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24/10/1991 | CANADA | N°[1991]_3_R.C.S._263

Canada | R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263 (24 octobre 1991)


R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263

Adele Rosemary Gruenke Appelante

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. Gruenke

No du greffe: 21410.

1991: 10 mai; 1991: 24 octobre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Stevenson et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1989), 55 Man. R. (2d) 289, 68 C.R. (3d) 382, qui a rejeté l'appel interjeté contre une déclaration de culpabilité pro

noncée par le juge Krindle siégeant avec jury. Pourvoi rejeté.

Allan S. Manson, pour l'appelante.

J. G. B. Dange...

R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263

Adele Rosemary Gruenke Appelante

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. Gruenke

No du greffe: 21410.

1991: 10 mai; 1991: 24 octobre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Stevenson et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1989), 55 Man. R. (2d) 289, 68 C.R. (3d) 382, qui a rejeté l'appel interjeté contre une déclaration de culpabilité prononcée par le juge Krindle siégeant avec jury. Pourvoi rejeté.

Allan S. Manson, pour l'appelante.

J. G. B. Dangerfield, c.r., pour l'intimée.

//Le juge en chef Lamer//

Version française du jugement du juge en chef Lamer et des juges La Forest, Sopinka, Cory, McLachlin, Stevenson et Iacobucci rendu par

Le juge en chef Lamer — Le présent pourvoi contre une déclaration de culpabilité de meurtre au premier degré prononcée par un jury porte sur la prétendue inadmissibilité de certains éléments de preuve: le témoignage d'un pasteur et d'une conseillère laïque de la Victorious Faith Centre Church concernant des communications qui leur ont été faites par l'appelante sur son implication dans le meurtre. L'appelante soutient que les communications étaient privilégiées et, par conséquent, inadmissibles aux termes de la common law et de l'al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Deux autres questions, soulevées dans le pourvoi, se rapportent à l'équité de l'exposé du juge du procès au jury.

L'appelante et son coaccusé, M. Fosty, ont été déclarés coupables au procès et ont interjeté appel sans succès à la Cour d'appel du Manitoba. Mademoiselle Gruenke a obtenu l'autorisation de se pourvoir devant notre Cour; M. Fosty n'a pas formé de pourvoi devant nous.

La présente affaire exige que la Cour examine si l'existence d'un privilège prima facie de common law relatif à des communications de nature religieuse devrait être reconnu ou si des demandes de privilège pour de telles communications devraient être traitées selon les circonstances de chaque cas. On a également demandé à la Cour d'examiner l'effet de la garantie constitutionnelle de la liberté de conscience et de religion sur ces questions.

Les faits

L'appelante, une femme de 22 ans (au moment de l'incident), avait reçu une formation en réflexologie (la réflexologie est une forme de thérapie comme l'acupressure). La victime, Philip Barnett, était un client de Mlle Gruenke, âgé de 82 ans, qui s'était lié d'amitié avec celle‑ci et sa mère (le père de l'appelante est mort de leucémie lorsqu'elle était âgée de 15 ans). Monsieur Barnett a prêté de l'argent à Mlle Gruenke pour qu'elle lance sa propre entreprise de réflexologie et il lui a fourni une voiture et une allocation. Dans son testament, M. Barnett avait prévu que l'appelante aurait un droit viager dans sa succession. Mademoiselle Gruenke a témoigné qu'elle considérait M. Barnett comme un [traduction] "père nourricier". À un certain moment, Mlle Gruenke et la victime ont vécu ensemble dans une relation platonique; toutefois, elle est revenue chez sa mère après que M. Barnett eut commencé à être jaloux de ses fréquentations masculines et à lui faire des avances sexuelles importunes. Après qu'elle fut retournée à la maison, M. Barnett lui a téléphoné et lui a rendu visite à l'occasion et ses demandes de rapports sexuels se sont faites de plus en plus insistantes. Mademoiselle Gruenke a témoigné qu'elle avait commencé à avoir peur de M. Barnett et qu'elle ne voulait pas être seule avec lui.

Au moment où Mlle Gruenke est revenue à la maison, elle a commencé à se sentir très malade et fatiguée. Elle est devenue convaincue qu'elle avait la leucémie (comme son père) et a commencé à se rendre au Victorious Faith Centre (une Église chrétienne régénérée) dans l'espoir de recevoir une guérison physique et émotionnelle. Le pasteur de l'Église, Mme Harmony Thiessen a demandé à une conseillère, Mme Janine Frovich, de travailler avec l'appelante.

Le 28 novembre 1986, M. Barnett a téléphoné à Mlle Gruenke pour lui demander encore une fois d'avoir des rapports sexuels avec lui et a insisté pour aller lui rendre visite. L'appelante a témoigné qu'elle était effrayée et a demandé à son ami (le coaccusé) M. Fosty de venir et d'attendre à l'extérieur dans sa voiture au cas où elle aurait besoin d'aide. Monsieur Barnett est arrivé et Mlle Gruenke s'est assise dans sa voiture et lui a parlé. Selon Mlle Gruenke, M. Barnett a soudainement fait reculer sa voiture hors de l'entrée et a démarré. Il a dit qu'il avait fait beaucoup pour elle et qu'il était temps qu'elle le [traduction] "récompense de sa gentillesse". Elle a dit qu'elle a tenté de sauter hors de la voiture en marche ce qui a entraîné une bagarre; M. Barnett a finalement immobilisé la voiture. Mademoiselle Gruenke a témoigné avoir frappé M. Barnett avec un morceau de bois qui se trouvait dans la voiture et ensuite la bagarre s'est poursuivie à l'extérieur par terre. Elle a dit qu'elle a ensuite aperçu les pieds de M. Fosty qui s'approchait et, à partir de ce moment‑là, tout ce dont elle se souvient, c'est d'avoir aperçu M. Barnett couvert de sang avant que M. Fosty et elle‑même ne partent en voiture. Elle s'est souvenue avoir, plus tard, lavé l'auto et être allée à l'hôtel avec M. Fosty.

Selon les témoignages rendus au procès, la victime a été trouvée sur la banquette avant de sa voiture qui se trouvait dans un fossé sur le bord de la route, à faible distance de la maison de Mlle Gruenke. La victime avait été frappée violemment à la tête au moyen d'un lourd instrument contondant qui correspond à un arrache‑clou qui avait appartenu à M. Fosty et qu'il avait vendu le soir du meurtre. Il y avait d'autres éléments de preuve matérielle liant M. Fosty et l'appelante au meurtre. Monsieur Fosty n'a pas déposé au procès mais, selon la théorie de la défense, M. Fosty aurait tué M. Barnett pour défendre Mlle Gruenke qui n'avait peu ou rien à voir avec le décès de la victime. La théorie du ministère public était que Mlle Gruenke avait demandé l'aide de M. Fosty pour planifier et commettre le meurtre de M. Barnett à la fois pour mettre fin à son harcèlement sexuel et pour bénéficier des dispositions du testament de ce dernier.

Les témoignages de Harmony Thiessen (le pasteur) et de Janine Frovich (la conseillère), qui ont été jugés recevables par le juge du procès, appuyaient directement la théorie du ministère public. Les communications entre l'appelante, le pasteur Thiessen et Mme Frovich ont eu lieu deux jours après le décès de M. Barnett. Madame Frovich est allée rendre visite à l'appelante chez elle après avoir appris le décès de M. Barnett. Après que l'appelante eut commencé à parler de son implication dans le meurtre, elle s'est rendue avec Mme Frovich à la maison de cette dernière où il régnait une "atmosphère plus paisible" et Mme Frovich a téléphoné au pasteur Thiessen. L'appelante et Mme Frovich ont ensuite rencontré le pasteur Thiessen à l'église où la discussion s'est poursuivie. Plus tard, l'appelante est allée à la maison avec Mme Frovich et M. Fosty est arrivé. Voici les parties importantes de ce témoignage:

Le pasteur Thiessen:

[traduction]

Q:Lorsque vous avez demandé de quoi il s'agissait, qu'est‑ce que Mlle Gruenke vous a dit?

R:Eh bien, elle a dit que quelqu'un avait été tué. C'est ainsi qu'elle me l'a dit.

. . .

Q:Avez‑vous posé une autre question pour préciser de quoi elle parlait? Lui avez‑vous demandé ce qu'elle voulait dire?

R:Oui.

Q:Qu'a‑t‑elle répondu?

R:Elle a dit qu'elle avait tué cette personne, ce vieux monsieur.

Q:A‑t‑elle nommé ce vieux monsieur?

R:Phil.

. . .

Q:Et que vous a‑t‑elle dit?

R:Elle a dit qu'elle et ‑ elle est allée chercher ce vieil homme, Phil, et qu'ils sont allés faire une promenade en voiture et qu'arrivés à destination, et je ne lui ai jamais demandé de préciser où se trouvait cet endroit, c'est là qu'elle ‑ elle l'a battu.

. . .

R:Elle m'a dit qu'elle avait planifié cela. Elle y avait pensé. Elle est allée le chercher. Elle est allée le chercher pour le tuer.

Q:Vous a‑t‑elle dit pourquoi elle a affirmé cela?

R:Parce qu'elle était si fâchée contre lui.

Q:Pour quelle raison?

R:Elle m'a dit qu'elle avait la leucémie, qu'elle croyait qu'elle allait mourir, que Phil lui avait procuré un revenu et lui avait acheté des médicaments et les choses nécessaires pour la soigner et il voulait qu'elle lui accorde en échange des faveurs sexuelles. Nous ne sommes pas vraiment entrés dans les détails et elle m'a dit que cela durait depuis un certain temps. Au départ, ce n'était pas bien grave. Ils étaient simplement amis, mais avec le temps il a adopté un comportement qu'elle détestait simplement. Elle se sentait manipulée par lui.

Q:Alors elle a dit qu'elle avait planifié de le tuer.

R:C'est exact.

Madame Frovich:

Q:Lorsque je dis "seule", vous avez eu vous‑même l'occasion de parler à Mlle Gruenke.

R:Oui, c'est exact.

Q:De quelle façon cette conversation a‑t‑elle commencée? Qu'est‑ce qui a lancé la discussion?

R:Il y avait beaucoup de tension. Je lui avais préparé quelque chose à manger parce que sa mère voulait qu'elle mange quelque chose et après que j'eus nourri la famille, ils sont descendus pour jouer et Adele [Gruenke] m'a demandé si une personne qui avait commis un meurtre pouvait être pardonnée par Dieu. Et, si quelqu'un avait commis un meurtre, irait‑il en enfer? J'avais cette impression, à l'intérieur, qu'elle voulait en venir à quelque chose. Alors après quelques "qu'arrive‑t‑il si?", je lui ai demandé qu'est‑ce que tu essaies de me dire, Adele. Elle s'est mise à pleurer et m'a dit, j'ai tué Phil.

. . .

R:Le pasteur Harmony lui a précisément demandé est‑ce si pire.

Q:Est‑ce à ce moment que Mlle Gruenke vous a dit ce qui c'était produit?

R:C'est exact.

Q:Qu'a‑t‑elle dit au sujet des événements?

R:Qu'elle avait battu Phil tellement fort et le pasteur Harmony a demandé, bien, comment fort, et elle a dit, tellement fort que la cervelle lui sortait de la tête et il y avait du sang partout.

Q:A‑t‑elle dit alors ce qu'elle avait utilisé?

R:Non. Je sais qu'il s'agissait d'une arme quelconque qui se trouvait dans la voiture à ce moment‑là, mais elle ne m'a pas dit précisément ce qu'elle avait utilisé.

Q:Alors pendant que vous tentiez de déterminer la gravité de cet acte, c'est à ce moment‑là que vous avez été mise au courant des blessures qu'Adele disait avoir infligées.

R:C'est exact et le pasteur Harmony a fait remarquer qu'elle lui avait demandé comment elle avait pu penser s'en tirer. Adele a dit que cela avait été planifié pour ressembler à un vol et le pasteur Harmony a dit, bien, vous n'êtes pas une professionnelle.

. . .

Q:Ensuite, elle a parlé de cette affaire de besoin d'argent et de peur de mourir et du harcèlement sexuel, je suppose que c'est le terme exact, a‑t‑elle dit autre chose sur ce qui l'a poussé à agir ainsi?

R:Elle avait donné rendez‑vous à Phil et ils devaient aller — elle l'a emmené hors de la ville pour que cela ressemble à un vol.

. . .

Q:Maintenant, lorsque vous êtes revenue à la maison est‑ce que votre mari s'y trouvait?

R:Oui, il y était.

Q:Et avez‑vous tous les trois poursuivi cette discussion?

R:Oui. Adele a fait remarquer qu'elle aimerait téléphoner à Jim Fosty parce qu'elle était d'avis qu'il devait savoir qu'elle allait dire la vérité à tout le monde parce qu'ils avaient convenu que si elle se faisait prendre, elle ne le dénoncerait pas, alors elle estimait qu'il devait savoir qu'elle allait tout avouer à l'avocat le lendemain, et elle a demandé si on lui permettrait de venir chez nous et nous avons dit, certainement.

. . .

Q:Alors vous vous êtes préparées pour la soirée, pour la nuit, et vous lui avez préparé un lit.

R:Hmm mm (oui).

Q:Et M. Fosty est arrivé.

R:C'est exact.

. . .

R:Il était visiblement très bouleversé. Il a semblé très chaleureux et amical avec nous et très ouvert et il a dit qu'il s'agissait d'un plan stupide et qu'il n'aurait jamais dû le mettre à exécution.

. . .

Q:Adele et vous êtes allées dans votre chambre à coucher.

R:C'est exact.

Q:Dans la chambre à coucher, avez‑vous parlé de nouveau de la mort de Phil Barnett?

R:Oui, nous l'avons fait.

Q:Et qu'est‑ce que Mlle Gruenke a dit à ce sujet?

