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07/11/1991 | CANADA | N°[1991]_3_R.C.S._349

Canada | Leiriao c. Val-Bélair (Ville), [1991] 3 R.C.S. 349 (7 novembre 1991)


Leiriao c. Val‑Bélair (Ville), [1991] 3 R.C.S. 349

Alexandre Leiriao Appelant

c.

La Corporation municipale de la ville

de Val‑Bélair Intimée

Répertorié: Leiriao c. Val‑Bélair (Ville)

No du greffe: 21755.

1991: 17 juin; 1991: 7 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1989] R.J.Q. 2668, 36 Q.A.C. 1, qui a infirmé un jugement de la Cour s

upérieure, [1988] R.J.Q. 757, [1988] R.D.I. 161. Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer et les juges La Forest et L'Heureux‑Dubé...

Leiriao c. Val‑Bélair (Ville), [1991] 3 R.C.S. 349

Alexandre Leiriao Appelant

c.

La Corporation municipale de la ville

de Val‑Bélair Intimée

Répertorié: Leiriao c. Val‑Bélair (Ville)

No du greffe: 21755.

1991: 17 juin; 1991: 7 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1989] R.J.Q. 2668, 36 Q.A.C. 1, qui a infirmé un jugement de la Cour supérieure, [1988] R.J.Q. 757, [1988] R.D.I. 161. Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer et les juges La Forest et L'Heureux‑Dubé sont dissidents.

Michel Bouchard, pour l'appelant.

Pierre Laurin, pour l'intimée.

Les motifs du juge en chef Lamer et des juges La Forest et L'Heureux-Dubé ont été rendus par

//Le juge L'Heureux-Dubé//

Le juge L'Heureux‑Dubé (dissidente) — J'ai pris connaissance des motifs du juge Gonthier et, en toute déférence, je ne saurais être d'accord. Je partage plutôt l'opinion dissidente du juge Chouinard de la Cour d'appel du Québec que la Loi sur les cités et villes, L.R.Q., ch. C-19 (ci‑après "L.C.V.") n'accorde pas à toutes les municipalités de la province de Québec un pouvoir inconditionnel d'expropriation pour fins de réserve foncière. En conséquence, j'accueillerais le pourvoi et je rétablirais le jugement de la Cour supérieure.

Les faits de la présente affaire sont relativement simples. L'appelant est propriétaire d'un terrain situé à l'intérieur du territoire de l'intimée, la municipalité de Val‑Bélair, où il exploite un commerce qui constitue sa seule source de revenu, celui de la vente de pièces d'automobile et de la réparation de radiateurs et de réservoirs d'essence. Avant de tenter d'exproprier ce terrain, l'intimée, par l'intermédiaire d'une société de gestion indépendante, la Société Immoco, a vainement tenté de persuader l'appelant de le lui vendre. À la suite de ces tentatives infructueuses, la municipalité a adopté une série de règlements visant à restreindre ou à éliminer le genre de commerce exploité par l'appelant dans les limites de la ville de Val‑Bélair. En réalité, ces règlements créaient une nouvelle zone à l'intérieur de laquelle serait confinée l'exploitation du commerce de l'appelant. Cette zone comportait trois lots mesurant au total 200 pieds sur 700 pieds et était située en banlieue de Val‑Bélair. Après publication des avis relatifs à ces règlements, l'intimée a signifié à l'appelant un avis d'expropriation. Le seul motif mentionné à l'appui de cette expropriation est qu'elle avait pour objet de créér une "réserve foncière".

L'appelant a contesté l'expropriation par voie de requête devant la Cour supérieure du Québec. Le juge Larue, à [1988] R.J.Q. 757, a accueilli la requête et statué que le fondement de l'expropriation, l'art. 29.4 L.C.V., ne conférait pas aux municipalités le droit d'exproprier pour fins de réserve foncière sans préciser davantage l'utilisation projetée du terrain. La Cour d'appel, à la majorité, a infirmé ce jugement pour les motifs exprimés par le juge Mailhot, à [1989] R.J.Q. 2668. À son avis, l'art. 29.4 crée une nouvelle fin municipale, conformément à l'art. 570 L.C.V. Dissident, le juge Chouinard estime que les lois autorisant l'expropriation doivent s'interpréter restrictivement. Puisque l'expropriation constitue un pouvoir exorbitant et que l'art. 40 de la Loi sur l'expropriation, L.R.Q., ch. E‑24 (ci‑après "L.E."), exige un énoncé précis des motifs d'y procéder, il conclut que le pouvoir de posséder des immeubles pour fins de réserve foncière ne peut être qu'un motif d'expropriation accessoire qui doit être lié à une autre fin municipale reconnue ou à l'intérêt public général.

Je suis d'accord avec le juge Gonthier et avec les tribunaux d'instance inférieure que la seule question ici en litige porte sur l'interprétation de l'art. 29.4 L.C.V. Plus particulièrement, la validité de la tentative d'expropriation du terrain de l'appelant par l'intimée dépend de la question de savoir si une réserve foncière peut être considérée, en soi, comme une fin municipale légitime et, donc, comme répondant à l'intérêt public. Cependant, avant d'examiner cette question, il y a lieu d'analyser brièvement la nature des droits de propriété et de l'expropriation au Québec ainsi que les conséquences d'un pouvoir illimité d'expropriation pour fins de réserve foncière.

I ‑ Les droits de propriété au Québec

Au Québec, une personne ne peut être privée de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste indemnité, conformément aux art. 406 et 407 du Code civil du Bas‑Canada:

406. La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.

407. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

Ces dispositions sont renforcées par l'art. 6 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, L.R.Q., ch. C‑12:

6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

Il est significatif que le droit à la jouissance paisible de sa propriété soit déclaré non seulement dans le Code civil, mais aussi dans la Charte québécoise. Tant le législateur que l'ensemble de la société reconnaissent la véracité de l'adage d'Edward Coke que: [traduction] "La maison d'une personne est pour elle son château, et domus sua cuique tutissimum refugium [et constitue son refuge le plus sûr]" (3 Inst., à la p. 161).

II ‑ L'expropriation

Puisque le droit de propriété est considéré comme un droit fondamental dans notre société démocratique, toute mesure législative qui vise à porter atteinte à ce droit doit être formulée en termes clairs et précis. En outre, conformément à l'art. 407 C.c.B.-C., on ne saurait y porter atteinte que pour cause d'utilité publique.

L'expropriation constitue une atteinte draconienne au droit de propriété du particulier. Elle permet à un gouvernement de priver une personne de sa propriété. Dans certains cas, cela peut signifier que la personne perdra sa maison, son "refuge le plus sûr". Dans d'autres, comme en l'espèce, l'expropriation peut entraîner la perte du gagne‑pain.

Parce que la propriété constitue une garantie juridique fondamentale et que l'expropriation constitue un pouvoir tellement exorbitant, le droit canadien a constamment favorisé une interprétation restrictive des lois autorisant l'expropriation. Dans son ouvrage Interprétation des lois (2e éd. 1990), P.‑A. Côté écrit, aux pp. 457 et 458:

LES LOIS QUI LIMITENT LA LIBRE

JOUISSANCE DES BIENS

"La jurisprudence anglo‑canadienne reconnaît traditionnellement comme une liberté fondamentale le droit de l'individu à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s'en voir privé, même partiellement, si ce n'est par l'application régulière de la loi." À ce droit correspond un principe d'interprétation des lois qui veut que les restrictions au droit de jouir librement des biens soient interprétées d'une manière rigoureuse et restrictive.

Interprétation rigoureuse: les conditions posées par la loi pour que la jouissance des biens puisse être restreinte doivent être respectées strictement. Interprétation restrictive: si, dans l'interprétation d'une loi qui porte atteinte au droit de jouir librement de ses biens, il surgit une réelle difficulté, un juge peut être justifié de préférer le sens qui limite les effets de la loi et permet donc la libre jouissance des biens.

Ce principe trouve application en particulier à l'égard de lois qui ont l'effet d'exproprier ou de confisquer des biens . . .

Dans le même sens, le passage suivant tiré des pp. 251 et 252 de Maxwell on the Interpretation of Statutes (12e éd. 1969):

[traduction] Les lois qui empiètent sur les droits du citoyen, que ce soit en ce qui concerne sa personne ou ses biens, doivent également faire l'objet d'une interprétation stricte à l'instar des lois pénales. Il est reconnu qu'elles doivent être interprétées, si possible, de manière à respecter de tels droits et qu'en cas d'ambiguïté, on devrait adopter l'interprétation qui favorise la liberté individuelle. [Je souligne.]

Et enfin, selon G. S. Challies, dans The Law of Expropriation (2e éd. 1963), à la p. 12:

[traduction] [L]e droit d'exproprier, qui est un droit inhabituel et exorbitant, doit être prévu expressément dans un texte législatif, car il n'est jamais implicite.

Voir aussi E. C. E. Todd, The Law of Expropriation and Compensation in Canada (1976), aux pp. 26 à 29, et Harrison c. Carswell, [1976] 2 R.C.S. 200, à la p. 219.

