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26/03/1992 | CANADA | N°[1992]_1_R.C.S._814

Canada | R. c. Sharma, [1992] 1 R.C.S. 814 (26 mars 1992)


R. c. Sharma, [1992] 1 R.C.S. 814

Deepak Kumar Sharma Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général du Canada Intervenant

Répertorié: R. c. Sharma

No du greffe: 21989.

1991: 1er octobre; 1992: 26 mars.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, McLachlin, Stevenson et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un jugement de la Cour d'appel de l'Ontario qui annulait l'arrêt des procédures ordonné par le juge White de la Cour provincial

e. Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer est dissident.

Irwin Koziebrocki et David E. Buckman, pour l'appelant.

Murray D....

R. c. Sharma, [1992] 1 R.C.S. 814

Deepak Kumar Sharma Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général du Canada Intervenant

Répertorié: R. c. Sharma

No du greffe: 21989.

1991: 1er octobre; 1992: 26 mars.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, McLachlin, Stevenson et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un jugement de la Cour d'appel de l'Ontario qui annulait l'arrêt des procédures ordonné par le juge White de la Cour provinciale. Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer est dissident.

Irwin Koziebrocki et David E. Buckman, pour l'appelant.

Murray D. Segal et Kenneth L. Campbell, pour l'intimée.

S. R. Fainstein, c.r., et R. J. Frater, pour l'intervenant.

Version française des motifs rendus par

//Le juge en chef Lamer//

Le juge en chef Lamer (dissident) — J'ai pris connaissance des motifs de mes collègues les juges Sopinka et McLachlin. En toute déférence, je ne puis souscrire à leur façon de statuer sur cette affaire. Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de rétablir l'arrêt des procédures inscrit par le juge White de la Cour provinciale.

Bien que, dans l'arrêt R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 000, j'aie estimé qu'il incombe au ministère public de démontrer que le délai n'a causé aucun préjudice à l'accusé, je suis maintenant lié par l'opinion majoritaire qui a rejeté ce fardeau sur les épaules de l'accusé. Ici, toutefois, même en faisant assumer ce fardeau par l'accusé, il est clair qu'on a prouvé l'existence d'un préjudice réel. Il est évident que les conditions de mise en liberté sous caution auxquelles l'appelant a été soumis pendant toute la période de 13 mois comprise entre le dépôt de l'accusation et l'instruction de l'affaire ont porté atteinte au droit à la liberté de l'appelant. Ces conditions de mise en liberté sous caution comprenaient une interdiction absolue de conduire un véhicule à moteur, qui aurait fait partie intégrante de sa sentence s'il avait été reconnu coupable à la suite d'un procès tenu promptement. Essentiellement, du fait que l'appelant avait déjà commencé à purger sa peine, on se devait de procéder sans délai à l'instruction de l'affaire.

Dans ses motifs de jugement, le juge Sopinka fait observer que l'appelant a accepté cette condition de sa mise en liberté sous caution lorsqu'elle a été imposée au départ. Je n'accorde aucune importance à ce facteur. Premièrement, on ne saurait dire qu'une personne a vraiment le choix d'accepter une condition de mise en liberté sous caution, lorsque, à défaut d'y souscrire, elle risque tout simplement de se voir refuser cette mise en liberté sous caution. Deuxièmement, accorder de l'importance à ce facteur reviendrait à laisser entendre qu'il est possible d'ignorer un préjudice si l'accusé renonce à l'invoquer. Notre Cour n'a jamais adopté cette position.

En tout état de cause, seulement une semaine après s'être vu imposer cette interdiction, l'appelant s'est informé de la possibilité de la faire lever, indiquant qu'il y allait de son emploi. Il y avait là de quoi s'inquiéter puisque son salaire constitue apparemment la seule source de revenu d'une famille composée de lui-même, de son épouse et de leurs deux enfants. Le juge Sopinka minimise l'importance de l'opposition de l'appelant pour deux motifs. D'abord, il souligne que les antécédents de l'accusé justifiaient nettement l'interdiction de conduire qui lui avait été faite. Ensuite, il fait observer que, même si le tribunal a informé jusqu'à un certain point l'appelant de l'endroit où il pourrait obtenir de plus amples renseignements au sujet des conditions de sa mise en liberté sous caution, celui-ci n'a pas tenté de se servir de cela pour les faire supprimer.

