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19/05/1993 | CANADA | N°[1993]_2_R.C.S._316

Canada | Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316 (19 mai 1993)


Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316

Fraternité unie des charpentiers

et menuisiers d'Amérique, section

locale 579 Appelante

c.

Bradco Construction Limited Intimée

Répertorié: Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd.

No du greffe: 22023.

1992: 16 octobre; 1993: 19 mai.

Présents: Les juges L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cou

r d'appel de terre‑neuve

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de Terre‑Neuve (1990), 81 Nfld. & P.E.I.R. 181,...

Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316

Fraternité unie des charpentiers

et menuisiers d'Amérique, section

locale 579 Appelante

c.

Bradco Construction Limited Intimée

Répertorié: Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd.

No du greffe: 22023.

1992: 16 octobre; 1993: 19 mai.

Présents: Les juges L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de terre‑neuve

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de Terre‑Neuve (1990), 81 Nfld. & P.E.I.R. 181, 255 A.P.R. 181, qui a infirmé la décision de la Cour suprême, Section de première instance (1988), 75 Nfld. & P.E.I.R. 308, 234 A.P.R. 308, qui avait confirmé la décision d'un arbitre rendue en faveur du syndicat appelant. Pourvoi accueilli.

V. Randell J. Earle, pour l'appelante.

Thomas R. Kendell, pour l'intimée.

//Le juge Sopinka//

Version française du jugement des juges L'Heureux-Dubé, Sopinka, Gonthier et McLachlin rendu par

Le juge Sopinka — La question principale qui se pose en l'espèce est de savoir si l'interprétation qu'un arbitre en matière de relations de travail a donnée à certaines dispositions d'une convention collective intervenue entre l'appelante et l'intimée, ainsi que son utilisation d'une preuve extrinsèque pour en arriver à cette interprétation, étaient manifestement déraisonnables.

Les faits

Le syndicat appelant, la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579, représente les employés de l'intimée Bradco Construction Limited («Bradco»), une société apparentée à N.D. Dobbin Limited («Dobbin») dont les employés ne sont pas syndiqués. Les deux sociétés occupent les mêmes locaux. D'après l'exposé conjoint des faits des parties, [traduction] «[Bradco et Dobbin] partagent les mêmes locaux et les mêmes installations, notamment des bureaux, une boîte à lettres, une protection de cautionnement et quelques employés. Il arrive parfois que l'une embauche des personnes qui ont travaillé pour l'autre». En outre, les deux sociétés [traduction] «appartiennent, à toutes fins pratiques, aux mêmes personnes et sont gérées et dirigées par les mêmes personnes».

L'intimée Bradco est membre de la Newfoundland Construction Labour Relations Association (l'«Association») qui est l'agent négociateur des employeurs qui embauchent des syndiqués dans le secteur commercial et industriel de l'industrie de la construction à Terre‑Neuve. Elle est, à ce titre, liée par la convention collective conclue par l'Association avec le syndicat pour la période du 1er octobre 1986 au 30 avril 1988. L'article 3.01 de cette convention prévoit, sous la rubrique [traduction] «Maintien de l'emploi»:

[traduction]

3.01Les parties conviennent que, à partir de la date de la signature de la présente convention jusqu'à son expiration le 29 avril 1988, les conditions de celle‑ci s'appliqueront à tous les travaux y visés qu'exécute l'employeur sur un chantier de construction, que ce soit sous sa propre dénomination sociale ou sous une autre, en tant que société, compagnie, société de personnes ou autre entité commerciale, et notamment en tant qu'entreprise en participation, dont l'employeur (y compris ses dirigeants, administrateurs, propriétaires, associés ou actionnaires) a dans une grande mesure, que ce soit directement ou indirectement (notamment par l'intermédiaire de membres de sa famille), la propriété, la gestion ou le contrôle.

Quelque temps après l'entrée en vigueur de cette convention collective, Dobbin a fait avec succès une soumission indépendante en vue d'obtenir le contrat de construction du Fine Arts Building au campus Corner Brook de l'Université de Terre-Neuve. Pour exécuter ce contrat, Dobbin a engagé des charpentiers non membres du syndicat. Ce dernier a soutenu qu'il s'agissait là d'une violation de la convention collective intervenue entre lui et Bradco puisque Dobbin était apparentée à Bradco.

L'arbitre s'est prononcé en faveur du syndicat. Cette décision a été confirmée par la Section de première instance de la Cour suprême de Terre‑Neuve (1988), 75 Nfld. & P.E.I.R. 308, 234 A.P.R. 308, mais elle a été infirmée par la Cour d'appel (1990), 81 Nfld. & P.E.I.R. 181, 255 A.P.R. 181.

Les dispositions législatives pertinentes

The Labour Relations Act, 1977, S.N. 1977, ch. 64

[traduction]

84. (1) Un conseil d'arbitrage constitué en application d'une convention collective ou en conformité avec la présente loi

a)peut établir sa propre procédure, mais doit donner aux parties à l'instance toutes les possibilités voulues de lui présenter des éléments de preuve et de lui faire des observations;

b)détient à l'égard de toute instance dont il est saisi le pouvoir

(i) d'assigner des témoins, de les contraindre à comparaître et à témoigner sous serment, oralement ou par écrit, et à produire les pièces et objets qu'il juge nécessaires à l'examen et à l'étude approfondis des questions dont il est saisi et qui sont de son ressort;

(ii)de faire prêter serment et de faire faire des affirmations solennelles;

(iii)de recevoir et d'accepter les éléments de preuve et les renseignements, fournis sous serment, par voie d'affidavit ou de quelque autre manière, que le conseil juge souhaitables, qu'ils soient admissibles ou non devant une cour de justice; et

. . .

c)a le pouvoir de trancher toute question concernant le caractère arbitrable d'une question dont il est saisi.

. . .

88. (1) Sous réserve du paragraphe (12), le présent article ne s'applique qu'à l'industrie de la construction.

(2) Si un employeur ou une association patronale a conclu une convention collective, alors, par dérogation aux dispositions contraires de la présente loi ou de la convention collective, tout conflit ou différend qui surgit entre les parties à ladite convention, y compris les personnes liées par celle‑ci, et qui porte sur

a)l'interprétation, le sens, l'application ou l'administration de la convention collective ou de toute disposition de celle‑ci;

b)une violation ou une allégation de violation de la convention collective;

c)les conditions de travail; ou

d)la question de savoir si une affaire est arbitrable;

doit être soumis, pour règlement final, à l'arbitrage visé au présent article plutôt qu'à celui que peut prévoir la convention collective.

Les dispositions pertinentes de la convention collective

[traduction]

Article 1 ‑- Objet

1.01La présente convention vise à établir les conditions de travail contractuelles applicables aux parties aux présentes, à fixer les salaires, les conditions de travail et certains avantages sociaux des employés ici représentés et à prévoir le règlement sans arrêt de travail de tout différend entre lesdites parties.

Article 2 -‑ Reconnaissance

2.04Les modalités de la présente convention lient l'employeur, ses dirigeants et ses membres, ainsi que toute partie, personne, association ou société qui exécute à titre de sous‑traitant des travaux qui ressortissent aux charpentiers.

L'arbitre aura le droit d'accorder des dommages‑intérêts conventionnels en cas de violation prouvée de ce qui précède.

Article 3 -‑ Maintien de l'emploi

3.01Les parties conviennent que, à partir de la date de la signature de la présente convention jusqu'à son expiration le 29 avril 1988, les conditions de celle‑ci s'appliqueront à tous les travaux y visés qu'exécute l'employeur sur un chantier de construction, que ce soit sous sa propre dénomination sociale ou sous une autre, en tant que société, compagnie, société de personnes ou autre entité commerciale, et notamment en tant qu'entreprise en participation, dont l'employeur (y compris ses dirigeants, administrateurs, propriétaires, associés ou actionnaires) a dans une grande mesure, que ce soit directement ou indirectement (notamment par l'intermédiaire de membres de sa famille), la propriété, la gestion ou le contrôle.

3.02L'employeur doit exploiter un atelier strictement syndical et ne doit, ni directement ni par l'intermédiaire d'une société apparentée, d'une filiale ou d'une société liée, engager des hommes de métier non syndiqués.

3.03Toute prétendue violation du présent article est considérée comme un différend au sens de la présente convention et est traitée en conformité avec les dispositions en matière de griefs et d'arbitrage que la convention comporte. Pour remédier à une violation du présent article, l'arbitre nommé ou le conseil d'arbitrage constitué en vertu de la présente convention a le pouvoir d'exiger, à la demande du syndicat, que l'employeur (1) paye aux employés touchés auxquels s'applique la présente convention une somme équivalant au salaire qu'ils ont perdu par suite de cette violation, et (2) verse au fonds en fiducie conjoint touché, établi en vertu de la présente convention, toute contribution à ce fonds qui est en souffrance en raison de la violation, y compris les intérêts que peut fixer l'arbitre ou le conseil d'arbitrage. Cette réparation n'est pas la seule que le syndicat peut obtenir pour la violation du présent article; elle ne constitue pas non plus la seule disponible comme c'est le cas d'autres réparations que le syndicat ne peut obtenir pour la violation d'autres articles de la présente convention.