R:Elle se sentait très coupable à l'égard de l'implication de Jim [Fosty]. Qu'elle avait dû l'impliquer. Et elle était très bouleversée. Elle estimait qu'elle l'avait trahi en étant obligé de dire la vérité, mais elle voulait également qu'il ait l'occasion de dire la vérité pour qu'il ne ressente plus de culpabilité et elle a fait remarquer qu'il — que Jim avait également frappé Phil et elle a semblé quelque peu bouleversée de me l'avoir dit. Elle a dit, je n'aurais pas dû vous dire cela.

. . .

Q:Maintenant, pendant ce temps, vous êtes seules après que M. Fosty a fait ses observations à vous et votre mari, a‑t‑elle précisé ce qui l'avait poussée à agir ainsi ou comment elle en était venue à le faire ou quand elle avait décidé de le faire?

R:Elle a dit qu'elle savait que cela devait être fait au plus tard le vendredi parce que ‑ elle n'a pas dit pourquoi, mais elle était désespérée. Elle a dit qu'elle devait le faire au plus tard le vendredi et que, pendant la semaine, elle avait pensé à diverses manières de commettre ce meurtre.

. . .

Et, elle a donné un exemple des manières dont elle avait pensé de le tuer. L'une était par noyade dans le bain, mais elle croyait que cela pourrait l'incriminer parce qu'il y avait des photos d'elle partout dans son appartement et elle n'était pas certaine de la façon dont elle allait se débarrasser du corps, alors elle a planifié cette manière‑ci.

À la fin du procès, le jury a délibéré pendant cinq heures et a rendu un verdict de culpabilité de meurtre au premier degré à l'égard des deux accusés. Les deux accusés ont interjeté appel sans succès à la Cour d'appel du Manitoba. Mademoiselle Gruenke a obtenu l'autorisation de se pourvoir devant notre Cour le 29 juin 1989.

Les jugements des tribunaux d'instance inférieure

Cour du Banc de la Reine du Manitoba (le juge Krindle, 16 octobre 1987, inédit)

1.Requête visant à exclure des éléments de preuve

Au cours du procès, l'avocat de l'appelante a présenté une requête pour que les témoignages éventuels du pasteur Thiessen et de Janine Frovich soient exclus pour le motif qu'il s'agissait de communications privilégiées inadmissibles aux termes de la common law et de l'al. 2a) de la Charte. L'avocat n'a pas demandé la tenue d'un voir‑dire formel et il n'y en a pas eu (bien que la requête ait été entendue en l'absence du jury). Le juge du procès s'est fondée sur la transcription de l'enquête préliminaire et sur les arguments de l'avocat.

Se fondant sur l'arrêt Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449, le juge Krindle a conclu qu'il n'y avait pas de privilège générique accordé au secret de la confession au Canada et, par conséquent, qu'il n'y avait pas, à première vue, droit à un privilège. Elle a dit que, même s'il ne s'agissait pas de sa position préférée, elle était tenue de déterminer la recevabilité de ces communications en fonction de chaque cas. En conséquence, elle a conclu que les témoignages étaient recevables dans cette affaire pour les motifs suivants:

‑ Les communications entre l'appelante et Mme Frovich n'étaient pas protégées par un privilège parce que cette dernière n'avait pas les "qualifications nécessaires" pour être prêtre puisqu'elle n'avait pas été ordonnée pasteur et qu'elle s'apparentait davantage à une travailleuse sociale.

‑ Les communications faites au pasteur Thiessen avaient déjà été révélées aux policiers et au cours de l'enquête préliminaire. [traduction] "Ainsi, nous ne parlons pas de choses secrètes qui deviennent publiques".

‑ Le caractère confidentiel des communications n'était pas nécessaire à l'exploitation de la Victorious Faith Church de la même manière que pour un prêtre lors d'une confession. Plutôt, le caractère confidentiel constituait simplement un moyen d'effectuer du "travail social" efficace.

‑ L'exigence voulant que les témoins déposent sur ce que l'appelante leur avait dit ne portait pas atteinte à la liberté de religion de l'appelante (ni à la liberté de religion d'autrui). Les gens ne seraient pas empêchés d'aller au Victorious Faith Center et seraient libres de pratiquer à leur gré.

‑ L'élément de preuve qui aurait été obtenu était très crucial et n'aurait pu être obtenu autrement.

‑ L'accusation criminelle visée était la plus grave selon la loi.

2.Exposé au jury

Étant donné que l'un des moyens d'appel portait que l'exposé au jury était inéquitable, je vais décrire brièvement certaines parties pertinentes des directives du juge Krindle au jury.

Dans ses commentaires sur le témoignage d'un psychiatre de la défense, le Dr Shane, qui a interrogé l'appelante sur son implication dans le meurtre, alors qu'elle était sous hypnose et sous l'effet de l'amytal sodique, le juge Krindle (qui faisait présumément allusion à la déclaration du Dr Shane selon lequel il était impressionné par la crédibilité de Mlle Gruenke sous hypnose) a dit:

[traduction] Le Dr Shane est compétent pour donner des opinions dans le domaine de la médecine psychiatrique. Il n'est pas un détecteur de mensonges. Il n'est pas un expert pour déterminer qui dit la vérité. Il n'aurait pas dû faire d'observations devant vous sur son opinion quant à la crédibilité. Il n'a aucune expertise dans ce domaine. Je vous demande de ne pas tenir compte des observations qu'il peut avoir faites à cet égard.

Dans l'examen des témoignages du pasteur Thiessen et de Mme Frovich, le juge Krindle a souligné le fait que Mlle Gruenke n'avait pas précisément nié avoir dit qu'elle avait envisagé de noyer M. Barnett, malgré qu'on ne le lui ait pas demandé en interrogatoire ou en contre‑interrogatoire.

Lorsqu'elle a exposé la théorie du ministère public, le juge Krindle a fait les commentaires suivants concernant la preuve de la planification et du caractère délibéré:

[traduction] Je suis d'avis que vous avez à songer et à prêter attention au problème de ce que faisait Fosty alors qu'il était assis et caché dans une voiture plus loin dans la rue. Je considère cela comme un élément de preuve important lorsque vous vous arrêtez pour vous demander si des personnes planifiaient quelque chose. Y avait‑il un plan? La défense soutient que Fosty était assis dans sa voiture plus loin dans la rue parce que Gruenke était effrayée et prévoyait qu'elle aurait des ennuis. Gruenke elle‑même a dit que son frère était à la maison. Elle a également dit qu'elle ne s'attendait pas à ce que Phil [Barnett] parte en voiture avec elle. À ce propos, cela ne correspond pas à ce que les femmes de l'Église se rappellent qu'elle leur a dit ce dimanche soir. Elles soutiennent qu'elle leur a dit, elle a demandé à Phil d'aller faire une promenade, apparemment pour discuter de leurs problèmes sexuels mais en réalité pour le faire sortir de la ville et le tuer. De toute façon, revenons au fait qu'il était assis dans la voiture plus loin dans la rue.

Selon Gruenke, elle a été secouée lorsque Phil est parti avec elle dans la voiture. Toutefois, elle a également dit qu'elle s'attendait à ce que Fosty les suive. Cela me pose un problème. Si Gruenke ne s'attendait pas à partir en voiture avec Phil pourquoi avait‑elle demandé à Fosty de se stationner plus loin dans la rue. Si elle prévoyait avoir besoin de son aide, elle en aurait eu besoin à la maison ou dans son entrée. Pourquoi dissimuler Fosty dans une voiture à une certaine distance. Pourquoi cacher Fosty. Placez-le dans le salon ou bien en vue si vous croyez avoir besoin d'aide. J'ai tenté de comprendre la position de la défense quant à la raison pour laquelle Fosty était caché dans une voiture plus loin dans la rue et j'ai bien peur de ne pas la comprendre. Vous avez entendu le témoin. Vous avez entendu son explication. Je m'en remets à vous et à votre bon sens. Pouvez‑vous imaginer une explication raisonnable au fait que Fosty soit dissimulé dans une voiture plus loin dans la rue pour protéger l'accusée Gruenke qui dit qu'elle ne s'attendait pas à partir avec Phil. [Je souligne.]

Quant au moyen de défense de M. Fosty, fondé sur la défense ou la protection d'une autre personne aux termes de l'art. 37 du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34, le juge du procès a dit:

[traduction] Finalement, hier, Me Wolch a mentionné la possibilité de la légitime défense et de la défense d'une autre personne. La loi reconnaît clairement le droit d'une personne de se défendre elle‑même ou de défendre quelqu'un sous sa garde, mais la loi stipule aussi clairement qu'il doit y avoir un élément de proportionnalité entre la menace contre laquelle on se défend et le degré de la force utilisée pour repousser cette menace. En l'espèce, le degré de force est manifestement si excessif que je ne soumets pas à votre examen le moyen de défense fondé sur la légitime défense.

Après avoir soustrait ce moyen de défense à l'examen du jury, le juge Krindle n'a pas dit que le jury pouvait encore tenir compte de l'explication (c.‑à‑d. la protection de Mlle Gruenke) pour déterminer si elle avait été impliquée dans le meurtre et dans quelle mesure.

Cour d'appel du Manitoba (1989), 55 Man. R. (2d) 289, le juge Twaddle

La Cour d'appel a conclu que l'argument selon lequel le juge du procès n'avait pas donné des directives adéquates et équitables au jury, était sans fondement. L'exposé était, de l'avis de la cour, complet et équitable relativement à l'appelante. À cet égard, le juge Twaddle a fait remarquer que [traduction] "[s]ans doute, l'exposé lui portait préjudice, en ce sens qu'il nuisait à ses arguments, mais pas plus que le résultat inévitable de tout examen objectif de la preuve".

Passant à la question de l'admissibilité des communications entre l'appelante, le pasteur Thiessen et Janine Frovich, la cour a conclu que l'al. 2a) de la Charte n'a pas donné naissance à une nouvelle catégorie de communications privilégiées à première vue qui n'existait pas aux termes de la common law. La cour s'est fondée sur une déclaration de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Re Church of Scientology, précité, selon laquelle bien que l'al. 2a) puisse mettre en valeur une demande de privilège dans le cas du secret de la confession, son applicabilité devrait être déterminée en fonction de chaque cas.

La cour a dit que l'exclusion d'éléments de preuve pertinents ne pouvait se justifier que par des motifs d'intérêt public et qu'une importance indue accordée à des catégories comme procureur‑client, secrets d'État, confession, etc., ont tendance à masquer la véritable question qui est de savoir s'il est davantage dans l'intérêt public d'exclure l'élément de preuve que de l'admettre. Étant donné que l'intérêt public dans la liberté de religion est clairement établi par l'al. 2a) de la Charte, la cour était d'avis qu'en l'espèce la véritable question était de savoir si l'utilisation des déclarations de Mlle Gruenke portait atteinte à sa liberté de religion. La cour a dit que cette question devait être tranchée en examinant les questions suivantes: Qu'est‑ce que la pratique religieuse? La confession a‑t‑elle été faite conformément à cette pratique? Quelle est la conséquence vraisemblable de l'exigence de communication sur la liberté de religion individuelle?

En examinant ces questions à la lumière des faits de l'espèce, le juge Twaddle a dit, à la p. 299:

[traduction] En l'espèce, j'admets que l'Église à laquelle appartenait le pasteur et la conseillère croyait dans la confession des péchés. J'admets également qu'on a dit à l'accusée Gruenke que, si elle disait la vérité, elle se sentirait mieux tant sur le plan spirituel que sur les plans physique et émotif. Toutefois, il n'y a aucune preuve de l'existence d'une pratique de l'Église qui exige une confession en pareilles circonstances. Il n'y a pas non plus de preuve que l'accusée Gruenke s'est confessée conformément à une telle pratique. Il n'y a rien au dossier qui donne même à entendre qu'il y a eu une atteinte quelconque à la liberté de religion de l'accusée Gruenke du fait qu'on a demandé au pasteur et à la conseillère de raconter ce qu'elle leur a dit le 30 novembre 1986. En fait, il ressort du dossier que les aveux ont été faits par l'accusée Gruenke pour son bien‑être tant sur le plan émotif que spirituel, et que sa croyance religieuse l'obligeait à assumer la responsabilité de sa conduite. [Je souligne.]

La cour a également examiné la question de savoir si les communications seraient privilégiées (et, par conséquent, inadmissibles) aux termes du "critère de Wigmore", bien que le juge Twaddle ait dit qu'il n'était pas convaincu que les observations du juge Spence dans l'arrêt Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254, représentaient une acceptation du principe de Wigmore dans tous les cas.

Étant donné que le critère de Wigmore joue un rôle crucial en l'espèce, je vais, par souci de commodité, en énoncer les éléments (Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, vol. 8, McNaughton Revision, para. 2285):

[traduction] (1) Les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées.

(2) Le caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties.

(3) Les rapports doivent être de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment.

(4) Le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications doit être plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.

La Cour d'appel a conclu qu'aucune des quatre conditions posées par Wigmore n'avait été remplie en l'espèce. Bien que le pasteur et la conseillère puissent avoir cru que leurs rapports avec l'appelante étaient de nature confidentielle, il n'y a aucune preuve que l'appelante leur a fait des aveux confidentiellement avec l'assurance qu'ils ne seraient pas divulgués à qui que ce soit. Le caractère confidentiel peut avoir été un aspect souhaité de ces rapports, mais il n'était pas essentiel. La cour était d'avis qu'il ne s'agissait pas de rapports [traduction] "qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment", contrairement aux rapports entre un prêtre catholique et ses paroissiens dont il était question dans l'arrêt Cook v. Carroll, [1945] Ir. R. 515. Le juge Twaddle a ajouté, à la p. 300, que [traduction] "[l]'intérêt public dans l'entretien des rapports n'est pas important au point d'exiger l'exclusion de déclarations normalement admissibles [de l'appelante] à titre d'éléments de preuve dans une accusation de meurtre au premier degré".

