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04/05/1995 | CANADA | N°[1995]_2_R.C.S._187

Canada | Mitsui & Co. (Canada) Ltd. c. Banque Royale du Canada, [1995] 2 R.C.S. 187 (4 mai 1995)


Mitsui & Co. (Canada) Ltd. c. Banque Royale du Canada, [1995] 2 R.C.S. 187

La Banque Royale du Canada, Doane Raymond

Limited, administrateur séquestre de

Pegasus Helicopters Incorporated, et

Peat Marwick Thorne Inc., syndic de l'actif

de la faillie Pegasus Helicopters Incorporated Appelantes

c.

Mitsui & Co. (Canada) Ltd. Intimée

Répertorié: Mitsui & Co. (Canada) Ltd. c. Banque Royale du Canada

No du greffe: 23914.

1995: 1er mars; 1995: 4 mai.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McL

achlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la nouvelle‑écosse

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'a...

Mitsui & Co. (Canada) Ltd. c. Banque Royale du Canada, [1995] 2 R.C.S. 187

La Banque Royale du Canada, Doane Raymond

Limited, administrateur séquestre de

Pegasus Helicopters Incorporated, et

Peat Marwick Thorne Inc., syndic de l'actif

de la faillie Pegasus Helicopters Incorporated Appelantes

c.

Mitsui & Co. (Canada) Ltd. Intimée

Répertorié: Mitsui & Co. (Canada) Ltd. c. Banque Royale du Canada

No du greffe: 23914.

1995: 1er mars; 1995: 4 mai.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la nouvelle‑écosse

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse (1993), 108 D.L.R. (4th) 342, 22 C.B.R. (3d) 95, 125 N.S.R. (2d) 297, 349 A.P.R. 297, qui a infirmé une décision du juge Cacchione de rejeter la demande de l'intimée visant à obtenir un jugement déclarant que certains baux n'étaient pas des contrats de vente conditionnelle. Pourvoi accueilli.

Edward A. Gores et Paul C. Martin, pour les appelantes.

George W. MacDonald, c.r., et Harvey L. Morrison, pour l'intimée.

//Le juge Major//

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Major —

I.Les faits

1 Les appelantes sont respectivement les créancier garanti, séquestre et syndic de la faillite de Pegasus Helicopters Incorporated («Pegasus»), laquelle avait loué deux hélicoptères de l'intimée Mitsui & Co. (Canada) Ltd. («Mitsui») aux termes de deux contrats de location («baux») datés du 26 mai 1992.

2 Aux termes de l'article 9 des baux, le locataire n'acquérait sur les aéronefs aucun droit ni aucun titre autre que le droit de les utiliser conformément aux conditions des baux. L'article 32 conférait au locataire l'option d'acheter les hélicoptères à leur juste valeur marchande raisonnable. Il prévoyait ceci:

[traduction] OPTION D'ACHAT

S'il a rempli toutes ses obligations aux termes du bail relatif à un hélicoptère, le locataire a l'option d'acheter cet hélicoptère dans l'état où il se trouve, à l'expiration du bail ou de sa reconduction en vertu du présent contrat de location. La levée de la présente option doit se faire par notification écrite au bailleur au moins cent vingt (120) jours avant l'expiration du bail (ou sa prorogation), faute de quoi l'option prend fin. Si l'option est levée, le prix d'achat sera la juste valeur marchande raisonnable de l'hélicoptère établie par le bailleur. Si le locataire n'est pas d'accord avec le prix ainsi établi par écrit dans les trente (30) jours de la notification, la présente option prend fin et les parties cessent dès lors d'avoir quelque obligation réciproque en vertu du présent article.

3 Les baux n'ont pas été enregistrés en vertu de la Conditional Sales Act, R.S.N.S. 1989, ch. 84, et l'intimée n'a pas été enregistrée en application de l'Instalment Payment Contracts Act, R.S.N.S. 1989, ch. 230.

4 L'appelante, la Banque Royale, est titulaire d'une débenture à charge fixe et flottante émise par Pegasus en garantie des prêts que la Banque lui a consentis. Comme Pegasus avait manqué à ses engagements aux termes des prêts, la Banque Royale a nommé Doane Raymond Limited séquestre de ses biens, conformément à la débenture.

5 L'intimée, qui voulait obtenir la priorité de rang, a présenté une demande de jugement déclarant que les baux n'étaient pas des contrats de vente conditionnelle au sens de la Conditional Sales Act et qu'elle avait le droit de reprendre possession des hélicoptères conformément aux dispositions des baux. Le juge en chambre a conclu que les baux étaient des contrats de vente conditionnelle qui devaient être enregistrés en vertu de la Loi et il a rejeté la demande. Dans un arrêt majoritaire, la Cour d'appel n'a pas souscrit à cette décision et a conclu que les contrats étaient des baux véritables et non des contrats de vente conditionnelle: (1993), 108 D.L.R. (4th) 342, 22 C.B.R. (3d) 95, 125 N.S.R. (2d) 297, 349 A.P.R. 297.