3.04Les travaux soumissionnés avant le 12 septembre 1986 ne sont pas touchés par le présent article et seront achevés selon les modalités en vigueur avant la date de signature, sauf que les travaux soumissionnés avant le 12 septembre 1986 par des entreprises visées par l'article 1.01, dont les employés ne sont pas syndiqués, seront exécutés conformément aux modalités de la présente convention après le 12 mai 1987.

3.05Aucune disposition transitoire de la présente convention ne s'applique au présent article ni ne le modifie.

Les juridictions inférieures

L'arbitre (M. Arthur M. Sullivan, le 3 décembre 1987)

Après avoir fait l'historique des rapports entre le syndicat et Bradco, l'arbitre a conclu qu'il s'agissait de rapports [traduction] «longs et agités». L'existence des deux sociétés a permis à Bradco de recourir à la pratique de l'«exploitation à double volet», en vertu de laquelle la division dont les employés n'étaient pas syndiqués (Dobbin) pouvait soumissionner des travaux et les exécuter en se servant des installations, des gestionnaires et du matériel de la division dont les employés étaient syndiqués (Bradco), tout en embauchant des employés non syndiqués. Cette situation a abouti en 1986 à une grève de longue durée.

L'arbitre a conclu que la grève de 1986 avait été réglée en conformité avec un rapport préparé par M. Leslie Harris, lequel rapport constitue le fondement de la convention collective actuellement en vigueur. D'importantes concessions avaient été faites de part et d'autre. Le syndicat en a fait sur le plan salarial, tandis que les sociétés ont convenu de mettre fin à la pratique de l'«exploitation à double volet». D'après l'arbitre, l'article 3 a été inclus dans la convention afin d'assurer que les sociétés respecteraient la concession faite en matière d'«exploitation à double volet».

Tout en reconnaissant qu'elle‑même et Dobbin étaient des sociétés apparentées en ce sens qu'elles avaient des dirigeants et des actionnaires communs et qu'elles partageaient matériel et installations, l'intimée Bradco a prétendu n'avoir exécuté aucune partie des travaux de construction du Fine Arts Building et n'avoir en conséquence commis aucune violation de l'article 3.01. De l'avis de Bradco, il faudrait lire à l'article 3.01 «Bradco» au lieu d'«employeur» et «la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579» au lieu de «syndicat». Dobbin a soumissionné et a obtenu le contrat, et c'est elle seule qui a exécuté les travaux. L'article 3.01 ne [traduction] «jouerait» donc que si Bradco avait soumissionné les travaux et les avait fait exécuter par Dobbin ou par une autre société apparentée. Bradco a fait valoir en outre que le texte de l'article 3.01 est clair et qu'en l'absence d'ambiguïté l'arbitre ne pouvait tenir compte d'éléments de preuve extrinsèques.

L'arbitre a conclu que l'expression «les travaux [. . .] qu'exécute», employée à l'article 3.01, n'était pas claire et nette. De plus, il a rejeté l'interprétation proposée par Bradco quant au cas où «jouerait» l'article 3.01, pour le motif qu'elle conduirait à une absurdité ou, tout au moins, à une incompatibilité avec le reste de la convention collective. Si cette clause ne pouvait être invoquée que dans le cas où Bradco a soumissionné des travaux et en a confié l'exécution à Dobbin, elle ne serait, en fait, jamais invoquée, car Bradco n'avait pas à soumissionner quand Dobbin disposait des mêmes moyens qu'elle, dont l'accès aux mêmes installations et gestionnaires.

Compte tenu de sa conclusion que le texte de l'article 3.01 n'était pas clair et net, l'arbitre a décidé qu'il avait le droit de prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques afin d'en dégager l'interprétation la plus vraisemblable. Il a jugé que la preuve extrinsèque la plus pertinente était le rapport de M. Harris, sur lequel se fondait la convention collective. D'après ce rapport, les sociétés signataires convenaient [traduction] «de suspendre toutes activités d'exploitation à double volet pendant la durée de la convention collective et, en ce qui concerne les travaux entrepris ou soumissionnés après la conclusion de la convention, d'exploiter un atelier strictement syndical . . .» À son avis, il s'agissait en l'espèce d'un [traduction] «exemple clair du genre d'exploitation à double volet que visait à éliminer le rapport Harris». Il a donc statué en faveur du syndicat.

Cour suprême de Terre‑Neuve, Section de première instance (1988), 75 Nfld. & P.E.I.R. 308

Le juge en chef Hickman a, lui aussi, rejeté l'argument de Bradco selon lequel l'article 3.01 de la convention ne devrait pas s'appliquer puisque Bradco n'avait elle‑même "exécuté aucun travail" visé par celle‑ci. D'après lui, cette interprétation [traduction] «conduirait certainement à une absurdité et serait tout à fait incompatible avec l'objet clair de la convention collective et, en particulier, de sa troisième clause» (p. 312).

De l'avis du juge en chef Hickman, c'est à juste titre que l'arbitre a décidé d'interpréter au moyen d'une preuve extrinsèque et il n'a donc commis aucune erreur de droit à cet égard. La bonne façon pour un arbitre d'aborder l'interprétation d'une convention collective consiste à examiner les termes litigieux. S'il conclut raisonnablement que les mots utilisés ne sont pas clairs, il peut alors prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques afin de déterminer l'intention des parties contractantes. Le juge en chef Hickman a décidé en outre que la preuve extrinsèque appuyait la façon dont l'arbitre avait interprété la convention collective. Il dit à ce propos, à la p. 313:

[traduction] Il ressort nettement de la convention collective, prise dans son ensemble, que l'article 3.01 visait toutes les sociétés aux employés non syndiqués, qui étaient la propriété ou sous le contrôle de sociétés dont les employés étaient syndiqués et qui, en raison de leur appartenance à l'Association, étaient parties à ladite convention. Il s'agit là de la seule interprétation raisonnable possible compte tenu du rapport Harris qui a été accepté par l'Association et le syndicat et qui a constitué le fondement de la convention collective, laquelle était destinée à éliminer l'exploitation à double volet par les sociétés aux employés syndiqués, dont les actionnaires et les administrateurs contrôlaient également une société aux employés non syndiqués. C'est là une conclusion que vient étayer l'article 3.02. Pareille disposition dans la convention collective a force exécutoire étant donné qu'elle ne vise que les sociétés apparentées dont les employés ne sont pas syndiqués.

Le juge en chef Hickman a aussi rejeté l'argument implicite de Bradco selon lequel Dobbin était dans la même situation qu'une société aux employés non syndiqués qui est totalement indépendante des membres de l'Association, affirmant que Dobbin était une société aux employés non syndiqués placée sous le contrôle et la gestion d'une société dont les employés étaient syndiqués.

Citant ensuite les propos tenus par le juge Lamer (maintenant Juge en chef) dans l'arrêt Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476, relativement à la retenue dont les juges doivent faire preuve envers les arbitres et les tribunaux administratifs, le juge de première instance a conclu que la décision de l'arbitre était raisonnable et qu'il n'y avait pas lieu d'y toucher.

Cour suprême de Terre‑Neuve, Cour d'appel (1990), 81 Nfld. & P.E.I.R. 181

L'arrêt de la cour a été rédigé par le juge en chef Goodridge de Terre-Neuve (à l'opinion duquel ont souscrit les juges Gushue et Mahoney). Citant les arrêts de notre Cour Bradburn c. Wentworth Arms Hotel Ltd., [1979] 1 R.C.S. 846, et CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, la Cour d'appel a noté que les conclusions d'un conseil d'arbitrage, pourvu qu'elles soient visées par une clause privative et que le conseil ait agi dans les limites de sa compétence, ne seront modifiées que si elles sont «manifestement déraisonnables». Quoiqu'il ait affirmé qu'il puisse y avoir certains doutes quant à savoir si la décision d'un arbitre nommé en vertu de l'art. 88 de The Labour Relations Act, 1977 de Terre‑Neuve était protégée par une clause privative, le juge en chef Goodridge a conclu que cette question était sans importance en l'espèce puisque la décision de l'arbitre ne satisfaisait même pas au critère le plus strict.

Dans la présente affaire, la Cour d'appel a conclu, à la p. 186, qu'une double application du critère du caractère déraisonnable s'imposait:

[traduction] En premier lieu, il s'applique aux fins de déterminer si la conclusion à l'ambiguïté de la convention est manifestement déraisonnable. En second lieu, à supposer que cette conclusion ne soit pas jugée manifestement déraisonnable, le critère s'applique pour déterminer si le problème de l'ambiguïté a été résolu d'une façon manifestement déraisonnable.

La Cour d'appel a jugé que la conclusion de l'arbitre au caractère équivoque de l'expression «les travaux [. . .] qu'exécute» était manifestement déraisonnable puisque le terme «travaux» faisait l'objet d'une définition détaillée dans la convention et que le mot «exécute» avait un sens clair qui ne comportait aucune ambiguïté latente. La Cour d'appel a également estimé que l'interprétation stricte de l'article 3.01 que proposait Bradco n'avait rien d'absurde parce qu'elle permettait, dans une certaine mesure du moins, d'éviter l'exploitation à double volet: [traduction] «[e]lle empêche Bradco de se soustraire à ses obligations découlant de la convention en confiant des travaux en sous‑traitance à la société Dobbin ou en les faisant exécuter pour son compte par cette dernière» (pp. 186 et 187).

