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04/03/1993 | CANADA | N°[1993]_1_R.C.S._839

Canada | Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839 (4 mars 1993)


Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839

DANS L'AFFAIRE d'un pourvoi visant un avis

de la Cour d'appel du Manitoba;

et

DANS L'AFFAIRE d'un renvoi à la Cour

d'appel du Manitoba conformément à la

Loi sur les questions constitutionnelles,

C.P.L.M., ch. C180, adressé par le

lieutenant‑gouverneur en conseil au sujet

de questions ayant trait à la Charte

canadienne des droits et libertés, partie I

de la Loi constitutionnelle de 1982, à la

Loi sur l

es écoles publiques, C.P.L.M., ch. P250,

et aux par. 79(3), 79(4) et 79(7) de cette loi

et

La Fédération provinciale des comité...

Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839

DANS L'AFFAIRE d'un pourvoi visant un avis

de la Cour d'appel du Manitoba;

et

DANS L'AFFAIRE d'un renvoi à la Cour

d'appel du Manitoba conformément à la

Loi sur les questions constitutionnelles,

C.P.L.M., ch. C180, adressé par le

lieutenant‑gouverneur en conseil au sujet

de questions ayant trait à la Charte

canadienne des droits et libertés, partie I

de la Loi constitutionnelle de 1982, à la

Loi sur les écoles publiques, C.P.L.M., ch. P250,

et aux par. 79(3), 79(4) et 79(7) de cette loi

et

La Fédération provinciale des comités de

parents Inc. Appelante

c.

Le procureur général du Manitoba Intimé

et

Le procureur général du Canada,

le Conseil jeunesse provincial Inc.,

la Société franco‑manitobaine,

la Commission nationale des parents

francophones, la Fédération des communautés

francophones et acadienne du Canada et le

Commissaire aux langues officielles Intervenants

Répertorié: Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7)

No du greffe: 21836.

1992: 3 décembre; 1993: 4 mars.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1990), 64 Man. R. (2d) 1, 67 D.L.R. (4th) 488, [1990] 2 W.W.R. 289, concernant la validité de certaines dispositions de la Loi sur les écoles publiques du Manitoba. Pourvoi accueilli.

Laurent J. Roy, c.r., et Michel L. J. Chartier, pour l'appelante et l'intervenant le Conseil jeunesse provincial Inc.

Marva J. Smith et Deborah Carlson, pour l'intimé.

Warren J. Newman et Jean‑Charles Ducharme, pour l'intervenant le procureur général du Canada.

Michel Bastarache, pour les intervenantes la Société franco‑manitobaine et la Commission nationale des parents francophones.

François Dumaine, pour l'intervenante la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.

Stephen B. Acker, pour l'intervenant le Commissaire aux langues officielles.

//Le juge en chef Lamer//

Le jugement de la Cour a été rendu par

Le juge en chef Lamer — Il s'agit d'un renvoi de nature constitutionnelle visant à déterminer si certaines dispositions de la Loi sur les écoles publiques du Manitoba, L.R.M. 1987, ch. P250, sont compatibles avec l'art. 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Les faits

Le 26 septembre 1986, l'appelante, la Fédération provinciale des comités de parents Inc., et certains codemandeurs, ont déposé une déclaration devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, demandant une réparation conformément à l'art. 23 de la Charte. Par la suite, l'appelante a accepté de procéder par renvoi.

Par décret en date du 20 janvier 1988, le lieutenant‑gouverneur en conseil du Manitoba a soumis par renvoi trois questions ayant trait à la validité constitutionnelle des par. 79(3), 79(4) et 79(7) de la Loi sur les écoles publiques par rapport aux art. 15 et 23 de la Charte:

(a)(i)La portée globale des paragraphes 79(3), 79(4) et 79(7) de la Loi sur les écoles publiques permet‑elle au Manitoba, en ce qui concerne le nombre d'enfants qui ont le droit de recevoir leur instruction dans la langue de la minorité, de remplir les obligations constitutionnelles prévues à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés?

(ii)Dans la négative:

(aa) la Législature peut‑elle fixer, à titre de norme obligatoire ou de directive, un nombre minimum d'élèves à atteindre pour donner droit à l'instruction en français?

(bb) la Législature peut‑elle confier à une commission scolaire, au ministre ou à un autre organisme la tâche de fixer le nombre minimum d'élèves ou de décider si le nombre d'élèves est suffisant pour justifier la prestation de l'instruction en français?

(b)En quoi consiste le droit de faire instruire ses enfants «dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique» garanti par l'alinéa 23(3)b) de la Charte? Ce droit comprend‑il plus particulièrement le droit de faire instruire ses enfants dans des lieux physiques distincts?

(c)(i)Les articles 23 et 15 de la Charte accordent‑ils un droit de gestion ou de contrôle se rattachant aux droits prévus à l'article 23 concernant l'instruction en langue française et les établissements d'enseignement de la minorité linguistique?

(ii)Dans l'affirmative, les dispositions des parties I, II et III de la Loi sur les écoles publiques concernant l'établissement des divisions et des districts scolaires, l'élection des membres des commissions scolaires et les attributions des commissions scolaires permettent‑elles au Manitoba de remplir ses obligations en ce qui a trait à un tel droit de gestion ou de contrôle? Si ces dispositions ne permettent pas au Manitoba de remplir ses obligations constitutionnelles à cet égard, quels sont les éléments essentiels qui leur manquent?

Le 6 février 1990, la Cour d'appel du Manitoba a rendu sa décision sur le renvoi: 64 Man. R. (2d) 1, 67 D.L.R. (4th) 488, [1990] 2 W.W.R. 289 (ci‑après cité aux Man. R.). Quatre des cinq juges de la cour ont conclu que les droits constitutionnels de la minorité comprennent le droit à des lieux distincts pour l'instruction dans la langue de la minorité. Le juge en chef Monnin a exprimé l'avis que l'art. 23 de la Charte ne confère aucun droit de gestion et de contrôle à la minorité linguistique, mais que l'art. 15 le fait. Les quatre autres juges ont conclu que ni l'art. 23 ni l'art. 15 ne confèrent ce droit.

Le 21 février 1990, la Fédération provinciale des comités de parents Inc. déposait un avis d'appel devant notre Cour contre la décision de la Cour d'appel du Manitoba concernant les questions b) et c) du renvoi.

Le 15 mars 1990, notre Cour (dans un arrêt unanime prononcé par le juge en chef Dickson, au nom des juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et Cory) a rendu l'arrêt Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342. Dans cet arrêt, notre Cour a décidé que l'art. 23 de la Charte confère aux parents appartenant à un groupe linguistique minoritaire un droit de gestion et de contrôle à l'égard des établissements d'enseignement que fréquentent leurs enfants.