II.Les dispositions législatives

Conditional Sales Act

[traduction] 2 (1) Dans la présente loi

. . .

b) «vente conditionnelle» désigne

(i) un contrat de vente d'objets en vertu duquel la possession est ou doit être transmise à l'acheteur et la propriété des objets doit lui être dévolue à une date ultérieure à la suite du paiement de la totalité ou d'une partie du prix, ou de l'exécution de toute autre condition, ou

(ii) un contrat de location d'objets aux termes duquel il est convenu que le locataire deviendra ou aura la faculté de devenir propriétaire des objets après avoir entièrement satisfait aux conditions du contrat;

III.Jugements

Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse

6 Le juge en chambre a conclu que les baux avaient conféré à Pegasus l'option de devenir, à leur expiration, propriétaire des hélicoptères. Les termes de l'article 32 conféraient au locataire le droit unilatéral de contraindre le bailleur à vendre et, partant, lui conféraient l'option de devenir propriétaire. Il a déclaré que les deux baux étaient des contrats de vente conditionnelle au sens, à la fois, de la Conditional Sales Act et de l'Instalment Payment Contracts Act, et il a rejeté la demande de l'intimée.

Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse

Le juge Freeman, au nom de la cour à la majorité

7 Le juge Freeman a conclu qu'il n'était pas dans l'intention des parties que Pegasus devienne propriétaire des hélicoptères automatiquement ou moyennant une contrepartie symbolique, après qu'elle se fut acquittée de toutes ses obligations aux termes des baux. L'intimée conservait en tout temps la propriété des hélicoptères. Pegasus avait simplement le droit d'exiger que l'intimée établisse la juste valeur marchande raisonnable à laquelle elle était prête à vendre les hélicoptères. Pegasus était libre de rejeter ce prix. Aucun mécanisme n'était prévu pour établir un prix liant les deux parties. Il a conclu que l'intention prépondérante des parties était de conclure un bail et non un contrat de vente conditionnelle. L'article 32 créait un droit de préemption qui ne correspondait pas au type de mesure que le législateur voulait voir visé par le sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi. L'intimée avait le droit de reprendre les hélicoptères libres de toute réclamation des appelantes.

Le juge Jones (dissident)

8 Le juge Jones a conclu que le sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi s'appliquait aux baux comportant une option d'achat. Les baux comportaient une option d'achat parce que l'article 32 conférait au locataire le droit unilatéral de contraindre le bailleur à vendre. Les parties étaient libres d'établir les modalités de fixation du prix et les tribunaux pouvaient appliquer la stipulation de la «juste valeur marchande» contenue à l'article 32.

IV.Le point en litige

1.Les baux sont‑ils des contrats de vente conditionnelle au sens du sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Conditional Sales Act?

V.Analyse

Introduction

9 Le présent pourvoi soulève la question de l'interprétation à donner au sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Conditional Sales Act, qui définit une «vente conditionnelle» aux fins de la Loi. Il s'agit de déterminer si les baux sont visés par cette définition. Si les baux sont des contrats de vente conditionnelle au sens de la Loi, l'intimée perd alors sa priorité de rang parce qu'elle a omis de s'enregistrer. Par contre, ce n'est que si les baux sont des baux véritables que l'intimée aura droit à la possession des biens et à la priorité de rang. Deux questions se posent: un bail assorti d'une option d'achat à la juste valeur marchande est‑il visé par le sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi, et l'article 32 constitue‑t‑il une vraie option?

La Conditional Sales Act

10 Un contrat de vente conditionnelle est un contrat aux termes duquel les parties acceptent que, même si l'acquéreur prend possession du bien, il n'en obtiendra le titre de propriété qu'une fois payé le prix d'achat. Pour protéger son droit de propriété, le vendeur doit, dans le délai prescrit, enregistrer le contrat de vente conditionnelle dans un registre public.

11 Au Canada, la Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation a adopté, en 1922, une Conditional Sales Act uniforme. La Nouvelle‑Écosse a adopté cette loi en 1930. Les conditions d'enregistrement prévues dans la Loi visaient à éviter que des tiers ne soient [traduction] «incités à acquérir des objets ou [. . .] à faire crédit à l'acquéreur à titre conditionnel sur la foi de sa propriété apparente des objets en question, en prescrivant l'enregistrement du contrat» (Jacob S. Ziegel, «Uniformity of Legislation in Canada: The Conditional Sales Experience» (1961), 39 R. du B. can. 165, à la p. 207). De par l'effet de la Loi, les contrats non enregistrés qui stipulaient que le vendeur conservait son titre de propriété n'étaient pas opposables aux acquéreurs subséquents, les créanciers hypothécaires et certains autres créanciers (G. V. La Forest, «Filing under the Conditional Sales Act: Is It Notice to Subsequent Purchasers?» (1958), 36 R. du B. can. 387, à la p. 396).

12 Selon son libellé, la Loi s'applique aux baux qui comportent une option d'achat. Elle diffère des lois plus modernes sur les sûretés mobilières actuellement en vigueur dans un bon nombre de provinces. Ces lois se fondent sur l'article 9 de l'American Uniform Commercial Code et font appel à des notions, comme le «droit de sûreté» et les «contrats de sûreté», qui sont étrangères à la Conditional Sales Act. La question de savoir si un bail est conclu en guise de sûreté ou s'il constitue essentiellement un contrat de sûreté se pose sous le régime des lois sur les sûretés mobilières. La jurisprudence relative aux lois sur les sûretés mobilières ne s'applique pas à la présente affaire étant donné que cette dernière porte sur les dispositions quelque peu désuètes de la Conditional Sales Act.