Selon la Cour d'appel, même si la conclusion à l'existence d'une ambiguïté n'avait pas été elle‑même manifestement déraisonnable, l'arbitre avait dissipé l'ambiguïté d'une façon qui [traduction] «fait abstraction des règles fondamentales de l'interprétation ou qui en constitue une application erronée» (p. 187), et qui était donc manifestement déraisonnable. Affirmant que le rôle de la cour consiste à déterminer ce qu'entendaient les parties par les mots qu'elles ont employés, à énoncer le sens du texte et non pas ce que les parties avaient l'intention d'écrire, la Cour d'appel a conclu que le texte de l'article 3.01 ne pouvait appuyer l'interprétation donnée par l'arbitre, affirmant ceci, à la p. 188:

[traduction] Si on substituait le nom de la société Dobbin dans cet article, on lirait ceci:

". . . les conditions de (la présente convention) s'appliquent à tous les travaux y visés qu'exécute (Bradco) sur un chantier de construction, que ce soit sous sa propre dénomination sociale ou sous (celle de N.D. Dobbin Limited)."

Il se dégage nettement de cet article que l'acteur doit toujours être Bradco, peu importe qu'elle agisse en son propre nom ou au nom d'une autre entreprise. En l'espèce, il ressort de la sentence que l'acteur est non pas Bradco mais la société Dobbin, car c'est cette dernière qui a soumissionné avec succès les travaux de construction du Fine Arts Building et qui a exécuté ces travaux.

La Cour d'appel a donc conclu que l'arbitre avait réglé le différend d'une façon déraisonnable, puis elle a examiné d'autres points qui, a‑t‑elle dit, n'ont pas été mentionnés par M. Sullivan. En ce qui concerne l'argument de l'appelante selon lequel la présence de l'article 2.04 relatif aux sous‑traitants ferait en sorte que l'article 3.01 serait redondant si on lui donnait l'interprétation proposée par l'intimée, la cour a convenu qu'il existait une présomption de non‑redondance, mais que l'article 3.01 visait à lier Bradco et les sociétés par l'intermédiaire desquelles elle exécute des travaux, tandis que l'article 2.04 visait à lier les sous‑traitants. La Cour d'appel a également rejeté les arguments de l'appelante voulant que l'article 3.02 soit inconciliable avec le point de vue de l'intimée, et que l'article 3.04, qui rendait la convention collective applicable, après le 12 mai 1987, aux entreprises dont les employés n'étaient pas syndiqués, appuie la thèse de l'ambiguïté de l'article 3.01. Ce dernier argument a été rejeté pour le motif que Dobbin n'était pas une entreprise visée par l'article 1.01, étant donné qu'elle n'était pas signataire de la convention.

Les questions en litige

Les questions qui se posent en l'espèce sont celle de la norme d'examen qu'il convient d'appliquer à la décision de l'arbitre en l'absence d'une clause privative intégrale, celle de la mesure dans laquelle des arbitres ou des conseils en matière de relations de travail peuvent admettre une preuve extrinsèque et se fonder sur elle pour interpréter une convention collective et, enfin, celle de savoir si l'arbitre a commis une erreur donnant lieu à examen, soit en concluant à l'existence d'une ambiguïté à l'article 3 de la convention collective, soit en concluant que, dans les circonstances, Bradco avait violé la convention. J'aborderai chacune de ces questions à tour de rôle.

1. La norme d'examen appropriée

La Cour d'appel a qualifié d'erreurs de droit commises dans l'exercice de sa compétence les aspects de la décision de l'arbitre qui font l'objet d'un examen en l'espèce. Avant d'entreprendre son analyse, la Cour d'appel a soulevé la question préliminaire de savoir si cette décision de l'arbitre était visée par une clause privative, laissait entendre que, si ce n'était pas le cas, la cour pourrait y appliquer la norme d'examen fondée sur la justesse ou l'absence d'erreur.

En l'espèce, l'arbitrage était prescrit par l'art. 88 de The Labour Relations Act, 1977 de Terre‑Neuve, qui ne s'applique qu'à l'industrie de la construction, et la Cour d'appel s'est demandée si lorsqu'on parle au par. 88(2) de soumettre un différend à l'arbitrage pour [traduction] «règlement final», on veut dire par là que la décision de l'arbitre ne peut être examinée que s'il y a erreur de compétence. La clause privative générale de The Labour Relations Act, 1977 se trouve à l'art. 18 qui précise qu'une décision de la Labour Relations Board est définitive et non susceptible d'examen, sans toutefois mentionner la décision d'un arbitre nommé en vertu de la Loi. La Cour d'appel n'a pas répondu à sa propre question puisqu'elle a déterminé que la décision de l'arbitre ne satisfaisait même pas au critère le plus strict (c.‑à‑d. celui du caractère manifestement déraisonnable), de sorte qu'elle était susceptible d'examen.

Il semble être sous‑entendu dans la question posée par la Cour d'appel qu'en l'absence d'une clause privative intégrale, les cours de justice ne font preuve d'aucune retenue à l'égard de la décision d'un tribunal administratif. La question n'est pas aussi simple. La norme d'examen à appliquer à la décision d'un tribunal administratif est régie par les dispositions législatives qui s'appliquent au contrôle judiciaire, par le texte de la loi particulière qui attribue compétence au tribunal administratif et par la common law relative au contrôle judiciaire des mesures administratives, dont le principe de common law de la retenue judiciaire. Le recours au certiorari, qui existe en common law, ainsi que les dispositions législatives prévoyant le contrôle judiciaire permettent d'examiner des décisions administratives qui, à première vue, sont entachées d'une erreur de droit. Les dispositions législatives attributives de compétence à un tribunal ont souvent pour objet soit d'élargir la portée du contrôle judiciaire en prescrivant un droit d'appel, soit de la restreindre au moyen de termes ayant pour effet d'écarter ce contrôle. La détermination de la norme d'examen appropriée consiste donc dans une large mesure à interpréter ces dispositions législatives dans le contexte de la politique relative à la retenue judiciaire.

Les dispositions législatives en question doivent s'interpréter en fonction de la nature du tribunal particulier dont il s'agit et du type de questions dont il peut connaître. Dans cette optique, la cour doit déterminer quelle norme d'examen le législateur a-t-il voulu rendre applicable à la décision particulière en cause, en tenant compte du principe énoncé par notre Cour, selon lequel, dans le cas de tribunaux spécialisés, il y a lieu de faire preuve de retenue à l'égard des décisions qu'ils rendent sur les questions qui leur sont soumises en raison de leur expertise. Les dispositions législatives qui doivent être interprétées de cette façon vont des «véritables» clauses privatives qui ont manifestement et explicitement pour objet d'écarter tout contrôle judiciaire des décisions rendues par le tribunal (comme celle dont il est question dans l'arrêt U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048), jusqu'aux clauses qui prescrivent un plein droit d'appel sur toute question de droit ou de fait et qui autorisent la cour de justice qui procède à l'examen à substituer son opinion à celle du tribunal administratif (comme dans l'arrêt Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321).

Si la disposition législative pertinente est une véritable clause privative, le contrôle judiciaire se limite aux erreurs de compétence résultant d'une erreur d'interprétation d'une disposition législative limitant les pouvoirs du tribunal ou d'une erreur manifestement déraisonnable commise relativement à une question de droit qui relève par ailleurs de la compétence du tribunal. Les critères applicables pour reconnaître de telles erreurs sont énoncés dans l'arrêt Bibeault et confirmés dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614 («AFPC no 1»), et, tout récemment, dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada), [1993] 1 R.C.S. 941 («AFPC no 2»). Lorsqu'il y a une clause privative intégrale, le contrôle judiciaire existe non pas en raison du texte de la loi (qui, évidemment, l'écarte complètement), mais parce que, du point de vue du droit constitutionnel, le contrôle judiciaire ne peut pas être totalement écarté: voir l'arrêt Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220.

Bien que leur effet d'exclusion puisse être moins évident que celui des véritables clauses privatives, d'autres formes de clauses ayant pour objet de limiter l'examen peuvent également avoir un effet privatif. On peut décider que des termes comme «final et sans appel» et d'autres termes semblables limitent l'examen aux questions de compétence si la cour conclut que, eu égard aux facteurs susmentionnés, le législateur a manifestement voulu que la décision échappe à l'examen en l'absence d'une erreur de compétence. Tel était le cas dans l'affaire National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, où notre Cour a conclu à l'effet privatif d'une clause prévoyant que, sous réserve de certaines exceptions limitées, la décision du tribunal était «définitive». Voir aussi les observations du juge Gonthier dans l'arrêt Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722, à la p. 1744.

Le paragraphe 88(2) se situe quelque part entre une clause privative intégrale et une clause prescrivant un examen complet par voie d'appel. Même s'il ne prévoit pas que la décision de l'arbitre échappe à tout examen fondé sur un motif quelconque de droit ou de fait, il ne prévoit pas expressément non plus un appel ou un examen fondé sur ces motifs. Il dispose simplement que la décision de l'arbitre constitue un règlement final du différend. La question est de savoir quelle était l'intention du législateur en employant ce terme et, plus précisément, de savoir si ce terme commande la retenue judiciaire à l'égard de la décision rendue par l'arbitre en l'espèce.

