier et survit à un examen fondé sur la Charte.

En outre, je partage l'avis du juge La Forest que, même si le par. 8(1) de la Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, de la Colombie‑Britannique contrevient au par. 15(1) de la Charte parce qu'il établit une discrimination fondée sur l'âge, il s'agit d'une règle de droit dont les limites sont raisonnables au sens de l'article premier de la Charte.

Pourvoi accueilli (les juges WILSON et L'HEUREUX‑DUBÉ sont dissidentes) et pourvoi incident est rejeté (le juge WILSON est dissidente).

Procureurs de l'appelant et l'intimé dans le pourvoi incident: Russell & DuMoulin, Vancouver.

Procureurs de l'intimé et l'appelant dans le pourvoi incident John R. Connell: Jordan & Gall, Vancouver.

Procureurs de l'intimé et l'appelant dans le pourvoi incident Robert Cameron Harrison: Schroeder & Company, Vancouver.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada: Le procureur général du Canada, Ottawa.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario: Le procureur général de l'Ontario, Toronto.

Procureur de l'intervenant le procureur général de la Nouvelle‑Écosse: Le procureur général de la Nouvelle‑Écosse, Halifax.

Procureur de l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: Le ministère du Procureur général, Victoria.

* Juge en chef à la date de l'audition.


Synthèse
Référence neutre : [1990] 3 R.C.S. 451 ?
Date de la décision : 06/12/1990
Sens de l'arrêt : Le pourvoi incident est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Applicabilité de la Charte - Gouvernement - L'université fait‑elle partie du "gouvernement" avec la conséquence que ses politiques sont sujettes à révision en vertu de la Charte? - Dans l'affirmative, la politique de retraite obligatoire est‑elle une "loi"? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 15, 32.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Droits à l'égalité - Égalité devant la loi - Discrimination fondée sur l'âge - Retraite obligatoire à 65 ans - La politique de retraite obligatoire est‑elle une "loi"? - Dans l'affirmative, y a‑t‑il violation de l'art. 15(1) de la Charte? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 15, 32.

Droit constitutionnel -- Libertés publiques -- Discrimination fondée sur l'âge -- Protection contre la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi ne s'étendant pas aux personnes âgées de plus de 65 ans -- La disposition viole‑t‑elle l'art. 15 de la Charte? -- Dans l'affirmative, est‑elle justifiée en vertu de l'article premier? -- Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 15 -- Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, art. 1, 8(1).

Les intimés ont pris leur retraite à l'âge de 65 ans conformément à la politique de retraite obligatoire de l'Université de la Colombie‑Britannique. Cette politique faisait partie des conditions d'emploi de l'université. Les intimés ont demandé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique de rendre un jugement déclaratoire portant que cette politique viole le par. 15(1) de la Charte parce qu'elle est discriminatoire en raison de l'âge. Ils ont également demandé un jugement déclaratoire portant que la définition du terme "âge" à l'article premier de la Human Rights Act est contraire au par. 15(1) de la Charte. Cette définition restreint la portée de l'interdiction générale contre toute discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi contenue au par. 8(1) de la Loi à ceux qui ont entre 45 et 65 ans.

En vertu de la University Act, la gestion, l'administration et le contrôle des biens, des revenus et des affaires de l'université relèvent d'un conseil des gouverneurs. Le gouvernement provincial a le pouvoir de nommer une majorité simple (8 sur 15) des membres du conseil des gouverneurs, mais deux de ceux‑ci sont désignés par l'association des anciens étudiants. Il nomme une minorité des membres du sénat, l'organisme qui prend les décisions de l'université en matière d'enseignement.

Les demandes des intimés à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique ont été rejetées. La distinction fondée sur l'âge dans la Human Rights Act n'était pas déraisonnable au point de constituer de la discrimination au sens du par. 15(1) de la Charte et la Charte ne s'appliquait pas à la politique de retraite obligatoire de l'université. La Cour d'appel a accueilli les appels dans la mesure où elle a déclaré que le par. 8(1) de la Human Rights Act violait le par. 15(1) de la Charte et n'était justifié ni par l'article premier ni par le par. 15(2). Elle a confirmé que la Charte ne s'appliquait pas à l'université. L'université se pourvoit sur les questions concernant la Human Rights Act. Les intimés interjettent un pourvoi incident sur les questions concernant l'application du par. 15(1) de la Charte à la politique de retraite obligatoire de l'université. Les questions constitutionnelles adressées à la Cour sont de savoir (1) si la Charte s'applique à l'U.C.‑B. et à sa politique de retraite obligatoire; (2) dans l'affirmative, si cette politique enfreint le par. 15(1) de la Charte; (3) dans l'affirmative, si cette politique est justifiable en vertu de l'article premier de la Charte; et enfin, (4) si la disposition de la Human Rights Act qui limite la protection aux personnes âgées de 45 à 64 ans viole le par. 15(1) de la Charte. Les procureurs généraux du Canada, de l'Ontario, de la Nouvelle‑Écosse et de la Colombie‑Britannique sont intervenus.