La portée de la Conditional Sales Act

13 Il y a trois types de contrats qui sont visés par l'al. 2(1)b) de la Loi. Il y a d'abord le contrat de vente conditionnelle «véritable», où l'acquéreur consent à faire au vendeur des versements échelonnés sur une certaine période, et où le vendeur conserve le titre de propriété de l'objet jusqu'à son paiement complet. Il est évident, dès le départ, qu'à moins que l'acquéreur ne respecte pas ses engagements, le droit de propriété lui sera cédé à l'expiration de la période en cause.

14 Le deuxième type de contrat visé par la Loi est le contrat de location avec option d'achat, où l'option est levée moyennant une contrepartie symbolique; il ressort clairement des conditions de ce contrat que l'option sera levée et que les paiements du «loyer» contribueront, en fait, à payer l'objet en question. Lorsque ce type de contrat de location avec option d'achat est signé, les parties veulent que les objets soient cédés au «locataire». Ces contrats ont été décrits comme des contrats de vente conditionnelle déguisés et ils sont visés par la Loi.

15 Il semble que l'inclusion des contrats de location avec option d'achat au sous‑al. 2(1)b)(ii) ait été une tentative explicite, de la part des commissaires qui ont rédigé la Conditional Sales Act uniforme, de s'assurer que les contrats de vente conditionnelle déguisés soient visés par la Loi. En rédigeant cette loi uniforme, les commissaires ont voulu annuler l'effet de décisions antérieures comme Mason c. Lindsay (1902), 4 O.L.R. 365 (C. div.), où on avait conclu que la Loi ne pouvait s'appliquer à un bail lorsque le locataire avait simplement l'option, mais non l'obligation légale, de devenir propriétaire, même si les parties avaient bien pu vouloir que le «locataire» devienne éventuellement propriétaire à l'expiration du «bail». La définition générale de l'expression «vente conditionnelle», au sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi, empêche les parties de se dérober aux conditions d'enregistrement simplement en donnant à un contrat de vente conditionnelle l'apparence d'un contrat de location.

16 Le troisième type de contrat visé par la Loi est un contrat de location avec option d'achat «véritable». Ce type de contrat n'est pas un contrat de vente conditionnelle déguisé. Les paiements du loyer sont faits exclusivement pour utiliser les objets loués et ils ne constituent pas des versements échelonnés en vue d'acquérir éventuellement les objets loués. Le prix de la levée de l'option à la fin du bail correspond à la juste valeur marchande et non à une somme symbolique.

17 Les baux en cause dans la présente affaire tombent dans la troisième catégorie qui, selon ce que la Cour d'appel à la majorité a décidé, n'est pas visée par la Loi.

18 Le libellé et l'historique de la Loi démontrent que tout bail assorti d'une option d'achat est visé par le sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi. La Loi elle‑même ne fait pas de distinction entre les options qui doivent être levées pour un montant symbolique et celles qui doivent l'être à la juste valeur marchande. Tous les baux assortis d'une option d'achat sont visés par la Loi. Cette conclusion est étayée par l'historique de la disposition législative en cause. Le texte original de l'al. 2(1)b) se lisait ainsi, notamment:

[traduction] . . . un contrat de location d'objets aux termes duquel le locataire s'engage à verser, à titre de prestation, une somme essentiellement équivalente à la valeur des objets, et aux termes duquel il est convenu que le locataire deviendra ou aura la faculté de devenir propriétaire des objets après avoir entièrement satisfait aux conditions du contrat; [Je souligne.]

(Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation in Canada (1921), 6 Proceedings of the Canadian Bar Association 338.)

Il n'a pas été retenu comme version finale parce que les commissaires ont rayé les mots soulignés, renonçant ainsi à suivre le modèle américain et confirmant qu'on voulait que la Loi s'applique à tous les contrats de location avec option d'achat et non seulement à ceux qui constituent des contrats de vente conditionnelle déguisés. Cette interprétation est étayée par le commentaire de R. C. C. Cuming dans «True Leases and Security Leases under Canadian Personal Property Security Acts» (1983), 7 Can. Bus. L.J. 251. Le professeur Cuming souligne que les rédacteurs des lois sur les ventes conditionnelles devaient relever le défi de qualifier les baux. Ils ont inclus dans ces lois une [traduction] «description détaillée des contrats de location qui devaient être traités comme des contrats de vente conditionnelle pour les fins de ces lois» (p. 259). Il explique ainsi l'effet du sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi, à la p. 260:

[traduction] Par conséquent, tous les baux assortis d'une option d'achat étaient réputés constituer des contrats de vente conditionnelle. Tous les baux sans option et sans disposition prévoyant l'attribution du droit de propriété au locataire ne relevaient pas de la Loi.