En toute déférence, je ne saurais accepter qu'on puisse se servir de l'un ou l'autre de ces facteurs pour minimiser le préjudice subi par l'appelant. Quant au fait que l'interdiction était justifiée, il est à espérer que les conditions d'une mise en liberté sous caution soient toujours justifiées. Le fait qu'elles étaient justifiées ne signifie pas qu'elles n'étaient pas préjudiciables dans le contexte d'une action fondée sur l'al. 11b). Personne ne laisserait entendre qu'un refus justifié d'accorder la mise en liberté sous caution permet d'ignorer le préjudice qui découle d'une longue mise en détention dans l'attente de subir un procès. Quant au second facteur, il fait plus que rejeter sur les épaules de l'accusé le fardeau de prouver l'existence d'un préjudice. Il implique qu'en plus d'avoir à prouver l'existence d'un préjudice, l'accusé doit également indiquer qu'il a tenté de le réduire au minimum, ce qui a essentiellement pour effet de lui imposer l'obligation de limiter le préjudice subi. Je ne puis accepter cela.

En définitive, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de rétablir l'arrêt des procédures inscrit en cour provinciale, pour le motif que l'appelant a subi un préjudice pendant un délai excédant celui qui est légitimement justifiable en raison de ressources institutionnelles limitées.

Version française du jugement des juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Stevenson et Iacobucci rendu par

//Le juge Sopinka//

Le juge Sopinka — Le présent pourvoi soulève la même question que celle soulevée dans le pourvoi connexe R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 000, no 21996, dont les motifs sont rendus simultanément. Il s'agit de déterminer si l'accusé a été jugé dans un délai raisonnable, comme le requiert l'al. 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés. La façon générale d'aborder la question du délai déraisonnable a été analysée dans l'arrêt Morin et je n'entends pas reprendre cette analyse. Dans les présents motifs, je ne ferai qu'appliquer la méthode analysée dans l'arrêt Morin aux faits de l'espèce.

Les faits

Le 17 février 1988, une automobile présumément conduite par l'appelant a brûlé un feu rouge avant d'aller heurter un autre véhicule. La conductrice de cet autre véhicule a subi des blessures graves au cou et au dos, et a dû être hospitalisée immédiatement. On prétend que les blessures infligées à la victime continueront de la gêner dans un avenir prévisible. À son arrivée sur les lieux de l'accident, la police a constaté que M. Sharma présentait tous les symptômes physiques d'une personne en état d'ébriété. Ce dernier a alors indiqué qu'il n'était pas le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident, mais seulement un passager. Toutefois, des témoins oculaires auraient identifié M. Sharma comme étant le conducteur du véhicule. Celui‑ci a subséquemment été accusé de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles, contrairement au par. 239(2) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34 (maintenant le par. 255(2)) et d'avoir conduit un véhicule à moteur alors que son alcoolémie dépassait la limite prescrite par la loi, contrairement à l'al. 237b) (maintenant l'al. 253b)) du Code. Monsieur Sharma a également été accusé d'entrave à un agent de la paix, contrairement à l'al. 118a) (maintenant l'al. 129a)) du Code, pour avoir tenté de dénaturer sa participation dans l'accident de circulation afin d'éviter d'être arrêté.

Monsieur Sharma a passé la nuit en prison pour ensuite comparaître le lendemain à une enquête sur cautionnement. En raison du dossier chargé et varié de l'accusé, le ministère public s'est opposé à sa mise en liberté et une enquête sur cautionnement a été tenue. Monsieur Sharma a finalement été libéré après avoir souscrit un engagement de 1 500 $ avec caution et à la condition de ne pas conduire un véhicule à moteur jusqu'à ce qu'on ait statué sur les accusations en cause en l'espèce. Lors de l'enquête sur cautionnement, M. Sharma a indiqué qu'il respecterait toute ordonnance lui interdisant de conduire, allant même jusqu'à dire que cela [traduction] "serait mieux pour mon épouse" (dossier conjoint, à la p. 34).

Le 25 février 1988, l'appelant a comparu devant le tribunal afin de fixer une date de procès. Sur les conseils de son avocat, il a sollicité un ajournement d'un mois, sa demande d'aide juridique datant de la veille seulement. Monsieur Sharma a cherché à se renseigner sur la possibilité de ravoir son permis de conduire, mais le juge qui présidait lui a dit de consulter l'avocat de garde s'il avait des questions sur les conditions de sa mise en liberté sous caution.