Quant à la question de savoir si le juge du procès aurait dû tenir un voir‑dire pour déterminer la recevabilité des communications, la cour a conclu que parce qu'il incombait à l'accusé d'établir les faits donnant naissance à un privilège, le juge du procès ne pouvait pas être blâmée pour ne pas avoir tenu de voir‑dire sans qu'on lui demande de le faire. En l'espèce, la défense a semblé satisfaite de laisser le juge du procès décider de la requête sur le fondement de la transcription de l'enquête préliminaire et des arguments des avocats. L'omission de tenir un voir‑dire ne serait importante que si elle entraînait une erreur judiciaire en ce sens que l'accusé a été privé de l'occasion de mettre à jour des faits qui se rapportent à la question en litige. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, la Cour d'appel du Manitoba a rejeté l'appel interjeté par les deux accusés contre leur déclaration de culpabilité.

Les questions en litige

1.La Cour d'appel a‑t‑elle commis une erreur en ne concluant pas que les conversations entre l'appelante et le pasteur Thiessen et Janine Frovich, la conseillère laïque de l'Église, étaient protégées en vertu d'un privilège de common law de sorte que leur divulgation n'aurait pas dû être forcée?

2.Subsidiairement, ces conversations étaient‑elles des communications confidentielles dont la divulgation n'aurait pas dû être forcée conformément aux principes acceptés dans l'arrêt Slavutych c. Baker, précité?

3.La Cour d'appel a‑t‑elle commis une erreur en ne concluant pas que l'absence d'un voir‑dire pour déterminer la recevabilité des conservations a privé l'appelante d'un procès équitable?

4.L'exposé par le juge du procès au jury a‑t‑il réduit de façon injuste la valeur des arguments de l'appelante aux yeux du jury et l'a‑t‑elle ainsi empêché d'obtenir une décision équitable à l'égard des questions en litige?

5.Le juge du procès a‑t‑elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'en raison d'une force déraisonnable ou excessive, le jury ne devrait pas tenir compte du moyen de défense du coaccusé fondé sur la "défense d'une autre personne" sans mettre en garde expressément le jury qu'il devrait encore tenir compte à l'égard de l'appelante de la question factuelle de savoir si le coaccusé agissait pour la défendre, étant donné qu'il s'agissait du fondement de la défense de l'appelante?

Analyse

Avant de plonger dans une analyse des questions soulevées dans le présent pourvoi, j'estime qu'il est important de clarifier la terminologie utilisée en l'espèce. Les parties ont eu tendance à établir une distinction entre deux catégories: un privilège prima facie "général" de common law ou un privilège "générique", d'une part, et un privilège "fondé sur les circonstances de chaque cas", d'autre part. Les premiers termes sont utilisés pour désigner un privilège qui a été reconnu en common law et pour lequel il existe une présomption à première vue d'inadmissibilité (lorsqu'il a été établi que les rapports s'inscrivent dans la catégorie) à moins que la partie qui demande l'admission ne puisse démontrer pour quelles raisons les communications ne devraient pas être privilégiées (c.‑à‑d., pour quelles raisons elles devraient être admises en preuve à titre d'exception à la règle générale). De telles communications sont exclues non pas parce que l'élément de preuve n'est pas pertinent, mais plutôt parce qu'il existe des raisons de principe prépondérantes d'exclure cet élément de preuve pertinent. Les communications entre un avocat et son client paraissent s'inscrire dans le cadre de cette première catégorie (voir: Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353 et Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821). L'expression privilège "fondé sur les circonstances de chaque cas" est utilisée pour viser des communications à l'égard desquelles il y a une présomption à première vue qu'elles ne sont pas privilégiées (c.‑à‑d. qu'elles sont admissibles). L'analyse de chaque cas a généralement comporté une application du "critère de Wigmore" (voir précédemment), qui constitue un ensemble des critères pour déterminer si des communications devraient être privilégiées (et, par conséquent, ne pas être admises) dans des cas particuliers. En d'autres termes, l'analyse de chaque cas exige que les raisons de principe d'exclure des éléments de preuve par ailleurs pertinents soient évaluées dans chaque cas particulier.

Dans les présents motifs, j'utiliserai les expressions "privilège générique" et privilège prima facie pour viser la première catégorie de communications et j'utiliserai généralement l'expression "privilège fondé sur les circonstances de chaque cas" pour viser la deuxième catégorie de communications. Il convient de souligner que certains auteurs ont tendance à utiliser l'expression "communications privilégiées" ou "privilège" seulement en ce qui a trait à des communications qui sont génériques ou qui sont inadmissibles à première vue. J'utiliserai l'expression "privilège" relativement à ces deux genres de communications.

La requête visant à exclure des éléments de preuve

Les deux premiers moyens d'appel (voir précédemment) exigent que notre Cour examine quatre questions fondamentales:

‑ Y a‑t‑il un privilège prima facie de common law relativement à des communications religieuses qui viserait les communications dont il est question en l'espèce?

‑ Dans la négative, ces communications religieuses peuvent‑elles être exclues dans certains cas particuliers par l'application du critère de Wigmore fondée sur les circonstances de chaque cas?

‑ Dans l'affirmative, les communications en l'espèce auraient‑elles dû être exclues sur le fondement du critère de Wigmore?

‑ De quelle façon la garantie constitutionnelle de la liberté de religion a‑t‑elle un effet sur la manière de trancher les questions précédentes?

1.Le privilège prima facie de common law

Les parties au présent pourvoi ont (naturellement) présenté à notre Cour des interprétations contraires de l'histoire antérieure à la réforme pour appuyer leurs positions respectives sur l'existence d'un privilège prima facie de common law relativement aux communications religieuses. À mon avis, le mieux qu'on puisse dire à l'égard de ces arguments, c'est qu'ils ne sont pas concluants en ce qui a trait à cette question. Même s'il se peut bien que l'appelante ait raison de souligner que les tribunaux anglais et canadiens n'ont pas, en pratique, obligé les membres du clergé à divulguer des communications religieuses confidentielles, cela ne répond pas à la question de savoir s'il existe un privilège juridique de common law en ce qui a trait aux communications religieuses. Qui plus est, je ne puis souscrire aux arguments de l'appelante que l'existence d'un privilège légal limité en matière religieuse dans certains ressorts (voir: Charte des droits et libertés de la personne du Québec, L.R.Q., ch. C‑12, art. 9, et l'Evidence Act de Terre‑Neuve, R.S.N. 1970, ch. 115, art. 6) indique l'existence d'un privilège de common law. Au mieux, le fait qu'il existe un privilège légal dans certains ressorts indique que la common law ne protégeait pas les communications religieuses — par conséquent, il était nécessaire d'avoir une protection légale.

Finalement, la question de savoir s'il existe un privilège prima facie en ce qui a trait aux communications religieuses est essentiellement une question de principe. Comme le juge Wilson l'a dit dans l'arrêt Geffen c. Succession Goodman, précité, à la p. 387:

Leur argument [celui des intimés] rappelle l'époque où la compartimentation était de mise au chapitre des règles de preuve. Or, il n'en est plus ainsi, à mon sens. La tendance à la rationalisation de la façon d'aborder les questions d'admissibilité peut être observée autant au pays qu'à l'étranger (voir, par exemple, au Canada, Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608 (ouï‑dire), et R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531 (ouï‑dire), et au Royaume‑Uni, Director of Public Prosecutions v. Boardman, [1975] A.C. 421 (H.L.) (fait similaire)); c'est une tendance qu'il y a lieu d'encourager, selon moi.

Comme je l'ai mentionné, un privilège prima facie en matière de communications religieuses constituerait une exception au principe général selon lequel tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles. À moins que l'on puisse dire que les raisons de principe justifiant l'existence d'un privilège générique en matière de communications religieuses sont aussi sérieuses que les raisons de principe qui sous‑tendent le privilège générique en matière de communications entre l'avocat et son client, il n'y a aucun motif de s'écarter du "principe premier" fondamental selon lequel tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles jusqu'à preuve du contraire.

À mon avis, les raisons de principe qui sous‑tendent le traitement des communications entre l'avocat et son client à titre de catégorie distincte de la plupart des autres communications confidentielles ne s'appliquent pas également aux communications religieuses. La protection à première vue des communications entre l'avocat et son client est fondée sur le fait que les rapports et les communications entre l'avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique. Pareilles communications sont inextricablement liées au système même qui veut que la communication soit divulguée (voir: Geffen c. Succession Goodman et Solosky c. La Reine, précités). À mon avis, les communications religieuses, nonobstant leur importance sociale, ne sont pas inextricablement liées au système de justice de la même manière que le sont certainement les communications entre l'avocat et son client.

Bien que la valeur de la liberté de religion, consacrée à l'al. 2a), devienne importante dans certains cas, je ne puis convenir avec l'appelante que cette valeur doit nécessairement être reconnue sous la forme d'un privilège prima facie pour que la garantie prévue par la Charte s'applique pleinement. La mesure (le cas échéant) dans laquelle la divulgation des communications portera atteinte à la liberté de religion d'une personne dépendra des circonstances particulières en cause comme, par exemple, la nature de la communication, l'objet de celle‑ci, la manière dont elle a été faite et les parties à celle‑ci.

Ayant conclu qu'il n'y avait pas de privilège prima facie de common law en matière de communications religieuses, je vais examiner si ces communications peuvent être exclues dans certains cas par l'application du critère de Wigmore fondée sur les circonstances de chaque cas.

2.Privilège fondé sur les circonstances de chaque cas

Dans l'arrêt Re Church of Scientology and The Queen (No. 6), précité, la Cour d'appel de l'Ontario a reconnu l'existence d'un privilège du "secret de la confession" dont l'applicabilité est déterminée en fonction de chaque cas, eu égard au critère de Wigmore. Cette position est conforme à celle adoptée par notre Cour dans l'arrêt Slavutych c. Baker, précité, et est, à mon avis, conforme à une façon, fondée sur des principes, d'aborder la question qui tient compte, à bon droit, des circonstances particulières de chaque cas. Cela veut dire non pas que le critère de Wigmore est maintenant "gravé dans la pierre", mais plutôt que ces considérations constituent un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour. Cela n'empêche pas non plus l'identification d'une nouvelle catégorie fondée sur des principes.

De plus, une analyse de chaque cas permettra aux tribunaux de déterminer si, dans les circonstances particulières, la liberté de religion d'une personne sera compromise par l'admission de la preuve. Comme il a été dit dans l'arrêt Re Church of Scientology and The Queen (No. 6), à la p. 540:

[traduction] Le juge en chef Dickson a dit dans l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, que la liberté fondamentale de conscience et de religion qui est maintenant consacrée à l'al. 2a) de la Charte comprend non seulement la liberté de pensée et de croyance en matière religieuse, mais également "le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation". Cette protection renforcera sans doute l'argument en faveur de la reconnaissance d'un privilège du secret de la confession. L'interprétation restrictive du privilège par la common law peut devoir être réévaluée afin de la rendre conforme à la liberté garantie par la Constitution.

Toutefois, à notre avis, bien que l'art. 2 de la Charte appuie l'argument selon lequel un privilège devrait être accordé quant aux communications confidentielles faites à un prêtre ou à un pasteur ordonné, son applicabilité doit être déterminée en fonction de chaque cas. La liberté n'est pas absolue. [Je souligne.]

Le critère de Wigmore s'inspirera à la fois de la liberté de religion garantie par la Charte et de la déclaration d'interprétation générale de l'art. 27 de la Charte:

27. Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.

Je souligne que, dans l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, la Cour à la majorité a adopté les termes suivants pour interpréter l'al. 2a), à la p. 336:

Une société vraiment libre peut accepter une grande diversité de croyances, de goûts, de visées, de coutumes et de normes de conduite. Une société libre vise à assurer à tous l'égalité quant à la jouissance des libertés fondamentales et j'affirme cela sans m'appuyer sur l'art. 15 de la Charte.

C'est pour cette raison que j'ai, dans les présents motifs, utilisé l'expression générale "communications religieuses" au lieu de l'expression plus traditionnelle "communications faites sous le secret de la confession". Pour appliquer le critère de Wigmore à des cas particuliers, il faut garder à l'esprit l'al. 2a) et l'art. 27. Cela signifie que l'analyse de chaque cas doit commencer par l'adoption d'un point de vue "non confessionnel". Le fait que les communications n'ont pas été faites à un prêtre ou à un pasteur ordonné ou qu'elles ne constituaient pas une confession formelle n'écartera pas la possibilité de les exclure. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et le critère de Wigmore doit être appliqué d'une manière qui tient compte du patrimoine multiculturel du Canada. Ce sera plus important aux deuxième et troisième étapes de l'examen relatif au critère de Wigmore. À mon avis, une telle façon de procéder selon les circonstances de chaque cas aura pour effet d'éviter le problème de la "compartimentation" mentionné par le juge Wilson dans l'arrêt Geffen c. Succession Goodman, précité.

Ayant conclu que les communications religieuses peuvent être exclues dans certains cas où l'on satisfait au critère de Wigmore, j'examine maintenant la question de savoir si les communications visées en l'espèce satisfont à ce critère.

Application du critère de Wigmore

À mon sens, il ressort d'un examen du critère de Wigmore et des faits de l'espèce que les communications entre l'appelante, le pasteur Thiessen et Janine Frovich ont été, à bon droit, admises au procès.

J'estime que ces communications ne satisfont même pas à la première condition, c'est‑à‑dire, qu'elles aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. Si on laisse de côté les autres composantes du critère de Wigmore, il est absolument crucial que l'on s'attende à ce que les communications soient confidentielles (afin qu'elles puissent être qualifiées de "privilégiées" et ainsi être exclues de la preuve). Sans cette expectative de caractère confidentiel, le privilège n'a pas de raison d'être.