Il faut souligner d'abord que le mot «final» n'implique pas toujours l'intention de restreindre le contrôle judiciaire. Dans la plupart des lois attributives du droit d'interjeter appel d'un jugement de première instance d'une cour de justice, ce droit porte sur le jugement final de ladite cour. Dans ce contexte, le mot «final» renvoie au fait que la question en litige entre les parties a été tranchée et qu'aucune autre mesure n'a à être prise pour que la décision puisse être considérée comme déterminant les droits des parties. Autrement dit, il ne s'agit pas d'une décision provisoire. Rien n'empêche toutefois le tribunal d'appel de contrôler ce jugement final s'il renferme des erreurs de droit. Pour savoir s'il convient dans un cas donné d'interpréter le mot «final» comme manifestant l'intention d'écarter ou de restreindre le contrôle judiciaire, il faut analyser la disposition à la lumière de l'objet, de la nature et de l'expertise du tribunal dont la décision est mentionnée. Ces facteurs sont semblables à ceux mentionnés dans l'arrêt Bibeault, précité, et leur application est qualifiée d'analyse fonctionnelle. Notre Cour les a appliqués plus récemment dans l'arrêt Dayco (Canada) Ltd. c. TCA-Canada, [1993] 2 R.C.S. 000.

La disposition de The Labour Relations Act, 1977 de Terre‑Neuve, qui prescrit l'arbitrage des griefs découlant d'une convention collective, habilite l'arbitre à régler les différends relatifs à cette convention. L'arbitrage obligatoire vise à régler les différends d'une manière efficace et rentable qui permettra aux parties de maintenir autant que possible leurs relations de travail normales. Comme ce but ne pourrait être atteint si aucune limite n'était imposée à l'examen de la décision d'un arbitre, il faut voir dans l'expression «règlement final» une manifestation de l'intention du législateur d'assurer une certaine retenue de la part des cours de justice dans ce domaine.

Outre la raison d'être du tribunal, son expertise est de la plus haute importance pour ce qui est de déterminer l'intention du législateur quant au degré de retenue dont il faut faire preuve à l'égard de la décision d'un tribunal en l'absence d'une clause privative intégrale. Même lorsque la loi habilitante du tribunal prévoit expressément l'examen par voie d'appel, comme c'était le cas dans l'affaire Bell Canada, précitée, on a souligné qu'il y avait lieu pour le tribunal d'appel de faire preuve de retenue envers les opinions que le tribunal spécialisé de juridiction inférieure avait exprimées sur des questions relevant directement de sa compétence.

Par contre, lorsque, comparativement au tribunal d'examen, le tribunal administratif manque d'expertise relative en ce qui concerne la question dont il a été saisi, cela justifie de ne pas faire preuve de retenue. C'est ce qu'a affirmé notre Cour à la p. 338 de l'arrêt Zurich, précité, au sujet des conclusions de droit tirées par les tribunaux des droits de la personne (quoique ce fut dans le contexte d'une clause d'examen extrêmement générale):

Malgré la possibilité d'infirmer les décisions de la commission relativement aux conclusions de fait, notre Cour a indiqué qu'un certain degré de retenue judiciaire est requis même dans les cas où il n'existe pas de clause privative afin de tenir compte du principe de la spécialisation des fonctions (voir les arrêts Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722, à la p. 1746, et Etobicoke, précité, à la p. 211). Bien que le principe de la retenue judiciaire s'applique aux conclusions de fait, que la commission pouvait être en meilleure position de trancher, il ne s'applique pas relativement aux conclusions de droit qui ne relèvent pas de son champ d'expertise particulier.

Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, tel qu'énoncé dans les motifs du juge La Forest adoptés par le juge en chef Lamer, notre Cour, à la majorité, a tiré une conclusion semblable quant à la retenue dont il convient de faire preuve envers les tribunaux des droits de la personne en ce qui concerne les questions de droit.

Pour ce qui est des décisions rendues par un arbitre en matière de relations de travail qui débordent de son domaine d'expertise fondamental, les propos tenus par le juge en chef Laskin dans Bradburn c. Wentworth Arms Hotel Ltd., précité, sont pertinents. Bien qu'il ait été dissident sur la question de la norme d'examen appropriée et qu'il ait été le plus libéral des juges relativement à la retenue judiciaire, l'ancien Juge en chef a néanmoins considéré l'interprétation d'une loi comme constituant une exception à l'attitude normale de retenue envers un arbitre. Il affirme ce qui suit, aux pp. 848 et 849:

À mon avis, il s'agit principalement de fixer les limites du pouvoir d'examen de la sentence du conseil d'arbitrage qui a entendu la demande de dommages‑intérêts des employeurs pour ce qu'ils prétendent être une grève illégale. Même si, en l'absence de disposition légale l'interdisant, on peut procéder à l'examen de la sentence du conseil d'arbitrage pour erreur de droit apparente au dossier, le concept même d'erreur de droit est difficile à cerner lorsqu'il s'agit d'interpréter les termes d'une convention collective, qui sont soumis à l'arbitrage. C'est pourquoi les tribunaux en général, et certainement cette Cour, préfèrent ne pas modifier la sentence du conseil d'arbitrage si ce dernier a donné aux termes de la convention collective une interprétation acceptable.

Ce principe connaît deux restrictions, lorsqu'une question de compétence est en cause et lorsqu'il incombe au conseil d'arbitrage d'interpréter une loi . . . [Je souligne.]

Comme l'indique ce passage, ce qui justifie la retenue à l'égard de l'interprétation donnée par un arbitre à une convention collective ne s'applique pas nécessairement pour faire bénéficier de la même retenue une conclusion de droit tirée par l'arbitre, lorsque cela comporte l'interprétation d'une loi ou d'une règle de common law. En général, ces questions ne relèvent pas de l'expertise de l'arbitre et, à moins que le législateur n'ait voulu que l'on fasse preuve de retenue à l'égard des conclusions de droit d'un arbitre, celles‑ci peuvent faire l'objet d'un examen selon la norme de l'absence d'erreur. À cet égard, on peut faire une distinction entre les arbitres ad hoc nommés pour régler un différend particulier découlant d'une convention collective et les commissions des relations de travail chargées de surveiller l'interprétation permanente de textes législatifs et d'établir des politiques et précédents en matière de relations du travail dans un ressort donné. Il faut faire preuve, en ce qui concerne ces commissions et d'autres tribunaux spécialisés chargés de réglementer un domaine industriel ou technologique précis, d'une plus grande retenue à l'égard de leur interprétation de la loi, et ce, malgré l'absence de clause privative.

Dans un certain nombre d'arrêts antérieurs, notre Cour a indiqué que les tribunaux devraient faire preuve de retenue à l'égard des décisions arbitrales qui interprètent une convention collective, même en l'absence de clause privative. Par exemple, dans l'arrêt Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, aux pp. 275 et 276, le juge Estey fait l'observation suivante, à laquelle souscrit le reste de la Cour:

. . . le droit relatif au contrôle judiciaire a évolué, même en l'absence de clause privative, au point où l'on reconnaît l'objectif de l'arbitrage prévu par la loi mais d'origine contractuelle, soit le règlement rapide, sûr et peu coûteux des différends sans interruption du travail des parties. L'étendue du pouvoir de révision ne fait que refléter cet objectif s'il ne s'intéresse qu'aux questions de droit à incidences juridictionnelles . . .

Même s'il était possible de conclure de ce passage que la décision d'un arbitre sur toute question de droit peut échapper à l'examen, j'estime qu'il vise les questions de droit qui se posent en interprétant la convention collective et non l'interprétation d'une loi ou d'une règle de common law. Je ne suis pas certain du sens de l'expression «incidences juridictionnelles» dans ce contexte, étant donné l'absence de clause privative exigeant que les limites de la compétence du tribunal soient déterminées afin de décider si une décision particulière échappe à l'examen. Je suppose toutefois que le juge Estey ne faisait que reprendre les termes employés dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227 («SCFP»), et dans des arrêts analogues datant de la même époque, où des clauses privatives étaient effectivement en cause, et qu'il faisait allusion à la politique de retenue à l'égard des questions touchant l'interprétation de conventions collectives, qui est à l'origine des «différends» qu'il évoque.

Le même genre de retenue fondée sur l'objet de l'arbitrage a été adoptée dans l'arrêt Volvo Canada Ltd. c. T.U.A., local 720, [1980] 1 R.C.S. 178, à la p. 214. Dans cette affaire, notre Cour à la majorité a appliqué le critère du caractère manifestement déraisonnable à la décision d'un arbitre nommé en vertu d'une convention collective, même s'il s'agissait d'un arbitrage consensuel plutôt que légal et qu'il n'y avait aucune clause privative proprement dite. Faisant remarquer que ni l'une ni l'autre partie n'avait d'autre choix que de soumettre un grief à l'arbitrage, le juge Pigeon a souligné, à la p. 214, que:

[p]ar ailleurs, l'arbitrage n'est pas prescrit comme une étape préalable à la présentation de la question aux tribunaux, on veut que la décision soit finale. Il est donc impératif de ne pas aborder les décisions sur l'interprétation des conventions collectives en se demandant comment la Cour trancherait la question, mais en se demandant s'il s'agit d'une interprétation [traduction] «manifestement déraisonnable» de la convention.

