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21/01/1993 | CANADA | N°[1993]_1_R.C.S._87

Canada | Queen c. Cognos Inc., [1993] 1 R.C.S. 87 (21 janvier 1993)


Queen c. Cognos Inc., [1993] 1 R.C.S. 87

Douglas J. Queen Appelant

c.

Cognos Incorporated Intimée

Répertorié: Queen c. Cognos Inc.

No du greffe: 22004.

1992: 29 janvier; 1993: 21 janvier.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, McLachlin, Stevenson* et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontatio (1990), 74 O.R. (2d) 176, 38 O.A.C. 180, 69 D.L.R. (4th) 288, 30 C.C.E.L. 1, 90 CCLC ¶14, 024, qui a infirmé le jugement du juge White, (198

7), 63 O.R. (2d) 389, 18 C.C.E.L. 146, qui accueillait l'action de l'appelant en dommages‑intérêts fondée sur u...

Queen c. Cognos Inc., [1993] 1 R.C.S. 87

Douglas J. Queen Appelant

c.

Cognos Incorporated Intimée

Répertorié: Queen c. Cognos Inc.

No du greffe: 22004.

1992: 29 janvier; 1993: 21 janvier.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, McLachlin, Stevenson* et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontatio (1990), 74 O.R. (2d) 176, 38 O.A.C. 180, 69 D.L.R. (4th) 288, 30 C.C.E.L. 1, 90 CCLC ¶14, 024, qui a infirmé le jugement du juge White, (1987), 63 O.R. (2d) 389, 18 C.C.E.L. 146, qui accueillait l'action de l'appelant en dommages‑intérêts fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence. Pourvoi accueilli.

Peter J. Bishop et Tom Brooker, pour l'appelant.

Charles T. Hackland et Mark Josselyn, pour l'intimée.

//Le juge La Forest//

Version française du jugement des juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Gonthier rendu par

Le juge La Forest -- Sous réserve de ce que j'ai dit dans l'arrêt connexe BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 000, je suis d'accord avec les juges Iacobucci et McLachlin, et je suis d'avis de disposer du pourvoi de la manière qu'ils proposent. Bien que le juge Iacobucci répète, pour l'essentiel, l'analyse qu'il a faite dans Checo, il ne s'agit pas du tout ici de concomitance. Qu'il me suffise de dire que le délit en l'espèce était indépendant du contrat et que la responsabilité n'était pas limitée par une clause d'exclusion dans le contrat.

//Le juge Iacobucci//

Version française des motifs des juges Sopinka et Iacobucci rendus par

Le juge Iacobucci — Il s'agit en l'espèce de déterminer si le délit de déclaration inexacte faite par négligence s'applique à une déclaration préalable à l'emploi qu'un employeur a faite à un employé éventuel pendant une entrevue d'embauchage. En particulier, on demande à notre Cour de déterminer dans quelles circonstances une déclaration faite pendant une entrevue d'embauchage devient, en droit, une «déclaration inexacte faite par négligence». Une question subsidiaire concerne l'effet sur une action en dommages‑intérêts découlant d'une déclaration inexacte faite par négligence d'un contrat de travail subséquent signé par le demandeur et des dispositions de ce contrat autorisant le congédiement «sans motif» et la réaffectation.

I. Les faits

Le juge de première instance a effectué un examen minutieux et approfondi des faits dans ses motifs. Aucune de ses conclusions de fait n'a été contestée d'une manière directe par l'intimée ou modifiée par la Cour d'appel. Étant donné que les faits en l'espèce sont particulièrement importants j'examinerai assez en détail les conclusions les plus pertinentes tirées par le juge de première instance.

L'intimée, Cognos Incorporated (autrefois connue sous le nom de Quasar Corporation et ci‑après appelée «Cognos» ou «l'intimée»), est une société établie à Ottawa qui exploite une entreprise de conception, d'élaboration et de mise en marché de programmes d'ordinateurs et de logiciels. En décembre 1982, le président de l'intimée (M. Mike Potter) a informé M. Sean Johnston, qui venait d'être nommé directeur, Développement des produits, pour une ligne de produits composée de logiciels de comptabilité et connue sous le nom de «Multiview», que Cognos avait l'intention de développer Multiview au même point que sa ligne de produits principale appelée «Power House». Le vice‑président, Recherche et Développement, de Cognos (M. Bob Minns) a également informé M. Johnston, au moment où ce dernier a accepté le poste de directeur, Développement des produits, que l'intimée voulait voir Multiview s'étendre au‑delà du module grand livre (le logiciel en cause est composé de divers «modules») alors mis au point et en circulation, et du module comptes créditeurs qu'on était en train de mettre au point. En particulier, il lui a dit que l'intimée envisageait la mise au point de trois modules additionnels, à savoir les comptes débiteurs, le flux de l'encaisse et les immobilisations. La haute direction de Cognos a demandé à M. Johnston d'en assumer la responsabilité et de faire tout ce qu'il fallait pour que Multiview devienne un produit commercialisable et rentable.

Le 21 décembre 1982, a eu lieu une rencontre au cours de laquelle M. Johnston et plusieurs hauts dirigeants de Cognos ont examiné les plans de développement de la ligne de produits Multiview, conformément au mandat qui venait d'être conféré. Monsieur Johnston a formulé des critiques au sujet du développement de Multiview alors en cours. Il a produit un échéancier de projet pour une période allant jusqu'en 1985, lequel prévoyait la mise au point de modules comme les comptes créditeurs, les comptes débiteurs et le flux de l'encaisse.

Monsieur Johnston a fait savoir que l'équipe de recherche et développement de Multiview avait besoin d'un comptable qui l'aiderait à créer et à maintenir le logiciel. Au su de la haute direction de l'intimée, il a fait publier une annonce en vue de retenir les services d'un comptable qui aiderait au développement de Multiview (lequel a par la suite été embauché). Une annonce a été insérée dans le Globe and Mail à la mi‑janvier 1983, à laquelle de nombreux candidats ont répondu. En février de la même année, M. Johnston et deux autres dirigeants de Cognos ont interviewé six comptables agréés. L'appelant, M. Douglas J. Queen, était l'un d'eux.

Au moment de son entrevue, l'appelant était comptable agréé depuis environ huit ans et demi. Depuis mai 1975, il habitait Calgary avec sa femme et ses enfants et avait occupé des postes auprès de trois employeurs différents, ce qui lui avait permis d'acquérir de l'expérience dans le domaine des systèmes de comptabilité informatisée. Pendant les trois années et demie qui ont précédé l'entrevue, l'appelant avait été contrôleur régional d'une société établie à Calgary, la Genstar Development Corporation, et avait occupé un poste de direction passablement rémunérateur et sûr. À l'automne 1982, l'appelant cherchait activement un emploi à l'extérieur de Calgary, et le secteur de la haute technologie de la région d'Ottawa l'intéressait. Comme l'a dit le juge de première instance, l'appelant voulait des possibilités plus stimulantes que celles qui lui étaient offertes à Calgary; il voulait un poste de direction dans le domaine des finances qui ferait appel à son expertise en matière de systèmes automatiques de gestion.

Le 14 février 1983, l'appelant a eu une entrevue d'environ une heure et demie pendant laquelle M. Johnston a fait certaines déclarations (comme il l'avait fait dans le cas des cinq autres candidats) au sujet du projet Multiview et du rôle que jouerait le candidat retenu dans son développement. Ces déclarations sont examinées à fond aux pp. 396 à 398 des motifs du juge de première instance: (1987), 63 O.R. (2d) 389.

En somme, M. Johnston a dit à l'appelant que Multiview était un projet majeur qui serait mis au point sur une période de deux ans (la [traduction] «période de développement initial»), que les améliorations et la maintenance seraient assurées par la suite, et que le poste en question devait être comblé pendant toute cette période. Il a clairement fait savoir que Cognos était bien décidée à mettre au point des modules additionnels de Multiview, en plus du grand livre (qui existait déjà), des comptes créditeurs (qu'on était en train de mettre au point) et des comptes débiteurs (module envisagé, mais non encore mis au point). Ces modules additionnels étaient le flux de l'encaisse, les immobilisations, l'inventaire et l'enregistrement des commandes. En outre, il a déclaré que le personnel requis pour mettre au point les modules Multiview doublerait, le nombre d'employés devant passer de 16 à 32, avant le mois d'août 1983 (selon le témoignage de l'appelant), ou avant la fin de la période de développement initial de deux ans (selon le témoignage de M. Johnston). Pendant toute l'entrevue, il a laissé entendre que le candidat retenu jouerait, en sa qualité de comptable agréé, un rôle important dans le projet Multiview et qu'il agirait comme conseiller en ce qui concerne les normes comptables pendant toute la durée du projet. De plus, le juge de première instance a conclu, en se fondant sur son appréciation de l'ensemble de la preuve, qu'on avait implicitement déclaré qu'il existait un plan raisonnable à l'égard des modules additionnels et que Cognos s'était financièrement engagée à les mettre au point au moyen de dispositions budgétaires.

Au moment de l'entrevue, la connaissance de M. Johnston au sujet de l'engagement que l'intimée avait pris à l'égard du développement de Multiview était fondée sur des conversations et sur des rencontres avec des hauts dirigeants de Cognos. Toutefois, M. Johnston savait que l'équipe de gestion d'entreprise de l'intimée n'avait pas encore approuvé le financement nécessaire au plein développement de Multiview, conformément à son mandat. Cette équipe s'était réunie au début de février pour examiner et formuler des stratégies et des plans en vue du développement de Multiview, mais elle n'avait pas encore pris d'engagements financiers correspondant au mandat conféré à M. Johnston. Celui‑ci savait également que cette équipe était en dernier ressort chargée de déterminer si la société devait affecter des fonds en recherche et développement pour Multiview. Pendant l'entrevue, l'appelant n'a jamais été informé qu'il n'existait aucun financement garanti pour le projet Multiview comme on le lui avait décrit, ou que le poste auquel il s'était porté candidat était assujetti, à quelques égards que ce soit, à une approbation budgétaire.

On a offert à l'appelant le poste de directeur, Normes financières, par téléphone au début de mars 1983. Il a immédiatement accepté et M. Johnston lui a envoyé, par la poste, un contrat de travail. Il n'est pas contesté qu'avant de signer le contrat de travail, l'appelant l'a lu et le comprenait. Il savait que l'objet du contrat était de définir les droits et obligations des parties. Une clause du contrat (la clause 14) permettait à l'intimée de mettre fin à n'importe quel moment à l'emploi de l'appelant «sans motif» sur préavis d'un mois, ou sur paiement d'un mois de salaire. Une autre (la clause 13) permettait à l'intimée de réaffecter l'appelant à un autre poste au sein de Cognos sans diminution de salaire et sur préavis d'un mois. La Cour d'appel a accordé beaucoup d'importance à ces dispositions, comme l'a également fait l'intimée dans son argumentation devant notre Cour.

Pour plus de commodité, je reproduis les clauses 13 et 14 du contrat de travail:

[traduction]

MUTATION

13.Quasar Systems se réserve le droit de vous réaffecter à un autre poste au sein de la société, sans diminution de salaire ou perte d'avantages, sur préavis d'un mois. Advenant le cas où la réaffectation exige que vous vous réinstalliez en permanence dans une autre ville, la société vous dédommagera de vos frais conformément à la politique de réinstallation alors en vigueur.

AVIS DE CESSATION D'EMPLOI — UN MOIS

14.Le présent contrat peut être résilié à n'importe quel moment et sans motif par Quasar Systems Ltd. ou par vous. En cas de cessation d'emploi, Quasar Systems Ltd. vous donnera un préavis d'un mois en sus de tout avis additionnel prévu par une loi pertinente. De même, vous donnerez à Quasar Systems un préavis d'un mois si vous résiliez volontairement ce contrat. Quasar Systems Ltd. peut vous verser un mois de salaire au lieu dudit avis, auquel cas ce contrat et votre emploi prendront fin à la date à laquelle cette somme vous sera versée.

Le juge de première instance a expressément accepté le témoignage de l'appelant, à savoir qu'il avait signé le contrat de travail en se fondant sur les déclarations qui lui avaient été faites pendant l'entrevue et que, n'eût été de ces déclarations, il ne l'aurait pas signé. Pour accepter l'emploi auprès de Cognos, l'appelant devait renoncer à un poste passablement rémunérateur et sûr, quoique moins stimulant, à Calgary et s'installer avec sa famille presque à l'autre bout du pays.

L'appelant a commencé à travailler pour Cognos le 11 avril 1983. Deux semaines plus tard, le 25 avril 1983, l'équipe de gestion d'entreprise de l'intimée a examiné pour la première fois l'estimation des coûts du projet Multiview, et a rejeté la proposition de financement de M. Johnston, laquelle s'élevait à plus de 1 000 000 $. Elle a décidé de consacrer en priorité des fonds de recherche et développement au projet Power House plutôt qu'au projet Multiview. Cette décision était fondée sur un certain nombre de considérations commerciales, notamment sur le chiffre d'affaires constamment bas du module existant de Multiview (grand livre) et sur celui constamment élevé des divers modules de Power House. L'équipe de gestion d'entreprise a alloué une somme de 200 000 $ seulement à Multiview, de sorte que la mise au point de modules additionnels autres que celui des comptes débiteurs était tout à fait irréaliste. D'autres réunions de l'équipe de gestion ont eu lieu au cours des mois qui ont suivi, et des restrictions financières additionnelles ont alors été apportées au projet Multiview. Le 9 septembre 1983, cinq mois à peine après son arrivée à Ottawa, l'appelant et d'autres employés ont été informés que le personnel prenant part au projet Multiview serait réaffecté, par suite des restrictions apportées au financement de la recherche et du développement. L'appelant a été informé qu'il serait fort probablement licencié, à moins qu'il n'y ait un poste pour lui au sein du service des finances et de l'administration de l'intimée.

Le 28 octobre 1983, l'appelant a reçu un premier avis écrit disant qu'il serait mis fin à son emploi le 21 mars 1984. Il a négocié une modification de son contrat de travail afin d'éliminer l'obligation qui lui incombait de rembourser les frais de déménagement s'élevant à 7 500 $, qu'il devait par ailleurs rembourser s'il était mis fin à son poste pendant la première année d'emploi. Cet avis a été annulé en novembre 1983, et l'appelant a été affecté au contrôle de la qualité d'un des aspects du projet Power House. Le 1er mai 1984, après avoir été informé plus tôt, en mars, qu'on n'aurait plus besoin de ses services pour le contrôle de la qualité, l'appelant a été nommé au poste de directeur des finances au sein du service des finances de l'intimée. Il a assumé diverses tâches à ce poste. Le 31 juillet 1984, il a reçu un second avis écrit disant qu'il serait mis fin à son emploi le 25 octobre 1984. Il a travaillé jusqu'à cette date et a été rémunéré jusqu'au 15 novembre 1984. Le juge de première instance a constaté que l'appelant n'avait pas été congédié par suite d'une évaluation insatisfaisante de son rendement professionnel.

Le 25 mars 1985, l'appelant a intenté contre l'intimée une action dans laquelle il demandait des dommages‑intérêts fondés sur une déclaration inexacte et frauduleuse et faite par négligence. Il a apparemment renoncé à invoquer la déclaration inexacte et frauduleuse à un moment donné, après le dépôt de sa demande, et a uniquement continué à invoquer la négligence. Depuis le début, la cause d'action de l'appelant est entièrement fondée sur la responsabilité délictuelle. L'appelant n'a jamais invoqué la violation du contrat, la violation d'une garantie accessoire ou une autre cause d'action contractuelle contre l'intimée. Il n'a pas contesté que certaines conditions de son contrat de travail semblaient incompatibles avec les déclarations que M. Johnston avait faites. Toutefois, il a cru comprendre, par suite de l'entrevue, que le projet Multiview était une réalité et que son existence ne dépendait pas de la réalisation d'un événement futur. Il a témoigné que n'eût été des déclarations faites pendant l'entrevue quant à la nature et à l'existence de l'emploi, il n'aurait pas quitté son poste sûr à Calgary.