Les dispositions législatives

Loi sur les écoles publiques, L.R.M. 1987, ch. P250

79(3) Lorsque dans une division ou un district scolaire, il y a 23 élèves ou plus qui peuvent être regroupés dans une classe et dont les parents veulent qu'ils reçoivent l'enseignement dans une classe où l'anglais ou le français est utilisé comme langue d'enseignement, la commission scolaire doit regrouper ces élèves. Sur requête des parents de ces élèves demandant l'usage de l'anglais ou du français, selon le cas, comme langue d'enseignement, la commission scolaire doit regrouper ces élèves dans une classe pour l'enseignement et pourvoir à l'usage de l'anglais ou du français, selon le cas, comme langue d'enseignement dans cette classe.

79(4) Lorsque le nombre d'élèves impliqués est inférieur au minimum prévu par le paragraphe (3) pour que celui‑ci s'applique, le ministre peut demander à la commission scolaire de prendre des mesures pour que l'anglais ou le français soit utilisé comme langue d'enseignement dans une classe.

. . .

79(7) Une commission scolaire peut conclure une entente avec une autre commission scolaire pour fournir conjointement des classes où la langue utilisée pour l'enseignement est l'anglais ou le français, selon le cas, et les élèves de ces classes peuvent être compris dans le nombre requis pour rencontrer les exigences d'une disposition du présent article ou des règlements.

Charte canadienne des droits et libertés

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

. . .

23. (1) Les citoyens canadiens:

a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,

b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province,

ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.

(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

(3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d'une province:

a) s'exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l'instruction dans la langue de la minorité;

b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.

Les questions constitutionnelles

Le 23 juin 1992, le juge Gonthier rendait une ordonnance énonçant les questions constitutionnelles qui correspondent aux questions b) et c) du renvoi initial:

1.En quoi consiste le droit de faire instruire ses enfants «dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique» garanti par l'al. 23(3)b) de la Charte? Ce droit comprend‑il plus particulièrement le droit de faire instruire ses enfants dans des lieux physiques distincts?

2.(i) Les articles 23 et 15 de la Charte accordent‑ils un droit de gestion ou de contrôle se rattachant aux droits prévus à l'art. 23 concernant l'instruction en langue française et les établissements d'enseignement de la minorité linguistique?

(ii) Dans l'affirmative, les dispositions des parties I, II et III de la Loi sur les écoles publiques concernant l'établissement des divisions et des districts scolaires, l'élection des membres des commissions scolaires et les attributions des commissions scolaires permettent‑elles au Manitoba de remplir ses obligations en ce qui a trait à un tel droit de gestion ou de contrôle? Si ces dispositions ne permettent pas au Manitoba de remplir ses obligations constitutionnelles à cet égard, quels sont les éléments essentiels qui leur manquent?

Caractère théorique de la question

L'intimé a soutenu que notre Cour devrait refuser de répondre aux questions constitutionnelles dans leur formulation actuelle parce que les points qu'elles soulèvent ont en grande partie été tranchés par l'arrêt Mahe et que les faits à l'appui ne sont pas suffisants pour résoudre les points qui n'ont pas été directement examinés dans Mahe.

Dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, notre Cour a statué que, dans le cas où un tribunal annule le fondement législatif d'un appel, celui‑ci peut devenir théorique. Par ailleurs, dans le Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445, notre Cour a affirmé pouvoir refuser de répondre à des questions constitutionnelles qui sortent du cadre visé par le renvoi.

Toutefois, l'interprétation judiciaire d'une loi diffère de l'annulation d'une loi; la Loi sur les écoles publiques du Manitoba n'a pas été annulée et l'arrêt Mahe n'établit pas comment les droits garantis par l'art. 23 de la Charte doivent être interprétés au Manitoba. Les questions constitutionnelles telles que formulées demeurent dans le cadre visé par le renvoi initial et, de plus, la décision de la Cour d'appel du Manitoba en l'espèce, rendue avant l'arrêt Mahe de notre Cour, est en contradiction avec ce dernier.

La jurisprudence concernant l'art. 23

Puisque nous avons décidé de répondre aux questions constitutionnelles, la réponse aux questions formulées dans ce renvoi requiert des solutions qui soient à la fois compatibles avec les exigences et l'objet de la loi et une suite logique de l'arrêt Mahe. Cet arrêt présente la démarche générale que notre Cour estime applicable à l'interprétation de l'art. 23; pour répondre au présent renvoi, nous devons préciser davantage le contenu de ces droits dans la province du Manitoba.

1. L'arrêt Mahe

Notre Cour a formulé dans l'arrêt Mahe la méthode générale d'interprétation de l'art. 23. La Cour a précisé que l'objet général de l'art. 23 de la Charte est de maintenir les deux langues officielles du Canada et les cultures qu'elles représentent, et de favoriser l'épanouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du possible, dans les provinces où elle n'est pas parlée par la majorité. La raison d'être des garanties spécifiques de droits fondés sur la langue dans le domaine de l'éducation lie la préservation d'une culture à l'existence d'écoles pour la minorité linguistique, comme l'affirme le juge en chef Dickson, au nom de la Cour, à la p. 362:

Mon allusion à la culture est importante, car il est de fait que toute garantie générale de droits linguistiques, surtout dans le domaine de l'éducation, est indissociable d'une préoccupation à l'égard de la culture véhiculée par la langue en question.

Le juge en chef Dickson a également parlé des avantages additionnels qui découlent de l'établissement d'écoles de la minorité (à la p. 363):

Il convient de faire remarquer en outre que les écoles de la minorité servent elles‑mêmes de centres communautaires qui peuvent favoriser l'épanouissement de la culture de la minorité linguistique et assurer sa préservation. Ce sont des lieux de rencontre dont les membres de la minorité ont besoin, des locaux où ils peuvent donner expression à leur culture.

Pour atteindre cet objectif, l'art. 23 confère aux parents appartenant à un groupe linguistique minoritaire le droit de faire instruire leurs enfants dans leur langue maternelle, en français ou en anglais, selon le cas. Les paragraphes 23(1) et (2) accordent un droit général aux parents dans cette situation et le par. 23(3) y apporte des précisions. Comme l'affirme notre Cour (à la p. 365):

. . . le droit à l'instruction n'est garanti que lorsque le «nombre des enfants» le justifie, tandis que l'al. b) précise davantage le droit général à l'instruction en édictant que, si le nombre le justifie, ce droit comprend le droit à des «établissements d'enseignement de la minorité linguistique». À mon avis, l'al. (3)b) a été inclus à titre d'indication de la gamme supérieure d'exigences institutionnelles que peut imposer l'art. 23 . . .

Il en résulte des exigences «variables» selon le nombre d'élèves à desservir. Autrement dit, ce qui est requis dans chaque cas dépend de ce que le «nombre justifie». À cette fin, le chiffre pertinent est le nombre de personnes qui se prévaudront finalement du programme ou de l'établissement envisagés. Deux facteurs doivent être pris en considération pour déterminer les exigences de l'art. 23 dans une situation particulière: a) les services pédagogiques appropriés, compte tenu du nombre d'élèves visés, et b) le coût des services envisagés. Toutefois, selon l'arrêt Mahe (à la p. 385): «le caractère réparateur de l'art. 23 laisse entendre que les considérations pédagogiques pèseront plus lourd que les exigences financières quand il s'agira de déterminer si le nombre d'élèves justifie la prestation des services concernés».

