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15/07/1993 | CANADA | N°[1993]_2_R.C.S._823

Canada | Saint-Basile, Village Sud (Corporation municipale de) c. Ciment Québec Inc., [1993] 2 R.C.S. 823 (15 juillet 1993)


Saint‑Basile, Village Sud (Corporation municipale de) c. Ciment Québec Inc., [1993] 2 R.C.S. 823

Ciment Québec Inc. Appelante

c.

Corporation municipale de Saint‑Basile, Village Sud Intimée

Répertorié: Saint‑Basile, Village Sud (Corporation municipale de) c. Ciment Québec Inc.

No du greffe: 22749.

1993: 23 février; 1993: 15 juillet.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier, McLachlin et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1991] R.J

.Q. 2757, 41 Q.A.C. 128, qui a confirmé un jugement de la Cour provinciale, J.E. 88‑149, qui avait infirmé une décision d...

Saint‑Basile, Village Sud (Corporation municipale de) c. Ciment Québec Inc., [1993] 2 R.C.S. 823

Ciment Québec Inc. Appelante

c.

Corporation municipale de Saint‑Basile, Village Sud Intimée

Répertorié: Saint‑Basile, Village Sud (Corporation municipale de) c. Ciment Québec Inc.

No du greffe: 22749.

1993: 23 février; 1993: 15 juillet.

Présents: Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier, McLachlin et Iacobucci.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1991] R.J.Q. 2757, 41 Q.A.C. 128, qui a confirmé un jugement de la Cour provinciale, J.E. 88‑149, qui avait infirmé une décision du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec, [1985] B.R.E.F. 471. Pourvoi accueilli.

Benoît Mailloux et Martin R. Gagné, pour l'appelante.

Paul Bégin et Suzanne Ouellet, pour l'intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

//Le juge l'Heureux-Dubé//

Le juge L'Heureux-Dubé -- Le présent pourvoi porte sur l'interprétation du par. 65(1) de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., ch. F-2.1 ("L.F.M."), auparavant L.Q. 1979, ch. 72. Plus précisément, il s'agit de déterminer si l'exemption de taxes, prévue par cette disposition, ne s'applique qu'aux seuls biens mobiliers tels que définis à l'art. 1 L.F.M., à l'exclusion des bâtiments au sens du Code civil.

La corporation municipale intimée prétend que les immeubles de l'appelante sont taxables tandis que l'appelante plaide que la plupart des installations composant sa nouvelle usine doivent être exclues du rôle d'évaluation foncière parce que servant principalement à des fins de production industrielle. Le processus de fabrication de ciment de l'appelante revêt donc une grande importance dans le présent litige.

I - Les faits

L'appelante Ciment Québec Inc. est propriétaire, dans les limites territoriales de la corporation municipale intimée, d'un terrain sur lequel est situé un vaste complexe industriel, composé d'une carrière de pierre et de deux usines. Les opérations de l'appelante consistent à extraire de la matière première de la carrière, à effectuer le concassage de la pierre extraite ainsi que le mélange de deux types de pierres extraites, l'une à haute et l'autre à basse teneur calcaire. Ses opérations comprennent également l'ajout d'éléments supplémentaires requis pour la production du ciment ainsi qu'un processus de cuisson, qui constitue l'étape finale de fabrication. Lorsque ce processus est terminé, la production de ciment est acheminée vers des entrepôts. La première usine est maintenant hors d'usage et ne fait pas l'objet du présent appel. La construction de la deuxième usine débuta en 1978 pour se terminer à la fin de l'année 1982. C'est cette dernière usine qui est au c{oe}ur du débat.

À cet égard, la preuve, non contestée à ce stade-ci des procédures, est à l'effet suivant. Contrairement à l'ancienne, les installations de cette nouvelle usine ne sont plus contenues dans une seule bâtisse recouverte par un seul toit, différentes étapes de production ayant plutôt été aménagées. Ainsi, un concasseur primaire, d'une pesanteur de 400 tonnes, entouré de fondations et de murs de béton, broie le matériel pour le réduire à un diamètre de cinq pouces et demi. Par la suite, cette pierre concassée, composée de pierre haute et de pierre basse, est acheminée vers des concasseurs secondaires par des convoyeurs d'une longueur d'environ 450 pieds. Ces convoyeurs sont supportés par des bases et structures d'acier. Les concasseurs secondaires broient à nouveau la pierre pour en arriver à un diamètre de deux pouces et demi. La structure des concasseurs supporte l'arrivée du convoyeur ainsi que les transformateurs, les centres de contrôle des moteurs et le système de lubrification des concasseurs.

Cette pierre concassée est acheminée, par la suite, vers le préhomogénéisateur, endroit où débute le mélange des pierres haute et basse. Le préhomogénéisateur est constitué de deux réservoirs ainsi que d'un système de dosage en dessous de ces réservoirs. Le revêtement du préhomogénéisateur maintient le taux d'humidité dans la matière en deçà de 6 pour 100, conformément aux exigences du procédé de production du ciment. Une autre étape de la chaîne de production industrielle est effectuée par le distributeur de pierre, lequel, grâce à un convoyeur aérien, distribue la pierre à quatre endroits différents. Ce convoyeur est supporté par une structure. Tout comme le préhomogénéisateur, le revêtement du distributeur de pierre empêche l'augmentation du taux d'humidité de la pierre au delà de 6 pour 100. Le revêtement permet également la récupération des poussières en suspension.

Avant de débuter la cuisson des matières premières, il est nécessaire de les réduire en fine poussière. Cette opération est effectuée par le moulin "Loesche". Des cyclones aménagés au-dessus du moulin servent ensuite à séparer la chaux de la poussière. Les poussières ainsi récupérées sont expédiées vers une pompe, qui les transporte ensuite vers l'homogénéisateur. Il existe, à proximité, des précipitateurs électrostatiques, lesquels filtrent les gaz chauds et récupèrent une grande quantité de poussière qui est réintroduite dans le procédé. L'homogénéisateur effectue un dernier mélange et uniformise la concentration du cru. Il est ensuite procédé à la cuisson de ce cru à l'aide de la tour de préchauffage. Une première étape de la cuisson consiste à faire retomber le cru en suspension à travers quatre cyclones; 60 pour 100 de la cuisson est effectué dans la tour de préchauffage, l'autre partie l'étant par le four rotatif, lequel fait monter la température qui était de 1000 degrés Celsius dans la tour de préchauffage à 1500 degrés Celsius.

Par suite de ces deux étapes de cuisson, le cru est transformé en "clinker" qui prend la forme de petites boulettes de zéro à quatre pouces de diamètre, lesquelles doivent être refroidies avant d'autres étapes de transformation. Avant de sortir du refroidisseur, le "clinker" est concassé à une dimension maximale de un pouce par le concasseur à "clinker" et est ensuite transporté par des convoyeurs vers la réserve à "clinker". Cette réserve constitue la dernière étape du procédé industriel avant d'arriver à l'entreposage. Elle constitue un coussin avant que le "clinker", auquel il est ajouté du gypse, entre dans les broyeurs à bille et, par la suite, dans les silos d'entreposage. Le revêtement de cette réserve sert également à récupérer les poussières.

Pour les périodes du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981, du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1982 et pour l'exercice financier de l'année 1984, l'intimée porte à son rôle d'évaluation foncière, en totalité ou en partie, plusieurs immeubles faisant partie de la chaîne de production de ciment. Le 27 avril 1982, l'appelante conteste, par plainte déposée auprès du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec ("BREF"), la valeur de l'unité d'évaluation ainsi que l'inscription au rôle des années 1981 et 1982 de certains immeubles. Le 4 avril 1984, l'appelante dépose une autre plainte auprès du BREF dans laquelle elle conteste la valeur de l'unité d'évaluation et l'inscription de certains immeubles au rôle de l'année 1984.

Par jugement en date du 29 août 1985, le BREF accueille en partie les plaintes de l'appelante et, en vertu du par. 65(1) L.F.M, écarte du rôle d'évaluation de l'intimée certains immeubles faisant partie de sa nouvelle usine. Le BREF réduit, en conséquence, la valeur de l'unité d'évaluation de l'usine de l'appelante pour les années 1981, 1982 et 1984.

Le 25 septembre 1985, l'intimée interjette appel de cette décision devant la Cour provinciale du Québec et l'appelante loge un appel incident. Par jugement en date du 30 novembre 1987, la Cour provinciale accueille l'appel de l'intimée et rejette l'appel incident de l'appelante. Elle rétablit les valeurs de l'unité d'évaluation de l'usine de l'appelante pour les rôles des années 1981 et 1982 au niveau fixé par les avis de modification du rôle émis par l'intimée et fixe à 10 231 902 $ la valeur de l'unité d'évaluation de l'usine pour l'année 1984.

Le 17 décembre 1987, l'appelante interjette appel de ce jugement devant la Cour d'appel du Québec. Par jugement unanime en date du 10 septembre 1991, la Cour d'appel rejette l'appel de l'appelante et confirme la décision de la Cour provinciale.

II - Les dispositions législatives

À l'époque pertinente, les art. 1 et 31 L.F.M. se lisaient ainsi:

1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

. . .