En l'espèce, il ressort de la preuve que les communications entre Mlle Gruenke et le pasteur Thiessen et Mme Frovich n'ont pas été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. Les témoignages du pasteur Thiessen et de Janine Frovich indiquent qu'elles ne savaient pas très bien si l'on s'attendait à ce qu'elles gardent secret ce que Mlle Gruenke leur avait dit au sujet de son implication dans le meurtre. Comme l'a dit le juge Twaddle, à la p. 300 de l'arrêt de la Cour d'appel, [traduction] "il n'y avait aucune preuve que l'accusée Gruenke leur avait fait des aveux confidentiellement en croyant qu'elles ne les divulgueraient à personne". Mademoiselle Gruenke ne s'est pas adressée à Mme Frovich et au pasteur pour le motif que les communications devraient être confidentielles. En fait, Mme Frovich a amorcé le dialogue et Mlle Gruenke a témoigné qu'elle ne voyait aucun mal à parler à Janine Frovich parce qu'elle était déjà décidée à se livrer à la police et à [traduction] "assumer la responsabilité de l'affaire". À mon avis, la Cour d'appel a dit de façon précise que ces communications avaient été faites davantage pour soulager Mlle Gruenke de son stress émotionnel qu'à des fins religieuses ou spirituelles. Je souligne que mon opinion est fondée sur les déclarations et le comportement des parties relativement à la communication et non sur l'absence d'une pratique formelle de "confession" dans la Victorious Faith Centre Church. Bien que l'existence d'une pratique formelle de "confession" puisse bien indiquer fortement que les parties s'attendaient à ce que la communication soit confidentielle, l'absence d'une telle pratique formelle n'est pas, en soi, déterminante.

Les communications en question ne satisfont pas au premier critère de Wigmore et leur admission en preuve ne porte pas atteinte à la liberté de religion de Mlle Gruenke. Comme je l'ai dit précédemment la question de savoir si l'admission de communications religieuses portera atteinte à la liberté de religion d'une personne dépendra des faits particuliers de chaque affaire. En l'espèce, il n'y a pas d'atteinte de ce genre.

J'examine maintenant le troisième moyen d'appel, savoir si la Cour d'appel a commis une erreur en ne concluant pas que l'absence de voir‑dire a privé Mlle Gruenke d'un procès équitable.

L'omission de tenir un voir‑dire

Je suis d'avis que le juge Krindle a essentiellement tenu un voir‑dire en l'espèce. Bien qu'il ait été fait de façon informelle et qu'il n'ait pas été qualifié de voir‑dire par le juge du procès, elle a bien donné aux avocats l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments relativement à la requête de la défense visant à exclure la preuve et elle l'a fait en l'absence du jury. L'avocat de Mlle Gruenke au procès n'a pas demandé de présenter des éléments de preuve et il lui a semblé tout à fait suffisant de se fonder sur la preuve présentée à l'enquête préliminaire. À mon avis, il incombait à l'appelante d'établir que les communications devaient être exclues pour cause de privilège — il appartenait à Mlle Gruenke et à son avocat de déterminer quelle était la meilleure manière de s'acquitter de ce fardeau. Bien que le juge du procès ait la responsabilité ultime de trancher les questions de recevabilité, il n'est pas tenu de faire plus que d'accorder à l'avocat une occasion raisonnable de présenter sa preuve et d'avancer des arguments sur ces questions avant de rendre une décision.

Par conséquent, je suis d'avis que Mlle Gruenke n'a pas été privée d'un procès équitable par suite de l'omission du juge du procès de tenir un voir‑dire formel et de sa décision de statuer sur la requête de la défense en fonction des arguments et des témoignages présentés à l'enquête préliminaire.

En même temps, je crois qu'il est utile de souligner, pour que cela puisse servir dans d'autres affaires, que lorsqu'une question de privilège est soulevée dans un procès, cette question peut bien être mieux tranchée dans le cadre d'un voir‑dire. De manière générale, le juge du procès est souvent aidé par un voir‑dire formel dans lequel des témoignages peuvent être entendus et des arguments peuvent être présentés en l'absence du jury. De plus, en ce qui a trait au procès avec et sans jury, un voir‑dire formel permet à un accusé de se faire entendre dans un but limité sans être assujetti à un contre‑interrogatoire général. Le juge du procès sera alors en meilleure position pour appliquer le critère de Wigmore et pour juger de la recevabilité de la communication en question. Bien qu'il puisse bien s'agir de la méthode préférée pour déterminer les questions de privilège, l'omission de suivre cette procédure ne rend pas nécessairement le procès inéquitable.

Je vais maintenant examiner les deux moyens d'appel qui traitent de l'exposé du juge au jury.

L'exposé au jury

Je souscris entièrement à l'opinion de la Cour d'appel du Manitoba que, dans l'ensemble, l'exposé au jury était complet et équitable. Bien que je sois préoccupé par l'omission du juge du procès de rappeler au jury que l'explication de M. Fosty, selon laquelle il protégeait Mlle Gruenke, pouvait être prise en compte relativement à celle‑ci, même si elle ne pouvait pas (à cause de la force excessive) constituer pour lui‑même un moyen de défense aux termes de l'art. 37 du Code, je ne crois pas que cette omission ait rendu l'exposé inéquitable.

De plus, étant donné que j'ai conclu que les communications entre l'appelante, le pasteur Thiessen et Mme Frovich avaient été, à bon droit, admises au procès, je suis d'avis que même si on avait rappelé ce point au jury, cela n'aurait pas modifié le verdict. En d'autres termes, dès que les communications en question avaient été soumises à l'appréciation du jury, une déclaration de culpabilité de meurtre au premier degré devenait inévitable.

Dispositif

Compte tenu de l'analyse qui précède, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

//Le juge L'Heureux-Dubé//

Les motifs des juges L'Heureux-Dubé et Gonthier ont été rendus par

Le juge L'Heureux‑Dubé — J'ai pris connaissance des motifs du Juge en chef et je partage son avis que le pourvoi doit être rejeté, essentiellement pour les raisons qu'il exprime. Toutefois, en raison de la nature de cette affaire et des arguments des parties, je me dois de faire certains commentaires au sujet du privilège relatif aux "communications religieuses".

Le présent pourvoi nous fournit l'occasion de déterminer si des communications confidentielles entre un individu et une autorité religieuse peuvent faire l'objet d'un privilège, et, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles tel privilège devrait s'appliquer. Pour déterminer si un privilège relatif aux communications religieuses devrait être reconnu, il y a lieu d'examiner les principes fondamentaux et les valeurs qu'un tel privilège est destiné à protéger et à promouvoir.

L'un des principaux objectifs du système accusatoire est la recherche de la vérité. Afin de faciliter cette recherche, toute personne doit, sur demande, comparaître devant les tribunaux pour témoigner au sujet de faits et d'événements qui relèvent de sa connaissance ou de son expertise. Cette exigence — certains la qualifieraient de devoir — remonte très loin dans l'histoire de la common law et se retrouve maintenant sous forme législative dans les lois sur la preuve fédérale et provinciales. Si l'objet d'un procès est la recherche de la vérité, le public et le système judiciaire ont droit à toute preuve pertinente afin que justice soit rendue. En conséquence, toute preuve pertinente est présumée recevable. La loi et les règles de preuve de la common law prévoient des exceptions qui ont été conçues de manière à exclure des éléments de preuve qui ne sont ni pertinents, ni fiables, qui sont susceptibles d'avoir été fabriqués ou qui rendraient le procès inéquitable. Les tribunaux et les législateurs ont également été d'avis de limiter la recherche de la vérité par l'exclusion d'éléments de preuve probants, fiables et pertinents pour répondre à une préoccupation sociale prépondérante ou encore aux fins d'une politique judiciaire. C'est là la source des privilèges applicables à certaines communications privées. L'exemple sans doute le plus commun est celui du privilège du secret professionnel de l'avocat: voir Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821.

Les catégories de communications privilégiées sont, toutefois, très limitées — des éléments de preuve très probants et fiables ne sont pas exclus sans raisons valables. Dans Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases (1974), les auteurs font remarquer, à la p. 157, que:

[traduction] L'application de la théorie du privilège fait par conséquent obstacle au processus de recherche de la vérité et, en conséquence, le droit a hésité à multiplier les domaines de privilège à moins qu'on ne démontre qu'un principe social externe est d'une telle importance non équivoque qu'il exige une protection.

Voir également R. v. Snider, [1954] R.C.S. 479, en particulier l'opinion du juge Rand aux pp. 482 et 483, et Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, McNaughton Revision, vol. 8, par. 2192, p. 73. La jurisprudence américaine adopte la même position: Trammel v. United States, 445 U.S. 40 (1980); University of Pennsylvania v. Equal Employment Opportunity Commission, 110 S.Ct. 577 (1990). En ce qui a trait à la position australienne, voir John Fairfax & Sons Ltd. v. Cojuangco (1988), 165 C.L.R. 346 (H.C.), et McGuinness v. Attorney‑General of Victoria (1940), 63 C.L.R. 73 (H.C.), particulièrement aux pp. 102 et 103.

Je conviens avec le Juge en chef et avec le juge Twaddle de la Cour d'appel (1989), 55 Man. R. (2d) 289, que la question de savoir si un privilège devrait être reconnu en matière de communications religieuses confidentielles en est une de principe. J'estime donc important d'énoncer de façon explicite quelles sont les considérations de principe pertinentes à la reconnaissance d'un privilège relatif aux communications religieuses afin de déterminer s'il est nécessaire d'exclure ce qui autrement pourrait constituer un élément de preuve probant.

Notre Cour n'a pas encore eu l'occasion d'examiner les principes sous‑jacents à un privilège relatif aux communications religieuses. Toutefois, la Cour d'appel de la Nouvelle‑Zélande a récemment traité de la question lorsqu'elle a interprété un privilège confessionnel prévu par la loi. Dans l'arrêt R. v. Howse, [1983] N.Z.L.R. 246 (C.A.), le juge Cooke a dit au nom de la cour, à la p. 251:

[traduction] Un tel privilège doit être fondé sur le fait qu'une personne ne doit pas subir un préjudice temporel en raison de ce qui est dit sous la dictée ou l'influence d'une croyance spirituelle.

Dans l'arrêt Trammel v. United States, précité, à la p. 51, le juge en chef Burger de la Cour suprême des États‑Unis a fait remarquer que:

[traduction] Les privilèges du secret de la confession, du secret professionnel de l'avocat et du médecin limitent la protection aux communications privées. Ces privilèges sont fondés sur le besoin impérieux de confiance. Le privilège du secret de la confession reconnaît le besoin humain de divulguer à un conseiller spirituel, avec une confiance totale et absolue, des actes ou des pensées qu'on croirait fautifs et de recevoir en retour réconfort et conseils de la part du prêtre. [Je souligne.]

Les auteurs ont également tenté de clarifier les principes et les valeurs qui seraient protégés par un privilège relatif aux communications religieuses. Selon eux, un tel privilège protégerait: a) l'intérêt de la société dans les communications religieuses; b) la liberté de religion; c) les intérêts relatifs à la protection de la vie privée; d) d'autres préoccupations. Les parties au présent pourvoi se sont référées aux sources historiques, à la jurisprudence et à la réponse de la législation à la nécessité qu'on a perçue d'un tel privilège. C'est en fonction de cette gamme de considérations que la possibilité et l'étendue d'un privilège relatif aux communications religieuses peuvent être évaluées.

ILes valeurs favorisées par un privilège relatif aux communications de nature religieuse

a) L'intérêt de la société à favoriser les communications religieuses

Plusieurs auteurs ont suggéré qu'un privilège relatif aux communications religieuses confidentielles favoriserait des valeurs utilitaires (ou "instrumentales"). Le caractère confidentiel des rapports entre une personne et une autorité religieuse permet une discussion complète et franche de questions troublantes pour cette personne, lui permettant de tirer un "soutien psychologique et spirituel" de cet échange: Cole, "Religious Confidentiality and the Reporting of Child Abuse: A Statutory and Constitutional Analysis" (1988), 21 Colum. J.L. and Soc. Probs. 1, à la p. 15. Le bénéfice personnel spirituel qu'on en retire, contribue, dit‑on, au bien‑être général de la société. On soutient que le droit, par la création d'un privilège [traduction] "a déterminé qu'à long terme, la société obtient plus en favorisant ces rapports qu'elle ne profite de la divulgation de communications faites dans le cadre de ces rapports": Mitchell, "Must Clergy Tell? Child Abuse Reporting Requirements Versus the Clergy Privilege and Free Exercise of Religion" (1987), 71 Minn. L. Rev. 723, à la p. 762.

Le professeur Mitchell fait ressortir l'argument utilitaire dans son analyse du test à quatre volets de Wigmore, lorsqu'elle fait remarquer à la p. 767:

[traduction] Un motif plus fréquemment mentionné [de favoriser les rapports entre membre du clergé et fidèle] est l'avantage que la société tire du bien‑être mental, émotionnel et spirituel de ses membres. Un auteur a écrit que le privilège est important pour la santé et la stabilité de l'ensemble de la société et qu'il permet aux personnes de traiter de leurs problèmes et d'obtenir des résultats positifs. La personne qui se confesse ou qui demande des conseils peut recevoir le pardon, l'absolution, des conseils ou du réconfort et il peut en résulter un bien‑être spirituel, émotionnel, mental et même physique. La société profite de la santé de ses citoyens et, pour un grand nombre de personnes, la religion, y compris les consultations confidentielles avec des membres du clergé, contribuent de façon importante à cette santé. [Renvois omis.]

