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03/10/1996 | CANADA | N°[1996]_3_R.C.S._362

Canada | R. c. G. (R.M.), [1996] 3 R.C.S. 362 (3 octobre 1996)


R. c. G. (R.M.), [1996] 3 R.C.S. 362

R.M.G. Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. G. (R.M.)

No du greffe: 24709.

1996: 20 juin; 1996: 3 octobre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (1995), 57 B.C.A.C. 81, 94 W.A.C. 81, qui a rejeté l’appel d’une déclaration de culpabilité p

rononcée par le juge Dohm siégeant avec jury. Pourvoi accueilli, les juges L’Heureux‑Dubé et Gonthier sont dissidents.

David M...

R. c. G. (R.M.), [1996] 3 R.C.S. 362

R.M.G. Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. G. (R.M.)

No du greffe: 24709.

1996: 20 juin; 1996: 3 octobre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (1995), 57 B.C.A.C. 81, 94 W.A.C. 81, qui a rejeté l’appel d’une déclaration de culpabilité prononcée par le juge Dohm siégeant avec jury. Pourvoi accueilli, les juges L’Heureux‑Dubé et Gonthier sont dissidents.

David M. Rosenberg, pour l’appelant.

Robert A. Mulligan, pour l’intimée.

//Le juge Cory//

Version française du jugement du juge en chef Lamer et des juges La Forest, Sopinka, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major rendu par

1 Le juge Cory — Quelles directives le juge du procès devrait‑il donner au jury quand ce dernier fait savoir qu’il est dans l’impasse? C’est la question importante et primordiale à laquelle il faut répondre en l’espèce.

Les faits

2 L’appelant a été accusé d’avoir, entre avril 1991 et novembre 1992, agressé sexuellement sa belle‑fille alors âgée de 12 ans. La plaignante a témoigné que, durant cette période, elle avait subi plusieurs attouchements et qu’elle avait été forcée, à quatre ou cinq reprises, d’avoir des relations sexuelles. Elle a été examinée par un médecin neuf jours après le dernier épisode. Dans son témoignage, le médecin a affirmé qu’il y avait diminution importante de l’hymen de la plaignante, ce qui indiquait fortement qu’il y avait eu pénétration vaginale à maintes reprises. Il n’a relevé aucune trace d’actes de violence, telle que des contusions ou des écorchures, mais il a cependant affirmé qu’il se pouvait que toute marque laissée par une agression violente ait disparu dans l’intervalle. La défense fait valoir que la situation observée par le médecin pouvait être due à des expériences sexuelles précoces et qu’elle ne résultait pas d’agressions sexuelles.

3 Certains témoignages ont indiqué que la plaignante croyait qu’elle était confinée dans un environnement trop strict, et qu’elle souhaitait aller vivre avec son père biologique. Pour sa défense, l’appelant a soutenu que la plaignante avait inventé ou imaginé les épisodes d’agression sexuelle dans le but de s’échapper de ce qu’elle considérait comme un foyer décevant. De même, on a soumis en preuve un alibi indiquant que l’appelant était absent lorsque certains épisodes en question seraient survenus.

4 Au cours de son exposé au jury, le juge du procès a indiqué que l’existence d’une agression sexuelle avait été établie et que la seule question que le jury avait à trancher était de savoir si l’appelant en était l’auteur. L’avocat de la défense s’est opposé à cette directive. Le juge du procès a fait droit à cette opposition et a fait un nouvel exposé aux jurés, dans lequel il leur a dit qu’ils devaient déterminer si une agression sexuelle avait effectivement été commise.

5 Une fois le nouvel exposé terminé, les jurés ont commencé leurs délibérations vers 14 h 20. Sauf pour le temps du souper, ils ont délibéré sans arrêt jusqu’à 21 h 15 ce soir‑là. Le matin suivant, les jurés ont recommencé à délibérer à 9 h 15, mais peu avant 10 h, ils ont fait parvenir au juge du procès un message indiquant qu’ils étaient dans l’impasse. Le juge du procès a rappelé les jurés et les a pressés de tenir compte des dépenses de fonds publics qui seraient occasionnées par un nouveau procès, des inconvénients qui seraient causés à tous les participants, des difficultés qui en résulteraient pour l’accusé et la plaignante, et a laissé entendre que les jurés minoritaires pourraient vouloir réexaminer les propos des jurés majoritaires. Seulement 15 minutes plus tard, les jurés rendaient un verdict de culpabilité. L’appel interjeté devant la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a été rejeté à l’unanimité.

Juridiction inférieure

Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (le juge en chef McEachern, au nom de la cour) (1995), 57 B.C.A.C. 81, 94 W.A.C. 81

6 Le juge McEachern était d’accord avec l’avocat de l’appelant pour dire que le juge du procès avait omis, dans son premier exposé au jury, de résumer adéquatement la position de la défense selon laquelle la plaignante avait fabriqué sa preuve et n’avait pas été agressée. Il était d’avis, au par. 10, qu’il y avait au moins [traduction] «quelque motif discutable à l’appui du point de vue de la défense selon lequel on n’avait prouvé l’existence d’aucune agression sexuelle». Selon lui, au par. 13, cette erreur avait pour effet de situer l’affaire [traduction] «à la limite». Il a toutefois conclu que, dans son nouvel exposé, le juge du procès avait donné au jury des directives justes et convenables sur la question, de sorte que cette erreur ne justifiait pas la tenue d’un nouveau procès.

7 Le juge McEachern a ensuite examiné l’exhortation. Il y a relevé de nombreux passages qui avaient déjà été désapprouvés par les tribunaux, dont la mention que les jurés devraient tenir compte des dépenses de fonds publics qui seraient occasionnées par un nouveau procès, l’idée qu’un verdict pourrait profiter à l’accusé et la proposition que les jurés minoritaires examinent les propos des jurés majoritaires. Il a toutefois conclu que la directive du juge du procès selon laquelle les jurés ne devaient pas manquer à leur serment et n’étaient pas tenus de se mettre d’accord était suffisante pour remédier aux vices en question. Il a exprimé l’opinion que, dans son ensemble, l’exhortation n’était pas défavorable à l’appelant et qu’elle n’aurait pas non plus contraint des jurés à rendre un verdict incorrect. Essentiellement, il était d’avis que, même si l’exhortation comportait des erreurs, elle était rachetée par le fait que le juge du procès avait rappelé aux jurés le serment qu’ils avaient prêté, et par le fait qu’il leur avait dit, à deux reprises, qu’il ne leur demandait pas de manquer à ce serment.

Analyse

Questions en litige

8 Trois questions ont été débattues dans le présent pourvoi.

1. L’exposé au jury et le nouvel exposé qui a suivi ont‑ils traité adéquatement la thèse de la défense?

2. L’exhortation adressée au jury était‑elle répréhensible ou incorrecte?

3. La Cour d’appel a‑t‑elle commis une erreur quant à la norme appliquée pour annuler le verdict?

Le défaut de résumer la position de la défense

9 Lorsqu’il donne des directives au jury, il est essentiel que le juge du procès résume la thèse ou la position de la défense et qu’il mentionne les éléments essentiels qui influent sur cette défense de façon à permettre au jury de bien apprécier la preuve. Voir les arrêts Azoulay c. The Queen, [1952] 2 R.C.S. 495; Colpitts c. The Queen, [1965] R.C.S. 739. Dans son premier exposé au jury, le juge du procès a très nettement écarté l’argument de la défense selon lequel la plaignante n’avait absolument pas été agressée sexuellement et avait inventé toute l’histoire. Il a tenu pour acquis qu’il y avait eu agression sexuelle et n’a laissé au jury que le soin de décider si l’agresseur était l’appelant ou une autre personne inconnue. À l’instar du juge en chef McEachern, je suis d’avis que cette erreur aurait pu être fatale si elle n’avait pas été bien corrigée dans le nouvel exposé.

10 La méthode que les cours d’appel devraient adopter en examinant un nouvel exposé a récemment été exposée dans R. c. Brydon, [1995] 4 R.C.S. 253, où le juge en chef Lamer a affirmé, au nom de la Cour, à la p. 266, que le critère d’examen doit être de savoir s’«il existe une possibilité raisonnable que [la] directive erronée du juge du procès [. . .] ait induit le jury en erreur». Dans le nouvel exposé qu’il a fait en l’espèce, le juge du procès a clairement dit aux jurés que, bien que ses observations antérieures n’aient été qu’une suggestion de sa part, il avait eu tort de présenter la question de cette façon. Il a expressément demandé aux jurés de ne pas tenir compte de son affirmation antérieure que l’existence d’une agression sexuelle avait été établie et il leur a dit qu’il leur appartenait de déterminer si une agression sexuelle avait été commise. Les jurés auraient donc compris qu’ils devaient d’abord décider s’il y avait eu agression sexuelle et qu’ils auraient ensuite à déterminer si le ministère public les avait convaincus que l’appelant était responsable de cette agression, seulement s’ils étaient persuadés qu’elle avait été commise. Le nouvel exposé était, quant à moi, suffisant pour corriger l’erreur commise dans le premier exposé. Il s’ensuit que ce moyen d’appel ne peut être retenu.

L’exhortation adressée au jury en l’espèce et l’opposition qu’elle a soulevée

11 Lorsque les jurés ont informé le juge du procès qu’ils étaient dans l’impasse, celui‑ci a formulé les directives et l’exhortation suivantes:

[traduction] Tous ces procès sont très exigeants tant pour les avocats que pour le juge. Ce sont des choses sérieuses. Ils sont sérieux pour tous les gens concernés, y compris, et non le moindre, l’accusé.

La tenue de ces procès coûte cher. Ce n’est pas un élément particulièrement important pour tenter d’en arriver à une décision dans la présente affaire, mais c’est un facteur que vous pouvez prendre en considération.

Qui plus est, selon toute probabilité, si vous êtes incapables de parvenir à un verdict, il y aura un autre procès. Cela ne dépend pas de moi. Cela relève du ministère public, et peut‑être pas de Me McKimm [le substitut du procureur général] non plus. Mais il y aurait vraisemblablement un autre procès.

Le cas échéant, il faudra tout reprendre avec l’accusé et les témoins, y compris, et non au moindre titre, la jeune femme. Il ne sera facile pour personne de devoir refaire ce que nous avons fait depuis lundi de cette semaine.

Vous, les membres du jury, êtes autant en mesure de rendre un verdict, en l’espèce, que douze autres personnes qui entendraient l’affaire.

Vous avez prêté serment lorsque vous avez assumé vos fonctions dans la présente affaire, et je ne vous demande absolument pas de manquer à ce serment, mais il se pourrait que ceux d’entre vous qui sont minoritaires veuillent réexaminer les propos des jurés majoritaires. Mais, là encore, je vous rappelle — et j’insiste là‑dessus — que je ne vous demande pas de manquer à votre serment. Il y a des circonstances où douze personnes sont incapables de décider. Il se peut que ce soit le cas ici. Vous n’en serez pas dénigrés pour autant.

12 L’avocat de l’appelant prétend que les trois erreurs suivantes ont été commises dans ces directives. Premièrement, il y a la mention incorrecte et inutile des dépenses et des inconvénients pour le public. Deuxièmement, il y a la mention de l’avantage d’un verdict pour tous, y compris l’accusé. La dernière erreur, mais certainement pas la moindre, est celle que le juge du procès a commise en proposant que les jurés minoritaires réexaminent les propos des jurés majoritaires, sans mentionner que ces derniers pourraient également examiner ce que les jurés minoritaires avançaient.