Le 24 mars 1988, M. Sharma a comparu devant le tribunal, muni d'une lettre de son avocat indiquant des dates de procès acceptables, la plus rapprochée étant le 7 mars 1989. Ces dates auraient été choisies après que l'avocat eut consulté le personnel de la cour qui l'a avisé que des dates de procès étaient fixées pour le mois de mars 1989. Monsieur Sharma a choisi d'être jugé par un juge de la Cour provinciale et la date du procès a été fixée au 8 mars 1989.

Le 8 mars 1989, avant d'inscrire un plaidoyer, l'appelant a sollicité un arrêt des procédures pour cause de délai déraisonnable. Comme le ministère public n'avait pris connaissance de la requête fondée sur le délai que juste avant son dépôt, et que l'accusé n'avait pas fourni les transcriptions de ses comparutions antérieures, les plaidoiries sur la requête ont été ajournées au 15 mars 1989, après de brèves observations préliminaires. Étant donné que le juge White de la Cour provinciale, qui avait entendu les observations initiales sur la requête, ne siégeait pas ce jour‑là, l'affaire a été reportée à la semaine suivante. Les observations sur la requête ont été complétées le 22 mars 1989 et le juge White a alors ordonné la suspension de toutes les accusations portées contre M. Sharma pour le motif que son droit d'être jugé dans un délai raisonnable avait été violé. Le ministère public en a appelé de cette décision devant la Cour d'appel de l'Ontario qui a accueilli l'appel, a annulé les suspensions et a ordonné que l'on procède sans délai à l'instruction de l'affaire. L'appelant se pourvoit de plein droit devant notre Cour.

Les jugements

A. Cour provinciale de l'Ontario

Dans ses motifs, le juge White a commencé par établir une distinction entre la présente affaire et l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario R. c. Askov (1987), 60 C.R. (3d) 277. Il a indiqué que, contrairement à l'affaire Askov, l'accusé en l'espèce avait nettement subi un préjudice en raison du délai écoulé avant d'être traduit en justice. Parmi les conditions de sa mise en liberté, il y avait la promesse de ne pas conduire, ce qui faisait que tout délai écoulé avant d'être traduit en justice avait pour effet de prolonger ce qui, en réalité, constituait une suspension de permis de conduire. Le juge des requêtes a statué qu'un délai de 13 mois était tout simplement trop long. Après avoir soupesé tous les facteurs soumis par les avocats, le juge White a conclu que le délai était déraisonnable. Il a donc ordonné l'arrêt des procédures.

B. Cour d'appel

La Cour d'appel s'est appuyée sur son propre arrêt R. c. Morin (1990), 76 C.R. (3d) 37 (C.A. Ont.), et a tenu compte des quatre facteurs que j'ai énoncés dans l'arrêt R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120, pour ensuite statuer que les droits de l'accusé garantis par l'al. 11b) n'avaient pas été violés. L'appel a, par conséquent, été accueilli, l'arrêt des procédures annulé et l'affaire renvoyée pour que l'on procède sans délai à son instruction.

La question en litige

Il s'agit uniquement, en l'espèce, de déterminer s'il y a eu violation du droit de l'appelant d'être jugé dans un délai raisonnable, que lui garantit l'al. 11b) de la Charte.

Analyse

Pour déterminer s'il y a eu violation du droit d'un accusé d'être jugé dans un délai raisonnable, une cour doit soupeser les intérêts que l'al. 11b) vise à protéger, en fonction des facteurs qui entraînent inévitablement un délai. Ces facteurs sont les suivants:

1.la longueur du délai;

2.la renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul;

3.les raisons du délai, notamment

a)les délais inhérents à la nature de l'affaire,

b)les actes de l'accusé,

c)les actes du ministère public,

d)les limites des ressources institutionnelles,

e)d'autres raisons du délai, et

4.le préjudice subi par l'accusé.

Dans l'arrêt Morin, je traite de l'évaluation de ces facteurs et de leur interaction avec les intérêts que l'al. 11b) vise à protéger. Je vais examiner ces facteurs dans la mesure où ils s'appliquent au présent pourvoi.

1. La longueur du délai

L'accusé a été inculpé le 17 février 1988 et il a obtenu un arrêt des procédures relativement aux accusations portées contre lui, le 22 mars 1989. Entre le dépôt de l'accusation et le "règlement" des procédures engagées contre lui, il s'est donc écoulé un peu plus de 13 mois. Pour les motifs exposés ci‑après, l'accusé a renoncé à invoquer une période de deux semaines comprise dans ce délai dont la longueur totale est de 12 mois et demi.