Cet argument est fondé sur plusieurs énoncés. Premièrement, le caractère confidentiel doit être nécessaire pour permettre au membre du clergé de donner des conseils spirituels à une personne. Tiemann et Bush, The Right to Silence: Privileged Clergy Communication and the Law (2e éd. 1983), font remarquer à la p. 23:

[traduction] Il doit exister une confiance véritable entre le membre du clergé et le fidèle sinon leurs rapports ne peuvent atteindre le niveau de compréhension nécessaire à un bon soutien pastoral. Bien que le prêtre ou rabbin moyen ne soit pas prêt à s'engager dans une thérapie en profondeur, il ne pourrait y avoir d'obstacles aux rapports de conseiller qui peuvent empêcher ceux qui cherchent de l'aide de mentionner l'acte, le sentiment ou la circonstance même qui lui cause le plus de troubles spirituels. La confiance doit être complète pour que les conseils du prêtre soient utiles. Aucune divulgation des confidences ne doit être possible si un tribunal cite le prêtre ou le rabbin a comme témoin.

De plus, le raisonnement fondé sur le caractère utilitaire repose en partie sur l'opinion qu'en l'absence de secret total, un individu ne serait pas porté à consulter des autorités religieuses et à se confier à celles‑ci. Bentham, qui était en faveur d'une catégorie absolue de privilège pour les catholiques romains qui communiquent sous le secret de la confession, a identifié le problème de l'obligation des membres du clergé à témoigner et s'est demandé à la p. 587 du vol. IV de Rationale of Judicial Evidence (1827):

[traduction] Quelle serait la conséquence [de l'obligation de témoigner]? — Que, de cette quantité de témoignages donnés dans le cadre de la confession qui sont alors communiqués en secret dans un but purement religieux, une certaine proportion (il est impossible de dire laquelle, mais une qui serait probablement très considérable) ne serait pas ainsi communiquée: elle serait retenue, de crainte qu'elle ne soit utilisée à des fins judiciaires. La règle constituerait une interdiction à l'égard de toutes ces confessions à des fins spirituelles car elle serait applicable à des fins temporelles . . .

Toutefois, cet argument ne porte pas uniquement sur les résultats numériques, comme le fait remarquer le professeur Mitchell, à la p. 765:

[traduction] Il serait très difficile d'évaluer le nombre de personnes qui ne viennent pas demander de l'aide parce qu'elles craignent la divulgation. Qui plus est, la question ne porte pas seulement sur le nombre de personnes qui consultent le clergé ou sur le nombre de consultations, mais sur le caractère curatif de ces consultations. [Renvoi omis; en italique dans l'original.]

Le professeur Cole dans son article, précité, souligne un autre avantage pour l'ensemble de la société. Il dit, aux pp. 15 et 16:

[traduction] Le caractère confidentiel en matière religieuse a une importance vitale pour le maintien des organismes religieux ainsi que pour leurs membres. Une atmosphère de confiance, rendue possible par le fait qu'il est entendu que les communications faites en secret demeureront secrètes, constitue la pierre angulaire de rapports solides entre membre du clergé et fidèle, qui constituent, à leur tour, le ciment qui lie ensemble un grand nombre d'organismes religieux. Dans un sens très réel, alors, la valeur du caractère confidentiel en matière religieuse constitue à l'égard de la société la valeur de la religion et des organismes religieux d'une manière générale. Même d'un point de vue strictement utilitaire, cette valeur ne saurait être exagérée. Les organismes religieux fondés sur des prétentions de vérités immuables ont une influence stabilisante dans une société en fragmentation où le rythme de vie est de plus en plus frénétique et où les liens sociaux sont rares et méritent d'être préservés. En outre, nombre de ces organismes fournissent des services sociaux nécessaires que le gouvernement refuse ou est incapable de fournir d'une manière humaine et efficace du point de vue financier.

Voir également Yellin, "The History and Current Status of the Clergy‑Penitent Privilege" (1983), 23 Santa Clara L. Rev. 95, à la p. 113.

Ces intérêts de la société emportent intuitivement l'adhésion lorsqu'ils reconnaissent l'existence d'un privilège dans les situations peu communes où le caractère confidentiel d'un échange est tellement fondamental que sa violation fera plus de tort que de bien à la société. Dans de telles circonstances, on favoriserait l'intérêt public plutôt que de la recherche de la vérité.

b) Liberté de religion

Certains auteurs, dont le professeur Cole, préfèrent fonder leur appui au privilège relatif aux communications religieuses sur la liberté de religion. Le professeur Cole écrit à la p. 16:

[traduction] Le caractère confidentiel en matière religieuse, comme toute autre pratique religieuse, devrait être protégé par la loi simplement parce que toute personne a le droit fondamental de pratiquer ses croyances religieuses librement et sans inquiétude quant à la popularité de ces croyances. Les pratiques religieuses méritent la protection de la loi, non parce que les résultats d'une analyse du coût par rapport aux avantages leur sont favorables, mais parce qu'il est fondamentalement important que le gouvernement respecte les croyances religieuses sincères de ses citoyens. Le caractère confidentiel en matière religieuse est fondé sur ces croyances et mérite, par conséquent, d'être protégé. [Je souligne.]

La liberté de religion (ou inversement la tolérance religieuse) constitue également le principe de base du raisonnement que préconisait M. Bentham, précité, aux pp. 588 à 592, et elle fait l'objet d'une analyse du professeur Mitchell, aux pp. 776 et 777. En particulier, le professeur Mitchell fait cette observation à la p. 776:

[traduction] Bien que le respect de la religion que manifeste le privilège du clergé puisse être partiellement un respect des pratiques religieuses des fidèles, il s'agit certainement aussi du respect des objections religieuses du clergé à divulguer ces communications. [En italique dans l'original.]

La liberté de conscience et de religion au Canada ainsi que la liberté de pensée et de croyance sont garanties par la Charte canadienne des droits et libertés et ne peuvent être ignorées dans cette analyse. Le préambule de la Charte se lit ainsi:

Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit:

L'article 2 énonce les libertés fondamentales:

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:

a)liberté de conscience et de religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

La Cour d'appel, en l'espèce, de même que la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449, ont noté l'effet possible de l'al. 2a) de la Charte sur le privilège relatif aux communications religieuses. Comme notre Cour l'a jugé, même en l'absence d'une contestation fondée sur la Constitution, les intérêts et les valeurs protégées par la Charte devraient être pris en considération pour permettre à la common law d'évoluer conformément à ces principes (SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, le juge McIntyre au nom de la majorité, à la p. 603; Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158, à la p. 184). En effet, l'inclusion de la garantie de liberté de religion dans la Charte indique qu'un privilège légal relatif aux communications religieuses confidentielles est à la mesure des valeurs canadiennes.

Bien que l'impact de la Charte dans un cas donné doive, évidemment, être évalué d'après les faits de l'affaire, les valeurs soulignées précédemment et la garantie constitutionnelle de la liberté de religion appuient la reconnaissance d'un privilège relatif aux communications religieuses en common law.

c) Intérêts en matière de protection de la vie privée

Le troisième fondement possible d'un privilège relatif aux communications religieuses a trait à la protection de la vie privée. Le professeur Mitchell note cette préoccupation à la p. 768:

[traduction] Le principe relatif à la protection de la vie privée fonde le privilège du clergé sur l'intérêt qu'a chaque personne dans la dignité de la protection de la vie privée à l'égard de ses rapports les plus intimes. La personne qui va rencontrer un membre du clergé pour se confesser et obtenir des conseils établit des rapports qui mettent l'âme à nu, rapports aussi profondément intimes que ceux qui existent entre les membres d'une famille, et en tire profit. Généralement, on répugne à ce que le droit s'immisce dans de tels rapports.

Les valeurs relatives à la protection de la vie privée sont distinctes de celles de nature utilitaire, parce qu'elles mettent l'accent sur l'avantage qu'en retire le particulier et non pas l'ensemble de la société. Le professeur Mitchell explique, à la p. 769:

[traduction] Contrairement au raisonnement utilitaire de Wigmore, le raisonnement fondé sur la protection de la vie privée justifie le privilège du clergé principalement sur le plan des intérêts des participants et non de l'avantage pour la société — sauf dans la mesure où tout le monde profite de la vie dans une société où le droit ne s'immisce pas de manière inutile dans la vie privée des personnes. Tandis que le raisonnement de Wigmore semble présumer que la société favorise les personnes qui se confient à leur clergé, le raisonnement fondé sur la protection de la vie privée correspond à la neutralité ou même à l'antipathie de la société à l'égard de ces confidences. Le raisonnement fondé sur la protection de la vie privée protège les rapports entre le clergé et les fidèles parce que ce sont les fidèles, et non l'ensemble de la société, qui accordent de l'importance à ces rapports. Alors l'un des avantages du raisonnement fondé sur la protection de la vie privée par rapport au raisonnement de Wigmore est qu'il maintient le privilège même face à une perte de confiance populaire à l'égard du clergé. Un avantage connexe du raisonnement fondé sur la protection de la vie privée est qu'il ne dépend pas d'une démonstration que la divulgation des confidences empêcherait en fait les rapports avec le clergé ou nuirait à ceux‑ci. En d'autres termes, le raisonnement fondé sur la protection de la vie privée élimine le besoin de satisfaire aux deuxième et troisième conditions préalables fixées par Wigmore pour qu'il y ait privilège. [Renvois omis.]

Il convient de souligner que cet intérêt fondé sur la protection de la vie privée ne vise pas simplement l'intérêt que toute personne a à l'égard du caractère confidentiel de ses conversations; il va beaucoup plus loin du fait que l'individu cherche à communiquer avec une autorité religieuse en vue d'obtenir des conseils ou de l'aide de nature spirituelle. L'élément religieux de cet échange favorise les valeurs spéciales caractéristiques de la protection de la vie privée et fait en sorte que le raisonnement fondé sur la protection de la vie privée constitue une justification possible de la reconnaissance du privilège.

On peut souligner ici le souci de protéger la vie privée dont fait état la Constitution américaine, comme l'a exprimé le professeur Mitchell, aux pp. 770 à 776. Pour une analyse de l'interaction des règles en matière de privilège et des intrusions de l'État dans les communications privées, voir Goldsmith et Balmforth, "The Electronic Surveillance of Privileged Communications: A Conflict in Doctrines" (1991), 64 S. Cal. L. Rev. 903.

d) Autres préoccupations

D'autres auteurs ont exprimé l'opinion qu'il serait peu réaliste, voire futile de tenter d'obliger les membres du clergé à témoigner parce que, le plus souvent, les membres du clergé refuseraient. Dans son article "Confidential Communications to the Clergy" (1963), 24 Ohio St. L.J. 55, le professeur Reese soulève le point suivant, à la p. 81:

[traduction] La plupart des membres du clergé ne témoigneront pas en ce qui concerne des communications faites à titre confidentiel peu importe qu'il existe ou non un privilège prévu par la loi. Ils sont liés par une discipline rigide qui dicte les normes de conduite les plus strictes concernant le maintien de l'inviolabilité de la communication confidentielle qui leur a été faite dans le cadre de leur ministère [. . .] Par conséquent, dans un État où le privilège n'existe pas, un membre du clergé qui est passible d'outrage au tribunal pour refus de témoigner aurait peu de difficulté à décider ce qu'il doit faire. Il refuserait, serait accusé d'outrage au tribunal et passible d'emprisonnement. La pression, du point de vue institutionnel, renforcerait sa détermination. Le fait de témoigner jetterait un doute sur la sécurité dont jouissent toutes les personnes relativement au secret des communications faites à titre confidentiel aux membres du clergé.

C'est sans doute ce qui a poussé le magistrat en chef Best à écrire, dans l'arrêt Broad v. Pitt (1828), 3 Car. & P. 518, 172 E.R. 528, aux pp. 519 et 529, respectivement:

[traduction] Pour ma part, je n'obligerai jamais un membre du clergé à divulguer des communications qui lui ont été faites par un prisonnier; mais s'il choisit de les divulguer, je les recevrai en preuve.

On soutient, en outre, qu'obliger un membre du clergé à divulguer des communications confidentielles ou l'accuser d'outrage au tribunal a pour effet de forcer le juge du procès soit d'ordonner à cette personne de violer une confidence soit de l'emprisonner, deux éventualités susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice: Reese, précité, pp. 60 et 61.

Finalement, on peut mentionner, en passant, le bref commentaire du professeur Lyon, "Privileged Communications — Penitent and Priest" (1964‑65), 7 Crim. L.Q. 327. Il soutient, à la p. 327, que le [traduction] "meilleur motif" de reconnaître le privilège est le fait que [traduction] "l'admission en preuve de confessions faites à un prêtre serait tellement semblable à l'admission de confessions faites sous la contrainte à des policiers que cette idée devrait être expressément condamnée par la common law".

II Historique et jurisprudence

L'appelante soutient que les fondements historiques du privilège relatif aux communications religieuses en favorisent la reconnaissance. Un certain nombre d'auteurs mentionnent les pratiques catholiques romaines en matière de confession comme la source de tout privilège relatif aux communications religieuses en common law. Au soutien apparemment de l'existence d'un tel privilège, antérieurement à la Réforme survenue au XVIe siècle en Angleterre, diverses sources citent les rapports qui existaient entre l'Église catholique romaine et le gouvernement en Angleterre, la coexistence des droits ecclésiastiques et temporels et les privilèges juridiques spéciaux détenus par le clergé (voir Pollock et Maitland, The History of English Law Before the Time of Edward I (2e éd. 1968), particulièrement le vol. I, aux pp. 437 à 457)). Il existe une ancienne loi de common law, l'Articuli Cleri adoptée par le Parlement anglais en 1315: 9 Éd. 2, ch. 10. Cette loi est résumée par Reeves dans History of the English Law (1787), vol. 2, à partir de la p. 291. Toutefois, le sens de ses dispositions réelles n'est pas clair: voir Yellin, précité, à la p. 99; Tiemann et Bush, précité.