Dans un jugement rendu le 31 décembre 1987, le juge White, de la Haute Cour de justice de l'Ontario, a accueilli la demande de l'appelant et lui a accordé la somme de 67 224 $ à titre de dommages‑intérêts: (1987), 63 O.R. (2d) 389, 18 C.C.E.L. 146. Le 1er mai 1990, la Cour d'appel de l'Ontario a accueilli l'appel interjeté par l'intimé; le jugement de première instance a été infirmé et remplacé par un jugement rejetant l'action avec dépens: (1990), 74 O.R. (2d) 176, 38 O.A.C. 180, 69 D.L.R. (4th) 288, 30 C.C.E.L. 1, 90 CCLC ¶14,024. L'appelant a obtenu l'autorisation de se pourvoir devant notre Cour le 17 janvier 1991, [1991] 1 R.C.S. xii.

II. Les jugements des cours d'instance inférieure

A. Haute Cour de justice de l'Ontario (1987), 63 O.R. (2d) 389

Le juge de première instance a conclu que, compte tenu de toutes les circonstances, il y avait un «lien spécial» entre l'intimée (par l'entremise de M. Johnston) et l'appelant, au sens de l'arrêt Hedley Byrne & Co. c. Heller & Partners Ltd., [1964] A.C. 465 (H.L.), de façon à donner lieu à une obligation de diligence en ce qui concerne les déclarations faites pendant l'entrevue d'embauchage. Le fait que cette affaire portait sur des négociations préalables au contrat ou à l'emploi ne changeait rien à cette conclusion. Le juge White a également conclu que, selon son appréciation de l'ensemble de la preuve présentée à l'audience, certaines déclarations faites à l'appelant pendant l'entrevue étaient erronées ou trompeuses (c'est‑à‑dire qu'il s'agissait de déclarations inexactes), et que ces déclarations inexactes avaient été faites d'une manière négligente (c'est‑à‑dire qu'il s'agissait de déclarations inexactes faites par négligence). Il vaut la peine de reproduire certaines remarques qu'il a faites à cet égard (aux pp. 415 et 416):

[traduction] Je conclus que, pendant l'entrevue d'embauchage, Sean Johnston a fait des déclarations inexactes à [l'appelant]. Selon ces déclarations inexactes, [l'appelant] occuperait un poste en recherche et développement pour le produit «Multiview»; ce poste serait un poste d'importance et ferait appel à son expertise à titre de comptable; [l'appelant] serait chargé de veiller à ce que les normes comptables pertinentes soient appliquées relativement au produit; en plus des trois modules immédiatement envisagés, il y aurait au moins quatre autres modules; le projet «Multiview» dans le cadre duquel [l'appelant] serait embauché durerait au moins deux ans. Je conclus en outre que M. Johnston a implicitement déclaré que la direction avait pris un engagement budgétaire ferme à l'égard de la mise au point de quatre autres modules, en plus de ceux qu'on était en train de mettre au point.

Je conclus en outre que, compte tenu de toutes les circonstances, Sean Johnston a fait ces déclarations inexactes par négligence. Vu son expertise dans le domaine de la création informatique, il savait, selon son témoignage, que tant que n'a pas été effectuée une étude de faisabilité dans laquelle l'estimation des coûts est soumise à la haute direction, et examinée et approuvée par celle‑ci, il est impossible de dire que [l'intimée] a pris un engagement ferme à l'égard du projet, comme M. Johnston le prévoyait et comme il l'a décrit [à l'appelant] pendant l'entrevue.

Le juge de première instance a notamment tenu compte des circonstances suivantes lorsqu'il a conclu que les déclarations inexactes avaient été faites par négligence: (1) M. Johnston savait, ou aurait dû savoir, que l'exactitude de ses déclarations dépendait de l'approbation, par l'équipe de gestion d'entreprise, de l'estimation des coûts qu'il avait préparée en matière de recherche et développement pour le projet Multiview; (2) il est raisonnable de déduire que M. Johnston prévoyait, au moment de l'entrevue, que les besoins budgétaires pour le projet Multiview seraient importants, et que l'approbation était, au mieux, fondée sur des conjectures; (3) M. Johnston devait être au courant du piètre rendement constant des ventes de la ligne de produits Multiview; (4) M. Johnston n'a pas révélé à l'appelant que la haute direction n'avait pas encore pris l'engagement financier requis pour que les plans relatifs au projet Multiview deviennent une réalité probable; (5) l'expertise de M. Johnston dans le domaine de la création informatique aurait dû lui permettre de savoir que, malgré les conversations qu'il avait eues avec des hauts dirigeants et malgré la réunion du 21 décembre 1982, il était encore fort probable que la haute direction ne donne pas l'approbation budgétaire requise; (6) M. Johnston savait que l'appelant se fiait aux renseignements qu'il avait fournis pendant l'entrevue; (7) M. Johnston savait que l'appelant occupait, à Calgary, un poste de responsabilité, un emploi sûr et rémunérateur, à titre de comptable agréé et que, pour venir travailler à Ottawa, il devait s'installer avec sa famille à l'autre bout du pays et (8) M. Johnston savait que l'appelant comptait sur le poste qu'il occuperait auprès de Cognos pour enrichir énormément sa carrière de comptable.

Le juge de première instance a également conclu que, même si M. Johnston croyait pouvoir légitimement faire les déclarations qu'il a faites (compte tenu des conversations qu'il avait eues avec la haute direction et de la réunion du 21 décembre 1982), et à supposer que cela enlève à ses déclarations inexactes leur caractère de négligence, ces déclarations inexactes, bien que M. Johnston ne les ait pas faites par négligence, avaient été faites par négligence par la haute direction de l'intimée [traduction] «par l'entremise de M. Johnston qui avait innocemment servi d'instrument à la société [intimée]» (à la p. 418).

Le juge White a en outre conclu que l'appelant s'était appuyé sur les déclarations inexactes faites par négligence, à son détriment, et qu'il avait subi un préjudice important (à la p. 419):

[traduction] Les déclarations inexactes ont poussé [l'appelant] à quitter son emploi de contrôleur de la division de Calgary de Genstar Development Corporation et à accepter un emploi auprès de [l'intimée]. Ces déclarations l'ont amené à signer le contrat de travail. N'eût été de ces déclarations, il aurait continué à travailler pour Genstar Development Corporation pendant un certain temps et ne serait pas devenu un employé de [l'intimée].

Enfin, le juge de première instance a examiné un certain nombre d'arguments que l'intimée a soulevés dans sa défense. Premièrement, il a rejeté la proposition selon laquelle les déclarations étaient véridiques, M. Johnston ayant simplement exprimé une opinion au sujet d'événements futurs. À son avis, les déclarations n'étaient pas véridiques: [traduction] «Ce qui n'était pas véridique dans les déclarations était la garantie implicite qui y était donnée, à savoir que M. Johnston avait fait une étude suffisante des faits pertinents, et notamment de la décision de la haute direction de prendre un engagement financier à l'égard du développement de «Multiview» au‑delà du module comptes débiteurs, pour être en mesure de faire les déclarations catégoriques qu'il a faites» (aux pp. 417 et 418). De l'avis du juge de première instance, il suffisait que M. Johnston dise que l'étude de faisabilité du projet n'était pas encore terminée. Deuxièmement, la haute direction de l'intimée n'a aucunement tenté de nier expressément les déclarations faites à l'appelant pendant l'entrevue. Troisièmement, le juge de première instance a rejeté le moyen de défense selon lequel l'appelant, par la manière dont il a agi après avoir pris connaissance de la situation de Multiview, avait confirmé son contrat de travail. À cet égard, le juge White a fait une distinction en ce qui concerne la décision sur laquelle l'intimée s'appuyait (Burrows c. Burke (1984), 49 O.R. (2d) 76 (C.A.)), et a jugé que, par sa conduite, l'appelant n'avait pas confirmé le contrat de travail, mais qu'il avait agi comme une personne qui se trouve dans une situation difficile et qui tente de [traduction] «minimiser ses dommages» (à la p. 420). Quoi qu'il en soit, sa conduite [traduction] «n'équivalait pas à une renonciation explicite de son droit de demander des dommages‑intérêts fondés sur la responsabilité délictuelle par suite des déclarations inexactes qui lui avaient été faites par négligence et qui l'avaient poussé à signer le contrat» (à la p. 421). À son avis, que le contrat soit confirmé ou non, la cause d'action en responsabilité délictuelle est maintenue car elle est indépendante du contrat. Et quatrièmement, le juge de première instance a rejeté le moyen de défense fondé sur la nécessité commerciale que l'intimée a invoqué, pour le motif que la preuve n'était pas faite de l'existence d'une nécessité de ce genre qui exonérerait cette dernière des déclarations inexactes faites par négligence.

Ainsi, le juge White a fait droit à la demande de l'appelant en ce qui concerne la déclaration inexacte faite par négligence. Il a évalué à 67 224 $ le montant des dommages‑intérêts payables à ce dernier. Ce montant représentait ce qu'il fallait, selon le juge White, [traduction] «pour mettre [l'appelant] dans la même situation que celle dans laquelle il aurait été s'il n'y avait pas eu de déclaration inexacte faite par négligence» (à la p. 414). Ce montant se compose de 50 000 $ pour la perte de revenu, de 252 $ pour les frais d'obtention d'un nouvel emploi, de 11 972 $ pour la perte subie par suite de l'achat et de la vente de sa maison dans la région d'Ottawa, et de 5 000 $ représentant des dommages‑intérêts généraux par suite du stress émotionnel subi.

B. Cour d'appel de l'Ontario (1990), 74 O.R. (2d) 176

Le juge Finlayson (avec l'appui des juges Griffiths et Arbour) a conclu que le juge de première instance a commis deux erreurs en permettant à l'appelant d'avoir gain de cause. Il a reconnu qu'il y a un «lien spécial» entre l'appelant et l'intimée, de sorte qu'il existe une obligation de diligence du genre décrit dans l'arrêt Hedley Byrne, précité, et dans des arrêts subséquents. Toutefois, il estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, le juge White a commis une erreur en examinant les questions de dénégation contractuelle et de négligence.

Le juge Finlayson estime que le juge de première instance a commis une erreur en exigeant un désaveu exprès de toute déclaration qui pouvait avoir été faite pendant les négociations préalables à la signature du contrat, pour que l'argument fondé sur la dénégation puisse être retenu, comme il l'a été dans l'arrêt Hedley Byrne, précité, et dans l'arrêt Carman Construction Ltd. c. Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, [1982] 1 R.C.S. 958. De l'avis du juge Finlayson, quelque chose de moins qu'une dénégation expresse peut suffire (à la p. 183): [traduction] «il y a une dénégation suffisante si le contrat contient des clauses qui contredisent les déclarations auxquelles on s'est fié ou qui sont incompatibles avec ces déclarations.» Il fait remarquer que le contrat de travail, que l'appelant a lu et compris, contenait des dispositions concernant la possibilité d'une réaffectation et, fait encore plus important, concernant la cessation d'emploi sur préavis d'un mois. Il a conclu que ces dispositions sont suffisantes pour constituer une dénégation valide (aux pp. 183 et 185):

[traduction] En l'espèce, [l'appelant] a déclaré qu'il n'aurait pas renoncé à son poste sûr à Calgary pour occuper à Ottawa un poste qui n'était pas permanent, et pourtant il a signé un contrat qui ne lui fournissait aucune garantie au sujet de son lieu de travail ou de sa permanence. Pour que l'arrêt Hedley Byrne puisse être invoqué, la déclaration inexacte faite par négligence doit équivaloir à une garantie de sécurité d'emploi, et pourtant le contrat de travail contenait certainement une dénégation à ce sujet. Aucune déclaration relative à la sécurité d'emploi, qu'elle soit fondée sur le rendement ou sur la disponibilité d'un emploi, n'aurait pu l'emporter sur la disposition concernant le préavis d'un mois de congédiement «sans motif» figurant dans le contrat.

. . .

En l'espèce, les discussions préalables à l'emploi ont abouti au contrat de travail. Il n'existe aucun délit distinct, même si l'on accepte les conclusions tirées par le juge de première instance au sujet d'une déclaration inexacte faite de bonne foi, parce que les conditions du contrat équivalaient à une dénégation au sens de l'arrêt Hedley Byrne. Les mentions du projet Multiview n'équivalaient pas à des garanties ou à des déclarations indépendantes du contrat de travail et elles ne peuvent pas l'emporter sur l'entente écrite.

Selon le juge Finlayson, cette dénégation porte un coup fatal à la demande de l'appelant car elle a pour effet de nier toute présomption d'obligation de diligence de la part de l'intimée, conclusion semblable à celle qui a été tirée dans les arrêts Hedley Byrne et Carman Construction, précités.

Quoi qu'il en soit, le juge Finlayson estime que le juge de première instance a commis une erreur en concluant qu'il y a eu déclaration inexacte faite par négligence parce qu'il a imposé à l'intimée une [traduction] «obligation de diligence plus lourde» que celle qui était requise compte tenu des circonstances. Selon lui, l'obligation, en l'espèce, consiste simplement à veiller à ce que les déclarations soient [traduction] «réfléchies et exactes, à la connaissance de M. Johnston et de son commettant, Cognos» (à la p. 186). Le juge Finlayson fait remarquer que les mêmes déclarations ont été faites aux six candidats, que l'objet de l'entrevue était de rendre le poste suffisamment alléchant pour que le candidat retenu l'accepte, et que M. Johnston croyait à la véracité de ce qu'il disait pendant l'entrevue. En outre, il fait remarquer que le juge de première instance a davantage critiqué ce que M. Johnston n'a pas dit que ce qu'il a, en fait, réellement dit. À son avis, toute obligation de diligence a été pleinement respectée, compte tenu des circonstances de l'espèce — il n'y a pas eu de déclaration inexacte faite par négligence (aux pp. 187 et 188):

[traduction] Monsieur Johnston a été embauché pour superviser le projet Multiview. L'avocat de [l'appelant] a reconnu que la décision de la société de ne pas concentrer son énergie sur ce projet a surpris M. Johnston autant que n'importe qui. Ce dernier croyait ce qu'il disait aux candidats au sujet de Multiview. Le juge de première instance a conclu qu'il était tenu de faire davantage, de signaler les particularités de la procédure interne de prise de décision au sein de Cognos et de souligner que cette procédure n'était pas terminée. En d'autres termes, le fait que, en sa qualité de dirigeant bien informé, il croyait réellement que le programme serait mis en {oe}uvre n'était pas suffisant. Il devait informer tous les candidats qu'il rencontrait de la situation exacte relativement à l'engagement pris par la société à l'égard du développement du nouveau produit, de façon que ceux‑ci puissent évaluer eux‑mêmes la viabilité du projet.

À mon avis, il en résulte une obligation trop lourde. Cela laisse entendre qu'une relation quasi fiduciaire au moins existait entre la société et le candidat, d'où l'obligation de faire une divulgation complète. Cette obligation peut exister lorsqu'il y a un «lien spécial» donné au sens de l'arrêt Hedley Byrne [. . .] mais en l'espèce, elle n'existe pas. Le juge de première instance a commis une erreur en rangeant la présente affaire dans la catégorie restreinte des affaires contractuelles dans lesquelles uberrima fides est la norme.

. . .

À mon avis, il existait un «lien spécial» entre [l'intimée] et les six candidats, mais toute obligation de diligence en découlant a été respectée. Je dis ceci sans tenir compte de la dénégation figurant dans le contrat [de l'appelant]. Monsieur Johnston n'était pas tenu de faire davantage que ce qu'il a fait en décrivant les perspectives d'emploi. Ce qu'il a dit était vrai, il y croyait, et cela suffisait.

Un appel et un contre‑appel ont été interjetés à l'égard des dommages‑intérêts. Le juge Finlayson a conclu que si, contrairement à son avis, l'action intentée par l'appelant était accueillie, il ne modifierait pas l'évaluation des dommages‑intérêts faite par le juge de première instance.

III. Les questions en litige

Je définirais comme suit les questions qui se posent en l'espèce:

(1) Abstraction faite pour le moment du contrat de travail signé par l'appelant en mars 1983, l'intimée ou son représentant, M. Johnston, avaient‑ils une obligation de diligence envers l'appelant pendant l'entrevue de sélection du 14 février 1983, relativement aux déclarations faites à ce dernier au sujet de l'intimée ainsi que de la nature et de l'existence de l'emploi qui était offert?