2. La renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul

Le 8 mars 1989, date prévue de son procès, l'accusé a déposé une requête en arrêt des procédures engagées contre lui, pour cause de délai déraisonnable. À ce moment, le ministère public, qui était prêt pour le procès, a obtenu ce qui est devenu un ajournement de deux semaines afin de préparer sa réponse à la requête et de donner à l'accusé le temps d'obtenir les transcriptions de ses comparutions antérieures. Étant donné que la requête a pris au dépourvu le ministère public et que l'accusé n'avait pas fourni les transcriptions dès le dépôt de sa requête, un ajournement était inévitable. Puisque, le 8 mars, l'accusé était disposé à débattre sa requête fondée sur l'al. 11b) et qu'il a consenti de bon gré à un ajournement causé par son défaut d'aviser et de se préparer, on peut présumer qu'il connaissait parfaitement les droits que lui garantissait l'al. 11b) et qu'en consentant à un ajournement, il a renoncé à son droit de se plaindre du délai de deux semaines qui s'est ensuivi. Dans ces circonstances, je suis disposé à conclure qu'on a satisfait aux conditions strictes de la renonciation prescrites par les arrêts Korponay c. Procureur général du Canada, [1982] 1 R.C.S. 41, et Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383. Comme je l'ai mentionné dans l'arrêt Morin, le consentement à des ajournements peut, dans certaines circonstances, équivaloir à une renonciation. C'est le cas en l'espèce.

L'intimée prétend que l'accusé a renoncé à se prévaloir de tout le délai écoulé entre le 24 mars 1988 et le 7 mars 1989. Elle soutient que la lettre présentée par M. Sharma au ministère public le 24 mars 1988, au moment de fixer la date de son procès, dans laquelle son avocat énumérait les dates auxquelles il serait disponible, équivaut à une renonciation puisque ce dernier n'a mentionné aucune date antérieure au 7 mars 1989. L'avocat de l'accusé a indiqué, à l'audition de la requête, n'avoir dressé la liste des dates de procès qu'après avoir consulté le personnel du greffe approprié qui l'avait avisé que [traduction] "ils attribuaient des dates à compter de mars 1989" (dossier conjoint, à la p. 71). Il eût été préférable que cet élément de preuve soit produit sous forme d'affidavit ou autrement, plutôt que sous forme de déclaration de l'avocat de la défense. Néanmoins, les tribunaux d'instance inférieure paraissent l'avoir admis sous cette forme. Apparemment, cette façon de fixer les dates de comparution n'est pas inhabituelle. La production d'une lettre indiquant les dates qui peuvent convenir représente une économie de temps pour l'avocat et une économie d'argent pour l'accusé et l'aide juridique qui évitent ainsi d'attendre en cour que des dates soient fixées.

L'intimée a tenté de contredire cette preuve au moyen d'un affidavit de Suzanne Mactavish, coordonnatrice des rôles de la Cour de l'Ontario (Division provinciale) à Brampton, portant sur les dates de procès disponibles lorsqu'on a fixé la date du procès le 24 mars 1988. J'hésite à prendre en considération cet affidavit puisqu'il n'a pas été produit en preuve lors de la requête ou devant la Cour d'appel et parce qu'il ne paraît pas satisfaire au critère d'admission d'une nouvelle preuve analysé dans l'arrêt Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759, à la p. 775, et tout récemment, dans l'arrêt R. c. C. (M.H.), [1991] 1 R.C.S. 763, aux pp. 776 et 777. Toutefois, puisque l'avocat de l'appelant ne s'oppose pas à sa réception, je le tiendrai pour admissible. La déclaration de l'avocat de l'accusé n'est pas directement mise en doute dans l'affidavit. La déposante affirme cependant que, le 24 mars 1988, une date antérieure à mars 1989 a été fixée dans le cas de certaines causes. Les circonstances entourant ces affaires ne sont pas mentionnées et le fait qu'on ait attribué une date antérieure à certaines d'entre elles n'est pas incompatible avec la preuve produite pour le compte de l'accusé. Au mieux, l'affidavit suscite simplement un doute sur la déclaration faite par l'avocat de la défense.