2. Les principes généraux d'interprétation

L'arrêt Mahe entérine plusieurs principes d'interprétation aux fins de définir les droits garantis par l'art. 23. Premièrement, les tribunaux devraient adopter une analyse fondée sur l'objet lorsqu'ils interprètent les droits. En conséquence, conformément à l'objet du droit défini dans l'arrêt Mahe, les réponses aux questions devraient idéalement être formulées en fonction de ce qui favorisera le mieux l'épanouissement et la préservation de la minorité linguistique francophone dans la province. Deuxièmement, le droit conféré devrait être interprété d'une façon réparatrice, compte tenu des injustices passées qui n'ont pas été redressées et qui ont nécessité l'enchâssement de la protection des droits linguistiques de la minorité. Comme le fait observer M. A. Green, dans «The Continuing Saga of Litigation: Minority Language Instruction» (1990‑91), 3 Education & Law Journal 204, aux pp. 211 et 212:

[traduction] La Cour a admis que l'on ne peut attendre de la majorité qu'elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d'instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité, et par conséquent, si l'article 23 doit redresser les injustices du passé et garantir qu'elles ne se répètent pas dans l'avenir, il importe que les minorités aient une certaine mesure de contrôle sur les établissements d'enseignement et l'instruction.

Il faut noter en passant, comme l'a indiqué notre Cour dans l'arrêt Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, aux pp. 777 et 778, que l'accent mis sur le contexte historique de la langue et de la culture indique qu'il peut bien être nécessaire d'adopter des méthodes d'interprétation différentes dans divers ressorts qui tiennent compte de la dynamique linguistique particulière à chaque province.

Un autre principe important dont il faut se rappeler pour répondre aux questions tient à ce que les droits linguistiques sont fondamentalement différents des autres droits garantis par la Charte. Le juge Beetz, au nom de la majorité de notre Cour, a fait le commentaire suivant dans l'arrêt Société des Acadiens du Nouveau‑Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] 1 R.C.S. 549 (à la p. 578):

À la différence des droits linguistiques qui sont fondés sur un compromis politique, les garanties juridiques tendent à être de nature plus féconde parce qu'elles se fondent sur des principes. Certaines d'entre elles, par exemple celle énoncée à l'art. 7 de la Charte, sont formulées de manière si large que les tribunaux seront souvent appelés à les interpréter.

D'autre part, même si certains d'entre eux ont été élargis et incorporés dans la Charte, les droits linguistiques ne reposent pas moins sur un compromis politique.

Cette différence essentielle entre les deux types de droits impose aux tribunaux une façon distincte d'aborder chacun. Plus particulièrement, les tribunaux devraient hésiter à servir d'instruments de changement dans le domaine des droits linguistiques. Cela ne veut pas dire que les dispositions relatives aux droits linguistiques sont immuables et qu'elles doivent échapper à toute interprétation par les tribunaux. Je crois cependant que les tribunaux doivent les aborder avec plus de retenue qu'ils ne le feraient en interprétant des garanties juridiques.

Dans la jurisprudence en matière de droits linguistiques, l'historique constitutionnel de cette distinction conceptuelle se poursuit dans la remarque suivante du juge Wilson dans le Renvoi relatif au projet de loi 30, An Act to amend the Education Act (Ont.), [1987] 1 R.C.S. 1148, à la p. 1176: «il doit tout de même être loisible à la Cour d'insuffler la vie à un compromis clairement exprimé». Dans Mahe, à la p. 365, notre Cour accepte la distinction entre les droits linguistiques et les autres garanties juridiques et souligne leur différence d'origine et de forme affirmant que, si sont imposées au gouvernement des obligations positives de changer ou de créer d'importantes structures institutionnelles, il y a lieu d'être prudent dans l'interprétation de l'article.

Enfin, avant d'aborder les questions constitutionnelles, il faut également rappeler que notre Cour a établi dans l'arrêt Mahe que la Charte ne confère pas un droit à un régime législatif particulier, mais un droit à un certain type de système d'éducation (à la p. 392).

Question (b)

En quoi consiste le droit de faire instruire ses enfants «dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique» garanti par l'alinéa 23(3)b) de la Charte? Ce droit comprend‑il plus particulièrement le droit de faire instruire ses enfants dans des lieux physiques distincts?

Notre Cour a statué dans l'arrêt Mahe qu'il y avait dans la région d'Edmonton un nombre suffisant d'élèves pour justifier, aussi bien sur le plan pédagogique que sur le plan financier, la création d'une école indépendante, ainsi que la fourniture d'un programme permanent d'instruction aux niveaux primaire et secondaire.

En ce qui concerne l'existence d'un droit à des lieux physiques distincts, l'énoncé le plus important dans l'arrêt Mahe est qu'il ne faut pas, dans l'interprétation du terme «établissement», considérer qu'il s'agit seulement de bâtiments. Voici le passage en question (aux pp. 369 et 370):

À mon avis, le texte de l'al. 23(3)b) est compatible avec la conclusion que l'art. 23 accorde, lorsque le nombre le justifie, une certaine mesure de gestion et de contrôle, et il étaye cette conclusion. Prenons d'abord l'al. (3)b) dans le contexte de l'article au complet. L'instruction doit avoir lieu quelque part et il s'ensuit que le droit à «l'instruction» comprend un droit implicite d'être instruit dans des établissements. Si l'expression «établissements d'enseignement de la minorité linguistique» n'est pas considérée comme englobant un certain degré de gestion et de contrôle, son inclusion dans l'art. 23 est dès lors sans objet. Cette conclusion que dicte le bon sens milite contre une interprétation selon laquelle le mot «établissements» désigne des bâtiments. En fait, dès lors que l'on accepte la méthode du critère variable, il n'est plus nécessaire de trop centrer l'attention sur le mot «établissements». Le texte de l'art. 23 justifie plutôt de considérer que l'ensemble de l'expression «établissements d'enseignement de la minorité linguistique» fixe un niveau supérieur de gestion et de contrôle. [Je souligne.]

L'affirmation selon laquelle il n'est pas nécessaire de centrer l'attention sur le mot «établissements» indique que le droit à des établissements est une question accessoire découlant du degré de gestion et de contrôle exigé dans une situation donnée. Il est accepté que la prestation de services d'enseignement varierait en fonction des circonstances (arrêt Mahe, à la p. 367). L'utilité d'un «critère variable» applicable à l'art. 23 tient à ce qu'il «garantit le type et le niveau de droits et de services qui sont appropriés» pour le nombre d'élèves en cause (à la p. 366). Dans le contexte de son analyse de la «gestion et du contrôle», notre Cour a conclu que lorsque les chiffres ne justifient pas le niveau maximum de gestion et de contrôle, et donc la création d'un conseil scolaire distinct, (à la p. 377):

(3) Les représentants de la minorité linguistique [au sein de conseils scolaires où la majorité prédomine] devraient avoir le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l'instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée, notamment:

a)les dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements; . . .