"immeuble": un immeuble par nature au sens du Code civil ou un objet mobilier placé à perpétuelle demeure par n'importe qui sur ou dans un immeuble par nature;

31. Sous réserve des dispositions de la présente loi, les immeubles situés dans le territoire d'une corporation municipale sont portés à son rôle.

Par ailleurs, le par. 65(1) disposait:

65. Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants:

1o une machine, un appareil et leurs accessoires utilisés principalement à des fins de production industrielle ou d'exploitation d'une ferme, ou destinés à être ainsi utilisés, et qui n'ont pas pour objet d'assurer un service à un terrain ou à un bâtiment, compte tenu de l'utilisation qui est faite de celui-ci ou à laquelle il est destiné;

III - Les jugements

Le Bureau de révision de l'évaluation foncière, [1985] B.R.E.F. 471

Après s'être référé à plusieurs décisions antérieures, le BREF examine la définition du mot "immeuble" prévue à l'art. 1 L.F.M. et note que la seule référence au Code civil se fait en regard des immeubles par nature. Il estime que le terme "immeuble" au sens de la Loi comprend, à tout le moins, les fonds de terre et les bâtiments au sens du Code civil mais que l'art. 1 L.F.M. "constitue une définition "originale" pour les fins d'une loi particulière et elle doit donc être perçue, interprétée et appliquée comme telle" (p. 485). Par ailleurs, le BREF note que le seul moment où la notion de "bâtiment" intervient dans le cadre du litige se situe au niveau de l'exception prévue au par. 65(1) L.F.M., où il faut se demander si, s'agissant d'une "machine, un appareil et leurs accessoires", ils ont pour objet d'assurer un service à un "bâtiment". Il réfère à l'affaire Ville de Saint-Romuald d'Etchemin c. Ultramar Canada Inc., [1985] C.P. 212, confirmant [1980-1984] B.R.E.F. 883, où le mot "bâtiment" tel qu'utilisé dans le par. 65(1) L.F.M. a été interprété selon son sens commun. Résumant le mécanisme d'application du par. 65(1) L.F.M., le BREF écrit (à la p. 489):

Dans la Loi sur la fiscalité municipale, notamment à son article 65, on retrouve donc les concepts suivants dont celui de bâtiment. Ils se regroupent, se complètent et se nuancent les uns les autres par les limitations qu'ils imposent entre eux, à leur propre compréhension. Donc:

1) l'unité d'évaluation regroupe l'ensemble d'éléments qui sont tous des immeubles,

2) les immeubles sont globalement, les immeubles par nature (terrains et bâtiments) et les objets mobiliers que la définition de l'article 1 L.F.M. vise. . .

3) les objets mobiliers visés à l'art. 1 L.F.M. sont les "machine, appareil et leurs accessoires" décrits à l'article 65 et les autres qui participent du concept de l'immeuble par destination mais que la Loi sur la fiscalité municipale a élargi.

Voilà pourquoi, au moment d'appliquer l'art. 65 L.F.M., il nous faut être conscient que des références à des lois générales et à des jugements qui reposent sur elles peuvent nous induire en erreur en nous faisant oublier les particularités qui font la subtilité de la Loi sur la fiscalité municipale qui est la loi que nous devons appliquer en l'espèce. [En italique dans l'original.]

Le BREF ajoute que le par. 65(1) L.F.M. établit des distinctions essentielles entre les mots "immeubles", "machine", "appareil", "accessoires", "terrain" et "bâtiment", ces distinctions n'existant pas comme telles dans le Code civil (à la p. 489):

Le contexte particulier dans lequel nous nous trouvons dans la Loi sur la fiscalité municipale est encore caractérisé davantage par le fait que son article 65 nous contraint à regarder le tout dans le cadre d'une production industrielle, ce qui déjà, nous transporte sur un plan tout à fait particulier et spécifique que la jurisprudence appliquant le Code civil ne considère pas toujours, à bon droit d'ailleurs. [En italique dans l'original.]

Par ailleurs, le BREF souligne que si les bâtiments au sens du Code civil doivent généralement être portés au rôle car ils sont des immeubles par nature, de tels bâtiments peuvent néanmoins constituer des "machines", "appareils" et "accessoires" au sens de l'art. 65 L.F.M., "perdant alors leur identification de bâtiment au profit de celle de machine etc... qui vient circonscrire, cerner, ou restreindre le sens du mot "bâtiment" dans la Loi sur la fiscalité municipale" (p. 490). (En italique dans l'original.) Tout en estimant que la Loi permet de considérer qu'un immeuble assurant un service à une machine ou à un appareil puisse en être l'accessoire et, simultanément, assurer un service à un terrain ou un bâtiment, le BREF rappelle les critères énoncés dans l'affaire Ultramar Canada Inc., précitée.

Appliquant ces critères aux 41 éléments inscrits au rôle d'évaluation de l'intimée pour les années 1981, 1982 et 1984, le BREF maintient la présence au rôle de 20 éléments qui sont des constructions de l'ancienne usine, celles-ci n'ayant pas été utilisées à des fins de production industrielle aux dates couvertes par les plaintes, leur destination n'ayant, par ailleurs, fait l'objet d'aucune preuve précise. Quant aux 21 éléments constituant la nouvelle usine, le BREF conclut que la plupart des constructions qui constituent ce complexe industriel sont utilisées, en totalité ou partiellement, pour la réalisation du processus de transformation de la matière première. Il exclut totalement du rôle 8 éléments constituant la nouvelle usine, en maintient 7 en totalité et en exclut 6 partiellement. Il réduit en conséquence la valeur de l'unité d'évaluation de la nouvelle usine de l'appelante pour les années 1981, 1982 et 1984.

La Cour provinciale (Québec, no 200-02-007252-853, le 30 novembre 1987), J.E. 88-149

Le juge Gagnon formule la question en litige comme suit (à la p. 3):

La question fondamentale qui fait l'objet du litige est la suivante: L'exclusion prévue à l'article 65(1) de la Loi sur la fiscalité municipale décrétant l'exclusion du rôle des machines, appareils et leurs accessoires lorsqu'ils sont utilisés ou destinés à être utilisés pour la production industrielle et qu'ils n'ont pas pour objet d'assurer un service à un terrain ou bâtiment, s'applique-t-elle à la totalité ou à une partie des constructions ou structures qui constituent le complexe industriel désigné sous le vocable de nouvelle usine par l'intimée. [En italique dans l'original.]

Après avoir résumé la décision du BREF et les arguments des parties, le juge Gagnon procède à un historique de la législation relative à l'imposition foncière de la machinerie. Il souligne ainsi que l'art. 65 L.F.M. est beaucoup plus restrictif que son prédécesseur, l'art. 12 de la Loi sur l'évaluation foncière, L.R.Q. 1977, ch. E-16 (auparavant L.Q. 1971, ch. 50). Selon lui, pour qu'un immeuble soit visé par l'exception prévue au par. 65(1) L.F.M. et exclu du rôle, trois conditions sont nécessaires (à la p. 27):

1. Ce doit être une machine, un appareil ou un accessoire d'une machine ou d'un appareil.

2. Cette machine, cet appareil ou cet accessoire doit être utilisé principalement à des fins de production industrielle ou d'exploitation d'une ferme ou destiné à être ainsi utilisé.

3. Cette machine, cet appareil ou cet accessoire ne doit pas avoir pour objet d'assurer un service à un terrain ou à un bâtiment.

Le juge Gagnon se réfère ensuite aux affaires Bélair c. Ville de Ste-Rose (1922), 63 R.C.S. 526, Montreal Light, Heat & Power Consolidated c. City of Outremont (1932), 53 B.R. 133 (C.P.), et Bell Telephone Co. of Canada c. Ville St-Laurent (1935), 60 B.R. 101 (C.P.), et note que les termes "machine", "appareil" et "accessoire" ne sont pas définis dans la Loi. Il pose alors la question suivante (à la p. 30):

Doit-on conclure que les machines et appareils dont la valeur ne peut être portée au rôle, pourraient être aussi bien des immeubles par nature que des biens meubles placés à perpétuelle demeure par n'importe qui sur un immeuble par nature?

Après avoir cité les définitions des termes "machine" "appareil" et accessoire" tirées du dictionnaire, le juge Gagnon rejette l'approche du BREF et fait état des par. 63(2) et 65(6) L.F.M. Selon lui, ces dispositions démontrent que si le législateur avait voulu donner au mot "bâtiment" du par. 65(1) un sens différent de celui du Code civil, il l'aurait fait expressément. Il estime donc que ce terme a le sens que lui donne l'art. 376 C.c., et que "les machines et appareils qui entrent dans le cadre de l'exception de l'article 65(1) et n'ont pas à être portés au rôle, sont des objets mobiliers attachés à perpétuelle demeure par n'importe qui à un immeuble par nature" (p. 34). Quant au terme "accessoire", le juge Gagnon est d'avis que ce mot vise une pièce non indispensable qui "peut être ajouté[e] à une machine ou à un appareil pour le rendre plus efficace, plus sécuritaire ou pour lui faire réaliser des travaux ou des transformations différentes dans le processus industriel" (p. 34). Il souligne que certains supports, socles ou bases de béton sur lesquels reposent des machines ou appareils peuvent être immeubles par nature ou des parties d'immeubles par nature mais qu'ils ne sauraient être, en même temps, des "accessoires" exemptés du rôle aux fins du par. 65(1) L.F.M., un immeuble par nature ne pouvant constituer l'accessoire d'un immeuble par destination.