(2) Dans l'affirmative, abstraction faite pour le moment du contrat entre les parties, l'intimée ou son représentant, M. Johnston, ont‑ils violé cette obligation de diligence, compte tenu des circonstances de l'espèce?

(3) Dans l'affirmative, les réponses données aux questions 1 et 2, ou le résultat qu'entraîneraient normalement ces conclusions (à savoir, la responsabilité de l'intimée, pour le préjudice causé à l'appelant, le montant des dommages‑intérêts ayant été fixé à 67 224 $ par le juge de première instance et confirmé par la Cour d'appel et n'ayant pas été contesté devant notre Cour), devraient‑ils être, de quelque façon que ce soit, différents vu que, après les déclarations inexactes faites par négligence, l'appelant a signé un contrat de travail contenant notamment une disposition au sujet du congédiement «sans motif» (clause 14) ainsi qu'une disposition concernant la réaffectation (clause 13)?

Pour les motifs qui suivent, j'estime qu'il y a lieu de répondre aux questions 1 et 2 par l'affirmative et à la question 3 par la négative. Le pourvoi devrait donc être accueilli et le jugement que le juge White a rendu en faveur de l'appelant, dans lequel il accordait à ce dernier des dommages‑intérêts de 67 224 $, devrait être rétabli.

IV. Analyse

A. Introduction

Le présent pourvoi concerne une action en responsabilité délictuelle pour dommages‑intérêts fondée sur des déclarations inexactes qu'aurait faites par négligence à un employé éventuel (l'appelant) un employeur (l'intimée), par l'entremise de son représentant, dans le cadre d'une entrevue d'embauchage, au sujet de l'employeur ainsi que de la nature et de l'existence de l'emploi. Bien qu'il s'agisse d'un élément relativement récent de la common law, le délit de déclaration inexacte faite par négligence sur lequel s'appuie l'appelant et qui a pour la première fois été reconnu par la Chambre des lords dans l'arrêt Hedley Byrne, précité, est maintenant reconnu dans le droit canadien de la responsabilité délictuelle. Notre Cour a confirmé à maintes reprises, et parfois tacitement, qu'une action en responsabilité délictuelle peut être intentée, dans les cas appropriés, pour un préjudice découlant d'une déclaration inexacte faite d'une manière négligente: voir Welbridge Holdings Ltd. c. Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg, [1971] R.C.S. 957; J. Nunes Diamonds Ltd. c. Dominion Electric Protection Co., [1972] R.C.S. 769; Rivtow Marine Ltd. c. Washington Iron Works, [1974] R.C.S. 1189; Hodgins c. Hydro‑Electric Commission of the Township of Nepean, [1976] 2 R.C.S. 501; Le Pas (Ville de) c. Porky Packers Ltd., [1977] 1 R.C.S. 51; Haig c. Bamford, [1977] 1 R.C.S. 466; Carman Construction, précité; V.K. Mason Construction Ltd. c. Banque de Nouvelle‑Écosse, [1985] 1 R.C.S. 271; et Rainbow Industrial Caterers Ltd. c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1991] 3 R.C.S. 3.

La doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne, précité, est bien établie au Canada, mais l'étendue exacte de son application est, comme tout principe de common law, sujette à controverse et en évolution constante. Au moment où le pourvoi a été entendu, il n'y avait eu que quelques affaires dans lesquelles le délit de déclaration inexacte faite par négligence était utilisé dans un contexte préalable à l'emploi comme celui en l'espèce: voir Steer c. Aerovox Inc. (1984), 65 N.S.R. (2d) 91 (C.S.D.P.I.); H.B. Nickerson & Sons Ltd. c. Wooldridge (1980), 115 D.L.R. (3d) 97 (C.S.N.‑É. Div. app.); Williams c. School District No. 63 (Saanich) (1986), 11 C.C.E.L. 233 (C.S.C.‑B.) conf. pour d'autres motifs par (1987), 17 C.C.E.L. 257 (C.A.C.B.); Grenier c. Timmins Board of Education, H.C. Ont., no 1250/82, 31 mai 1984, 26 A.C.W.S. (2d) 285; Pettit c. Prince George & District Credit Union (1991), 35 C.C.E.L. 140 (C.S.C.‑B.); et Roy c. B.N.P.P. Regional Police Commission (1986), 15 C.C.E.L. 167 (B.R.N.‑B.). La situation de fait ici en cause est indubitablement une situation nouvelle pour notre Cour.

On a laissé entendre qu'il ne convient pas d'étendre l'application de l'arrêt Hedley Byrne, précité, aux déclarations qu'un employeur fait à un employé éventuel dans le cadre d'une entrevue, parce que cela impose un lourd fardeau aux employeurs. Mes motifs montreront que je ne souscris pas, en principe, à cet avis. Toutefois, j'estime qu'il est inutile, aux fins du présent pourvoi, d'entamer une discussion générale et abstraite au sujet de l'application du délit de déclaration inexacte faite par négligence aux déclarations préalables à l'emploi. L'essence de l'argument invoqué par l'intimée devant notre Cour n'est pas que l'action intentée par l'appelant n'est pas fondée en droit. L'intimée soutient plutôt que ce dernier n'a pas présenté de preuve à l'appui d'un dédommagement fondé sur une déclaration inexacte faite par négligence. Par conséquent, on pourrait trancher le pourvoi simplement en déterminant si l'existence des éléments requis en vertu de la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne est établie selon les faits de l'espèce. À mon avis, cette existence est établie.

Les éléments requis, pour qu'il soit fait droit à une demande fondée sur l'arrêt Hedley Byrne ont été énoncés dans de nombreux arrêts, parfois sous diverses formes. Les arrêts précités de notre Cour donnent à penser qu'il existe cinq conditions générales: (1) il doit y avoir une obligation de diligence fondée sur un «lien spécial» entre l'auteur et le destinataire de la déclaration; (2) la déclaration en question doit être fausse, inexacte ou trompeuse; (3) l'auteur doit avoir agi d'une manière négligente; (4) le destinataire doit s'être fié d'une manière raisonnable à la déclaration inexacte faite par négligence, et (5) le fait que le destinataire s'est fié à la déclaration doit lui être préjudiciable en ce sens qu'il doit avoir subi un préjudice. En l'espèce, le juge de première instance a conclu que tous les éléments étaient présents et a fait droit à la demande de l'appelant.

En particulier, le juge White a tenu pour avéré, que le représentant de l'intimée, M. Johnston, avait fait des déclarations inexactes au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi auquel l'appelant s'était porté candidat, et que ce dernier s'était appuyé à son détriment sur ces déclarations inexactes. La Cour d'appel n'a pas modifié ces conclusions de fait et, à l'exception de quelques remarques faites en passant, l'intimée ne les conteste pas devant notre Cour. Par conséquent, les deuxième, quatrième et cinquième conditions n'entrent pas ici en ligne de compte.

Les seules questions qui se posent devant notre Cour portent sur l'obligation de diligence qui existe envers l'appelant compte tenu des circonstances de l'espèce, et sur la violation alléguée de cette obligation (c.‑à‑d. l'allégation de négligence). L'intimée reconnaît qu'il y avait entre l'appelant et elle (par l'entremise de son représentant), un «lien spécial» qui donnait lieu à une obligation de diligence. Toutefois, elle soutient que cette obligation est éteinte en raison de la dénégation contenue dans le contrat de travail signé par l'appelant plus de deux semaines après l'entrevue. En outre, l'intimée soutient qu'aucune déclaration inexacte faite pendant l'entrevue d'embauchage n'a été faite par négligence. Pour les motifs qui suivent, les deux arguments doivent, à mon avis, être rejetés.

Toutefois, avant d'examiner ces questions, j'ai l'intention de me pencher sur une question préliminaire qui n'a pas directement été soulevée dans l'argumentation. Notre Cour a entendu le présent pourvoi presque en même temps que le pourvoi BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 000. Les circonstances de cette affaire sont à peu près semblables à celles de l'espèce, en ce sens qu'il s'agit également d'une action en dommages‑intérêts fondée sur une déclaration inexacte qui aurait été faite par négligence dans le cadre de négociations préalables à la passation d'un contrat. De manière générale, dans le pourvoi BG Checo comme en l'espèce, on a soutenu que certaines déclarations préalables à la passation du contrat ne correspondaient pas à la réalité, après la passation du contrat, et avaient été faites d'une manière négligente. Dans les deux cas, les défendeurs se sont fondés sur le contrat signé par les parties après les déclarations inexactes qui auraient été faites par négligence pour contester la demande fondée sur la responsabilité délictuelle présentée par les demandeurs. Étant donné que la conclusion que j'ai tirée dans l'arrêt BG Checo est contraire à celle que je tire en l'espèce, je crois utile d'expliquer dès le début pourquoi une distinction peut clairement être faite entre les deux affaires. Ce faisant, j'espère dissiper quelque peu la confusion qui existe actuellement en ce qui concerne les déclarations inexactes faites par négligence avant la passation d'un contrat.

B.Observations préliminaires au sujet de l'effet du contrat de travail sur le présent pourvoi

Comme je l'ai dit dans l'arrêt BG Checo, il est maintenant clair qu'une action en responsabilité délictuelle fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence peut être intentée malgré l'existence d'un lien contractuel entre les parties à l'action (à savoir le destinataire de la déclaration ou demandeur et l'auteur de la déclaration ou défendeur): voir Esso Petroleum Co. c. Mardon, [1976] 2 All E.R. 5 (C.A.); Sodd Corporation Inc. c. Tessis (1977), 17 O.R. (2d) 158 (C.A.); Kingu c. Walmar Ventures Ltd. (1986), 38 C.C.L.T. 51 (C.A.C.‑B.); Carman Construction, précité; V.K. Mason Construction, précité; Rainbow Industrial Caterers, précité; et L. N. Klar, Tort Law (1991), à la p. 162, n. 89. En particulier, le fait que les déclarations inexactes alléguées soient faites avant la passation d'un contrat, par exemple au cours des négociations ou dans le cadre d'une entrevue d'embauchage, et le fait qu'un contrat soit par la suite passé par les parties n'excluent pas, en soi, une action en responsabilité délictuelle pour dommages‑intérêts fondée sur lesdites déclarations inexactes: voir, par exemple, l'arrêt Esso Petroleum, précité, et les arrêts susmentionnés qui portent expressément sur les déclarations inexactes préalables à l'emploi.

Cela ne veut pas dire qu'en pareil cas le contrat n'est pas pertinent et qu'un tribunal devrait trancher la demande fondée sur la responsabilité délictuelle présentée par le demandeur indépendamment des dispositions contractuelles. Au contraire, selon les circonstances, le contrat subséquent peut avoir une très grande importance lorsqu'il s'agit de déterminer s'il doit être fait droit à une demande fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence et dans quelle mesure. De fait, comme en fait foi la conclusion que j'ai tirée dans l'arrêt BG Checo, pareil contrat peut avoir pour effet d'exclure l'action fondée sur la responsabilité délictuelle et de restreindre le demandeur à tout recours qu'il peut exercer en vertu du droit des contrats. Par ailleurs, même si le contrat n'exclut pas complètement la demande fondée sur la responsabilité délictuelle, l'obligation ou la responsabilité qui incombe au défendeur en ce qui concerne les déclarations inexactes faites par négligence peut être limitée ou exclue par une condition du contrat subséquent, de façon à restreindre ou à éteindre le recours de nature délictuelle: voir, par exemple, l'arrêt Hedley Byrne (bien que, dans cette affaire, il n'était pas question de contrat) et l'arrêt Carman Construction (bien que cette affaire se rapporte surtout à des déclarations faites après la passation du contrat), précités. Toutefois, il est également vrai que, dans certains cas, le contrat subséquent n'aura aucun effet sur l'action en dommages‑intérêts intentée par le demandeur en vertu de la responsabilité délictuelle. Comme mes motifs le montreront, j'estime que le contrat de travail signé par l'appelant en mars 1983 est régi par cette dernière proposition.

Dans l'examen de l'effet du contrat subséquent sur l'action en responsabilité délictuelle intentée par le destinataire de la déclaration, tout tourne autour de la nature des obligations contractuelles assumées par les parties et de la nature de la déclaration inexacte qui aurait été faite par négligence. Il s'agit avant tout de savoir si une obligation contractuelle précise a été créée par une condition expresse du contrat qui coïncide avec l'obligation de diligence existant en common law, que, selon le destinataire, l'auteur de la déclaration aurait violée. Autrement dit, la déclaration faite avant la signature du contrat à laquelle le demandeur s'est fié, est‑elle devenue une condition expresse du contrat subséquent? Dans l'affirmative, faute d'une considération prépondérante découlant du contexte dans lequel l'affaire a été conclue, le demandeur ne peut pas intenter une action en responsabilité délictuelle concomitante (aussi appelée concurrente) fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence, et doit se limiter aux recours prévus par le droit des contrats. Dans mes motifs de l'arrêt BG Checo, précité, j'ai fait un examen complet des arrêts à l'appui de cette proposition, et notamment de l'arrêt de notre Cour Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147. Comme je le donne à entendre dans l'arrêt BG Checo, il s'agit d'une exception à la règle générale de la concomitance que notre Cour a adoptée dans l'arrêt Central Trust c. Rafuse, précité.

À mon avis, c'est là la différence fondamentale entre le présent pourvoi et le pourvoi BG Checo, précité. Dans cette dernière affaire, la déclaration inexacte alléguée avait été intégralement incorporée à titre de condition expresse du contrat subséquent. En tant que telle, l'obligation de diligence existant en common law, invoquée par le demandeur dans son action en responsabilité délictuelle, coïncidait avec l'obligation incombant au défendeur en vertu d'une condition expresse du contrat. J'ai donc estimé que le demandeur ne pouvait pas intenter une action en responsabilité délictuelle concomitante par suite de la violation alléguée de ladite obligation, opinion qui était renforcée par le contexte commercial dans lequel l'opération avait été effectuée. Toutefois, en l'espèce, il n'existe aucune concomitance de ce genre. Le contrat de travail que l'appelant a signé en mars 1983 ne comporte aucune obligation contractuelle expresse qui coïncide avec l'obligation de diligence que l'intimée aurait violée. Les dispositions les plus pertinentes en l'espèce (les clauses 13 et 14) prévoient des obligations contractuelles qui sont clairement distinctes de l'obligation de common law invoquée par l'appelant dans l'action en responsabilité délictuelle et qui ne coïncident pas avec ladite obligation.

Si l'action intentée par l'appelant avait été fondée sur des déclarations faites avant la signature du contrat au sujet de la durée de sa participation au projet Multiview ou de la «sécurité d'emploi», pour reprendre l'expression utilisée par la Cour d'appel, la question de la concomitance pourrait bien être réglée différemment compte tenu des dispositions du contrat concernant la cessation d'emploi et la réaffectation. Toutefois, il est clair que l'appelant n'a pas allégué que M. Johnston avait par négligence fait une déclaration inexacte au sujet de la période pendant laquelle il travaillerait au projet Multiview ou au sujet des conditions en vertu desquelles il pouvait être mis fin à son emploi. En d'autres termes, il n'a pas soutenu que, par l'entremise de son représentant, l'intimée a violé une obligation de diligence existant en common law en faisant par négligence une déclaration inexacte au sujet de sa sécurité d'emploi auprès de Cognos. L'appelant a plutôt soutenu que M. Johnston a par négligence fait une déclaration inexacte au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi qui était offert. C'est l'existence, ou la réalité, de l'emploi en question, et non l'étendue de la participation de l'appelant, qui constitue le n{oe}ud de l'action en responsabilité délictuelle en l'espèce. La lecture minutieuse du contrat de travail révèle que celui‑ci ne comporte aucune disposition expresse au sujet des obligations de l'intimée en ce qui concerne la nature et l'existence du projet Multiview. Par conséquent, la ratio decidendi de mes motifs dans l'arrêt BG Checo ne s'applique pas en l'espèce. Les deux affaires portent sur des déclarations inexactes faites par négligence avant la passation d'un contrat, mais seule l'affaire BG Checo concerne une responsabilité concomitante prohibée en droit de la responsabilité délictuelle et en droit des contrats, une exception à la règle générale de la concomitance établie dans l'arrêt Central Trust c. Rafuse, précité. En l'espèce, il n'est pas du tout question de la concomitance, et encore moins d'une exception y afférente.