Divers auteurs nous ont également été cités à l'appui de l'opinion selon laquelle après la Réforme, ou du moins après la Restauration dans les années 1660, le privilège est tombé en disgrâce avec la montée de l'Église anglicane d'Angleterre, l'accroissement du pouvoir du Parlement et la montée de l'indépendance des tribunaux face à l'influence ecclésiastique. Pour des analyses historiques plus détaillées du privilège relatif aux communications religieuses, voir Chambers et McInnes, "Commentary on R. v. Church of Scientology and Zaharia", dans (1989), 68 R. du B. can. 176; Tiemann et Bush, précité, aux pp. 34 à 54; Hogan, "A Modern Problem on the Privilege of the Confessional" (1951), 6 Loyola L. Rev. 1, aux pp. 7 à 14; Yellin, "The History and Current Status of the Clergy‑Penitent Privilege", précité, aux pp. 96 à 104.

Toutefois, il est loin d'être évident que, historiquement, la common law ait reconnu ce privilège, du moins tel qu'il a évolué au cours des siècles.

La jurisprudence qui porte sur cette question remonte aussi loin que l'affaire Garnet's Trial (1606), 2 How. St. Tr. 218, et un certain nombre d'arrêts sont énumérés dans les motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario Re Church of Scientology, précité, à la p. 537. La jurisprudence, avec certaines exceptions importantes, n'appuie pas l'existence d'un privilège "générique" relatif aux communications religieuses. Sans doute l'opinion la plus célèbre est celle du maître des rôles Jessel dans Wheeler v. Le Marchant (1881), 17 Ch. 675 (C.A.), qui y a fait remarquer (même s'il s'agissait d'une affaire concernant le privilège du secret professionnel de l'avocat), à la p. 681:

[traduction] Il existe un grand nombre de communications qui, bien qu'elles soient absolument nécessaires parce que, sans elles, la vie ne peut suivre son cours ordinaire, ne sont toujours pas privilégiées [. . .] Les communications faites à un prêtre dans le confessionnal sur des questions qui sont sans doute considérées par la personne qui se confesse comme plus importantes que sa vie ou sa fortune, ne sont pas protégées.

En fait, il existe des exemples où un membre du clergé a apparemment été emprisonné parce qu'il a refusé de témoigner: voir R. v. Hay (1860), 2 F. & F. 4, 175 E.R. 933, aux pp. 9 et 936, respectivement.

Dans l'ensemble, ni l'histoire ni la jurisprudence ne semblent appuyer l'existence d'un privilège générique relatif aux communications religieuses en common law en Angleterre.

III Développements récents au Canada et dans d'autres pays

Actuellement, deux provinces canadiennes, le Québec et Terre‑Neuve, reconnaissent dans leur loi un privilège relatif aux communications entre une autorité religieuse et un individu: Charte des droits et libertés de la personne du Québec, L.R.Q., ch. C‑12, art. 9; Evidence Act, R.S.N. 1970, ch. 115, art. 6. Voir également Gill v. Bouchard (1896), 5 B.R. 138, et Ouellet v. Sicotte (1896), 9 C.S. 463. Par ailleurs, la jurisprudence canadienne est presque silencieuse sur le sujet. Les arrêts Re Church of Scientology and The Queen (No. 6), précité, et R. v. Medina, (C.S. Ont., 17 octobre 1988, inédit) sont les seuls, que j'ai pu trouver, qui traitent directement de la question.

Bien que plusieurs organismes canadiens de réforme du droit aient examiné les questions du privilège relatif aux communications entre ministre du culte et fidèle, peu se sont montrés désireux d'élargir les privilèges qui existent actuellement et qui exigent l'exclusion des éléments de preuve de communications entre un individu et une autorité religieuse. (Voir Rapport du groupe de travail fédéral‑provincial sur l'uniformisation des règles de preuve (1983), pp. 465 à 472; Commission de réforme du droit de l'Ontario, Report on the Law of Evidence (1976), aux pp. 145 et 146; Ontario, Royal Commission Inquiry into Civil Rights (le rapport McRuer) (1968), vol. 2, aux pp. 820 et 821; Commission de réforme du droit du Canada, Rapport sur la preuve (1975), aux pp. 32 à 37 et aux pp. 87 à 95 (voir document préliminaire no 12, La preuve: Le secret professionnel devant les tribunaux (1975)). Le Rapport sur la preuve, précité, de la Commission de réforme du droit du Canada est peut être le plus favorable à la création de nouveaux privilèges. Le nouveau Code fédéral de la preuve, rédigé par la Commission, aurait permis l'exclusion d'éléments de preuve tirés de communications faites à titre confidentiel aux membres de professions libérales dans l'exercice de leurs fonctions, si "la sauvegarde du droit à l'intimité l'emporte sur l'intérêt de l'administration de la justice": voir aux pp. 32 à 37 et 82 à 95, et le document préliminaire no 12, La preuve: Le secret professionnel devant les tribunaux, précité, qui endosse le droit au secret des membres du clergé (à la p. 19).

En fait, au Canada, la tendance générale est de limiter la reconnaissance des privilèges en faveur de la recherche de la vérité dans le processus judiciaire. Les arrêts récents de notre Cour ainsi que certains commentaires le soulignent; voir Cotton, "Is there a Qualified Privilege at Common Law for Non‑Traditional Classes of Confidential Communications? Maybe" (1990), 12 Advocates' Q. 195; Sim, "Privilege and Confidentiality: The Impact of Slavutych v. Baker on the Canadian Law of Evidence" (1984‑85), 5 Advocates' Q. 357; McLachlin (maintenant juge de notre Cour), "Confidential Communications and the Law of Privilege" (1977), 2 U.B.C. L. Rev. 266; Moysa c. Alberta (Labour Relations Board), [1989] 1 R.C.S. 1572; R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577.

Entre‑temps, le privilège s'est répandu dans plusieurs autres pays. La position anglaise n'a pas changé depuis l'arrêt Wheeler v. Le Marchant (voir Halsbury's Laws of England, vol. 11(2), par. 1163, à la note 5). Par ailleurs, la position irlandaise paraît reconnaître le privilège: Cook v. Carroll, [1945] Ir. R. 515 (H.C.); In re Keller (1887), 22 L.R.I. 158; Tannian v. Synnott (1903), 37 I.L.T. & Sol. J. 275. Voir également Lindsay, "Privileged Communications Part I: Communications with Spiritual Advisors" (1959), 13 N. Ir. L.Q. 160.

En Australie, trois États ont adopté des lois qui reconnaissent le privilège: Tasmanie (Evidence Act, 1910, par. 96(1)), Victoria (Evidence Act, 1958, no 6246, art. 28) et Nouvelle‑Galles du Sud (Evidence (Religious Confessions) Amendment Act, 1989). Voir R. v. Lynch, [1954] Tas. S.R. 47 (C.S.). Il existe également des dispositions législatives qui protègent ces communications en Nouvelle‑Zélande: Evidence Amendment Act (No. 2) 1980, art. 31. Voir R. v. Howse, précité.

Chacun des 50 États américains a maintenant une loi qui traite du privilège relatif aux communications religieuses (le professeur Mitchell, précité, à la p. 734, note 56, énumère la plupart de ces dispositions). Les cours d'appel ont eu de nombreuses occasions d'interpréter ces lois; pour un exemple récent, voir People v. Edwards, 248 Cal.Rptr. 53 (Cal.App. 1 Dist. 1988), cert. refusé 109 S.Ct. 1158 (1989). De plus, les règles de preuve fédérales ont permis qu'il soit tenu compte du privilège dans certaines décisions fédérales: voir Mullen v. U.S., 263 F.2d 275 (1959). Pour une analyse de ces lois, voir Plantamura, "The Clergyman‑Penitent Privilege", dans Stone et Liebman, éd., Testimonial Privileges (1983), p. 359.

En ce qui a trait à la Constitution américaine, Campbell, dans son article "Catholic Sisters, Irregularly Ordained Women and The Clergy‑Penitent Privilege" (1976), 9 U.C. Davis L. Rev. 523, fait remarquer à la p. 525:

[traduction] L'amendement crée une tension inhérente: protéger le libre exercice de la religion revient souvent à aider à l'établir. Cette tension se reflète dans le privilège relatif aux communications entre membre du clergé et fidèle: le fait d'accorder le privilège aide à l'établissement de la religion par la protection des communications faites aux membres du clergé; le fait de refuser le privilège empêche le libre exercice de la religion par l'obligation de violer le droit ecclésiastique de certaines congrégations.

Voir également Stoyles, "The Dilemma of the Constitutionality of the Priest‑Penitent Privilege — The Application of the Religion Clauses" (1967), 29 U. Pitt. L. Rev. 27; Mitchell, précité, aux pp. 777 à 785; Cole, précité, aux pp. 35 à 50.

L'appelante soutient que ces dispositions législatives et cette jurisprudence constituent une preuve convaincante que la common law devrait reconnaître le privilège. Cependant, on peut également soutenir que ce ne sont pas les tribunaux mais les assemblées législatives qui devraient être les organismes chargés d'adopter un tel privilège. Les dispositions législatives laissent toutefois entendre que l'intérêt public dans diverses juridictions a été favorisé par la reconnaissance d'un privilège relatif aux communications religieuses confidentielles. Ce facteur est également important pour évaluer le test pertinent pour reconnaître une catégorie particulière de privilège.

IV Résumé

Compte tenu de ces considérations de principe et d'ordre politique, constitutionnel et historique ainsi que de la jurisprudence et des dispositions législatives examinées précédemment, notre Cour devrait‑elle reconnaître une catégorie particulière de privilèges en matière de communications religieuses? Bien que le Parlement ou les législatures provinciales soient libres d'adopter des dispositions législatives créant un tel privilège, autres que celles qui existent déjà au Québec et à Terre‑Neuve, j'estime que tout être humain a besoin d'un conseiller spirituel, besoin qui, dans un système de liberté de religion et de liberté de pensée et de croyance, doit être reconnu. Tout en servant un certain nombre d'autres intérêts publics, les valeurs que représente pour la société [traduction] "le besoin humain de divulguer à un conseiller spirituel, avec une confiance totale et absolue, des actes ou des pensées qu'on croirait fautifs et de recevoir en retour réconfort et conseils de la part du prêtre", selon les termes du juge en chef Berger dans l'arrêt Trammel v. United States, précité, à la p. 51, doivent avoir préséance sur la politique de recherche de la vérité.

V La position de Wigmore et les communications religieuses

Bien que la catégorie du privilège relatif aux communications entre ministre du culte et fidèle n'ait pas été reconnue précisément comme telle dans la common law, elle n'a pas été découragée dans la mesure où la communication s'inscrivait dans le cadre du test général de Wigmore, un test qui s'applique à toutes les catégories de privilège. Les tribunaux, y compris notre Cour, ont eu tendance à considérer que ce test ne s'appliquait que cas par cas: voir Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254, aux pp. 260 et 261; Solliciteur général du Canada c. Commission royale d'enquête (Dossiers de santé en Ontario), [1981] 2 R.C.S. 494, le juge en chef Laskin dissident à la p. 512.

Le Juge en chef propose que le test de Wigmore continue d'être utilisé comme méthode générale pour déterminer si certaines communications religieuses devraient être admises en preuve ou jugées irrecevables en raison d'un privilège. À ce stade, il est utile de rappeler les conditions énoncées par Wigmore (par. 2285) pour déterminer si telle communication devrait être considérée comme privilégiée:

[traduction] (1) Les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées.

(2) Le caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties.

(3) Les rapports doivent être de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment.

(4) Le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications doit être plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision. [En italique dans l'original.]

Il est intéressant, toutefois, de souligner que le doyen Wigmore lui‑même a initialement formulé ces quatre conditions du privilège pour évaluer le genre de rapports qui donneraient lieu à une nouvelle catégorie de privilège. En fait, en utilisant sa propre méthode à quatre volets, Wigmore a conclu que [traduction] "le privilège [du ministre du culte] possède des fondements suffisants pour être reconnu"; Wigmore, précité, à la p. 878. L'évaluation des intérêts de la société dans le maintien des rapports confidentiels (par l'évaluation de la possibilité de préjudice) et de la fonction de recherche de la vérité du système judiciaire que Wigmore propose, a été examinée précédemment. Une approche ad hoc du privilège peut éclipser l'intérêt à long terme que la reconnaissance d'un privilège de nature religieuse cherche à préserver. Comme le professeur Mitchell, précité, l'a écrit aux pp. 767 et 768:

[traduction] Bien que Wigmore ait expressément envisagé l'évaluation des intérêts, il n'a pas envisagé de soupeser les intérêts qu'ont les membres du clergé et les fidèles dans le caractère confidentiel par rapport aux intérêts précis qu'ont les parties dans l'issue de leur litige. Il a plutôt envisagé de soupeser l'intérêt qu'a la société dans les rapports entre les membres du clergé et les fidèles d'une manière générale, et l'intérêt qu'a la société dans l'obtention de renseignements complets dans chaque litige. Apparemment, Wigmore avait également à l'esprit une seule évaluation définitive qui permettrait de déterminer si, à long terme, la société profiterait plus de la non‑divulgation que de la divulgation. Dans l'affirmative, le privilège devrait être reconnu; sinon, il ne devrait pas y avoir de privilège. Wigmore ne préconisait pas les décisions judiciaires ad hoc par suite de chaque demande particulière de privilège. Cette position du tout ou rien a été critiquée par certaines personnes qui préfèrent une évaluation mieux adaptée aux circonstances [. . .] Toutefois, un danger de l'approche ad hoc des privilèges est sa tendance à mettre l'accent sur le besoin manifeste d'éléments de preuve dans un cas en particulier et à négliger des intérêts à long terme moins évidents. Même dans le cas d'une évaluation adaptée aux circonstances, la personne qui évalue doit tenir compte des effets à long terme de la divulgation sur la pratique de la religion et des avantages que la société tire des contributions du clergé à la santé de nombreux citoyens. [Je souligne à la fin.]