Appliquant ces principes aux éléments composant l'unité d'évaluation de la nouvelle usine de l'appelante, le juge Gagnon rétablit les valeurs de l'unité d'évaluation de l'usine de l'appelante pour les rôles des années 1981 et 1982 au niveau fixé par les avis de modification du rôle émis par l'intimée et fixe à

10 231 902 $ la valeur de l'unité d'évaluation de l'usine pour l'année 1984.

La Cour d'appel, [1991] R.J.Q. 2757 (les juges Nichols, Tourigny et Chevalier)

Après avoir cité le par. 65(1) L.F.M., le juge Nichols, au nom de la cour, résume ainsi la décision du BREF (à la p. 2759):

Le B.R.E.F. a décidé que la plupart des éléments de l'unité d'évaluation étaient visés par cette exception. Selon lui, ce texte ne s'adresse pas seulement aux biens mobiliers devenus immeubles par destination mais également aux immeubles par nature lorsqu'il est démontré que ceux-ci servent principalement à la production industrielle et qu'ils n'ont pas pour objet d'assurer un service à un terrain ou un bâtiment.

Il procède à l'historique de la législation et rappelle la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Cité de St-Romuald d'Etchemin c. Golden Eagle Canada Ltd., [1980] C.A. 74, afin d'illustrer le problème posé par la définition du mot "bâtiment" dans la Loi sur l'évaluation foncière. Il note que cette définition n'était pas celle du droit commun et qu'elle faisait en sorte que, même immeubles par nature, les seuls bâtiments taxables étaient ceux répondant à cette définition spécifique. À cet égard, le juge Nichols estime que le fait que la Loi sur la fiscalité municipale ne reprenne pas cette définition, et qu'elle consolide également les définitions que l'ancienne loi donnait des mots "immeuble" et "immeuble par destination" permet de saisir l'esprit de la nouvelle loi. Suite à une analyse des art. 31 et 32 L.F.M., le juge Nichols conclut que le mot "bâtiment" ne saurait y avoir un sens précis que la loi ne lui donne pas (à la p. 2763):

Puisque la définition du mot "immeuble" réfère au sens du Code civil du Bas Canada dans le cas d'un immeuble par nature et que l'article 376 du Code civil du Bas Canada inclut dans les immeubles par nature "(l)es fonds de terre et les bâtiments", il suit de toute évidence que le mot "bâtiment" utilisé à l'article 32 de la Loi sur la fiscalité municipale, ne peut, en l'absence de définition différente, se référer à autre chose qu'un "bâtiment" prévu à l'article 376, c'est-à-dire au bâtiment tel que connu en droit commun.

Le même mot ne peut avoir un sens différent lorsqu'on le retrouve à l'article 65 L.F.M.

Par ailleurs, le juge Nichols ne peut souscrire à la décision de la Cour provinciale dans l'affaire Ultramar Canada Inc., précitée, sur laquelle s'est appuyée le BREF. Selon lui, il n'est pas pertinent d'établir si un immeuble par nature peut devenir une machine ou si une machine peut devenir autre chose qu'un immeuble par destination. Il estime ainsi que le texte du par. 65(1) L.F.M. ne laisse aucune place à interprétation et que le mot "bâtiment" ne pourrait avoir un sens autre que celui qui découle de la définition du mot "immeuble", soit le sens qu'il a en droit commun. À cet égard, il écrit (à la p. 2765):

Si le législateur avait voulu que des bâtiments, immeubles par nature au sens du Code civil du Bas Canada, puissent devenir des machines et appareils ou des accessoires de ceux-ci aux fins de l'exception, il aurait fallu qu'il donne de ce mot une définition différente de celle du droit commun.

J'en conclus que le jugement de la Cour provinciale est bien fondé et que l'interprétation du B.R.E.F. est erronée.

En conséquence, la Cour d'appel maintient les conclusions de la Cour provinciale et rejette l'appel.

IV - La question en litige

La seule question en litige devant nous, comme devant les instances inférieures, consiste à déterminer si l'exemption prévue par le par. 65(1) L.F.M. ne s'applique qu'aux seuls biens mobiliers tels que définis à l'art. 1 L.F.M., à l'exclusion des bâtiments au sens du Code civil.

V - Analyse

À mon avis, lorsqu'il s'agit d'interpréter une disposition législative, il est utile de débuter par un examen, si bref soit-il, de son historique. En permettant de cerner la spécificité du par. 65(1) L.F.M., cette démarche replacera les jugements de la Cour d'appel et de la Cour provinciale dans le contexte qui leur est propre tout en éclairant les enjeux ici en cause.

a) L'historique

Avant l'adoption de la Loi sur l'évaluation foncière, L.Q. 1971, ch. 50, la Loi des cités et villes, S.R.Q. 1964, ch. 193, prévoyait que les machineries et accessoires étaient imposables. L'article 488 se lisait en partie ainsi:

488. Les immeubles imposables dans la municipalité comprennent les terrains, les constructions et les usines qui y sont érigées et toutes améliorations qui y ont été faites, de même que les machineries et accessoires qui sont immeubles par destination ou qui le seraient, s'ils appartenaient au propriétaire du fonds.

En vertu du deuxième alinéa, le conseil municipal pouvait décréter, par règlement, que "les machineries et accessoires qui sont immeubles par destination, ou qui le seraient s'ils appartenaient au propriétaire du fonds, ne sont pas des immeubles imposables dans la municipalité." Toutefois, les municipalités régies par le Code municipal ne jouissaient d'aucune latitude, les machineries n'étant pas des immeubles imposables sous son empire. Dans l'affaire Richmond Pulp & Paper Co. of Canada c. Ville de Bromptonville, [1970] R.C.S. 453, le juge Pigeon faisait état de la disparité existant entre ces deux régimes (à la p. 455):

Depuis 1959 toutefois, les municipalités régies par la Loi des cités et villes ont, en vertu de la modification édictée par l'art. 7 de la loi 7-8 Eliz. II, c. 19, le pouvoir de décréter par règlement que les machineries et accessoires "ne sont pas des immeubles imposables dans la municipalité". À ce sujet, il convient de signaler que ce n'est que sous le régime de la Loi des cités et villes que les machineries sont des immeubles imposables au Québec. Elles ne les sont pas en vertu du Code municipal et, pour la plupart, elles ne le sont pas non plus à Montréal y compris toute la région métropolitaine (Le Bureau métropolitain des écoles protestantes de Montréal c. Jenkins Bros. Ltd., [1967] R.C.S. 739).

En 1972, la Loi sur l'évaluation foncière venait soustraire aux conseils municipaux des cités et villes leur discrétion relative à l'imposition de la machinerie par le biais d'une uniformisation des règles d'évaluation foncière. En 1979, l'art. 8 se lisait ainsi:

8. Sauf dispositions contraires de la présente loi, tous les immeubles doivent être inscrits au rôle et ils doivent l'être à leur valeur réelle le premier janvier précédant le dépôt de ce rôle. Sous réserve des exemptions prévues dans la présente loi, les immeubles portés au rôle sont imposables.

Toutefois, l'art. 12 imposait l'obligation de ne pas porter au rôle certains immeubles, pour ensuite énoncer les exceptions. Cette disposition stipulait:

12. Ne sont pas portés au rôle les immeubles destinés ou utilisés principalement à des fins de recherche, de commerce, d'industrie, de prévention ou de réduction du bruit, de lutte contre la pollution de l'eau, de l'air ou du sol ou d'exploitation d'une ferme ou d'un boisé, sauf les suivants:

a) les terrains et les bâtiments à l'exclusion des bâtiments utilisés principalement pour la lutte contre la pollution du terrain sous-jacent;

b) les voies de communication non ferrées, pavées ou non, ainsi que les ponts, tunnels, clôtures et autres ouvrages qui en font partie;

c) les clôtures, trottoirs, drains et autres constructions d'aménagement du sol sauf si les immeubles sont situés sur une ferme ou un boisé visés à l'article 21;

d) les appareils, dispositifs, équipements et systèmes assurant le service d'un bâtiment et faisant corps avec lui, à l'exclusion de la machinerie et des équipements de manutention autres que les ascenseurs, monte-charge, escaliers roulants et trottoirs roulants;

e) les tours et antennes des stations de radiodiffusion et de télévision;

f) les autres immeubles faisant partie soit d'un réseau d'aqueduc ou d'égout, soit d'un réseau de transport ou de distribution de matière liquide ou solide, soit d'un réseau de transport de gaz d'une entreprise qui n'en fait pas la distribution au consommateur au Québec.