L’importance du système du jury au Canada

13 Le système du jury est clairement un facteur important dans bien des régimes démocratiques. Cela est nettement le cas au Canada. Il est extrêmement important pour notre société démocratique que les jurés, en tant que représentants de leur collectivité, puissent décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé en se fondant uniquement sur la preuve qui leur a été présentée. La tradition des jurys prononçant des verdicts équitables et courageux est vieille de plusieurs siècles. Cette tradition s’est enracinée et a été si bien et si audacieusement maintenue qu’elle s’est épanouie ici dans notre pays. Nos tribunaux ont, à très juste titre, insisté sur l’importance des verdicts rendus par un jury et sur la retenue dont il faut faire preuve à l’égard de ces décisions. Aujourd’hui, comme par le passé, elles font l’objet d’une grande confiance. Je crois que cela découle de la conscience du public que 12 membres de la collectivité ont travaillé ensemble en vue de rendre un verdict unanime.

14 Pour parvenir à un verdict, les jurés s’en remettent à la sagesse du prophète Isaïe, dont le plaidoyer en faveur d’une façon raisonnée de régler les problèmes a traversé les âges dans cette formule touchante et mémorable: «Venez donc et discutons . . .»: Isaïe 1:18. Évidemment, la force et le mérite du système du jury découlent du fait que des membres de la collectivité se réunissent et raisonnent ensemble afin de parvenir à un verdict unanime. Ce système est vraiment magnifique pour rendre des décisions difficiles en matière criminelle. Il a fait ses preuves au cours des siècles et continue de le faire aujourd’hui. Cependant, ce système est fragile.

15 S’il est soumis à des pressions injustifiées ou à des distractions inutiles, le délicat processus de raisonnement peut être faussé. Le jury a pour unique tâche de parvenir à un verdict fondé exclusivement sur la preuve présentée. L’indépendance résolue des jurés peut être ébranlée et leur unanimité forcée par le juge qui leur propose de prendre en considération des facteurs non pertinents ou qui exerce sur eux une pression injustifiée. Dans ces circonstances, il se peut que le verdict ne soit plus fondé sur une façon raisonnée d’aborder la preuve. Il s’ensuit que les directives données à un jury qui paraît être dans l’impasse doivent être finement dosées et soignées. Sinon, le système du jury comme rempart de la démocratie ne sera que trop facilement renversé. On ne saurait trop insister sur l’importance des directives ou de l’exhortation adressées à un jury apparemment dans l’impasse. À ce stade du procès, les jurés sont fatigués, probablement frustrés et sûrement mécontents. Ils ont tellement donné de leur temps et ont travaillé si fort sur les questions difficiles qu’ils ont droit à des directives dosées et soignées.

La nature et le but de l’exhortation

16 Les directives données au jury, à ce stade, sont appelées l’exhortation. Selon Le Petit Robert 1 (1995), le mot «exhorter» signifie «s’efforcer par des discours persuasifs d’amener qqn à faire quelque chose». L’exhortation doit encourager les jurés à s’efforcer de rendre un verdict en raisonnant ensemble. Les jurés ont pour tâche de décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé en se fondant sur la preuve qu’ils ont entendue. Des circonstances extérieures et non pertinentes ne devraient pas intervenir dans une tâche déjà lourde de difficultés. Proposer que les membres d’un jury dans l’impasse prennent en considération des facteurs comme le coût et les inconvénients d’un nouveau procès, ou les difficultés qu’un procès inachevé causerait aux participants, ou encore qu’ils n’examinent attentivement que le point de vue de la majorité et non celui de la minorité, fait intervenir des pressions et des facteurs qui n’ont absolument rien à voir avec les fonctions de juré et qui n’ont donc pas leur place dans une exhortation.

17 Dans l’arrêt R. c. Sims, [1992] 2 R.C.S. 858, à la p. 865, le juge McLachlin a éloquemment exposé l’objet de l’exhortation au jury:

L’exhortation vise à faire comprendre aux jurés qu’il est nécessaire d’écouter les opinions exprimées par chacun d’eux et d’en tenir compte afin d’éviter qu’un désaccord naisse de perceptions de la preuve inébranlables et rigides que l’un ou l’autre d’entre eux peut avoir formées. L’exhortation ne vise pas à laisser entendre au jury qu’une opinion de la preuve peut être préférable à une autre, ni qu’il y a lieu de tirer une conclusion plutôt qu’une autre à partir de la preuve. En d’autres termes, l’exhortation est axée sur le processus de délibération qui caractérise le système du jury. Une partie essentielle de ce processus consiste à écouter les opinions d’autrui et à les prendre en considération. Il permet de changer des opinions personnelles de sorte que le verdict représente plus qu’un simple vote; il représente l’opinion réfléchie de jurés qui ont écouté les idées de chacun et les ont considérées. C’est sur ce processus que l’exhortation devrait se concentrer.

En d’autres termes, l’exhortation a pour but d’aider le jury dans ses délibérations et non pas d’influer sur le contenu de ses discussions. Ayant à l’esprit l’importance de l’exhortation, abordons la question en examinant d’abord la jurisprudence des divers pays qui se sont penchés sur ce même problème.

Revue de la jurisprudence traitant de l’exhortation au jury

18 Les juges ont toujours fortement senti le besoin d’aider, ou même, dans les premiers temps, de forcer le jury à parvenir à un verdict. Il y a des siècles, on disait aux jurés qu’ils devaient se mettre d’accord et qu’ils ne seraient pas libérés avant de l’avoir fait. Les jurés étaient séquestrés dans la salle des jurés, sans rien à manger, à boire ou pour se chauffer jusqu’à ce qu’ils parviennent à un verdict. Voir Penn and Mead’s Case (1670), 6 Howell’s State Trials 951, aux pp. 962 à 966. Cette façon dictatoriale de procéder s’est adoucie au fil des ans, peut‑être autant en raison de l’indépendance résolue des jurés que de la sensibilité croissante des juges. De nos jours, il ne fait aucun doute que toute mesure coercitive est inacceptable.

Le Royaume‑Uni

19 En Angleterre, l’expression «directive Walhein» a été utilisée, pendant de nombreuses années, pour désigner l’exhortation adressée au jury. Dans l’arrêt Walhein (1952), 36 Cr. App. R. 167, qui portait sur une accusation de complot en vue de mettre en circulation des faux billets, la Court of Criminal Appeal a approuvé la directive suivante, à la p. 168:

[traduction] Vous êtes un groupe de 12 personnes. Chacun de vous a prêté serment de rendre un verdict impartial fondé sur la preuve, mais, bien sûr, votre devoir n’est pas seulement individuel, mais collectif. Nul ne doit manquer à ce serment, mais pour pouvoir rendre un verdict collectif, le verdict de vous tous, il doit nécessairement y avoir discussion, certains compromis et certains rapprochements de points de vue conformément au serment que vous avez prêté, car cela entraîne des dépenses et des inconvénients importants pour le public lorsque les jurés ne peuvent parvenir à un accord en raison du refus d’un des leurs d’écouter les arguments des autres. C’est là tout ce que je peux dire. Si vous n’êtes pas d’accord avec l’une ou l’autre de ces personnes quant au verdict, vous devez le dire.

20 En examinant cette directive, lord Goddard a fait observer, à la p. 168, que les jurés [traduction] «peuvent discuter de la question, se ranger à l’avis de la majorité et souscrire au verdict». Cependant, cette observation a été rejetée ultérieurement pour le motif que son application pourrait avoir un effet coercitif sur un jury en faisant intervenir des facteurs non pertinents: voir Davey (1960), 45 Cr. App. R. 11; Isequilla (1974), 60 Cr. App. R. 52.

21 Par la suite, des tribunaux canadiens ont considéré que les commentaires de lord Denning dans l’arrêt Shoukatallie c. The Queen, [1962] A.C. 81 (C.P.), étaient le modèle à suivre en matière d’exhortation. Dans cet arrêt, l’accusé faisait face à une accusation de meurtre. À la page 91, lord Denning a énoncé en ces termes la façon dont l’exhortation devait être effectuée:

[traduction] [Le juge du procès] rappelle [aux jurés] qu’il est très important qu’ils se mettent d’accord, si cela est possible: que, pour ce faire, ils doivent inévitablement prendre en considération des opinions divergentes; que, si un membre se retrouve en minorité et enclin à ne pas partager l’opinion des autres, il doit examiner la question avec soin, soupeser les avantages et les inconvénients de son point de vue et se rappeler qu’il a peut‑être tort; que, si, ce faisant, il peut sincèrement en arriver à un point de vue différent et, par conséquent, à souscrire à l’opinion de la majorité, il doit le faire, mais que, s’il ne le peut pas, conformément au serment qu’il a prêté, et s’il ne peut pas rallier les autres à son point de vue, alors il a le devoir de diverger d’opinion, et, en raison de l’absence d’accord, il n’y aura pas de verdict.

Ce type de directive a été appliqué dans un certain nombre d’affaires: voir R. c. Palmer, [1970] 3 C.C.C. 402 (C.A.C.‑B.); R. c. Littlejohn (1978), 41 C.C.C. (2d) 161 (C.A. Ont.); R. c. Isaac (1979), 48 C.C.C. (2d) 481 (C.A.T.Y.); R. c. Nielsen and Stolar (1984), 16 C.C.C. (3d) 39 (C.A. Man.).

22 Cependant, la directive proposée par lord Denning dans l’arrêt Shoukatallie, précité, a été ultérieurement remplacée par la Court of Criminal Appeal d’Angleterre, dans Watson (1988), 87 Cr. App. R. 1. Cet arrêt a été rendu après l’adoption de la Criminal Justice Act 1967, 1967 (R.-U.), ch. 80. Le premier article de cette loi introduisait le concept du verdict majoritaire, mais prévoyait que le jury devrait avoir délibéré pendant au moins deux heures pour que le verdict majoritaire d’au moins 10 membres du jury puisse être accepté. Dans l’affaire Watson, la cour a insisté sur l’importance de permettre au jury de délibérer sans être soumis à aucune forme de pression. La directive Walhein a été critiquée parce qu’elle faisait intervenir des considérations extérieures comme le temps et le coût, et parce qu’on y mentionnait l’avantage que pourrait tirer l’accusé si le jury parvenait à un verdict unanime.

La Nouvelle‑Zélande

23 Dans l’arrêt R. c. Accused, [1988] 2 N.Z.L.R. 46, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande a entrepris un examen très minutieux et approfondi du droit relatif aux exhortations. Dans cette affaire, l’accusé faisait face à une accusation de viol. La cour a examiné les arrêts Shoukatallie et Watson, précités, de même que des arrêts canadiens, y compris Littlejohn, précité. La cour néo-zélandaise a alors énoncé ce qu’elle considérait comme les trois facteurs fondamentaux à prendre en considération pour produire une exhortation acceptable, à savoir: (1) les jurés ont la responsabilité d’accepter leur devoir de s’efforcer de rendre un verdict fondé sur la preuve, (2) les délibérations collectives et l’échange de points de vue sont l’essence du système du jury, et (3) nul juré ne devrait changer d’avis simplement par souci de conformité ou en raison des pressions exercées par les autres jurés.

Le Canada

24 Les tribunaux canadiens ont été également aux prises avec le problème de la directive à donner à un jury apparemment dans l’impasse. À la page 168 de l’arrêt Littlejohn, précité, le juge Martin, a fait observer au nom de la Cour d’appel de l’Ontario, que, lorsqu’il exhorte un jury, [traduction] «le juge du procès doit éviter d’utiliser un langage coercitif qui constitue un empiétement sur le droit du jury de délibérer tout à fait librement, sans subir des pressions extérieures». Il a statué, à la p. 168, que pour déterminer ce qui est coercitif et ce qui est permis, [traduction] «il faut considérer toute la suite des événements qui ont abouti à la directive attaquée».