Cette méthode d'interprétation, qui tient compte de la nature et de l'objet du tribunal et de son expertise, a également été appliquée dans le contexte d'une commission des relations de travail dans l'arrêt Alberta Union of Provincial Employees, section 63 c. Conseil d'administration de Olds College, [1982] 1 R.C.S. 923. Dans cette affaire, en dépit de la faiblesse de la clause privative qui prévoyait explicitement l'examen, et malgré le fait que la Loi autorisait expressément le recours au certiorari, le juge en chef Laskin a statué que la clause était néanmoins suffisamment explicite pour que les cours de justice fassent preuve de retenue et qu'elles limitent l'examen aux seules erreurs manifestement déraisonnables. Le juge en chef Laskin a conclu, à la p. 931:

Ici, la Commission agit, pour ainsi dire, dans les limites de sa compétence. Elle était saisie de l'interprétation et de l'application de dispositions que sa loi constitutive lui confie de façon exclusive, en précisant que ses décisions sont définitives et péremptoires. Dans de telles circonstances, l'attitude appropriée que doit adopter une cour de révision ne consiste pas à substituer carrément son avis judiciaire à celui de la Commission, mais est plutôt celle que définit le juge Dickson dans l'arrêt [SCFP], quand il énonce la question de la portée de la révision en ces termes:

. . . l'interprétation de la Commission est‑elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?

Compte tenu des facteurs pertinents que sont le texte de la loi, de même que l'expertise et l'objet du tribunal, je suis d'avis que le législateur n'a pas voulu, au par. 88(2), restreindre le contrôle judiciaire des décisions de l'arbitre sauf en ce qui concerne les questions de compétence. La retenue judiciaire à l'égard de la décision de l'arbitre est néanmoins justifiée ici. En l'espèce, la décision de l'arbitre est contestée à deux égards: il y a d'abord sa conclusion que la convention collective et, en particulier, son article 3.01, était équivoque et ambiguë, et ensuite, sa conclusion que cet article, bien interprété, s'appliquait au contrat soumissionné par Dobbin. Les questions à résoudre pour arriver à ces conclusions comportaient l'interprétation de la convention collective et son application à une situation factuelle particulière — des sujets qui constituent le domaine d'expertise fondamental d'un arbitre. Si on la conjugue à l'objet et au texte de l'art. 88 qui confère à l'arbitre une compétence exclusive pour régler définitivement les différends qui découlent de l'interprétation ou de l'application de la convention collective, l'expertise relative de l'arbitre exige qu'une cour de justice fasse preuve de retenue à l'égard de la décision de l'arbitre en l'espèce, à moins que celle‑ci ne soit jugée manifestement déraisonnable. Nous pouvons attendre une autre occasion pour aborder la question de savoir si certaines décisions d'un arbitre sur d'autres questions de droit non limitées à l'interprétation de la convention collective échappent également à l'examen.

La norme adoptée en Cour d'appel

La Cour d'appel définit ainsi le critère du caractère manifestement déraisonnable, aux pp. 185 et 186:

[traduction] Dans le cas d'un appel ordinaire sur une question de droit, la décision d'un juge de première instance peut être examinée par plusieurs juges à différents paliers d'appel. Au cours du cheminement de l'affaire devant les tribunaux d'appel, des décisions qui diffèrent de la décision ultime ou qui entrent en conflit avec celle‑ci pourront être rendues; par ailleurs, il pourra y avoir unanimité ou une nette absence de désaccord. Dans le premier cas, si la décision du juge de première instance est infirmée, on pourra dire qu'elle est raisonnable quoique erronée. Dans le second cas, si la décision du juge de première instance est infirmée, on pourra dire qu'elle est manifestement déraisonnable.

Un critère pourrait donc consister à déterminer quel aurait été le sort de la sentence si elle avait pu être portée en appel. S'agit‑il d'une décision qui aurait été infirmée en appel, mais non sans dissidence et désaccord, ou s'agit‑il d'une décision qui aurait été infirmée et dans une large mesure réprouvée par tous les juges d'appel ou par la grande majorité d'entre eux?

Cette formulation du critère semble laisser entendre que la décision de l'arbitre est manifestement déraisonnable si les juges de la Cour d'appel estiment unanimement ou même majoritairement que sa décision est erronée. Cela ressemble beaucoup à une norme de justesse ou d'absence d'erreur et ne se distingue de l'examen complet en appel que par le nombre de juges qui doivent rejeter la décision de l'arbitre. Il est évident qu'il ne s'agit pas là de la norme d'examen que notre Cour a énoncée au cours de la dernière décennie et que cela ne concorde nullement avec la raison d'être de la retenue judiciaire.

Dès qu'on décide qu'il y a lieu de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard d'une décision particulière d'un tribunal, celui‑ci a le droit de se tromper, indépendamment du nombre de juges chargés de procéder à l'examen qui désapprouvent sa décision. L'erreur manifestement déraisonnable se définit plus aisément en fonction de ce qu'elle n'est pas plutôt que de ce qu'elle est. Notre Cour a dit qu'une conclusion ou une décision d'un tribunal n'est pas manifestement déraisonnable s'il existe des éléments de preuve susceptibles de la justifier, même si elle ne correspond pas à la conclusion qu'aurait tirée la cour chargée de procéder à l'examen (Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, aux pp. 687 et 688), ou, dans le contexte d'une convention collective, dans la mesure où les termes de celle‑ci n'ont pas été interprétés d'une façon inacceptable* (Bradburn, précité, le juge en chef Laskin, à la p. 849). Ces affirmations signifient, selon moi, que la cour de justice fera preuve de retenue même si, à son avis, l'interprétation qu'a donnée le tribunal à la convention collective n'est pas la «bonne» ni même la «meilleure» de deux interprétations possibles, pourvu qu'il s'agisse d'une interprétation que peut raisonnablement souffrir le texte de la convention. Ou, comme l'a dit le juge Dickson dans l'arrêt SCFP, à la p. 237:

. . . l'interprétation de la Commission est‑elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?

Voir aussi l'arrêt AFPC no 2 (motifs du juge Cory).

Avant d'appliquer à l'interprétation donnée à la convention collective par l'arbitre le critère du caractère manifestement déraisonnable ci‑dessus défini, il faut se pencher sur la question de l'admission de la preuve extrinsèque que constitue en l'espèce le rapport Harris.

2. L'admission de la preuve extrinsèque

La règle générale interdisant l'utilisation d'une preuve extrinsèque pour interpréter des conventions collectives tire son origine de la règle d'exclusion de la preuve extrinsèque en droit des contrats. Cette règle découle de la volonté que les obligations contractuelles soient définitives et certaines. On présume généralement que, lorsque les parties mettent un accord par écrit, elles y incluent toutes les conditions et détails nécessaires et elles veulent que le contrat écrit renferme la totalité des conditions. En outre, la règle est destinée à empêcher l'utilisation de négociations extrinsèques fabriquées ou douteuses pour attaquer des contrats écrits en bonne et due forme.

Il a toujours été fait exception à la règle d'exclusion de la preuve extrinsèque lorsque le contrat écrit lui‑même comporte une ambiguïté, auquel cas des éléments de preuve extrinsèques peuvent être admis pour clarifier le sens du terme ambigu (Voir Leggatt c. Brown (1899), 30 O.R. 225 (Cour div.).) Cependant, il est loin d'être facile de déterminer quand s'applique cette exception, car on ne sait même pas clairement ce qui peut être qualifié d'ambiguïté manifeste. Dans certaines décisions, on a conclu qu'il ne suffit pas que différentes interprétations de l'accord soient soutenables (Re Milk & Bread Drivers , Local 647, and Silverwood Dairies Ltd. (1969), 20 L.A.C. 406) alors que, d'après d'autres décisions, le critère approprié est celui de l'absence d'un sens nettement prépondérant qui se dégage du texte et de l'économie de l'accord (Re Int'l Ass'n of Machinists, Local 1740, and John Bertram & Sons Co. (1967), 18 L.A.C. 362). Il faut distinguer l'ambiguïté de l'inexactitude, du résultat inédit ou de la simple difficulté d'interprétation. Il y a aussi la question de savoir si l'ambiguïté doit être manifeste pour justifier la production d'une preuve extrinsèque ou s'il suffit qu'il y ait une ambiguïté latente comportant l'application incertaine de mots par ailleurs non équivoques aux faits de l'affaire. Si une ambiguïté latente est jugée suffisante, il faut alors se demander en outre si une preuve extrinsèque peut être produite pour établir l'existence de l'ambiguïté. Les difficultés auxquelles font face les cours de justice en réglant ces questions s'accentuent dans le cas d'arbitres chargés d'interpréter et d'appliquer une convention collective, car, souvent, non seulement ces personnes n'ont‑elles pas de formation juridique, mais encore elles sont appelées à se prononcer sur des arguments présentés par des profanes.