Par ailleurs, l'art. 1 définissait ainsi les termes suivants:

a) "immeuble": un immeuble par nature au sens du Code civil ou un immeuble par destination;

b) "immeuble par destination": un objet mobilier placé à perpétuelle demeure par n'importe qui sur ou dans un immeuble par nature;

. . .

u) "bâtiment": une construction destinée à loger des personnes, des animaux ou des choses;

Le 21 décembre 1979, le législateur québécois adoptait le projet de loi 57 sur la fiscalité municipale, la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., ch. F-2.1, introduite par la Loi sur la fiscalité municipale et modifiant certaines dispositions législatives, L.Q. 1979, ch. 72, prenant effet aux fins de tout exercice financier municipal à compter de celui de 1980. Tout en maintenant le principe de l'inscription au rôle de tous les immeubles (art. 31), la nouvelle loi est venue limiter les cas d'exceptions à la règle générale. Je reproduis l'art. 65 pour fins de commodité:

65. Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants:

1o une machine, un appareil et leurs accessoires utilisés principalement à des fins de production industrielle ou d'exploitation d'une ferme, ou destinés à être ainsi utilisés, et qui n'ont pas pour objet d'assurer un service à un terrain ou à un bâtiment, compte tenu de l'utilisation qui est faite de celui-ci ou à laquelle il est destiné;

2o le matériel roulant utilisé principalement à des fins d'industrie ou de transport, ou destiné à être ainsi utilisé;

3o le minerai au sens de la Loi sur les mines;

4o une galerie, un puits, une excavation, un tunnel ou l'équipement d'une mine souterraine ou à ciel ouvert;

5o une réserve de matière première dans une tourbière, une carrière ou une sablière;

6o une voie ferrée, un pont, un tunnel, une clôture ou un autre ouvrage qui en fait partie, destiné à l'exploitation d'une entreprise de chemin de fer, à l'exclusion du terrain qui sert d'assiette à un tel immeuble et d'une construction destinée à loger ou abriter des personnes, des animaux ou des choses;

7o un barrage, une estacade, une dalle ou un autre ouvrage destiné au flottage du bois ou à son acheminement vers une usine de sciage ou de transformation;

8o un chemin d'accès à une exploitation forestière ou minière.

D'autre part, la définition du mot "bâtiment" n'a pas été reprise dans le corps de l'art. 1. Cette disposition a, par ailleurs, intégré dans la définition du mot "immeuble" l'ancienne définition du terme "immeuble par destination" telle qu'elle était énoncée à l'al. b) de l'art. 1 de la Loi sur l'évaluation foncière:

1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

. . .

"immeuble": un immeuble par nature au sens du Code civil ou un objet mobilier placé à perpétuelle demeure par n'importe qui sur ou dans un immeuble par nature;

Ce bref aperçu historique appelle, à mes yeux, trois remarques. En premier lieu, il m'apparaît incontestable que le paragraphe introductif de l'art. 12 de la Loi sur l'évaluation foncière était d'application plus large que l'art. 65 L.F.M. Tout en excluant du rôle les immeubles destinés ou utilisés principalement à des fins d'industrie, il englobait également ceux utilisés ou destinés à des fins de recherche, de commerce, de prévention ou de réduction de bruit et de lutte contre la pollution. Le nouveau texte est donc plus restrictif au chapitre des exemptions (M. Poirier et J.-M. Lavoie, "La réforme de la fiscalité municipale: taxation et paiements de transfert" (1981), 12 R.D.U.S. 141, à la p. 156):

Au départ, il est important de noter que le premier paragraphe de l'article 12 de la Loi sur l'évaluation foncière portait sur des immeubles destinés ou utilisés à des fins de recherche, de commerce, d'industrie, de lutte à la pollution de l'eau, de l'air, du sol ou par le bruit de même que ceux servant à l'exploitation d'une ferme ou d'un boisé. Les dispositions pertinentes de l'article 65 de la Loi sur la fiscalité municipale sont restreintes à certains biens utilisés à des fins de production industrielle, d'exploitation d'une ferme ou de transport seulement. En second lieu, les nouvelles dispositions législatives inversent totalement les règles qui prévalaient antérieurement. En vertu de l'article 12 de la Loi sur l'évaluation foncière, il y avait non inscription en principe des immeubles destinés ou utilisés principalement à des fins de commerce, d'industrie, de lutte à la pollution ou d'exploitation d'une ferme ou d'un boisé sauf certaines exceptions prévues par la loi. En vertu des articles 31 et 65 de la Loi sur la fiscalité municipale, ces immeubles sont, en principe, portés au rôle sauf les exceptions expressément mentionnées à l'article 65 de la Loi. Il va de soi que ces changements entraînent l'assujettissement à l'impôt foncier de nombreux biens qui ne l'étaient pas auparavant. L'évaluateur inscrira ces immeubles au rôle d'évaluation et ces nouvelles inscriptions auront effet à compter du ler janvier 1980. [Je souligne.]

(Voir également J.-M. Pâquet, "Les aspects juridiques", dans Formation permanente du Barreau du Québec, cours 51, La réforme de la fiscalité municipale (1980), à la p. 29; L. Bélanger, "L'évaluation des immeubles industriels au Québec: les hauts et les bas de l'article 65 par. 1 de la Loi sur la fiscalité municipale", dans Développements récents en droit municipal (1989), 151, aux pp. 157 et 158.)

En revanche, une certaine continuité existe entre les lois successives. Ainsi, l'article 12 de la Loi sur l'évaluation foncière et le par. 65(1) L.F.M. réfèrent tous deux à la notion d'utilisation ou de destination principale des immeubles jouissant de l'exception, celle-ci n'englobant pas les immeubles assurant un service aux bâtiments. Contrairement à l'ancien texte de la Loi des cités et villes, ces deux articles excluent également du rôle d'évaluation la machinerie sans référer au terme "immeuble par destination", le par. 65(1) L.F.M. ajoutant le terme "appareil" aux mots "machine" et "accessoires". Par ailleurs, à l'instar de la Loi des cités et villes et de la Loi sur l'évaluation foncière, la Loi sur la fiscalité municipale définit l'objet mobilier placé à perpétuelle demeure en écartant l'exigence du droit civil que celui-ci soit placé à perpétuelle demeure et appartienne au propriétaire de l'immeuble par nature (Banque d'Hochelaga c. Waterous Engine Works Co. (1897), 27 R.C.S. 406; Bell Telephone Co. of Canada c. Ville St-Laurent, précité; Cité de Sherbrooke c. Commissaires d'écoles de Sherbrooke, [1957] R.C.S. 476, et Cablevision (Montréal) Inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1978] 2 R.C.S. 64). Sous ce dernier angle, les lois successives s'écartent donc d'un critère qui est propre au droit civil.

Enfin, et ceci est lié à ce qui précède, un constat à l'effet que la Loi sur la fiscalité municipale traduit une volonté législative d'assujettir à l'impôt foncier plusieurs biens qui ne l'étaient pas sous le régime de la Loi sur l'évaluation foncière ne dispense pas, pour autant, d'interpréter les termes du législateur dans le contexte d'énonciation qui leur est propre. Avant d'aborder l'analyse du texte du par. 65(1), la Cour d'appel a fait état de deux modifications qu'elle jugeait importantes (à la p. 2762):

La première observation qu'inspire le texte de cette nouvelle loi vient de ce que le législateur n'a pas reproduit la définition spécifique du mot "bâtiment".

C'est cette définition qui posait problème et qui avait amené les tribunaux à restreindre considérablement l'assiette fiscale municipale en excluant du rôle tous les bâtiments qui ne servaient pas à loger des personnes, des animaux ou des choses.

Une autre particularité de cette nouvelle loi (L.F.M.) provient du fait que le législateur à jugé à propos de consolider les définitions que la Loi sur l'évaluation foncière donnait des mots "immeuble" et "immeuble par destination".

. . .

C'est à la lumière de ces deux prémisses qu'il faut à mon avis analyser l'article 65 paragraphe 1 L.F.M., qui donne lieu aux interprétations divergentes que mettent en évidence les décisions du B.R.E.F. et de la Cour provinciale.

Avec égards, j'estime que ces deux modifications ne sauraient être, en soi, déterminantes pour ce qui est de la question ici en jeu. D'une part, aucune conclusion ne peut, à mon avis, être tirée du fait que le législateur ait intégré, dans la définition du mot "immeuble", la définition de ce qu'était "immeuble par destination" telle qu'énoncée à l'al. b) de l'art. 1 de la Loi sur l'évaluation foncière. Cette définition était déjà consolidée par l'al. 1a) de cette même loi, où le mot "immeuble" était défini comme comprenant la notion d'"immeuble par destination". D'autre part, le c{oe}ur du litige ne se résume pas à articuler une définition de la notion de "bâtiment" en termes absolus, mais, plutôt, à cerner le sens et la portée du par. 65(1) L.F.M. en regard de la catégorie de biens visée par cette exemption. Certes, lorsqu'un terme employé par le législateur n'est pas autrement défini, il convient de se rapporter au réservoir de concepts que constitue le Code civil (Bélair c. Ville de Ste-Rose, précité; Montreal Light, Heat & Power Consolidated c. City of Westmount, [1926] R.C.S. 515; Montreal Light, Heat & Power Consolidated c. City of Outremont, précité, et Bell Telephone Co. of Canada c. Ville St-Laurent, précité). Toutefois, cette démarche ne saurait éluder l'environnement textuel adopté par le législateur lui-même. En l'espèce, il convient donc de s'interroger, avant tout, sur les jalons posés dans le cadre de l'art. 65 L.F.M.

b) L'article 65 L.F.M.

1. Les termes "immeubles", "terrain" et "bâtiment"

Avant d'aborder le c{oe}ur du présent pourvoi, deux constats préliminaires m'apparaissent importants.