25 Le raisonnement adopté dans Littlejohn, précité, a été suivi dans l’arrêt R. c. Alkerton (1992), 72 C.C.C. (3d) 184, confirmé par [1993] 1 R.C.S. 468. Dans cet arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario a de nouveau fait remarquer que l’exhortation ne devrait pas être de nature à tenter un juré d’abandonner sa perception sincère de la preuve, pour des considérations extérieures. La cour a souligné qu’en cas d’impasse un juré ne devrait pas être encouragé à manquer à son serment de rendre un verdict impartial fondé sur la preuve.

Les principes à dégager de cette jurisprudence

26 Selon moi, il est possible de dégager les principes suivants de cette jurisprudence. (1) Conformément à leur serment, les jurés doivent s’efforcer de rendre un verdict fondé sur la preuve qui leur a été soumise. (2) Le procès devant jury tire sa force et son mérite du fait que des membres de la collectivité raisonnent ensemble dans le but de parvenir à un verdict fondé uniquement sur la preuve. (3) De ce dernier principe découle l’importance de permettre au jury de délibérer sans être soumis à aucune forme de pression. (4) Dans le cas où un jury est apparemment dans l’impasse, toute exhortation doit éviter de faire intervenir des considérations extérieures qui n’ont rien à voir avec la tâche de parvenir à un verdict, et d’encourager un juré à abandonner sa perception sincère de la preuve, en faisant référence à des considérations extérieures ou en exerçant des pressions injustifiées. L’exhortation ne doit pas empiéter sur le droit des jurés de délibérer en toute liberté sans être influencés par des pressions extérieures. (5) Il s’ensuit qu’un juré ne doit pas être encouragé ou exhorté à changer d’avis par simple souci de conformité. (6) Aucune échéance pour parvenir à un verdict ne doit être imposée et le jury ne doit jamais être pressé de rendre son verdict.

Application de ces principes à la présente affaire

I. La mention du coût et des inconvénients pour le public

27 On se souviendra que, dans l’exhortation adressée en l’espèce, les mentions suivantes du coût pour le public ont été faites:

[traduction] Tous ces procès sont très exigeants tant pour les avocats que pour le juge. Ce sont des choses sérieuses. Ils sont sérieux pour tous les gens concernés, y compris, et non le moindre, l’accusé.

La tenue de ces procès coûte cher. Ce n’est pas un élément particulièrement important pour tenter d’en arriver à une décision dans la présente affaire, mais c’est un facteur que vous pouvez prendre en considération.

Qui plus est, selon toute probabilité, si vous êtes incapables de parvenir à un verdict, il y aura un autre procès. Cela ne dépend pas de moi. Cela relève du ministère public, et peut‑être pas de Me McKimm [le substitut du procureur général] non plus. Mais il y aurait vraisemblablement un autre procès.

28 Dans l’arrêt Watson, en désapprouvant la directive Walhein, la Court of Criminal Appeal a statué que la mention du coût et des inconvénients d’un nouveau procès avait un effet coercitif peu souhaitable et était susceptible d’inciter les jurés minoritaires à se mettre d’accord avec les jurés majoritaires. Sans décider qu’une telle directive constituerait toujours une forme de coercition, la Court of Criminal Appeal d’Angleterre exprime son point de vue de la façon suivante, à la p. 7:

[traduction] Il faut partir du principe que les jurés doivent être libres de délibérer sans être soumis à aucune pression, que ce soit sous forme de promesse, de menace ou autrement. On ne doit pas leur faire sentir qu’il leur incombe de souscrire à un point de vue qu’ils ne partagent pas vraiment, simplement parce que s’ils ne le faisaient pas, cela pourrait être gênant, ennuyeux ou coûteux pour la poursuite, la partie défenderesse, la victime ou le public en général.

29 La Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande a été encore plus catégorique dans l’opinion qu’elle a exprimée dans l’arrêt Accused, précité. Elle s’est dite d’avis qu’une telle mention devrait être évitée. Elle s’est exprimée ainsi, à la p. 58:

[traduction] . . . il vaut mieux, selon nous, éviter la mention d’un coût et d’inconvénients importants pour le public, même combinée, comme dans l’arrêt Walhein, aux termes «lorsque les jurés ne peuvent parvenir à un accord en raison du refus d’un des leurs d’écouter les arguments des autres». Les inconvénients et le coût ne devraient pas être soupesés en fonction de la justice.

30 Je suis entièrement d’accord avec cette conclusion. Le modèle d’exhortation conçu par la Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande précisait, à juste titre, selon moi, que les jurés ne doivent pas renoncer à leur position ou l’abandonner simplement pour éviter des inconvénients.

31 En fait, la jurisprudence condamne unanimement toute mention de considérations extérieures comme les inconvénients et le coût. Voir aussi les arrêts Black c. The Queen (1993), 179 C.L.R. 44 (H.C. Austr.); Alkerton, précité; Isaac, précité; R. c. R. (R.) (1994), 91 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.). En l’espèce, le juge du procès a non seulement mentionné les inconvénients et le coût, mais encore il a indiqué que c’était là un facteur que le jury devait prendre en considération, même s’il a ajouté que ce n’était peut‑être pas un facteur important.

32 À mon avis, la mention du coût et des inconvénients introduit un facteur extérieur et non pertinent dans les délibérations du jury. Elle est aussi coercitive en ce sens qu’elle ne manquera pas de faire sentir aux jurés minoritaires qu’ils doivent se mettre d’accord avec la majorité pour éviter le coût d’un nouveau procès et pour empêcher que le coût du procès auquel ils ont participé ne soit réduit à une pure perte. C’est un facteur important qui inciterait un juré à faire abstraction du serment prêté et à rendre un verdict fondé sur des considérations autres que la preuve soumise au procès. C’est une mention qui ne devrait pas figurer dans une exhortation. Les mentions subséquentes du juge du procès, dans lesquelles il a précisé qu’il ne demandait pas aux jurés de manquer à leur serment, ne remédient pas non plus à la situation. À la fin du procès, cet élément sans aucune pertinence et très coercitif a été spécialement présenté comme un facteur qui devait être pris en considération dans les délibérations du jury. À mon avis, cette erreur était telle qu’elle ne pouvait pas être corrigée et elle était suffisante en soi pour justifier un nouveau procès. Il y a cependant d’autres aspects de cette exhortation qui mènent à la même conclusion.

II. L’avantage d’un verdict pour l’accusé

33 En l’espèce, on a laissé entendre, dans l’exhortation, qu’un verdict pourrait être avantageux tant pour l’accusé que pour la plaignante. Le juge du procès s’est exprimé ainsi:

[traduction] Le cas échéant, il faudra tout reprendre avec l’accusé et les témoins, y compris, et non au moindre titre, la jeune femme. Il ne sera facile pour personne de devoir refaire ce que nous avons fait depuis lundi de cette semaine.

. . .

Vous avez prêté serment lorsque vous avez assumé vos fonctions dans la présente affaire, et je ne vous demande absolument pas de manquer à ce serment, mais il se pourrait que ceux d’entre vous qui sont minoritaires veuillent réexaminer les propos des jurés majoritaires. Mais, là encore, je vous rappelle — et j’insiste là‑dessus — que je ne vous demande pas de manquer à votre serment. Il y a des circonstances où douze personnes sont incapables de décider. Il se peut que ce soit le cas ici. Vous n’en serez pas dénigrés pour autant.

34 Ce type de mention d’un avantage que pourraient éventuellement tirer l’accusé et les témoins si un verdict pouvait être prononcé a aussi été désapprouvé, à juste titre, pour deux raisons. Premièrement, en ce qui concerne le plaignant, il a été statué qu’une telle mention peut incorrectement susciter un sentiment de sympathie dans le processus de raisonnement des jurés, particulièrement à ce stade des procédures. Quant à l’accusé, la mention peut être trompeuse, étant donné que, si l’exhortation entraîne un verdict de culpabilité, il n’est évidemment pas dans l’intérêt de l’accusé qu’un verdict soit rendu.

35 Dans l’arrêt Accused, précité, aux pp. 58 et 59, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande expose ainsi ce point de vue:

[traduction] La mention particulière d’une autre épreuve pour l’accusé semble diverger quelque peu des préférences probables de l’accusé. Quoiqu’elle puisse être assez inoffensive, nous croyons qu’il vaut mieux l’éviter. De même, tout bien considéré, nous pensons qu’il sera préférable à l’avenir de s’abstenir de mentionner expressément l’épreuve qui en résulterait pour d’autres témoins, dont le plaignant.

De même, dans l’arrêt anglais Watson, précité, la cour fait la mise en garde suivante, à la p. 8:

[traduction] Laisser entendre qu’il pourrait être avantageux pour le défendeur que les jurés puissent aplanir leurs différences peut être trompeur si, comme c’est habituellement le cas, la minorité est en faveur d’un acquittement. Un accord dans ces circonstances signifie une déclaration de culpabilité, alors que la continuation du désaccord signifie au pire un nouveau procès avec les chances d’acquittement qui en résultent.

36 Je suis d’accord avec ces conclusions. L’exhortation ne devrait tout simplement pas comporter une telle mention. En l’espèce, il se peut que cette erreur n’ait pas en soi influencé indûment le jury de manière à justifier un nouveau procès. Toutefois, c’est simplement un autre facteur à l’appui de la conclusion qu’un nouveau procès doit être ordonné.

III. La proposition que les jurés minoritaires examinent les propos des jurés majoritaires

37 Le juge du procès a dit au jury que les jurés minoritaires pourraient peut‑être vouloir réexaminer les propos des jurés majoritaires. On peut soutenir qu’il n’est peut‑être pas incorrect en soi de suggérer simplement qu’un juré écoute des collègues jurés. Ce qui importe, c’est de ne pas suggérer qu’un juré abandonne, en faveur de l’opinion de la majorité, son point de vue sincère. Dans l’arrêt Watson, précité, la Court of Criminal Appeal d’Angleterre a expressément examiné une directive unilatérale d’un juge du procès aux jurés minoritaires d’écouter les jurés majoritaires. À la page 3, la cour a conclu, à juste titre selon moi, qu’une telle directive pouvait bien être interprétée comme [traduction] «un encouragement apporté à la minorité dissidente à se rallier à la majorité tout en continuant d’être en désaccord avec elle».

38 À la page 866 de l’arrêt Sims, précité, le juge McLachlin a judicieusement fait observer qu’«[o]n juge habituellement que le droit de l’accusé à un procès équitable est lésé lorsque les remarques d’un juge indiquaient aux jurés qu’ils «devraient être» unanimes ou que les membres de la minorité devraient se rallier à l’opinion de la majorité».

39 De même, dans Littlejohn, précité, le juge Martin statue, à la p. 168:

[traduction] Le juge du procès doit également éviter d’utiliser un langage susceptible de faire comprendre à un juré qu’en dépit de ses propres doutes, qu’il éprouve sincèrement, il a néanmoins le droit de céder et de se rallier à la majorité de ses collègues dans le but de réaliser l’unanimité: voir R. c. Davey (1960), 45 Cr. App. R. 11.

40 À mon avis, il serait préférable que le juge du procès évite de présenter la situation comme une confrontation entre parties opposées. L’exhortation devrait plutôt inviter chacun des jurés à poursuivre le raisonnement avec les autres. À tout le moins, si une telle invitation est lancée, elle doit préciser que les deux côtés devraient s’écouter mutuellement et examiner leurs opinions respectives. Si cela n’est pas fait, les jurés pourront présumer, tout à fait à juste titre, que le juge du procès est en train de leur dire que l’opinion majoritaire est correcte simplement parce que c’est le point de vue de la majorité et que la minorité ne devrait plus tenter de rallier la majorité à son point de vue.