Il peut exister une certaine ambiguïté dans l'arrêt Mahe quant à savoir si le texte de l'al. 23(3)b) vise des «établissements de la minorité» ou des «établissements pour la minorité». Dans l'arrêt Mahe, notre Cour a accepté la proposition que ces établissements doivent «appartenir» à la minorité linguistique, et que celle‑ci devrait avoir une certaine mesure de gestion et de contrôle (à la p. 370):

L'expression soulignée dans le texte français, qui emploie la préposition «de», indique plus clairement que le texte anglais que les établissements appartiennent à la minorité et que la minorité linguistique devrait donc avoir à l'égard des établissements d'enseignement une certaine mesure de gestion et de contrôle. [Souligné dans l'original.]

Enfin, notre Cour a affirmé que la notion de «nombre suffisant pour justifier» ne fournit pas aux tribunaux une norme explicite dont ils peuvent se servir pour déterminer quels doivent être les établissements appropriés dans chaque situation donnée (à la p. 385). Il faut donc éviter une formule rigide de mise en {oe}uvre de l'art. 23.

Une fois franchi le seuil établissant le droit à l'instruction dans la langue de la minorité, s'il faut que les «établissements d'enseignement de la minorité», comme l'indique l'arrêt Mahe, «appartiennent» de façon significative aux parents visés à l'art. 23 au lieu d'être simplement «pour» les parents en question, il est raisonnable qu'ils exercent une certaine mesure de contrôle sur les locaux où l'instruction est offerte. Comme des locaux doivent avoir des limites précises pour être placés sous le contrôle du groupe linguistique minoritaire, il semblerait s'ensuivre un droit à des établissements dans des lieux physiques distincts. Comme l'a affirmé le juge Twaddle de la Cour d'appel (à la p. 112):

[traduction] Pour être ceux «de la minorité», les établissements devraient être, dans la mesure du possible, distincts par rapport à ceux dans lesquels l'instruction en anglais est offerte. Je ne mets pas en doute l'importance du milieu dans le domaine de l'éducation. Les élèves de langue française devraient vivre en français dans la cour de récréation, à l'occasion des activités hors‑programme ainsi que dans la classe. Le français devrait être la langue utilisée dans le cadre de l'administration et du fonctionnement de l'établissement, y compris l'affichage.

Cette conclusion est également compatible avec la reconnaissance du fait que les écoles de la minorité jouent un rôle utile à la fois comme centres culturels et comme établissements d'enseignement. Bien que notre Cour, dans l'arrêt Mahe, n'ait pas explicitement parlé de lieux physiques distincts dans son examen des écoles comme centres culturels, il semble raisonnable de déduire qu'il faut un certain degré de démarcation dans les lieux physiques pour que ces écoles s'acquittent bien de ce rôle. À mon avis, l'ensemble des objectifs de l'art. 23 énoncés dans l'arrêt Mahe appuient cette conclusion.

Par ailleurs, quand la Cour d'appel a examiné la question, les parties étaient apparemment d'accord que l'art. 23 comprend un droit à des lieux physiques distincts (voir les motifs du juge en chef Monnin, aux pp. 54 et 55, et ceux du juge O'Sullivan, à la p. 84). De l'avis du procureur général du Manitoba, le réseau actuel d'écoles francophones dans la province constitue clairement un réseau «d'établissements de la minorité linguistique» au sens de la Charte (voir les motifs du juge en chef Monnin, à la p. 54). En pratique, dans la province, l'instruction dans la langue de la minorité paraît être et avoir été offerte depuis longtemps dans des établissements distincts puisque, dans la majorité des cas, la demande de services se trouve concentrée sur le plan géographique. Toutefois, le juge en chef Monnin et le juge O'Sullivan ont tous deux reconnu que la notion de droit à des «lieux physiques distincts» ne crée pas automatiquement un droit à des établissements entièrement distincts.

Devant notre Cour, le procureur général du Manitoba est revenu sur la position adoptée en Cour d'appel selon laquelle il existe un droit à des lieux physiques distincts, ayant apparemment déduit de l'arrêt Mahe qu'il n'est plus nécessaire d'appuyer ce droit comme exigence générale du droit à des établissements d'enseignement de la minorité linguistique. Pour les motifs qui précèdent, je ne crois pas que l'arrêt Mahe donne lieu à cette conclusion.

Il ne serait pas opportun, dans le cadre du présent renvoi, d'exposer en détail ce que les établissements pourraient comprendre, car l'espèce ne vise ni une situation de fait ni une région précises, comme le cas limité de «la ville d'Edmonton» dans l'arrêt Mahe, mais concerne les établissements pour toute une province. D'après les critères formulés dans l'arrêt Mahe, il pourrait bien exister des différences importantes entre ce qui peut être raisonnablement nécessaire pour les établissements des agglomérations urbaines dans les environs de Winnipeg, ceux des principales régions francophones comme St‑Boniface et ceux des régions nordiques ou rurales éloignées. Cette différence est clairement reconnue par le juge en chef Dickson (à la p. 386):

Par exemple, ce qui est approprié peut différer selon qu'il s'agit de régions urbaines ou rurales. Un autre facteur à considérer est le fait que l'art. 23 dit «partout dans la province où le nombre [. . .] est suffisant».

En conséquence, bien que j'estime que la prestation de ces services d'enseignement comporte un droit général à des lieux physiques distincts, il n'est pas nécessaire de préciser pour l'instant comment satisfaire à cette exigence dans une situation donnée. Ce qui est requis dépend de considérations pédagogiques et financières. De toute évidence, les répercussions financières de la création d'établissements spécifiques varieront d'une région à l'autre. Il faut donc que l'examen de ce qui constitue des établissements appropriés ne soit entrepris qu'à l'égard de secteurs géographiques précis dans la province.

Question (c)(i):

Les articles 23 et 15 de la Charte accordent‑ils un droit de gestion ou de contrôle se rattachant aux droits prévus à l'article 23 concernant l'instruction en langue française et les établissements d'enseignement de la minorité linguistique?

Cette question a été tranchée en grande partie dans l'arrêt Mahe. L'intimé admet que la décision rendue par la Cour d'appel à la majorité est maintenant inapplicable et il demande une ordonnance accueillant le pourvoi sans dépens. Le principal point demeurant en litige est de savoir avec quelle précision notre Cour devrait fixer les paramètres de la gestion et du contrôle de l'instruction et des établissements requis en vertu de l'art. 23 de la Charte.