III ‑ Les réserves foncières

L'article 29.4 L.C.V. se lit ainsi:

29.4. Une corporation peut posséder des immeubles à des fins de réserve foncière. [Je souligne.]

Se fondant sur cette disposition, la Cour d'appel à la majorité et mon collègue le juge Gonthier estiment qu'une réserve foncière constitue une fin municipale et peut, à ce titre, constituer le seul motif d'expropriation pouvant être invoqué par une corporation municipale. Je ne puis accepter cette proposition pour deux raisons. Premièrement, elle mène à une conclusion qui contredit d'autres dispositions de la L.C.V. et de la L.E. et qui ne tient aucun compte de la nécessité de justifier l'expropriation par un motif d'utilité publique. Ce faisant, elle contrevient aux art. 406 et 407 C.c.B.‑C., à l'art. 6 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et au principe général de l'inviolabilité du droit de propriété d'un individu au Québec. Deuxièmement, on confère ainsi à l'art. 29.4 une interprétation libérale, alors que les lois en matière d'expropriation doivent être interprétées restrictivement.

L'expression "réserve foncière" n'est définie ni dans la L.C.V. ni dans la L.E. Selon la Cour d'appel à la majorité, une réserve foncière est une banque de terrains dont l'objet est indéterminé au moment où ils sont acquis. Quoique cette définition puisse être généralement exacte, en matière d'expropriation municipale, toutefois, elle ne présuppose pas en soi l'existence d'une fin municipale, car pareille présomption fait abstraction de l'exigence, prévue à l'art. 407 C.c.B.-C., qu'il ne peut y avoir expropriation que dans l'intérêt public. Si une réserve foncière est définie par l'inexistence de son objet, il est présumément impossible de conclure que sa création est dans l'intérêt de la collectivité. Il n'est pas évident en soi que l'expropriation à la seule fin de créer une réserve foncière exprime de façon manifeste qu'elle est dans l'intérêt public, ce qu'exige notre droit. À cet égard, j'adopte sans réserve les remarques du juge Chouinard, qui écrit, aux pp. 2670 et 2671:

L'article 570, qui traite du droit d'expropriation pour les corporations municipales, le limite à "toutes fins municipales". Même s'il n'existe pas de définition spécifique de ce terme, il ne peut s'agir que de sphères d'activités précisément attribuées aux corporations municipales dans l'intérêt d'une collectivité; les articles 428 et 429 de la Loi sur les cités et villes les énumèrent. Il va de soi que le nombre et la nature de ces fins ont évolué avec le temps: d'utilité primaire, tels les services de police, et de protection contre l'incendie, les services d'aqueduc et d'égout, on est passé aux loisirs: bibliothèques, terrains de jeux, piscines, aménagements paysagers, parcs, berges, zonage et même à l'habitation quant aux logements à prix modique ou destinés à éviter la spéculation, à titre d'exemples. Toujours, cependant, ces fins étaient reliées aux intérêts de la collectivité. Dans cette optique, le droit de posséder des immeubles pour des fins de réserve foncière ne peut être qu'une fin accessoire, qui doit être reliée à une autre fin vraiment municipale ou d'intérêt public.

Le législateur provincial aurait‑il voulu donner aux corporations municipales le pouvoir exorbitant de posséder des immeubles à des fins de commerce ou de revente et ajouter à ce pouvoir, déjà exorbitant, celui d'exproprier ceux qui les possèdent sans motif d'intérêt public?

Il n'y a pas de doute que l'art. 29.4 L.C.V. peut être invoqué de façon accessoire par les municipalités désireuses d'exproprier des terrains à d'autres fins légitimes dans l'intérêt public. Par exemple, une ville peut vouloir exproprier dans le but de créer un parc, de rezoner à des fins industrielles ou d'empêcher la spéculation. Dans ce dernier cas, en particulier, la ville pourrait bien être incapable de préciser exactement l'utilisation ultime du terrain. Toutefois, l'expropriation elle‑même répondrait à une fin municipale légitime, soit la création d'une zone récréative ou industrielle ou la prévention d'un mal socio‑économique. L'objet principal de l'expropriation serait l'intérêt collectif; l'objet accessoire serait la création d'une réserve foncière, ce qui est tout ce que vise explicitement le texte de l'art. 29.4 L.C.V.

Interpréter l'art. 29.4 d'une façon qui permette l'expropriation à la seule fin de créer une réserve foncière autoriserait les municipalités à contourner l'exigence que l'expropriation soit faite dans l'intérêt public et faciliterait l'abus du pouvoir d'expropriation. La présente affaire en est un exemple frappant, comme le souligne le juge Chouinard, aux pp. 2671 et 2672:

Au surplus, tout à fait abusive m'apparaît l'utilisation du pouvoir d'expropriation par la corporation municipale appelante, sans plus de précision, quand on sait (la preuve l'a révélé) que la même corporation avait tenté sans succès d'acquérir l'immeuble de l'intimé, utilisant même une société de gestion immobilière indépendante à cette fin . . .

Bref, l'assimilation des réserves foncières à une fin municipale pourrait conduire à de graves abus. Dans la mesure où les corporations municipales doivent démontrer pourquoi il est dans l'intérêt public que des particuliers vendent leur propriété, les particuliers touchés et les membres du public qui pourraient être en désaccord avec les intentions de ces corporations peuvent contester ces décisions. Toutefois, en l'absence de cette exigence, il n'existe aucun moyen de limiter le pouvoir d'expropriation d'une municipalité et aucun motif de contester ses décisions.

Dans cette optique, il n'est pas étonnant que le pouvoir inconditionnel d'expropriation pour fins de réserve foncière contredise implicitement certaines dispositions de la L.E. L'article 35 L.E. établit la primauté de ses dispositions sur toute autre loi en matière d'expropriation:

35. Le présent titre régit toutes les expropriations permises par les lois du Québec et prévaut sur les dispositions inconciliables de toute loi générale ou spéciale.

Le paragraphe 2o de l'art. 40 énonce la procédure d'expropriation:

40. L'instance d'expropriation commence par la signification au propriétaire de l'immeuble ou titulaire du droit réel immobilier à exproprier d'un avis d'expropriation contenant notamment:

. . .

2o un énoncé précis des fins de l'expropriation;

Si une réserve foncière est une fin municipale, alors une municipalité n'a qu'à informer le propriétaire foncier qu'elle a besoin de son terrain à cette fin (comme l'intimée en a avisé l'appelant en l'espèce). Cela ne constitue guère une déclaration d'intention précise. Comme le juge Larue l'a fait observer au procès, à la p. 759:

Le paragraphe 2 de l'article 40 de la Loi sur l'expropriation exige que la ville dénonce avec précision l'usage qu'elle entend faire du terrain dont elle veut se porter propriétaire. Le simple avis que la ville désire s'approprier le terrain pour fins de réserve foncière ne rencontre pas cette exigence. En effet, une semblable référence à la création ou à l'augmentation d'une réserve foncière autoriserait la ville à cacher ses véritables intentions, puisqu'elle pourrait ainsi retarder indéfiniment ou modifier ultérieurement l'utilisation du terrain exproprié. Ainsi, le propriétaire ne serait pas mis au courant des véritables intentions de la ville. [Je souligne.]

Dans la même veine, le juge Chouinard mentionne le par. 2o de l'art. 40 et l'art. 35 L.E. et, dans sa dissidence, précise ce qui suit, à la p. 2671:

Ainsi, la nécessité d'un énoncé précis des fins d'expropriation me semble incompatible avec la possibilité pour une corporation municipale d'exproprier sans donner d'autre raison qu'une réserve foncière, qui est pour le moins un motif imprécis, sinon une absence de motif.

Je suis d'accord avec cette logique et, en conséquence, je ne puis accepter le raisonnement de la Cour d'appel à la majorité, selon lequel le propriétaire d'un terrain pourrait toujours contester une expropriation qui viserait apparemment à créer une réserve foncière, mais qui dissimulerait, en réalité, des motifs irréguliers. Le propriétaire foncier qui reçoit un avis d'expropriation l'informant qu'il est forcé de vendre son terrain à la municipalité, sans aucune indication du motif pour lequel c'est son terrain qui a été choisi au profit de la collectivité, ne possède aucun moyen véritable de contester cette décision. Dans un tel cas, on impose au particulier la charge de découvrir les motifs de la municipalité, alors que la L.E. prévoit clairement qu'il appartient à la municipalité de préciser ses intentions relativement au terrain qu'elle veut exproprier.

Le juge Gonthier rejette ce moyen en qualifiant de règle de procédure le par. 2o de l'art. 40 L.E.. En toute déférence, l'exigence qu'une municipalité expose les raisons précises de l'expropriation constitue plus qu'une exigence procédurale. Le paragraphe 2o de l'art. 40 est le fondement de tout moyen de défense qu'un propriétaire foncier peut opposer à un projet d'expropriation. Par ailleurs, l'idée qu'une municipalité doive démontrer pourquoi elle a besoin d'un immeuble particulier sous‑tend l'art. 407 C.c.B.-C. Le juge Monet de la Cour d'appel du Québec a écrit dans l'arrêt Société Inter‑Port de Québec c. Société immobilière Irving Ltée, [1987] R.D.J. 1, aux pp. 5 et 6:

La loi exige non seulement un énoncé, mais un énoncé précis.

. . .

Le fondement de cette exigence est le principe enraciné dans notre droit positif et reflété par l'article 407 C.C.B.‑C.

407. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pas pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

En d'autres termes, non seulement le propriétaire a‑t‑il le droit de s'assurer de l'existence du droit à l'expropriation, mais encore du fait que l'expropriation envisagée est pour cause d'utilité publique. Aussi, lorsque le législateur exige que l'énoncé soit précis, il impose que des faits y soient articulés de nature à permettre au propriétaire de contrôler si l'exercice du droit à l'expropriation entre dans le cadre de l'utilité publique.

Comme le juge Chouinard le souligne, l'arrêt Société Inter‑Port de Québec s'applique directement à l'espèce puisque, dans les deux cas, les dispositions générales de la L.E. l'emportent. L'expropriation porte gravement atteinte aux droits privés et l'avis exigé au par. 2o de l'art. 40 L.E. est la seule façon dont le particulier peut connaître les motifs de cette atteinte. Ainsi, la contradiction entre le droit général d'exproprier, à l'art. 29.4, que revendique l'intimée et l'exigence d'un énoncé précis dans l'avis d'expropriation milite fortement en faveur d'une interprétation restrictive du pouvoir de créer des réserves foncières, qui le limiterait à un rôle accessoire dans les expropriations municipales.

Le deuxième motif pour lequel je rejette la définition d'une réserve foncière comme fin municipale distincte est la règle d'interprétation suivant laquelle les lois en matière d'expropriation doivent être interprétées restrictivement. Il est frappant que l'art. 29.4 ne parle pas d'expropriation. La disposition ne confère qu'un pouvoir de posséder des immeubles à des fins de réserve foncière. En vertu de l'art. 28, par. 1, sous-par. 2o L.C.V., une municipalité peut acquérir des immeubles "par achat, donation, legs ou autrement". Même si le pouvoir d'expropriation pouvait être élargi d'une façon implicite (ce qui contredit des auteurs comme Challies, op. cit.), le pouvoir d'expropriation pour fins de réserve foncière n'est même pas implicitement prévu à l'art. 29.4. Tout ce que mentionne clairement l'art. 29.4 L.C.V. est qu'une corporation peut posséder des immeubles. Puisque l'expropriation n'est pas le seul moyen d'acquérir des immeubles, le droit de les posséder ne confère pas nécessairement un droit d'expropriation. Je partage en conséquence l'opinion du juge Chouinard qui conclut, à la p. 2670:

. . . le seul pouvoir donné aux corporations municipales par l'article 29.4 ne confère pas pour autant le droit d'expropriation régi par l'article 570.

Et ensuite, à la p. 2671:

Faut‑il rappeler qu'une corporation municipale ne peut posséder plus de pouvoirs ou de "fins municipales" que celles expressément données par l'autorité provinciale?

Voir aussi à ce sujet l'arrêt Air Canada c. Cité de Dorval, [1985] 1 R.C.S. 861, et City of Verdun v. Sun Oil Co., [1952] 1 R.C.S. 222.

De même, la présomption que l'art. 29.4 a conféré un pouvoir d'expropriation élargi à toutes les cités et villes du Québec contredit le principe qu'il ne peut y avoir présomption de changement important de l'état du droit en l'absence de dispositions législatives claires en ce sens. Le juge Gonthier souligne que l'art. 29.4 a été précédé par l'adoption, entre 1973 et 1984, d'une trentaine de lois privées qui ont explicitement accordé à diverses municipalités le droit d'expropriation pour fins de réserve foncière. Il mentionne l'al. 964b. de la Charte de la Ville de Montréal, 1960, adopté en 1973, comme une disposition habilitante typique:

964b. Nonobstant toute loi à ce contraire, la ville est autorisée à acquérir, de gré à gré ou par expropriation, tout immeuble dont l'acquisition est jugée appropriée pour fins de réserve foncière . . .

En raison de la kyrielle de lois privées adoptées avant 1984 et de l'adoption de l'art. 29.4 en 1985, mon collègue le juge Gonthier conclut qu'il ne fait "aucun doute que le législateur a voulu que toutes les cités et villes puissent détenir des réserves foncières". Bien que ce soit certainement exact, cela ne confère pas automatiquement aux municipalités un pouvoir d'exproprier en l'absence de fins municipales.

On ne doit pas présumer que l'existence de textes législatifs antérieurs implique un changement de l'état du droit, en l'absence d'une mention expresse en ce sens. Selon Maxwell on the Interpretation of Statutes, op. cit., à la p. 116:

[traduction] On suppose que le législateur n'a pas l'intention de modifier l'état actuel du droit au‑delà de ce qui est prévu expressément ou de ce qui découle, par déduction nécessaire, du texte même de la loi en question. On estime qu'il est fort peu probable que le Parlement déroge au régime juridique général sans exprimer son intention avec une clarté irrésistible; donner pareil effet à des termes généraux simplement parce que ce serait là leur sens le plus large, habituel, naturel ou littéral reviendrait à donner à ces termes une interprétation autre que celle qu'il faut supposer que le Parlement a voulu leur donner. Si les arguments relatifs à une question d'interprétation sont "assez également partagés, l'interprétation à retenir devrait être celle qui modifie le moins le droit existant."

Au‑delà de ce principe d'interprétation, la comparaison entre les lois privées et l'art. 29.4 L.C.V. n'est tout simplement pas si utile. Même si l'on peut soutenir que des modifications apportées par voie de lois privées ont conféré à certaines cités le droit illimité d'expropriation pour fins de réserve foncière, une simple comparaison entre les textes fait ressortir d'importantes différences entre les dispositions contenues dans les chartes municipales et l'art. 29.4. Si l'article 29.4 représente une modification comme celles adoptées antérieurement au moyen de lois privées, pourquoi alors n'est‑il pas formulé avec le même soin? Par exemple, la modification de la Charte de la Ville de Montréal, 1960 débute ainsi: "Nonobstant toute loi à ce contraire . . .", ce qui, pourrait‑on soutenir, soustrait la ville à l'obligation de divulguer une fin municipale prévue au Code civil, à la L.C.V. et à la L.E.. Comme nous n'avons pas à trancher cette question, je m'abstiendrai de l'examiner en profondeur. Toutefois, il est difficile de croire que ces modifications apportées par voie de lois privées, bien qu'elles soient formulées d'une façon plus précise, permettent de contourner l'exigence d'un but d'intérêt public plus que ne le fait l'art. 29.4 L.C.V., puisque l'art. 35 L.E. proclame que ses dispositions prévalent sur les dispositions inconciliables de toute autre loi. L'attribution, à toutes les cités et villes du Québec, du pouvoir inconditionnel d'exproprier afin de créer une réserve foncière irait, comme nous l'avons vu, à l'encontre de la notion que l'expropriation doit se faire pour cause d'utilité publique.

IV ‑ Conclusion

Pour ces motifs, je conclus que l'art. 29.4 L.C.V. ne confère pas à toutes les municipalités du Québec le droit inconditionnel d'expropriation pour fins de réserve foncière. L'intimée, la municipalité de Val‑Bélair, ne pouvait donc exproprier le terrain de l'appelant pour ce motif. Les motifs de l'expropriation mentionnés dans l'avis signifié à l'appelant ne satisfont pas aux exigences de la L.E. et cet avis est donc entaché de nullité. J'accueillerais le pourvoi avec dépens et je rétablirais le jugement de première instance ordonnant que toutes les procédures d'expropriation entreprises jusqu'ici par l'intimée prennent fin immédiatement.

Le jugement des juges Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin a été rendu par

//Le juge Gonthier//

Le juge Gonthier -- Le présent litige porte sur l'existence d'un pouvoir d'expropriation pour fins de réserve foncière selon la Loi sur les cités et villes, L.R.Q., ch. C‑19 (ci-après "L.C.V.") et, le cas échéant, sur ses modes d'exercice.

I - Les faits

L'appelant, Alexandre Leiriao, est propriétaire d'un terrain à l'intérieur du territoire de l'intimée, la ville de Val‑Bélair, où il exploite un commerce de vente au détail de pièces d'automobile ainsi qu'un commerce de réparation de radiateurs et de réservoirs d'essence. Ce genre de commerce est plus communément connu sous le nom de "cour à scrap".

En 1983, il fut décidé de prolonger le boulevard Henri IV jusqu'à Val‑Bélair. Le commerce de l'appelant, qui jusqu'alors se trouvait en périphérie, allait désormais être situé à l'entrée de Val‑Bélair par le boulevard Henri IV.

À la suite de ces changements, l'intimée a tenté d'acquérir de gré à gré l'immeuble de l'appelant, ainsi que d'autres immeubles voisins. Au début de l'année 1987, elle a pour ce faire donné mandat d'acquérir à une société immobilière. Celle‑ci a réussi à acquérir le terrain voisin de celui de l'appelant, qui servait à un commerce similaire. L'appelant a refusé une offre d'achat de son immeuble le 25 février 1987.

Le 23 juillet 1987, l'intimée adoptait une résolution autorisant l'expropriation de l'immeuble de l'appelant, résolution qui se lit ainsi:

Résolution No. 87-7166: Mandat -- firme légale Flynn, Rivard & Associés -- expropriation de terrains -- avenue Industrielle.