41 En l’espèce, l’incidence de cet aspect de l’exhortation fautive peut avoir été réduite du fait que le juge du procès a rappelé, à deux reprises, aux jurés qu’ils ne devaient pas manquer à leur serment. Néanmoins, cette erreur, considérée avec les autres erreurs commises, a dû avoir un effet cumulatif coercitif sur les jurés. J’estime que cette conclusion est appuyée par le fait qu’à la suite de l’exhortation il n’a fallu au jury que 15 minutes pour rendre un verdict de culpabilité.

L’importance du bref délai écoulé entre l’exhortation et le prononcé d’un verdict de culpabilité

42 La rapidité avec laquelle le jury est arrivé à son verdict après l’exhortation du juge du procès me semble indiquer clairement l’importance que le jury a accordée à cette exhortation. Cela démontre qu’elle a dû avoir un effet coercitif sur la minorité qui, jusque‑là, était manifestement demeurée insensible aux arguments de la majorité.

43 Le juge Bull est arrivé à la même conclusion dans Palmer, précité, où, là encore, le verdict avait été prononcé 15 minutes après l’exhortation contestée. Cela a fait dire au juge Bull, à la p. 412:

[traduction] [les] exhortations, peu importe leur ton et leur objet bienveillants, doivent être néanmoins étudiées avec le plus grand soin afin d’assurer qu’il n’en a résulté aucun préjudice pour l’accusé. Cela est peut‑être particulièrement vrai dans les cas où, comme en l’espèce, une exhortation à rendre un verdict, après plusieurs heures de désaccord manifeste, est suivie de très près d’un verdict de culpabilité. [Je souligne.]

44 Lorsqu’un verdict est rendu très peu de temps après l’exhortation, une cour d’appel peut raisonnablement déduire que l’on a dit quelque chose qui a incité un seul ou plusieurs jurés à changer d’avis. C’est ce qui a été déduit dans l’arrêt R. c. Flesh (No. 2) (1993), 23 B.C.A.C. 194, où le jury est revenu 10 minutes plus tard, et dans l’arrêt Alkerton, précité. Dans ce dernier cas, le jury avait délibéré pendant six heures et demie après avoir entendu une preuve relativement claire et simple qui indiquait fortement que l’accusé était coupable. Un verdict de non‑culpabilité a néanmoins été rendu seulement 14 minutes après que le juge du procès eut adressé une exhortation qui pouvait être interprétée comme suscitant de la sympathie pour l’accusé et son épouse, et donc comme encourageant le jury à rendre un verdict fondé sur des considérations autres que la preuve présentée.

45 En l’espèce, le très court intervalle de 15 minutes entre l’exhortation et le prononcé du verdict permet de penser que la décision n’est pas fondée sur le raisonnement collectif de membres du public, mais résulte du fait que certains jurés ont abandonné leur point de vue sincère. Il semble très improbable que les membres d’un jury dans l’impasse aient pu aplanir leurs divergences aussi rapidement en raisonnant ensemble. Il est certain que le verdict n’a pu être rendu à la suite d’une discussion rationnelle. Il semblerait plutôt que l’on a simplement adopté le point de vue de la majorité. Cela pouvait bien avoir résulté des considérations extérieures que l’exhortation avait fait intervenir dans les délibérations.

46 Lorsqu’un jury déclare qu’il est dans l’impasse, cela indique qu’il éprouve de la difficulté à remplir la fonction qui lui incombe en dernière analyse. L’exhortation que le juge lui adresse alors est d’une importance vitale. C’est le dernier mot que le jury entendra sur la question. Il est donc essentiel que l’exhortation soit exempte de tout ce qui pourrait miner le serment des jurés de rendre un verdict impartial fondé sur la preuve.

47 À mon avis, la mention des inconvénients et du coût a fait intervenir de telles considérations extérieures et non pertinentes dans les délibérations du jury et l’a soumis à une pression injustifiée telle qu’elle ne pouvait être éliminée par la mention du serment des jurés, nécessitant en soi la tenue d’un nouveau procès. De plus, l’effet cumulatif de cette erreur, conjuguée à la mention de l’avantage d’un verdict pour l’accusé et la plaignante et à la proposition incorrecte que les jurés minoritaires examinent les propos des jurés majoritaires sans que ces derniers reçoivent la même directive, rend nécessaire la tenue d’un nouveau procès. Ce doit être la conséquence de l’exhortation erronée en l’espèce.

Exemple de directive au jury

48 Je présente l’exemple ci‑dessous comme une façon d’adresser une exhortation au jury. Il n’est pas nécessaire de le suivre à la lettre comme une incantation magique; il s’agit plutôt d’une simple suggestion qui peut être utile aux juges du procès confrontés à la nécessité de donner une directive à un jury qui paraît être dans l’impasse. Cette directive pourrait prendre la forme suivante:

Membres du jury, vous éprouvez de la difficulté à rendre un verdict unanime. Bien qu’il ne soit pas obligatoire que vous y parveniez, cela est évidemment souhaitable. Vous avez prêté serment de rendre un verdict impartial fondé sur la preuve, et vous devez faire de votre mieux pour y parvenir. J’ai le pouvoir discrétionnaire de vous libérer s’il appert que d’autres délibérations seraient futiles. Cependant, ce pouvoir ne doit pas être exercé à la légère ou trop rapidement. Il arrive souvent que les jurés puissent parvenir à un accord lorsqu’on leur donne plus de temps pour délibérer.

Mon objectif n’est pas de vous convaincre de changer d’idée, mais, plutôt, de vous encourager à présenter à vos collègues jurés votre propre perception de la preuve, de manière à assurer que l’opinion de chacun soit dûment prise en considération. Bien que vous vous soyez peut‑être déjà formé une opinion sur le verdict qui devrait être prononcé, je vous demande de garder l’esprit ouvert et d’examiner soigneusement le point de vue de vos collègues. Toutefois, en reconsidérant votre propre point de vue, vous devez vous rappeler le serment de rendre un verdict impartial fondé sur la preuve, que vous avez tous prêté au début du procès. Il est essentiel que nul ne manque à ce serment. Par conséquent, votre verdict doit être fondé sur la preuve seulement et vous ne devez pas vous laisser influencer par des considérations extérieures.

Le processus de raisonnement collectif fondé sur l’échange de points de vue et la délibération est l’essence du système du jury. On s’attend à ce que vous mettiez en commun vos perceptions de la preuve et à ce que vous vous écoutiez mutuellement. Cela veut dire que certains compromis doivent être faits lors de l’échange de points de vue. Je dois souligner que cela ne signifie pas que vous devez subordonner votre propre perception sincère de la preuve à la réalisation d’un consensus. Il est évidemment souhaitable qu’un verdict unanime soit rendu, mais il se peut que ce soit une affaire où il vous sera impossible de le faire. Cela n’aura aucune incidence négative sur vous si vous vous êtes efforcés sincèrement de juger l’affaire de votre mieux.

Par conséquent, je vous demanderais d’essayer de nouveau de parvenir à un verdict. Il s’agit d’approfondir votre réflexion sur la preuve pour voir si, en vous écoutant mutuellement, en examinant soigneusement les divers points de vue et en raisonnant ensemble, vous pouvez parvenir à un accord et rendre un verdict unanime.

J’ajouterais que, même si une telle directive conviendrait dans le présent cas et dans d’autres affaires semblables, un autre type de directive peut s’avérer nécessaire dans d’autres cas.

Le critère applicable à l’examen en appel de directives données pour exhorter le jury

49 L’avocat de l’intimée a soutenu que l’examen de l’exhortation au jury devrait relever du sous‑al. 686(1)a)(iii) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, afin de déterminer si «pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire», plutôt que du sous‑al. 686(1)a)(ii), où l’accent est mis sur la question de savoir si une erreur de droit a été commise. La Cour d’appel a adopté ce point de vue et a conclu qu’il n’y avait aucune erreur judiciaire étant donné que l’appelant n’avait pas établi que l’exhortation était inéquitable. En toute déférence, je ne puis souscrire à cette opinion. À mon avis, il n’y a aucune raison de traiter les erreurs de droit commises dans une exhortation d’une façon différente des erreurs de droit commises dans toute autre directive au jury ou pendant le procès.

50 Toute mention incorrecte dans une exhortation n’entraînera pas nécessairement un nouveau procès. Il faut plutôt considérer l’exhortation dans son ensemble et dans le contexte des procédures. La durée des délibérations, la nature de la question posée par le jury et la durée des délibérations après l’exhortation sont toutes pertinentes. Lors de l’examen de tous ces facteurs, la cour d’appel doit déterminer s’il existe une possibilité raisonnable que les mentions contestées aient eu un effet coercitif sur le jury ou empiété sur son droit de délibérer tout à fait librement, en l’absence de considérations ou de pressions extérieures, ou encore qu’elles aient amené un juré à souscrire à un point de vue qu’il ne partageait pas vraiment.

51 Il existe une jurisprudence prépondérante qui conclut, à juste titre, qu’il est inapproprié pour un juge du procès de mentionner, dans une exhortation au jury, le coût et les inconvénients pour le public qui résulteraient d’une annulation de procès, l’avantage d’un verdict pour l’accusé ou un témoin, les difficultés qu’un autre procès causerait à toutes les parties concernées, ou encore de proposer que les jurés minoritaires examinent les propos des jurés majoritaires. Lorsque les mentions contestées sont examinées en fonction de l’ensemble de l’exhortation, et en fonction du court laps de temps écoulé avant le prononcé du verdict, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’exhortation doit avoir diminué la capacité du jury de délibérer en l’absence de considérations extérieures. De plus, cela peut avoir amené ou contraint les jurés minoritaires à subordonner leur propre point de vue sincère à la simple réalisation de l’unanimité. Ainsi, le juge du procès a clairement commis des erreurs de droit et l’accusé a droit à un nouveau procès. Le pourvoi doit être accueilli à moins que la disposition réparatrice du sous‑al. 686(1)b)(iii) ne s’applique.

52 L’exhortation a eu lieu à une étape cruciale et délicate du procès. On peut soutenir qu’elle a eu une plus grande incidence sur le verdict que toute autre directive au jury. Dès qu’il est déterminé que l’exhortation a pu contraindre irrégulièrement le jury à parvenir à un verdict, on ne peut pas affirmer que le verdict aurait nécessairement été le même en l’absence de l’erreur commise. C’est le critère auquel il faut satisfaire conformément au sous‑al. 686(1)b)(iii). Puisque l’exhortation a pu influer incorrectement sur le verdict du jury, il ne conviendrait pas d’appliquer la disposition réparatrice de ce sous‑alinéa.

Conclusion

53 Il s’ensuit que je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et d’ordonner un nouveau procès.

//Le juge L’Heureux-Dubé//

Les motifs des juges L’Heureux-Dubé et Gonthier ont été rendus par

54 Le juge L’Heureux‑Dubé (dissidente) — Le présent pourvoi porte sur les directives que le juge du procès devrait donner à un jury qui s’est déclaré incapable de se mettre d’accord et de parvenir à un verdict unanime. De plus, il soulève la question du standard approprié qui doit être appliqué en appel lorsqu’il est allégué que ces directives sont déficientes.

55 Mon collègue a décidé que l’exhortation du juge du procès au jury en l’espèce était incorrecte et qu’elle devait avoir eu une influence sur la capacité du jury de délibérer librement. Il conclut aussi que l’exhortation peut avoir été coercitive. Je ne suis pas d’accord.

56 Les faits et les jugements rendus par les tribunaux d’instance inférieure ont été relatés par le juge Cory, ce qui me dispense de les reprendre. Cependant, étant donné l’objet du présent pourvoi, je crois utile de reproduire dans sa version intégrale l’exhortation du juge du procès au jury. Le juge Cory ne cite, dans ses motifs, que les passages contestés auxquels l’appelant renvoie. L’exhortation au complet a duré en tout 15 minutes et se lit ainsi:

[traduction] Membres du jury. Ce matin, le shérif m’a remis une note de votre part indiquant que vous êtes apparemment incapables de vous mettre d’accord. Vous aimeriez que des conseils et des choix vous soient offerts.