1. Les articles 15 et 27 de la Charte

En ce qui concerne les autres droits garantis par la Charte, notre Cour, dans l'arrêt Mahe, a examiné l'argument selon lequel l'art. 23 devrait s'interpréter en fonction des art. 15 et 27 et a conclu (à la p. 369):

En effet, l'art. 23 établit un code complet régissant les droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Il est assorti de réserves et d'une méthode d'évaluation qui lui sont propres. De toute évidence, l'art. 23 renferme une notion d'égalité entre les groupes linguistiques des deux langues officielles du Canada. À part cela, toutefois, cet article constitue d'abord et avant tout une exception aux dispositions des art. 15 et 27 en ce qu'il accorde à ces groupes, anglophone et francophone, un statut spécial par rapport à tous les autres groupes linguistiques au Canada.

Je ne vois aucun motif de nous écarter de cette position. Il s'ensuit donc que la conclusion du juge en chef Monnin relativement à l'application des art. 15 et 23 est, avec égards, incorrecte.

2. Le degré de «gestion et de contrôle»

Dans Mahe, notre Cour a fait de l'art. 23 une analyse fondée sur l'objet et a conclu que cet article pris comme un tout crée un droit général à l'instruction dans la langue de la minorité. Les alinéas a) et b) du par. (3) précisent ce droit général, ne garantissant le droit à l'instruction et aux établissements d'enseignement que lorsque «le nombre des enfants» le justifie. Comme je l'ai déjà signalé, le juge en chef Dickson a conclu que ces alinéas ont pour effet d'établir un «critère variable», fonction du nombre d'enfants dont les parents satisfont aux exigences de l'art. 23. Au bas de l'échelle, le nombre d'élèves pourrait être si faible que le seuil numérique visé à l'al. 3a) ne serait pas atteint et il ne serait pas nécessaire de créer un programme d'instruction dans la langue de la minorité. Un nombre plus élevé d'enfants permettrait de dépasser le seuil numérique visé à l'al. 3b), ce qui nécessiterait la mise sur pied d'établissements d'enseignement de la minorité linguistique, sur les fonds publics. Enfin, en haut de l'échelle, le nombre d'enfants nécessiterait l'établissement d'un conseil scolaire pour la minorité linguistique (voir l'arrêt Mahe, précité, aux pp. 371 à 374); et P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (3e éd. 1992), vol. 2, à la p. 53‑29).

Afin de déterminer le «nombre des enfants», la Cour devrait prendre en compte «le nombre de personnes qui se prévaudront en définitive du programme ou de l'établissement envisagés» (à la p. 384). Il est impossible de connaître le chiffre exact, mais on peut en avoir une idée approximative en considérant les paramètres dont il dépend: la demande connue relative au service et le nombre total de personnes qui pourraient éventuellement se prévaloir du service.

Le degré de gestion et de contrôle en vertu de cette méthode du critère variable dépend donc du nombre d'enfants, lequel est déterminé à partir de leur nombre réel et de leur nombre potentiel. Le système d'enseignement est ensuite examiné par rapport à sa position dans l'échelle variable. Cet aspect de l'art. 23 reflète le caractère réparateur du droit garanti par la Charte: «[c]onçu pour régler un problème qui se posait au Canada, il visait donc à changer le statu quo» (Mahe, à la p. 363).

Par conséquent, les droits relatifs à la langue d'instruction garantis par l'art. 23 de la Charte donnent lieu à divers types d'obligations gouvernementales, selon le nombre d'élèves concernés. Bien que les parties au renvoi donnent des chiffres un peu différents quant au nombre d'élèves susceptibles d'être touchés au Manitoba, le dénominateur commun le plus bas est de 5 617 élèves (G. Nicholls et G. L. Roy, A Report on Major Developments in French‑language Education in Manitoba from 1970 to 1987 (1988), tables 4 de la documentation), qui correspond au nombre d'élèves inscrits aux programmes en français à compter de 1988. Toutefois, l'appelante soutient que 18 975 enfants pourraient être admis dans le nouveau système d'enseignement; l'intimé est d'avis que ce chiffre est trop élevé (voir le mémoire de l'appelante, au par. 16, et le mémoire de l'intimé, au par. 37).

Même en acceptant les projections les plus conservatrices, le nombre d'élèves qui se prévaudront en définitive du programme envisagé semble clairement se situer vers le haut de l'échelle du «critère variable» établi dans l'arrêt Mahe (aux pp. 384 à 389). Dans certaines régions de la province, cela justifie au minimum l'établissement d'un conseil scolaire francophone distinct. En fait, le gouvernement du Manitoba a jugé approprié d'établir un conseil scolaire francophone unique qui sera responsable de l'instruction en français dans la province; toutefois, il est prévu que les parents francophones peuvent choisir de garder leurs enfants dans les programmes français existants (Français première langue).

Puisqu'il est établi que les chiffres justifient l'établissement d'un système d'enseignement exigeant la création d'un conseil scolaire pour la minorité linguistique, le programme en question doit être offert. La province a l'obligation positive de l'établir, et elle doit, pour se conformer aux devoirs que lui impose la Charte, offrir le système sans retard.

Parlant de l'échéancier de l'Alberta pour l'établissement d'un système approprié d'instruction en français, notre Cour a dit dans l'arrêt Mahe (à la p. 393): «L'article 23 de la Charte impose aux législatures provinciales l'obligation positive d'édicter des dispositions législatives précises pour fournir une instruction dans la langue de la minorité et des établissements d'enseignement de la minorité linguistique lorsque le nombre le justifie. Jusqu'à maintenant, la législature de l'Alberta a négligé de remplir cette obligation. Elle ne doit plus tarder à mettre en place un système approprié d'enseignement dans la langue de la minorité.» J'appliquerais également ces remarques au gouvernement du Manitoba qui admet avoir omis de respecter ses obligations constitutionnelles depuis l'arrêt Mahe, en 1990.

Question (c)(ii):

Dans l'affirmative, les dispositions des parties I, II et III de la Loi sur les écoles publiques concernant l'établissement des divisions et des districts scolaires, l'élection des membres des commissions scolaires et les attributions des commissions scolaires permettent‑elles au Manitoba de remplir ses obligations en ce qui a trait à un tel droit de gestion ou de contrôle? Si ces dispositions ne permettent pas au Manitoba de remplir ses obligations constitutionnelles à cet égard, quels sont les éléments essentiels qui leur manquent?

La réponse à la troisième question, comme l'a déjà admis l'intimé, est de toute évidence négative, de nouveau en raison de l'arrêt Mahe de notre Cour. La loi en question ne prévoit pas la gestion et le contrôle de l'instruction en français par les parents d'élèves de langue française comme l'exige l'art. 23 de la Charte.