Il est clair que les rédacteurs de ces lois n'adoptaient pas une méthode purement conceptuelle pour déterminer quels types de baux seraient régis par les lois sur les ventes conditionnelles. Un bail aux termes duquel le locataire, sans plus, devient propriétaire des biens meubles après avoir satisfait aux conditions du contrat est, sans l'ombre d'un doute, reconnu universellement comme étant un contrat de vente. Mais la définition vise aussi tous les baux comportant des clauses d'option d'achat, mêmes ceux aux termes desquels l'option d'achat comporte le versement d'une somme d'argent au moins égale à la valeur marchande des objets en cause. Il n'y a rien dans la notion de dépôt (bailment) en common law ou dans les pratiques commerciales qui permette de conclure que tous les baux assortis d'une option d'achat devraient être traités comme des contrats de vente à tempérament. On peut supposer que la définition visait principalement à garantir que certains baux parmi les plus courants soient enregistrés dans un registre central.

Le professeur Cuming souligne avec justesse que la Loi n'établissait pas de distinction fondée sur un critère de «réalité économique». Autrement dit, la seule présence d'une option d'achat dans un bail était concluante: tout bail assorti d'une option d'achat serait visé par la définition de «vente conditionnelle» même si, économiquement, il constituait simplement un contrat de location. Par conséquent, la Loi s'applique à tous les contrats de location avec option d'achat, y compris les contrats qui prévoient que l'option devra être levée à la juste valeur marchande.

Option d'achat à la juste valeur marchande

19 La jurisprudence canadienne appuie la conclusion que la Loi s'applique aux baux dont il est question en l'espèce. Dans l'arrêt Ramsey c. Pioneer Machinery Co. (1981), 37 C.B.R. (N.S.) 193 (C.A. Alb.), le failli avait signé simultanément, à l'égard d'un certain matériel, un bail et un contrat d'option qui ne furent pas enregistrés conformément à la Conditional Sales Act. (La Loi albertaine n'est pas formulée de la même manière que la Loi de la Nouvelle‑Écosse, mais le sens et l'effet de ces lois sont les mêmes). L'option prévoyait que si le locataire satisfaisait aux conditions du bail, il lui serait loisible de continuer à louer le matériel ou de l'acheter pour la somme de 9 000 $ qui correspondait à la juste valeur marchande prévue du matériel à l'expiration du bail.

20 Le juge Stevenson a reconnu non seulement que la Loi pouvait viser divers types de contrats, notamment le contrat typique de vente conditionnelle qui oblige l'acquéreur à acheter, mais qu'elle pouvait aussi viser les contrats de location avec option d'achat qui sont souvent des contrats de vente conditionnelle déguisés. Il a toutefois conclu que le contrat de location avec option d'achat en cause n'était pas un contrat de vente conditionnelle déguisé puisque les parties ne voulaient pas nécessairement que l'option soit levée. Il a jugé que la Loi s'appliquait même si on ne voulait pas que le locataire soit tenu d'acheter le matériel aux termes du contrat de location avec option d'achat. La Loi n'excluait pas le bail aux termes duquel le locataire avait le pouvoir d'acquérir le droit de propriété; elle n'excluait que les baux véritables. On a ainsi conclu que la Loi visait un contrat de location avec option d'achat pouvant être levée à la juste valeur marchande. En définitive, le bailleur a perdu son droit de priorité pour avoir omis d'enregistrer le contrat.

21 La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a adopté un point de vue semblable dans l'arrêt Re Nishi Industries (1978), 28 C.B.R. (N.S.) 261. Dans cette affaire, l'appelante (Canadian Acceptance Corporation) avait loué deux chariots élévateurs à Nishi Industries. Les baux comportaient le droit d'acheter le matériel à sa juste valeur marchande à l'expiration du bail. Cette juste valeur marchande ne pouvait représenter moins que 25 pour 100 du prix d'achat initial des chariots élévateurs payé par le bailleur. Par conséquent, Nishi avait l'option de devenir propriétaire des chariots après en avoir payé la juste valeur marchande qui, s'attendait‑on, représenterait une importante somme d'argent. La Cour d'appel a reconnu que la définition générale de l'expression «vente conditionnelle» suffit à convertir un bail relatif à un bien meuble en un contrat de vente conditionnelle. Le contrat de location avec option d'achat était visé par la Loi pourvu que le locataire ait l'option de devenir propriétaire. Dans Re Nishi, on a conclu que le locataire avait l'option de devenir propriétaire après avoir signé le bail. Par conséquent, il s'agissait d'un contrat de vente conditionnelle même si l'option devait être levée à la juste valeur marchande. L'appelante a perdu le droit de reprendre possession des chariots parce qu'elle avait omis d'enregistrer les contrats.

22 À mon avis, ces décisions sont bien fondées et amènent à conclure qu'on a voulu que la Loi englobe tous les contrats de location qui confèrent au locataire l'option de devenir propriétaire des objets loués. La Loi s'applique non seulement aux options qui doivent être levées pour une somme symbolique, mais aussi aux options qui doivent être levées à la juste valeur marchande des objets loués. En l'espèce, les baux tombent sous le coup du sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi, pourvu que l'option, à l'article 32, soit véritablement une «option».