Cela dit, il ne s'ensuit pas que le contrat de travail n'est pas pertinent dans le présent pourvoi. Comme je l'ai déjà mentionné, même si le contrat n'exclut pas la demande fondée sur la responsabilité délictuelle, comme c'était le cas dans le pourvoi BG Checo, le devoir ou l'obligation de l'auteur de la déclaration sur le plan délictuel peut être limité ou exclu par une condition du contrat subséquent. À cet égard, l'intimée soutient que la Cour d'appel a eu raison de conclure que les clauses 13 et 14 du contrat de travail constituent une dénégation valide des déclarations inexactes qui auraient été faites pendant l'entrevue d'embauchage, de sorte que l'obligation de diligence est annulée. Je reviendrai sur la question dans la dernière partie de mes motifs. Je préfère examiner maintenant la question de savoir si, pendant l'entrevue de sélection, l'intimée ou son représentant avaient une obligation de diligence envers l'appelant et, dans l'affirmative, si cette obligation a été violée compte tenu des circonstances de l'espèce.

C. L'obligation de diligence envers l'appelant

L'intimée concède que son représentant, M. Johnston, et elle avaient une obligation de diligence envers les six candidats qui subissaient une entrevue, dont l'appelant, à savoir qu'elle ne devait pas faire par négligence des déclarations inexactes au sujet de Cognos ou de la nature et de la permanence de l'emploi offert. Ce faisant, elle reconnaît l'exactitude des conclusions tirées par le juge de première instance et par la Cour d'appel, selon lesquelles il existait entre les parties un «lien spécial» au sens de l'arrêt Hedley Byrne, précité.

À mon avis, cette concession est sensée. Sans doute, si l'on tient compte des circonstances de l'espèce, l'intimée et M. Johnston étaient obligés de faire preuve de diligence raisonnable pendant toute l'entrevue d'embauchage en ce qui concerne les déclarations qui étaient faites à l'appelant au sujet de Cognos ou de la nature et de l'existence de l'emploi.

Dans les milieux universitaires, il existe une certaine controverse, alimentée par divers prononcés judiciaires, quant au critère qu'il convient d'appliquer pour déterminer dans quelles circonstances il existe entre l'auteur d'une déclaration et son destinataire un «lien spécial» qui donne lieu à une obligation de diligence. Certains ont laissé entendre que l'élément fondamental de l'examen est qu'il est [traduction] «prévisible et raisonnable qu'on se fiera» aux déclarations, mais d'autres parlent du fait que l'auteur de la déclaration [traduction] «engage volontairement sa responsabilité». Récemment, dans l'arrêt Caparo Industries plc c. Dickman, [1990] 1 All E.R. 568 (H.L.), une affaire différente à ceux de l'espèce en ce sens que tout le litige concernait l'existence d'une obligation de diligence, la Chambre des lords a laissé entendre que l'obligation de diligence est fonction de trois critères: la prévisibilité du préjudice, l'étroitesse des liens entre les intéressés et le fait qu'il soit raisonnable ou non d'imposer une obligation.

Pour ma part, j'estime qu'il est inutile — et peu sage, compte tenu de la concession faite par l'intimée — d'intervenir dans cette controverse. Indépendamment du critère appliqué, le résultat dicté par les circonstances de l'espèce serait le même. Il était prévisible que l'appelant se fierait aux renseignements donnés pendant l'entrevue d'embauchage pour prendre une décision au sujet de sa carrière. Il était raisonnable qu'il se fie à ces déclarations. Rien de ce qui a été présenté devant notre Cour ne semble indiquer qu'au moment de l'entrevue ou peu de temps après, l'intimée n'assumait pas la responsabilité de ce que M. Johnston disait à l'appelant. Comme le juge de première instance l'a fait remarquer, M. Johnston a parlé du projet Multiview en termes catégoriques, sans faire quelque mise en garde que ce soit à ce sujet. Les dénégations de responsabilité alléguées sont des dispositions d'un contrat signé plus de deux semaines après l'entrevue. Pour les raisons que j'énoncerai à la fin de cette analyse, ces dispositions ne constituent pas des dénégations valides. Elles n'annulent pas l'obligation de diligence qui existe envers l'appelant ni n'empêchent cette obligation d'être soulevée, comme c'était le cas dans les arrêts Hedley Byrne et Carman Construction, précités. L'intimée et son représentant pouvaient prévoir que l'appelant subirait un préjudice si les déclarations sur lesquelles ce dernier s'était appuyé se révélaient fausses et faites par négligence. Sans aucun doute, il existait, à tout moment pertinent, des liens suffisamment étroits entre les parties. Enfin, il n'est pas déraisonnable d'imposer une obligation de diligence, compte tenu des circonstances de l'espèce; bien au contraire, il serait déraisonnable de ne pas imposer pareille obligation. Bref, il existait donc un «lien spécial» entre les parties au moment de l'entrevue. L'intimée et son représentant, M. Johnston, avaient une obligation de diligence pendant l'entrevue de sélection et ils étaient tenus de faire preuve d'une prudence et d'une diligence raisonnables en faisant des déclarations au sujet de l'employeur et de l'emploi offert.

La chose n'a pas été débattue devant notre Cour, mais je veux ajouter ce qui est implicite lorsque je retiens la concession faite par l'intimée, à savoir que je rejette ce qu'on appelle la méthode restrictive lorsqu'il s'agit de déterminer qui peut avoir une obligation de diligence au sens de l'arrêt Hedley Byrne, qui est souvent associé au jugement rendu par la majorité dans l'arrêt Mutual Life and Citizens' Assurance Co. Ltd. c. Evatt, [1971] A.C. 793 (C.P.). À mon avis, limiter cette obligation de diligence aux «professionnels» dont la tâche consiste à fournir des renseignements et des conseils, comme les médecins, les avocats, les banquiers, les architectes et les ingénieurs, est adopter une vue trop simpliste au sujet de l'examen requis dans des affaires comme la présente espèce. La question de savoir si une obligation de diligence existe à l'égard des déclarations dépend d'un certain nombre de considérations, notamment de la profession de l'auteur. Ce facteur peut constituer une bonne indication lorsqu'il s'agit de savoir s'il existe un «lien spécial» entre les parties, mais il ne devrait pas toujours être considéré comme une condition préliminaire. Il peut y avoir des cas dans lesquels les circonstances indiquent suffisamment l'existence d'une obligation de diligence, quelle que soit la profession de l'auteur de la déclaration. De fait, la présente espèce en est un bon exemple. Je me fonde sur un certain nombre d'arrêts pour préconiser une méthode plus souple à cet égard: voir, par exemple, les motifs de dissidence de lord Reid et lord Morris dans l'arrêt Mutual Life, précité; Esso Petroleum, précité; Howard Marine and Dredging Co. c. A. Ogden & Sons (Excavations) Ltd., [1978] Q.B. 574 (C.A.); Shaddock & Association Pty. Ltd. c. Parramatta City Council (1981), 150 C.L.R. 225 (H.C. Austr.); Blair c. Canada Trust Co. (1986), 38 C.C.L.T. 300 (C.S.C.‑B.); Nelson Lumber Co. c. Koch (1980), 13 C.C.L.T. 201 (C.A. Sask.); et A. M. Linden, La responsabilité civile délictuelle, (4e éd. 1988), aux pp. 483 à 488.

D. La violation de l'obligation de diligence

(1) Introduction

Il s'agit maintenant de savoir si ladite obligation de diligence a été violée pendant l'entrevue de sélection qui a eu lieu le 14 février 1983. Il faut principalement déterminer si les déclarations inexactes de M. Johnston pendant l'entrevue ont été faites par négligence, comme l'a conclu le juge de première instance.

Pour répondre à cette question, il y a lieu de déterminer la nature et l'étendue de l'obligation de diligence existant envers l'appelant, compte tenu des circonstances de l'espèce, ou comme je préfère l'appeler, de la norme de diligence que la loi impose à l'intimée et à son représentant. En particulier, nous devons nous demander s'il suffit, en droit, que M. Johnston ait été sincère pendant l'entrevue et qu'il ait cru ce qu'il disait, comme la Cour d'appel l'a conclu, ou s'il était tenu de faire davantage.

J'examinerai également sous cette rubrique une question accessoire que l'intimée a soulevée, au sujet de la nature des déclarations inexactes qui ont été faites en l'espèce. Comme je l'ai déjà fait remarquer, le juge de première instance a tenu pour avéré que certaines déclarations faites à l'appelant dans le cadre de l'entrevue de sélection étaient inexactes en ce sens qu'elles étaient erronées ou trompeuses. La Cour d'appel n'a aucunement modifiée cette conclusion fondée sur l'appréciation de la preuve dans son ensemble faite par le juge White. L'intimée ne conteste pas — du moins pas directement — cette conclusion de fait devant notre Cour. Toutefois, elle soutient qu'indépendamment de toute négligence, ces déclarations inexactes n'ouvrent pas droit à une poursuite en vertu du principe énoncé dans l'arrêt Hedley Byrne, parce qu'elles dépendent de déductions ou de suppositions plutôt que de déclarations directes et expresses, et parce qu'elles se rapportent à une attente future. Je me pencherai sur cet argument après avoir examiné la norme de diligence pertinente et son application aux faits de l'espèce.

(2) La norme de diligence imposée à l'intimée

Selon le juge Finlayson, l'obligation qui incombe à l'intimée et à son représentant est [traduction] «tout au plus une obligation de veiller à ce que les déclarations faites soient réfléchies et exactes, à la connaissance de M. Johnston et de son commettant, Cognos» (à la p. 186). À son avis, M. Johnston n'était pas tenu de faire plus que ce qu'il a fait en décrivant la perspective d'emploi à l'appelant: [traduction] «Ce qu'il a dit était vrai, il y croyait, et cela suffisait» (à la p. 188).

Devant notre Cour, l'intimée adopte la position du juge Finlayson, en ce qui concerne la norme de diligence applicable. Elle adopte également la conclusion, tirée par ce dernier, que le juge de première instance a commis une erreur en imposant une norme plus élevée que celle qui est requise compte tenu des circonstances, à savoir, une norme selon laquelle il fallait divulguer à l'appelant l'étendue de l'engagement financier pris par l'intimée à l'égard du projet Multiview. On soutient que la position que le juge de première instance a prise constitue une application injustifiée au droit relatif aux employeurs et employés de l'obligation quasi fiduciaire d'uberrima fides. Enfin, l'intimée fait sienne la conclusion du juge Finlayson qu'elle et son représentant se sont pleinement acquittés de l'obligation de diligence qui leur incombait. À cet égard, l'intimée met l'accent sur le fait que la procédure de recrutement pour le poste en question avait été engagée par M. Johnston au su et avec l'appui d'un certain nombre de ses hauts dirigeants et qu'il existait en fait un «engagement» à mettre au point Multiview de la façon décrite par M. Johnston pendant l'entrevue.

L'appelant décrit la norme de diligence applicable d'une manière assez différente. Il soutient que l'obligation de diligence qui incombait à l'intimée obligeait cette dernière ainsi que M. Johnston à prendre des mesures raisonnables pour éviter de lui fournir des renseignements erronés ou trompeurs sur des points importants quant à son emploi éventuel. Selon lui, cette obligation les obligeait également à se mettre à sa place en évaluant l'effet que pourraient avoir leurs déclarations sur son choix de carrière. En particulier, il soutient qu'ils étaient obligés de tenir compte des déductions que l'appelant ferait probablement à partir de leurs déclarations. L'appelant convient que cette norme semble élevée, mais, soutient‑il, la chose est justifiée dans une situation de préembauchage compte tenu d'un certain nombre de «considérations de principe». Enfin, l'appelant prétend que, selon la norme applicable, non seulement l'employeur doit fournir des renseignements exacts au sujet de la perspective d'emploi, mais il doit également fournir des renseignements complets, c'est‑à‑dire faire une divulgation complète. En l'espèce, l'appelant soutient que l'obligation de diligence n'a pas été respectée, étant donné que les renseignements fournis par M. Johnston étaient incomplets; il n'a pas été question de l'absence d'engagement financier. Quoi qu'il en soit, il affirme qu'il y a eu négligence même selon une norme de diligence moins élevée, parce que l'intimée et son représentant ne se sont pas assurés de l'exactitude des renseignements expressément ou implicitement fournis.

À mon avis, la norme de diligence pertinente n'est ni celle que l'intimée et la Cour d'appel ont avancée ni celle que l'appelant propose. La première est trop souple car elle assimile essentiellement l'obligation de diligence à une obligation d'honnêteté ordinaire. Par contre, la norme de diligence proposée par l'appelant est trop lourde car elle équivaut à exiger de l'employeur la divulgation complète pendant les entrevues de préembauchage. On n'a présenté à notre Cour aucun motif impérieux permettant de considérer les déclarations faites dans le contexte d'un emploi d'une manière différente de celles qui sont faites dans un autre contexte. Il est malheureux que l'appelant ait passé beaucoup de temps, dans son argumentation, à tenter de convaincre notre Cour de reconnaître une norme de diligence fondamentalement nouvelle, propre au contexte de l'emploi. De toute évidence, la norme de diligence normalement requise par la loi est suffisante pour trancher le présent pourvoi en faveur de l'appelant. Confirmer la conclusion de négligence tirée par le juge de première instance n'exige pas qu'on étende le droit de la responsabilité délictuelle à un domaine non encore exploré et par conséquent inconnu. Cela exige plutôt simplement une application de principes bien établis du droit en matière de négligence.

La norme de diligence applicable devrait être celle qui est utilisée dans toute affaire de négligence, à savoir celle universellement reconnue, quoique hypothétique, de la «personne raisonnable». La norme de diligence requise d'une personne qui fait des déclarations est objective. Il s'agit de l'obligation de faire preuve de la diligence raisonnable requise par les circonstances pour que les déclarations faites soient exactes et non trompeuses: voir Hedley Byrne, précité, à la p. 486, lord Reid; Hodgins c. Hydro‑Electric Commission, précité, aux pp. 506 à 509, le juge Ritchie au nom de notre Cour à la majorité; H.B. Nickerson & Sons c. Wooldridge, précité, aux pp. 135 et 136; J. G. Fleming, The Law of Torts (7e éd. 1987), aux pp. 96 à 104 et 614; Linden, op. cit., aux pp. 129 à 146; et Klar, op. cit., aux pp. 159 et 160. Le professeur Klar donne un aperçu utile de la question (à la p. 160):

[traduction] Un conseiller ne garantit pas l'exactitude de la déclaration qui est faite, mais il est uniquement tenu de faire preuve d'une diligence raisonnable à cet égard. Comme c'est le cas pour la norme de diligence applicable en matière de négligence en général, il s'agit d'une question de fait qui dépend des circonstances de l'affaire. Compte tenu de la nature de l'occasion, du but dans lequel la déclaration a été faite, de l'utilisation prévisible de la déclaration, du préjudice probable qu'occasionnera une déclaration inexacte, du statut du conseiller et du degré de compétence dont font généralement preuve les autres personnes dans une situation similaire, le juge des faits déterminera si le conseiller a été négligent.

À mon avis, le juge de première instance ne s'est pas écarté de la norme de diligence applicable en rendant sa décision. Il a conclu que [traduction] «compte tenu de toutes les circonstances», le représentant de l'intimée a fait les déclarations inexactes par négligence. Contrairement à la Cour d'appel, je ne vois rien qui me permette de modifier la conclusion minutieuse et réfléchie qu'il a tirée sur ce point.

À mon avis, la Cour d'appel a commis deux erreurs importantes lorsqu'elle a modifié la conclusion de négligence tirée par le juge White. En premier lieu, elle a mal décrit ses motifs en ce qui concerne la question de la négligence. Le juge Finlayson a dit (à la p. 187):

[traduction] Le juge de première instance a conclu que [M. Johnston] était tenu de faire davantage, de signaler les particularités de la procédure interne de prise de décision au sein de Cognos et de souligner que cette procédure n'était pas terminée. En d'autres termes, le fait que, en sa qualité de dirigeant bien informé, il croyait réellement que le programme serait mis en {oe}uvre n'était pas suffisant. Il devait informer tous les candidats qu'il rencontrait de la situation exacte relativement à l'engagement pris par la société à l'égard du développement du nouveau produit, de façon que ceux‑ci puissent évaluer eux‑mêmes la viabilité du projet.