En l'espèce, l'arbitre, M. Sullivan, a admis sans objection le rapport Harris qui était le rapport d'un conciliateur qui avait réglé une grève déclenchée par le syndicat contre les employeurs parties à la convention collective en cause. Le rapport du médiateur, qui a servi de base au règlement de la grève et qui a été accepté par les parties à la convention, déconseillait fortement le recours à la pratique de l'exploitation à double volet.

L'intimée a précisé, dans sa plaidoirie, qu'elle ne conteste ni l'admission du rapport Harris ni la décision de l'arbitre de l'accepter. De plus, l'avocat de l'intimée a reconnu que l'arbitre pouvait conclure du rapport que l'article 3 visait à empêcher la pratique de l'exploitation à double volet. C'est contre l'usage qu'on a fait du rapport que s'est insurgée l'intimée. Alléguant le caractère manifestement déraisonnable de la conclusion de l'arbitre à l'ambiguïté de l'article 3, l'intimée a fait valoir que les parties avaient clairement exprimé leur intention dans la convention collective et que l'arbitre était tenu de mettre à exécution cette intention, même si elle était incompatible avec la preuve extrinsèque. Étant donné que les concessions de l'intimée se rapportent à une question de droit touchant une disposition qui figure dans bien des lois en matière de relations de travail, je ne tiendrais pas à trancher cette question sans examiner si les concessions que l'intimée a faites sur les points susmentionnés étaient celles qu'il fallait faire. Je me propose donc d'examiner ces concessions.

Le paragraphe 84(1) de The Labour Relations Act, 1977 prévoit que l'arbitre peut recevoir et accepter les éléments de preuve qu'il juge souhaitables, qu'ils soient admissible ou non devant une cour de justice. Le législateur a, par le par. 84(1), indiqué explicitement que l'arbitre n'a pas à se préoccuper des règles de common law qui régissent l'admission de la preuve extrinsèque, y compris la question de savoir si l'ambiguïté doit être manifeste ou latente ou même s'il y a une ambiguïté tout simplement. Dans Re Noranda Metal Industries Ltd., Fergus Division and I.B.E.W., Local 2345 (1983), 44 O.R. (2d) 529, la Cour d'appel de l'Ontario a affirmé, au sujet d'une disposition analogue de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario, qu'elle visait à [traduction] «permettre à un arbitre de se fonder sur une preuve pertinente, même si cette preuve n'est pas admissible devant une cour de justice» (p. 538). Bien que ce genre de dispositions n'excluent pas complètement le contrôle judiciaire, elles permettent à l'arbitre d'assouplir les règles de preuve. Cela reflète le fait que, souvent, les arbitres ne possèdent aucune formation juridique et qu'il leur est permis d'appliquer les règles comme le ferait toute personne raisonnable dans la gestion de ses affaires. Le paragraphe 84(1) exprime l'intention du législateur de laisser à l'arbitre le soin de trancher ces questions. En conséquence, la décision de l'arbitre à cet égard ne peut faire l'objet d'un examen que s'il est démontré qu'elle est manifestement déraisonnable. Même si l'omission, sans plus, d'appliquer une règle en matière de privilège ou une règle d'exclusion en matière de preuve qui traduit un aspect important de l'ordre public pourrait donner lieu à un examen, le recours à une preuve extrinsèque pour interpréter une convention collective relève vraiment des fonctions essentielles de l'arbitre. À cet égard, la Cour n'est pas portée à intervenir, pourvu que l'arbitre utilise la preuve d'une manière qui l'aide à déterminer la véritable intention des parties.

L'arbitre en l'espèce était d'avis qu'il pouvait s'appuyer sur le rapport Harris si les termes de la convention n'étaient pas clairs et nets. À mon avis, ce point de vue n'avait rien de déraisonnable. Il n'était pas tenu de tenter d'appliquer les règles de preuve régissant la détermination de ce qui constitue une ambiguïté; il n'avait qu'à conclure raisonnablement que la convention collective était équivoque. L'affirmation suivante du juge Gonthier, dans l'arrêt National Corn Growers, est instructive à ce propos, à la p. 1371:

Je tiens à souligner en premier lieu que je partage le point de vue des appelantes selon lequel il est raisonnable, dans des circonstances où la loi nationale manque de clarté, d'examiner toute convention internationale sous‑jacente. Dans l'interprétation d'une loi adoptée en vue d'assurer l'exécution d'obligations internationales, comme c'est le cas en l'espèce, il est raisonnable pour un tribunal d'examiner la loi nationale dans le contexte de la convention pertinente afin d'obtenir les éclaircissements voulus. En fait, lorsque le texte de la loi nationale s'y prête, on devrait en outre s'efforcer d'adopter une interprétation qui soit compatible avec les obligations internationales en question.

Ce passage traite de l'interprétation de dispositions législatives destinées à mettre à exécution une convention internationale, mais je ne vois pas pourquoi il ne s'appliquerait pas tout autant à l'interprétation d'un contrat comme une convention collective.

Le juge Gonthier a ensuite fait observer, dans l'arrêt National Corn Growers qu'il était possible de se référer à une telle preuve extrinsèque, avant que ne soit établie l'existence d'une ambiguïté manifeste, pour déterminer si la convention comportait une ambiguïté latente. Or, je n'ai pas à décider si ce principe est applicable en l'espèce parce que l'arbitre a d'abord conclu que les termes de l'article 3.01 n'étaient pas clairs et nets, et qu'il s'est ensuite servi de la preuve extrinsèque pour l'interpréter. L'intimée a reconnu à juste titre que le rapport avait été légitimement admis et on ne saurait attaquer le fait que l'arbitre se soit fondé sur ce rapport que si sa conclusion au caractère équivoque et ambigu des termes de l'article 3.01 était manifestement déraisonnable.

3. Le caractère raisonnable de la décision de l'arbitre

Ambiguïté

La disposition contestée rend les modalités de la convention collective applicables «à tous les travaux [. . .] qu'exécute l'employeur [. . .] que ce soit sous sa propre dénomination sociale ou sous une autre». Évidemment, la société employeuse ne peut en tant que personne morale «exécuter les travaux» elle‑même; une personne morale ne peut agir que par l'intermédiaire d'autrui, c.‑à‑d. ses employés et d'autres personnes qui effectuent des travaux pour elle. L'article définit ensuite le type d'entité qui aurait avec l'employeur un lien suffisant pour être considérée comme son alter ego aux fins de l'application de cette disposition.

Selon l'interprétation que donne l'appelante à la disposition en cause, la forme du contrat d'exécution des travaux est sans importance puisque le facteur déterminant est la réponse à la question de savoir si l'employeur en sa qualité d'âme dirigeante de Bradco est également l'âme dirigeante de l'entité qui exécute les travaux en question. Cette interprétation est appuyée dans une certaine mesure par les termes des clauses environnantes de la convention, et notamment par l'article 3.04 qui prévoit qu'après une certaine date les modalités de la convention collective s'appliqueront aux employeurs dont les employés ne sont pas syndiqués, qui sont «visés par l'article 1.01» et qui ont soumissionné des travaux avant la date de signature de la convention collective. L'article 1.01 ne parle que des «parties» à la convention, dont aucune n'est un employeur dont les employés ne sont pas syndiqués. Les parties semblent avoir voulu que la convention collective en vigueur au moment de la soumission s'applique aux travaux soumissionnés, avant la conclusion de la convention actuelle, par des employeurs dont les employés étaient syndiqués. À quoi servait donc une disposition qui tentait de lier des sociétés aux employés non syndiqués qui n'étaient pas parties à la convention collective? On a dû vouloir que cela se fasse en fonction de l'article 3.01. Il s'ensuit que les parties ont prévu qu'une société aux employés non syndiqués qui soumissionnerait les travaux avec succès serait assujettie à l'article 3.01 si le lien requis existait entre elle et une société aux employés syndiqués partie à la convention. Cette interprétation tendrait à neutraliser celle proposée par l'intimée.

D'après l'interprétation préconisée par l'intimée et retenue par la Cour d'appel, l'expression «les travaux [. . .] qu'exécute» ne s'appliquerait qu'à une situation dans laquelle l'employeur Bradco, après avoir soumissionné et obtenu le contrat, a soit confié l'exécution des travaux à Dobbin en sous‑traitance, soit cédé le contrat à cette dernière. Cette disposition ne pouvait pas s'appliquer si c'était Dobbin qui avait soumissionné avec succès. La Cour d'appel a jugé manifestement déraisonnables la conclusion de l'arbitre à l'ambiguïté de l'expression «les travaux [. . .] qu'exécute» et sa conclusion que l'article 3.01 ne «jouerait» jamais si l'on acceptait l'interprétation de l'intimée. Même si l'analyse qu'a faite l'arbitre de l'expression «les travaux [. . .] qu'exécute» n'était pas parfaitement claire, il me semble que son souci de savoir si le terme «travaux» comprend le fait de soumissionner montrait qu'il essayait de déterminer si la disposition pouvait effectivement s'appliquer dans un cas où Dobbin avait soumissionné indépendamment. De plus, la Cour d'appel semble avoir ignoré la conclusion de l'arbitre que l'interprétation proposée par l'intimée mènerait à une incompatibilité avec le reste de la convention. L'article 3.04 en particulier laisse entendre qu'une interprétation autre que celle préconisée par l'intimée est à tout le moins plausible. Que l'on soit d'accord ou non pour dire que l'interprétation de l'intimée conduirait à un absurdité, comme l'a laissé entendre l'arbitre, on ne saurait affirmer qu'il s'agit là de la seule interprétation possible de la disposition. À la lecture de la convention, on ne sait pas clairement laquelle des deux interprétations est juste. On ne saurait donc taxer de manifestement déraisonnable la conclusion de l'arbitre à l'ambiguïté, et il avait raison de recourir à la preuve extrinsèque pour discerner l'intention des parties afin de pouvoir dissiper cette ambiguïté.