Options et droits de préemption

23 Le sens d'une option d'achat a été examiné dans l'arrêt Canadian Long Island Petroleums Ltd. c. Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd., [1975] 2 R.C.S. 715, motifs du juge Martland, aux pp. 731 et 732:

Une option, lorsqu'elle est accordée, donne à l'optant le droit, qu'il peut exercer à l'avenir, d'obliger l'optionnaire à lui céder les biens qui font l'objet de l'option. . . .

En d'autres mots, la nature d'une option d'achat est de donner à l'optant, après que l'option a été accordée, le privilège d'exiger qu'on lui transfère la propriété si certains faits, dont il a seul le contrôle, se produisent.

Dans cette affaire, on a conclu que la convention en question avait créé un droit de préemption et non une option d'achat. La différence entre une option et un droit de préemption tient à ce qu'une option confère à son titulaire le droit unilatéral de lever l'option et d'obliger ainsi le donneur de l'option à lui vendre l'objet visé par l'option à des conditions préétablies. Un droit de préemption, ou droit de premier refus, ne donne pas à son titulaire le pouvoir unilatéral de contraindre celui qui lui a conféré ce droit à vendre le bien en question. Au contraire, celui qui confère le droit n'a que le pouvoir de décider de faire ou non une offre. Ce n'est qu'à ce moment que le titulaire du droit (ou locataire) a la possibilité d'acheter le bien. Un droit de premier refus est un engagement de la part de celui qui le confère à donner en premier au titulaire du droit l'occasion d'acheter s'il décide de vendre.

24 L'article 32 ne confère ni un droit de premier refus, ni un droit de préemption. L'intimée n'avait pas le droit de décider si elle allait ou non donner en premier à Pegasus l'occasion d'acquérir les hélicoptères. C'est à Pegasus que revenait le droit, aux termes des baux, de décider si elle voulait acquérir les hélicoptères. Elle seule était en mesure de forcer la vente des hélicoptères. Comme l'a dit le juge en chambre, les termes de l'article 32 donnaient au locataire, à la signature des baux, le droit unilatéral de forcer le bailleur à vendre. En toute déférence, je ne puis souscrire à la conclusion de la Cour d'appel selon laquelle l'article 32 ne conférait qu'un droit de préemption.

25 L'intimée a fait valoir que le texte de l'article 32 est tel que le locataire paraît obligé de «lever» son option deux fois: d'abord lorsqu'il donne avis au moins 120 jours avant l'expiration ou la reconduction du bail, et de nouveau, après que l'intimée a procédé à l'évaluation des hélicoptères. Comme une option est destinée à accorder un délai exclusif pour accepter une offre précise, le processus à deux étapes, fait‑on valoir, ne peut à première vue être qualifié d'option. Je ne suis pas de cet avis.

26 Dans le document intitulé «Options, Rights of Repurchase and Rights of First Refusal as Contracts and as Interests in Land» (1991), 70 R. du B. can. 1, à la p. 3, Paul M. Perell énumère les trois principales caractéristiques d'une option, lesquelles sont toutes présentes à l'article 32:

1.exclusivité et irrévocabilité de l'offre de vente dans le délai fixé dans l'option;

2.spécification de la façon dont le contrat de vente peut être créé par le titulaire de l'option;

3.obligation des parties de conclure un contrat de vente si l'option est levée.

27 Un contrat d'option est un avant-contrat parce qu'il précède le contrat d'achat‑vente qui résultera si l'occasion accordée par l'option est «saisie». Une fois l'option levée, les parties remplissent leurs obligations en vertu du contrat d'option en concluant le contrat d'achat‑vente. La levée d'une option est le choix d'acquérir un bien aux conditions établies dans le contrat d'option, et équivaut à l'acceptation de l'offre irrévocable faite dans l'option. La même option ne peut être levée deux fois. La levée de l'option doit signifier l'acceptation de l'offre. Cette acceptation doit être inconditionnelle, ne doit être faite qu'une fois et doit être conforme aux conditions de l'option.

Qualification de l'option à l'article 32

28 La levée d'une option doit mener à un contrat d'achat‑vente ayant force obligatoire. Le mécanisme de conversion d'une option d'achat en un contrat d'achat‑vente a été décrit par lord Diplock dans l'arrêt Sudbrook Trading Estate Ltd. c. Eggleton, [1983] 1 A.C. 444 (H.L.), aux pp. 476 et 477:

[traduction] La clause d'option ne saurait être qualifiée de simple «engagement à conclure un accord.» Il ne reste aucune condition sur laquelle les parties doivent s'entendre. En langage moderne, elle doit être qualifiée de contrat unilatéral ou conditionnel. Bien qu'elle crée, dès le départ, pour les locataires un droit qu'ils pourront, sans y être obligés, opposer aux bailleurs à une date ultérieure, elle ne donne naissance à aucune obligation légale pour ni l'une ni l'autre des parties tant et aussi longtemps que les locataires n'avisent pas par écrit les bailleurs, dans le délai imparti, de leur désir d'acheter la réversion de propriétaire franc relative au bail. Cette notification change toutefois le contrat conditionnel en un contrat synallagmatique ou bilatéral qui crée des droits et des obligations juridiques réciproques entre les bailleurs et les locataires.