Toutefois, notre Cour devrait se garder de décrire précisément le genre de texte législatif que le gouvernement du Manitoba doit adopter pour satisfaire à ses obligations constitutionnelles. Il est bon de réitérer ce que disait le juge en chef Dickson, dans Mahe, sur la mise en {oe}uvre de «modalités» particulières d'application de l'art. 23 (à la p. 376):

Il n'est pas possible de décrire exactement ce qui est nécessaire dans chaque cas pour assurer que le groupe linguistique minoritaire exerce un contrôle sur les aspects de l'enseignement dans sa langue qui concernent ou touchent sa langue et sa culture. Il serait irréaliste et vain d'imposer une forme précise de système d'éducation à une multitude de situations différentes qui existent dans tout le Canada. Tous les tribunaux canadiens qui ont examiné l'art. 23 ont reconnu les problèmes que comporte la reconnaissance de «modalités particulières». À ce stade initial de l'évolution de la jurisprudence relative à l'art. 23, la réaction des tribunaux devrait consister à décrire en termes généraux les exigences posées. Il appartient aux pouvoirs publics de répondre à ces exigences générales. Lorsqu'il y a diverses façons de répondre aux exigences, les pouvoirs publics peuvent choisir le moyen de remplir leurs obligations. Dans certains cas, cette méthode peut amener d'autres litiges pour déterminer si les exigences générales établies par la cour ont été appliquées. Je ne vois pas comment cela peut être évité car l'autre possibilité, celle d'une ordonnance détaillée et uniforme, comporte le risque réel d'imposer des solutions impraticables. L'article 23 est un nouveau genre de garantie juridique au Canada et exige donc de nouvelles réponses de la part des tribunaux.

Dans l'arrêt Mahe, notre Cour s'est bornée à énoncer de façon générale quelles obligations l'art. 23 imposait au gouvernement provincial afin de donner aux parents francophones la gestion et le contrôle de l'instruction en français de leurs enfants. À la fin de ses motifs, le juge en chef Dickson a réitéré (à la p. 393):

. . . le gouvernement devrait disposer du pouvoir discrétionnaire le plus vaste possible dans le choix des moyens institutionnels dont il usera pour remplir ses obligations en vertu de l'art. 23. Les tribunaux devraient se garder d'intervenir et d'imposer des normes qui seraient au mieux dignes de Procuste, sauf dans les cas où le pouvoir discrétionnaire n'est pas exercé du tout, ou l'est de façon à nier un droit constitutionnel. [Je souligne.]

Selon l'intimé, il y a actuellement une vive controverse au Manitoba relativement à un projet de législation linguistique. À son avis, même si l'arrêt Mahe a en grande partie tranché les questions de fond soulevées dans le renvoi, le pourvoi actuel a été présenté aussi pour un autre motif, savoir l'annonce par le gouvernement du Manitoba de la création d'une division scolaire de langue française pour l'ensemble de la province qui réunira initialement des collectivités où existent des écoles établies en vertu de l'art. 23, intéressées à en faire partie (voir le mémoire de l'intimé, au par. 104, et le décret du Manitoba No 842/1992). Ce nouveau conseil jouira alors d'un contrôle exclusif (sous réserve d'une réglementation éventuelle) sur l'instruction en français dans ces écoles et celles qu'il peut créer. En vertu du système proposé, les parents francophones peuvent choisir de continuer de faire partie des conseils existants, sous le contrôle de représentants élus par l'ensemble de la collectivité. Ces conseils pourront continuer d'offrir l'instruction en français dans les écoles qui en font partie.

Bien sûr, ce projet de loi n'est pas visé en soi par le présent pourvoi, ni par aucune des questions constitutionnelles formulées par notre Cour (mémoire de l'intimé, aux par. 114 à 126). C'est plutôt l'exigence que les parents franco‑manitobains obtiennent le contrôle «exclusif» sur la gestion et le contrôle des écoles francophones qui a été pleinement débattue par les deux parties et qui est au c{oe}ur de la troisième question constitutionnelle.

En conséquence, je m'abstiens expressément de me prononcer sur la validité constitutionnelle du projet de loi manitobain.

Toutefois, je tiens à faire ressortir que, dans la mise en {oe}uvre d'un tel système d'instruction dans la langue de la minorité, la province doit explicitement examiner un certain nombre de questions pour satisfaire à ses obligations constitutionnelles et respecter l'objet et le caractère réparateur de l'art. 23. La mise en {oe}uvre exige une pleine compréhension des besoins de la minorité linguistique francophone. Comme notre Cour l'a fait remarquer dans Mahe, à la p. 372:

. . . les minorités linguistiques ne peuvent pas être toujours certaines que la majorité tiendra compte de toutes leurs préoccupations linguistiques et culturelles. Cette carence n'est pas nécessairement intentionnelle: on ne peut attendre de la majorité qu'elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d'instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité.

Il est extrêmement important que les parents de la minorité linguistique ou leurs représentants participent à la détermination des besoins en matière d'instruction et à l'établissement de structures et de services qui répondent le mieux possible à ces besoins.

Il faut se rappeler que les droits prévus par l'art. 23 sont conférés individuellement aux parents appartenant à un groupe linguistique minoritaire. La jouissance de ces droits n'est pas liée à la volonté du groupe minoritaire auquel ils appartiennent, fût‑elle celle de la majorité de ce groupe, mais seulement au «nombre d'enfants» suffisant.

La province a l'obligation d'offrir des services d'éducation, de les faire connaître et de les rendre accessibles aux parents du groupe linguistique minoritaire de façon à offrir une qualité d'éducation en principe égale à celle de la majorité, tout en sachant, comme le dit notre Cour dans l'arrêt Mahe (à la p. 378):

. . . il n'est pas nécessaire que la forme précise du système d'éducation fourni à la minorité soit identique à celle du système fourni à la majorité. Les situations différentes dans lesquelles se trouvent diverses écoles, de même que les exigences de l'enseignement dans la langue de la minorité rendent une telle exigence peu pratique et peu souhaitable. Il convient de souligner que les fonds affectés aux écoles de la minorité linguistique doivent être au moins équivalents, en proportion du nombre d'élèves, aux fonds affectés aux écoles de la majorité. Dans des circonstances particulières, les écoles de la minorité linguistique pourraient être justifiées de recevoir un montant supérieur, par élève, à celui versé aux écoles de la majorité.

Il faut éviter toutes dispositions et structures qui portent atteinte, font obstacle ou ne répondent tout simplement pas aux besoins de la minorité; il faudrait examiner et mettre en {oe}uvre des mesures qui favorisent la création et l'utilisation d'établissements d'enseignement pour la minorité linguistique. Par exemple, si la province décide d'offrir aux parents d'un groupe linguistique minoritaire un choix d'écoles où sera dispensée l'instruction dans la langue de la minorité, elle ne doit pas le faire aux dépens de services offerts par un conseil scolaire de langue française ni empêcher ce conseil d'offrir des services reposant sur le principe d'égalité que je viens de décrire. De même, il ne serait pas loisible au gouvernement du Manitoba de délimiter des districts scolaires de façon à empêcher indûment un tel conseil scolaire d'attirer des élèves.