Les conclusions de l'arbitre

La Cour d'appel a statué que, même si l'arbitre pouvait se servir d'une preuve extrinsèque pour interpréter la convention, sa conclusion sur le sens de la disposition en cause était manifestement déraisonnable. La Cour d'appel affirme, à la p. 188:

[traduction] À supposer qu'une preuve extrinsèque puisse servir à une fin aussi générale, on doit néanmoins revenir à la règle d'interprétation fondamentale. Comme l'a dit Halsbury, le rôle de la cour consiste à déterminer ce qu'entendaient les parties par les mots qu'elles ont employés, à énoncer le sens de ce qu'elles ont écrit et non pas à dire ce qu'elles auraient voulu écrire.

La Cour d'appel a conclu que l'arbitre avait substitué aux termes de la convention son interprétation de l'intention des parties, qui découlait de la preuve extrinsèque. Le juge en chef Goodridge de Terre-Neuve a ensuite affirmé que le texte de la convention ne pouvait pas être interprété comme l'avait fait l'arbitre puisqu'il n'était applicable ni à une société qui n'avait pas signé la convention ni à une situation où une société autre que Bradco avait soumissionné et engagé des ouvriers pour l'exécution d'un projet donné. À mon avis, l'interprétation de l'arbitre ne vise pas à lier Dobbin, en tant que personne morale, à une convention à laquelle elle n'est pas partie, mais elle a plutôt pour effet de lier l'employeur (qui est l'âme dirigeante de Bradco) afin d'empêcher que les sociétés aux employés non syndiqués qui sont sous son contrôle ne soumissionnent ou n'exécutent des travaux relevant de la convention collective, sans appliquer à ces travaux les conditions de la convention.

L'intimée a soutenu, dans sa plaidoirie, que la méthode employée par l'arbitre pour arriver à sa décision ainsi que sa décision elle‑même étaient manifestement déraisonnables. À cet égard, elle invoque le dernier paragraphe des motifs de l'arbitre, qui est ainsi conçu:

[traduction] En l'espèce, toutefois, nous avons un exemple clair du type de recours à une exploitation à double volet auquel visait à mettre un terme le rapport Harris. Il n'y a pas de doute que la société a violé l'esprit de cette convention . À mon sens, elle a violé également la lettre de l'article 3.01 de la convention collective. La société a donc agi en violation de cette convention et il y a lieu de faire droit au grief.

L'intimée soutient que, si l'arbitre a dit du rapport Harris qu'il s'agissait d'une convention qu'avait violé Bradco, cela prouve qu'il n'a fait que substituer aux termes clairs de la convention l'intention des parties qui, selon lui, se dégageait dudit rapport, et ensuite, qu'il ne s'est jamais référé au texte de l'article 3.01 pour montrer comment le rapport Harris avait dissipé l'ambiguïté qu'il avait constaté. À mon avis, l'intimée conteste davantage la façon dont s'est exprimé l'arbitre que la méthode qu'il a suivie ou le résultat auquel il est vraiment arrivé.

Il ressort du rapport Harris que les employeurs et le syndicat ont réglé la grève en tenant notamment pour acquis qu'il serait mis fin à la pratique de l'exploitation à double volet. La question du recours à l'exploitation à double volet a déjà été abordée par notre Cour dans l'arrêt Lester, précité, où le juge Wilson décrit ainsi cette pratique dans ses motifs de dissidence, à la p. 652:

Une société qui continue à exploiter une entreprise soumise à une convention collective crée une société parallèle dont les employés ne sont pas syndiqués. Cela permet aux propriétaires des deux sociétés de soumissionner tant à l'égard des travaux à effectuer par des ouvriers syndiqués qu'à l'égard de ceux à accomplir par des ouvriers non syndiqués, et de se servir dans l'un et l'autre cas de la compétence et du savoir‑faire de leurs employés clés.

L'arrangement intervenu entre Bradco et Dobbin est de ceux qui constituent une exploitation à double volet. L'arbitre a estimé que l'article 3.01 était ambigu en ce sens qu'il était susceptible de plus d'une interprétation et, sur la foi d'une preuve extrinsèque, il a conclu que les parties avaient voulu que l'article 3.01 vise la situation où il y a exploitation à double volet. Comme le texte de l'article 3.01 pouvait rationnellement être interprété d'une façon qui traduisait cette intention, il n'était manifestement déraisonnable que l'arbitre conclue que cet article a servi à la fin qui lui était propre et que les relations y visées comprenaient celle existant entre Bradco et Dobbin.

Dispositif

En conséquence, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel et de rétablir le jugement du juge en chef Hickman ainsi que la sentence arbitrale. L'appelante a droit aux dépens tant en notre Cour qu'en Cour d'appel.

//Le juge Cory//

Version française des motifs rendus par

Le juge Cory — Je souscris pour l'essentiel aux excellents motifs du juge Sopinka. Le seul point sur lequel j'aurais été en désaccord est la méthode que les cours de justice devraient adopter en examinant les décisions d'arbitres en matière de relations du travail.

Dans l'arrêt Dayco (Canada) Ltd. c. TCA-Canada, [1993] 2 R.C.S. 000, j'ai tenté d'avancer le point de vue selon lequel les cours de justice ne devraient pas s'empresser d'attaquer la compétence de tribunaux administratifs, en raison de la formulation d'une clause privative ou pour quelque autre motif. Tel est l'avis exprimé par le juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans l'arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227. Dans cette affaire, l'issue tenait en partie à la formulation de la clause privative. Voici ce que le juge Dickson affirme, à la p. 233:

Il est souvent très difficile de déterminer ce qui constitue une question de compétence. À mon avis, les tribunaux devraient éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l'assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu'il existe un doute à cet égard.

Ce qui me préoccupait dans l'affaire Dayco, précitée, comme en l'espèce, c'était la possibilité que les termes employés dans les motifs de jugement soient interprétés comme préconisant un changement dans la méthode adoptée par le juge Dickson. Il m'a semblé en effet que l'adoption d'un point de vue contraire ne ferait que favoriser les litiges dans les situations où la retenue judiciaire devrait être la règle. Pour les mêmes raisons, les cours de justice devraient faire preuve de retenue en examinant les décisions d'arbitres en matière de relations du travail lorsque ces décisions concernent des conventions collectives et leur interprétation. C'est ce qu'a fait remarquer le juge Dickson dans l'arrêt Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768, à la p. 781:

Une très bonne raison de principe explique l'hésitation judiciaire à contrôler les arbitres dans l'exercice de leurs pouvoirs. Le but de l'arbitrage des griefs en vertu de la Loi est d'assurer un règlement rapide, définitif et exécutoire des différends résultant de l'interprétation et de l'application d'une convention collective ou d'une mesure disciplinaire imposée par l'employeur, le tout dans le but de maintenir la paix.

Toutefois, dans l'affaire Dayco, précitée, mon opinion était minoritaire, tout au moins en ce qui concernait l'interprétation qu'il y avait lieu de donner aux clauses privatives, et je vais maintenant suivre fidèlement le raisonnement de la majorité. Je souscris donc aux motifs du juge Sopinka.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l'appelante: O'Dea, Strong, Earle, St. John's (Terre‑Neuve).

Procureurs de l'intimée: Mercer, Orsborn, Benson, Myles, St. John's (Terre‑Neuve).

* Voir Erratum [1996] 3 R.C.S. iv


Synthèse
Référence neutre : [1993] 2 R.C.S. 316 ?
Date de la décision : 19/05/1993
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Relations de travail - Convention collective - Interprétation - Preuve extrinsèque - Convention collective applicable «à tous les travaux y visés qu'exécute l'employeur» - Embauchage de charpentiers non syndiqués par une société apparentée - Conclusion de l'arbitre qu'un tel recours à l'«exploitation à double volet» viole la convention collective - L'interprétation donnée à la convention collective par l'arbitre est‑elle manifestement déraisonnable? - L'utilisation par l'arbitre d'une preuve extrinsèque est‑elle manifestement déraisonnable?.

Contrôle judiciaire — Norme de contrôle — Arbitre en matière de relations de travail.