Dans l'affaire Sudbrook Trading, la «notification» était tout ce qui était requis pour lever l'option. Une fois l'option levée, aucun autre avis ou consentement n'était nécessaire puisqu'un contrat d'achat‑vente pleinement exécutoire était créé. Pour faire une analogie avec la présente affaire, un contrat d'achat‑vente exécutoire aurait été conclu dès la levée de l'option par le locataire (c'est‑à‑dire dès l'acceptation de l'offre) dans les 30 jours après que le bailleur eut procédé à l'évaluation des hélicoptères requise par l'article 32. La notification initiale au moins 120 jours avant l'expiration ou la reconduction du bail ne pouvait pas être qualifiée de «levée» de l'option, quel que soit le texte de l'article 32 lui‑même. Si Pegasus voulait lever son option, elle ne pouvait le faire qu'après que l'intimée eut évalué la «juste valeur marchande raisonnable» des hélicoptères. Ainsi, la notification initiale et l'évaluation des hélicoptères sont des conditions préalables à la levée de l'option. L'option ne pouvait être levée que par l'expression par le locataire de son consentement écrit à l'évaluation faite par le bailleur conformément à l'article 32.

29 Cette conclusion est compatible avec des arrêts antérieurs de notre Cour. Dans l'arrêt Roots c. Carey (1914), 49 R.C.S. 211, le juge Duff a expliqué que pour être efficace, l'acceptation d'une offre dans une option (c.‑à‑d. la levée d'une option) doit être une acceptation inconditionnelle en ce sens que le bénéficiaire de l'offre doit faire part de son [traduction] «intention actuelle» de conclure un contrat avec l'auteur de l'offre, aux conditions de l'offre. En l'espèce, la notification initiale ne pouvait constituer une acceptation de l'offre parce qu'en l'effectuant, le locataire ne concluait pas un contrat d'achat‑vente ayant force obligatoire. Une simple indication qu'on peut être prêt à accepter l'offre, qui n'est pas une acceptation inconditionnelle d'une offre, ne peut constituer la levée d'une option entraînant la création d'un contrat d'achat‑vente ayant force obligatoire (Shackleton c. Hayes, [1954] 4 D.L.R. 81 (C.S.C.), à la p. 90, le juge Cartwright). Tout ce que le locataire ferait en procédant à la notification initiale serait d'exprimer un intérêt à acheter les hélicoptères. Cela ne peut constituer une acceptation ni, par conséquent, une «levée» de l'option.

Conditions préalables à la levée de l'option

30 L'article 32 est une option d'achat assujettie à trois conditions préalables. Premièrement, pour être en mesure de lever son option, le locataire doit avoir satisfait à toutes ses obligations en vertu du bail. Deuxièmement, il doit aviser par écrit le bailleur au moins 120 jours avant l'expiration ou la reconduction du bail. Troisièmement, le bailleur a, dès lors, l'obligation de procéder à une évaluation de l'hélicoptère afin d'en déterminer la juste valeur marchande raisonnable. Il ne s'agit pas d'une offre que le bailleur doit faire au locataire. Il s'agit d'une obligation contractuelle, assumée par le bailleur, de déterminer la juste valeur marchande raisonnable de l'hélicoptère au moment de l'avis initial donné par le locataire. Ces trois conditions sont simplement des conditions préalables à la levée de l'option; ce ne sont pas des conditions préalables à l'option elle‑même (Re Nishi, précité, à la p. 264).

31 Les parties avaient déjà convenu que le prix de la levée de l'option serait la «juste valeur marchande raisonnable» des hélicoptères. Ce prix n'est pas incertain. Il n'est pas sujet à d'autres négociations; il ne s'agit pas d'un «engagement à conclure un accord». Ce prix a été fixé à la juste valeur marchande raisonnable. Comme la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique l'a souligné dans Re Nishi, une option d'achat à la «juste valeur marchande» est exécutoire. Il ne s'agit pas d'une situation où il reste encore à s'entendre sur le prix ou une autre condition importante de l'option. Le droit reconnaît que les conventions d'achat futur d'une propriété à un «prix raisonnable» ou à sa «juste valeur marchande» sont valides et exécutoires.

32 Dans l'affaire Talbot c. Talbot, [1968] 1 Ch. 1 (C.A.), un testateur avait donné à deux de ses fils l'option d'acheter [traduction] «selon une évaluation raisonnable» la ferme où ils vivaient ensemble. Le testament ne comportait aucune clause prescrivant le mode d'évaluation. Cependant, la cour a décidé de procéder elle‑même à l'évaluation et d'ordonner la tenue d'une enquête spéciale en vue de déterminer ce qui constituait un prix raisonnable pour la ferme. Une option d'achat selon une «évaluation équitable» ou à un «juste prix» est une option que les tribunaux appliqueront. De même, dans l'arrêt Sudbrook Trading, précité, la Chambre des lords a conclu qu'une option, dans un bail, de vendre un terrain à un prix devant être fixé par des évaluateurs était exécutoire, et que les droits du locataire ne pouvaient être contrecarrés par le refus du bailleur de nommer un évaluateur. La Chambre des lords a interprété cette option comme une option de vente à la juste valeur marchande; la cour pouvait elle‑même ordonner l'établissement de la juste valeur marchande et l'exécution intégrale du contrat. Une convention de vente à la juste valeur marchande est valide et exécutoire. La Cour d'appel à la majorité a reconnu le caractère exécutoire des options d'achat à la juste valeur marchande dans l'arrêt Empress Towers Ltd. c. Bank of Nova Scotia (1990), 73 D.L.R. (4th) 400 (C.A.C.-B.). Il était question, dans cette affaire, d'un bail commercial assorti d'une option de reconduction. Dans ses motifs, le juge Lambert a dit que si une convention prévoit que le locataire peut reconduire le bail au taux du marché en vigueur au début de la période de reconduction, cette convention est exécutoire. Le taux du marché peut être déterminé au moyen d'une évaluation et, si cela est nécessaire, un tribunal peut déterminer les taux qui ont cours sur le marché, puisqu'il s'agit d'une question objective qui peut être appréciée. Une option qui doit être levée à la «juste valeur marchande» est valide et exécutoire.