Eh bien! membres du jury, il n’y a que deux possibilités en l’espèce: clore l’affaire de la façon habituelle en rendant un verdict, ou être incapable de le faire. Ce sont là les seuls choix possibles.

Maintenant, je pense que je devrais vous formuler quelques observations à ce propos. Ce type de procès n’est facile pour aucun des participants, et vous êtes douze de ces participants.

Tous ces procès sont très exigeants tant pour les avocats que pour le juge. Ce sont des choses sérieuses. Ils sont sérieux pour tous les gens concernés, y compris, et non le moindre, l’accusé.

La tenue de ces procès coûte cher. Ce n’est pas un élément particulièrement important pour tenter d’en arriver à une décision dans la présente affaire, mais c’est un facteur que vous pouvez prendre en considération.

Qui plus est, selon toute probabilité, si vous êtes incapables de parvenir à un verdict, il y aura un autre procès. Cela ne dépend pas de moi. Cela relève du ministère public, et peut‑être pas de Me McKimm [le substitut du procureur général] non plus. Mais il y aurait vraisemblablement un autre procès.

Le cas échéant, il faudra tout reprendre avec l’accusé et les témoins, y compris, et non au moindre titre, la jeune femme. Il ne sera facile pour personne de devoir refaire ce que nous avons fait depuis lundi de cette semaine.

Vous, les membres du jury, êtes autant en mesure de rendre un verdict, en l’espèce, que douze autres personnes qui entendraient l’affaire.

Vous avez prêté serment lorsque vous avez assumé vos fonctions dans la présente affaire, et je ne vous demande absolument pas de manquer à ce serment, mais il se pourrait que ceux d’entre vous qui sont minoritaires veuillent réexaminer les propos des jurés majoritaires. Mais, là encore, je vous rappelle — et j’insiste là‑dessus — que je ne vous demande pas de manquer à votre serment. Il y a des circonstances où douze personnes sont incapables de décider. Il se peut que ce soit le cas ici. Vous n’en serez pas dénigrés pour autant. Ce ne sera pas la première fois que cela se sera produit.

Mais avant que vous ne soyez sur le point de me dire, de dire à la cour, que vous êtes incapables de vous mettre d’accord, il faudra consacrer encore un peu de temps. Pour être franc avec vous, je n’ai pas l’intention de vous libérer si vite que ça.

Vous avez commencé vos délibérations au cours de l’après‑midi. Il y a eu l’heure du souper. Hier soir, vous avez travaillé jusqu’à 21 h, je crois, après quoi vous vous êtes retirés pour la soirée. C’est beaucoup de temps. Je ne suis pas l’un de ces juges qui laissent les gens partir, qui laissent les jurés partir après seulement quelques heures. Il y a trop en jeu ici. Il nous faudrait tout reprendre, probablement.

Je comprends que la situation n’est pas facile. Que lorsque la crédibilité est en cause comme c’est le cas en l’espèce, ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile du tout. Mais l’accusé vous a choisis tous les douze pour rendre une décision. Il ne s’est pas adressé au juge à ce sujet. Il a demandé à vous avoir les douze, douze membres de la collectivité.

Comme je l’ai dit, vous êtes maintenant aussi en mesure, que douze autres personnes, de décider de l’innocence ou de la culpabilité de cet individu.

Ainsi, je vous ai dit quels sont vos choix, comme vous me l’avez demandé, et je vous ai exhortés à faire un effort, un nouvel effort, pour voir si vous pouvez parvenir à un verdict dans cette affaire. Nous allons ajourner.

57 Il vaut la peine de souligner que l’appelant n’a absolument pas contesté la seconde partie de l’exhortation. À mon avis, cette partie est essentielle pour en apprécier tout l’effet. En l’espèce, le juge du procès a mis l’accent sur les circonstances particulières de l’affaire et a pressé les jurés de faire tout leur possible pour parvenir à un verdict. Gardant ceci à l’esprit, j’examine maintenant les questions dont nous sommes saisis.

Analyse

58 Pour plus de commodité, je reprends les questions soulevées en l’espèce, telles qu’énoncées par mon collègue:

1. L’exposé au jury et le nouvel exposé qui a suivi ont‑ils traité adéquatement la thèse de la défense?

2. L’exhortation adressée au jury était‑elle répréhensible ou incorrecte?

3. La Cour d’appel a‑t‑elle commis une erreur quant à la norme appliquée pour annuler le verdict?

1. Y a‑t‑il eu défaut de résumer la position de la défense?

59 Sur ce point, je suis d’accord avec le juge Cory pour dire que toute erreur commise par le juge du procès dans son premier exposé au jury a été corrigée dans le nouvel exposé. Je n’ai absolument rien à ajouter. Je passe donc directement à la question de savoir si l’exhortation du juge du procès au jury était incorrecte.

2. L’exhortation était‑elle répréhensible ou incorrecte?

60 Ce moyen d’appel est axé sur les directives que le juge du procès a données au jury après que ce dernier eut annoncé qu’il était incapable de se mettre d’accord. L’appelant soutient que l’exhortation n’était pas appropriée parce qu’elle contenait des mentions de nature à contraindre irrégulièrement le jury à parvenir à un verdict, alors que le résultat approprié aurait été l’incapacité de rendre un verdict unanime. Par conséquent, la validité de ce verdict ne saurait être confirmée et un nouveau procès devrait être ordonné.

61 En premier lieu, il est à noter que je suis essentiellement d’accord avec le juge Cory en ce qui concerne le but général d’une exhortation. Elle devrait viser à encourager les jurés à faire tout leur possible pour parvenir à un accord. Il appartient au jury, et au jury seul, de parvenir à un verdict sur la seule foi de la preuve présentée. En règle générale, les jurés ne doivent prendre en considération aucun facteur extérieur en rendant leur jugement, et le juge du procès ne doit pas leur demander de le faire.

62 Néanmoins, une exhortation ne doit pas s’inspirer d’un modèle rigide pour toujours gravé dans la pierre. Les juges du procès seront souvent appelés à adresser une exhortation adaptée au jury en présence. La nature de la directive donnée dépendra d’un certain nombre de facteurs, dont la durée et la complexité du procès, ainsi que d’événements qui méritent l’attention du juge du procès. (Voir, par exemple, la situation qui s’est présentée dans R. c. Littlejohn (1978), 41 C.C.C. (2d) 161 (C.A. Ont.)). Personne n’est mieux placé que le juge du procès pour déterminer ce qu’une exhortation doit contenir. C’est lui qui assiste au procès depuis le début et qui est capable d’apprécier l’état d’esprit et la composition du jury en présence. À mon avis, les cours d’appel devraient traiter une telle exhortation de la même manière qu’elles examinent couramment les exposés au jury. Bien que peu d’exhortations soient parfaites, les cours d’appel devraient s’abstenir d’intervenir à moins qu’il y ait une erreur manifeste qui mette en question la validité du verdict: R. c. Robinson, [1996] 1 R.C.S. 683; R. c. Brydon, [1995] 4 R.C.S. 253. En l’absence d’effet préjudiciable sur les délibérations du jury, nous devrions être extrêmement hésitants avant d’écarter un verdict, même dans le cas où les directives données ne sont pas parfaites.

63 De plus, en ce qui concerne l’approche générale avec laquelle les cours d’appel devraient aborder l’examen des exhortations, je suis d’accord avec les observations que le juge Martin a formulées, au nom de la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt R. c. Littlejohn, précité, à la p. 168, selon lesquelles, pour déterminer si une exhortation est coercitive, [traduction] «il faut considérer toute la suite des événements qui ont abouti à la directive attaquée». J’ajouterais simplement que, ce faisant, nous devrions tenir compte de l’effet de toute l’exhortation, au lieu d’isoler ou de souligner indûment un élément particulier; en ce qui concerne cette approche, voir les motifs du juge en chef Scott dans R. c. Halliday (1992), 77 C.C.C. (3d) 481 (C.A. Man.), à la p. 494.

64 À partir de cette introduction, je vais maintenant examiner l’exhortation en cause dans la présente affaire. L’appelant soutient que les directives du juge du procès souffrent de trois lacunes majeures. Je me propose de les examiner à tour de rôle.

La mention du coût et des inconvénients pour le public

65 L’appelant fait valoir que, dans l’exhortation du juge du procès, un certain nombre de remarques portaient sur le coût éventuel d’un nouveau procès pour le public. Les passages contestés sont les suivants:

[traduction] Tous ces procès sont très exigeants tant pour les avocats que pour le juge. Ce sont des choses sérieuses. Ils sont sérieux pour tous les gens concernés, y compris, et non le moindre, l’accusé.

La tenue de ces procès coûte cher. Ce n’est pas un élément particulièrement important pour tenter d’en arriver à une décision dans la présente affaire, mais c’est un facteur que vous pouvez prendre en considération.

Qui plus est, selon toute probabilité, si vous êtes incapables de parvenir à un verdict, il y aura un autre procès. Cela ne dépend pas de moi. Cela relève du ministère public, et peut‑être pas de Me McKimm [le substitut du procureur général] non plus. Mais il y aurait vraisemblablement un autre procès.

66 L’appelant est particulièrement préoccupé par la mention du coût des procès et par le fait qu’on laisse entendre qu’un nouveau procès constituerait un fardeau pour le public. Même si le juge du procès a limité la portée de ce passage en ajoutant que ce n’était pas un élément particulièrement important à prendre en considération, je suis d’accord pour dire qu’il vaut mieux, en général, éviter ce genre de mention. Comme le souligne le juge Cory, une telle mention pourrait porter à croire que le jury devrait prendre en considération autre chose que la preuve qui lui a été présentée. Néanmoins, je suis en désaccord avec lui dans la mesure où il affirme que ces mentions ont, à première vue, un effet coercitif. À mon avis, cette affirmation n’est pas fondée.

67 La jurisprudence que mentionne le juge Cory s’accorde presque unanimement pour dire que la mention du coût des procès est une pratique inacceptable. Toutefois, cette unanimité disparaît lorsqu’il s’agit d’interpréter l’effet d’une telle mention. À maintes reprises, les mêmes tribunaux auxquels se réfère le juge Cory ont décidé que, même s’il est préférable de ne pas mentionner les dépenses de fonds publics, on ne peut pas dire qu’une telle mention a eu un effet coercitif sur le jury ou cause un préjudice à l’accusé: Watson (1988), 87 Cr. App. R. 1 (C.A.), à la p. 7; Buono (1992), 95 Cr. App. R. 338 (C.A.); R. c. Tennant, [1989] 2 N.Z.L.R. 271 (C.A.), à la p. 276; R. c. Isaac (1979), 48 C.C.C. (2d) 481 (C.A.T.Y.).

68 En fait, la Cour d’appel d’Angleterre, qui, dans l’arrêt Watson, précité, a peut‑être été la première à dénoncer la mention des dépenses de fonds publics, a fermement affirmé qu’on ne peut pas dire automatiquement qu’une telle erreur a un effet coercitif. Dans l’arrêt R. c. Jackson, inédit, C.A., Div. crim. (Angl.), le 9 mars 1988, cette thèse a été nettement réfutée. Au procès, le jury a prononcé un verdict de culpabilité 10 minutes après s’être vu adresser une exhortation faisant état, notamment, d’une [traduction] «énorme perte de temps et [de] dépenses considérables». La cour a néanmoins rejeté l’appel, affirmant:

[traduction] Nous sommes d’avis que toute pression que le recorder peut avoir exercée sur le jury en mentionnant la perte de temps et les dépenses a été éliminée par le fait qu’il a aussitôt souligné que le principal souci des membres du jury doit être de rendre un verdict conformément au serment qu’ils ont prêté. Par conséquent, malgré le court délai pendant lequel ils se sont retirés après avoir reçu cette directive, nous ne croyons pas qu’il y ait eu quelque irrégularité majeure qui nous obligerait à accueillir l’appel. L’appel est donc rejeté.