Compte tenu de la preuve analysée dans les paragraphes précédents, je ne puis conclure que l'accusé a renoncé à invoquer le délai en question. Le critère de la renonciation formulé dans les arrêts Korponay et Clarkson est strict. Comme on l'a mentionné dans l'arrêt Morin, "[l]a renonciation doit être claire et non équivoque et faite en pleine connaissance du droit auquel on renonce". Compte tenu des circonstances entourant la lettre de l'avocat, je ne puis conclure que l'accusé était conscient du droit auquel, selon l'intimée, il renonçait ou qu'il aurait été disposé à y renoncer s'il s'était rendu compte de la portée de ce geste. Par conséquent, j'estime que l'accusé n'a pas renoncé à son droit de se plaindre du délai écoulé entre le 24 mars 1988 et le 8 mars 1989. Il n'a pas explicitement renoncé à invoquer ce délai et je suis incapable de déduire de la lettre et des circonstances qui l'entourent que l'accusé a implicitement renoncé à le faire.

3. Les raisons du délai

a) Les délais inhérents à la nature de l'affaire

Les accusations dont la Cour est saisie dans le présent pourvoi concernent un accident de la circulation survenu le 17 février 1988. Bien que fondée sur un incident unique, la présente affaire est plus complexe que l'affaire connexe Morin. En l'espèce, un certain nombre de policiers, de citoyens ordinaires et peut‑être même de témoins experts sont en cause. Puisqu'on laisse entendre que l'accusé ne conduisait pas le véhicule impliqué dans l'accident, des citoyens ordinaires seront appelés à témoigner sur l'accident et à identifier les conducteurs des véhicules impliqués. Les agents de police devront également témoigner au sujet des déclarations que l'accusé leur a faites sur les lieux de l'accident et de son état d'ébriété et des résultats de l'alcootest qu'il a subi. En outre, puisqu'on allègue que la victime de l'accident a été grièvement blessée, il sera peut-être nécessaire d'entendre des témoins experts en médecine. Bien que la présente affaire ne soit pas excessivement complexe, elle n'est pas pour autant particulièrement simple. En raison de cette complexité, plus de temps sera nécessaire à la poursuite pour préparer sa preuve et à l'accusé pour se préparer à la réfuter.

Jusqu'à sa comparution du 24 mars 1988, l'accusé paraît avoir tenté de recourir à l'assistance d'un avocat. À sa première comparution devant le tribunal lors de l'enquête sur cautionnement, l'accusé n'avait pas encore parlé à un avocat. Le 25 février 1988, lorsqu'il a comparu pour fixer une date de procès, M. Sharma venait à peine de faire une demande d'aide juridique et il a sollicité un ajournement d'un mois, apparemment en vue d'obtenir l'aide juridique et de recourir à l'assistance d'un avocat. Ainsi, jusqu'au 24 mars 1988, l'accusé préparait manifestement sa preuve en vue du procès. Comme il n'a en aucun temps indiqué qu'il était prêt à subir son procès ou qu'il souhaitait le subir à la première date disponible, il est impossible de déterminer quand il était prêt à subir son procès. Vu la complexité de l'affaire, il se peut qu'il ne l'ait été qu'en mai 1988. En l'absence de preuve au dossier, il m'est impossible de déterminer une date antérieure à laquelle l'accusé aurait été prêt à subir son procès. Même en présumant que l'affaire était complexe, la poursuite aurait vraisemblablement été prête pour le procès en mai 1988 elle aussi. Le délai inhérent est, par conséquent, d'environ trois mois.

b) Les actes de l'accusé

L'accusé a comparu le 24 mars 1988, muni d'une lettre de son avocat indiquant les dates auxquelles ce dernier serait disponible pour un procès. Comme nous l'avons vu, il existe un désaccord important sur la question de savoir si les dates fournies par l'avocat de l'accusé (toutes à compter de mars 1989) étaient effectivement, à ce moment‑là, les dates les plus rapprochées qui seraient disponibles pour un procès. Bien que je n'aie pas été disposé à conclure que cette lettre constituait une renonciation, il est évident que cet acte garantissait qu'aucune date antérieure à mars 1989 ne pouvait être fixée. On a soumis à la Cour des documents contradictoires sur la question de savoir si la date du procès en mars 1989 était "inévitable". Même si j'ai conclu que la preuve sur la disponibilité de dates antérieures n'est pas suffisamment claire pour établir l'existence d'une renonciation, je ne suis pas convaincu qu'une date aussi lointaine était nécessairement inévitable. Si l'accusé souhaitait procéder rapidement, on aurait pu s'attendre à ce qu'il fasse quelque chose de plus et qu'il proteste ou s'informe des autres dates disponibles. Bien que je traiterai de cette question sous l'angle du préjudice subi, il est aussi pertinent de l'étudier sous la présente rubrique.