À mon avis, il est plus conforme à la philosophie sous‑jacente mentionnée précédemment, à l'esprit de la Charte et à l'objectif d'assurer le caractère certain du droit, de reconnaître une catégorie de privilèges relatifs aux communications entre ministre du culte et fidèle dans notre pays. Si notre société désire véritablement encourager la création et l'amélioration des rapports spirituels, les individus doivent avoir un certain degré de confiance que leurs confessions religieuses, faites de manière confidentielle et en vue d'obtenir un bienfait spirituel, ne seront pas divulguées. Ne sachant pas d'avance si sa confession sera protégée, un fidèle peut ne pas se confesser ou bien ne pas le faire aussi librement qu'il l'aurait fait autrement. Ceci entraînera des conséquences sur le nombre de confessions et sur leur qualité; voir Mitchell à la p. 763. Il est aussi possible que les rapports spéciaux entre membres du clergé et fidèles ne se développent pas et que cela ait pour effet de jeter une douche froide sur les rapports spirituels dans notre société. Dans ce cas, la justification rationnelle même du privilège relatif aux communications entre ministre de culte et fidèle peut être annihilée. L'absence d'une catégorie reconnue de privilège a également des ramifications en ce qui a trait à la liberté de religion. Le souci quant au caractère de certitude s'applique autant à l'épanouissement de religions précises qu'aux pratiques spirituelles en général.

Évidemment, cela ne veut pas dire que chaque communication entre un ministre du culte et un fidèle sera protégée. La création d'une telle catégorie souligne simplement que notre société reconnaît que ces rapports doivent être favorisés et que la divulgation de ces communications fera généralement plus de mal que de bien. Par conséquent, pareils rapports entre ministre du culte et fidèle répondent aux troisième et quatrième volets du test de Wigmore. Toutefois, dans chaque cas, la nature précise de ces rapports doit être examinée pour voir s'ils entrent bien dans cette catégorie. Qui plus est, la portée du privilège sera toujours déterminée conformément aux premier et deuxième volets du test de Wigmore.

VI Application générale du privilège

Dans l'analyse d'une demande de privilège relatif aux communications religieuses, il va pratiquement de soi que les faits et les circonstances de chaque cas sont d'une importance primordiale.

Premièrement, il convient de vérifier si les communications s'inscrivent réellement dans la catégorie des communications entre ministre de culte et fidèle. Si les communications ne sont pas destinées à être de nature religieuse ou spirituelle, alors les considérations de principe mentionnées précédemment ne s'appliqueront pas. Dans l'arrêt R. v. Medina, précité, le juge Campbell a examiné soigneusement une demande de privilège visant les communications entre une autorité religieuse et un individu qui tentait de s'enfuir des lieux du crime et qui a, par la suite, été accusé de meurtre. Il a énoncé les critères suivants pour évaluer le caractère confidentiel de la communication:

[traduction] (1) La communication comporte‑t‑elle un aspect quelconque de croyance religieuse, de culte ou de pratique?

(2) L'aspect religieux constitue‑t‑il la caractéristique dominante ou le but principal de la communication?

(3) Même si l'aspect religieux ne constitue pas le but principal, quelle importance a‑t‑il? La communication aurait‑elle eu lieu sans l'aspect religieux? . . .

(4) L'aspect religieux de la communication est‑il sincère ou trompeur? Équivaut‑il à une manifestation sincère de la croyance religieuse, du culte ou de la pratique?

Les réponses à ces questions sont utiles pour déterminer si les communications sont de nature religieuse ou spirituelle et, à ce titre, si les valeurs protégées et encouragées par le privilège seraient réellement favorisées.

Si la communication respecte ce premier critère, elle doit encore être examinée pour voir si elle satisfait aux autres aspects du test de Wigmore.

Le premier de ces deux aspects veut que les communications religieuses soient faites dans l'espoir qu'elles ne seront pas divulguées. Il est clair que l'exigence du caractère confidentiel sert à souligner que seules les communications privées peuvent faire l'objet d'un privilège. Cette analyse protège les valeurs utilitaires et relatives à la protection de la vie privée. L'analyse de cette question en est une de faits, compte tenu de toutes les circonstances. En particulier, les personnes visées et l'endroit où les communications ont lieu sont pertinents. De plus, les attentes des personnes visées peuvent être évaluées au moyen de témoignages lorsque c'est possible et par un certain examen des pratiques du groupe religieux visé. Toutefois, il convient d'éviter une application trop rigide de la pratique du groupe religieux dans cette évaluation. Chambers et McInnis, précité, font remarquer, à la p. 186:

[traduction] Il ne serait pas conforme aux attentes qu'une communication reçue par un membre du clergé d'une manière confidentielle ne bénéficie d'un privilège que si les règles régissant sa conduite exigeaient le respect du secret.

Cette position est renforcée par le renvoi à l'art. 27 de la Charte qui prescrit une interprétation de la Charte compatible avec le patrimoine multiculturel des Canadiens. L'exigence ou l'existence possible de communications confidentielles, telle la confession, ne sera pas déterminante quant à la reconnaissance possible du privilège bien qu'elle puisse être pertinente. Par conséquent, je ne suis pas d'avis d'accorder aux communications "faites sous le secret de la confession" un "privilège spécial" qui aille au‑delà de l'application des principes définis en l'espèce (voir Ryan, "Obligation of the Clergy not to Reveal Confidential Information" (1991), 73 C.R. (3d) 217, à la p. 218).

Le deuxième élément du test de Wigmore, selon lequel le caractère confidentiel est essentiel au maintien complet des rapports, met en relief l'application étroite du privilège. Les intérêts en matière de protection de la vie privée qu'ont l'autorité religieuse et la personne visée, joints à l'avantage que procure à la société le caractère confidentiel des rapports, ne seront pas suffisants pour satisfaire, dans chaque cas, au deuxième élément du test. L'examen de cette question comportera, notamment, un examen de la nature des rapports particuliers dont il est question et de la nature des rapports entre un membre du clergé et un individu de manière générale.

Dans ce contexte, la pratique ou la procédure utilisée pour communiquer et, sans doute, le fait même de la communication de nature confidentielle devront être examinés. L'arrêt Slavutych, précité, nous fournit un exemple de ce genre d'analyse. Les rapports visés par le privilège sont ceux dans lesquels la personne communique avec une autorité religieuse dans l'intention d'obtenir un réconfort spirituel ou religieux, un conseil ou l'absolution. Par exemple, les communications faites dans le but d'échapper au système de justice criminelle (voir R. v. Medina, précité) ne seront pas visées par le privilège car le fait d'obtenir l'aide d'une personne, encore moins celle d'une autorité religieuse, pour échapper à la justice ne constitue pas le genre de rapports que la société cherche à favoriser et, par conséquent, elles ne peuvent être visées par le privilège relatif aux communications entre ministre du culte et fidèle.

Finalement, il faut reconnaître que plusieurs autres questions complexes peuvent se soulever à l'occasion d'une demande de privilège relatif à des communications religieuses, dont: Qui peut demander le privilège? Le privilège vise‑t‑il les communications écrites de même que les communications orales? Quel est l'effet d'une renonciation par le confident? L'autorité religieuse a‑t‑elle, dans les communications privilégiées, un intérêt indépendant protégé par la loi et, le cas échéant, dans quelle mesure? Dans quelles circonstances un privilège peut‑il être demandé? (Voir Re Church of Scientology and The Queen (No. 6), précité, qui a appliqué l'arrêt Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860). Ces questions peuvent éventuellement faire l'objet d'un examen par les tribunaux en regard des principes énoncés précédemment, mais il n'y a pas lieu de les trancher ici car elles n'ont pas été soulevées.

VII Application aux faits de l'espèce

En l'espèce, le juge Krindle a admis le témoignage rendu à l'enquête préliminaire par le pasteur Harmony Thiessen et Mme Janine Frovich. La Cour d'appel s'est ralliée à l'opinion du juge du procès en rejetant l'appel. Après avoir examiné l'effet de la Charte et de la jurisprudence, le juge Twaddle a appliqué les quatre volets du test de Wigmore de la manière suivante, aux pp. 299 et 300:

[traduction] Quant à la question du caractère confidentiel, je suis d'avis qu'on n'a satisfait à aucune des quatre conditions de Wigmore. Il se peut bien que le pasteur et la conseillère aient toutes les deux cru que leurs rapports avec l'accusée Gruenke étaient de nature confidentielle, mais il n'y a aucune preuve que l'accusée Gruenke leur a fait ses aveux confidentiellement avec l'assurance qu'ils ne seraient pas divulgués. Le pasteur et la conseillère peuvent être décrites comme des amies bienveillantes qui ont offert un soutien émotionnel et un réconfort spirituel. Même si le caractère confidentiel pouvait être un aspect souhaitable de ces rapports, je ne crois pas qu'il était essentiel de la même manière qu'il l'était pour les rapports entre le prêtre et ses paroissiens dans l'arrêt Cook v. Carroll, précité. De quelque manière que puissent être désignés les rapports qui existaient entre Gruenke et les membres de l'Église, d'après les faits de l'espèce, ce ne sont pas des rapports qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment. L'intérêt public dans l'entretien des rapports n'est pas important au point d'exiger l'exclusion de déclarations normalement admissibles de Gruenke à titre d'éléments de preuve dans une accusation de meurtre au premier degré.

L'avocat de l'appelante soutient que les communications étaient de nature religieuse ou spirituelle, particulièrement si l'on considère que l'appelante est allée à l'église du pasteur et a assisté à plusieurs sessions d'assistance socio‑psychologique avec Mme Frovich. L'extrait de la preuve que cite le Juge en chef révèle que l'appelante a fait les communications en question pour déterminer si [traduction] ". . . une personne qui avait commis un meurtre pouvait être pardonnée par Dieu . . ." Cet extrait est de nature à appuyer la prétention de l'appelante selon laquelle les communications ont été faites, du moins en partie, à des fins spirituelles ou religieuses.

Toutefois, je partage l'opinion du Juge en chef que, dans les circonstances de l'espèce, les communications n'ont pas été faites confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. Bien que les personnes visées aient effectivement parlé en privé, il n'y a aucune preuve que l'appelante croyait ou avait des raisons de croire que les conversations seraient entièrement confidentielles. Il est évident qu'elle avait des remords et qu'elle cherchait un réconfort et des conseils auprès de ses autorités religieuses. Toutefois, il ne ressort pas de la preuve qu'elle s'attendait au secret complet. Plutôt, le témoignage laisse entendre que l'appelante elle‑même était prête à divulguer tous les renseignements le lendemain et voulait faire part de ses intentions à celui qui, par la suite, devait être son coaccusé, M. Fosty.

À ce stade, je tiens à réitérer que l'absence de pratique de confession des péchés dans une Église donnée n'est pas, à mon avis déterminante quant au caractère confidentiel de la communication. De toute façon, je souscris à l'opinion du Juge en chef selon laquelle la preuve en l'espèce n'entraîne pas l'application du privilège relatif aux communications religieuses, bien qu'on puisse soutenir que la communication a été faite à des fins religieuses ou spirituelles.

D'accord avec le Juge en chef en ce qui a trait aux autres moyens d'appel, je suis d'avis de statuer sur le présent pourvoi comme il le suggère.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l'appelante: Allan S. Manson, Kingston.

Procureur de l'intimée: Le procureur général du Manitoba, Winnipeg.


Synthèse
Référence neutre : [1991] 3 R.C.S. 263 ?
Date de la décision : 24/10/1991
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Preuve - Privilège - Communications religieuses - Membre d'une Église accusée de meurtre - Utilisation en preuve des communications entre un pasteur et un membre de l'Église au sujet de son implication dans un meurtre - L'avocat a eu la possibilité de soulever un point en l'absence du jury - Les communications sont‑elles protégées par un privilège de common law? - Subsidiairement, les communications sont‑elles des communications confidentielles protégées et donc inadmissibles aux termes de la common law et de l'art. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés? - L'absence de voir‑dire formel a‑t‑elle empêché la tenue d'un procès équitable? - L'exposé au jury était‑il de nature à empêcher la tenue d'un procès équitable? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 2a).

Le présent pourvoi contre une déclaration de culpabilité de meurtre au premier degré porte sur l'admissibilité des témoignages d'un pasteur et d'une conseillère laïque d'une Église chrétienne fondamentaliste, concernant des communications qui leur ont été faites par l'appelante sur son implication dans le crime. La théorie du ministère public était que l'appelante avait demandé l'aide de son ami pour planifier et commettre le meurtre qu'elle a commis pour mettre fin au harcèlement sexuel de la victime à son égard et pour bénéficier des dispositions du testament de celle‑ci. Les témoignages du pasteur de l'appelante et de la conseillère laïque, qui appuient directement la théorie du ministère public, ont été jugés recevables au procès. Les communications entre l'appelante, le pasteur et la conseillère laïque ont eu lieu lorsque la conseillère laïque, après avoir appris le décès de la victime deux jours plus tôt, a rendu visite à l'appelante. Après que l'appelante eut commencé à parler de son implication dans le meurtre, le pasteur a été appelé et la conversation s'est poursuivie.

L'appelante et son coaccusé ont sans succès interjeté appel de leur déclarations de culpabilité à la Cour d'appel du Manitoba. L'appelante a obtenu l'autorisation de se pourvoir devant notre Cour; le coaccusé n'a pas formé de pourvoi devant nous.