Attendu que le conseil municipal doit s'approprier les immeubles nécessaires pour fins de réserve foncière;

Il est proposé par M. le conseiller Claude Beaupré, appuyé par M. le conseiller Roger Naud,

QUE le préambule ci-dessus fasse partie intégrante de la présente.

QUE le conseil municipal autorise l'expropriation de l'immeuble appartenant à monsieur J. Alexandre Leiriao, situé au 2020, avenue Industrielle, Val‑Bélair, connu et désigné comme étant le lot numéro 442-1 du cadastre officiel de la paroisse de Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette, le tout conformément aux prescriptions prévues à la Loi sur les Cités et Villes et à la Loi sur l'expropriation, L.R.Q., c. E-24.

QUE le conseil municipal donne mandat à l'étude légale Flynn, Rivard & Associés de prendre les procédures nécessaires afin d'exproprier cet immeuble.

Le 7 août 1987, un avis d'expropriation était signifié à l'appelant:

À L'EXPROPRIÉ:

1.PRENEZ AVIS que la Ville de Val‑Bélair, conformément à la résolution numéro 87-7166 adoptée le 23 juillet 1987, exproprie le lot suivant du cadastre officiel de la paroisse de St-Ambroise de la Jeune Lorette, division d'enregistrement de Québec, ci-après décrit et dont vous êtes propriétaire:

[suit la désignation de l'immeuble]

2.La Ville de Val-Bélair exproprie l'immeuble ci-haut décrit pour des fins de réserve foncière;

[suivent des paragraphes énonçant les droits et obligations de l'exproprié, ainsi qu'un annexe au sujet des locataires de l'immeuble].

L'appelant a contesté le droit à l'expropriation de l'intimée devant la Cour supérieure, conformément à la procédure prévue à l'art. 44 de la Loi sur l'expropriation, L.R.Q., ch. E-24 (ci-après "L.E."). La Cour supérieure a accueilli sa requête et annulé la résolution et l'avis d'expropriation. L'intimée a interjeté appel auprès de la Cour d'appel, qui a accueilli l'appel, rejetant la contestation de l'appelant. L'appelant se pourvoit devant cette Cour.

II - Les dispositions législatives pertinentes

Il convient de reproduire certains textes législatifs qui sont au coeur du litige.

Loi sur les cités et villes

29.4 Une corporation peut posséder des immeubles à des fins de réserve foncière.

570. Le conseil peut, en se conformant aux dispositions des articles 571 et 572 et aux procédures d'expropriation prévues par la loi,

. . .

c) s'approprier tout immeuble ou partie d'immeuble ou servitude dont il a besoin pour toutes fins municipales, y compris le stationnement des voitures automobiles.

Les dispositions ci-dessus du présent article ne doivent pas être interprétées comme restreignant le droit que le conseil peut posséder par ailleurs d'acquérir de gré à gré des immeubles pour les mêmes fins.

Loi sur l'expropriation

40. L'instance d'expropriation commence par la signification au propriétaire de l'immeuble ou au titulaire du droit réel immobilier à exproprier d'un avis d'expropriation contenant notamment:

. . .

2o un énoncé précis des fins de l'expropriation;

III - Les décisions des tribunaux d'instance inférieure

Cour supérieure, [1988] R.J.Q. 757

Le juge Larue définit la réserve foncière comme "une banque de terrains dont on ne connaît pas encore l'usage" (p. 759). Comme l'art. 29.4 L.C.V. ne traite que de possession, il faut donc chercher ailleurs le fondement d'un pouvoir d'expropriation pour la constitution d'une réserve foncière.

Selon le juge Larue, l'art. 570 L.C.V., qui donne au conseil un pouvoir d'expropriation général, doit être interprété strictement, dans la mesure où l'expropriation prive le contribuable de la jouissance de ses biens. Ainsi l'expression "fins municipales" contenue à l'art. 570 doit se limiter aux services publics que la L.C.V. met à la charge de la municipalité, ce qui exclut la constitution de réserves foncières.

Par ailleurs, le juge Larue est d'avis que la simple mention "pour des fins de réserve foncière" à l'avis d'expropriation ne satisfait pas aux conditions de l'art. 40, par. 2o L.E., car elle ne permet pas au propriétaire de connaître les véritables intentions de la ville.

Cour d'appel, [1989] R.J.Q. 2668

Le juge Mailhot

Le juge Mailhot ne partage pas l'opinion du juge Larue. Elle considère que l'ajout de l'art. 29.4 L.C.V. en 1985 a créé une nouvelle fin municipale et que le pouvoir d'expropriation de l'art. 570 L.C.V. s'y applique nécessairement.

Elle voit l'art. 28.1 L.C.V., qui est présenté comme un exemple de pouvoir comparable mais expressément assorti d'un pouvoir d'expropriation, comme un pouvoir exorbitant, qui requiert la mention expresse d'un pouvoir d'acquisition par expropriation à l'art. 28.2. En effet, l'acquisition d'immeubles dans le cadre d'un programme particulier d'urbanisme pour le centre-ville, dans un but de revente, excède les fins municipales.

Elle examine aussi la série de lois privées qui ont donné un pouvoir d'expropriation pour la constitution de réserves foncières à plusieurs cités et villes québécoises. Elle conclut que le législateur n'aurait pu vouloir priver de ce pouvoir les autres cités et villes qui tombent sous le régime général de la L.C.V.

Il découle de cette conclusion que la mention contenue à l'avis d'expropriation est suffisante eu égard à la L.E., car la constitution de réserves foncières est une fin municipale.

Le juge Gendreau

Le juge Gendreau partage l'opinion du juge Mailhot que la création de réserves foncières est une fin municipale. Il ajoute, aux pp. 2673 et 2674, au sujet de la suffisance de l'avis d'expropriation:

Permise, la création d'une réserve foncière est une fin municipale et peut donc être constituée par expropriation. Exiger que la fin spécifique et ultime d'utilisation de l'immeuble exproprié pour fin de réserve soit immédiatement précisée équivaut à conclure qu'elle n'est pas une fin municipale. En effet, si la volonté de la municipalité doit être arrêtée, à quoi lui servirait la création d'une banque de terrains en vue d'une utilisation encore imprécise?

Le juge Chouinard, dissident

Le juge Chouinard estime que le pouvoir d'expropriation doit être interprété strictement, et qu'il "ne peut être justifié que par un motif d'intérêt public, dans l'espèce, une fin véritablement municipale" (p. 2670). L'article 29.4 L.C.V. ne donne aucun pouvoir d'expropriation. Il ne crée pas une fin municipale. Pour le juge Chouinard, "le droit de posséder des immeubles pour des fins de réserve foncière ne peut être qu'une fin accessoire, qui doit être reliée à une autre fin vraiment municipale ou d'intérêt public" (p. 2670). Il inclut parmi ces fins "vraiment municipales" les fonctions habituellement confiées aux municipalités, comme la police, la protection contre les incendies, les loisirs, l'aménagement, le zonage et même l'habitation, entre autres. Les pouvoirs d'expropriation pour fins de réserve foncière qui ont été donnés à diverses cités et villes par l'entremise de lois privées constituent des cas d'espèce, qui ne peuvent servir de guide pour l'interprétation de la L.C.V.

L'interprétation retenue par la majorité, selon le juge Chouinard, donnerait aux municipalités un pouvoir d'expropriation plus grand que celui de la province. Dans la mesure où l'art. 40, par. 2o L.E., qui reprend les principes du Code civil et de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12, exige un énoncé précis des fins de l'expropriation, la simple mention de la création d'une réserve foncière ne peut suffire. Le juge s'appuie sur l'arrêt Société Inter-Port de Québec c. Société immobilière Irving Ltée, [1987] R.D.J. 1, où la Cour d'appel avait annulé un avis d'expropriation parce que l'énoncé des motifs n'y était pas assez clair.

Le juge Chouinard croit abusive l'utilisation de l'expropriation "pour des fins de réserve foncière" alors que des tentatives d'acquisition de gré à gré avaient échoué. Les véritables intentions de la ville n'avaient pas été dévoilées.

IV - Les questions en litige

Le présent pourvoi soulève trois questions:

1.La L.C.V. donne-t-elle aux municipalités un pouvoir d'expropriation pour fins de réserve foncière?

2.La mention "pour fins de réserve foncière" contenue à l'avis d'expropriation satisfait-elle aux exigences de l'art. 40, par. 2o L.E.?

3.La résolution 87-7166 était-elle suffisante pour autoriser l'expropriation?

V - Le pouvoir d'expropriation pour fins de réserve foncière

La réserve foncière est un ajout relativement récent au droit québécois. Elle n'a pas été définie par le législateur, mais la jurisprudence s'entend pour reconnaître que la réserve foncière est "une banque de terrains dont l'objet est, par définition, indéterminé au moment où elle est créée", pour reprendre les termes du juge Gendreau à la p. 2673 du jugement entrepris. J'adopte cette définition.