À mon avis, il en résulte une obligation trop lourde. Cela laisse entendre qu'une relation quasi fiduciaire au moins existait entre la société et le candidat, d'où l'obligation de faire une divulgation complète.

Contrairement au juge Finlayson, je n'interprète pas les motifs du juge de première instance comme laissant entendre que l'intimée et son représentant étaient tenus de faire une «divulgation complète» au sens décrit ci‑dessus, et que l'intimée devait répondre de l'omission de respecter cette obligation. J'interprète plutôt ses motifs comme donnant à entendre que, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, M. Johnston a violé l'obligation de faire preuve d'une diligence raisonnable, notamment en décrivant la perspective d'emploi comme il l'a fait, sans en même temps informer l'appelant de la nature précaire de l'engagement financier pris par l'intimée à l'égard du développement de Multiview. En réalité, le juge de première instance n'a pas imposé à l'intimée et à son représentant l'obligation de faire une divulgation complète. Il a simplement imposé une obligation de diligence qui, pour être respectée, exigeait en l'occurrence, entre autres choses, qu'on fournisse à l'appelant des renseignements très pertinents au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi auquel il s'était porté candidat.

Il existe de nombreux arrêts dans lesquels l'omission de divulguer des renseignements très pertinents a été prise en considération lorsqu'il s'est agi de déterminer si une déclaration inexacte avait été faite par négligence: voir, par exemple, Fine's Flowers Ltd. c. General Accident Assurance Co. (1974), 5 O.R. (2d) 137 (H.C.), à la p. 147, conf. par (1977), 17 O.R. (2d) 529 (C.A.); Grenier c. Timmins Board of Education, précité; H.B. Nickerson & Sons c. Wooldridge, précité; Hendrick c. De Marsh (1984), 45 O.R. (2d) 463 (H.C.) conf. pour d'autres motifs par (1986), 54 O.R. (2d) 185 (C.A.); Steer c. Aerovox, précité; W. B. Anderson & Sons Ltd. c. Rhodes (Liverpool), Ltd., [1967] 2 All E.R. 850 (Liverpool Assizes); et V.K. Mason Construction, précité. Dans ce dernier arrêt, le juge Wilson, qui parlait au nom de notre Cour, a dit (à la p. 284):

La déclaration a été faite avec négligence parce que la Banque n'a pas révélé qu'elle donnait cette assurance en fonction des seules conditions du prêt que Mason avait déjà considérées comme une garantie insuffisante de l'existence d'un financement adéquat.

Ce faisant, ces arrêts et le jugement rendu en première instance en l'espèce n'appliquent pas la norme de l'uberrima fides aux opérations en cause. À vrai dire, cette notion n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer si l'auteur de la déclaration a violé l'obligation de diligence en matière délictuelle qui existe en common law. Ces décisions traduisent simplement le droit applicable en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes lorsqu'il s'agit de déterminer si l'auteur de la déclaration a agi d'une manière négligente. Dans certains cas, cela comprend l'omission de divulguer des renseignements très pertinents.

En second lieu, la Cour d'appel a commis une erreur en remplaçant la norme de diligence «plus élevée» que le juge de première instance avait apparemment imposée par une norme bien inférieure à celle requise par la loi. Ici encore, il vaut la peine de répéter les remarques finales que le juge Finlayson a faites au sujet de la question de la négligence: [traduction] «M. Johnston n'était pas tenu de faire davantage que ce qu'il a fait en décrivant les perspectives d'emploi. Ce qu'il a dit était vrai, il y croyait, et cela suffisait» (à la p. 188). Essentiellement, la Cour d'appel a assimilé l'obligation de diligence existant en common law à une obligation d'honnêteté ordinaire. Cette dernière obligation existait sans aucun doute en l'espèce, comme elle existe dans le cadre de toute négociation préalable à la passation d'un contrat.

Toutefois, l'obligation de diligence que l'auteur de la déclaration a envers le destinataire lorsqu'il existe un «lien spécial» au sens de l'arrêt Hedley Byrne, précité, est distincte, quant à sa nature et à son étendue, de l'obligation d'être honnête et sincère. Comme lord Morris l'a déclaré dans l'arrêt Hedley Byrne (aux pp. 502 et 503):

[traduction] Indépendamment du contrat, il peut y avoir des cas dans lesquels on fournit des renseignements ou des conseils qui établissent un lien créant l'obligation d'être non seulement honnête, mais également diligent.

. . .

En pareil cas, je crois que la banque avait une certaine obligation envers la personne non désignée, quelle qu'elle soit. Elle était tenue de faire preuve d'honnêteté. Toutefois, il s'agit principalement de savoir s'il existait une obligation de diligence.

De son côté, lord Pearce a dit (à la p. 539):

[traduction] À mon avis, une obligation de diligence est également créée par des liens spéciaux qui, bien que de nature non fiduciaire, laissent supposer qu'il faut faire preuve aussi bien de diligence que d'honnêteté.

Voir également l'arrêt Hayward c. Mellick (1984), 45 O.R. (2d) 110 (C.A.), et l'arrêt Carman Construction, précité, à la p. 973.

L'obligation de diligence qui s'applique aux déclarations faites pendant les négociations préalables à la passation d'un contrat est plus lourde que l'obligation selon laquelle il faut se montrer honnête en faisant ces déclarations. L'auteur de la déclaration doit non seulement être sincère et honnête, mais il doit également faire preuve de la diligence raisonnable requise par les circonstances, de façon à ce que ses déclarations soient exactes et non trompeuses.

La croyance subjective de l'auteur quant à l'exactitude de ses déclarations et le fait de savoir s'il est moralement responsable ou non sont fort pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer si une déclaration inexacte a été faite d'une manière frauduleuse, mais cela ne sert pas à grand‑chose, pour ne pas dire à rien, lorsqu'il est question de négligence. Comme je l'ai fait remarquer précédemment, la norme de diligence applicable est celle de la personne raisonnable objective. Le fait que l'auteur croit à la véracité de ses déclarations n'entre pas en ligne de compte en ce qui concerne la norme de diligence. La Cour d'appel semble vouloir libérer de toute responsabilité les personnes qui font des déclarations inexactes par négligence si ces dernières croient que leurs déclarations sont véridiques. Cette position éliminerait presque toute responsabilité dans le cas d'une déclaration inexacte faite par négligence, puisqu'il n'y aurait responsabilité que lorsque l'auteur sait pertinemment que sa déclaration n'est pas véridique, ce qui est le fondement de la déclaration inexacte et frauduleuse. Essentiellement, la Cour d'appel est revenue au droit, tel qu'il existait avant l'arrêt Hedley Byrne, selon lequel la responsabilité morale devait s'ajouter à la déclaration inexacte pour qu'une action en responsabilité délictuelle pour dommages‑intérêts ait gain de cause: voir, à cet égard, l'examen que j'ai fait dans l'arrêt BG Checo, précité, au sujet du contexte dans lequel l'affaire Hedley Byrne a été tranchée. La question qui se posait devant le juge de première instance, en ce qui concerne la négligence, n'était pas de savoir si M. Johnston était sincère ou s'il croyait en ce qu'il disait à l'appelant. Il s'agissait de savoir s'il avait fait preuve de la diligence raisonnable requise par les circonstances, de façon à s'assurer de l'exactitude de ses déclarations.

Le juge de première instance a conclu que le représentant de l'intimée a agi d'une manière négligente en faisant à l'appelant des déclarations inexactes au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi et, en particulier, de l'étendue de l'engagement pris par l'intimée à l'égard du projet Multiview. Il a conclu que M. Johnston savait, vu son expertise dans le domaine de la création informatique, que tant qu'il n'y avait pas eu d'étude de faisabilité dans laquelle l'estimation des coûts a été soumise à la haute direction et examinée et approuvée par celle‑ci, il était impossible de dire que l'intimée a pris un engagement ferme à l'égard du projet, tel que M. Johnston l'envisageait et tel qu'il l'a décrit à l'appelant pendant l'entrevue.

Comme je l'ai déjà fait remarquer, le juge de première instance a également tiré ces conclusions importantes: M. Johnston savait, ou aurait dû savoir, que l'exactitude de ses déclarations dépendait de l'approbation, par l'équipe de gestion d'entreprise, de l'estimation des coûts qu'il avait préparée en matière de recherche et développement pour le projet Multiview; il est raisonnable de déduire que M. Johnston prévoyait, au moment de l'entrevue, que les besoins budgétaires pour le projet Multiview seraient importants, et que l'approbation était, au mieux, fondée sur des conjectures; M. Johnston devait être au courant du piètre rendement constant des ventes de la ligne de produits Multiview; M. Johnston n'a pas révélé à l'appelant que la haute direction n'avait pas encore pris l'engagement financier requis pour que les plans relatifs au projet Multiview deviennent une réalité probable; l'expertise de M. Johnston dans le domaine de la création informatique aurait dû lui permettre de savoir que, malgré les conversations qu'il avait eues avec des hauts dirigeants et malgré la réunion du 21 décembre 1982, il était encore fort probable que la haute direction ne donne pas l'approbation budgétaire requise; M. Johnston savait que l'appelant se fiait aux renseignements qu'il avait fournis pendant l'entrevue; M. Johnston savait que l'appelant occupait, à Calgary, un poste de responsabilité, un emploi sûr et rémunérateur, à titre de comptable agréé et que, pour venir travailler à Ottawa, il devait s'installer avec sa famille à l'autre bout du pays; et M. Johnston savait que l'appelant comptait sur le poste qu'il occuperait auprès de Cognos pour enrichir énormément sa carrière de comptable.

Ces conclusions sont pleinement étayées par la preuve présentée en première instance. Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion du juge de première instance, à savoir que les déclarations inexactes faites à l'appelant avaient, compte tenu de toutes les circonstances, été faites «par négligence». Selon la norme de diligence décrite précédemment, M. Johnston a omis de faire preuve de la diligence raisonnable requise par les circonstances en faisant les déclarations qu'il a faites pendant l'entrevue. En particulier, il n'aurait pas dû faire croire à l'appelant que le projet Multiview, tel que décrit pendant l'entrevue, était une réalité alors que, en fait, il savait fort bien que l'élément le plus important en vue de la réalisation du projet, tel qu'il le décrivait, était l'appui financier de l'intimée.

Devant notre Cour, l'intimée a longuement fait mention de la preuve présentée en première instance pour indiquer qu'en réalité elle envisageait de développer Multiview et d'en faire un projet rentable. Il semble vrai que Cognos avait «pris un engagement» à l'égard du projet à la fin de 1982 et au début de 1983, mais elle n'avait pas pris d'engagement à l'égard du point le plus crucial, c'est‑à‑dire le financement. Comme le juge de première instance l'a conclu, l'impression donnée pendant l'entrevue n'était pas compatible avec la réalité fondamentale que le financement du projet n'avait pas encore été approuvé.

En fin de compte, je ne puis trouver aucun motif me permettant de modifier la conclusion de négligence tirée par le juge White. Compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a eu violation de l'obligation de diligence qui existait envers l'appelant. Cela étant, il est inutile de déterminer si, comme le soutient l'appelant, d'autres membres de l'intimée, comme les hauts dirigeants, ont été négligents selon les faits de l'espèce. La conduite de M. Johnston pendant l'entrevue suffit pour appuyer une conclusion de responsabilité de l'intimée.

(3) La nature des déclarations inexactes

L'intimée soutient subsidiairement que, même si l'on retient les conclusions du juge de première instance à l'égard des déclarations inexactes et de la négligence, l'action intentée par l'appelant doit être rejetée parce que les déclarations auxquelles il s'est fié ne donnent pas droit à une poursuite en vertu de la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne. À cet égard, l'intimée fait valoir qu'il s'agit de déductions ou de suppositions plutôt que de déclarations directes, lesquelles se rapportent en outre à une attente future. L'appelant n'invoque aucun argument sur ce point. D'autre part, il n'est pas clair que cet argument de l'intimée ait été avancé avant l'appel devant notre Cour. Si c'est le cas, les tribunaux d'instance inférieure y ont accordé très peu d'importance. Dans ses motifs, le juge de première instance s'est contenté d'examiner brièvement, et de rejeter, la partie de l'argument concernant l'«attente future»; de son côté, la Cour d'appel ne fait absolument pas mention de cet argument.

À mon avis, l'argument subsidiaire de l'intimée ne peut pas être retenu compte tenu des circonstances de l'espèce. Premièrement, je rejette comme inexacte la prétention selon laquelle les déclarations en question visent uniquement des attentes ou des événements futurs. Pour plus de commodité, je reproduis ici encore un passage du jugement dans lequel le juge White tient pour avéré que des déclarations inexactes ont été faites à l'appelant pendant l'entrevue d'embauchage (aux pp. 415 et 416)

[traduction] Selon ces déclarations inexactes, [l'appelant] occuperait un poste en recherche et développement pour le produit «Multiview»; ce poste serait un poste d'importance et ferait appel à son expertise à titre de comptable; [l'appelant] serait chargé de veiller à ce que les normes comptables pertinentes soient appliquées relativement au produit; en plus des trois modules immédiatement envisagés, il y aurait au moins quatre autres modules; le projet «Multiview» dans le cadre duquel [l'appelant] serait embauché durerait au moins deux ans. Je conclus en outre que M. Johnston a implicitement déclaré que la direction avait pris un engagement budgétaire ferme à l'égard de la mise au point de quatre autres modules, en plus de ceux qu'on était en train de mettre au point.

De toute évidence, certains aspects des déclarations inexactes faites à l'appelant au sujet de l'emploi se rapportaient, par leur nature même, à l'avenir. Les déclarations relatives à la participation de l'appelant à l'entreprise de l'intimée et à ses responsabilités, si jamais on lui offrait un poste, se rapportent à une conduite et à des événements futurs. Certains arrêts appuient le point de vue voulant que seules des déclarations concernant des faits existants, par opposition à des événements futurs, puissent donner lieu à une négligence donnant droit à une poursuite: voir, par exemple, Williams c. School District No. 63 (Saanich) (C.S.C.‑B.), précité; Datile Financial Corp. c. Royal Trust Corp. of Canada (1991), 5 O.R. (3d) 358 (Div. gén.); Foster Advertising Ltd. c. Keenberg (1987), 38 C.C.L.T. 309 (C.A. Man.); et Andronyk c. Williams (1985), 35 C.C.L.T. 38 (C.A. Man.).

Toutefois, à supposer, sans en décider, que cette conception du droit soit exacte, les déclarations les plus pertinentes en l'espèce ne sont pas celles qui ont trait à la participation et aux responsabilités futures de l'appelant au sein de Cognos, mais celles qui ont trait à l'existence même de l'emploi auquel il s'est porté candidat. Il s'agit d'une question se rapportant à un fait existant. Il a implicitement été déclaré que l'emploi en question existait réellement au moment de l'entrevue, et ce, de la manière décrite par M. Johnston. Toutefois, comme le juge de première instance l'a conclu, tel n'était pas le cas. La perspective d'emploi décrite à l'appelant n'était pas, au moment de l'entrevue, un fait accompli pour l'intimée. De toute évidence, la déclaration inexacte se rapporte à des faits qui sont réputés avoir existé au moment de l'entrevue, soit l'engagement financier de l'intimée à l'égard du développement de Multiview et l'existence de la perspective d'emploi offerte. Il ne s'agit pas d'une [traduction] «remarque faite par un défendeur au sujet de l'aboutissement d'un événement futur» (Williams c. School District No. 63 (Saanich) (C.S.C.‑B.), précité, à la p. 240), d'une [traduction] «déclaration au sujet d'événements futurs» (Datile Financial Corp. c. Royal Trust, précité, à la p. 379), d'une [traduction] «déclaration d'intention ou d'une prévision de l'avenir» (Foster Advertising Ltd. c. Keenberg, précité, à la p. 325), ou d'une [traduction] «prévision» (Andronyk c. Williams, précité, à la p. 57).