Arrêt (les juges Wilson et L'Heureux‑Dubé sont dissidentes): Le pourvoi est accueilli.

Arrêt (le juge Wilson est dissidente): Le pourvoi incident est rejeté.

Le juge en chef Dickson et les juges La Forest et Gonthier: Le pourvoi est accueilli et le pourvoi incident rejeté pour les motifs formulés dans l'arrêt McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000. Le contrôle gouvernemental plus grand en l'espèce ne justifie pas l'application de la Charte. Il faut faire une distinction entre le contrôle ultime ou extraordinaire et le contrôle routinier ou régulier. Le fait que différentes lois rendent l'université responsable sur le plan fiscal n'établit pas que le gouvernement exerce un contrôle sur les fonctions essentielles de l'université et, en particulier, sur les politiques et les contrats dont il est question.

Le juge Sopinka: Il y a accord avec les conclusions et les motifs du juge La Forest relativement à toutes les questions en litige à l'exception de celle de savoir si la politique de retraite obligatoire de l'université est une "loi" au sens du par. 15(1) de la Charte. Cette question ne devrait pas être tranchée sur le fondement de l'hypothèse que l'université fait partie du gouvernement.

Le juge Cory: Il y a accord avec les critères proposés par le juge Wilson pour déterminer si les entités qui ne font pas de toute évidence partie des branches législative, exécutive ou administrative du gouvernement font néanmoins partie du gouvernement visé par la Charte. L'Université de la Colombie‑Britannique fait partie du "gouvernement" aux fins de l'art. 32 de la Charte et sa politique de retraite obligatoire contrevient à l'art. 15 de la Charte parce qu'elle établit une discrimination fondée sur l'âge. Cette politique est cependant justifiée en vertu de l'article premier de la Charte. Le paragraphe 8(1) de la Human Rights Act de la Colombie‑Britannique contrevient également au par. 15(1) de la Charte parce qu'il établit une discrimination fondée sur l'âge, mais il est lui aussi justifié en vertu de l'article premier.

Le juge L'Heureux‑Dubé (dissidente dans le pourvoi seulement): Pour les motifs exposés dans l'arrêt McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000, l'appelante n'est pas le "gouvernement" aux fins de l'art. 32 de la Charte. Tout en souscrivant au test proposé par le juge Wilson, auquel l'appelante ne satisfait pas, le juge L'Heureux‑Dubé adopte le raisonnement du juge La Forest sur ce point. Les dispositions contestées de la Human Rights Act de la Colombie‑Britannique violent le par. 15(1) de la Charte et ne peuvent se justifier en vertu de l'article premier pour les motifs exposés dans l'arrêt McKinney et ceux du juge Wilson en l'espèce. En conséquence, le pourvoi doit être rejeté et les dispositions contestées concernant l'"âge", dans la Human Rights Act, doivent être invalidées comme le propose le juge Wilson. Le pourvoi incident doit être rejeté parce que la Charte ne s'applique pas à l'université.

On ne peut invoquer le par. 24(1) de la Charte pour accorder réparation aux intimés. Ils pourraient toutefois demander réparation devant le forum approprié étant donné que la Human Rights Act viole la Charte.

Le juge Wilson (dissidente): Pour les motifs donnés dans McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000, la Charte s'applique à l'Université de la Colombie‑Britannique et, par conséquent, sa politique de retraite obligatoire est inconstitutionnelle. L'article premier de la Human Rights Act de la Colombie‑Britannique viole la Charte et ne peut se justifier en vertu de l'article premier.

Les critères pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer si une entité est visée par la Charte soulèvent notamment les questions de savoir (1) si la branche législative, exécutive ou administrative du gouvernement exerce un contrôle général sur l'entité en question; (2) si l'entité exerce une fonction gouvernementale traditionnelle ou une fonction qui, de nos jours, est considérée comme une responsabilité de l'État; et (3) si l'entité agit conformément au pouvoir que la loi lui a expressément conféré en vue d'atteindre un objectif que le gouvernement vise à promouvoir dans le plus grand intérêt public.