A. L'introduction des réserves foncières en droit québécois

Une kyrielle de lois privées ont été adoptées par l'Assemblée nationale entre 1973 et 1984 pour permettre à une trentaine de cités et villes québécoises de constituer des réserves foncières. Leurs textes se ressemblent grandement. Il suffira ici de reprendre le début de l'art. 964b. de la Charte de la Ville de Montréal, 1960, S.Q. 1959-60, ch. 102, le premier du genre, qui y fut inséré par la Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal et la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, L.Q. 1973, ch. 77:

964b. Nonobstant toute loi à ce contraire, la ville est autorisée à acquérir, de gré à gré ou par expropriation, tout immeuble dont l'acquisition est jugée appropriée pour fins de réserve foncière ou d'habitation et pour les travaux connexes à ces fins, ainsi que tout immeuble dont l'occupation est jugée désuète ou nocive.

Par la suite, la plupart des lois privées ont suivi un même modèle, qui correspond en gros à celui de la Charte de la Ville de Montréal, 1960. À titre d'exemple, la Loi modifiant la Charte de la ville de Granby, L.Q. 1984, ch. 59, contenait cet article:

10. La ville est autorisée à acquérir, de gré à gré ou par expropriation, tout immeuble dont l'acquisition est jugée appropriée pour fins de réserve foncière ou d'habitation et pour les travaux connexes à ces fins ainsi que tout immeuble désuet ou dont l'occupation est nocive.

La loi-cadre elle-même fut modifiée par la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les municipalités, L.Q. 1985, ch. 27 (ci-après "Loi de 1985"), qui ajoutait l'art. 29.4 à la L.C.V., entre autres modifications. Il ne fait donc aucun doute que le législateur a voulu que toutes les cités et villes puissent détenir des réserves foncières, constatation qu'il faudra garder à l'esprit lors de la résolution de ce litige.

Par rapport aux articles types des lois privées, l'art. 29.4 L.C.V. présente certaines différences. La plus importante, sans contredit, réside dans la mention à l'art. 29.4 L.C.V. de la possession seulement, alors que les lois privées permettent l'acquisition pour fins de réserve foncière, et spécifient qu'elle peut avoir lieu de gré à gré ou par expropriation. Il faut donc chercher ailleurs dans la L.C.V. les modes d'acquisition des immeubles destinés à former une réserve foncière.

B. Les modes d'acquisition d'immeubles pour fins de réserve foncière

Les cités et villes détiennent un pouvoir général d'acquisition de gré à gré, qui se trouve à l'art. 28, par. 1, sous-par. 2o L.C.V.:

28. 1. Cette corporation a, sous son nom corporatif, succession perpétuelle et peut:

. . .

2o Acquérir pour des fins de sa compétence des biens meubles et immeubles, par achat, donation, legs ou autrement;

Ce pouvoir est un des pouvoirs principaux des cités et villes, qui leur a été accordé de tous temps. Le libellé de ce sous-paragraphe n'a pas changé depuis l'adoption en 1922 de la Loi des cités et villes 1922, S.Q. 1922, 13 Geo. 5, ch. 65. Ni la jurisprudence ni les parties ne contestent qu'une ville puisse acquérir des immeubles de gré à gré pour fins de réserve foncière.

Quant à l'acquisition par expropriation, les pouvoirs généraux des cités et villes se trouvent à l'art. 570 L.C.V. Il s'agit encore ici d'un pouvoir qui a toujours été reconnu, même si ses limites ont changé avec le temps. Dans sa formulation actuelle, l'art. 570 L.C.V. date de la Loi modifiant la Loi des cités et villes, S.Q. 1959-60, ch. 76, et n'a pas été modifié depuis.

Je suis d'avis que l'art. 570 L.C.V. permet aux municipalités d'exproprier pour des fins de réserve foncière, car cette interprétation est la plus conforme au cadre législatif et à l'intention du législateur, et elle donne plein sens à l'art. 29.4 L.C.V. Ma conclusion concorde d'ailleurs avec les tendances de la jurisprudence québécoise (voir les décisions Belcourt Inc. c. Saint‑Laurent (Ville), [1990] R.J.Q. 1122 (C.S.); Belcourt Inc. c. Kirkland (Ville), C.S. Montréal, no 500‑05‑010994-885, 3 novembre 1989, J.E. 90-91; Collins c. Laval (Ville), C.S. Montréal, no 500‑05‑001920‑881, 3 mai 1989, J.E. 89-899; et 117080 Canada Ltée c. Longueuil (Ville), [1988] R.J.Q. 538 (C.S.)).

Le bref historique de la législation québécoise en matière de réserves foncières donné plus haut permet de voir que le législateur a toujours spécifié dans les lois privées les modes d'acquisition d'immeubles pour fins de réserve foncière, dont l'expropriation.

L'article 14 de la Loi de 1985 semble avoir été destiné à élargir à l'ensemble des cités et villes les pouvoirs que certaines d'entre elles détenaient relativement aux réserves foncières. D'ailleurs, dans les trois années ayant précédé l'adoption de cette loi, pas moins de 16 lois privées avaient été adoptées à ce sujet. De toute évidence, l'Assemblée nationale a cru préférable de modifier la L.C.V. une fois pour toutes plutôt que de continuer à adopter des lois privées à la pièce.

Le mode de rédaction de la Loi de 1985 diffère toutefois de celui des lois privées. Alors que ces dernières conféraient un pouvoir d'acquérir des immeubles, la Loi de 1985 donne un pouvoir de possession. Le législateur s'en est ainsi remis aux pouvoirs généraux d'acquisition contenus ailleurs dans la L.C.V. au lieu de spécifier les modes d'acquisition quant aux réserves foncières. L'article 28, par. 1, sous‑par. 2o, et l'art. 570 L.C.V. constituent un cadre suffisant pour l'acquisition d'immeubles à des fins de réserve foncière et point n'était besoin d'y ajouter. Ainsi toutes les cités et villes détiennent les mêmes pouvoirs relativement aux réserves foncières, même si les modes de rédaction varient d'un type de loi à l'autre.

Je ne puis conclure dans ce contexte que le législateur ait voulu créer deux classes de cités et villes par la Loi de 1985: celles qui détiendraient leur pouvoir de constituer des réserves foncières d'une loi privée et qui pourraient alors exproprier pour ce faire, et de l'autre côté celles qui le tiendraient de la L.C.V., et qui ne pourraient acquérir les immeubles formant leur réserve que de gré à gré.

La constitution de réserves foncières doit d'ailleurs être distinguée de l'acquisition d'immeubles en vertu d'un programme particulier d'urbanisme, qui fait l'objet des art. 28.1 à 28.4 L.C.V. Seuls les art. 28.1 et 28.2 sont pertinents en l'espèce:

28.1 Lorsque sont en vigueur un programme particulier d'urbanisme pour la partie du territoire d'une municipalité désignée comme son "centre‑ville" ainsi que les règlements d'urbanisme conformes à ce programme, la municipalité peut réaliser tout programme d'acquisition d'immeubles prévu dans ce programme particulier d'urbanisme, en vue d'aliéner ou de louer les immeubles à des fins prévues dans ce programme.

La municipalité peut également acquérir tout immeuble situé dans la partie de son territoire désignée comme son "centre‑ville", même si son acquisition n'est pas prévue par un programme d'acquisition d'immeubles, en vue de l'aliéner ou de le louer à une personne qui en a besoin pour réaliser un projet conforme au programme particulier d'urbanisme . . .

28.2 Aux fins de l'article 28.1, la municipalité peut notamment:

1o acquérir un immeuble de gré à gré ou par expropriation;

Ces deux articles ont été cités, devant la Cour d'appel et devant nous, en guise d'exemple de pouvoir d'expropriation expressément conféré. Par opposition, l'appelant prétend qu'en l'absence d'une telle mention à l'art. 29.4 L.C.V., la constitution de réserves foncières ne peut se faire par expropriation.

Les articles 28.1 L.C.V. et suiv. doivent être lus conjointement avec l'art. 85 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, L.R.Q., ch. A-19.1, qui a été modifié lors de la même réforme législative, soit la Loi modifiant des dispositions législatives concernant les municipalités, L.Q. 1983, ch. 57. Cette loi avait ajouté à la fin de l'art. 85, qui traite des programmes particuliers d'urbanisme, l'alinéa suivant:

Un programme particulier d'urbanisme applicable à la partie du territoire de la municipalité désignée comme son "centre‑ville" ou son "secteur central" peut aussi comprendre un programme d'acquisition d'immeubles en vue de leur aliénation ou de leur location à des fins prévues dans le programme particulier d'urbanisme.

Le jeu de ces articles crée un nouveau rôle pour les cités et villes, celui d'un lotisseur, d'un promoteur; il le fait cependant dans un cadre restreint et pour des fins particulières. Alors que traditionnellement celles-ci s'abstiennent du marché immobilier, le législateur leur permet d'y intervenir lorsqu'il s'agit de mettre en application un programme particulier d'urbanisme visant le centre-ville. Ce pouvoir exorbitant nécessite la mention expresse d'un pouvoir d'acquisition et de ses modalités, que ce soit de gré à gré ou par expropriation, car il se situe hors des fins municipales générales: l'acquisition est faite en vue de la revente ou de la location, et qui plus est, ces opérations peuvent être menées au bénéfice de tiers, comme le prévoit le second alinéa de l'art. 28.1 L.C.V. Les articles 28.1 à 28.4 L.C.V. établissent véritablement un régime législatif spécial, qui devait faire l'objet de précisions.