En premier lieu, l'alinéa introductif de l'art. 65 renvoie au terme "immeubles" sans distinguer les immeubles par nature des objets mobiliers visés par l'art. 1 L.F.M. ("Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants"). (Je souligne.) Sous réserve des exceptions et nuances propres à chaque paragraphe, le législateur nous renvoie donc à sa propre définition qui réfère, à son tour, au Code civil dans le cas des immeubles par nature (art. 1). Or, en vertu de l'art. 376 C.c., les immeubles par nature sont les fonds de terre et les bâtiments. Dans l'affaire Bélair, le juge Anglin interprétait largement le terme "bâtiment", englobant ainsi une construction telle un pont (aux pp. 530 et 531):

[traduction] Les mots "bâtiments" -- "buildings" à l'art. 376 C.C. peuvent donc être considérés comme signifiant "structures" et il s'ensuit qu'un pont reposant sur des piliers est un immeuble par sa nature parce qu'il est une structure unie au sol ou lit de la rivière à perpétuelle demeure. Ce serait certainement le cas si l'appelant était le propriétaire du sol ou du lit. Le fait qu'il ne le soit pas, mais qu'il soit simplement titulaire d'une servitude ou d'un droit d'y maintenir le pont n'empêche pas la qualité d'immeuble d'être attachée au pont.

Dans l'affaire City of Westmount, le juge en chef Anglin concluait qu'il en était de même à l'égard de tuyaux, poteaux, câbles et transformateurs servant à distribuer de l'électricité (aux pp. 520 et 521). Dans l'arrêt Lower St. Lawrence Power Co. c. Immeuble Landry Ltée, [1926] R.C.S. 655, notre Cour a déclaré immeuble par nature un réseau d'éclairage électrique comprenant des poteaux, fils et transformateurs. Par ailleurs, le juge Rinfret s'exprimait ainsi (aux pp. 665 et 666):

En vertu du code civil de la province de Québec, tous les biens, tant corporels qu'incorporels, sont meubles ou immeubles (art. 374 C.C.). Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature (art. 376 C.C.). Les commentateurs sont d'accord pour dire que l'expression "bâtiment" ne doit pas être limitée à son sens étymologique, mais qu'il faut l'employer par analogie à toute espèce de "construction".

Planiol (Traité Elémentaire -- 6e éd., vol. 1, no 2207) résume bien l'opinion générale en disant qu'il

faut comprendre non seulement les bâtiments proprement dits, tels que les maisons d'habitation, magasins, ateliers, hangars, granges, etc., mais aussi les travaux d'art de toute espèce, tels que ponts, puits, fours, digues, barrages, tunnels, etc. Par conséquent, il faut définir ici les édifices: tout assemblage de matériaux consolidés à demeure, soit à la surface du sol, soit à l'intérieur.

Après avoir fait état des affaires Bélair, City of Westmount et Immeuble Landry, le juge Beetz résumait les principes régissant l'immobilisation par nature dans les termes suivants (Cablevision (Montréal) Inc. c. Sous-ministre du Revenu du Québec, précité, à la p. 73):

Sans doute ces trois arrêts mettent-ils l'accent sur l'incorporation des ouvrages au sol comme condition de leur immobilisation par nature. Mais il faut voir le principe qui dicte cette condition: c'est lorsqu'elle sera réalisée que les ouvrages, comme ceux dont il est question dans ces arrêts, participeront à la fixité ou à l'immobilité du sol, critère ultime de l'immobilisation par nature. Le principe est respecté dès lors qu'un ouvrage participe à l'immobilité du sol en y adhérant directement ou en adhérant à un autre ouvrage qui adhère lui-même au sol. Dans l'un et l'autre cas, l'ouvrage est immeuble par nature parce qu'il est naturellement immobile. La plupart des auteurs remarquent que les fonds de terre sont les seuls biens corporels véritablement immeubles. Néanmoins, suivant l'art. 376 C.c., les bâtiments sont immeubles par nature tout autant que les fonds de terre. À mon avis le critère de l'immobilisation par nature est satisfait quand un ouvrage que l'on peut qualifier de bâtiment adhère à un immeuble par nature, fonds de terre ou bâtiment, et qu'il acquiert par là une assiette fixe. La dissociation possible de la propriété de l'ouvrage qui adhère au sol et de celle de l'ouvrage qui adhère à l'ouvrage précédent est sans conséquence. [Je souligne.]

Or, l'alinéa introductif de l'art. 65 n'écarte pas, en soi, ces immeubles du champ d'application du paragraphe premier.

D'autre part, contrairement au terme "immeubles" employé dans l'alinéa introductif, le par. 65(1) réfère aux notions de "terrain" et "bâtiment" en y greffant des paramètres qui sont étrangers aux critères de l'immobilisation par nature en droit civil, soit les concepts de destination et d'utilisation. Par ailleurs, ces notions de "terrain" et de "bâtiment" ne sont pertinentes que lorsqu'il s'agit de décider si l'immeuble ou la partie d'immeuble examinés ont pour objet de leur assurer un service. La question de déterminer s'il y a lieu ou non de puiser dans le réservoir de concepts du Code civil pour définir le terme "bâtiment" utilisé in fine m'apparaît donc secondaire, le sens et la portée de ce terme devant plutôt être analysés dans le contexte d'énonciation qui lui est propre. Or, comme l'indique le législateur, les immeubles "exemptés" aux fins du par. 65(1) sont indissociables du contexte de production industrielle. Les termes "utilisés principalement à des fins de production industrielle" et "compte tenu de l'utilisation qui est faite de celui-ci" démontrent que le cadre législatif dont il est question se démarque, avant tout, des catégories traditionnelles du droit civil. Dans ces conditions, l'angle sous lequel il convient d'aborder les mots "terrain" et "bâtiment" visés par la notion de "service" demeure tributaire, à l'instar des immeubles visés par l'exemption, de l'environnement textuel adopté par le législateur. Le vocabulaire propre au Code civil s'y trouve, par là, et nuancé, et tempéré.

C'est donc sur cette toile de fond qu'il y a lieu d'aborder la question qui est au c{oe}ur du présent pourvoi: l'exemption prévue par le par. 65(1) L.F.M. ne s'applique-t-elle qu'aux seuls biens mobiliers placés à perpétuelle demeure, à l'exclusion des bâtiments au sens du Code civil?

2. Le paragraphe 65(1)

Le BREF a jugé que les critères du par. 65(1) L.F.M. étaient au nombre de quatre (à la p. 493):

Les critères retenus sont donc les suivants pour qu'un immeuble ou une partie de celui-ci ne soit pas porté au rôle selon l'article 65 de la Loi sur la fiscalité municipale, alinéa 1er:

1) Il s'agit d'un immeuble;

2) Il s'agit soit:

a) d'un ensemble de mécanismes combinés pour recevoir une forme d'énergie, la transformer et la restituer sous une forme plus appropriée ou pour produire un effet donné (machine);

b) d'un assemblage de plusieurs organes assurant l'exécution d'un travail, l'observation d'un phénomène ou la réalisation de certaines mesures (appareil);

c) d'un instrument, ou autre objet immobilier qui ne fait pas partie intégrante d'une machine, ou qui sert à une activité particulière mais qui est indissociable d'une machine ou d'un appareil (accessoire);

3) Cet immeuble est utilisé principalement à une fin industrielle précise soit la production, c'est-à-dire à rendre vendable et utilisable, vendable et utilisable par les usagers ou les autres appareils, une marchandise donnée (pierre);

4) Cet immeuble n'a pas pour objet, c'est-à-dire que son existence ne se justifie pas par le fait qu'il assure un service (ce qui n'est pas la seule présence physique d'un objet matériel qui adhère au sol ou au bâtiment) à un terrain ou un bâtiment au sens du droit commun, et cela en tenant compte de l'utilisation faite du bâtiment, soit en voyant s'il est utilisé à des fins de production industrielle. [Je souligne.]

Les définitions des mots "machine", "appareil" et "accessoire" sont les mêmes que celles adoptées par le BREF dans une décision antérieure, l'affaire Ultramar Canada Inc., précitée, et s'inspirent des définitions de ces termes contenues dans le Petit Larousse (1981). Dans la présente affaire, la Cour provinciale s'est plutôt référée aux définitions du Petit Robert (1986). Ainsi, le juge Gagnon écrit (aux pp. 30 et 31):

Le Petit Robert, en distinguant entre une machine et un appareil dans sa définition, semble restreindre le sens du mot machine:

"Machine II. Objet fabriqué, généralement complexe, destiné à transformer l'énergie et à utiliser cette transformation (se distingue en principe de appareil et de outil, qui ne font qu'utiliser l'énergie)."

Par contre, le terme appareil tel que définit par le Petit Robert, a un sens très large:

"Appareil:

2. Ensemble d'éléments qui concourent au même but en formant un tout... Assemblage de pièces ou d'organes réunis en un tout pour exécuter un travail, observer un phénomène, prendre des mesures".

Plus loin, il retient la définition suivante du mot "accessoire" (à la p. 34):

Quant au mot accessoire, en mécanique, le Petit Robert lui donne un sens assez restreint:

"Accessoires -

Pièce non indispensable"

Un accessoire peut être ajouté à une machine ou à un appareil pour le rendre plus efficace, plus sécuritaire ou pour lui faire réaliser des travaux ou des transformations différentes dans le processus industriel.