Pour les motifs donnés dans l'arrêt McKinney, il a été satisfait au critère visant la fonction gouvernementale et à celui qui s'applique à l'entité gouvernementale concernée, mais ces facteurs, pris seuls, ne sont pas suffisants pour faire intervenir la Charte. Le gouvernement exerce un contrôle considérable sur l'U.C.‑B. dans les domaines distincts mais étroitement liés entre eux que sont le corps dirigeant, la politique et le financement. Par conséquent, l'U.C.‑B. fait partie du "gouvernement" aux fins de l'art. 32 compte tenu du fait qu'elle est si largement financée et réglementée par le gouvernement, joint au fait qu'elle accomplit en application de la loi et pour le compte de la province une fonction qui appartient traditionnellement au gouvernement. L'absence de contrôle gouvernemental sur la politique de retraite obligatoire précisément en cause en l'espèce et sur les questions qui visent expressément le principe de la liberté de l'enseignement ne justifie pas la conclusion que la Charte ne s'applique pas.

Pour les motifs exprimés dans l'arrêt McKinney, la politique de retraite obligatoire adoptée par l'U.C.‑B. viole l'art. 15 parce qu'elle établit à l'égard des appelants une discrimination fondée sur l'âge. La limite d'âge inscrite dans la politique, bien qu'elle soit conforme à "une règle de droit" au sens de l'article premier, n'est pas une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

La limite d'âge prévue à l'article premier de la Human Rights Act n'est pas le genre de programme de promotion sociale envisagé au par. 15(2) de la Charte. Ce paragraphe enchâsse la notion de la nécessité des mesures destinées à corriger les graves effets de la discrimination et assure la constitutionnalité de ces mesures. Pour relever du par. 15(2), une mesure doit être destinée à amoindrir les effets de la discrimination contre un groupe défavorisé. Puisque les travailleurs âgés qui n'ont pas encore atteint l'âge de 65 ans n'ont pas été victimes de discrimination, le par. 8(1) ne peut s'interpréter comme étant un programme de promotion sociale destiné à obvier aux effets de ce déni d'égalité.

L'alinéa 8(3)b) de la Human Rights Act n'a pas pour effet de soustraire la retraite obligatoire à l'interdiction de la discrimination fondée sur l'âge. L'alinéa soustrait les régimes qui se fondent sur l'âge et d'autres particularités pour satisfaire à leurs exigences actuarielles et il ne vise pas l'application de ces régimes pour justifier la retraite obligatoire.

Seuls les mots "et moins de soixante‑cinq ans" devraient être radiés de la définition de l'âge dans la Loi parce que ces pourvois ne traitent que de la limite d'âge mentionnée à l'article premier.


Parties
Demandeurs : Harrison
Défendeurs : Université de la colombie-britannique

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge La Forest
Arrêt appliqué: McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000
arrêts mentionnés: SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, conf. (1986), 27 D.L.R. (4th) 600, R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103
Attorney General for Alberta v. Attorney-General for Canada, [1947] A.C. 503
Stoffman c. Vancouver General Hospital, [1990] 3 R.C.S. 000.
Citée par le juge Sopinka
Arrêt appliqué: McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000.
Citée par le juge L'Heureux‑Dubé (dissidente dans le pourvoi seulement)
McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000.
Citée par le juge Wilson (dissidente dans le pourvoi et le pourvoi incident)
McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 000
Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143
R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296.
Lois et règlements cités
Auditor General Act, R.S.B.C. 1979, ch. 24.
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 15(1), (2), 32(1).
Code des droits de la personne, 1981, S.O. 1981, ch. 53.
Compensation Stabilization Act, S.B.C. 1982, ch. 32.
Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1979, ch. 76.
Education Excellence Appropriation Act, S.B.C. 1986, ch. 6.
Financial Administration Act, S.B.C. 1981, ch. 15.
Human Rights Act, S.B.C. 1984, ch. 22, art. 1, 8(1)a), b), (2), (3)a), b), (4).
Industrial Relations Reform Act, S.B.C. 1987, ch. 24, art. 69.
University Act, R.S.B.C. 1979, ch. 419, mod. par S.B.C. 1987, ch. 48, art. 2, 3(2), 19, 22(1), 27, 27f), 30, 33, 34(2)j), 36f), i), q), 37, 46, 46.1(2), 46.2, 47(2), 48, 50, 51, (64, 69, 71, 72, 74 loi non modifiée), 77.
University Foundations Act, S.B.C. 1987, ch. 50, art. 1, 2, 4.

Proposition de citation de la décision: Harrison c. Université de la colombie-britannique, [1990] 3 R.C.S. 451 (6 décembre 1990)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-12-06;.1990..3.r.c.s..451 ?
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