La création de réserves foncières, par contre, ne transforme pas la municipalité en entrepreneur. Il s'agit d'une fin municipale qui n'a rien de différent des autres outre sa généralité et son indétermination.

L'appelant soutient cependant que l'art. 29.4 L.C.V. traite de possession d'immeubles "à des fins de réserve foncière", alors que le par. c) de l'art. 570 L.C.V. rend l'expropriation applicable "pour toutes fins municipales", et qu'il y aurait ainsi lieu de distinguer entre ces deux expressions, les premières n'étant pas comprises dans les deuxièmes.

En Cour d'appel, le juge Chouinard retient cette distinction lorsqu'il écrit, à la p. 2670:

L'article 570, qui traite du droit d'expropriation pour les corporations municipales, le limite à "toutes fins municipales". Même s'il n'existe pas de définition spécifique de ce terme, il ne peut s'agir que de sphères d'activités précisément attribuées aux corporations municipales dans l'intérêt d'une collectivité [suit une énumération de ces fins]. Toujours, cependant, ces fins étaient reliées aux intérêts de la collectivité. Dans cette optique, le droit de posséder des immeubles pour des fins de réserve foncière ne peut être qu'une fin accessoire, qui doit être reliée à une autre fin vraiment municipale ou d'intérêt public.

Avec respect pour l'opinion du juge Chouinard, la distinction qu'il trace entre les "fins accessoires" et les "fins vraiment municipales" ajoute à la L.C.V. des nuances qui ne s'y trouvent pas, et elle enlève pratiquement toute utilité aux réserves foncières.

La hiérarchie téléologique proposée par le juge Chouinard existe en droit français, mais la L.C.V. ne la fait pas. En effet, le Code de l'urbanisme français limite la portée des réserves foncières aux art. L. 222-1 et L. 300-1:

L. 222-1 L'État, les collectivités locales ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes et les établissements publics d'aménagement visés à l'article L. 321-1 sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1.

. . .

L. 300-1 Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.

La création de réserves foncières en France doit donc viser certains objectifs spécifiques, sinon elle sera annulée, au motif d'absence d'utilité publique (Cons. d'État, 8 mai 1981, Ministre de l'Intérieur c. Parvau, Rec. Cons. d'Ét., p. 770). La L.C.V. ne contient aucune disposition comparable à ces articles, qui permettrait de fonder la hiérarchie proposée.

Le caractère particulier de la réserve foncière n'est pas respecté par cette distinction. Si, pour pouvoir les constituer par expropriation, les réserves foncières doivent se rattacher à une autre fin municipale, alors il est inutile de prévoir une "expropriation afin de constituer une réserve foncière", puisque l'expropriation pourrait tout aussi bien être fondée sur la fin ultime que vise la réserve foncière. Ce qui distingue les réserves foncières, c'est justement l'indétermination de la finalité ultime au moment de leur création. Non seulement la distinction entre "fins accessoires" et "fins vraiment municipales" limite-t-elle le recours à l'expropriation pour la constitution de réserves foncières, mais elle le vide de toute pertinence.

Cette distinction me paraît également inconciliable avec les dispositions régissant le droit d'une cité ou ville d'acquérir des immeubles de gré à gré, droit qui n'est pas contesté. Or celui-ci repose sur l'art. 28, par. 1, sous‑par. 2o L.C.V., qui limite ce pouvoir aux "fins de sa compétence". La création de réserves foncières serait ainsi une "fin de la compétence de la cité ou de la ville" au sens de l'art. 28 L.C.V., mais non une "fin municipale" au sens de l'art. 570 de la même loi. Il est difficilement soutenable que "fins de la compétence d'une cité ou d'une ville" n'est pas synonyme de "fin municipale" dans la L.C.V.

Il faut éviter de créer des distinctions qui compliquent indûment l'application d'un texte législatif. Les réserves foncières sont une fin municipale, comme l'indique l'art. 29.4 L.C.V. Cela suffit pour que l'acquisition des immeubles afin de constituer une réserve foncière puisse se faire par l'entremise des pouvoirs généraux d'acquisition, de gré à gré ou par expropriation, contenus dans la L.C.V.

VI - La mention "pour des fins de réserve foncière" et la Loi sur l'expropriation

A. La Loi sur l'expropriation et la Loi sur les cités et villes

L'article 40 L.E. requiert, au par. 2o, que l'avis d'expropriation contienne un "énoncé précis des fins de l'expropriation". L'appelant soutient que la simple mention "pour des fins de réserve foncière" contenue à l'avis d'expropriation mentionné plus haut ne satisfait pas aux exigences de la L.E. Il invoque au soutien de son argument le jugement de la Cour supérieure et la dissidence du juge Chouinard en l'espèce, ainsi que la décision Hamelin c. Laval (Ville), C.S. Montréal, no 500‑34‑000988‑871, 25 mai 1988, J.E. 88-923.

La L.E. est une loi de procédure, essentiellement. Elle établit les compétences respectives de la Cour supérieure et de la Chambre d'expropriation de la Cour du Québec, elle régit la procédure lors d'une expropriation et elle fait de même pour les réserves pour fins publiques. Seuls quelques articles du titre III, sur les réserves, concernent des droits substantifs. L'article 40 qui est invoqué ici se trouve, fait non dénué d'importance, au chapitre I du titre II de la L.E., dont l'intitulé se lit "Procédure d'expropriation". L'article 35 L.E. permet d'ailleurs de saisir la portée des dispositions du titre II de la L.E.:

35. Le présent titre régit toutes les expropriations permises par les lois du Québec et prévaut sur les dispositions inconciliables de toute loi générale ou spéciale.

Même si les derniers mots de cet article attribuent une certaine primauté à la L.E., il faut aussi tenir compte du début du texte, qui renvoie aux autres lois du Québec pour déterminer si le droit à l'expropriation existe ou non. La L.E. ne s'applique qu'une fois que le droit à l'expropriation a été établi. Elle en régit alors les modalités d'exercice. Comme le mentionnent G. Dorion et R. Savard, dans leur ouvrage Loi commentée de l'expropriation du Québec (1979), aux pp. 112 et suiv., la L.E. visait à unifier les procédures d'expropriation disparates qui étaient alors en vigueur au Québec. Il ne s'agit donc pas d'une loi qui traite du droit à l'expropriation, lequel provient d'autres lois.

Comme la L.E. demeure une loi de procédure, elle ne doit pas être interprétée de manière à restreindre la portée de lois affectant la substance des droits. Cette proposition est succinctement exprimée dans Maxwell on the Interpretation of Statutes (12e éd. 1969), à la p. 118:

[traduction] . . . l'interprétation des lois relatives à la procédure devrait, dans la mesure du possible, ne pas s'étendre au-delà des questions de procédure.

Il ne s'agit que d'un cas particulier du principe général touchant la relation entre la procédure et le droit substantif, principe directeur qui se retrouve à l'art. 2 du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25:

2. Les règles de procédure édictées par ce code sont destinées à faire apparaître le droit et en assurer la sanction . . .

L'argument de l'appelant revient à utiliser les dispositions d'une loi relative à la procédure, la L.E., pour limiter un droit conféré en termes larges par la loi qui en régit la substance, soit la L.C.V. La procédure devient la maîtresse du droit, au lieu d'être sa servante.

Je me range à l'avis du juge Mailhot en Cour d'appel, selon qui, dès lors que la constitution d'une réserve foncière est une fin municipale, il s'ensuit que la mention "pour des fins de réserve foncière" est suffisamment précise. Dans Bédard c. Québec (Ville) (1988), 21 Q.A.C. 189, la Cour d'appel en était d'ailleurs venue à la même conclusion, relativement aux dispositions de la Charte de la Ville de Québec équivalentes à l'art. 29.4 L.C.V. Par définition, la réserve foncière est créée sans que l'usage ultime des immeubles qui la composent soit connu. L'énoncé des fins de l'expropriation ne peut pas être plus précis qu'il ne l'était en l'espèce, sous peine de priver les réserves foncières de cet élément d'indétermination qui fait leur spécificité.

Il faut distinguer à cet égard le cas des réserves foncières de celui des autres motifs d'expropriation. L'arrêt de la Cour d'appel dans Société Inter-Port de Québec c. Société immobilière Irving Ltée, précité, qui soutiendrait une interprétation large de l'art. 40 L.E., mettait en jeu l'art. 4 de la Loi sur la Société Inter‑Port de Québec, L.R.Q., ch. S-18:

4. La Société a pour fonctions:

a) d'élaborer des plans et programmes en vue de l'établissement dans la zone décrite à l'annexe d'un complexe industriel susceptible de bénéficier des avantages de l'infrastructure portuaire de Québec et de contribuer au développement de celle-ci;

b) d'exécuter les travaux requis pour la mise en oeuvre des plans et des programmes qui auront ainsi été élaborés et d'exercer les industries, les commerces et les autres activités de nature à contribuer au développement du complexe industriel.