Les définitions des mots "machine" et "appareil" adoptées par le BREF d'une part, et la Cour provinciale de l'autre, ne diffèrent pas significativement. Les deux visent des objets destinés à produire un effet donné, le propre de la machine étant de transformer l'énergie. Or, replacées dans le contexte du par. 65(1) L.F.M., ces définitions peuvent englober toute une panoplie d'immeubles qui, sans égard aux distinctions propres au droit civil, seraient néanmoins utilisés principalement à des fins de production industrielle.

À cet égard, deux exemples illustreront les difficultés qui surgissent lorsque la lecture du par. 65(1) demeure exclusivement tributaire des paramètres propres au droit civil. Dans l'affaire Cie de papier Québec et Ontario Ltée c. Baie- Comeau (Ville de), C.S. Baie-Comeau, no 655-05-000080-838, le 10 novembre 1988, J.E. 89-200, le juge Rioux s'est referé aux art. 377 et 385 du Code civil, qui se lisent ainsi:

377. Les moulins à vent, ou à eau, fixés sur des piliers et faisant partie du bâtiment, sont aussi immeubles par leur nature lorsqu'ils y sont édifiés pour perpétuelle demeure.

385. Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers et ne faisant pas partie du fonds, sont meubles.

Il a procédé à l'analyse suivante (aux pp. 12 et 13):

Certaines des expressions utilisées par le Code civil ont vieilli, aussi est-il bon de s'en rapporter à un dictionnaire comme le Littré [Paris, 1873] pour comprendre le sens des mots employés par le Code civil. D'après le Littré, le mot "pilier" désigne "tout massif qui sert à soutenir quelque partie d'un édifice" ou "tout ce qui soutient un corps quelconque". On peut rapprocher cette définition de celle que donne le Petit Robert [1983]: "massif de maçonnerie, formant un support vertical isolé dans une construction".

Notons aussi que le mot "usine" signifiait "proprement et anciennement", d'après le Littré, "machine mue par l'eau" et que le mot "moulin" signifiait une "machine composée de diverses pièces pour faire tourner des meules et qui est employée pour réduire les grains en farine".

C'est dire que, selon le Code civil, doivent être considérées comme immeubles par nature, les machines qui sont fixées à des piliers lesquels sont l'équivalent des "bases de béton" qui nous occupent dans la présente cause. C'est là ce que dit l'article 377 du Code civil. Par contre, les machines non fixées à des piliers et ne faisant pas partie du fonds, sont des meubles (article 385). [Je souligne.]

Sans me prononcer sur le bien-fondé de cette décision, il est évident qu'un tel moulin, "machine" suivant le sens ordinaire de ce mot, est également un "bâtiment" qui rencontre les critères de l'immobilisation par nature au sens du droit civil. Selon les conclusions de la Cour provinciale et de la Cour d'appel, ce moulin serait, néanmoins, exclu ipso facto du champ d'application du par. 65(1) L.F.M. en raison de cette même qualification et ce, sans égard au fait que les autres conditions de cette disposition puissent se trouver réunies. Or, comme je l'ai souligné précédemment, l'alinéa introductif de l'art. 65 ne distingue pas entre les immeubles par nature et les objets mobiliers placés à perpétuelle demeure. Ce constat est, à mes yeux, incontournable.

D'autre part, la Cour provinciale s'est elle-même servie d'un exemple en distinguant les termes "machines" et "appareils" (à la p. 31):

À mon humble avis, le législateur, en juxtaposant au terme machine le mot appareil a voulu éviter que l'exception s'applique limitativement à des objets destinés à transformer l'énergie et à utiliser cette transformation. Ainsi, on aurait pu se demander si un four servant à la cuisson du pain dans une boulangerie, est une machine alors qu'il n'y a aucun doute que c'est un appareil utilisé à une fin de production industrielle. [Je souligne.]

Cet exemple conduit aux mêmes difficultés. Un four construit à l'extérieur, fait de pierre et de mortier, serait un "bâtiment" selon les critères d'immobilisation par nature du droit civil. Or, en limitant le champ d'application du par. 65(1) aux seuls objets mobiliers placés à perpétuelle demeure, comme l'ont fait la Cour d'appel et la Cour provinciale, ce four devrait être porté au rôle. En revanche, le four auquel fait référence la Cour provinciale dans l'exemple ci-avant serait, quant à lui, exclu et ce, indépendamment du fait que ces mêmes appareils puissent, tous deux, remplir les autres conditions prévues par le législateur. À mon avis, une telle conclusion ne peut s'inférer du texte du par. 65(1). Elle érige en condition sine qua non la qualification d'un "appareil" selon les règles du droit civil, ici l'immobilisation par destination, tout en relèguant à l'arrière plan le critère de la production industrielle. Or, c'est ce dernier critère, et non les catégories traditionnelles du Code civil, qui constitue la pierre angulaire du par. 65(1).

À mon avis, les mêmes nuances s'imposent à l'égard du mot "accessoires". Après avoir reproduit la définition tirée du Petit Robert, la Cour provinciale a poursuivi (aux pp. 34 et 35):

Dans une usine, certains appareils et certaines machines sont attachés ou fixés à des socles de béton ou des structures de métal adhérant au bâtiment. Certains appareils, comme les convoyeurs ou tapis roulants sont supportés par des structures de métal fixées au sol et parfois recouvertes d'un toit.

Ces socles et structures ou supports, par suite de leur adhésion au sol ou à un plancher de l'édifice, sont des immeubles par nature. Lorsqu'on enlève les machines ou appareils qu'ils supportent, ils ne remplissent plus la fonction pour laquelle ils avaient été édifiés, mais ils n'en demeurent pas moins des immeubles par nature ou des parties d'immeubles par nature.

En toute déférence pour l'opinion contraire, je considère que ces socles ou supports ne sont pas des accessoires des machines ou appareils. Un immeuble par nature ne saurait être l'accessoire d'un immeuble par destination. [Je souligne.]

Pour appuyer cette distinction, l'intimée s'est référée aux arrêts Donohue Bros. c. Parish of St-Étienne de la Malbaie, [1924] R.C.S. 511; Richmond Pulp & Paper Co. of Canada c. Ville de Bromptonville, précité, et Aluminium du Canada Ltée c. Village de Melocheville, [1973] R.C.S. 792. Or, ces affaires n'ont aucune application en l'espèce. Le contexte dans lequel s'insère le par. 65(1) exige d'aborder la réalité d'un complexe de production industrielle, ainsi que les immeubles se rattachant à cette production, dans une perspective tout à fait distincte.

En effet, dans l'affaire Donohue Bros., il s'agissait de décider si certaines machineries dans un moulin à pâte pouvaient être évaluées avec ce moulin en vertu du par. 16(27) et de l'art. 656 du Code municipal. Ces dispositions se lisaient ainsi:

16. . . .

(27) Les mots "bien-fonds" ou "terrains" ou "immeubles" désignent toute terre ou toute partie de terre possédée ou occupée, dans une municipalité, par une seule personne ou plusieurs personnes conjointes et comprennent les bâtiments et les améliorations qui s'y trouvent;

656. La valeur réelle des bien-fonds imposables comprend la valeur du terrain, et la valeur des constructions, ainsi que celle de toutes les améliorations qui y ont été faites, sauf ce qui est prescrit par l'article 657.

Notre Cour a décidé, à la majorité, que les machineries n'étaient pas comprises dans la signification du mot "bâtiment" ou "construction". Le juge Mignault écrivait (aux pp. 518 et 519):

L'intimée prétend qu'elle pouvait tenir compte des machines en évaluant ce moulin à pulpe. Elle soutient que ces machines sont comprises dans le sens du mot "bâtiments" ou "constructions", et qu'à tout événement ce sont des "améliorations" et imposables comme telles en vertu des articles que j'ai cités.

On paraît admettre que les machines en question sont des immeubles par destination. Cependant, bien qu'il s'agisse d'une taxe immobilière, tout ce qui est immeuble n'est pas par là même et nécessairement imposable en vertu du code municipal, ainsi que nous l'avons jugé dans Breakey v. Metgermette Nord (61 Can. S.C.R. 237).

Et l'immeuble par destination, étant, par définition, un objet mobilier par sa nature qui est considéré comme immobilier à titre d'accessoire d'un immeuble auquel il se rattache, diffère de l'immeuble par nature en ce que son immobilisation est purement juridique et fictive, et non pas matérielle et réelle (Planiol, tome 1er, no 2210). On ne peut jamais dire qu'il fait partie du bâtiment ou construction où il se trouve, car alors il serait un immeuble imposable par sa nature.

Pour cette raison, je ne comprendrais pas les machines immobilisées par destination dans la signification du mot "bâtiment" ou "construction". [Je souligne.]

Cet extrait a été repris dans les affaires Richmond Pulp & Paper Co. of Canada et Village de Melocheville qui mettaient également en jeu les dispositions du Code municipal. Or, il ressort clairement de ce qui précède que le texte pertinent du Code municipal excluait, en soi, la possibilité de porter au rôle les immeubles par destination, le pivot sur lequel reposait ce régime étant les notions de "bâtiment" et "construction". Le texte lui-même exigeait donc de résoudre ses difficultés d'application par le biais d'un raisonnement reposant exclusivement sur les paramètres traditionnels du droit civil, dont celui d'immobilisation par destination. Tel n'est pas le cas ici. D'une part, l'alinéa introductif de l'art. 65 renvoie au terme "immeubles" sans distinguer les immeubles par nature des objets mobiliers placés à perpétuelle demeure. D'autre part, tout comme les termes "machine" et "appareil", le mot "accessoire" ne fait pas partie du vocabulaire propre au Code civil.