L'autre aspect de l'argument de l'intimée est que les déclarations qui dépendent de déductions ou de suppositions ne peuvent pas donner lieu à une négligence donnant droit à une poursuite, en vertu de la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne. Ici encore, je rejette cet argument. Toutefois, à cet égard, je préfère, pour des motifs évidents, contester le principe avancé par l'intimée plutôt que simplement refuser de l'appliquer aux faits de l'espèce.

À mon avis, il n'existe aucun motif impérieux fondé sur un principe, un arrêt ou une politique à l'appui de la proposition selon laquelle, en règle générale, une déclaration implicite ne peut en aucun cas donner lieu à une négligence ouvrant droit à une poursuite. L'intimée a uniquement cité l'arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle‑Galles du Sud Minister Administering the Environmental Planning and Assessment Act, 1979 c. San Sebastian Pty. Ltd., [1983] 2 N.S.W.L.R. 268, conf. pour d'autres motifs par (1986), 68 A.L.R. 161 (H.C.), appliqué en dissidence par le juge Southin de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, dans l'arrêt BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority (1990), 44 B.C.L.R. (2d) 145. Les motifs prononcés par les juges Mahoney et Hutley dans la première affaire semblent de fait étayer la proposition selon laquelle il faut au moins qu'une déclaration expresse, ou qu'une déclaration équivalant à une déclaration expresse, ait été faite, selon la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne. Toutefois, il importe de noter qu'en rejetant un appel subséquent pour des motifs différents, la High Court d'Australie s'est expressément abstenue de faire quelque remarque que ce soit sur ce point. La cour à la majorité a préféré fonder son jugement, entre autres, sur le fait qu'aucune déclaration inexacte, [traduction] «expresse ou implicite», n'avait été faite. En d'autres termes, la High Court n'a rien constaté de trompeur ou d'inexact dans la déclaration, quelle que soit la manière dont elle a été qualifiée.

Par ailleurs, de nombreux arrêts viennent appuyer l'opinion plus large selon laquelle, dans des circonstances appropriées, des déclarations inexactes implicites peuvent donner lieu à une négligence donnant droit à une poursuite et y donnent souvent lieu: voir, par exemple, Banque Financière de la Cité SA c. Westgate Insurance Co., [1989] 2 All E.R. 952 (C.A.), à la p. 1000, conf. pour d'autres motifs par [1990] 2 All E.R. 947 (H.L.); Datile Financial Corp. c. Royal Trust, précité, à la p. 379; Hendrick c. De Marsh (H.C. Ont.), précité; Steer c. Aerovox, précité; et Doherty c. Allen (1988), 55 D.L.R. (4th) 746 (C.A.N.‑B.).

À mon avis, il est préférable d'adopter une attitude plus souple à cet égard. Il est arbitraire et prématuré de déclarer qu'en règle générale il faut au moins une déclaration expresse ou directe, selon la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne. Il y a sans doute des cas comme celui‑ci où les circonstances sont telles que la façon de qualifier la déclaration importe peu, ou n'importe pas du tout, et où il serait injuste de refuser un redressement simplement parce que la déclaration sur laquelle on s'appuie est jugée implicite plutôt qu'expresse. Il est inutile d'énoncer en détail les circonstances dans lesquelles des déclarations dites implicites peuvent suffire pour soutenir une action en matière responsabilité délictuelle fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence. Je préfère laisser cette tâche au juge des faits, qui examine des situations de fait précises. Il suffit de dire que l'affaire qui nous occupe fait partie de cette catégorie.

Pendant l'entrevue, M. Johnston a fait un nombre considérable de déclarations expresses qui établissent directement l'existence du projet Multiview et la nature de l'engagement pris par l'intimée à cet égard. La conclusion d'existence d'une déclaration inexacte implicite tirée par le juge de première instance est non seulement raisonnable, selon les circonstances, mais il s'agit peut‑être également de la seule déduction possible par suite des déclarations directes faites à l'appelant pendant l'entrevue. Une personne raisonnable se trouvant dans la situation de l'appelant aurait sans doute fait les mêmes déductions que ce dernier et le juge de première instance.

Il ne s'agit pas d'un cas dans lequel de nombreuses interprétations différentes et contradictoires peuvent raisonnablement être données à partir d'une série de déclarations directes, le destinataire de la déclaration préconisant le sens implicite le plus favorable au redressement. Il s'agit d'un cas où tout ce qui a été dit et déclaré pendant l'entrevue mène à la même conclusion: le projet Multiview décrit par M. Johnston était une réalité, en ce sens que l'intimée avait financièrement appuyé sa mise en {oe}uvre. L'appelant exerçait un emploi relativement sûr et rémunérateur à Calgary et, comme le juge de première instance l'a conclu, il n'aurait pas choisi de s'installer à l'autre bout du pays s'il avait cru que la perspective d'emploi qui lui avait été décrite n'existerait probablement plus, après son arrivée à Ottawa. Dans une large mesure, ce risque a été atténué par les déclarations faites pendant l'entrevue. Pour ces motifs, le fait que la déclaration en question n'est pas expresse ne devrait pas, compte tenu des circonstances de l'espèce, empêcher l'appelant de s'appuyer sur la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne et d'obtenir un redressement pour le préjudice qu'il a subi.

E.Le contrat de travail signé après les déclarations inexactes

Jusqu'ici, j'ai dit que les tribunaux d'instance inférieure avaient eu raison de conclure à l'existence d'un «lien spécial» entre les parties, de façon à donner lieu à une obligation de diligence pendant l'entrevue, et que les déclarations inexactes constatées par le juge de première instance avaient de fait été faites d'une manière négligente, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce. Ici encore, il est certain que l'appelant s'est fié d'une manière raisonnable, à son détriment, à ces déclarations inexactes. Il reste uniquement à savoir si le contrat de travail signé par l'appelant plus de deux semaines après l'entrevue influe de quelque façon sur les conclusions susmentionnées ou sur la conséquence qui en découlerait normalement, à savoir la responsabilité de l'intimée pour le préjudice causé à l'appelant.

Le juge Finlayson a conclu que les clauses 13 et 14 du contrat de travail constituaient une [traduction] «dénégation de responsabilité» adéquate, quoique non expresse, à l'égard des déclarations faites pendant l'entrevue, parce qu'elles contredisaient ces déclarations ou étaient incompatibles avec elles. L'intimée fait sienne cette conclusion et soutient qu'il y a clairement une contradiction entre le contrat et les déclarations inexactes alléguées et que cette contradiction est suffisante pour constituer une dénégation au sens de l'arrêt Hedley Byrne, précité. L'intimée soutient que la déclaration sur laquelle l'appelant s'est appuyé porte sur la question de la sécurité d'emploi et que cette question est expressément visée, et contredite, par les dispositions du contrat de travail concernant la réaffectation et le congédiement «sans motif» sur préavis d'un mois. En outre, l'intimée s'appuie sur l'arrêt J. Nunes Diamonds, précité, de notre Cour en ce qui concerne la proposition selon laquelle la doctrine énoncée dans l'arrêt Hedley Byrne, précité, «ne peut pas s'appliquer lorsque les relations entre les parties sont régies par un contrat, à moins qu'il soit possible de considérer que la négligence imputée constitue un délit civil indépendant n'ayant aucun rapport avec l'exécution du contrat». Or, allègue‑t‑on, le délit en question n'est pas «indépendant» du contrat. En outre, l'intimée soutient que la clause de congédiement sur préavis d'un mois figurant dans le contrat équivaut à une [traduction] «clause de limitation de responsabilité» et que l'appelant tente de se soustraire à cette clause par son action en responsabilité délictuelle, ce qui va à l'encontre de l'arrêt Central Trust c. Rafuse, précité, de notre Cour. Enfin, l'intimée prétend que la conduite de l'appelant après qu'il fut arrivé à la société et qu'il eut pris connaissance de la situation au sujet du projet Multiview équivaut à une confirmation de son contrat de travail.

De son côté, l'appelant fait valoir que le délit en cause est «indépendant» du contrat de travail au sens de l'arrêt J. Nunes Diamonds, précité, et qu'il n'est aucunement touché par ses dispositions. En particulier, il soutient que les clauses 13 et 14 du contrat de travail n'équivalent pas à une dénégation valide et n'influent aucunement sur la responsabilité délictuelle de l'intimée. À cet égard, l'appelant est d'avis que des conditions contractuelles expresses sont requises pour éteindre une obligation de diligence par ailleurs «indépendante». En outre, l'appelant affirme qu'il tentait simplement d'atténuer son préjudice en demeurant chez l'intimée après les réaffectations. Selon lui, toute «confirmation» du contrat n'est pas pertinente puisque le délit en question est «indépendant» du contrat et que le préjudice s'est cristallisé au moment où il a pris connaissance des déclarations inexactes.

À mon avis, le contrat de travail que l'appelant a signé n'a rien à voir, compte tenu des circonstances de l'espèce, avec l'action fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence qu'il a intentée. Ce contrat est visé par la troisième proposition mentionnée ci‑dessus, selon laquelle l'action en dommages‑intérêts intentée par le destinataire par suite d'une déclaration inexacte faite par négligence avant la passation d'un contrat n'est aucunement touchée par le contrat subséquent. J'ai fait remarquer à la p. 000 des présents motifs que l'on peut facilement faire une distinction entre le présent pourvoi et le pourvoi BG Checo, précité, en ce sens que l'obligation de diligence existant en common law sur laquelle s'appuie l'appelant ne coïncide pas, contrairement à ce qui était le cas dans le pourvoi BG Checo, avec une obligation imposée à l'intimée par une condition expresse du contrat de travail. En fait, cette conclusion répond à l'argument de l'intimée fondé sur l'arrêt J. Nunes Diamonds, précité.

De fait, comme je l'ai mentionné dans l'arrêt BG Checo, l'aspect du jugement rendu par la majorité dans l'arrêt J. Nunes Diamonds, précité, sur lequel l'intimée s'appuie (le passage figurant aux pp. 777 et 778) a fait l'objet de certaines réserves dans l'arrêt unanime Central Trust c. Rafuse, précité, de notre Cour, celle‑ci ayant reconnu que la concomitance entre la responsabilité en matière contractuelle et délictuelle est en général assujettie à certaines «exceptions», et notamment (à la p. 205):

2. Les engagements stipulés dans le contrat révèlent la nature des liens dont découle l'obligation de diligence en common law, mais la nature et la portée de l'obligation de diligence invoquée comme fondement de la responsabilité délictuelle ne doivent pas dépendre d'obligations ou de devoirs précis créés expressément par le contrat. C'est dans ce sens que l'obligation de diligence en common law doit être indépendante du contrat. La distinction, en ce qui concerne les termes du contrat, est, d'une manière générale, entre ce qu'il faut faire et la façon de le faire. On ne saurait affirmer qu'une réclamation est en matière délictuelle si elle tient, en ce qui concerne la nature et la portée de l'obligation de diligence alléguée, à la façon dont une obligation a été expressément et précisément définie dans un contrat. [Je souligne.]

Contrairement à ce qui était le cas dans le pourvoi BG Checo, l'obligation de diligence existant en common law que l'appelant a invoquée est, pour les motifs déjà énoncés, «indépendante» du contrat de travail. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter la partie de l'argument de l'intimée visant à faire rejeter l'action en responsabilité délictuelle intentée par l'appelant et à limiter ce dernier aux redressements prévus par le droit des contrats.

Il reste à savoir si l'obligation ou la responsabilité délictuelle de l'intimée est limitée ou exclue par une clause du contrat de travail. À mon avis, les clauses du contrat de travail n'influent pas sur l'obligation de diligence de l'intimée ni sur sa responsabilité. Pour plus de commodité, je reproduis ici encore les dispositions de ce contrat qui, selon la Cour d'appel et l'intimée, ont un rôle déterminant:

MUTATION

13.Quasar Systems se réserve le droit de vous réaffecter à un autre poste au sein de la société, sans diminution de salaire ou perte d'avantages, sur préavis d'un mois. Advenant le cas où la réaffectation exige que vous vous réinstalliez en permanence dans une autre ville, la société vous dédommagera de vos frais conformément à la politique de réinstallation alors en vigueur.

AVIS DE CESSATION D'EMPLOI — UN MOIS

14.Le présent contrat peut être résilié à n'importe quel moment et sans motif par Quasar Systems Ltd. ou par vous. En cas de cessation d'emploi, Quasar Systems Ltd. vous donnera un préavis d'un mois en sus de tout avis additionnel prévu par une loi pertinente. De même, vous donnerez à Quasar Systems un préavis d'un mois si vous résiliez volontairement ce contrat. Quasar Systems Ltd. peut vous verser un mois de salaire au lieu dudit avis, auquel cas ce contrat et votre emploi prendront fin à la date à laquelle cette somme vous sera versée.

À mon avis, la Cour d'appel a commis une erreur en interprétant les clauses 13 et 14 comme une «dénégation de responsabilité» au sens des arrêts Hedley Byrne et Carman Construction, précités. Une distinction peut clairement être faite entre ces dispositions et les dénégations en cause dans les arrêts Hedley Byrne et Carman Construction.

Dans l'arrêt Hedley Byrne, la banque du destinataire de la déclaration avait demandé certains renseignements financiers aux auteurs, qui étaient des spécialistes d'une banque d'affaire pour un client éventuel du destinataire, [traduction] «confidentiellement et sous toutes réserves» de la part de ceux‑ci. Les auteurs ont en partie répondu comme suit: [traduction] «CONFIDENTIEL. Pour votre usage personnel et sous toutes réserves de la part de la banque ou de ses représentants.» Contrairement au présent pourvoi, il n'y avait jamais eu de lien contractuel entre l'auteur et le destinataire de la déclaration dans l'arrêt Hedley Byrne. La Chambre des lords a jugé à l'unanimité qu'une obligation de diligence pouvait exister, dans les cas appropriés, à l'égard des déclarations, mais que cette obligation ne pouvait pas exister dans cette affaire étant donné que les auteurs des déclarations avaient clairement fait savoir au préalable, et ce, à la connaissance du destinataire, qu'ils n'assumaient ou ne reconnaissaient aucune responsabilité à l'égard des renseignements fournis.

D'autre part, l'arrêt Carman Construction, précité, portait sur une déclaration inexacte faite dans un contexte contractuel. La clause correspondante dans cette affaire (la cl. 3.1) prévoyait expressément que la demanderesse ne s'appuyait pas sur les déclarations de la défenderesse: [traduction] «l'entrepreneur ne se fie à aucun renseignement que la Compagnie lui a donné ni à aucune déclaration qu'elle lui a faite concernant les travaux» (à la p. 961). Il vaut la peine de citer les remarques pertinentes du juge Martland, qui a rédigé les motifs unanimes de la Cour (aux pp. 972 et 973):

Dans l'affaire Hedley Byrne, on a décidé que la dénégation de responsabilité relative aux personnes auxquelles on imputait une responsabilité en raison d'une déclaration inexacte faite par négligence à l'autre partie, excluait l'hypothèse d'une obligation de diligence. J'estime que les termes de la clause 3.1 du contrat ont le même effet. Le jugement de première instance a traité la situation en tenant pour acquis que l'existence d'une déclaration inexacte faite par négligence avait été établie, mais que la clause 3.1 était un clause d'exonération qui dégageait le C.P. de toute responsabilité. Dans les circonstances en l'espèce, je préfère considérer que cette clause établit que le C.P. n'a assumé aucune obligation de diligence et, en l'absence d'une obligation de diligence, il ne peut y avoir de réclamation fondée sur la négligence.

J'arrive à cette conclusion compte tenu des faits que j'ai déjà mentionnés en traitant la question de la garantie accessoire. Lorsque Fielding a reçu les documents de soumission et qu'il a lu et saisi la clause 3.1, Carman a été informée que si elle se liait par contrat avec le C.P., elle le ferait suivant sa propre connaissance du volume de roc à déplacer et qu'elle ne devrait se fier à aucun renseignement ni à aucune déclaration du C.P. relativement aux travaux. Fielding le savait lorsqu'il a demandé des renseignements à un employé du C.P. Il savait que s'il obtenait un renseignement, Carman ne pourrait s'y fier qu'à ses propres risques. À mon avis, d'après les faits en l'espèce, C.P. n'a jamais assumé une obligation de diligence à l'égard du renseignement donné par son employé, pourvu que ce renseignement ait été donné honnêtement. Le juge de première instance a conclu que la déclaration inexacte a été faite à Carman de bonne foi sans intention frauduleuse. [Je souligne.]