L'article 5 donnait à la Société des pouvoirs d'expropriation. La Cour d'appel a jugé que la mention "dans le but d'établir un complexe industriel" à l'avis d'expropriation ne satisfaisait pas à l'art. 40 L.E. Dans cette affaire, les pouvoirs de la Société n'étaient nullement affectés lorsque la cour exigeait qu'elle fournisse de plus amples précisions quant aux fins de l'expropriation. La Cour d'appel ne manque pas de souligner cet aspect à la p. 7 de son jugement. Par contre, lorsqu'il s'agit d'exproprier pour fins de réserve foncière, toute précision supplémentaire à l'avis d'expropriation rendrait illusoire l'exercice par la cité ou la ville du pouvoir qui lui revient de par l'art. 29.4 L.C.V.

La mention "pour des fins de réserve foncière" remplit donc les exigences de l'art. 40, par. 2o L.E. Il n'y a pas lieu d'utiliser une loi de procédure pour limiter un droit substantif donné par une autre loi.

B.Le contrôle des expropriations pour fins de réserve foncière

Une des motivations qui sous-tendent l'argument de l'appelant, le jugement de première instance et la dissidence en Cour d'appel reste le souci d'éviter les abus du pouvoir de constituer des réserves foncières. Il faut par ailleurs souligner que l'appelant n'a jamais devant nous mis en doute la bonne foi de l'intimée.

En cas d'abus, il existe d'autres recours qui permettraient à un exproprié de faire valoir que l'expropriation pour fins de réserve foncière est invalide. Je ne puis que citer avec approbation les motifs du juge Tourigny dans Bédard c. Québec (Ville), précité, où elle écrivait à la p. 192:

Dire que la Ville peut exproprier pour la simple constitution de réserves foncières ne veut certainement pas dire cependant que ces mots constituent une formule magique contre laquelle nul exproprié ne peut quoi que ce soit. Je n'ai, quant à moi, aucun doute que, si une expropriation, sous couvert de réserves foncières, était faite pour des motifs contraires à l'intérêt de l'ensemble des citoyens, au bénéfice de particuliers qui n'ont pas le pouvoir d'expropriation ou encore tout simplement de mauvaise foi, l'exproprié aurait la possibilité, malgré la généralité des termes employés, d'alléguer et faire la preuve des véritables motifs de l'expropriation. Mais ici, rien de tout cela n'est allégué, ni même suggéré de quelque façon que ce soit.

Cet extrait s'applique tout aussi bien à l'espèce. Cette Cour a eu par le passé l'occasion d'invalider des expropriations faites de mauvaise foi, dans Landreville c. Ville de Boucherville, [1978] 2 R.C.S. 801, par exemple. Encore faut-il que la mauvaise foi soit alléguée et prouvée.

VII - La suffisance de la résolution 87-7166

L'appelant allègue que l'intimée aurait dû encadrer la résolution 87-7166 avec un règlement sur la réserve foncière, et que les termes de la résolution 87-7166 sont si vagues et généraux que la ville n'a fait que reprendre les termes de son pouvoir délégué, sans l'exercer vraiment.

A.Le mode de décision

Cette Cour, dans Air Canada c. Cité de Dorval, [1985] 1 R.C.S. 861, a décidé qu'en l'absence de dispositions législatives sur la manière dont la municipalité peut exprimer sa décision, la résolution est un mode de décision valide. L'article 570 L.C.V. ne spécifie pas si l'expropriation doit être faite par règlement ou par résolution, et ainsi la résolution 87-7166 était suffisante pour décider de l'expropriation.

B.L'exercice du pouvoir délégué

L'appelant base son argument, encore une fois, sur la nécessité de définir plus avant la réserve foncière. J'ai déjà mentionné que, par définition, les réserves foncières n'ont aucun usage déterminé au moment de leur création. Si l'intimée avait dû apporter plus de précisions qu'elle n'en a données en l'espèce, le pouvoir de constituer des réserves foncières qui lui est conféré par l'art. 29.4 L.C.V. ne lui servirait à rien. Lorsqu'une cité ou une ville décide d'exproprier pour créer une réserve foncière, l'usage qu'elle fera des immeubles expropriés n'est pas déterminé, et elle ne peut dire plus à la résolution autorisant l'expropriation ou à l'avis d'expropriation que ce qu'elle sait déjà elle‑même.

L'arrêt Brant Dairy Co. c. Milk Commission of Ontario, [1973] R.C.S. 131, invoqué par l'appelant, ne trouve aucune application. Il ne s'agit pas d'un cas où, pour reprendre les termes du juge Laskin, à la p. 146, un organisme délégué avait exercé ses pouvoirs "en se contentant de reprendre, dans un règlement, les termes par lesquels ce pouvoir a été conféré". L'intimée a reçu le pouvoir d'exproprier pour des fins de réserve foncière, par le jeu des art. 29.4 et 570 L.C.V. Elle l'a exercé par la résolution 87‑7166. Elle n'a pas tenté de se donner un pouvoir d'expropriation pour fins de réserve foncière, ce qui aurait contrevenu à Brant Dairy, précité; elle a tout simplement procédé à une expropriation en conformité à la L.C.V.

L'intimée a correctement exercé les pouvoirs que lui donnait la L.C.V. en adoptant la résolution 87-7166, et cette résolution est suffisante pour exproprier l'immeuble de l'appelante.

VIII - Conclusion

Pour ces motifs, je rejetterais ce pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens, le juge en chef Lamer et les juges La Forest et L'Heureux-Dubé sont dissidents.

Procureur de l'appelant: Michel Bouchard, Val‑Bélair.

Procureurs de l'intimée: Flynn, Rivard, Québec.


Synthèse
Référence neutre : [1991] 3 R.C.S. 349 ?
Date de la décision : 07/11/1991
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Expropriation - Droit municipal - Réserve foncière - Conseil municipal autorisant par résolution l'expropriation d'un immeuble pour fins de réserve foncière - La Loi sur les cités et villes donne‑t‑elle aux municipalités un pouvoir d'expropriation pour fins de réserve foncière? - La mention "pour fins de réserve foncière" contenue à l'avis d'expropriation satisfait‑elle aux exigences de l'art. 40 de la Loi sur l'expropriation? - La résolution adoptée par le conseil municipal était‑elle suffisante pour autoriser l'expropriation? - Loi sur les cités et villes, L.R.Q., ch. C‑19, art. 29.4, 570 - Loi sur l'expropriation, L.R.Q., ch. E‑24, art. 40.

La ville intimée a adopté une résolution autorisant l'expropriation de l'immeuble de l'appelant pour fins de réserve foncière. Après réception de l'avis d'expropriation, l'appelant a contesté le droit à l'expropriation de l'intimée devant la Cour supérieure. La cour a accueilli sa requête et annulé la résolution et l'avis d'expropriation. Le juge a statué que l'expression "fins municipales" contenue à l'art. 570 de la Loi sur les cités et villes, qui donne à la ville un pouvoir d'expropriation général, doit se limiter aux services publics que la Loi met à la charge de la municipalité, ce qui exclut la constitution de réserves foncières en vertu de l'art. 29.4 de la Loi. Il a également statué que la simple mention "pour des fins de réserve foncière" à l'avis d'expropriation ne satisfaisait pas aux conditions de l'art. 40, par. 2o de la Loi sur l'expropriation. La Cour d'appel, à la majorité, a infirmé le jugement de la Cour supérieure.

Arrêt (le juge en chef Lamer et les juges La Forest et L'Heureux‑Dubé sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.

Les juges Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin: L'article 29.4 de la Loi sur les cités et villes permet à une ville d'acquérir des immeubles par expropriation afin de constituer une réserve foncière. Cette interprétation est la plus conforme au cadre législatif et à l'intention du législateur, et elle donne tout son sens à l'art. 29.4. Cet article, adopté en 1985, est destiné à élargir à l'ensemble des cités et villes les pouvoirs que certaines d'entre elles détenaient déjà relativement aux réserves foncières en vertu de lois privées. L'article 29.4, contrairement aux lois privées, ne donne toutefois qu'un pouvoir de possession et ne précise aucun mode d'acquisition. C'est donc par l'entremise des pouvoirs généraux d'acquisition contenus ailleurs dans la Loi sur les cités et villes que doit se faire l'acquisition d'immeubles pour fins de réserve foncière, soit de gré à gré en vertu de l'art. 28, soit par expropriation en vertu de l'art. 570. Ainsi toutes les cités et villes détiennent les mêmes pouvoirs d'acquisition relativement aux réserves foncières, même si les modes de rédaction varient d'un type de loi à l'autre. Bien que l'art. 29.4 traite de possession d'immeubles "à des fins de réserve foncière", alors que le par. c) de l'art. 570 rend l'expropriation applicable "pour toutes fins municipales", il n'y a pas lieu de distinguer entre ces deux expressions. La constitution de réserves foncières est une fin municipale.

La mention "pour des fins de réserve foncière" contenue à l'avis d'expropriation remplit les exigences de l'art. 40, par. 2o de la Loi sur l'expropriation, qui prévoit que l'avis d'expropriation doit contenir un "énoncé précis des fins de l'expropriation". Il n'y a pas lieu d'utiliser les dispositions d'une loi relative à la procédure, la Loi sur l'expropriation, pour limiter un droit conféré en termes larges par la loi qui en régit la substance, soit la Loi sur les cités et villes. Dès lors que la constitution d'une réserve foncière est une fin municipale, il s'ensuit que la mention "pour des fins de réserve foncière" est suffisamment précise. Par définition, la réserve foncière est créée sans que l'usage ultime des immeubles qui la composent soit connu. Toute précision supplémentaire à l'avis d'expropriation rendrait donc illusoire l'exercice par la ville du pouvoir prévu à l'art. 29.4.