69 Il semblerait donc que ce sont les circonstances dans lesquelles une telle mention a été faite qui détermineront en grande partie si elle est fatale ou non. Il est évident qu’il existe divers degrés d’erreurs de cette nature, qui ne doivent pas tous être abordés exactement de la même manière. Le principal souci est de déterminer l’effet apparent de l’erreur, ce qui peut être fait en examinant un certain nombre de facteurs, dont l’importance de la mention, la question de savoir si elle a été répétée et celle de savoir si d’autres commentaires ont pu remédier à tout effet préjudiciable. Je reviendrai sur ce point au cours de l’analyse de la norme d’examen à appliquer.

70 Enfin, je tiens simplement à ajouter que la mention des dépenses de fonds publics, sauf dans la mesure mentionnée plus haut, ne porte pas en soi préjudice à l’accusé. C’est un élément neutre qui, contrairement à certains types de directives plus coercitives, ne consiste aucunement à demander au jury de rendre un verdict de culpabilité. Il peut tout autant avoir pour effet de garantir un acquittement.

71 Tout compte fait, cependant, je suis disposée à reconnaître que cette mention n’aurait pas dû être faite. Il est évident que cela n’en fait pas automatiquement une erreur de droit. Nous devons d’abord examiner le reste de l’exhortation pour déterminer si cette erreur a été aggravée par d’autres erreurs, ou atténuée par d’autres éléments curatifs.

L’avantage d’un verdict pour l’accusé

72 L’appelant allègue ensuite que l’exhortation contenait une mention que le prononcé d’un verdict pourrait être avantageux tant pour l’accusé que pour la plaignante. Il cite notamment le passage suivant:

[traduction] Le cas échéant, il faudra tout reprendre avec l’accusé et les témoins, y compris, et non au moindre titre, la jeune femme. Il ne sera facile pour personne de devoir refaire ce que nous avons fait depuis lundi de cette semaine.

73 Je dois dire qu’il m’est quelque peu difficile de comprendre comment on peut dire que cette mention anodine, au milieu d’une exhortation de 15 minutes, a une influence quelconque sur les délibérations du jury. À cet égard, je suis essentiellement d’accord avec la façon dont la Cour d’appel de Nouvelle‑Zélande a procédé dans R. c. Accused, [1988] 2 N.Z.L.R. 46. Dans cette affaire (à la p. 54), le juge du procès avait adressé une exhortation comportant l’affirmation suivante:

[traduction] Il est extrêmement important que, dans un procès comme celui‑ci, le jury prononce un verdict dans la mesure où il peut le faire à bon droit. Si vous ne le faites pas, il devra y avoir un nouveau procès qui constituera, bien sûr, un fardeau pour toutes les parties concernées, les témoins, l’accusé et, particulièrement en l’espèce, la plaignante. Il serait évidemment souhaitable qu’elle n’ait pas, autant que possible, à témoigner de nouveau.

74 En rejetant l’appel, la cour a affirmé, aux pp. 58 et 59:

[traduction] Il est un peu plus difficile de savoir si on devrait mentionner expressément l’épreuve que les témoins auront à subir s’il y a un nouveau procès. La mention particulière d’une autre épreuve pour l’accusé semble diverger quelque peu des préférences probables de l’accusé. Quoiqu’elle puisse être assez inoffensive, nous croyons qu’il vaut mieux l’éviter. De même, tout bien considéré, nous pensons qu’il sera préférable à l’avenir de s’abstenir de mentionner expressément l’épreuve qui en résulterait pour d’autres témoins, dont le plaignant. Le jury est vraisemblablement conscient de cela lorsqu’on lui mentionne la possibilité d’un nouveau procès; le dire expressément pourrait être considéré comme le souligner inutilement.

Voir aussi l’arrêt Tennant, précité, à la p. 277.

75 Dans presque toutes les exhortations, le jury est prévenu qu’un nouveau procès devra être tenu s’il lui est impossible de se mettre d’accord. Il est certain que chaque juré sait fort bien que, lors d’un nouveau procès, les témoins et le plaignant devront revivre le tout. De même, une accusation continue de pendre plus longtemps au‑dessus de la tête de l’accusé. Il est évident, jusqu’à un certain point, que tous ont avantage à ce que les procédures se terminent. C’est là un facteur qui est mentionné ou sous‑entendu à plusieurs moments du procès. À l’instar de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande, je suis d’avis que cette mention dans une exhortation est dans la plupart des cas tout à fait inoffensive.

76 Ce n’est que si ce facteur a été indûment souligné ou réitéré de façon à susciter de la sympathie pour l’une des parties, comme dans l’affaire R. c. Alkerton (1992), 72 C.C.C. (3d) 184 (C.A. Ont.), à la p. 187, que l’on a conclu qu’il avait nui de quelque manière au processus de délibération des jurés. Selon le courant général de jurisprudence, ces mentions, en l’absence d’élément abusif, ne justifient pas d’infirmer le verdict d’un jury; R. c. R. (R.) (1994), 91 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.), ainsi que les arrêts Halliday, Accused et Tennant, précités.

77 Dans la présente affaire, le juge du procès n’a fait que mentionner en passant les rigueurs d’un nouveau procès pour les parties, au milieu d’une longue exhortation. Cette mention était équitable pour l’accusé, car elle faisait état de l’incidence négative d’un nouveau procès sur toutes les parties concernées, y compris le nouveau jury éventuel. On n’y tentait pas de susciter de la sympathie pour une partie en particulier et elle ne comportait aucun élément abusif. À mon avis, on ne saurait affirmer que ce facteur a influé de quelque façon que ce soit sur le verdict du jury.

La mention des jurés minoritaires

78 Enfin, l’appelant soutient que le juge du procès a commis une erreur en parlant ainsi des jurés minoritaires:

[traduction] Vous avez prêté serment lorsque vous avez assumé vos fonctions dans la présente affaire, et je ne vous demande absolument pas de manquer à ce serment, mais il se pourrait que ceux d’entre vous qui sont minoritaires veuillent réexaminer les propos des jurés majoritaires. Mais, là encore, je vous rappelle — et j’insiste là‑dessus — que je ne vous demande pas de manquer à votre serment. Il y a des circonstances où douze personnes sont incapables de décider. Il se peut que ce soit le cas ici. Vous n’en serez pas dénigrés pour autant.

79 Pendant de nombreuses années, la mention des jurés minoritaires était une pratique fort courante, comme l’illustre l’extrait suivant des motifs de lord Denning dans l’arrêt Shoukatallie c. The Queen, [1962] A.C. 81 (C.P.), à la p. 91:

[traduction] Il leur rappelle qu’il est très important qu’ils se mettent d’accord, si cela est possible: que, pour ce faire, ils doivent inévitablement prendre en considération des opinions divergentes; que, si un membre se retrouve en minorité et enclin à ne pas partager l’opinion des autres, il doit examiner la question avec soin, soupeser les avantages et les inconvénients de son point de vue et se rappeler qu’il a peut‑être tort; que, si, ce faisant, il peut sincèrement en arriver à un point de vue différent et, par conséquent, à souscrire à l’opinion de la majorité, il doit le faire, mais que, s’il ne le peut pas, conformément au serment qu’il a prêté, et s’il ne peut pas rallier les autres à son point de vue, alors il a le devoir de diverger d’opinion, et, en raison de l’absence d’accord, il n’y aura pas de verdict.

80 Les tribunaux canadiens ont jugé que cet énoncé était exact et, jusqu’à tout récemment, il était courant et accepté de faire mention des jurés minoritaires: voir, par exemple, R. c. Palmer, [1970] 3 C.C.C. 402 (C.A.C.‑B.). En fait, l’exhortation comportait, dans certains cas, une tentative prolongée et concertée d’obtenir des jurés minoritaires qu’ils reconsidèrent la validité de leur opinion, mais elle était quand même jugée adéquate; R. c. Nielsen and Stolar (1984), 16 C.C.C. (3d) 39 (C.A. Man.), aux pp. 73 et 74.

81 Notre Cour a, cependant, réévalué ce point de vue dans R. c. Sims, [1992] 2 R.C.S. 858, où elle a statué qu’une référence incorrecte aux jurés minoritaires constituait une erreur. Le juge McLachlin affirme, à la p. 866:

On juge habituellement que le droit de l’accusé à un procès équitable est lésé lorsque les remarques d’un juge indiquaient aux jurés qu’ils «devraient être» unanimes ou que les membres de la minorité devraient se rallier à l’opinion de la majorité.

82 Selon mon collègue le juge Cory, ce passage signifie que toute référence aux jurés minoritaires a une incidence négative étant donné qu’elle est susceptible d’amener ces jurés à conclure que le juge du procès est en train de leur dire que l’opinion majoritaire est correcte simplement parce que c’est le point de vue de la majorité. Ils auront alors le sentiment qu’ils ne devraient plus tenter de rallier la majorité à leur point de vue. En toute déférence, je ne suis pas d’accord. À mon avis, le raisonnement de l’arrêt Sims est clair: l’équité du procès d’un accusé n’est compromise que si la directive indique ou sous‑entend que les jurés minoritaires devraient se conformer à l’opinion majoritaire. Cela est loin de signifier que toute référence aux jurés minoritaires aura cet effet.

83 Encore là, au lieu d’adopter une approche généralisée, il est utile d’examiner chaque énoncé dans son contexte et d’examiner son effet potentiel. En l’espèce, le juge du procès n’a pas dit aux jurés minoritaires qu’ils devaient revenir sur leur décision. Au contraire, il n’a fait que leur demander de retourner écouter une fois de plus le point de vue de la majorité. Toute confusion qui a pu exister à ce sujet a nécessairement été dissipée lorsque le juge du procès a prévenu les jurés de ne pas manquer à leur serment. Il les a prévenus non pas une seule fois, mais deux fois, en plus de leur rappeler qu’il n’est pas nécessaire que les membres du jury se mettent d’accord. Les propos que le juge Bull a tenus au sujet d’une situation similaire dans l’arrêt Palmer, précité, à la p. 415, sont pertinents:

[traduction] Cette directive ne signifiait pas que les jurés majoritaires avaient raison parce qu’ils formaient la majorité, indépendamment de la justesse de leur raisonnement, et aucun juré intelligent qui avait écouté l’ensemble de l’exposé ne pouvait l’avoir interprétée ainsi. Il n’était pas non plus erroné de dire aux jurés minoritaires qu’ils devaient se demander si l’opinion majoritaire s’accordait davantage que la leur avec la preuve. Ce n’est rien de plus qu’une directive tout à fait correcte que de demander d’envisager la possibilité qu’une opinion soit la bonne compte tenu de la preuve, et que l’autre soit erronée.

84 Bien que je convienne que, pour éviter tout doute, il vaut mieux éviter ce type de mention, la norme d’examen à appliquer le cas échéant doit être conforme à l’arrêt Sims. Si, dans ses remarques, le juge du procès n’indique pas qu’il doit y avoir accord et que les jurés minoritaires devraient se rallier à l’opinion majoritaire, on ne saurait affirmer qu’il y a eu une erreur.

85 À mon avis, à supposer qu’une erreur ait été commise en l’espèce, ce dont je doute sérieusement, elle a été corrigée par la mention du serment des jurés et de leur droit au désaccord. Par conséquent, je conclus que, dans les circonstances, cette mention n’a causé aucun préjudice et qu’elle n’a pu nuire à la capacité du jury de délibérer à l’abri de toute influence extérieure.