c) Les actes du ministère public

À compter du moment où la date du procès a été fixée jusqu'à sa date prévue, le ministère public n'a rien fait pour retarder ou hâter le procès. L'avocat de la défense admet, à vrai dire, que le ministère public n'a posé aucun geste susceptible d'engendrer les délais écoulés en l'espèce.

d) Les limites des ressources institutionnelles

La présente affaire a commencé en Cour provinciale du district de Peel. La situation qui prévaut dans le district de Peel a été examinée minutieusement dans l'arrêt R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199. Bien que, depuis l'arrêt Askov, la situation se soit améliorée, ce district connaît toujours des délais institutionnels résultant de ressources limitées. Compte tenu du fait que Peel est aux prises avec ces délais depuis plus longtemps et qu'on a donc eu plus de temps pour s'attaquer au problème, j'appliquerais la partie inférieure de la ligne directrice relative au délai institutionnel. Dans l'arrêt Morin, j'ai affirmé que cette ligne directrice devrait se situer entre huit et dix mois pour la cour provinciale, sous réserve de dérogations résultant de la présence ou de l'absence de préjudice. Le temps écoulé entre le moment où les parties étaient prêtes pour le procès, en mai 1988, et mars 1989, soit approximativement neuf mois, était un délai institutionnel.

e) D'autres raisons du délai

Il ne semble pas y avoir eu d'autres délais en l'espèce, outre ceux déjà étudiés dans les présents motifs.

4. Le préjudice subi par l'accusé

Lors de son enquête sur cautionnement, M. Sharma a consenti à respecter toute ordonnance lui interdisant de conduire une automobile jusqu'à ce que la cour se prononce sur les accusations dont elle était saisie. L'avocat de la défense a demandé:

[traduction] Q. Monsieur, avez‑vous besoin d'une automobile pour vous rendre à votre travail et en revenir, ou pouvez‑vous utiliser un autre moyen de transport?

Monsieur Sharma a répondu:

[traduction] R. Je peux prendre l'autobus. Je n'ai plus d'auto.

L'accusé a ensuite admis spontanément qu'une interdiction de conduire [traduction] "[e]n réalité [. . .] serait mieux pour mon épouse". Le dossier indique également que M. Sharma a été détenu à diverses reprises au cours de la période en question pour des affaires étrangères à l'espèce et que, par conséquent, il avait moins eu l'occasion de conduire.

Le 25 février 1988, lorsqu'il a comparu pour fixer une date de procès, M. Sharma a soulevé la question de sa promesse de ne pas conduire. L'appelant et la cour ont échangé les propos suivants:

[traduction]

M. Sharma: J'ai une demande à faire, Votre Honneur. Il y va de mon emploi, si je puis ravoir mon permis.

La Cour: Je crois, monsieur, qu'à votre enquête sur cautionnement, on vous a libéré à condition que vous ne conduisiez aucun véhicule à moteur jusqu'à ce qu'on ait statué sur l'affaire. Si vous avez des questions à ce sujet, vous pouvez consulter le procureur chargé de communiquer la preuve, monsieur. Il est disponible les lundi, mercredi et vendredi au bureau là‑bas. Vous pouvez vous renseigner au bureau de l'avocat de garde et on vous aidera.

La pertinence de ce dernier échange tient à ce que, même si M. Sharma n'était peut‑être pas un participant chevronné au système de justice, la cour a fourni des renseignements importants sur la façon dont l'accusé pouvait tenter de faire modifier les conditions de sa mise en liberté sous caution. Il importe de remarquer qu'à l'origine, cette condition de mise en liberté sous caution a été imposée en raison du dossier de l'accusé qui démontrait que ce dernier s'était révélé [traduction] "un danger public sur la route" et qu'il était dans l'intérêt du public qu'il [traduction] "ne [soit pas en mesure] de mettre la main sur une automobile". L'accusé n'a pas mentionné cette condition lors de sa comparution du 24 mars 1988 et il semble qu'il n'ait jamais tenté de la faire supprimer malgré les renseignements précis que la cour lui a donnés sur la façon dont cela pourrait se réaliser.

Le juge du procès a statué que l'appelant avait subi un préjudice en raison du délai découlant des conditions de sa mise en liberté sous caution. Il a dû tirer cette conclusion des circonstances exposées précédemment. Même si, d'après les circonstances, l'appelant a subi un préjudice, je conclus qu'il était minime. Si le délai avait causé un préjudice grave à l'appelant, ce dernier aurait soit insisté pour être jugé, soit tenté jusqu'à un certain point de faire modifier les conditions de sa mise en liberté sous caution.