En cas d'abus, il existe des recours qui permettraient à un exproprié de faire valoir que l'expropriation pour fins de réserve foncière est invalide. Si une expropriation, sous couvert de réserves foncières, était faite pour des motifs contraires à l'intérêt de l'ensemble des citoyens, l'exproprié aurait la possibilité d'alléguer et de faire la preuve des véritables motifs de l'expropriation. En l'espèce, l'appelant n'a jamais devant nous mis en doute la bonne foi de l'intimée.

En l'absence de dispositions législatives sur la manière dont une municipalité peut exprimer sa décision, la résolution est un mode de décision valide. L'article 570 de la Loi sur les cités et villes ne spécifie pas si l'expropriation doit être faite par règlement ou par résolution. La résolution adoptée par la ville était donc suffisante pour décider de l'expropriation. Tout comme pour l'avis d'expropriation, il n'était pas nécessaire de définir davantage la réserve foncière dans la résolution.

Le juge en chef Lamer et les juges La Forest et L'Heureux‑Dubé (dissidents): L'article 29.4 de la Loi sur les cités et villes ne confère pas à toutes les municipalités du Québec le droit inconditionnel d'expropriation pour fins de réserve foncière. L'article 570 de la Loi, qui traite du droit d'expropriation pour les corporations municipales, le limite à "toutes fins municipales". Même s'il n'existe pas de définition spécifique de ce terme, il ne peut s'agir que de sphères d'activités précisément attribuées aux corporations municipales dans l'intérêt d'une collectivité. Le droit, que confère l'art. 29.4, de posséder des immeubles pour des fins de réserve foncière ne peut être qu'une fin accessoire, qui doit être reliée à une autre fin vraiment municipale ou d'intérêt public.

La conclusion qu'une réserve foncière constitue une fin municipale et peut, à ce titre, constituer le seul motif d'expropriation pouvant être invoqué par une corporation municipale ne tient aucun compte de la nécessité de justifier l'expropriation par un motif d'utilité publique. Ce faisant, elle contrevient aux art. 406 et 407 C.c.B.‑C., à l'art. 6 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et au principe général de l'inviolabilité du droit de propriété d'un individu au Québec. Il n'est pas évident en soi que l'expropriation à la seule fin de créer une réserve foncière exprime de façon manifeste qu'elle est dans l'intérêt public, ce qu'exige notre droit. Interpréter l'art. 29.4 d'une façon qui permette l'expropriation à la seule fin de créer une réserve foncière autoriserait les municipalités à contourner l'exigence que l'expropriation soit faite dans l'intérêt public et faciliterait l'abus du pouvoir d'expropriation.

De plus, le pouvoir inconditionnel d'expropriation pour fins de réserve foncière contredit implicitement l'art. 35 et l'art. 40, par 2o de la Loi sur l'expropriation. L'exigence d'un énoncé précis des fins d'expropriation est incompatible avec le pouvoir d'exproprier sans donner d'autre raison que la création d'une réserve foncière, qui est pour le moins un motif imprécis, sinon une absence de motif. Une référence à la création ou à l'augmentation d'une réserve foncière autoriserait la ville à cacher ses véritables intentions. L'exigence, à l'art. 40, par. 2o, qu'une municipalité expose les raisons précises de l'expropriation constitue plus qu'une exigence procédurale. C'est le fondement de tout moyen de défense qu'un propriétaire foncier peut opposer à un projet d'expropriation.

Enfin, l'expropriation constitue une atteinte draconienne au droit de propriété du particulier et, parce qu'elle constitue un pouvoir tellement exorbitant, une loi autorisant l'expropriation doit recevoir une interprétation restrictive. Une interprétation restrictive de l'art. 29.4 est incompatible avec la conclusion qu'une réserve foncière est une fin municipale distincte qui peut constituer le seul motif d'expropriation pouvant être invoqué par une corporation municipale. La disposition ne confère qu'un pouvoir de posséder des immeubles à des fins de réserve foncière. Elle ne parle pas d'expropriation. Puisque l'expropriation n'est pas le seul moyen d'acquérir des immeubles, le droit de les posséder ne confère pas nécessairement un droit d'expropriation. De même, la présomption que l'art. 29.4 a conféré un pouvoir d'expropriation élargi à toutes les cités et villes du Québec contredit le principe qu'il ne peut y avoir présomption de changement important de l'état du droit en l'absence de dispositions législatives claires en ce sens. Cette présomption n'est pas appuyée par l'adoption, avant celle de l'art. 29.4, de lois privées qui ont explicitement accordé à diverses municipalités le droit d'expropriation pour fins de réserve foncière. On ne doit pas présumer que l'existence de textes législatifs antérieurs implique un changement de l'état du droit, en l'absence d'une mention expresse en ce sens. Quoi qu'il en soit, une simple comparaison entre les textes fait ressortir d'importantes différences entre les dispositions contenues dans les chartes municipales et l'art. 29.4.


Parties
Demandeurs : Leiriao
Défendeurs : Val-Bélair (Ville)

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Gonthier
Arrêt appliqué: Air Canada c. Cité de Dorval, [1985] 1 R.C.S. 861
distinction d'avec les arrêts: Société Inter‑Port de Québec c. Société immobilière Irving Ltée, [1987] R.D.J. 1
Brant Dairy Co. c. Milk Commission of Ontario, [1973] R.C.S. 131
arrêts mentionnés: Belcourt Inc. c. Saint‑Laurent (Ville), [1990] R.J.Q. 1122
Belcourt Inc. c. Kirkland (Ville), J.E. 90‑91
Collins c. Laval (Ville), J.E. 89‑899
117080 Canada Ltée c. Longueuil (Ville), [1988] R.J.Q. 538
Cons. d'État, 8 mai 1981, Ministre de l'Intérieur c. Parvau, Rec. Cons. d'Ét., p. 770
Hamelin c. Laval (Ville), J.E. 88‑923
Bédard c. Québec (Ville) (1988), 21 Q.A.C. 189
Landreville c. Ville de Boucherville, [1978] 2 R.C.S. 801.
Citée par le juge L'Heureux‑Dubé (dissidente)
Harrison c. Carswell, [1976] 2 R.C.S. 200
Société Inter‑Port de Québec c. Société immobilière Irving Ltée, [1987] R.D.J. 1
Air Canada c. Cité de Dorval, [1985] 1 R.C.S. 861
City of Verdun v. Sun Oil Co., [1952] 1 R.C.S. 222.
Lois et règlements cités
Charte de la Ville de Montréal, 1960, S.Q. 1959‑60, ch. 102, art. 964b. [aj. 1973, ch. 77, art. 70].
Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C‑12, art. 6.
Code civil du Bas‑Canada, art. 406, 407.
Code de l'urbanisme (France), art. L. 222‑1, L. 300‑1.
Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C‑25, art. 2.
Loi des cités et villes 1922, S.Q. 1922, 13 Geo. 5, ch. 65.
Loi modifiant la Charte de la ville de Granby, L.Q. 1984, ch. 59, art. 10.
Loi modifiant la Loi des cités et villes, S.Q. 1959‑60, ch. 76.
Loi modifiant des dispositions législatives concernant les municipalités, L.Q. 1983, ch. 57.
Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les municipalités, L.Q. 1985, ch. 27, art. 14.
Loi sur l'expropriation, L.R.Q., ch. E‑24, art. 35, 40, par. 2 [rempl. 1983, ch. 21, art. 8], 44 [rempl. idem
mod. 1986, ch. 61, art. 15].
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, L.R.Q., ch. A‑19.1, art. 85 [mod. 1983, ch. 57, art. 34].
Loi sur les cités et villes, L.R.Q., ch. C‑19, art. 28, par. 1, sous‑par. 2 [rempl. 1984, c. 38, art. 5], 28.1 [aj. 1983, ch. 57, art. 42], 28.2, par. 1 [idem], 28.3 [idem
mod. 1984, ch. 38, art. 6
mod. 1985, ch. 27, art. 12], 28.4 [aj. 1983, ch. 57, art. 42], 29.4 [aj. 1985, ch. 27, art. 14], 570.
Doctrine citée
Challies, George Swan. The Law of Expropriation, 2nd ed. Montréal: Wilson & Lafleur, 1963.
Coke, Sir Edward. The Third Part of the Institutes of the Laws of England. London: W. Clarke, 1809.
Côté, Pierre‑André. Interprétation des lois, 2e éd. Cowansville, Qué.: Éditions Yvon Blais Inc., 1990.
Dorion, Guy et Roger Savard. Loi commentée de l'expropriation du Québec. Québec: Presses de l'Université Laval, 1979.
Maxwell on the Interpretation of Statutes, 12th ed. By P. St. J. Langan. London: Sweet & Maxwell, 1969.
Todd, Eric C. E. The Law of Expropriation and Compensation in Canada. Toronto: Carswell, 1976.

Proposition de citation de la décision: Leiriao c. Val-Bélair (Ville), [1991] 3 R.C.S. 349 (7 novembre 1991)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1991-11-07;.1991..3.r.c.s..349 ?
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