Il est également intéressant de noter l'extrait suivant des motifs du juge Wilson (alors juge à la Cour d'appel), qui a rédigé les motifs au nom de la Cour d'appel à la majorité, dans l'arrêt Carman Construction ((1981), 33 O.R. (2d) 472, à la p. 473):

[traduction] La Cour à la majorité est d'avis qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un cas où, après avoir fait par négligence une déclaration inexacte à la demanderesse en vue de l'inciter à conclure un contrat, dont les conditions n'étaient pas connues au moment de la déclaration, la défenderesse insère par la suite au contrat une clause de disculpation pour se protéger de la responsabilité délictuelle antérieure. Il s'agit d'un cas où la demanderesse a déposé une soumission en sachant que, dans le contrat même pour lequel elle faisait une offre, elle acceptait d'assumer les risques de l'utilisation des renseignements obtenus des employés de la défenderesse.

Contrairement à ce qui était le cas dans les arrêts Hedley Byrne et Carman Construction, précités, les dénégations de responsabilité alléguées et les déclarations inexactes n'ont pas été faites en même temps en l'espèce. Toutefois, ce qui est encore plus important que le moment où elles ont été faites, les clauses 13 et 14 du contrat de travail sont loin d'être des déclarations, expresses ou implicites, voulant que l'intimée et son représentant n'assument pas la responsabilité des déclarations faites à l'appelant pendant l'entrevue d'embauchage au sujet de la nature et de l'existence du projet Multiview. Je ne suis pas prêt à conclure qu'il faut absolument une dénégation claire et expresse pour exclure l'obligation de diligence, mais il est certain que les clauses 13 et 14 ne suffisent pas. Ces dispositions portent sur les droits et obligations des parties en cas de cessation d'emploi ou de mutation. Elle n'ont rien à voir avec les déclarations faites pendant les négociations qui ont précédé ou suivi la signature du contrat, et sont encore moins des dénégations relatives auxdites déclarations.

À supposer, pour les fins de la discussion, que le principe énoncé dans le jugement de la Cour d'appel soit fondé en droit (à savoir, [traduction] «il y a une dénégation suffisante si le contrat contient des clauses qui contredisent les déclarations auxquelles on s'est fié ou qui sont incompatibles avec ces déclarations» (à la p. 183)), il n'y a pas de contradictions en l'espèce entre les clauses 13 et 14 du contrat et les déclarations sur lesquelles s'appuie l'appelant. La seule façon de constater pareille contradiction est de souscrire à l'avis du juge Finlayson et de l'intimée, que les déclarations sur lesquelles l'appelant s'est appuyé équivalent à une garantie de sécurité d'emploi. Toutefois, comme je l'ai fait remarquer précédemment, les déclarations en question ne sont pas de cette nature. Il s'agit plutôt de déclarations selon lesquelles un emploi particulier existerait, lequel comporterait certains éléments. Comme le juge de première instance l'a conclu, les déclarations faites pendant l'entrevue d'embauchage étaient des déclarations fermes: [traduction] «la société [intimée] était bien décidée à mettre au point des modules additionnels de "Multiview"» (à la p. 397); on avait implicitement déclaré [traduction] «qu'il existait un plan raisonnable à l'égard des modules additionnels et que la société s'était financièrement engagée à les mettre au point au moyen de dispositions budgétaires» (à la p. 398). Qualifier les déclarations en question de garanties relatives à la sécurité d'emploi semble être particulièrement exagéré étant donné que M. Johnston a de fait indiqué que le projet ne durerait que deux ans. M. Johnston n'a donc pas déclaré qu'il s'agissait d'un poste permanent, bien qu'il ait certainement affirmé que ce poste serait disponible.

Ici encore, l'appelant n'allègue pas que M. Johnston a fait par négligence des déclarations inexactes quant à la période pendant laquelle il travaillerait au projet Multiview ou aux conditions dans lesquelles il pouvait être mis fin à son emploi. Il ne soutient pas que Cognos, par l'entremise de son représentant, a violé son obligation de diligence en faisant par négligence des déclarations inexactes au sujet de sa sécurité d'emploi auprès de la société intimée. L'appelant fait valoir plutôt que M. Johnston a fait des déclarations inexactes au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi offert. L'appelant s'est fié à ces dernières déclarations lorsqu'il a quitté son emploi relativement sûr et rémunérateur à Calgary. Le contrat de travail ne dit pas expressément ni implicitement qu'il se peut qu'une fois l'appelant arrivé à Ottawa, il n'y ait aucun emploi du genre décrit pendant l'entrevue. Les clauses prévoyant que l'employé peut être congédié sans motif à la suite d'un préavis approprié ou qu'il peut être réaffecté à un autre poste ne sont pas incompatibles avec la déclaration faite avant la signature du contrat, à savoir qu'un poste particulier serait disponible, tel que décrit, si l'employé acceptait l'emploi.

Quant à la responsabilité de l'intimée, les clauses 13 et 14 du contrat de travail ne constituent clairement pas, à première vue, des clauses de limitation ou d'exclusion de responsabilité au sens où ces expressions sont ordinairement employées. Le libellé adopté par les parties n'est pas ambigu. En élargissant la définition ordinaire de l'expression «clause de limitation de responsabilité», on pourrait interpréter les clauses 13 et 14 comme «limitant» la «responsabilité» de l'intimée à ce qui y est expressément prévu, dans le cas d'une mutation ou d'une cessation d'emploi. Toutefois, même si l'on adoptait cette interprétation, la responsabilité de l'intimée pour les déclarations inexactes faites par négligence avant la signature du contrat irait clairement au‑delà de la portée de ces dispositions. Il est de droit constant qu'en déterminant si une clause de limitation (ou d'exclusion) de responsabilité protège un défendeur dans un cas particulier, il faut avant tout interpréter la clause pour déterminer si elle s'applique au délit civil ou à la violation de contrat en cause. Si la clause est suffisamment générale pour viser, par exemple, la négligence du défendeur, elle peut s'appliquer de façon à limiter effectivement la responsabilité de celui‑ci pour la violation d'une obligation de diligence existant en common law, sous réserve de quelque considération prépondérante. Toutefois, tel n'est pas ici le cas.

Les clauses 13 et 14 du contrat de travail, même si elles sont considérées comme des clauses de «limitation de responsabilité», ne peuvent pas étayer une interprétation selon laquelle elles pourraient protéger l'intimée contre la violation de l'obligation de diligence existant en common law, et encore moins la violation de l'obligation particulière invoquée par l'appelant dans son action fondée sur la déclaration inexacte faite par négligence. Ces dispositions ne sont pas plus pertinentes, en ce qui concerne l'issue de l'affaire, que la clause 15 du contrat, qui permet à Cognos de congédier l'appelant pour un motif déterminé. Ainsi, contrairement à l'argument de l'intimée, la troisième proposition énoncée dans l'arrêt Central Trust c. Rafuse, précité, à la p. 206, n'est d'aucune utilité en l'espèce, c'est‑à‑dire que l'appelant ne tente pas, par l'action en responsabilité délictuelle qu'il a intentée, «de contourner ou d'éluder une clause contractuelle d'exonération ou de limitation de responsabilité pour l'acte ou l'omission qui constitue le délit civil». Bref, il n'y a rien dans le contrat de travail que l'appelant peut contourner ou éluder.

Enfin, en ce qui concerne l'argument de l'intimée selon lequel l'appelant a «confirmé» son contrat vu la façon dont il a agi après son arrivée à Ottawa, je ferais deux brèves remarques. En premier lieu, la notion de «confirmation» de contrat n'est pas pertinente en l'espèce car l'appelant cherche à exercer un recours fondé sur la responsabilité délictuelle plutôt que sur un contrat. En second lieu, il semble que ce soit être plutôt sévère que de considérer que l'appelant a confirmé son contrat de travail. L'appelant s'est trouvé dans une situation professionnelle fort difficile, et des problèmes conjugaux et médicaux sont venus aggraver la situation. À mon avis, il a agi d'une manière tout à fait raisonnable en tentant d'atténuer ses pertes avant de mettre finalement fin à ses relations professionnelles avec Cognos.

F. Conclusion

À mon avis, l'appelant a établi tous les éléments nécessaires pour avoir gain de cause. L'intimée et son représentant, M. Johnston, avaient une obligation de diligence envers l'appelant pendant l'entrevue d'embauchage et devaient faire preuve de la diligence raisonnable requise par les circonstances, de façon à s'assurer que les déclarations qui étaient faites étaient exactes et non trompeuses. Cette obligation de diligence est distincte de l'obligation d'honnêteté ordinaire existant entre des parties qui négocient et vient s'y ajouter. Le juge de première instance a tenu pour avéré que des déclarations inexactes, expresses et implicites, avaient été faites à l'appelant et qu'il s'y était fié, de manière raisonnable selon moi, et à son détriment. Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, je souscris à l'avis du juge de première instance, selon lequel M. Johnston a fait ces déclarations inexactes d'une manière négligente. Un contrat subséquent peut, dans les cas appropriés, influer sur une demande fondée sur des déclarations faites avant la passation d'un contrat, comme dans l'arrêt Hedley Byrne, mais le contrat de travail signé par l'appelant n'a rien à voir avec la présente action. En particulier, les clauses 13 et 14 du contrat ne constituent pas des dénégations valides de responsabilité relativement aux déclarations faites pendant l'entrevue.

V. Dispositif

Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario et de rétablir le jugement par lequel le juge White a conclu à la responsabilité de l'intimée et a accordé à l'appelant des dommages‑intérêts au montant de 67 224 $. L'appelant a droit à ses dépens devant toutes les cours.

//Le juge McLachlin//

Version française des motifs rendus par

Le juge McLachlin — Je conviens avec mon collègue le juge Iacobucci que le présent pourvoi devrait être accueilli, quoique je ne souscrive pas entièrement à ses motifs, pour des raisons qui sont évidentes à la lecture de mes motifs dans l'arrêt BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 000 (rendu en même temps que les présents motifs).

La première question soulevée par le présent pourvoi concerne les conséquences que peut avoir le fait que les parties en l'espèce ont conclu un contrat qui renfermait une condition portant expressément sur la cessation de l'emploi. La Cour d'appel (1990), 74 O.R. (2d) 176, a conclu que cette clause vouait à l'échec l'action en responsabilité délictuelle du demandeur pour déclaration inexacte faite par négligence relativement à l'emploi. Le juge Finlayson de la Cour d'appel a dit (à la p. 183):

[traduction] . . . l'intimé Queen a déclaré qu'il n'aurait pas renoncé à son poste sûr à Calgary pour occuper à Ottawa un poste qui n'était pas permanent, et pourtant il a signé un contrat qui ne lui fournissait aucune garantie au sujet de son lieu de travail ou de sa permanence. Pour que l'arrêt Hedley Byrne puisse être invoqué, la déclaration inexacte faite par négligence doit équivaloir à une garantie de sécurité d'emploi, et pourtant le contrat de travail contenait certainement une dénégation à ce sujet. Aucune déclaration relative à la sécurité d'emploi, qu'elle soit fondée sur le rendement ou sur la disponibilité d'un emploi, n'aurait pu l'emporter sur la disposition concernant le préavis d'un mois de congédiement «sans motif» figurant dans le contrat. [Je souligne.]

Mon collègue, à la p. 000, rejette cette conclusion au motif que les obligations contractuelles différaient de l'obligation de common law associée au délit civil de déclaration inexacte faite par négligence. La déclaration inexacte touchait «la nature et [. . .] l'existence de l'emploi qui était offert». Les clauses du contrat, par contre, portaient sur les droits et les redressements dont pouvaient se prévaloir les parties en cas de cessation d'emploi.

Je partage l'avis que la déclaration faite antérieurement à la passation du contrat différait, de par sa portée et son effet, de l'obligation contractuelle. Ce n'est pas une simple question de sémantique. Ce dont il s'agit en fait c'est l'appréciation par le demandeur du risque qu'il courait en quittant son poste pour se joindre à Cognos. En effet, avant de décider s'il y a lieu de conclure un contrat contenant des conditions régissant la cessation de l'emploi, il faut soupeser le risque d'une telle éventualité. Il se peut qu'une condition sévère relative à la cessation de l'emploi ne dissuade pas la personne de signer le contrat si elle est convaincue qu'elle ne court qu'un faible risque de perdre son emploi. La déclaration en cause en l'espèce concernait le risque de la cessation de l'emploi. On n'a pas déclaré que Cognos ne détiendrait pas le pouvoir discrétionnaire de congédier ou de muter le demandeur sur préavis d'un mois. Ce qui s'est plutôt passé c'est qu'en laissant entendre que le projet Multiview était une réalité, qu'il jouissait de l'appui financier de Cognos et qu'il avait franchi l'étape de l'étude de faisabilité et de l'estimation des coûts, Johnston, pour le compte de Cognos, a induit le demandeur en erreur quant au degré du risque, auquel s'exposait ce dernier, de voir Cognos décider à un moment donné d'exercer le pouvoir de congédiement que lui conférait le contrat de travail. Le demandeur, ajoutant foi aux propos de Johnston, a conclu qu'il ne courait qu'un faible risque de mutation ou de congédiement.

Précisons que l'on peut envisager plusieurs situations dans lesquelles Cognos aurait pu décider de mettre fin à l'emploi du demandeur:

(i)celle où il n'aurait pas fait le poids dans le projet Multiview, mais pour des raisons qui ne constituaient pas un motif valable de congédiement (p. ex. s'il faisait un travail médiocre sans toutefois aller jusqu'à l'incompétence);

(ii)celle où Cognos éprouverait de graves difficultés financières imprévues pouvant entraîner la mise à pied d'employés;

(iii)celle qui s'est en fait produite, où l'équipe de gestion d'entreprise de Cognos a décidé, lorsque le projet Multiview est arrivé au terme de l'étude de faisabilité et de l'estimation des coûts, de ne pas engager les fonds nécessaires pour le développement complet de la gamme de produits Multiview;

(iv)celle où l'équipe de gestion d'entreprise de Cognos déciderait, après avoir engagé les fonds, de limiter le développement de la gamme de produits Multiview ou d'y mettre fin.

Or, la déclaration en cause écartait le troisième motif de congédiement et, par le fait même, diminuait le risque de la cessation de l'emploi. Comme l'a conclu le juge de première instance, le demandeur s'est fondé sur cette déclaration pour décider de signer le contrat. Il s'est toutefois trouvé que la déclaration avait été faite par négligence et qu'elle était fausse. D'où il découle que le demandeur a droit aux dommages‑intérêts pour la perte qu'il a subie par suite de cette déclaration.

Le pourvoi soulève en second lieu la question de savoir si la Cour d'appel a eu raison de conclure que le juge de première instance avait imposé une obligation de diligence trop lourde. Le juge Finlayson a dit, avec raison, que l'obligation incombant à Cognos consistait [traduction] «simplement à veiller à ce que les déclarations soient réfléchies et exactes, à la connaissance de M. Johnston et de son commettant, Cognos» (à la p. 186). Il est toutefois arrivé, plus loin, à la conclusion suivante: [traduction] «Ce qu'il [Johnston] a dit était vrai, il y croyait, et cela suffisait» (à la p. 188). Avec égards, la seconde déclaration est sans fondement. Il ne suffit pas que le défendeur croie à ce qu'il a dit; il faut en outre qu'il ait agi sans négligence en formant et en exprimant cette opinion. Par ailleurs, le juge Finlayson a exagéré l'obligation de diligence retenue par le premier juge, affirmant en effet que, d'après ce dernier, Johnston [traduction] «devait informer tous les candidats qu'il rencontrait de la situation exacte relativement à l'engagement pris par la société à l'égard du développement du nouveau produit, de façon que ceux‑ci puissent évaluer eux‑mêmes la viabilité du projet» (à la p. 187). De fait, le juge de première instance a simplement conclu que la défenderesse avait l'obligation de ne pas faire croire aux candidats que le projet était assuré alors qu'elle savait que l'engagement des fonds n'avait pas été approuvé et qu'elle savait, ou aurait dû savoir, que l'approbation définitive n'était pas qu'une formalité et que l'engagement des fonds n'avait rien de certain. Je conviens avec mon collègue que c'est là le critère qu'il convient d'appliquer et que l'obligation de diligence en ce qui concerne les déclarations faites antérieurement à l'embauchage est identique à celle qui s'applique en général. Je suis également d'accord avec mon collègue que doit être rejeté l'argument voulant que les déclarations, de par leur nature, ne peuvent donner lieu à une action en justice.

Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi selon les modalités que propose le juge Iacobucci.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l'appelant: Peter J. Bishop & Associates, Ottawa.

Procureurs de l'intimée: Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa.

*Le juge Stevenson n'a pas pris part au jugement.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Responsabilité délictuelle - Négligence - Déclaration inexacte faite par négligence - Obligation de diligence - Le représentant d'un employeur aurait fait des déclarations inexactes par négligence à un employé éventuel au cours d'une entrevue - L'employeur ou son représentant avaient‑ils envers l'employé éventuel une obligation de diligence? - Dans l'affirmative, cette obligation a‑t‑elle été violée? - Effet de la signature subséquente d'un contrat de travail permettant le congédiement sans motif et une réaffectation.

Cognos est une société établie à Ottawa qui exploite une entreprise de logiciels. Au su de la haute direction de la société, le directeur du développement des produits pour une ligne de produits composée de logiciels de comptabilité, a fait publié une annonce en vue de retenir les services d'un comptable qui aiderait au développement du produit. L'appelant, comptable agréé, s'est porté candidat et a été interviewé. Il habitait alors Calgary avec sa femme et ses enfants et occupait un poste de direction passablement rémunérateur et sûr. Il cherchait activement un emploi à l'extérieur de Calgary parce qu'il voulait des possibilités plus stimulantes. Au cours de l'entrevue, le directeur a dit à l'appelant qu'il s'agissait d'un projet majeur qui serait mis au point sur une période de deux ans, que les améliorations et la maintenance seraient assurées par la suite, et que le poste en question devait être comblé pendant toute cette période. Il a déclaré que le personnel requis pour mettre au point les modules du produit doublerait. Pendant l'entrevue, l'appelant n'a jamais été informé qu'il n'existait aucun financement garanti pour le projet comme on le lui décrivait, ou que le poste auquel il se portait candidat était assujetti à une approbation budgétaire. On a offert à l'appelant le poste de directeur, normes financières, qu'il a immédiatement accepté. Il a signé un contrat de travail, dont une clause permettait à Cognos de mettre fin à n'importe quel moment à l'emploi de l'appelant «sans motif» sur préavis d'un mois, ou sur paiement d'un mois de salaire, ou de le réaffecter à un autre poste au sein de la société sans diminution de salaire et sur préavis d'un mois. L'appelant a commencé à travailler en avril 1983. En septembre, il a été informé que le personnel prenant part au projet serait réaffecté, par suite des restrictions apportées au financement de la recherche et du développement. Le premier avis de cessation d'emploi qu'il a reçu a été annulé, mais en juillet 1984, il a reçu un second avis disant qu'il serait mis fin à son emploi le 25 octobre 1984. Il a travaillé jusqu'à cette date et a été rémunéré jusqu'au 15 novembre. Le juge de première instance a accueilli l'action de l'appelant contre Cognos et lui a accordé des dommages‑intérêts pour déclaration inexacte faite par négligence. La Cour d'appel a infirmé le jugement et rejeté l'action. Les questions qui se posent en l'espèce sont les suivantes: (1) Cognos ou son représentant avaient‑ils une obligation de diligence envers l'appelant relativement aux déclarations faites à ce dernier au sujet de Cognos ainsi que de la nature et de l'existence de l'emploi qui était offert? (2) Cognos ou son représentant ont‑ils violé cette obligation de diligence? (3) Quel est l'effet de la signature par l'appelant, après les déclarations inexactes faites par négligence, d'un contrat de travail contenant une disposition au sujet du congédiement «sans motif» ainsi qu'une disposition concernant la réaffectation?

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Gonthier: Sous réserve de ce qui a été dit dans l'arrêt connexe Checo, les motifs des juges Iacobucci et McLachlin sont acceptés. Il ne s'agit pas ici de concomitance. Le délit en l'espèce était indépendant du contrat et la responsabilité n'était pas limitée par une clause d'exclusion dans le contrat.

Les juges Sopinka et Iacobucci: Le délit de déclaration inexacte faite par négligence est un principe reconnu dans le droit canadien de la responsabilité délictuelle. Il existe cinq conditions générales pour qu'il soit fait droit à une demande: (1) il doit y avoir une obligation de diligence fondée sur un «lien spécial» entre l'auteur et le destinataire de la déclaration; (2) la déclaration en question doit être fausse, inexacte ou trompeuse; (3) l'auteur doit avoir agi d'une manière négligente; (4) le destinataire doit s'être fié d'une manière raisonnable à la déclaration inexacte faite par négligence, et (5) le fait que le destinataire s'est fié à la déclaration doit lui être préjudiciable en ce sens qu'il doit avoir subi un préjudice.

Une action en responsabilité délictuelle fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence peut être intentée malgré l'existence d'un lien contractuel entre les parties à l'action. Le fait que les déclarations inexactes alléguées soient faites avant la passation d'un contrat, par exemple au cours des négociations ou dans le cadre d'une entrevue d'embauchage, et le fait qu'un contrat soit par la suite passé par les parties n'excluent pas, en soi, une action en responsabilité délictuelle pour dommages‑intérêts fondée sur les déclarations inexactes. Toutefois, selon les circonstances, le contrat subséquent peut avoir une très grande importance lorsqu'il s'agit de déterminer s'il doit être fait droit à une demande fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence et dans quelle mesure. Pareil contrat peut avoir pour effet d'exclure l'action fondée sur la responsabilité délictuelle et de restreindre le demandeur à tout recours qu'il peut exercer en vertu du droit des contrats. Par ailleurs, même si le contrat n'exclut pas complètement la demande fondée sur la responsabilité délictuelle, l'obligation ou la responsabilité qui incombe au défendeur en ce qui concerne les déclarations inexactes faites par négligence peut être limitée ou exclue par une condition du contrat subséquent, de façon à restreindre ou à éteindre le recours de nature délictuelle du demandeur. Toutefois, il est également vrai que, dans certains cas, le contrat subséquent n'aura aucun effet sur l'action en dommages‑intérêts intentée par le demandeur en vertu de la responsabilité délictuelle.

Il s'agit avant tout de savoir si une obligation contractuelle précise a été créée par une condition expresse du contrat qui coïncide avec l'obligation de diligence existant en common law, que, selon le destinataire, l'auteur de la déclaration aurait violée. Si la déclaration faite avant la signature du contrat à laquelle le demandeur s'est fié est devenue une condition expresse du contrat subséquent, alors faute d'une considération prépondérante découlant du contexte dans lequel l'affaire a été conclue, le demandeur ne peut pas intenter une action en responsabilité délictuelle concomitante fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence, et doit se limiter aux recours prévus par le droit des contrats. En l'espèce, il n'existe aucune concomitance. Le contrat de travail que l'appelant a signé ne comporte aucune obligation contractuelle expresse qui coïncide avec l'obligation de diligence que Cognos aurait violée. L'appelant n'a pas allégué que le directeur avait par négligence fait une déclaration inexacte au sujet de la période pendant laquelle il travaillerait au projet en question ou au sujet des conditions en vertu desquelles il pouvait être mis fin à son emploi. L'appelant a plutôt soutenu que le directeur a par négligence fait une déclaration inexacte au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi qui était offert. C'est l'existence, ou la réalité, de l'emploi en question, et non l'étendue de la participation de l'appelant, qui constitue le n{oe}ud de l'action en responsabilité délictuelle en l'espèce, et le contrat de travail ne comporte aucune disposition expresse au sujet des obligations de Cognos en ce qui concerne la nature et l'existence du projet.

Il existait un «lien spécial» entre les parties, et Cognos et son représentant, le directeur, avaient par conséquent une obligation de diligence envers l'appelant et ils étaient tenus de faire preuve d'une prudence et d'une diligence raisonnables en faisant des déclarations au sujet de l'employeur et de l'emploi offert. Les déclarations inexactes du directeur pendant l'entrevue ont été faites par négligence, et l'obligation de diligence a donc été violée. Il ne suffit pas que le directeur ait été sincère pendant l'entrevue et qu'il ait cru ce qu'il disait. La norme de diligence applicable devrait être celle qui est utilisée dans toute affaire de négligence, à savoir celle universellement reconnue de la «personne raisonnable». La norme de diligence requise d'une personne qui fait des déclarations est objective: il s'agit de l'obligation de faire preuve de la diligence raisonnable requise par les circonstances pour que les déclarations faites soient exactes et non trompeuses. Le juge de première instance ne s'est pas écarté de la norme de diligence applicable en rendant sa décision. Il a conclu que, «compte tenu de toutes les circonstances», le représentant de l'intimée a fait les déclarations inexactes par négligence. Le juge de première instance n'a pas imposé à l'intimée et à son représentant l'obligation de faire une divulgation complète. Il a simplement imposé une obligation de diligence qui, pour être respectée, exigeait en l'occurrence, entre autres choses, qu'on fournisse à l'appelant des renseignements très pertinents au sujet de la nature et de l'existence de l'emploi auquel il s'était porté candidat.

Le contrat de travail que l'appelant a signé n'a rien à voir, compte tenu des circonstances de l'espèce, avec l'action fondée sur une déclaration inexacte faite par négligence qu'il a intentée. L'obligation de diligence existant en common law que l'appelant a invoquée est «indépendante» du contrat de travail, et les clauses du contrat de travail n'influent ni sur l'obligation de diligence ni sur la responsabilité de Cognos. En particulier, le contrat ne comprend aucune dénégation valide de responsabilité relativement aux déclarations faites pendant l'entrevue.

Le juge McLachlin: Le fait que les parties en l'espèce ont conclu un contrat qui renfermait une condition portant expressément sur la cessation de l'emploi ne voue pas à l'échec l'action en responsabilité délictuelle de l'appelant pour déclaration inexacte faite par négligence relativement à l'emploi. La déclaration faite antérieurement à la passation du contrat différait, de par sa portée et son effet, de l'obligation contractuelle. La déclaration en cause en l'espèce concernait le risque de la cessation de l'emploi, et on n'a pas déclaré que Cognos ne détiendrait pas le pouvoir discrétionnaire de congédier ou de muter l'appelant sur préavis d'un mois. L'appelant s'est fondé sur cette déclaration pour décider de signer le contrat. Il s'est trouvé que la déclaration avait été faite par négligence et qu'elle était fausse. D'où il découle que l'appelant a droit aux dommages‑intérêts pour la perte qu'il a subie par suite de cette déclaration.

Le juge de première instance a conclu que l'intimée avait l'obligation de ne pas faire croire aux candidats que le projet était assuré alors qu'elle savait que l'engagement des fonds n'avait pas été approuvé et qu'elle savait, ou aurait dû savoir, que l'approbation définitive n'était pas qu'une formalité et que l'engagement des fonds n'avait rien de certain. C'est là le critère qu'il convient d'appliquer et l'obligation de diligence en ce qui concerne les déclarations faites antérieurement à l'embauchage est identique à celle qui s'applique en général.


Parties
Demandeurs : Queen
Défendeurs : Cognos Inc.

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge La Forest
Arrêt mentionné: BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 000.
Citée par le juge Iacobucci
Distinction d'avec l'arrêt: BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 000, inf. en partie (1990), 44 B.C.L.R. (2d) 145
arrêts mentionnés: Hedley Byrne & Co. c. Heller & Partners Ltd., [1964] A.C. 465
Burrows c. Burke (1984), 49 O.R. (2d) 76
Carman Construction Ltd. c. Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, [1982] 1 R.C.S. 958, conf. (1981), 33 O.R. (2d) 472 (C.A. Ont.)
Welbridge Holdings Ltd. c. Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg, [1971] R.C.S. 957
J. Nunes Diamonds Ltd. c. Dominion Electric Protection Co., [1972] R.C.S. 769
Rivtow Marine Ltd. c. Washington Iron Works, [1974] R.C.S. 1189
Hodgins c. Hydro‑Electric Commission of the Township of Nepean, [1976] 2 R.C.S. 501
Le Pas (Ville de) c. Porky Packers Ltd., [1977] 1 R.C.S. 51
Haig c. Bamford, [1977] 1 R.C.S. 466
V.K. Mason Construction Ltd. c. La Banque de Nouvelle‑Écosse, [1985] 1 R.C.S. 271
Rainbow Industrial Caterers Ltd. c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1991] 3 R.C.S. 3
Steer c. Aerovox Inc. (1984), 65 N.S.R. (2d) 91
H.B. Nickerson & Sons Ltd. c. Wooldridge (1980), 115 D.L.R. (3d) 97
Williams c. School District No. 63 (Saanich) (1986), 11 C.C.E.L. 233 (C.S.C.‑B.), conf. pour d'autres motifs par (1987), 17 C.C.E.L. 257 (C.A.C.‑B.)
Grenier c. Timmins Board of Education (1984), 26 A.C.W.S. (2d) 285
Pettit c. Prince George & District Credit Union (1991), 35 C.C.E.L. 140
Roy c. B.N.P.P. Regional Police Commission (1986), 15 C.C.E.L. 167
Esso Petroleum Co. c. Mardon, [1976] 2 All E.R. 5
Sodd Corporation Inc. c. Tessis (1977), 17 O.R. (2d) 158
Kingu c. Walmar Ventures Ltd. (1986), 38 C.C.L.T. 51
Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147
Caparo Industries plc c. Dickman, [1990] 1 All E.R. 568
Mutual Life and Citizens' Assurance Co. c. Evatt, [1971] A.C. 793
Howard Marine and Dredging Co. c. A. Ogden & Sons (Excavations) Ltd., [1978] Q.B. 574
Shaddock & Associates Pty. Ltd. c. Parramatta City Council (1981), 150 C.L.R. 225
Blair c. Canada Trust Co. (1986), 38 C.C.L.T. 300
Nelson Lumber Co. c. Koch (1980), 13 C.C.L.T. 201
Fine's Flowers Ltd. c. General Accident Assurance Co. (1974), 5 O.R. (2d) 137 (H.C.), conf. par (1977), 17 O.R. (2d) 529 (C.A.)
Hendrick c. De Marsh (1984), 45 O.R. (2d) 463 (H.C.), conf. pour d'autres motifs par (1986), 54 O.R. (2d) 185 (C.A.)
W. B. Anderson & Sons, Ltd. c. Rhodes (Liverpool), Ltd., [1967] 2 All E.R. 850
Hayward c. Mellick (1984), 45 O.R. (2d) 110
Datile Financial Corp. c. Royal Trust Corp. of Canada (1991), 5 O.R. (3d) 358
Foster Advertising Ltd. c. Keenberg (1987), 38 C.C.L.T. 309
Andronyk c. Williams (1985), 35 C.C.L.T. 38
Minister Administering the Environmental Planning and Assessment Act, 1979 c. San Sebastian Pty. Ltd., [1983] 2 N.S.W.L.R. 268 (C.A.), conf. pour d'autres motifs par (1986), 68 A.L.R. 161 (H.C.)
Banque Financière de la Cité SA c. Westgate Insurance Co., [1989] 2 All E.R. 952, conf. pour d'autres motifs par [1990] 2 All E.R. 947 (H.L.)
Doherty c. Allen (1988), 55 D.L.R. (4th) 746.
Citée par le juge McLachlin
Arrêt mentionné: BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 000.
Doctrine citée
Fleming, John G. The Law of Torts, 7th ed. Sydney: Law Book, 1987.
Klar, Lewis N. Tort Law. Toronto: Thomson Professional Publishing Canada, 1991.
Linden, Allen M. La responsabilité civile délictuelle, 4e éd. Cowanswille, Qué.: Yvon Blais, 1988.

Proposition de citation de la décision: Queen c. Cognos Inc., [1993] 1 R.C.S. 87 (21 janvier 1993)


Origine de la décision
Date de la décision : 21/01/1993
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1993] 1 R.C.S. 87 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-01-21;.1993..1.r.c.s..87 ?
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