La réparation

Bien que toutes les parties soient d'avis que la Loi sur les écoles publiques viole l'art. 23 de la Charte, le présent pourvoi nous a été soumis sous forme de renvoi constitutionnel. Notre Cour a en conséquence le pouvoir de répondre aux questions soumises, mais non de déclarer la loi attaquée inopérante en vertu du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Par ailleurs, comme l'affirme le juge en chef Dickson dans l'arrêt Mahe (à la p. 392): «En l'espèce, comme il est impossible à la Cour de reformuler la loi contestée, une déclaration d'invalidité aurait pour effet de créer un vide législatif. Ce résultat n'améliorerait pas la situation des appelants.»

Il importe de se rappeler que l'art. 23 constitue un minimum et non un maximum dans le domaine de la gestion et du contrôle de l'instruction en langue française. L'intimé veut obtenir une réponse à cette question constitutionnelle qui se borne à réitérer ce qui est évident compte tenu de l'arrêt Mahe, sans imposer au gouvernement du Manitoba aucune mesure requise par la Constitution. Par contre, l'appelante propose une réponse qui limiterait indûment le pouvoir discrétionnaire de la province d'établir les «modalités» d'attribution de la gestion et du contrôle de l'instruction en langue française. Comme les questions dont nous sommes saisis ne visent pas des dispositions législatives précises, il ne serait pas approprié d'examiner davantage les autres points soulevés.

Le présent pourvoi révèle la tension qui existe entre le caractère réparateur de l'art. 23 et la nécessité de ne pas gêner l'exercice du pouvoir discrétionnaire du législateur ou la mise en {oe}uvre d'une loi. Les propos suivants du juge en chef Dickson, dans Mahe, sont particulièrement pertinents (aux pp. 392 et 393):

. . . je crois préférable que notre Cour se limite, dans le cadre de ce pourvoi, à faire une déclaration à l'égard des droits concrets qui sont dus, en vertu de l'art. 23, aux parents appartenant à la minorité linguistique à Edmonton. Une telle déclaration garantira que les droits des appelants se concrétiseront, tout en laissant au gouvernement la souplesse nécessaire pour élaborer une solution appropriée aux circonstances. [. . .] Dès lors que la Cour s'est prononcée sur ce qui est requis à Edmonton, le gouvernement peut et doit prendre les mesures nécessaires pour assurer aux appelants et aux autres parents dans leur situation ce qui leur est dû en vertu de l'art. 23.

Dispositif

Le pourvoi est donc accueilli, sans adjudication des dépens. Je suis d'avis de répondre aux questions du renvoi soumises à notre Cour, soit les questions b) et c) du décret daté du 20 janvier 1988, de la façon suivante:

Question b): En quoi consiste le droit de faire instruire ses enfants «dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique» garanti par l'alinéa 23(3)b) de la Charte? Ce droit comprend‑il plus particulièrement le droit de faire instruire ses enfants dans des lieux physiques distincts?

Réponse:Oui. Le droit général à l'instruction garanti par l'art. 23, interprété dans le contexte de l'ensemble de l'article, exige que les établissements d'enseignement soient ceux du groupe linguistique minoritaire ou lui appartiennent; ce droit comprend également le droit à des lieux ou établissements physiques distincts. Le plein exercice de ce droit se rattache à l'application de la méthode du critère variable élaborée par notre Cour dans l'arrêt Mahe.

Question c):(i)Les articles 23 et 15 de la Charte accordent‑ils un droit de gestion ou de contrôle se rattachant aux droits prévus à l'article 23 concernant l'instruction en langue française et les établissements d'enseignement de la minorité linguistique?

Réponse:Oui, sur le fondement de l'art. 23 et conformément aux principes énoncés par notre Cour dans l'arrêt Mahe.

(ii)Dans l'affirmative, les dispositions des parties I, II et III de la Loi sur les écoles publiques concernant l'établissement des divisions et des districts scolaires, l'élection des membres des commissions scolaires et les attributions des commissions scolaires permettent‑elles au Manitoba de remplir ses obligations en ce qui a trait à un tel droit de gestion ou de contrôle? Si ces dispositions ne permettent pas au Manitoba de remplir ses obligations constitutionnelles à cet égard, quels sont les éléments essentiels qui leur manquent?

Réponse:Non. Les dispositions de la Loi sur les écoles publiques ne prévoient pas la mise en {oe}uvre des droits que possède la minorité linguistique relativement à ses établissements d'enseignement, ni d'ailleurs les mécanismes appropriés de gestion et de contrôle. Pour y arriver, les autorités manitobaines doivent, sans retard, mettre en place un régime et un système qui permettront à la minorité francophone d'exercer pleinement ses droits, compte tenu des exigences générales formulées par notre Cour dans l'arrêt Mahe. Le nombre possible d'élèves de langue française justifie l'établissement d'un conseil scolaire de langue française autonome au Manitoba, dont la gestion et le contrôle appartiendront exclusivement à la minorité linguistique francophone.

Pourvoi accueilli.

Procureurs de l'appelante et de l'intervenant le Conseil jeunesse provincial Inc.: Monk, Goodwin, Winnipeg.

Procureur de l'intimé: Le ministère de la Justice, Winnipeg.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada: John C. Tait, Ottawa.

Procureurs de l'intervenante la Société franco‑manitobaine: Teffaine, Labossière, Saint‑Boniface, Manitoba; Michel Bastarache, Dieppe, Nouveau‑Brunswick.

Procureur de l'intervenante la Commission nationale des parents francophones: Michel Bastarache, Dieppe, Nouveau‑Brunswick.

Procureur de l'intervenante la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada: François Dumaine, Ottawa.

Procureurs de l'intervenant le Commissaire aux langues officielles: Johnston, Buchan & Dalfen, Ottawa.


Synthèse
Référence neutre : [1993] 1 R.C.S. 839 ?
Date de la décision : 04/03/1993
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli. La question (b) reçoit une réponse affirmative. La question (c)(i) reçoit une réponse affirmative sur le fondement de l'art. 23 de la Charte. La question (c)(ii) reçoit une réponse négative

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Droits à l'instruction dans la langue de la minorité - Établissements d'enseignement - Le droit à l'instruction dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique comprend‑il le droit à des lieux physiques distincts? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 23.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Droits à l'instruction dans la langue de la minorité - Droit de «gestion et de contrôle» - L'article 23 de la Charte des droits confère aux parents appartenant à un groupe linguistique minoritaire un droit de gestion et de contrôle à l'égard des établissements d'enseignement de la minorité linguistique - La Loi sur les écoles publiques du Manitoba satisfait‑elle à l'exigence de l'art. 23? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 23. - Loi sur les écoles publiques, L.R.M. 1987, ch. P250.