86 En résumé, je conclus que la seule mention qui aurait pu éventuellement influer sur les délibérations du jury était celle du coût et des inconvénients d’un nouveau procès pour le public. Avant d’examiner si la mention en cause constituait une erreur de droit, je tiens à analyser brièvement l’importance du fait que le jury se soit prononcé rapidement après avoir entendu l’exhortation du juge du procès.

L’importance du bref délai écoulé entre l’exhortation et le prononcé du verdict

87 Le juge Cory attache une grande importance au court laps de temps écoulé entre l’exhortation et le prononcé du verdict. À son avis, au par. 42, la rapidité avec laquelle le jury est arrivé à son verdict «démontre qu’elle [l’exhortation] a dû avoir un effet coercitif sur la minorité qui, jusque‑là, était manifestement demeurée insensible aux arguments de la majorité».

88 À mon avis, cette affirmation ne tient pas compte de deux facteurs importants. Premièrement, si les termes de l’exhortation ne sont pas coercitifs en soi, ils ne le deviennent pas simplement parce qu’un verdict est prononcé peu après. Deuxièmement, il est possible de tirer une conclusion tout à fait différente de la rapidité avec laquelle le jury s’est par la suite prononcé, c’est‑à‑dire que l’exhortation a eu l’effet désiré; voir, par exemple, les arrêts Tennant, précité, à la p. 277; Palmer, précité; Halliday, précité; Littlejohn, précité, à la p. 170. Je souligne qu’à la p. 415 de l’arrêt Palmer, précité, cité par mon collègue pour démontrer qu’un verdict rapide peut être un signe de coercition, la cour d’appel est arrivée à la conclusion tout à fait opposée et a jugé que le verdict était légitime.

89 Je suis en outre d’accord avec l’intimée, qui affirme dans son mémoire:

[traduction] Si toutefois, on conclut que, dans l’ensemble, l’exhortation n’a pu qu’exercer l’influence normale de ce type d’exposé au jury, un verdict prononcé peu après signifie seulement qu’on en avait bien évalué la nécessité et qu’elle a permis d’atteindre son objectif légitime.

90 Il s’ensuit donc que ce facteur dépend largement des circonstances particulières de chaque affaire. Son importance dépendra de l’effet global de l’exhortation et de la gravité de toute erreur que le juge du procès pourra avoir commise. Je me propose donc maintenant d’analyser ces éléments.

3. La Cour d’appel a‑t‑elle commis une erreur quant à la norme appliquée pour annuler le verdict?

91 Mon collègue le juge Cory a analysé la question de la norme d’examen à appliquer en la matière et je suis essentiellement d’accord avec cette partie de ses motifs. Je conviens que toute mention incorrecte dans une exhortation ne doit pas nécessairement être traitée comme une erreur de droit et qu’elle doit être examinée eu égard au contexte dans lequel elle a été faite, afin de déterminer s’il existe une possibilité raisonnable que les mentions contestées aient eu un effet coercitif sur le jury ou qu’elles aient empiété sur son droit de délibérer en l’absence de considérations extérieures.

92 En rejetant l’appel de l’appelant, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a conclu que toute erreur qui avait pu être commise n’était pas susceptible de contraindre les jurés à manquer à leur serment et que, par conséquent, le verdict n’était pas erroné. À mon avis, cette conclusion est correcte.

93 Au cours de l’exhortation qui a duré 15 minutes en tout, les membres du jury ont été prévenus, à de nombreuses reprises, qu’ils devaient respecter leur serment et ne trancher l’affaire qu’en fonction de la preuve qui leur avait été présentée. On leur a aussi rappelé qu’ils avaient l’obligation d’être en désaccord s’il convenait de le faire. Comparativement à ces éléments, il y a une brève mention des inconvénients et du coût d’un nouveau procès pour le public. Dans ces circonstances, je conclus qu’il n’y a aucune possibilité raisonnable que cette mention ait influé sur le verdict du jury.

94 Par conséquent, je suis incapable de conclure qu’une erreur de droit a été commise. Cela suffirait normalement pour trancher l’affaire. Cependant, étant donné les commentaires du juge Cory au sujet de la nécessité d’un modèle d’exhortation, je compte aussi examiner brièvement cette question.

Modèles d’exhortation

95 Plusieurs pays de common law, dont l’Angleterre, la Nouvelle‑Zélande et l’Australie, ont adopté un modèle d’exhortation. Une telle mesure est jugée souhaitable étant donné qu’elle permet de réduire le nombre d’appels dans ce domaine en assurant une certaine stabilité du droit. Néanmoins, comme pour toute formule «modèle», cette stabilité a un prix. Comme je l’ai mentionné au début de mes motifs, il n’y a pas deux procès identiques et la multitude des situations qui peuvent se présenter a souvent pour effet de nécessiter des exhortations différentes.

96 À titre d’exemple, je vais comparer la situation en l’espèce avec celle qui s’est présentée dans l’arrêt Littlejohn, précité. Dans ce dernier cas, le jury avait envoyé au juge du procès une note l’informant qu’un juré savait que l’accusé était coupable, mais refusait de le dire et de permettre ainsi au jury d’être unanime. Le juge a donc adressé une exhortation dans laquelle il a insisté sur l’importance du serment, et il leur a fait part de son avis que quelqu’un cherchait peut‑être à se soustraire au devoir qu’il avait juré de remplir. Il est évident que ce type d’exhortation n’aurait pas été nécessaire ou approprié ici. De même, ni l’exhortation adressée dans la présente affaire ni le modèle d’exhortation proposé par le juge Cory n’auraient permis de régler ce type de situation. Je crois donc qu’en énonçant un modèle d’exhortation nous devons inciter les juges du procès à se sentir libres d’y déroger si nécessaire, étant donné qu’ils sont les personnes les mieux placées pour apprécier les besoins particuliers de chaque affaire.

97 Je puis néanmoins voir en quoi un modèle d’exhortation serait souhaitable pour faire face aux cas fréquents où un jury est incapable de se mettre d’accord et où le juge n’est pas aux prises avec d’autres problèmes. Je crois que l’exhortation proposée par le juge Cory serait acceptable dans des situations de ce genre. À mon avis, cependant, une exhortation qui s’inspire de celle proposée par la Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande dans l’arrêt Accused, précité, est préférable parce qu’elle est plus susceptible de permettre d’atteindre l’objectif important de presser un jury à parvenir à un verdict.

Conclusion

98 Étant donné que j’ai conclu que les tribunaux d’instance inférieure n’ont commis aucune erreur de droit, je rejetterais le pourvoi.

Pourvoi accueilli, les juges L’Heureux‑Dubé et Gonthier sont dissidents.

Procureurs de l’appelant: Rosenberg & Rosenberg, Vancouver.

Procureur de l’intimée: Le procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.


Synthèse
Référence neutre : [1996] 3 R.C.S. 362 ?
Date de la décision : 03/10/1996
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Procès - Exposé au jury - Agression sexuelle - Défense niant l’existence d’une agression et soumettant deux raisons à l’appui d’une possibilité de fabrication d’accusation et un alibi relatif à certains épisodes allégués - Exposé du juge du procès au jury ne portant que sur la question de l’auteur de l’agression - À la suite d’une opposition, nouvel exposé au jury sur la question de l’existence d’une agression et, ensuite, sur la question de l’auteur de l’agression alléguée - L’exposé au jury et le nouvel exposé qui a suivi ont‑ils traité adéquatement la thèse de la défense?.

Procès - Exhortation au jury - Jury dans l’impasse - Juge du procès pressant le jury de tenir compte des dépenses de fonds publics qui seraient occasionnées par un nouveau procès, des inconvénients qui seraient causés à tous les participants, des difficultés qui en résulteraient pour l’accusé et la plaignante, et laissant entendre que les jurés minoritaires pourraient vouloir réexaminer les propos des jurés majoritaires - Verdict de culpabilité rendu peu après - L’exhortation était‑elle répréhensible ou incorrecte?.

Procès - Verdict - Norme applicable pour annuler un verdict - La norme applicable à l’exhortation devrait‑elle consister à déterminer si, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire (art. 686(1)a)(iii)) ou consister à se demander si une erreur de droit a été commise (art. 686(1)a)(ii))? - Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 686(1)a)(ii), (iii).

Dans une affaire criminelle portant sur une agression sexuelle qu’un beau‑père aurait commise sur sa belle‑fille mineure, le juge du procès a d’abord donné au jury la directive selon laquelle la seule question qu’il avait à trancher était de savoir si l’accusé était l’auteur de l’agression alléguée. L’avocat de la défense s’est opposé à cette directive au jury. La défense avait fait valoir, au cours du procès, que les incidents allégués avaient été inventés ou imaginés par la plaignante, qui jugeait son environnement trop strict et souhaitait aller vivre avec son père biologique. On avait également soumis un alibi indiquant que l’accusé était absent lorsque certains épisodes en question seraient survenus. Le juge du procès a fait un nouvel exposé aux jurés, dans lequel il leur a dit qu’ils devaient d’abord déterminer si une agression sexuelle avait effectivement été commise.

Les jurés ont délibéré et, le lendemain, ils ont fait parvenir au juge un message indiquant qu’ils étaient dans l’impasse. Le juge du procès les a rappelés et les a pressés de tenir compte des dépenses de fonds publics qui seraient occasionnées par un nouveau procès, des inconvénients qui seraient causés à tous les participants, des difficultés qui en résulteraient pour l’accusé et la plaignante, et a laissé entendre que les jurés minoritaires pourraient vouloir réexaminer les propos des jurés majoritaires. Quinze minutes plus tard, les jurés rendaient un verdict de culpabilité qui a été confirmé en appel.

Les questions débattues devant notre Cour concernaient (1) le caractère adéquat de l’exposé au jury et du nouvel exposé qui a suivi relativement à la thèse de la défense, (2) le caractère approprié et la justesse de l’exhortation au jury, et (3) la norme à appliquer pour annuler le verdict.

Arrêt (les juges L’Heureux‑Dubé et Gonthier sont dissidents): Le pourvoi est accueilli.

Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Sopinka, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major: Lorsqu’il donne des directives au jury, le juge du procès doit résumer la thèse de la défense et en mentionner les éléments essentiels de façon à permettre au jury de bien apprécier la preuve. Dans son premier exposé au jury, le juge du procès a nettement écarté l’argument de la défense, étant donné qu’il a tenu pour acquis qu’il y avait eu agression sexuelle. Le critère d’examen d’un nouvel exposé doit être de savoir s’il existe une possibilité raisonnable que la directive erronée du juge du procès ait induit le jury en erreur. En l’espèce, le nouvel exposé était suffisant pour corriger l’erreur commise dans le premier exposé.

Le jury a pour unique tâche de parvenir à un verdict fondé exclusivement sur la preuve présentée. L’indépendance résolue des jurés peut être ébranlée et leur unanimité forcée par le juge qui leur propose de prendre en considération des facteurs non pertinents ou qui exerce sur eux une pression injustifiée. Dans ces circonstances, il se peut que le verdict ne soit plus fondé sur une façon raisonnée d’aborder la preuve. L’exhortation adressée à un jury qui paraît être dans l’impasse doit donc être finement dosée et soignée, et doit encourager les jurés à s’efforcer de rendre un verdict en raisonnant ensemble. L’exhortation a pour objet d’aider le jury dans ses délibérations et non pas d’influer sur le contenu de ses discussions. Proposer que les membres d’un jury dans l’impasse prennent en considération des facteurs comme le coût et les inconvénients d’un nouveau procès, ou les difficultés qu’un procès inachevé causerait aux participants, ou encore qu’ils n’examinent attentivement que le point de vue de la majorité et non celui de la minorité, fait intervenir des pressions et des facteurs qui n’ont absolument rien à voir avec les fonctions de juré et qui n’ont donc pas leur place dans une exhortation.