Le syndicat appelant représente les employés de l'intimée Bradco qui est apparentée à N.D. Dobbin Ltd. dont les employés ne sont pas syndiqués. Les deux sociétés partagent les mêmes installations et appartiennent, à toutes fins pratiques, aux mêmes personnes et sont gérées et dirigées par les mêmes personnes. Pendant qu'était en vigueur une convention collective intervenue entre Bradco et le syndicat, Dobbin s'est vu adjuger le contrat de construction d'un édifice universitaire. Pour exécuter ce contrat, Dobbin a engagé des charpentiers non membres du syndicat. Ce dernier a soutenu qu'il s'agissait là d'une violation de la convention collective intervenue entre lui et Bradco puisque Dobbin était apparentée à cette dernière. L'article 3.01 de la convention prévoit que «celle‑ci s'appliquer[a] à tous les travaux y visés qu'exécute l'employeur». L'arbitre s'est prononcé en faveur du syndicat. Il a constaté que l'existence des deux sociétés a permis à Bradco de recourir à la pratique de l'«exploitation à double volet», en vertu de laquelle Dobbin, la division dont les employés n'étaient pas syndiqués, pouvait soumissionner des travaux et les exécuter en se servant des installations, des gestionnaires et du matériel de Bradco, la division dont les employés étaient syndiqués, tout en embauchant des employés non syndiqués. Cette pratique de l'exploitation à double volet avait abouti en 1986 à une grève de longue durée qui a été réglée en conformité avec un rapport (le «rapport Harris») qui constitue le fondement de la convention collective actuellement en vigueur. D'importantes concessions avaient été faites de part et d'autre: le syndicat en a fait sur le plan salarial, tandis que les sociétés ont convenu de mettre fin à la pratique de l'«exploitation à double volet». D'après l'arbitre, l'article 3 a été inclus dans la convention afin d'assurer que les sociétés respecteraient la concession faite en matière d'«exploitation à double volet». Comme le texte de cet article n'était pas clair et net, l'arbitre a décidé qu'il avait le droit de prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques, plus précisément le rapport Harris. À son avis, il s'agissait en l'espèce d'un exemple clair du genre d'exploitation à double volet que visait à éliminer ce rapport. La décision de l'arbitre a été confirmée par la Section de première instance de la Cour suprême de Terre‑Neuve, mais elle a été infirmée par la Cour d'appel qui a jugé que la conclusion de l'arbitre au caractère équivoque de l'expression «les travaux [. . .] qu'exécute» ainsi que la façon dont il avait dissipé l'ambiguïté étaient toutes les deux manifestement déraisonnables.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Les juges L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier et McLachlin: En l'espèce, l'arbitrage était prescrit par l'art. 88 de The Labour Relations Act, 1977 de Terre‑Neuve, qui dispose que tout différend qui découle de l'interprétation ou de l'application d'une convention collective «doit être soumis, pour règlement final, à l'arbitrage». Pour déterminer la norme appropriée de contrôle judiciaire, la cour doit interpréter la disposition législative en question en fonction de la nature du tribunal particulier dont il s'agit et du type de questions dont il peut connaître, tout en tenant compte du principe énoncé par notre Cour, selon lequel, dans le cas de tribunaux spécialisés, il y a lieu de faire preuve de retenue à l'égard des décisions qu'ils rendent sur les questions qui leur sont soumises en raison de leur expertise.

Les dispositions législatives qui régissent le contrôle judiciaire vont des «véritables» clauses privatives qui ont manifestement et explicitement pour objet d'écarter tout contrôle judiciaire des décisions rendues par le tribunal, jusqu'aux clauses qui prescrivent un plein droit d'appel sur toute question de droit ou de fait et qui autorisent la cour de justice qui procède à l'examen à substituer son opinion à celle du tribunal administratif. Si la disposition pertinente est une véritable clause privative, le contrôle judiciaire se limite aux erreurs de compétence résultant d'une erreur d'interprétation d'une disposition législative limitant les pouvoirs du tribunal ou d'une erreur manifestement déraisonnable commise relativement à une question de droit qui relève par ailleurs de la compétence du tribunal. Bien que leur effet d'exclusion puisse être moins évident que celui des véritables clauses privatives, d'autres formes de clauses ayant pour objet de limiter l'examen peuvent également avoir un effet privatif. On peut décider que des termes comme «final et sans appel» limitent l'examen aux questions de compétence si la cour conclut que le législateur a manifestement voulu que la décision échappe à l'examen en l'absence d'une erreur de compétence.

Le paragraphe 88(2) se situe quelque part entre une clause privative intégrale et une clause prescrivant un examen complet par voie d'appel. Le mot «final» n'implique pas toujours l'intention de restreindre le contrôle judiciaire: pour savoir s'il convient dans un cas donné d'interpréter ce mot comme manifestant l'intention d'écarter ou de restreindre le contrôle judiciaire, il faut analyser la disposition à la lumière de l'objet, de la nature et de l'expertise du tribunal en question. L'arbitrage obligatoire vise à régler les différends d'une manière efficace et rentable qui permettra aux parties de maintenir autant que possible leurs relations de travail normales. Comme ce but ne pourrait être atteint si aucune limite n'était imposée à l'examen de la décision d'un arbitre, il faut voir dans l'expression «règlement final» une manifestation de l'intention du législateur d'assurer une certaine retenue de la part des cours de justice dans ce domaine.

Outre la raison d'être du tribunal, son expertise est de la plus haute importance pour ce qui est de déterminer l'intention du législateur quant au degré de retenue dont il faut faire preuve à l'égard de la décision d'un tribunal en l'absence d'une clause privative intégrale. La retenue judiciaire à l'égard de la décision de l'arbitre est justifiée en l'espèce, même si le par. 88(2) n'était pas destiné à restreindre le contrôle judiciaire aux questions de compétence. Même si la retenue judiciaire à l'égard d'une conclusion de fait tirée par un arbitre n'est pas justifiée habituellement, les questions que l'arbitre avait à résoudre ici comportaient l'interprétation de la convention collective et son application à une situation factuelle particulière, des sujets qui constituent le domaine d'expertise fondamental d'un arbitre. Si on la conjugue à l'objet et au texte de l'art. 88, l'expertise relative de l'arbitre exige qu'une cour de justice fasse preuve de retenue à l'égard de la décision de l'arbitre en l'espèce, à moins que celle‑ci ne soit jugée manifestement déraisonnable.

L'arbitre a légitimement admis la preuve extrinsèque qu'était le rapport Harris. Suivant le par. 84(1) de The Labour Relations Act, 1977, l'arbitre peut recevoir et accepter les éléments de preuve qu'il juge souhaitables, qu'ils soient admissibles ou non devant une cour de justice. La décision de l'arbitre à cet égard ne peut faire l'objet d'un examen que s'il est démontré qu'elle est manifestement déraisonnable. On ne saurait taxer de manifestement déraisonnable la conclusion de l'arbitre à l'ambiguïté de l'article 3.01 de la convention collective, et il avait raison de recourir à la preuve extrinsèque pour discerner l'intention des parties afin de pouvoir résoudre cette ambiguïté. Sur la foi de la preuve extrinsèque, l'arbitre a conclu que les parties avaient voulu que l'article 3.01 vise la situation où il y a exploitation à double volet. Comme le texte de cet article pouvait rationnellement être interprété d'une façon qui traduisait cette intention, il n'était pas manifestement déraisonnable que l'arbitre conclue que cet article a servi à la fin qui lui était propre et que les relations y visées comprenaient celle existant entre Bradco et Dobbin.

Le juge Cory: Les motifs du juge Sopinka sont, pour l'essentiel, acceptés. Une réserve est exprimée concernant la méthode que les cours de justice devraient adopter en examinant les décisions d'arbitres en matière de relations de travail, mais le raisonnement de la majorité dans l'affaire Dayco est suivi.


Parties
Demandeurs : Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579
Défendeurs : Bradco Construction Ltd.

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Sopinka
Arrêts mentionnés: Blanchard c. Control Data Canada Ltée, [1984] 2 R.C.S. 476
Bradburn c. Wentworth Arms Hotel Ltd., [1979] 1 R.C.S. 846
CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983
U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048
Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321
Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614
Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941
Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220
National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324
Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722
Dayco (Canada) Ltd. c. TCA‑Canada, [1993] 2 R.C.S. 000
Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554
Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245
Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227
Volvo Canada Ltd. c. T.U.A., local 720, [1980] 1 R.C.S. 178
Alberta Union of Provincial Employees, section 63 c. Conseil d'administration de Olds College, [1982] 1 R.C.S. 923
Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644
Leggatt c. Brown (1899), 30 O.R. 225
Re Milk & Bread Drivers, Local 647, and Silverwood Dairies Ltd. (1969), 20 L.A.C. 406
Re Int'l Ass'n of Machinists, Local 1740, and John Bertram & Sons Co. (1967), 18 L.A.C. 362
Re Noranda Metal Industries Ltd., Fergus Division and I.B.E.W., Local 2345 (1983), 44 O.R. (2d) 529.
Citée par le juge Cory
Arrêt suivi: Dayco (Canada) Ltd. c. TCA‑Canada, [1993] 2 R.C.S. 000
arrêts mentionnés: Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227
Heustis c. Commission d'énergie électrique du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 768.
Lois et règlements cités
Labour Relations Act, 1977, S.N. 1977, ch. 64, art. 18, 84(1), 88(1), (2).

Proposition de citation de la décision: Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316 (19 mai 1993)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-05-19;.1993..2.r.c.s..316 ?
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