Quant à la possibilité de déduire qu'il y a eu préjudice, je suis disposé tout au plus à conclure à l'existence d'un préjudice infime causé par le simple écoulement du temps. L'inaction de M. Sharma entre sa comparution pour fixer une date de procès et la date prévue de son procès révèle une absence évidente de préoccupation à l'égard du rythme des procédures. On peut aussi, jusqu'à un certain point, tenir compte du fait que l'appelant n'était pas tout à fait dépourvu de connaissance du système de justice criminelle, ce qui peut réduire le stress et l'angoisse résultant de procédures en cours.

Dispositif

Compte tenu des facteurs analysés précédemment, notamment les actes de l'accusé, l'insignifiance du préjudice et la ligne directrice concernant le délai institutionnel, et compte tenu des intérêts destinés à être protégés et, particulièrement, de la gravité relative de l'accusation, je conclus que le délai en l'espèce n'était pas déraisonnable. Ainsi, il n'y a pas eu de violation des droits de l'accusé garantis par l'al. 11b) et le pourvoi est donc rejeté. Puisqu'aucun procès n'a encore été tenu, l'affaire doit être instruite. Vu le temps écoulé depuis l'engagement des procédures, le procès devrait être tenu sans délai.

Version française des motifs rendus par

//Le juge McLachlin//

Le juge McLachlin — J'appliquerais en l'espèce la même méthode que celle que j'ai utilisée dans l'arrêt R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 000, rendu simultanément. Il y a preuve prima facie de l'existence d'un délai excessif. Il reste à déterminer si le préjudice causé à l'accusé l'emporte sur l'intérêt qu'a la société à le faire traduire en justice. L'appelant a subi un certain préjudice: la condition de sa mise en liberté sous caution prescrivant la suspension de son permis de conduire a eu pour effet de restreindre sa liberté jusqu'à un certain point. Mais, par ailleurs, l'infraction commise est grave et la société a fortement intérêt à ce que cet accusé soit traduit en justice. Ces considérations l'emportent sur le préjudice subi par l'appelant.

Je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer est dissident.

Procureur de l'appelant: Irwin Koziebrocki, Toronto.

Procureur de l'intimée: Le procureur général de l'Ontario, Toronto.

Procureur de l'intervenant: John C. Tait, Ottawa.


Synthèse
Référence neutre : [1992] 1 R.C.S. 814 ?
Date de la décision : 26/03/1992
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Procès dans un délai raisonnable - Délai de 13 mois entre l'arrestation de l'accusé et son procès - Y a‑t‑il eu violation du droit d'être jugé dans un délai raisonnable? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 11b).

Le 17 février 1988, l'accusé a été accusé de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles, d'avoir conduit un véhicule à moteur alors que son alcoolémie dépassait la limite prescrite par la loi, et d'entrave à un agent de la paix. Une automobile présumément conduite par l'accusé a brûlé un feu rouge et a heurté un autre véhicule, dont la conductrice a subi des blessures graves. L'accusé a dit aux policiers qu'il était seulement un passager du véhicule, mais des témoins oculaires l'ont identifié comme en étant le conducteur. Une enquête sur cautionnement a été tenue le lendemain et l'accusé a été libéré après avoir souscrit un engagement et à la condition de ne pas conduire un véhicule à moteur jusqu'à ce qu'on ait statué sur les accusations. Le 25 février, il a comparu devant le tribunal afin qu'une date de procès soit fixée et il a sollicité un ajournement d'un mois, sa demande d'aide juridique datant de la veille seulement. Le 24 mars, l'accusé a comparu devant le tribunal, muni d'une lettre de son avocat indiquant des dates de procès acceptables, la plus rapprochée étant le 7 mars 1989. L'avocat avait apparemment consulté le personnel de la cour qui l'avait avisé que des dates de procès étaient fixées pour le mois de mars 1989. Le procès a été fixé au 8 mars 1989. À cette date, avant d'inscrire un plaidoyer, l'appelant a sollicité un arrêt des procédures pour violation de son droit d'être jugé dans un délai raisonnable garanti par l'art. 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme le ministère public avait été pris au dépourvu et que l'accusé n'avait pas fourni de transcriptions, un ajournement qui devint de deux semaines a été accordé. Le 22 mars 1989, le juge de la Cour provinciale a ordonné la suspension de toutes les accusations. La Cour d'appel a annulé les suspensions et a ordonné l'instruction sans délai de l'affaire.

Arrêt (Le juge en chef Lamer est dissident): Le pourvoi est rejeté.

Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Stevenson et Iacobucci: Le pourvoi a été entendu en même temps que R. c. Morin, et les principes et la méthode qui y sont énoncés s'appliquent en l'espèce. Pour ce qui est de l'al. 11b), la méthode générale consiste à soupeser les intérêts qu'il vise à protéger en fonction des facteurs qui causent un délai. En l'espèce, le délai total était d'un peu plus de 13 mois. Sur cette période, l'accusé a renoncé à invoquer la période de deux semaines qui suivait la date fixée pour son procès quand il a consenti à un ajournement causé par son défaut d'aviser et de se préparer à l'égard de la requête concernant le délai. Il n'a pas renoncé à se prévaloir du délai écoulé entre le 24 mars 1988 et le 8 mars 1989 quand il a fixé la date de son procès, car l'accusé n'était pas conscient à cette époque du droit auquel on dit qu'il aurait renoncé ou n'aurait pas été disposé à le faire s'il en avait été conscient. Vu la complexité de l'affaire, le délais inhérent était d'environ trois mois.

Il existe un désaccord important sur la question de savoir si les dates fournies dans une lettre par l'avocat de l'accusé étaient effectivement les dates les plus rapprochées qui seraient disponibles pour un procès. Même si la preuve de la disponibilité de dates antérieures est insuffisante pour établir la renonciation, une date aussi lointaine peut ne pas être inévitable. Si l'accusé souhaitait procéder rapidement, on aurait pu s'attendre à ce qu'il fasse quelque chose de plus et qu'il proteste ou s'informe des autres dates disponibles.

La partie inférieure de la ligne directrice applicable au délai institutionnel, fixée dans l'arrêt Morin entre huit et dix mois pour une cour provinciale, devrait être appliquée en l'espèce. La région en question connaît des délais depuis longtemps et a eu une certaine possibilité de corriger la situation. Le délai de neuf mois environ entre le moment où les parties étaient prêtes pour le procès et la date du procès était un délai institutionnel. L'accusé a subi un certain préjudice en raison des conditions de sa mise en liberté sous caution, mais ce préjudice était minime. Si le délai avait causé un préjudice grave à l'accusé, il aurait soit insisté pour être jugé, soit tenté jusqu'à un certain point de modifier les conditions de sa mise en liberté sous caution. De même, vu les circonstances de l'espèce, le préjudice causé par le simple écoulement du temps est tout au plus infime.

Compte tenu de tous ces facteurs, notamment les actes de l'accusé, l'insignifiance du préjudice et la ligne directrice concernant le délai institutionnel, et compte tenu des intérêts destinés à être protégés et, particulièrement, de la gravité relative de l'accusation, le délai en l'espèce n'était pas déraisonnable et il n'y a pas eu de violation des droits garantis à l'accusé par l'al. 11b).

Le juge McLachlin: Il y a preuve prima facie de l'existence d'un délai excessif mais l'intérêt qu'a la société à faire traduire l'accusé en justice l'emporte sur le préjudice qu'il a subi.

Le juge en chef Lamer (dissident): On a prouvé en l'espèce l'existence d'un préjudice réel. L'interdiction absolue de conduire un véhicule à moteur pendant toute la période de 13 mois comprise entre le dépôt de l'accusation et l'instruction de l'affaire a porté atteinte au droit à la liberté de l'appelant. Le fait que les conditions du cautionnement étaient justifiées ne signifie pas qu'elles n'étaient pas préjudiciables et il n'incombe pas à l'accusé de tenter de réduire le préjudice en essayant de faire retirer les conditions imposées. L'appelant a subi un préjudice pendant un délai excédant celui qui est légitimement justifiable en raison de ressources institutionnelles limitées.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Sharma

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Sopinka:
Arrêt appliqué: R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 000, conf. (1990), 76 C.R. (3d) 37
arrêts mentionnés: R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199, inf. (1987), 60 C.R. (3d) 277
R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120
Korponay c. Procureur général du Canada, [1982] 1 R.C.S. 41
Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383
Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759
R. c. C. (M.H.), [1991] 1 R.C.S. 763.
Citée par le juge McLachlin:
Arrêt appliqué: R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 000.
Citée par le juge en chef Lamer (dissident):
R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 000.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 11b).
Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 118a), 237b), 239(2).
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 129a), 253b), 255(2).

Proposition de citation de la décision: R. c. Sharma, [1992] 1 R.C.S. 814 (26 mars 1992)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1992-03-26;.1992..1.r.c.s..814 ?
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