Au demeurant, le texte du par. 65(1) commande, avant tout, d'examiner chaque immeuble ou partie d'immeuble composant une usine donnée non pas dans l'abstrait, mais dans le cadre concret de la production industrielle. Dans ces conditions, il me paraît à tout le moins hasardeux de référer généralement aux structures, socles, ou toits d'une usine sans égard au cadre fonctionnel dans lequel ces immeubles peuvent, chacun, évoluer. L'exemple du distributeur de pierre faisant partie de la nouvelle usine de l'appelante est, à cet égard, significatif. La Cour provinciale a considéré qu'il devait être porté au rôle au terme de l'analyse suivante (aux pp. 41 et 42):

DISTRIBUTEUR À PIERRE (élément no 26)

Les explications fournies par l'ingénieur Gagnon indiquent que cette construction a été aménagée spécifiquement en fonction du processus de fabrication à sec du ciment. La pierre concassée y est acheminée par des convoyeurs et, à l'intérieur, répartie en plusieurs tas. Un appareil se déplaçant sur rail, appelé gratteur de pierre, sert à moudre cette pierre. Les mélanges s'effectuent mécaniquement et le produit mélangé est acheminé sur des convoyeurs dans un tunnel.

La fiche I-35 indique qu'il s'agit d'une construction de 500 pieds de long par 114 de large et d'une hauteur de 48 pieds. L'évaluateur municipal compare l'apparence extérieure de cette construction à un aréna et la photo P-20 corrobore cette description.

Même si la construction a été édifiée et aménagée en fonction du processus industriel qui devait s'y dérouler, elle demeure un bâtiment. Seuls le gratteur de pierre et les convoyeurs ainsi que les moteurs qui les actionnent sont des machines ou appareils. La fiche I-35 ne comporte que les composantes du bâtiment lui-même et l'évaluateur municipal était justifié de porter au rôle les valeurs indiquées sur cette fiche. [Je souligne.]

Le BREF a estimé, quant à lui, que cet immeuble devait être exclu du rôle (à la p. 498):

26. Distributeur de pierres (pièce I-35)

La pierre concassée, identifiée comme haute ou basse, démêlée, mélangée dans des proportions définies et suivant une recette établie, est alors transportée par le convoyeur no 6 jusqu'au distributeur de pierres (photos P-20 à P-24) dans lequel se retrouve le gratteur de pierres. C'est dans et par cet immeuble que se poursuit le mélange entrepris dans le préhomogénéisateur. C'est en somme la même opération industrielle à une étape ultérieure de la production.

Tout comme dans le préhomogénéisateur et peut-être encore plus, les fondations jouent un rôle actif puisqu'elles forment quatre des trémies et une surface de grattage contenant de la pierre en voie d'être mélangée, ce sont les "tas de correction". Ces fondations s'intègrent au gratteur de pierres puisqu'elles en sont la partie inférieure servant à la fois au déplacement du gratteur de pierres comme tel (partie mobile) et au service du convoyeur qui reçoit la pierre grattée à partir de deux tas pour assurer la continuité.

Quant à la structure, tout comme le préhomogénéisateur, elle ne fait qu'un avec les fondations puisqu'elle supporte le convoyeur no 8 qui circule à l'intérieur pour constituer par son chariot verseur les quatre tas de correction, et qu'elle supporte le revêtement extérieur qui permet de ne pas dépasser le pourcentage de 6 % d'humidité suivant la norme établie par le manufacturier du moulin Loesche.

Toutes les parties du distributeur de pierres jouent donc un rôle actif dans la production industrielle. Même le parement extérieur n'a pas pour but que de recouvrir une machine ou un appareil ainsi que de les protéger des intempéries. La preuve révèle qu'il est un mécanisme de contrôle du pourcentage d'humidité.

De même, pour les fondations qui jouent un rôle actif dans les mélanges de pierres. Il ne faut pas oublier que nous sommes en présence d'une production industrielle de ciment par voie sèche, à partir de pierres brutes mélangées auxquelles on ajoute des additifs.

Les mélanges de pierres concassées et broyées nécessitent donc l'utilisation de contenants mobiles ou non, et de parties mobiles sur place ou non, les deux éléments étant aussi essentiels l'un à l'autre et constituant ensemble une machine, un appareil ou leurs accessoires, le cas échéant, tout comme le marteau et l'enclume constituent un tout pour le forgeron. Ce distributeur de pierres est donc, selon la preuve, visé à l'article 65 L.F.M. et doit donc ne pas être porté au rôle puisqu'il constituait une machine ou un appareil utilisé à des fins de production industrielle, aux dates pertinentes (n.s., 20-11-84, pp. 42 et sqq.). [Je souligne.]

Quoique le présent pourvoi se limite aux questions de droit, et non au problème de leur application aux composantes de l'usine en cause, les démarches adoptées par la Cour provinciale d'une part, et par le BREF de l'autre, reflètent deux lectures irréconciliables de la disposition ici en jeu. Sans me prononcer, pour autant, sur l'exactitude des conclusions factuelles du BREF, la démarche de celui-ci demeure, à mes yeux, la plus fidèle à la lettre et à l'esprit du par. 65(1). En premier lieu, elle applique les termes "machine", "appareil" et "accessoires" dans le cadre complexe des éléments d'une production industrielle et ce, sans égard au débat portant sur la nature de leur immobilisation au sens du Code civil, ce qui traduit la lettre de l'alinéa introductif ("Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants"). Ce débat serait, en soi, générateur de difficultés considérables. La frontière entre l'immobilisation par destination et l'immobilisation par nature étant avant tout d'ordre factuel, elle se révèle souvent très mince.

En second lieu, la démarche du BREF tient compte du fait, par ailleurs capital, qu'un immeuble ou une partie d'immeuble puissent être indissociables d'une machine où d'un appareil et assurer, par la même occasion, un service à un terrain ou un bâtiment. Les termes "utilisés principalement à des fins de production industrielle" et "compte tenu de l'utilisation qui est faite de celui-ci" commandent, à mes yeux, une telle lecture. (Je souligne.) Ainsi, dans le cas du distributeur de pierre, la preuve était à l'effet que la structure supportant le revêtement extérieur n'avait pas pour seul but de recouvrir les machines et appareils pour les protéger des intempéries, ce dernier étant également un mécanisme de contrôle du pourcentage d'humidité, exigence propre au processus de fabrication de ciment. Le débat se résumait, dès lors, à une question de proportion, sujette à une contre-preuve, selon les faits de l'espèce. L'article 2 L.F.M. dispose en effet:

2. À moins que le contexte n'indique le contraire, une disposition de la présente loi qui vise un immeuble, un meuble ou une unité d'évaluation est réputée viser une partie d'un tel immeuble, meuble ou unité d'évaluation, si cette partie seulement entre dans le champ d'application de la disposition.

Dans l'affaire Cie de papier Québec et Ontario Ltée, précitée, la Cour supérieure a précisément eu à départager les fonctions respectives d'un réseau d'installation électrique (aux pp. 57 et 58):

Les énormes installations électriques de l'usine de la demanderesse, qui ont pour mission de recevoir le courant électrique généré par la centrale McCormick, d'en abaisser la tension et de le distribuer partout dans l'usine ne se justifieraient pas si l'électricité n'était utilisée que pour les "services au terrain ou aux bâtiments", comme l'éclairage, le chauffage et les autres équipements ne servant que l'immeuble ou le bâtiment. Il a été au contraire prouvé que non seulement l'électricité est utilisée principalement à des fins de production industrielle, mais que la proportion vouée à la fonction de services au terrain et aux bâtiments était infime. La demanderesse, dans son mémoire, établit à 3 % la proportion d'électricité utilisée afin d'assurer des services au terrain et aux bâtiments et à 90 % celle affectée à la production industrielle. La défenderesse conteste ces chiffres, offrant plutôt une proportion de 18.4 % pour divers services. Même une pareille proportion conduit irrésistiblement à conclure que l'électricité sert principalement à des fins de production industrielle et que les machines, les appareils et les accessoires servant à transformer, transporter ou distribuer le courant électrique sont principalement utilisés à des fins de production industrielle, suivant les termes du premier paragraphe de l'article 65 de la Loi sur la fiscalité municipale. Il y aura exception à ce principe lorsqu'il sera établi qu'une ligne donnée et les machines, appareils et accessoires s'y rapportant ne sont pas affectés principalement à la production industrielle mais ont pour objet d'assurer des services au terrain ou aux bâtiments, telles que les lignes alimentant les tours d'éclairage, le quai de chargement et de déchargement des navires, la station de pompage du lac La Chasse, les bureaux administratifs, le système anti-pollution, les appareils de drainage, les appareils anti-pollution etc. [Je souligne.]