Les principes suivants peuvent être dégagés de la jurisprudence. (1) Conformément à leur serment, les jurés doivent s’efforcer de rendre un verdict fondé sur la preuve qui leur a été soumise. (2) Le procès devant jury tire sa force et son mérite du fait que des membres de la collectivité raisonnent ensemble dans le but de parvenir à un verdict fondé uniquement sur la preuve. (3) Le jury doit donc pouvoir délibérer sans être soumis à aucune forme de pression. (4) Dans le cas où un jury est apparemment dans l’impasse, toute exhortation doit éviter de faire intervenir des considérations extérieures qui n’ont rien à voir avec la tâche de parvenir à un verdict, et d’encourager un juré à abandonner sa perception sincère de la preuve, en faisant référence à ces considérations. L’exhortation ne doit pas empiéter sur le droit des jurés de délibérer en toute liberté sans être influencés par des pressions extérieures. (5) Un juré ne doit pas être encouragé ou exhorté à changer d’avis par simple souci de conformité. (6) Aucune échéance pour parvenir à un verdict ne doit être imposée et le jury ne doit jamais être pressé de rendre son verdict.

Le coût et les inconvénients n’auraient pas dû être mentionnés dans l’exhortation. Cette mention a introduit un facteur extérieur et non pertinent dans les délibérations du jury, et elle était coercitive en ce sens qu’elle faisait sentir aux jurés minoritaires qu’ils devaient se mettre d’accord avec la majorité. C’est un facteur important qui inciterait un juré à faire abstraction du serment prêté et à rendre un verdict fondé sur des considérations autres que la preuve soumise au procès. L’erreur commise ne pouvait pas être corrigée et elle était suffisante en soi pour justifier un nouveau procès. D’autres aspects de cette exhortation mènent à la même conclusion.

La mention d’un avantage que pourraient éventuellement tirer l’accusé et les témoins si un verdict pouvait être prononcé a été désapprouvée à juste titre. En ce qui concerne le plaignant, une telle mention peut incorrectement susciter un sentiment de sympathie dans le processus de raisonnement des jurés, particulièrement à ce stade des procédures. Quant à l’accusé, la mention peut être trompeuse, étant donné qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’accusé qu’un verdict de culpabilité résulte de l’exhortation.

Il n’est peut‑être pas incorrect en soi de suggérer simplement qu’un juré écoute des collègues jurés. Cependant, il n’y a pas lieu de suggérer qu’un juré abandonne, en faveur de l’opinion de la majorité, son point de vue sincère. Une telle directive pourrait bien être interprétée comme un encouragement apporté à la minorité dissidente à se rallier à la majorité tout en continuant d’être en désaccord avec elle. Il serait préférable que le juge du procès évite de présenter la situation comme une confrontation entre parties opposées et qu’il invite plutôt chacun des jurés à poursuivre le raisonnement avec les autres. Une telle invitation doit préciser que les deux côtés devraient s’écouter mutuellement et examiner leurs opinions respectives.

Le fait que le juge du procès a rappelé, à deux reprises, aux jurés qu’ils ne devaient pas manquer à leur serment peut avoir réduit l’incidence de l’exhortation fautive. Néanmoins, les erreurs commises auraient eu un effet cumulatif coercitif sur les jurés. La rapidité avec laquelle le jury est arrivé à son verdict après l’exhortation indique clairement l’importance que le jury a accordée à cette exhortation et démontre qu’elle a eu un effet coercitif sur la minorité qui était manifestement demeurée insensible aux arguments de la majorité.

Les erreurs de droit commises dans une exhortation ne doivent pas être traitées d’une façon différente des erreurs de droit commises dans toute autre directive au jury ou pendant le procès. Toute mention incorrecte dans une exhortation n’entraînera pas nécessairement un nouveau procès. Il faut plutôt considérer l’exhortation dans son ensemble et dans le contexte des procédures. La durée des délibérations, la nature de la question posée par le jury et la durée des délibérations après l’exhortation sont toutes pertinentes. Lors de l’examen de tous ces facteurs, la cour d’appel doit déterminer s’il existe une possibilité raisonnable que les mentions contestées aient eu un effet coercitif sur le jury ou empiété sur son droit de délibérer tout à fait librement, en l’absence de considérations ou de pressions extérieures, ou encore qu’elles aient amené un juré à souscrire à un point de vue qu’il ne partageait pas vraiment. Un modèle d’exhortation a été suggéré.

Le juge du procès a clairement commis des erreurs de droit et l’accusé a droit à un nouveau procès. Étant donné que l’exhortation a pu contraindre irrégulièrement le jury à parvenir à un verdict, le verdict n’aurait pas nécessairement été le même en l’absence de l’erreur commise. La disposition réparatrice du sous-al. 686(1)b)(iii) ne pouvait donc pas s’appliquer.

Les juges L’Heureux‑Dubé et Gonthier (dissidents): L’exhortation devrait viser à encourager les jurés à faire tout leur possible pour parvenir à un accord. Les jurés ne doivent prendre en considération aucun facteur extérieur en rendant leur jugement, et le juge du procès ne doit pas leur demander de le faire. Il appartient au jury, et au jury seul, de parvenir à un verdict sur la seule foi de la preuve présentée.

Les cours d’appel devraient traiter une exhortation de la même manière qu’elles examinent les exposés au jury et elles devraient s’abstenir d’intervenir en l’absence d’une erreur manifeste qui met en question la validité du verdict. Une exhortation ne doit pas s’inspirer d’un modèle rigide, mais doit plutôt être adaptée au jury en présence. Sa nature dépendra d’un certain nombre de facteurs, dont la durée et la complexité du procès, ainsi que des événements qui méritaient l’attention du juge du procès. Pour déterminer si une exhortation est coercitive, il y a lieu de tenir compte de l’effet de toute l’exhortation, et non pas d’un seul élément particulier.

En général, il vaut mieux éviter de mentionner le coût des procès, même si on prend soin de souligner que ce n’est pas là un élément particulièrement important. Une telle mention pourrait porter à croire que le jury doit prendre en considération autre chose que la preuve qui lui a été présentée. Elle ne constitue pas automatiquement une erreur de droit et ce sont les circonstances qui détermineront en grande partie si elle est fatale ou non. Pareille mention n’a pas, à première vue, d’effet coercitif étant donné qu’elle est généralement neutre et ne consiste pas à demander au jury de rendre un verdict de culpabilité.

La mention que le prononcé d’un verdict pourrait être avantageux tant pour l’accusé que pour la plaignante était sans conséquence et se trouvait au milieu d’une longue exhortation. On ne pouvait dire qu’elle avait eu une influence sur les délibérations du jury. Ce n’est que dans les cas où ce facteur a été indûment souligné ou réitéré de façon à susciter de la sympathie pour l’une des parties que l’on a conclu qu’il avait nui au processus de délibération des jurés.

La dernière mention attaquée concernait la directive du juge du procès selon laquelle les jurés minoritaires devraient écouter les jurés majoritaires. L’équité du procès d’un accusé n’est compromise que si la directive du juge du procès indique ou sous‑entend que les jurés minoritaires devraient se rallier à l’opinion de la majorité. Toute mention des jurés minoritaires n’aura pas nécessairement cet effet. Il y a lieu d’examiner chaque énoncé dans son contexte et d’en analyser l’effet potentiel. En l’espèce, le juge du procès n’a pas dit aux jurés minoritaires qu’ils devaient revenir sur leur décision, et toute confusion qui a pu exister a été dissipée lorsque le juge du procès a prévenu les jurés à deux reprises de ne pas manquer à leur serment et leur a rappelé qu’il n’est pas nécessaire que les membres du jury se mettent d’accord.

La rapidité avec laquelle le jury est arrivé à son verdict ne démontre pas l’existence d’un effet coercitif sur la minorité. Ce facteur dépend largement des circonstances particulières de chaque affaire. Si les termes d’une exhortation ne sont pas coercitifs en soi, ils ne le deviennent pas simplement parce qu’un verdict est prononcé peu après. Il y a aussi l’autre possibilité que l’exhortation ait eu l’effet désiré.

Toute mention incorrecte dans une exhortation ne doit pas nécessairement être traitée comme une erreur de droit. Elle doit être examinée eu égard au contexte dans lequel elle a été faite, afin de déterminer s’il existe une possibilité raisonnable que les mentions contestées aient eu un effet coercitif sur le jury ou qu’elles aient empiété sur son droit de délibérer en l’absence de considérations extérieures. Toute erreur qui peut avoir été commise en l’espèce n’était pas susceptible de contraindre des jurés à manquer à leur serment.

Un modèle d’exhortation serait souhaitable pour faire face aux cas fréquents où un jury est dans l’impasse, en l’absence d’autres problèmes. Les juges du procès doivent se sentir libres d’y déroger si nécessaire.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : G. (R.M.)

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Cory
Arrêts examinés: R. c. Sims, [1992] 2 R.C.S. 858
Walhein (1952), 36 Cr. App. R. 167
Shoukatallie c. The Queen, [1962] A.C. 81
Watson (1988), 87 Cr. App. R. 1
R. c. Accused, [1988] 2 N.Z.L.R. 46
R. c. Littlejohn (1978), 41 C.C.C. (2d) 161
R. c. Alkerton (1992), 72 C.C.C. (3d) 184, conf. par [1993] 1 R.C.S. 468
arrêts mentionnés: Azoulay c. The Queen, [1952] 2 R.C.S. 495
Colpitts c. The Queen, [1965] R.C.S. 739
R. c. Brydon, [1995] 4 R.C.S. 253
Penn and Mead’s Case (1670), 6 How. St. Tr. 951
Davey (1960), 45 Cr. App. R. 11
Isequilla (1974), 60 Cr. App. R. 52
R. c. Palmer, [1970] 3 C.C.C. 402
R. c. Isaac (1979), 48 C.C.C. (2d) 481
R. c. Nielsen and Stolar (1984), 16 C.C.C. (3d) 39
Black c. The Queen (1993), 179 C.L.R. 44
R. c. R. (R.) (1994), 91 C.C.C. (3d) 193
R. c. Flesh (No. 2) (1993), 23 B.C.A.C. 194.
Citée par le juge L’Heureux‑Dubé (dissidente)
R. c. Littlejohn (1978), 41 C.C.C. (2d) 161
R. c. Robinson, [1996] 1 R.C.S. 683
R. c. Brydon, [1995] 4 R.C.S. 253
R. c. Halliday (1992), 77 C.C.C. (3d) 481
Watson (1988), 87 Cr. App. R. 1
Buono (1992), 95 Cr. App. R. 338
R. c. Tennant, [1989] 2 N.Z.L.R. 271
R. c. Isaac (1979), 48 C.C.C. (2d) 481
R. c. Jackson, inédit, C.A., Div. crim. (Angl.), 9 mars 1988
R. c. Accused, [1988] 2 N.Z.L.R. 46
R. c. Alkerton (1992), 72 C.C.C. (3d) 184
R. c. R. (R.) (1994), 91 C.C.C. (3d) 193
Shoukatallie c. The Queen, [1962] A.C. 81
R. c. Palmer, [1970] 3 C.C.C. 402
R. c. Nielsen and Stolar (1984), 16 C.C.C. (3d) 39
R. c. Sims, [1992] 2 R.C.S. 858.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 686(1)a)(ii), (iii), b)(iii).
Criminal Justice Act 1967 (R.‑U.), 1967, ch. 80, art. 1.
Doctrine
Petit Robert 1. Paris: Le Robert, 1995, «exhorter».

Proposition de citation de la décision: R. c. G. (R.M.), [1996] 3 R.C.S. 362 (3 octobre 1996)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1996-10-03;.1996..3.r.c.s..362 ?
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