33 Le devoir d'agir de bonne foi dans le respect des conditions préalables stipulées a été reconnu dans l'arrêt Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd., [1978] 2 R.C.S. 1072. Le juge Dickson (plus tard juge en chef) a souligné, au nom de la Cour, que l'existence d'une condition préalable n'empêche pas nécessairement l'existence d'une convention obligatoire. Certaines obligations qui doivent être remplies aux termes du contrat peuvent être assujetties à la réalisation de la condition préalable. Par conséquent, les obligations sont considérées «en suspens» jusqu'à ce que se produise l'événement qui constitue la condition préalable. Selon ce raisonnement, le droit du locataire de lever son option serait considéré «en suspens» jusqu'à ce que le bailleur procède régulièrement à son évaluation.

34 Dans l'arrêt Dynamic Transport, précité, le juge Dickson a aussi reconnu que, dans des circonstances appropriées, les tribunaux vont conclure à la promesse implicite d'une partie de prendre des mesures pour que se produise l'événement qui constitue la condition préalable. Cela concernerait la partie à qui incombe l'obligation de faire son possible pour remplir la condition préalable. En l'espèce, le bailleur aurait l'obligation d'agir de bonne foi en prenant tous les moyens raisonnables pour compléter l'évaluation de manière à permettre la levée de l'option si le locataire le veut. En vertu de l'article 32, le bailleur n'est manifestement pas en mesure de faire toute offre qu'il peut juger appropriée. Il a l'obligation contractuelle d'agir de bonne foi en établissant la juste valeur marchande raisonnable des hélicoptères, qui constitue le prix de la levée de l'option sur lequel les parties s'étaient initialement entendues. Vu qu'il confère au locataire le droit unilatéral de forcer le bailleur à vendre les hélicoptères à leur juste valeur marchande raisonnable, l'article 32 constitue une option. Le fait que l'exercice de ce droit soit assujetti à des conditions préalables n'en change pas pour autant la nature.

35 Chacun des baux en l'espèce comporte une option d'achat à la juste valeur marchande. Les baux sont visés par le sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi. L'intimée a omis d'enregistrer ces baux conformément à la Loi et, partant, la stipulation voulant qu'elle conserve son titre de propriété n'est pas opposable aux appelantes.

36 Le pourvoi est accueilli avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelantes: Metcalf & Company, Halifax.

Procureurs de l'intimée: McInnes Cooper & Robertson, Halifax.


Synthèse
Référence neutre : [1995] 2 R.C.S. 187 ?
Date de la décision : 04/05/1995
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Ventes conditionnelles - Baux - Options d'achat - Locataire ayant l'option d'acheter des hélicoptères à leur juste valeur marchande raisonnable à l'expiration du bail - Baux non enregistrés en vertu de la Conditional Sales Act - Séquestre des biens nommé par le créancier garanti après que le locataire eut manqué à ses engagements aux termes d'un prêt - Bailleur réclamant le droit de reprendre possession des hélicoptères conformément aux baux - Les baux étaient‑ils des contrats de vente conditionnelle? - Les baux devaient‑ils être enregistrés en vertu de la Loi? - Conditional Sales Act, R.S.N.S. 1989, ch. 84, art. 2(1)b)(ii).