Appel - Caractère théorique - L'intimé soutient que les points soulevés dans le pourvoi ont en grande partie été tranchés par un arrêt de la Cour suprême du Canada rendu peu après la décision de la Cour d'appel - Le pourvoi devant la Cour suprême revêt‑il un caractère théorique?.

Le lieutenant‑gouverneur en conseil du Manitoba a soumis par renvoi à la Cour d'appel de la province trois questions ayant trait à la validité constitutionnelle de certaines dispositions de la Loi sur les écoles publiques par rapport aux art. 15 et 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les deuxième et troisième questions, qui font l'objet du présent pourvoi, se lisent ainsi:

(b)En quoi consiste le droit de faire instruire ses enfants «dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique» garanti par l'alinéa 23(3)b) de la Charte? Ce droit comprend‑il plus particulièrement le droit de faire instruire ses enfants dans des lieux physiques distincts?

(c)(i)Les articles 23 et 15 de la Charte accordent‑ils un droit de gestion ou de contrôle se rattachant aux droits prévus à l'article 23 concernant l'instruction en langue française et les établissements d'enseignement de la minorité linguistique?

(ii)Dans l'affirmative, les dispositions des parties I, II et III de la Loi sur les écoles publiques concernant l'établissement des divisions et des districts scolaires, l'élection des membres des commissions scolaires et les attributions des commissions scolaires permettent‑elles au Manitoba de remplir ses obligations en ce qui a trait à un tel droit de gestion ou de contrôle? Si ces dispositions ne permettent pas au Manitoba de remplir ses obligations constitutionnelles à cet égard, quels sont les éléments essentiels qui leur manquent?

La Cour d'appel à la majorité a conclu que les droits garantis par l'al. 23(3)b) de la Charte comprennent un droit à des lieux distincts pour l'instruction dans la langue de la minorité mais que ni l'art. 23 ni l'art. 15 de la Charte ne confèrent un droit de gestion et de contrôle à la minorité linguistique. La décision de la Cour d'appel du Manitoba a été rendue avant l'arrêt Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli. La question (b) reçoit une réponse affirmative. La question (c)(i) reçoit une réponse affirmative sur le fondement de l'art. 23 de la Charte. La question (c)(ii) reçoit une réponse négative.

(1) Caractère théorique

Même si l'arrêt Mahe a en grande partie tranché les questions de fond soulevées dans le renvoi, le pourvoi ne revêt pas un caractère théorique. La Loi sur les écoles publiques du Manitoba n'a pas été annulée et l'arrêt Mahe n'établit pas comment les droits garantis par l'art. 23 de la Charte doivent être interprétés au Manitoba. Les questions constitutionnelles telles que formulées entrent dans le cadre visé par le renvoi initial et, de plus, la décision de la Cour d'appel est en contradiction avec l'arrêt Mahe.

(2) Les questions constitutionnelles

Le droit général à l'instruction garanti par l'art. 23 de la Charte, interprété dans le contexte de l'ensemble de l'article, exige que les établissements d'enseignement soient ceux du groupe linguistique minoritaire ou lui appartiennent, et il comprend le droit à des lieux ou établissements physiques distincts. Bien que la prestation de ces services culturels et d'enseignement comporte un droit général à des lieux physiques distincts, il n'est pas nécessaire de préciser pour l'instant comment satisfaire à cette exigence dans une situation donnée. Ce qui est requis dépend de considérations pédagogiques et financières. De toute évidence, les répercussions financières de la création d'établissements spécifiques varieront d'une région à l'autre. Il faut donc que l'examen de ce qui constitue des établissements appropriés au Manitoba ne soit entrepris qu'à l'égard de secteurs géographiques précis dans la province. Le plein exercice du droit à des lieux physiques distincts se rattache à l'application de la "méthode du critère variable" élaborée par notre Cour dans l'arrêt Mahe.

Conformément aux principes énoncés dans l'arrêt Mahe, l'art. 23 de la Charte confère aux parents appartenant à un groupe linguistique minoritaire un droit de gestion et de contrôle à l'égard des établissements d'enseignement que fréquentent leurs enfants. En vertu de la «méthode du critère variable», le degré de gestion et de contrôle dépend du nombre réel et potentiel d'enfants qui se prévaudront en définitive du programme ou de l'établissement envisagé.

Les dispositions de la Loi sur les écoles publiques ne prévoient pas la mise en {oe}uvre des droits que possède la minorité linguistique relativement à ses établissements d'enseignement, ni d'ailleurs les mécanismes appropriés de gestion et de contrôle. Notre Cour devrait se garder de décrire précisément le genre de texte législatif que le gouvernement du Manitoba doit adopter pour satisfaire à ses obligations constitutionnelles. Les gouvernements devraient disposer du pouvoir discrétionnaire le plus vaste possible dans le choix des moyens institutionnels dont ils useront pour remplir leurs obligations en vertu de l'art. 23. Il faut éviter toutes dispositions et structures qui portent atteinte, font obstacle ou ne répondent tout simplement pas aux besoins de la minorité; il faudrait examiner et mettre en {oe}uvre des mesures qui favorisent la création et l'utilisation d'établissements d'enseignement pour la minorité linguistique. Au Manitoba, même en acceptant les projections les plus conservatrices, le nombre d'élèves qui se prévaudront en définitive du programme envisagé semble clairement se situer vers le haut de l'échelle du «critère variable». Le nombre possible d'élèves de langue française justifie donc l'établissement d'un conseil scolaire de langue française autonome au Manitoba, dont la gestion et le contrôle appartiendront exclusivement à la minorité linguistique francophone. Le gouvernement du Manitoba doit, sans retard, mettre en place un régime et un système qui permettront à la minorité francophone d'exercer pleinement ses droits, compte tenu des exigences générales formulées dans l'arrêt Mahe.


Références :

Jurisprudence
Arrêt appliqué: Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342
arrêts mentionnés: Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342
Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445
Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712
Société des Acadiens du Nouveau‑Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] 1 R.C.S. 549
Renvoi relatif au projet de loi 30, An Act to amend the Education Act (Ont.), [1987] 1 R.C.S. 1148.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 15, 23, 27.
Loi constitutionnelle de 1982, art. 52(1).
Loi sur les écoles publiques, L.R.M. 1987, ch. P250, art. 79(3), (4), (7).
Doctrine citée
Green, Maurice A. "The Continuing Saga of Litigation: Minority Language Instruction" (1990‑91), 3 Education & Law Journal 204.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, vol. 2, 3rd ed. (Supplemented). Scarborough: Carswell, 1992 (loose-leaf).
Nicholls, Glenn, and Guy L. Roy. A Report on Major Developments in French‑language Education in Manitoba from 1970 to 1987. Winnipeg: Department of Education, July 18, 1988.

Proposition de citation de la décision: Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839 (4 mars 1993)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-03-04;.1993..1.r.c.s..839 ?
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