Or, la Cour supérieure est arrivée à cette conclusion après avoir jugé que le mot "bâtiment" utilisé au par. 65(1) in fine devait recevoir le sens que lui confère le droit civil (à la p. 10). Tout en évitant de poser le problème en termes d'immobilisation par nature ou par destination, ce que le texte de loi évacue dès l'alinéa introductif, la démarche du BREF découle, en dernière analyse, du constat suivant: le par. 65(1) ne permet pas de conclure que tous les bâtiments ne peuvent jamais être exclus du rôle sous prétexte que certains bâtiments peuvent être desservis par des machines, des appareils ou leurs accessoires. Et l'esprit, et la lettre de cette disposition appellent plutôt un examen de chaque immeuble ou partie d'immeuble composant une usine dans le cadre concret de la production industrielle et ce, conformément à l'intention du législateur. Dans ces conditions, je ne puis conclure, à l'instar de la Cour provinciale et de la Cour d'appel, que l'exemption prévue par le par. 65(1) L.F.M. ne s'applique restrictivement qu'aux seuls biens mobiliers tels que définis à l'art. 1 L.F.M., à l'exclusion des bâtiments au sens du Code civil.

VI - Conclusion

Pour toutes ces raisons, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et d'infirmer le jugement de la Cour d'appel. Puisque le débat devant notre Cour s'est résumé à la seule question en litige portant sur l'interprétation du texte de loi, et non aux conclusions de fait du BREF, il y a également lieu de rétablir la décision rendue par le BREF le 29 août 1985, le tout avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l'appelante: Gagné, Letarte, Sirois, Beaudet, Québec.

Procureurs de l'intimée: Pothier Bégin, Sainte‑Foy.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit municipal - Évaluation foncière - Immeubles non portés au rôle d'évaluation - Interprétation de l'art. 65(1) de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., ch. F‑2.1.

L'appelante est propriétaire d'un vaste complexe industriel où elle fabrique du ciment. Elle conteste devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière («BREF») la valeur de l'unité d'évaluation de sa nouvelle usine et l'inscription de plusieurs immeubles faisant partie de cette usine au rôle d'évaluation pour les années 1981, 1982 et 1984. L'appelante soutient que la plupart de ces immeubles doivent être exclus du rôle parce qu'ils servent principalement à des fins de production industrielle. Le BREF accueille partiellement les plaintes de l'appelante et, en vertu du par. 1o de l'art. 65 de la Loi sur la fiscalité municipale, écarte du rôle certains immeubles faisant partie de l'usine. Le BREF est d'avis que l'exemption prévue au par. 1o de l'art. 65 s'applique non seulement aux biens mobiliers placés à perpétuelle demeure, mais aussi aux immeubles par nature qui sont des machines, des appareils et leurs accessoires utilisés principalement à des fins de production industrielle et qui n'ont pas pour objet d'assurer un service à un terrain ou à un bâtiment. La Cour provinciale infirme cette décision et conclut que l'exemption ne s'applique qu'aux seuls biens mobiliers placés à perpétuelle demeure, à l'exclusion des bâtiments au sens du Code civil. La cour souligne que si le législateur avait voulu donner au mot "bâtiment" du par. 1o de l'art. 65 un sens différent de celui du Code, il l'aurait fait expressément. La Cour d'appel confirme le jugement de la Cour provinciale.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

L'exemption prévue au par. 1o de l'art. 65 n'exclut pas de son champ d'application tous les bâtiments au sens du Code civil. Le texte de ce paragraphe, interprété et analysé dans le contexte d'énonciation qui lui est propre, commande avant tout d'examiner chaque immeuble ou partie d'immeuble composant une usine donnée dans le cadre concret de la production industrielle, et ce, sans égard à la nature de leur immobilisation. C'est le critère de la production industrielle qui constitue la pierre angulaire du par. 1o de l'art. 65 et non les catégories traditionnelles d'immobilisation du Code civil. Vu la définition du mot "immeuble" à l'art. 1 de la Loi, il est clair que l'alinéa introductif de l'art. 65 («Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants») ne fait pas de distinction entre les immeubles par nature et les objets mobiliers placés à perpétuelle demeure. De plus, les concepts de destination et d'utilisation qui ont été greffés aux termes «terrain» et «bâtiment» sont étrangers aux critères de l'immobilisation par nature en droit civil. Le sens des termes "terrain" et "bâtiment" doit donc être analysé en fonction du cadre législatif adopté par le législateur, lequel nuance et tempère les concepts du Code et se démarque des catégories traditionnelles du droit civil. Enfin, les termes «machine», «appareil» et «accessoires», qui ne font pas partie du vocabulaire propre au Code, peuvent englober dans le contexte du par. 1o de l'art. 65 toute une panoplie d'immeubles qui sont susceptibles d'être utilisés principalement à des fins de production industrielle.

En l'espèce, la démarche suivie par le BREF est conforme à la lettre et à l'esprit du par. 1o de l'art. 65. Premièrement, il a appliqué les termes «machine», «appareil» et «accessoires» dans le cadre complexe des éléments d'une production industrielle, et ce, sans égard au débat portant sur la nature de leur immobilisation au sens du Code civil, ce qui traduit la lettre de l'alinéa introductif. Deuxièmement, il a tenu compte du fait qu'un immeuble ou une partie d'immeuble peut être indissociable d'une machine où d'un appareil et assurer, par la même occasion, un service à un terrain ou à un bâtiment. Les termes «utilisés principalement à des fins de production industrielle» et «compte tenu de l'utilisation qui est faite de celui‑ci» commandent une telle lecture. La démarche du BREF découle du constat suivant: le par. 1o de l'art. 65 ne permet pas de conclure que tous les bâtiments ne peuvent jamais être exclus du rôle sous prétexte que certains bâtiments peuvent être desservis par des machines, des appareils ou leurs accessoires.

La Cour ne se prononce pas sur l'exactitude des conclusions factuelles du BREF.


Parties
Demandeurs : Saint-Basile, Village Sud (Corporation municipale de)
Défendeurs : Ciment Québec Inc.

Références :

Jurisprudence
Distinction d'avec les arrêts: Donohue Bros. c. Parish of St‑Étienne de la Malbaie, [1924] R.C.S. 511
Aluminium du Canada Ltée c. Village de Melocheville, [1973] R.C.S. 792
Richmond Pulp & Paper Co. of Canada c. Ville de Bromptonville, [1970] R.C.S. 453
arrêts mentionnés: Ville de Saint‑Romuald d'Etchemin c. Ultramar Canada Inc., [1985] C.P. 212, conf. [1980-1984] B.R.E.F. 883
Bélair c. Ville de Ste‑Rose (1922), 63 R.C.S. 526
Montreal Light, Heat & Power Consolidated c. City of Outremont (1932), 53 B.R. 133
Montreal Light, Heat & Power Consolidated c. City of Westmount, [1926] R.C.S. 515
Bell Telephone Co. of Canada c. Ville St‑Laurent (1935), 60 B.R. 101
St‑Romuald d'Etchemin (Cité de) c. Golden Eagle Canada Ltd., [1980] C.A. 74
Banque d'Hochelaga c. Waterous Engine Works Co. (1897), 27 R.C.S. 406
Sherbrooke (Cité de) c. Commissaires d'écoles de Sherbrooke, [1957] R.C.S. 476
Cablevision (Montréal) Inc. c. Sous‑ministre du Revenu du Québec, [1978] 2 R.C.S. 64
Lower St. Lawrence Power Co. c. Immeuble Landry Ltée, [1926] R.C.S. 655
Cie de papier Québec et Ontario Ltée c. Baie‑Comeau (Ville de), J.E. 89‑200.
Lois et règlements cités
Code civil du Bas‑Canada, art. 376.
Loi des cités et villes, S.R.Q. 1964, ch. 193, art. 488.
Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., ch. F‑2.1, art. 1 «immeuble», 2, 31, 65, par. 1.
Loi sur la fiscalité municipale et modifiant certaines dispositions législatives, L.Q. 1979, ch. 72.
Loi sur l'évaluation foncière, L.Q. 1971, ch. 50, art. 1a) [rempl. 1978, ch. 59, art. 1], b), u), 8 [rempl. 1979, ch. 22, art. 65], 12 [mod. 1972, ch. 46, art. 4
mod. 1973, ch. 31, art. 8
mod. 1978, ch. 59, art. 4].
Doctrine citée
Bélanger, Louise. «L'évaluation des immeubles industriels au Québec: les hauts et les bas de l'article 65 par. 1 de la Loi sur la fiscalité municipale». Dans Développements récents en droit municipal. Formation permanente du Barreau du Québec. Cowansville: Yvon Blais, 1989, 151.
Pâquet, Jean‑M. «Les aspects juridiques». Dans La réforme de la fiscalité municipale. Formation permanente du Barreau du Québec, cours 51, 1980.
Poirier, Michel, et Jean‑Marie Lavoie. «La réforme de la fiscalité municipale: taxation et paiements de transfert» (1981), 12 R.D.U.S. 141.

Proposition de citation de la décision: Saint-Basile, Village Sud (Corporation municipale de) c. Ciment Québec Inc., [1993] 2 R.C.S. 823 (15 juillet 1993)


Origine de la décision
Date de la décision : 15/07/1993
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1993] 2 R.C.S. 823 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-07-15;.1993..2.r.c.s..823 ?
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