Pegasus avait loué deux hélicoptères de Mitsui aux termes de deux contrats de location. Ces baux lui conféraient l'option d'acheter les hélicoptères à leur juste valeur marchande raisonnable à l'expiration du bail ou de sa reconduction si elle avait rempli toutes ses obligations de locataire. Pour lever l'option, il lui fallait donner au bailleur une notification écrite d'au moins 120 jours puis, dans les 30 jours de cette notification, exprimer son accord avec le prix à la juste valeur marchande raisonnable établi par le bailleur. Les baux n'ont pas été enregistrés en vertu de la Conditional Sales Act. Aux termes du sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi, l'expression «vente conditionnelle» désigne «un contrat de location d'objets aux termes duquel il est convenu que le locataire deviendra ou aura la faculté de devenir propriétaire des objets après avoir entièrement satisfait aux conditions du contrat». Lorsque Pegasus a manqué à ses engagements aux termes de prêts bancaires garantis par une débenture à charge fixe et flottante, la banque a nommé un séquestre de ses biens. Mitsui, qui voulait obtenir la priorité de rang, a présenté une demande de jugement déclarant que les baux n'étaient pas des contrats de vente conditionnelle et que, conformément à leurs dispositions, elle avait le droit de reprendre possession des hélicoptères. Le juge en chambre a conclu que les baux étaient des contrats de vente conditionnelle qui devaient être enregistrés en vertu de la Conditional Sales Act et il a rejeté la demande. Dans un arrêt majoritaire, la Cour d'appel a infirmé cette décision.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Tous les baux assortis d'une option d'achat sont visés par le sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Conditional Sales Act. La Loi s'applique non seulement aux options qui doivent être levées pour une somme symbolique, mais aussi aux options qui doivent être levées à la juste valeur marchande des objets loués. En l'espèce, les baux tombent sous le coup du sous‑al. 2(1)b)(ii) de la Loi, pourvu que l'option d'achat qu'ils comportent soit véritablement une «option». Une option d'achat n'est ni un droit de préemption ni un droit de premier refus. Les termes de l'article donnaient au locataire, à la signature des baux, le droit unilatéral de forcer le bailleur à vendre. Le processus à deux étapes aux termes duquel le locataire doit donner avis au moins 120 jours avant l'expiration ou la reconduction du bail, et de nouveau, après que le bailleur a procédé à l'évaluation des hélicoptères peut être qualifié d'option. La notification initiale et l'évaluation des hélicoptères sont des conditions préalables à la levée de l'option. L'option ne pouvait être levée que par l'expression par le locataire de son consentement écrit à l'évaluation faite par le bailleur conformément à l'article en question.

Les conditions énoncées dans la clause d'option d'achat sont simplement des conditions préalables à la levée de l'option, et non des conditions préalables à l'option elle‑même. Les parties avaient déjà convenu que le prix de la levée de l'option serait la «juste valeur marchande raisonnable» des hélicoptères, lequel prix n'est pas incertain. Ce prix n'est pas sujet à d'autres négociations et il ne s'agit pas d'un «engagement à conclure un accord». Le droit reconnaît que les conventions d'achat futur d'une propriété à un «prix raisonnable» ou à sa «juste valeur marchande» sont valides et exécutoires. Dans des circonstances appropriées, les tribunaux vont conclure à la promesse implicite d'une partie de prendre des mesures pour que se produise l'événement qui constitue la condition préalable. En l'espèce, le bailleur aurait l'obligation d'agir de bonne foi en prenant tous les moyens raisonnables pour compléter l'évaluation de manière à permettre la levée de l'option si le locataire le veut.

Chacun des baux en l'espèce comporte une option d'achat à la juste valeur marchande et est visé par la Conditional Sales Act. Puisque le bailleur a omis d'enregistrer ces baux conformément à la Loi, la stipulation voulant qu'il conserve son titre de propriété n'est pas opposable aux appelantes.


Parties
Demandeurs : Mitsui & Co. (Canada) Ltd.
Défendeurs : Banque Royale du Canada

Références :

Jurisprudence
Arrêts approuvés: Ramsey c. Pioneer Machinery Co. (1981), 37 C.B.R. (N.S.) 193
Re Nishi Industries (1978), 28 C.B.R. (N.S.) 261
arrêts mentionnés: Mason c. Lindsay (1902), 4 O.L.R. 365
Canadian Long Island Petroleums Ltd. c. Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd., [1975] 2 R.C.S. 715
Sudbrook Trading Estate Ltd. c. Eggleton, [1983] 1 A.C. 444
Roots c. Carey (1914), 49 R.C.S. 211
Shackleton c. Hayes, [1954] 4 D.L.R. 81
Talbot c. Talbot, [1968] 1 Ch. 1
Empress Towers Ltd. c. Bank of Nova Scotia (1990), 73 D.L.R. (4th) 400
Dynamic Transport Ltd. c. O.K. Detailing Ltd., [1978] 2 R.C.S. 1072.
Lois et règlements cités
Conditional Sales Act, R.S.N.S. 1989, ch. 84, art. 2(1)b)(ii).
Instalment Payment Contracts Act, R.S.N.S. 1989, ch. 230.
Doctrine citée
Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation in Canada (1921), 6 Proceedings of the Canadian Bar Association 338.
Cuming, R. C. C. «True Leases and Security Leases under Canadian Personal Property Security Acts» (1983), 7 Can. Bus. L.J. 251.
La Forest, G. V. «Filing under the Conditional Sales Act: Is It Notice to Subsequent Purchasers?» (1958), 36 R. du B. can. 387.
Perell, Paul M. «Options, Rights of Repurchase and Rights of First Refusal as Contracts and as Interests in Land» (1991), 70 R. du B. can. 1.
Ziegel, Jacob S. «Uniformity of Legislation in Canada: The Conditional Sales Experience» (1961), 39 R. du B. can. 165.

Proposition de citation de la décision: Mitsui & Co. (Canada) Ltd. c. Banque Royale du Canada, [1995] 2 R.C.S. 187 (4 mai 1995)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1995-05-04;.1995..2.r.c.s..187 ?
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