Il s'agit, en l'espèce, de savoir si les communications sont protégées par un privilège de common law ou, subsidiairement, si ce sont des communications confidentielles protégées qui sont donc inadmissibles aux termes de la common law et de l'al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Les autres questions se rapportent à l'absence de voir‑dire et à l'équité de l'exposé du juge du procès au jury.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Cory, McLachlin, Stevenson et Iacobucci: Le fait que les tribunaux anglais et canadiens n'ont pas, en pratique, obligé les membres du clergé à divulguer des communications religieuses confidentielles ne répond pas à la question de savoir s'il existe un privilège juridique de common law en ce qui a trait aux communications religieuses. L'existence d'un privilège légal limité en matière religieuse dans certains ressorts n'indique pas l'existence d'un privilège de common law; elle indique plutôt que la common law ne protégeait pas les communications religieuses et que, par conséquent, il était nécessaire d'avoir une protection légale.

La question de savoir s'il existe un privilège prima facie en ce qui a trait aux communications religieuses est essentiellement une question de principe. À titre de principe général, tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles. Les raisons de principe qui justifient l'existence d'un privilège générique en matière de communications religieuses doivent être aussi sérieuses que les raisons qui sous‑tendent le privilège générique en matière de communications entre l'avocat et son client: les rapports et les communications entre l'avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique. Pareilles communications sont inextricablement liées au système qui veut que la communication soit divulguée. Les communications religieuses, nonobstant leur importance sociale, ne sont pas inextricablement liées de cette manière au système de justice.

Bien que la valeur de la liberté de religion, consacrée à l'al. 2a), soit importante dans certains cas, cette valeur ne doit pas nécessairement être reconnue sous la forme d'un privilège prima facie pour que la garantie prévue par la Charte s'applique pleinement. La mesure (le cas échéant) dans laquelle la divulgation des communications portera atteinte à la liberté de religion d'une personne dépendra des circonstances particulières en cause. Les facteurs pertinents comprennent la nature de la communication, l'objet de celle‑ci, la manière dont elle a été faite et les parties à celle‑ci.

Le critère de Wigmore, qui s'applique pour déterminer si une communication est privilégiée, exige: (1) que les communications aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées, (2) que le caractère confidentiel soit un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties, (3) que les rapports soient de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, et (4) que le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications soit plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision. Ce critère est conforme à une façon, fondée sur des principes, d'aborder la question qui tient compte, à bon droit, des circonstances particulières de chaque cas. Ces critères ne sont pas gravés dans la pierre et ne constituent qu'un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour. Ils n'empêchent pas l'identification d'une nouvelle catégorie fondée sur des principes.

Une analyse de chaque cas permet aux tribunaux de déterminer si, dans les circonstances particulières, la liberté de religion d'une personne sera compromise par l'admission de la preuve. Cette analyse doit commencer par l'adoption d'un point de vue "non confessionnel". Le fait que les communications n'ont pas été faites à un prêtre ou à un pasteur ordonné ou qu'elles ne constituaient pas une confession formelle n'écartera pas la possibilité de les exclure. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et le critère de Wigmore doit être appliqué d'une manière qui tient compte du patrimoine multiculturel du Canada. Ce sera plus important aux deuxième et troisième étapes de l'examen relatif au critère de Wigmore. Une telle façon de procéder selon les circonstances de chaque cas aura pour effet d'éviter le problème de la "compartimentation".

Les communications visées en l'espèce ont été admises à bon droit. Elles ne satisfont même pas à la première condition, c'est‑à‑dire, qu'elles aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. L'expectative de caractère confidentiel est absolument cruciale pour que les communications puissent être qualifiées de "privilégiées" car, sans celle‑ci, le privilège n'a pas de raison d'être.

Les déclarations et le comportement des parties relativement à la communication — et non l'absence d'une pratique formelle de "confession" dans l'Église de l'appelante — indiquent qu'elles avaient été faites davantage pour soulager l'appelante de son stress émotionnel qu'à des fins religieuses ou spirituelles. Bien que l'existence d'une pratique formelle de "confession" puisse bien indiquer fortement que les parties s'attendaient à ce que la communication soit confidentielle, l'absence d'une telle pratique formelle n'est pas, en soi, déterminante.

L'appelante n'a pas été privée d'un procès équitable par suite de l'omission du juge du procès de tenir un voir‑dire formel et de sa décision de statuer sur la requête de la défense en fonction des arguments et des témoignages présentés à l'enquête préliminaire. Même si une question de privilège soulevée dans un procès peut être mieux tranchée dans le cadre d'un voir‑dire, l'omission de suivre cette procédure ne rend pas nécessairement le procès inéquitable. Le juge du procès en l'espèce a essentiellement tenu un voir‑dire de façon informelle, en l'absence du jury, car les avocats ont eu l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments relativement à la requête de la défense visant à exclure la preuve. Bien que le juge du procès ait la responsabilité ultime de trancher les questions de recevabilité, il n'est pas tenu de faire plus que d'accorder à l'avocat une occasion raisonnable de présenter sa preuve et d'avancer des arguments sur ces questions avant de rendre une décision.

L'exposé au jury était complet et équitable. L'exposé n'a pas été rendu inéquitable parce que le juge du procès a omis de rappeler au jury que l'explication du coaccusé, selon laquelle il protégeait l'appelante, pouvait être prise en compte relativement à celle‑ci, même si elle ne pouvait pas (à cause de la force excessive) constituer pour lui‑même un moyen de défense aux termes de l'art. 37 du Code. Le verdict n'aurait pas été différent même si on avait rappelé ce point au jury. Dès que les communications en question avaient été soumises à l'appréciation du jury, une déclaration de culpabilité de meurtre au premier degré devenait inévitable.

Les juges L'Heureux‑Dubé et Gonthier: L'un des principaux objectifs du système accusatoire est la recherche de la vérité et toute preuve pertinente est, en conséquence, présumée recevable. Les exceptions prévues par la loi et la common law excluent les éléments de preuve qui ne sont ni pertinents, ni fiables, qui sont susceptibles d'avoir été fabriqués ou qui rendraient le procès inéquitable, ou même ceux qui sont probants et fiables, pour répondre à une préoccupation sociale prépondérante ou encore aux fins d'une politique judiciaire. Les catégories de communication privilégiées sont très limitées.

La question de savoir si un privilège devrait être reconnu en matière de communications religieuses confidentielles en est une de principe. Plusieurs raisonnements à l'appui d'un tel privilège ont été présentés.

Le premier est fondé sur le caractère utilitaire. Le caractère confidentiel en matière religieuse a une importance vitale non seulement pour le maintien des organismes religieux, mais également pour leurs membres. En l'absence de celui‑ci, un individu ne serait pas porté à se confier à ses autorités religieuses. Sa valeur constitue à l'égard de la société la valeur de la religion et des organismes religieux d'une manière générale. Deuxièmement, la garantie de liberté de religion reconnue dans la Charte indique qu'un privilège légal relatif aux communications religieuses confidentielles est à la mesure des valeurs canadiennes. Le troisième raisonnement a trait à la protection de la vie privée parce qu'il met l'accent sur l'avantage qu'en retire le particulier et non pas l'ensemble de la société. L'élément religieux dans les rapports entre ministre du culte et fidèle favorise les valeurs spéciales caractéristiques de la protection de la vie privée et fait en sorte que le raisonnement fondé sur la protection de la vie privée constitue une justification possible de la reconnaissance du privilège. De même, il serait peu réaliste, voire futile de tenter d'obliger les membres du clergé à témoigner parce que, le plus souvent, les membres du clergé refuseraient. Obliger un membre du clergé à divulguer des communications confidentielles ou l'accuser d'outrage au tribunal serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. En fait, l'admission de tels témoignages a été comparée à l'admission de confessions faites sous la contrainte à des policiers.

Dans l'ensemble, ni l'histoire ni la jurisprudence ne semblent appuyer l'existence d'un privilège générique relatif aux communications religieuses en common law en Angleterre. Toutefois, certaines provinces canadiennes ont adopté des lois à ce sujet.

Tout être humain a besoin d'un conseiller spirituel et, dans un système de liberté de religion et de liberté de pensée et de croyance, ce besoin doit être reconnu. Tout en servant un certain nombre d'autres intérêts publics, la valeur que représente pour la société la divulgation à un conseiller spirituel et les conseils obtenus auprès de celui‑ci, avec une confiance totale et absolue, doit avoir préséance sur la politique de recherche de la vérité. Une approche ad hoc peut éclipser l'intérêt à long terme que sert la reconnaissance du privilège étant donné que les rapports de confiance entre ministre du culte et fidèle sont susceptibles de ne pas se développer en l'absence d'une assurance que les communications seront protégées. Ce ne sont pas toutes les communications religieuses qui seront protégées. La création d'une catégorie souligne simplement que notre société reconnaît que les rapports devraient être favorisés et que la divulgation de communications fera généralement plus de mal que de bien.

Premièrement, il convient de vérifier si les communications s'inscrivent réellement dans la catégorie des communications entre ministre du culte et fidèle. Les communications doivent être destinées à être d'une nature religieuse ou spirituelle. Il convient alors de se demander (1) si la communication comporte un aspect quelconque de croyance religieuse, de culte ou de pratique, (2) si l'aspect religieux constitue la caractéristique dominante ou le but principal de la communication, (3) si la communication aurait eu lieu sans l'aspect religieux, et (4) si l'aspect religieux de la communication équivaut à une manifestation sincère de la croyance religieuse, du culte ou de la pratique, ou s'il est trompeur. La communication doit également satisfaire aux deux premiers éléments du critère de Wigmore: (1) les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées; (2) le caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties. La reconnaissance de la catégorie des communications entre ministre du culte et fidèle répond aux derniers éléments du critère de Wigmore.

L'exigence du caractère confidentiel souligne que seules les communications privées peuvent faire l'objet d'un privilège. L'analyse de cette question en est une de fait, compte tenu de toutes les circonstances. Il convient d'éviter une application trop rigide de la pratique du groupe religieux. L'exigence ou l'existence possible de communications confidentielles, telle la confession, ne sera pas déterminante quant à la reconnaissance possible du privilège bien qu'elle puisse être pertinente. Par conséquent, les communications "faites sous le secret de la confession" ne devraient pas faire l'objet d'un "privilège spécial" allant au‑delà de l'application des principes définis en l'espèce. L'absence d'une pratique de confession des péchés dans une Église donnée n'est pas déterminante quant au caractère confidentiel de la communication.

L'application du privilège est restreinte par l'exigence que le caractère confidentiel soit essentiel au maintien complet des rapports. Les intérêts en matière de protection de la vie privée qu'ont l'autorité religieuse et la personne visée, joints à l'avantage que procure à la société le caractère confidentiel des rapports, ne seront pas suffisants pour satisfaire, dans chaque cas, au deuxième élément du test. L'examen de cette question comportera, notamment, un examen de la nature des rapports particuliers dont il est question et de la nature des rapports entre un membre du clergé et un individu de manière générale. Les rapports visés par le privilège sont ceux dans lesquels la personne communique avec une autorité religieuse dans l'intention d'obtenir un réconfort spirituel ou religieux, un conseil ou l'absolution.

En l'espèce, les communications n'ont pas été faites confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. Bien que les personnes visées aient effectivement parlé en privé, il n'y a aucune preuve que l'appelante croyait ou avait des raisons de croire que les conversations seraient entièrement confidentielles. L'appelante avait des remords et cherchait un réconfort et des conseils auprès de ses autorités religieuses. Il ne ressort pas de la preuve qu'elle s'attendait au secret complet; elle laisse plutôt entendre que l'appelante elle‑même était prête à divulguer tous les renseignements le lendemain et qu'elle voulait faire part de ses intentions à son coaccusé.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Gruenke

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge en chef Lamer
Arrêt examiné: Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449
arrêts mentionnés: Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254
Cook v. Carroll, [1945] Ir. R. 515
Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353
Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821
R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295.
Citée par le juge L'Heureux‑Dubé
Arrêts mentionnés: Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821
R. v. Snider, [1954] R.C.S. 479
Trammel v. United States, 445 U.S. 40 (1980)
University of Pennsylvania v. Equal Employment Opportunity Commission, 110 S.Ct. 577 (1990)
John Fairfax & Sons Ltd. v. Cojuangco (1988), 165 C.L.R. 346
McGuinness v. Attorney‑General of Victoria (1940), 63 C.L.R. 73
R. v. Howse, [1983] N.Z.L.R. 246
Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449
SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573
Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158
Broad v. Pitt (1828), 3 Car. & P. 518, 172 E.R. 528
Garnet's Trial (1606), 2 How. St. Tr. 218
Wheeler v. Le Marchant (1881), 17 Ch. 675
R. v. Hay (1860), 2 F. & F. 4, 175 E.R. 933
Gill v. Bouchard (1896), 5 B.R. 138
Ouellet v. Sicotte (1896), 9 C.S. 463
R. v. Medina, (C.S. Ont., 17 octobre 1988, inédit)
Moysa c. Alberta (Labour Relations Board), [1989] 1 R.C.S. 1572
R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577
Cook v. Carroll, [1945] Ir. R. 515
In re Keller (1887), 22 L.R.I. 158
Tannian v. Synnott (1903), 37 I.L.T. & Sol. J. 275
R. v. Lynch, [1954] Tas. S.R. 47
People v. Edwards, 248 Cal.Rptr. 53 (1988), cert. refusé 109 S.Ct. 1158 (1989)
Mullen v. U.S., 263 F.2d 275 (1959)
Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254
Solliciteur général du Canada v. Commission royale d'enquête (Dossiers de santé en Ontario), [1981] 2 R.C.S. 494
Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860.
Lois et règlements cités
Articuli Cleri, 9 Éd. 2, ch. 10 (Angl. 1315).
Charte canadienne des droits et libertés, préambule, art. 2a), b), 27.
Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C‑12, art. 9.
Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 37.
Evidence Act, R.S.N. 1970, ch. 115, art. 6.
Evidence Act (Tasmanie), 1910, art. 96(1).
Evidence Act (Victoria), 1958, no 6246, art. 28.
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Doctrine citée
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Proposition de citation de la décision: R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263 (24 octobre 1991)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1991-10-24;.1991..3.r.c.s..263 ?
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